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Dans le vaisseau-cargo parti de Zeltros et dont la prochaine escale, après Umbara, serait New Apsolon, les derniers bulletins des HoloNews tournaient en boucle. À côté des soutes à cargaison, là où les caisses à destination des principales planètes de l’Espace Hutt s’entassaient, des salles communes avaient été aménagées au petit bonheur la chance dans la carlingue et c’était là que les marchands — si l’on pouvait dire — entassaient la douzaine de passagers qu’ils acheminaient régulièrement, entre la République et l’Espace Hutt, pour rentabiliser les voyages.

Atalan ne prêtait qu’une attention distraite aux dernières nouvelles. On y parlait des affaires du Sénat et des problèmes d’approvisionnement du Noyau. C’était les marronniers de l’actualité. Ce qui occupait les pensées du jeune Maître, c’était bien moins les problèmes présents que ceux du passé. Seize ans qu’il n’avait pas vu Eptan Shir, l’humain de Pantolomin, qu’il avait rencontré avec Alyan Mohn, son ancienne maîtresse, dans la Bordure Extérieure. Seize ans sans nouvelle — ni sans chercher à en avoir, il devait bien l’avouer — et voilà que Shir lui envoyait un message mystérieux et laconique, lui demandant de le rejoindre sur New Apsolon.

Le vaisseau-cargo se mit à trembler. Les vibrations allaient croissant : c’était le signe de l’entrée dans l’atmosphère pour ce vieux corellien qui n’en était plus à ses beaux jours. Par prudence, Atalan boucla son harnais, assis sur l’un des sièges hors d’âge qui longeaient les cloisons. Personne ne prêtait attention à lui. Rien, dans sa tenue, n’annonçait le Jedi et puis, à mesure qu’on pénétrait dans l’Espace Hutt, les gens apprenaient à garder leur regard prudemment perdu dans le vague, là où ils ne risquaient d’en croiser aucun autre. Une rixe stupide était si vite arrivée.

Shir le pilleur de tombes. Que diable était-il venu faire sur New Apsolon ? Y avait-il là des artefacts qui avaient échappé à la prédation des Siths, des Ombres et, entre les deux, d’Alyan Mohn elle-même ? Car il devait bien s’agir d’un artefact. Pour quelle autre raison l’aurait-il appelé ? Ou peut-être était-il simplement en danger. Après tout, Shir ne se faisait pas une spécialité de l’alchimie sith. Il trouvait ce qui avait de la valeur et il le revendait, indifférent à l’utilité ou l’inutilité de l’objet. Simple parure funéraire aux fonctions purement décoratives ou dangereux holocron, pour lui, c’était du pareil au même.

Atalan inspira profondément et calma ses pensées. Les spéculations étaient inutiles. Le vaisseau-cargo commençait son approche horizontale pour se porter au niveau de l’astroport. Shir lui donnerait bientôt lui-même les réponses à ses interrogations : ils avaient rendez-vous une heure plus tard dans un hôtel de la capitale.

*

— Les affaires ne doivent pas payer tant que ça si tu en es réduit à descendre dans des bouges pareils.

Shir haussa les épaules. Son hôtel tenait plutôt de la maison de passe, à demi-enterrée dans les sous-sols de la ville, dans un quartier peu recommandable. À la frontière de l’Espace Hutt, New Apsolon avait la réputation d’être un monde encore un peu civilisé, une sorte de compromis entre la jungle criminelle qui s’étendait d’un côté et la civilisation républicaine qui régnait de l’autre, mais Shir semblait avoir mis un point d’honneur à choisir un refuge qui tenait plutôt de la première que de la seconde.

La voix un peu mécanique du pilleur de tombes répondit d’un ton nerveux :

— La discrétion, c’est mieux que le luxe. Où est Mohn ?

Shir était un homme d’une quarantaine d’années, solidement bâti, et dont le visage buriné et bronzé témoignait d’une existence rude passée à déterrer les trésors enfouis ici ou là. On le reconnaissait généralement à la sorte d’écharpe qu’il portait toujours autour du cou, faite de la laine grossière d’on ne savait trop quel ruminant, et qui dissimulait le modulateur sonique qui remplaçait ses cordes vocales, perdues dans une bagarre de taverne sur Nar Kaaga, qui avait bien failli lui coûter la vie.

— Morte.
— Ah.

Ce fut, en somme, toutes les condoléances que Shir présenta. Hésitant, l’homme demanda :

— Et tu es capable de gérer ça ? La dernière fois que je t’ai vu…
— C’était il y a longtemps, coupa Atalan.

Il se tourna vers Shir et le pilleur était certain que le Miraluka le fixait. Il ne savait pas trop comment, sans yeux, mais il sentait l’attention du Jedi concentrée sur lui.

— Tu as changé de modulateur. Celui-ci vaut à peine la moitié de l’autre.

Shir, une nouvelle fois, haussa les épaules.

— Les temps sont durs.

Et Atalan, lui, était soupçonneux. Il gardait d’Eptan Shir l’image, si l’on pouvait dire, d’un homme bravache et assuré, jovial surtout, très différent du nerveux préoccupé de discrétion qui lui faisait face. Shir allait et venait dans la chambre, peu soucieux, de toute évidence, de dissimuler son agitation à un Jedi qu’il savait de toute façon plus perspicace qu’il n’était lui-même bon menteur.

— Quelqu’un cherche à vendre une relique au marché noir, ici.

Silence.

— Un sabre, à ce qu’il parait, un très vieux sabre-laser, avec la garde toute gravée de symboles. Certains disent que les symboles font une carte. Le sabre ne marche plus, encore que, je suppose qu’il suffirait de le réparer, mais la carte, ça, c’est du gravé, c’est du solide.

Silence.

— Ça vient direct de Korriban.

Silence.

Atalan flairait l’entourloupe. Un mystérieux sabre tiré des profondeurs de l’Empire Sith, au nez et à la barbe des Seigneurs, pour échouer à la bordure de l’Espace Hutt et être vendu au marché noir comme un vulgaire témoignage d’une époque depuis longtemps révolue ? Une carte au trésor qui prenait les allures d’une bonne affaire inespérée ? Il y avait anguille sous roche.

— Dis donc, tu t’es pas amélioré dans l’art de la conversation.
— Tu me mens, Eptan.

Shir eut un rire nerveux qui ressemblait à s’y méprendre aux bips d’initialisation d’un vieux droïde pour chasseur.

— Comme si j’étais assez bête pour mentir à un Chevalier Jedi.

Maître — mais Atalan jugea plus prudent de ne pas le corriger. Eptan lui cachait quelque chose, c’était évident, et à en juger par son comportement, le pilleur de tombes jouait là à un jeu dangereux. Il était fuyant, cependant, et Atalan jugea qu’il en apprendrait sans doute plus en rentrant lui aussi dans la partie.

— Et tu as prévenu l’Ordre par bonté de cœur ? Patriotisme républicain ? Quelque chose comme ça ?
— Je me dis qu’il y aura bien une sorte de petite compensation.

Comme si Eptan Shir se contentait des « petites compensations ». Atalan hocha lentement la tête.

— Je vois.
— Ah bon ?
— Façon de parler.

Atalan fit un signe de tête en direction de la porte.

— Je te suis. Allons voir ce fameux sabre. Tu me diras les détails sur le chemin.

Et alors qu’ils quittaient la chambre, Atalan ne se doutait pas encore que sa curiosité n’avait pas été la seule à avoir été piquée.
Etiam Benhult
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Après un dernier vrombissement de réacteur, le Baladin s’immobilisa sur la piste d’atterrissage. Le cargo Corellien, malgré ses milliers d’heures de vol, avait encore relativement fière allure. Ses moteurs se turent progressivement, accompagné par le chant de la carlingue en plein refroidissement. Encore un peu et la rampe s’abaissa. En haut de celle-ci apparût Etiam, drapé dans son grand manteau gris. Il embrassa d’un rapide regard l’astroport de New Apsolon puis donna ses dernières instructions à son droïde. Puis il descendit. Les anneaux d’or torsadés qui pendaient de ses oreilles oscillaient au gré de sa marche hâtive. Un brin d’excentricité dans sa mise terne et fonctionnelle. Dans son dos, il entendit la rampe se refermer. Le rugissement d’un vaisseau en train de décoller l’assourdit, le poussant d’autant plus en avant. Il se mêla au flot des voyageur. La consultation d’un plan accroché au mur lui donna la direction de la sortie. Cette dernière atteinte, il fut satisfait de tomber directement sur la cantina qu’il cherchait. Il y pénétra. Gorian était là, comme prévu.

Gorian Cazar, son ami d’enfance et depuis près de quinze ans son collègue mercenaire, était un humain massif et plutôt charismatique. Le teint mat, les cheveux châtains ramenés en catogan, les épaules et la mâchoire carrées, son accoutrement de baroudeur lui allait comme un gan. Le Corellien typique pouvait-on dire en somme. Accoudé au comptoir, il sourit à l’intention du Drall et commanda deux bières. Le barman le servit sur l’instant. Ils semblaient bien s’entendre ses deux là.

« Tu as failli être en retard, dit Gorian en tendant une des bière.
- Failli seulement. Tout était calculé, rétorqua Etiam en prenant la bière et en la décapsulant.
- Mais oui, c’est ça. À d’autre. »

Ils se serrèrent la main chaleureusement. Cela faisait tout de même deux mois qu’il ne s’étaient pas vu. Chacun menait ses petites affaires dans son coin mais il finissait toujours par se retrouver tôt ou tard. Parce qu’ils savaient pouvoir compter l’un sur l’autre.

« Alors, qu’est-ce qui t’est arrivé ? reprit Gorian en entamant sa propre bière.
- Ho, une merde dans mon moteur. Trois fois de suite que un sous-système plante. Ça rend fou mon ordinateur de bord. Je commence à croire que mes talents de meccano ne vont pas suffire.
- Je jetterai un coup d’œil. Et Sildi, elle est pas là ? Je commençais à croire que c’était ton ombre.
- Non, le voyage n’était pas à son goût.
- Ha, les filles...
- C’est surtout qu’elle pouvait se faire du fric ailleurs.
- Vous êtes en concurrence ?
- T’es fou ! Elle me battrait à plat de couture ! Mais ne lui dit jamais que je t’ai dit ça, ça lui donnerait la grosse tête.
- Je note, je note... »

L’air de rien, les deux amis se retirèrent dans un coin et ils se mirent à parler plus bas, ne souhaitant guère être entendu par la clientèle variée de l’établissement.

« Tu as pu te renseigner ? fit Etiam.
- Oui, et même parler au gars. Il est un peu parano et demande un prix exorbitant, mais ça devrait marcher, si on se dépêche.
- C’est cool. Alors, dépêchons-nous.
- J’espère qu’on ne s’embarque pas dans une sale affaire.
- Et c’est toi qui dit ça ! Je suis surpris d’ailleurs, tu n’as pas de nouvelle cicatrice. »

C’était exact, le visage buriné de Gorian ne portait pas de marque récente de baston, contrairement à la dernière fois. L’humain et le Drall reposèrent leurs bières vides sur le comptoir et sortirent. Si la Lame d’Or se trouvait à New Apsolon, c’était pour mettre la main sur un vieux sabre laser exhumé, d’après la rumeur, à Korriban. Les gravures sur son manche pouvaient représenter un grand intérêt pour le Jedi Gris perpétuellement en quête de savoir au sujet des innombrables facettes de la Force. Sans ses nombreux contacts dans l’espace Hutt, il serait passé à côté de cette opportunité. Comme quoi, les relations, c’était essentiel. Le duo prit la direction du marché noir...
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Le landspeeder louvoyait dans la circulation parfois un peu anarchique des bas quartiers de New Apsolon. Manifestement peu préoccupé par le trajet qu’ils adoptaient, Atalan était retombé dans le mutisme qui lui était si caractéristique. Shir, à vrai dire, avait toujours été incapable de décrypter les expressions des Miralukas — tout du moins de ceux qui, comme Atalan, étaient un peu taciturnes. On ne savait jamais ce qu’ils regardaient, s’ils regardaient, ce à quoi ils faisaient attention, ce qui avait retenu leur esprit. Atalan était peut-être en train de l’examiner ou de dormir : Shir n’aurait pas fait la différence.

Le Maître Jedi, en vérité, étudiait soigneusement son contact. Le comportement de l’humain lui paraissait fort suspect. Toute cette histoire avait un arrière-goût de mauvais holodrama, du genre de ceux que l’on diffusait les après-midi sans école aux enfants ennuyés de Coruscant. Même au Temple, sur Ondéron, quand on était Padawan, on entendait des récits de ce genre, des cartes au trésor qui prenaient les formes les plus diverses et qui conduisaient, selon le narrateur, de courageux Jedis, de terribles mercenaires ou un mélange des deux vers des aventures incroyables aux confins de la Galaxie.

— Euh… T’es réveillé ?
— Bien sûr.
— C’est pas évident, hein.

Le landspeeder était en train de ralentir.

— On est bientôt arrivés. Faudrait voir à pas trop te la jouer Jedi là-dedans, vous êtes pas vraiment populaires.
— J’imagine. D’où la tenue.

Son sabre-laser n’était pas visible et il avait adopté des vêtements de voyageurs, un pantalon sombre, des bottes de marche, un haut beige fait de tissus superposés et croisés les uns sur les autres, en diagonale, dans les tons beiges, avec un manteau marron. Le genre d’accoutrement ni trop neuf, ni trop vieux, ni trop luxueux, ni parfaitement défraîchi, qui permettait de se fondre dans la population. Nulle trace de son sabre-laser, dissimulé dans les replis de son haut.

Shir arrêta le speeder dans une ruelle à peu près déserte, d’où montaient les effluves âcres d’une cuisine en arrière-boutique.

— Tiens.

Le pilleur de tombes tendit un blaster à son passager.

— Un mec pas armé est toujours plus suspect qu’un mec avec un flingue, dans ce genre d’endroits.

Atalan attrapa le blaster et le fixa à sa ceinture puis ils descendirent du speeder et s’engagèrent dans les rues. La population bigarrée, typique des grandes villes et peut-être plus encore de l’Espace Hutt, allait et venait sans leur prêter attention. On reconnaissait bien là des marchands de toutes origines, des mercenaires dont la carrure et le visage annonçaient les hommes de main à la recherche d’un emploi lucratif, des prostituées pas très discrètes qui, même en plein jour, cherchaient à racoler le client. Ce qui était le plus remarquable, sans doute, c’était l’absence de toute forme d’autorité bien définie, même si Atalan ne doutait pas que parmi tous ces gens, il y avait les yeux, les oreilles et les muscles de quelque baron — ou baronne — du crime local.

Le marché noir, à proprement parler, n’était pas un lieu précis : dans d’innombrables échoppes, sur les cinq ou six niveaux qui les entouraient, à deux ou trois kilomètres à la ronde, on pouvait trouver tout et n’importe quoi. Dans certains appartements reculés, dans des officines, pour ainsi dire, qui n’avaient pas pignons sur rue, il était même possible de mettre la main sur les cargaisons les plus suspectes. D’autres boutiques, en revanche, assuraient un commerce parfaitement légal. Des caisses de fusils blasters fraîchement détournées d’une cargaison républicaine et qui n’attendaient que quelque guérillero de passage pour retrouver leur utilité aux « babioles à touriste » — une expression qui désignait plutôt les babioles qu’on volait aux touristes que celles achetées par ces derniers —, on trouvait de tout.

Un regard naïf n’aurait donc rien vue dans ces rues mais Eptan Shir, lui, savait exactement où ils allaient. Il finit par pousser le lourd rideau qui barrait l’entrée d’une échoppe dont l’enseigne noirâtre indiquait, dans un Basic approximatif, « Antikités ». À l’intérieur, sur des étagères inégales et sur des tables branlantes, on avait entassé des trésors d’objets inutiles : des lampes à huile des déserts de Tatooine, de vieux coupleurs pour des modèles de chasseurs qu’on n’utilisait plus nulle part, des datapads de collection qui ne fonctionnaient plus depuis longtemps.

L’échoppe s’était présentée d’abord d’un coup à l’esprit du Miraluka, avec son encombrement transparent, dans lequel la Vision de Force passait sans s’arrêter. C’était un monde translucide qui ne fixait pas spontanément son attention. Il voyait mieux Eptan ou le vieux Bothan à son comptoir, au-delà des murs, à l’étage, dans une sorte de cuisine, celle qui devait être l’épouse du commerçant. Les cafards qui couraient sur les murs. La vie. Il concentra son attention sur un espace plus réduit, alors qu’Eptan Shir avançait vers le Bothan.

Le Bothan grimaça en reconnaissant son visiteur.

— Riskir.
— Ah, Eptan, Eptan, Eptan. Eptan.
— On vient pour tu sais quoi.

Le Bothan jeta un regard nerveux à Atalan.

— Lui, je ne connais pas.
— Lui, c’est le client.
— Ça ne change pas grand-chose au fait que je le connaisse ou non.

Après avoir un tour dans la boutique, Atalan s’approcha du comptoir à son tour. D’une voix calme mais un brin menaçante, décidé à exploiter la nervosité manifeste du Bothan, il murmura :

— On m’a promis quelque chose.
— Oui, oui, oui.

Sous le comptoir, la main de Riskir cherchait un blaster. Vendre un sabre sith attirait des clients peu recommandables et il n’avait jamais aimé annoncer les mauvaises nouvelles.

— Je ne ferais pas ça si j’étais vous.

La main du Bothan se figea.

— Bon, écoutez, c’est pas pour être contrariant, mais il faut bien que je vous le dise. Le sabre, là, je ne l’ai pas.

Eptan pâlit d’un coup.

— Comment ça, pas ?
— Pas comme pas du tout.

Le poing de l’humain s’abattit sur le comptoir et le vieux Bothan sursauta.

— Ce n’est pas ce que nous avions dit.
— J’ai dit que je pouvais me le procurer mais le gars exige un prix exorbitant et je ne vais pas investir là-dedans si je ne suis pas sûr d’avoir un acheteur. Comme tu n’avais pas l’air très décidé, j’ai jugé plus sage de ne pas avancer la somme. Je ne pensais pas que tu referais ton apparition avec un… euh… client.
— Mais l’article est toujours à vendre ?
— Ah.

Le Bothan se fourra un doigt dans l’oreille et la gratta avec application.

— Oui et non. Je ne sais pas trop. Il parait qu’un Corellien s’intéresse à la question et qu’il est prêt à payer. C’est peut-être déjà vendu.
— Donc, vous m’avez fait perdre mon temps.

Comme, par définition, le Miraluka ne regardait personne, Riskir et Shir n’étaient pas sûrs du destinataire de la remarque. Le Bothan, quasi convaincu qu’il avait affaire à un Sith, était à deux doigts de la conversion religieuse aux portes de la mort.

— Je peux… je peux toujours chercher le gars, le contacter, pour que vous vous arrangiez directement avec lui…

Atalan hocha lentement la tête.
Etiam Benhult
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« Ça t’as l’air sérieux, cette histoire ? » demanda Etiam qui se cramponnait derrière Gorian.

Ce dernier conduisait le landspeeder biplace de manière très sportive. C’était à se demander si le pilote qu’il était pouvait ne serait-ce que concevoir la perspective d’une allure modérée. Le Drall n’allait pas se plaindre. Il aimait la vitesse. Il aimait l’air sifflant aux oreilles et les virages millimétrés. Cela lui rappelait les courses à Corellia. D’ailleurs s’il avait eu sous la main son propre engin, et s’il avait su où se situait le marché noir, il y aurait eu course, assurément.

« Bah, ce sera à toi de voir. Les antiquités, c’est pas mon truc.
- Non mais je veux dire, le type, il t’a fait quelle impression ?
- L’impression d’être louche. Genre j’irais pas dans son commerce sans mon blaster.
- En même temps, est-ce que tu vas quelque part sans ton blaster ?
- Non mais tu vois ce que je veux dire.
- Je vois, je vois. Bref, un type louche. »

Gorian se concentra pour négocier une série de virages. Les axes de circulation se réduisaient, se densifiaient, le contraignant à freiner sa folle allure. Pas assez pour que le manteau gris du Jedi renégat ne cesse de voler dans son sillage.

« Mais de ce que j’ai pu apprendre, reprit l’humain, c’est pas la première fois qu’il vend des curiosités. Et pas la première fois qu’on cherche à lui faire la peau. Je pense que pour lui, tout à un prix, surtout ce qui ne devrait pas en avoir.
- Ok, charmant tableau. Peut-être que tout ça ne sera pas une perte de temps. Mais s’il s’avère que je me suis planté, je m’excuse d’avance. Comme je te l’ai dit dans mon message, j’ai vraiment rien pu vérifier. Je m’enflamme peut-être pour du vent.
- Qui ne tente rien n’a rien. Par contre, me fais pas le coup de te tirer juste après.
- T’inquiète. Il y a des trucs sympas à faire sur New Apsolon ?
- Il y a un bordel qui vaut le coup. »

Lame d’Or considéra la prostituée qui faisait signe aux passants. Elle ne l’inspira pas trop. Le duo se trouvait désormais dans les bas-fonds de la ville. Ce n’était pas aussi sordide que le Drall s’y attendait, lui qui avait fréquenté les profondeurs fangeuses de Coruscant. Gorian compléta :

« Rien à voir avec les épaves qu’on croise. Un truc pas mal huppé pour gens friqués. Sinon, il y a le holocinéma. Il parait qu’un film pas mal vient de sortir. L’Éveil de la Force, un nom dans ce genre. C’est une espèce de film d’anticipation. Bon, on est arrivé. »

Le landspeeder s’immobilisa en bordure d’un magasin à la mine fort banale. Son enseigne annonçait "Le Farfouilleur" dans une typographie plutôt recherchée. Par la vitrine se laissait admirer une variété de pièces détachées ainsi que des outils de bricolage, de mécanicien et même certains appareillages propres à des domaines spécialisées. Le Drall repéra par exemple un kit de soudure adapté au vide spatial et un datapad capable de convertir le charabia binaire d’un ordinateur de bord. Rien d’illégal à priori dans ses marchandises. Gorian, machinalement, sortit un tournevis, ouvrit un petit compartiment du landspider et retira une pièce du démarreur. Simple et pourtant tellement mieux qu’un antivol si perfectible. Le compartiment refermé, le duo entra dans le magasin. Deux personnes se trouvaient au comptoir. Un Wookie charger de décourager les vandales, voir d’avantage, et un proche humain au teint cireux mais à l’air aimable qui s’occupait des transactions. Cette affabilité se volatilisa sitôt que le commerçant reconnu Gorian. Ses yeux se braquèrent sur Etiam qui demeura de marbre.

« On vient voir le Brocanteur », dit simplement Gorian.

Le commerçant fit un signe en direction de la porte du fond et il pressa sur un bouton dissimulé derrière le comptoir pour avertir le patron. Le Corellien et le Drall franchirent la porte. La boutique n’était qu’une couverture pour l’intriguant Brocanteur...
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— C’est là. Ça s’appelle Le Farfouilleur.

Le Bothan avait eu une brève conversation, au comlink, avec un intermédiaire du Brocanteur et il avait réussi à obtenir un rendez-vous pour ses deux clients mécontents. Facilement. Très facilement, même. Peut-être que le Brocanteur cherchait simplement à faire monter les prix. Peut-être qu’il y avait une autre raison à cette curieuse disponibilité. En tout cas, Riskir avait indiqué à l’humain, sur une carte holographique, la situation du Farfouilleur et Atalan et son compère avaient finalement quitté la première boutique pour rejoindre la seconde.

Elle n’était pas très loin, à peine quelques minutes de marche dans les rues animées du quartier. Occupé à surveiller les émotions fluctuantes d’Eptan Shir, Atalan laissait son instinct faire le tri entre les théories que son esprit échafaudait pour expliquer le comportement de l’humain. Eptan avait vraisemblablement quelque chose à gagner de cette transaction, quelque chose de plus substantiel que de l’argent, sans quoi il aurait acheté probablement le sabre pour le revendre lui-même, ailleurs, comme il avait fait si souvent avec tant d’autres artefacts. Devant la nervosité constante de son acolyte, Atalan en venait à se demander si ce qu’Eptan cherchait n’était pas tout simplement un garde du corps.

Le Farfouilleur ne tarda pas à se présenter à eux. Comme la plupart des boutiques du coin, l’échoppe présentait à la rue une vitrine tout à fait conventionnelle. À peine eurent-ils franchi la porte cependant qu’Atalan sut qu’ils étaient au bon endroit : dans la Vision de Force d’un Miraluka, Etiam Benhult était comme un phare au milieu de l’obscurité, à travers la matière inerte des objets et des murs. La Force vibrait en lui comme une pulsation vitale.

— Nous ne sommes pas seuls.

Au murmure d’Atalan, le murmure d’Eptan répondit du tac-au-tac :

— Oui, je vois, merci. Y a un Wookie de deux mètres trente qui nous regarde fixement, c’est difficile de le manquer.
— Non, derrière le Wookie. Derrière les murs. Il y a quelqu’un

Eptan pâlit d’un coup. Dans un souffle, il interrogea :

— Un Sith.
— Je ne crois pas. Quelque chose de différent. Quelque chose de rare.

Les Jedis gris n’étaient pas légion dans la Galaxie et, d’ailleurs, Atalan n’en avait jamais rencontré personnellement. Ses deux maîtres lui avaient parlé, en des termes évidemment fort différents, de ces indépendants qui avaient abandonné l’Ordre ou ne l’avaient jamais connu, et qui couraient l’aventure d’un monde à l’autre, parfois guère différents d’un Jedi hétérodoxe, parfois beaucoup plus proches du Côté Obscur.

La Force que le Maître sentait non loin de là n’était pas si sombre qu’il crût avoir affaire à un Sith. Il était familier de la corruption du Côté Obscur. Il avait appris à la reconnaître comme un symptôme, par la force des choses. Un curieux équilibre. Si Etiam, que quelques années à peine séparaient d’Atalan, n’avait pas atteint une maîtrise toute personnelle de la voie du Clair-Obscur, Atalan, qui l’avait croisé sans doute à plusieurs reprises, quand ils étaient tous les deux en formation au Temple d’Ondéron, l’aurait peut-être reconnu. Mais bien des années et bien des aventures s’étaient passées.

En tout cas, Eptan n’était pas très rassuré. Il inspira profondément cependant et s’approcha du comptoir pour prononcer la phrase désormais traditionnelle :

— On vient voir le Brocanteur.

L’employé fit un signe vers la porte du fond, encore une fois, et pressa son bouton.

Pendant ce temps-là, dans un immeuble non loin de là, une jeune femme fixait l’hologramme de surveillance avec une intensité fiévreuse. Son compagnon lui non plus ne paraissait pas tranquille.

— Tu es vraiment sûre de toi ?

Elle hocha la tête. De l’index, elle caressait le bouton qui activerait le compte-à-rebours. Les victimes collatérales ne le préoccupaient pas. Depuis longtemps déjà, la pure logique et la morale tenaient une moindre place dans ses plans. La vengeance était une puissante motivation mais elle n’était pas une excellente conseillère.

— Ça se trouve, aucun de ces quatre types n’est un Sith. Enfin, si le truc poilu est un homme.
— C’est un Drall. Bien sûr que ce sont des Siths.
— C’est peut-être juste des mecs qui spéculent sur les artefacts.
— Alors ils auraient dû spéculer ailleurs.

Au pire, pour elle, ce serait tout au plus une petite déception. Mais des gens qui cherchaient à se faire de l’argent en trafiquant des reliques — ou pseud-reliques — Siths ne valaient pas beaucoup mieux que les Siths eux-mêmes et ce serait toujours ça de moins dans la Galaxie.

Elle n’attendait donc plus que les deux derniers arrivants s’approchent du sabre pour déclencher l’explosion.
Etiam Benhult
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La porte arrière du Farfouilleur conduisait à une pièce annexe, un entrepôt de taille modeste. Les marchandises qui y étaient stockés alimentaient le magasin. Il était possible d’y trouver quelques articles illégaux mais cela faisait encore partie de la couverture. Quel commerce, en ce quartier, n’avait rien à cacher ? Un homme de main restait dissimulé derrière les caisses. Si quelqu’un pénétrait ici sans que le commerçant au comptoir n’ait pressé son fameux bouton, la sentinelle était chargée de l’intercepter ou de l’éliminer. C’était selon l’humeur du moment. Au fond de l’entrepôt, il y avait une autre porte. Derrière, un escalier plutôt raide menait à la cave. C’était là, caché derrière une troisième porte, blindée celle-ci, que se trouvait le véritable antre du si controversé Brocanteur. L’endroit était aménagé de façon fort convenable. Les murs étaient recouverts de boiseries synthétiques ressemblant furieusement à du bois authentique dûment verni. Le sol était recouvert d’un tapis vert foncé et du plafond pendait des luminaires en verre diffusant une douce lumière. Douce était également la musique classique qu’un appareil mural dispensait à bas volume, juste pour couvrir le son de la ventilation jugé inharmonieux par le maître des lieux. Le mobilier paraissait provenir des quatre coin de la galaxie. Les styles se mélangeaient avec audace, achevant de conférer au repaire une ambiance unique.

Unique mais discutable. Etiam, qui était familier du domaine artistique, qui faisait lui-même preuve de recherche esthétique en des endroits et des moments appropriés, aurait apporté de nombreuses modifications. À chacun ses goûts et en discuter n’était pas l’objet de sa visite.

« Spécial ce type, souffla-t-il simplement à Gorian.
- Ouais, spécial, je confirme.
- Messieurs, soyez les bienvenus ! déclara avec courtoisie un homme qui ne pouvait qu’être le Brocanteur en personne. Je vous en prie, avancez-vous, mais évitez les gestes brusques. »

Le duo traversa la manière de vestibule et émergea dans le bureau du mystérieux individu. Le Brocanteur portait un costume mondain qui le mettait à son avantage. Une calvitie précoce avait dégarni son crâne, mais il conservait une couronne de chevelure brune peignée avec soin. Une fine moustache, des lèvres tout aussi fines, un nez d’aigle, un regard de fouine... il mélangeait les traits d’un intellectuel, d’un voyageur émérite et d’un nerveux chronique. En somme, il était à l’image de son antre : atypique. Assis dans un grand fauteuil, derrière une large table, il avait joint les mains et ne semblait pas décidé à se lever pour accueillir les visiteurs. Dans un angle de la pièce, un droïde au revêtement chromé montait attentivement la garde. Chacun de ses bras laissait voir un blaster intégré. Le reste de la salle paraissait sorti tout droit d’un musée. Des vitrines permettaient d’admirer des reliques aussi diverses que variées.

« Il serait excessif de vous demandez de renoncer à vos armes, reprit le Brocanteur. Nous vivons dans un monde dangereux et vous avez le droit de vous méfier, tout autant que je me méfie de vous. Le droïde ici présent n’est pas la seule sécurité dont je m’entoure. Vous voilà prévenu. »

La Lame d’Or croisa les bras, placide.

« Je viens pour le sabre comme vous devez déjà le savoir. Où est-il ? Nous vivons dans un monde plein d’escrocs et j’ose espérer ne pas en avoir un devant moi.
- Si vous vous permettez cette remarque, c’est que ma réputation n’est pas arrivée jusqu’à vos oreilles, Lame d’Or. J’en suis peiné. Sachez que si j’ai recours à l’arnaque pour me fournir en marchandises uniques, j’ai toujours été réglo avec mes clients. Voici le sabre. »

Le Brocanteur ouvrit un tiroir, après l’avoir déverrouillé, et en sortit un écrin qu’il déposa sur la table. Il l’ouvrit et le fit pivoter face à ses invités. Il contenait effectivement un manche de sabre laser. Apparemment en métal, des gravures couvraient sa surface. Le Drall tira à lui une chaise et monta dessus afin d’avoir un point de vue acceptable. Cette action fit se braquer sur lui les capteurs du droïde.

« Je ne vois qu’un morceau de fer gravé. Me permettez-vous de l’examiner ?
- Non. C’est un sabre laser, vous ne pouvez le nier. Sa valeur vient de ses gravures. Si vous les découvrez en détail, aurez-vous encore besoin d’acheter cet objet ? J’en doute.
- Quel est votre prix ?
- 50000. Mais peut-être qu’il va monter. D’autres gens sont intéressés. Ils sont en train d’arriver. »

Gorian tiqua. Etiam manifesta une contrariété certaine. Méfiant, il ouvrit son esprit à la Force et perçut l’approche d’un initié, quelqu’un d’expérimenté. Et cela lui déplut encore d’avantage.

« Ce n’était pas prévu comme ça, gronda Gorian.
- Je croyais que vous étiez réglo ? lâcha la Lame d’Or avec sarcasme.
- J’ai mes règles, celles des affaires. Il faut bien que je gagne ma vie. »

Le silence tomba et il fut particulièrement pesant.
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— Peut-être qu’il est temps.

Ils traversaient à pas lents un petit entrepôt, après avoir pénétré dans l’arrière-boutique, comme s’ils s’attendaient d’une seconde à l’autre à se faire agresser par un gang de Jawas drogués aux épices. Eptan jeta un coup d’œil au Miraluka. S’il y avait bien un truc qu’il détestait chez les Jedis, c’était l’impression qu’ils dégageaient d’être relativement indifférents aux aléas de la situation.

— Temps de quoi ?
— Dire ce que tu caches. Avant qu’un piège éventuel ne se referme sur nous.

De piège, Atalan n’en percevait pas mais, très franchement, il se méfiait de ce genre d’intuitions. Il avait dit cela plutôt pour faire craquer Eptan que sur la foi d’un pressentiment quelconque. L’humain secoua la tête et, alors qu’ils s’engageaient dans les escaliers, il répondit :

— J’vois pas de quoi tu parles.

Atalan ne répliqua rien. De toute façon, ils étaient arrivés. Comme souvent, l’aspect des lieux intéressa moins le Miraluka que les personnes présentes et, éventuellement, le droïde qui montait la garde. Alors que le Brocanteur laissait un sourire satisfait se dessiner sur ses lèvres, de toute évidence nullement impressionné à la perspective de réunir dans son bureau deux adeptes de la Force aux centres d’intérêt douteux, l’attention d’Atalan se concentra d’abord sur le Drall.

— Eh bien, il semble que notre petite assemblée soit au complet. Monsieur Shir, c’est un plaisir de vous rencontrer enfin. Votre réputation de… hm, archéologue vous précède. Je ne crois pas cependant connaître votre ami.
— C’est, hm…

Eptan ne savait pas trop si Atalan souhaitait conserver son anonymat.

— Atalan Pirin.

En compagnie d’un autre adepte de la Force, le jeu des faux-semblants lui paraissait futile.

— Ce nom, je le crains, ne m’est pas familier.
— Vous m’en voyez ravi.

Et c’était sincère : Atalan espérait de tout cœur ne jamais connaître la popularité de certains des Jedis de sa génération, de son amie Alyria surtout. Naturellement, son aura dans la Force, toute entière nimbée du Côté Lumineux, ne devait laisser guère de doute au Drall quant à son appartenance. Atalan, lui, était bien loin de pouvoir nourrir les mêmes certitudes : le Drall ne lui donnait l’impression ni d’être un Sith, ni d’être un Jedi, mais comment en être sûr ?

— Comme je le disais à vos, eh bien, si je puis dire, concurrents sur cette affaire, je vous prierais de ne pas faire de gestes brusques. Mes systèmes de sécurité sont sensibles et je ne voudrais pas que nous ayons à déplorer de regrettables incidents.

Eptan jeta un coup d’œil nerveux au droïde. Génial. Après le Wookie de l’entrée qui n’attendait sans doute que de joueur au bilboquet avec sa tête et son corps, il fallait désormais composer avec un robot agité de la gâchette. Il songeait sérieusement à se reconvertir dans l’industrie textile ou l’agriculture. Une petite ferme tranquille sur une colonie de la Région d’Expansion, quelque chose de reposant. Meilleur pour le cœur.

— Vous pouvez constater que le sabre est là, comme promis. Il est en excellent état, tout du moins si l’on considère son âge.
— Il fonctionne ?
— Eh bien… Tout dépend de ce que vous cherchez à en faire, je suppose.

Silence.

— Il ne produit pas de lame, si c’est votre question. Nul doute que ce petit défaut serait promptement corrigé entre des mains aussi expertes que les vôtres. Du reste, ce n’est pas ce qui fait son intérêt. Les gravures dont il est orné, en revanche…
— Combien ?
— Les enchères commencent à 50 000.

Pendant ce temps, non loin de là, l’aspirante artificière appuyait frénétiquement sur le bouton de son détonateur. Hélas, depuis quelques secondes qu’elle essayait, depuis que les deux derniers visiteurs avaient pénétré dans le bureau du Brocanteur, rien ne se passait. Son compagnon hasarda :

— Tu as vérifié les batteries ?
— Tu sais où tu peux te les foutre les batteries ?

Les terroristes en herbe se disputaient donc au lieu de résoudre leur petit problème technique, tandis que le Brocanteur constatait sans peine que sa brillante acquisition n’était pas sans susciter une certaine méfiance chez les acquéreurs prospectifs. Il s’était attendu à plus d’enthousiasme mais il cachait bien sa déception derrière un masque de tranquillité.

— D’où est-ce qu’il vient ?
— Korriban.
— Et il est arrivé ici comment ?
— Un contact d’un contact. Vous comprenez que je ne puisse pas révéler mes sources.
— Vous comprenez que nous ayons du mal à croire que les Seigneurs de Korriban aient laissé une hypothétique carte au trésor doublé d’un artefact historique vagabonder en dehors de leur sphère d’influence pour échouer à la frontière de l’Espace Hutt et de la République.
— M’accuseriez-vous de vendre des objets de contrefaçon ?

Atalan ne répondit pas au Brocanteur. Quand il reprit la parole, quoiqu’il ne bougeât pas — mauvaise habitude de Miraluka —, il s’adressait au Drall.

— Est-ce que vous y croyez ou est-ce que, comme vous, vous partagez l’étrange sentiment que nous sommes les personnages d’un mauvais holodrame ?
Etiam Benhult
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Dire que la situation était devenue inconfortable aurait été un doux euphémisme. Etiam était en compagnie d’un Jedi. De cela, il n’avait aucun doute. Tout comme il n’avait aucun doute sur le fait que pareille rencontre lui déplaisait. Il s’était toujours tenu à distance de l’ordre depuis qu’il l’avait déserté, presque deux décennies plus tôt. Et il fallait que l’ordre se rappelle à lui pile au moment où il négociait l’achat d’un artéfact Sith... Cet Atalan Pirin allait devenir un problème. Et pour cela, il se mit à éprouver une méchante rancune envers le Brocanteur. Il n’appréciait pas les manigances de cet homme vénal. Ce n’était guère étonnant que le lascar prenne tant de précautions pour sa sécurité car ses ennemis devaient être légion.

Et à présent, que faire ? Que dire ? Chercher à obtenir la relique en dépit de la présence du Jedi ? Chercher à se défiler pendant qu’il était peut-être encore temps ? Lame d’Or considéra en silence les nouveaux venus, le Miraluka et l’humain stressé qui l’accompagnait. Un certain Monsieur Shir... Des inconnus pour lui. Gorian, à ses côtés, supportait plutôt bien la tension. Il avait des nerfs d’acier. Conscient que tout pouvait potentiellement dégénérer, il se tenait prêt à réagir, sans en rien montrer. Le Drall perçut l’attention d’Atalan Pirin et voilà que ce dernier le questionnait. Croyait-il à l’histoire du Brocanteur ? Elle devait bien être vraie sans quoi cette fripouille serait totalement inconsciente. Et ‘l’inconscience, dans son métier, conduisait au caniveau. Mais comment en être certain ? Peu importait au fond, car il y avait un Jedi et cela changeait tout.

« Je pense que nous n’aurions jamais dû nous rencontrer », répondit placidement Etiam.

Il descendit de son siège.

« Messieurs, je vous laisse. »

Cela s’adressait à tout le monde, sauf à son collègue bien sûr. Sur ce, il quitta la pièce. Il estimait que c’était la meilleure conduite à tenir. Il avait un instant songé à utiliser ses pouvoirs pour influencer le Brocanteur, mais celui-ci ne semblait pas être un esprit faible, encore moins un idiot. Les risques étaient trop importants pour tenter une manœuvre qui aurait pu avoir de funestes conséquences. Non vraiment, dans cette salle surprotégée, ou tout du moins qui était sensée l’être, les marges de manœuvres étaient réduites. En partant, déjà cela ruinait l’enchère et c’était une consolation, certes maigre. Ensuite, le Jedi allait devoir le laisser filer s’il désirait obtenir l’artéfact. Etiam était bien partie pour renoncer à ce dernier, même s’il n’était pas impossible qu’il puisse le subtiliser ultérieurement. De toute façon, il s’était fait à l’idée qu’il venait pour rien. L’entreprise était hasardeuse, il le savait depuis le début et rien ne prouvait que le sabre ne soit pas une arnaque. Bref, Lame d’Or n’avait à présent qu’une envie, disparaître, disparaître et nuire au Brocanteur qui l’avait pris pour un con !
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— Bien.

Atalan fit un geste du menton vers le sabre.

— Je suppose que le prix a baissé ?

Le Drall venait de partir, emportant avec lui son acolyte et la concurrence des acheteurs. Atalan avait songé à lui emboîter le pas mais l’affaire du sabre lui paraissait plus urgente. Il doutait que ce mystérieux acheteur fût un Sith, parce que ce qu’il percevait de lui dans la Force alliait une certaine neutralité avec une puissance indubitable, deux caractéristiques qui ne sauraient se marier dans la vie d’un Seigneur du Côté Obscur. Le Miraluka n’avait nullement pour vocation de poursuivre tous les adeptes de la Force de la Galaxie qui échappaient à l’Ordre, même ceux qui étaient intéressés par les reliques des Siths. Il informerait les Ombres, c’était certain, qui mèneraient pour leur part une enquête plus détaillée sur l’individu en question.

Lui était vendu aider Eptan. Pendant qu’Etiam et Gorian empruntaient le chemin inverse dans le dédale qui les avait conduit jusqu’au bureau du Brocanteur, le Brocanteur lui-même, quoiqu’il fût contrarié certainement par la tournure qu’avait prise la discussion, ne semblait nullement affecté. Il se contenta de hausser les épaules et de dire :

— Je ne vois pas de raisons à cela.
— Il ne semblerait pas que les acheteurs se bousculent au portillon.
— L’avantage avec les antiquités, c’est que plus on attend, plus elles prennent de la valeur. Je considère cet objet comme un investissement sur le long terme. Patienter jusqu’à ce que des acheteurs plus audacieux se présentent ne me pose guère de problème.

Les sens d’Atalan effleuraient l’esprit du Brocanteur, pour tenter de déterminer si sa tranquillité n’était qu’apparente ou s’il était persuadé, lui-même, de son raisonnement. Le Brocanteur se rassit dans son fauteuil et croisa les mains sur son ventre.

— Que votre… collègue croie aux exclusivités dans les affaires de ce genre ou que vous ayez l’impression qu’une seule déconvenue puisse faire baisser le prix d’un objet aussi précieux ne change pas grand-chose à l’affaire, je le crains. Il faut croire que les arcanes de ce que vous appelez la Force n’aide pas à apprendre les subtilités du marchandage.

Atalan était moins persuadé que le Brocanteur que le Drall eût abandonné l’affaire. Peut-être avait-il voulu se soustraire à la présence d’un Jedi, une fois son projet découvert, pour tenter d’acquérir le sabre par d’autres moyens. Le Brocanteur avait toutefois touché juste : Atalan était plus habitué à négocier des voyages ou des fournitures médicales dans des planètes reculées et agricoles que des objets hors de prix, du moins en théorie, dont il n’était pas certain de voir l’utilité.

— La naïveté semble être partagée, puisque vous êtes persuadé de pouvoir vendre un objet que vous refusez de laisser expertiser.

Cinquante milles crédits étaient une forte somme et même si l’Ordre savait parfois porter la main à la bourse pour retirer de la circulation des objets dangereux, Atalan doutait de pouvoir convaincre qui que ce soit, à la trésorerie du Temple, d’autoriser une dépense pareille sur des bases aussi fragiles.

Sans se départir de son sang-froid, le Brocanteur interrogea :

— Et qu’est-ce que vous suggérez ?
— Une conversation avec votre fournisseur pourrait donner de la crédibilité à cette histoire.
— Et qui me dit que vous n’êtes pas un agent de la République qui cherche à remonter la filière ? Ou pire… un Jedi ? Je me vois mal vous livrer la personne qui m’a confié ce sabre pieds et poings liés.
— Comme si c’était pas déjà prévu.

Eptan avait gardé le silence pendant tout l’entretien, victime de sa nervosité, mais la tournure que prenait la discussion mettait ses instincts commerciaux à trop rude épreuve pour le contenir longtemps dans son mutisme.

— Vous vendez un truc dont vous êtes à quatre-vingt-dix pour cent sûr qu’il ne sera acheté que par des Siths ou des Jedis. Vous savez déjà à quel type de clients vous allez avoir affaire. Y a qu’à voir vos mesures de sécurité. Et vous savez que vos clients ne sont pas aisés à convaincre. Alors toutes ces conversations m’ont bien l’air d’être une manière de tester la motivation, sonder les intentions et ferrer le client. Moi, je connais votre réputation. Vous ne vendriez pas un machin pareil si vous n’étiez pas à peu près sûr de votre coup. De son authenticité et du moyen de la prouver, je veux dire.

Le Brocanteur n’avait donné aucun signe de vouloir interrompre cette tirade. Il finit par hocher lentement la tête.

— Moi qui croyais que vous aviez perdu de votre pugnacité, Monsieur Shir… Bien.

L’homme se pencha en avant, coudes sur son bureau.

— Je peux arranger une rencontre avec la jeune femme qui m’a confié ce sabre pour qu’elle vous en raconte son histoire et que vous la questionnez afin de vous assurer qu’elle est convaincante. Mais la rencontre se déroulera selon nos règles. Je ne veux pas de mauvaises surprises.

Atalan hocha la tête.[/i]
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