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« Vous avez tout ce qu’il vous faut ? »

« Oui, Madame. »

« Bien, je serais de retour dans trois heures normalement. »

D’un geste rapide, Ress enfila son long manteau noir, d’une sobriété morne, et salua la jeune femme qu’elle avait engagée pour garder sa fille le temps d’une soirée. La sénatrice s’accordait rarement quelques heures uniquement pour elle, quand ses obligations lui laissaient un peu de temps libre pour s’occuper de son enfant. Cependant, l’occasion était trop belle, et elle avait prévu cette sortie de longue date, aussi s’arranger pour trouver une baby-sitter abordable n’avait pas été trop compliquée.

Alors qu’elle s’apprêtait à sortir, une toute petite voix la retint :

« Maman… Tu t’en vas ? »

Elina se trouvait sur le pas de la porte, ses yeux noirs brillants fixant sa mère tandis qu’une moue boudeuse se formait sur sa bouche. La petite n’aimait pas voir sa génitrice partir, et comprenait rarement les obligations de cette dernière. Quoi de plus normal, après tout, elle n’avait même pas six ans. Avec un mince sourire, Ress revint sur ses pas et prit sa fille dans ses bras, la soulevant de terre pour la caler correctement contre elle, avant d’embrasser doucement ses boucles blondes, si semblables à celles qu’Elan portait… Elan… Dieu que leur fille pouvait ressembler à ce père qu’elle n’avait jamais connu. Elle avait ses cheveux dorés, si rares parmi la race de Balosar, qui avaient toujours fait ressortir le bel ouvrier que la sénatrice avait épousé dans sa jeunesse, ses expressions, même son caractère, plutôt calme et doux. Seuls ses yeux couleur d’encre rappelait sa mère, et de quelle manière ! Ils semblaient embraser, dévorer cette face enfantine parfois si sérieuse pour un être d’un si jeune âge.

« Oui, je vais… voir une vieille amie. »

« Tu reviens, hein ? »

La petite voix suppliante eut presque raison de la résolution de la balosar, mais elle avait pris un engagement qui lui tenait à cœur, aussi elle déposa un dernier baiser empreint d’une tendresse toute maternelle sur la joue ronde de sa fille avant de lui murmurer gentiment :

« Bien sûr. Et demain, on restera toutes les deux, d’accord ? »

« … Promis ? »

« Promis. »

Apparemment satisfaite, Elina lança un grand sourire à sa mère, qui la reposa par terre et passa sa main dans ses cheveux dans une ultime caresse, avant de se tourner vers la babysitter qui s’était pudiquement occupée à faire du café pour laisser un peu d’intimité au duo mère/fille.

« Couchez-la bientôt, il se fait tard. »

« Entendu. Bonne soirée, Madame. »

« Merci, vous aussi. »

Et elle sortit. Il faisait un peu frais dans les rues de Coruscant ce soir-là, mais la balosar n’en avait cure. Préférant aller jusqu’au lieu où elle passerait la soirée à pied, elle commença sa longue marche au milieu des badauds qui en cette fin de semaine, affluaient pour se rendre au restaurant ou dans quelque lieu d’amusements. Son quartier était tranquille, un peu cossu, sans être parmi les plus riches de la planétopole. Quand elle avait vu le palace qui servait de résidence de fonction au sénateur de sa planète, elle n’avait pas hésité à le vendre pour renflouer un peu les caisses désespérément vides de sa planète. Tant de luxe la révulsait, alors que son peuple crevait de faim. Enfin, elle n’aurait pas dû s’étonner : ce n’était pas comme si les grands pontes de Balosar vivaient dans la misère, eux.

A la place, elle avait pris un modeste appartement, la seule commodité qu’elle s’était accordée étant l’ajout d’une chambre supplémentaire pour sa fille, Ress refusant de la laisser seule sur leur planète quand ses devoirs de sénatrice l’amenaient à devoir rester sur la capitale républicaine. De manière générale, son train de vie était bien inférieur à celui de ses collègues de la Rotonde, mais elle s’en moquait. Plus exactement, elle en tirait même une sorte de fierté étrange, à vivre de ses gains d’avocate presque uniquement, puisqu’elle reversait la quasi-intégralité de son salaire de sénatrice au budget balosar, n’en prélevant qu’une toute petite partie pour couvrir ses frais de déplacements et les gardes pour sa fille.

Oh certes, comparé à la majorité des habitants de Coruscant, elle n’était pas pauvre, loin de là. Sa réputation d’avocate était solidement installée, et nombreux étaient ceux prêts à payer une fortune pour avoir une sénatrice, même d’une planète aussi indigente que Balosar, plaider pour eux. Alors elle sélectionnait ses dossiers et officiait quand elle le désirait, ou plus exactement quand son emploi du temps surchargé lui en laissait le temps. C’était un rythme de vie éreintant, mais la vérité était qu’elle ne l’aurait changé pour rien au monde. Elle accomplissait son devoir envers sa planète, se battait pour ses idéaux et vivait en conformité avec ses derniers. Peu de gens pouvaient en dire autant.

Aussi, quand l’occasion lui était donnée de profiter d’une soirée délassante, elle hésitait rarement. L’un des rares avantages qu’elle était prête à concéder à la capitale de la République était son foisonemment artistique : théâtre, opéras… Il y avait de quoi satisfaire les envies et curiosités de n’importe quel esthète et amateur de découvertes culturelles. Bien sûr, les prix exhorbitants de bon nombre de représentations rendaient l’accès à ces dernières difficiles pour les plus démunis, et Ress s’en était souvent émue. C’était notamment pour cela qu’elle tenait toujours à payer ses propres places, délaissant les loges réservées aux sénateurs, offrant souvent les places qui lui parvenaient à ses collaborateurs ou aux étudiants méritants de sa planète, fidèle en cela dans son idée d’égalité… et d’accès à la culture et à l’éducation comme moyen d’extraire la masse de son indigence.

Combien s’estimaient exclus de telles manifestations culturelles parce qu’ils n’y avaient pas accès en raison du manque de moyens, préférant alors moquer une culture qui n’était pas la leur, et dans laquelle l’élite se reconnaissait ? En retour, combien, à force d’y avoir été habitués dès l’enfance, ne mesuraient pas la chance qu’ils avaient de pouvoir vivre dans un Etat permettant la libre production artistique ? Bien peu. Ress avait attendu longtemps avant de découvrir ces merveilles, et au cours de ses études, alors que sa pauvreté l’empêchait d’accompagner certains de ses camarades à des représentations théâtrales par exemples, elle avait décidé de considérer cela comme des amusements pour gosses de riches, sans intérêt. Puis, un jour, Elan l’avait invité, après avoir économisé pendant des mois pour lui offrir un cadeau d’anniversaire inoubliable. Elle avait trente ans, et se souvenait encore de cette soirée avec des étoiles dans les yeux. A cet instant, la bouillante avocate avait compris la force de ces œuvres… Et la nécessité d’une réelle ouverture à la culture foisonnante de la République. Surtout, elle avait revu une vieille connaissance, qu’elle venait saluer pour sa dernière dix ans plus tard.

En effet, cette soirée était consacrée à la dernière de la grande cantatrice Ashla Tee, qui se retirait de la scène pour des raisons de santé et donnait son dernier récital à l’Opéra de Coruscant. Ress la connaissait bien, ou plus exactement, elle avait longtemps côtoyé la soprano lors de ses années d’études, quand toutes les deux étaient serveuses dans des cantinas glauques de la planétopole. Aujourd’hui, la sénatrice venait saluer la grande cantatrice qui l’avait initiée dix ans plus tôt aux merveilles de l’opéra. Que de chemin parcouru, ne put s’empêcher de penser la balosar alors que le bâtiment baroque était en vue.

Se frayant un chemin parmi la foule, elle entra dans l’imposante bâtisse à l’architecture si particulière, et se dirigea non pas vers l’entrée réservée aux invités de marque, mais vers la caisse des places réservées par les citoyens lambdas. Là, une twi’lek à l’opulente poitrine la dévisagea un instant, suffisamment longtemps pour que Ress puisse finalement dire :

« J’ai réservé une place au nom de Laz’ziark, s’il vous plaît. »

L’employée vérifia un moment la liste de noms qui défilait devant elle, avant de dire :

« Dans l’orchestre, place Atlas 305 ? »

« C’est cela. »

La twi’lek appela une ouvreuse qui vint aussitôt s’occuper d’elle, et Ress la suivit dans les couloirs dorés de l’Opéra. Une fois installée, la balosar croisa les mains tranquillement devant elle, affichant un sourire un brin moqueur quand elle vit les grands pontes de ce monde se précipiter vers les loges puis se mettre à bavarder avec entrain, tandis que plusieurs journalistes frémissaient déjà à l’idée d’un possible scoop, le tout étant évidemment de voir qui serait assis à côté de qui, qui parlerait à qui… Aucun intérêt.

Secouant sa tête avec désolation, la sénatrice tourna son regard vers la scène, se disant encore une fois qu’elle avait bien fait de prendre sa place de façon discrète. Elle venait pour l’art, et pour une amie. Le tintamarre médiatique ne l’intéressait pas. Pour une fois, la flamboyante avocate n’aspirait qu’au calme et à la retenue…

Mais rares étaient les soirées qui se passaient comme prévu.
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« Est-ce que tout est en ordre, Jonn ? »

Alors qu’il s’adressait à son suppléant qui venait de faire son apparition au coin de la porte de son vaste bureau, l’Alsakani ne relevait pas les yeux du datapad dont il lisait le contenu avec attention. Depuis bien longtemps, Jeresen n’avait besoin que d’un bref regard pour identifier l’origine des bruits de pas ou des discussions qui naissaient dans la pièce adjacente à son bureau. Lorsqu’il était plongé dans une lecture approfondie, il préférait le calme serein de ce bureau et il restait réceptif à la moindre oscillation venant perturber le calme ambiant.

« Oui Monsieur. Mais je tiens à insister : vous auriez dû prendre une loge au lieu de vous mêler à la foule. La sécurité est… »

D’une main levée, le sénateur interrompit son subordonné avant de porter son regard d’un bleu perçant sur lui. Immobile, il finit par déposer son datapad sur le coin de son bureau avant de se redresser sur son siège pour poser ses mains sur la table et prendre une assise plus absolue.

« J’ai rarement le temps de profiter des divertissements de Coruscant ces temps-ci, ce n’est pas pour les passer à fuir les journalistes et leurs remarques futiles. Les éviter ne fut pas une partie de plaisir la dernière fois. » Expliqua-t-il avec tact, et surtout un calme qui transformait ses propos en une évidence certaine. « Concernant la sécurité, je ne suis pas le dernier des Neimoïdiens. Le caporal Eliott est quelqu’un de compétent et de discret. Il fera l’affaire. »

L’Alsakani pu discerner un léger sourire compréhensif poindre sur son visage avant de disparaître, renversé par l’inquiétude qu’il ressentait pour lui.

« Je comprends mais… une seule personne, avec tout ces gens ? C’est trop… »

« Il n’y a pas matière à discuter, Jonn ! Le caporal Eliott sera mon escorte et il restera à l’écart. Je ne vais pas me rendre à l’Opéra accompagné d’une armée, Que Diable ! Que penserait la foule d’une telle chose, à votre avis ? »

Le ton fut plus sec et a voix plus autoritaire. Jeresen s’était levé de son confortable fauteuil pour faire valoir sa détermination et sa décision. Celle-ci était actée, et il n’en dévierait plus. L’Alsakani se déplaça alors pour faire le tour de son bureau, saisissant au passage un nouveau datapad, puis s’avança vers son assistant d’un pas léger et fluide :

« Ne vous en faites pas, Jonn. Ce n’est pas un opéra qui aura raison de moi. En attendant, j’aimerais que vous vous occupiez des requêtes adressées par le sénateur de Pantolomin concernant l’accord de sécurité. On organisera une réunion pour en discuter dans la semaine. Sommes-nous d’accord ? »

« Oui, entendu. » répondit-il avant de saisir le pad et de disparaître dans son bureau adjacent à celui du supérieur de son monde.

Enfin libéré de ses obligations, le sénateur se saisit d’une longue veste chaude qui venait masquer à merveille son pourpoint et qui s’accordait parfaitement avec son long pantalon. Elle n’était pas aussi discrète qu’il l’aurait espéré, mais il n’avait pas non plus l’intention de se cacher. Au mieux, il montrerait qu’il comprenait la vie de la majorité de la population malgré sa condition et qu’il n’avait aucun problème à s’y mêler. Evidemment, il n’éviterait pas les critiques de certains mais de telles futilités ne méritaient pas son attention. Ce soir, son esprit serait ailleurs et son attention rivée sur la scène qui se présenterait devant lui.


Avant de pouvoir en arriver à ce stade, il devait se rendre à destination. Après s’être assuré d’être présentable et avoir refoulé le début d’attroupement qui s’était formé pour s’occuper de sa personne, il emprunta le couloir le menant vers la sortie du vaste ensemble réservé à sa délégation. Ce soir là, il se rendait à l’Opéra, et non pas devant l’Archaïad ou l’un des conseils du Roi. Il n’avait pas besoin de tant d’attention.
C’est seulement au bout de ce même couloir qu’il retrouva Eliott, un Alsakani de taille moyenne et à la morphologie plutôt fine aux antipodes de l’image classique du garde du corps. Sans doute était-ce parce qu’il n’en était pas un, mais bien un militaire. Ancien membre des forces spéciales, sa chevelure blonde était taillée courte et les traits de son visage trahissaient ses trente années passées à découvrir le monde, et plus généralement, la galaxie. Si Jeresen l’avait préalablement cité pour l’accompagner, c’était pour son professionnalisme et sa discrétion.

« Vous venez Eliott ? Je vous expliquerais ce que j’attends de vous en chemin. »

Sous-entendu : une discussion entre militaires, loin des exigences agaçantes du reste de la délégation.

Le voyage s’effectua dans un speeder atmosphérique depuis le district du Sénat et Jeresen prit le temps d’expliquer au militaire ses directives, appuyant surtout sur sa volonté d’être seul. C’est pourquoi l’Alsakani prit un comlink crypté et transféra le retour sur son holomontre, au format texte. Ainsi, si problème il devait y avoir, il en serait facilement et discrètement informé. Mais en soi, tout cela n’avait guère d’importance et ne constituait qu’un ensemble de protections qu’il jugeait inutile.

Mais en quoi l’Opéra pouvait-il intéresser un individu de la trempe de Jeresen, dont la plupart des péripéties dont on lui connaissait étaient liées à son ancien statut de militaire puis de politicien engagé dans la Rotonde ?
L’Alsakani fut en réalité pleinement attiré par certains Arts dans sa jeunesse avant de rejoindre l’Ecole de Guerre puis l’Académie de Raythal. Si l’escrime s’était révélé être une magnificence à ses yeux au point de s’y investir, l’Opéra et le Théatre avaient toujours su occuper ses soirées sur Alsakan. Il n’eut guère l’occasion de prolonger ces habitudes-cis lorsqu’il commença à œuvrer pour la République, son monde et leurs intérêts. C’est pourquoi il n’hésita pas à rattraper son retard et il retrouva rapidement cette partie de lui qu’il avait mit en sommeil, malgré lui, pendant plus de vingt ans. Tant d’années où il ne put assouvir cette soif de divertissements si étonnants et splendides qu’en de rares occasions. Désormais, il était devenu rituel de se rendre une fois par semaine, parfois deux, dans un des nombreux lieux artistiques réputés de Coruscant pour assister à des évènements spectaculaires mais surtout éloignés de son quotidien.

Il n’était donc pas rare de le croiser dans ces lieux précis, et c’était souvent là que les journalistes venaient l’intercepter. En effet, Jeresen n’offrait que très rarement son accord pour une entrevue puisqu’il ne voyait pas forcément l’intérêt de répéter inlassablement ce qu’il aurait pu énoncer au Congrès. Ce n’était donc généralement que lorsqu’il estimait nécessaire d’exprimer le point de vue d’Alsakan, ou le sien, qu’il acceptait de répondre à un éventail de questions plus ou moins large.


Le speeder ne tarda pas à se poser sur une aire large du district Sobosi et Jeresen en descendit pour prendre, d’un pas rapide, le premier turbolift horizontal des plus modernes qui menait directement au pied de l’enceinte de l’immense bâtisse de durabéton et de duracier au style typiquement baroque. Face à la foule, le sénateur d’Alsakan laissa Eliott prendre les devants avant de s’engouffrer à sa suite là où des individus plus petits que lui pouvaient aisément se faufiler. Pour sa part, Jeresen devait clairement l’écarter de son passage pour pouvoir avancer. Lorsque ce fut fait, l’Alsakani se laissa habilement dériver loin de la légère file qui s’amassait autour de la caisse réservée aux invités de marque pour lui privilégier celle plus anodine où s’agglutinaient les citoyens lambdas. Il attendit patiemment son tour avant de remarquer le regard intrigué que lui portait la Twi’lek derrière le guichet. Nul doute l’avait-elle déjà vu et se demandait-elle la raison de sa présence devant elle et non pas à l’autre guichet. En retour, il ne lui offrit qu’un simple sourire avant de demander :

« Une réservation a dû être faite au nom de Fylesan. Jeresen Fylesan, je vous prie. »

L’employée ne tarda pas à vérifier machinalement, dans un geste mille fois répété, la liste d noms qui défilait sur son écran avant de s’arrêter et de porter son regard sur l’Humain :

« En effet, Monsieur Fylesan. Dans l’orchestre, place Atlas 309. C’est par ici. » lança-t-elle en désignant la direction de sa main droite.

La remerciant, l’Alsakani ne tarda pas à suivre l’ouvreuse qui s’était approchée au travers des longs et larges couloirs dorés aux multiples colonnes et arches pour finalement arriver à l’extrémité de l’immense salle dans laquelle s’amassait lentement les spectateurs. Finalement, l’ouvreuse se retira après lui avoir indiqué la place et Jeresen se déplaça pour prendre sa place. S’avançant lentement le long de la rangée, son regard ne tarda pas à se verrouiller sur la paire d’antennes peu communes qui dépassait derrière la tête d’un Rodien. S’inclinant doucement en avant, il put découvrir une face qu’il avait vu à plusieurs reprises s’exprimer à la Rotonde. Un visage qu’il ne s’attendait pas à croiser dans un lieu pareil. Intrigué, il dépassa la place trois-cent-neuf de quelques sièges pour demander, sur un ton trahissant sa surprise mais aussi un certain amusement :

« Ah, ne serais-je donc pas le seul à fuir les journalistes ? » Son regard était déjà porté vers les loges derrières lesquelles les polémistes attendaient, à l’affut du premier scoop venu. « Je ne vous savait pas une inconditionnelle de l’Opéra, Sénatrice Laz’ziark. Je peux ? »

D’un geste léger, il désignait le siège d’à côté. Tant pis pour celui dont la place était réservée, il n’aura qu’à se déplacer de quelques fauteuils pour trouver sa place libre.
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« Faites. »

Ress n’avait absolument pas bougé pour mieux dévisager son vis-à-vis, reconnaissant assez bien la voix masculine dont le ton trahissait l’amusement, et qui venait troubler sa quiétude. Seules ses antennes s’étaient inclinées vers le sénateur, offrant un spectacle à mi-chemin entre le grotesque et le comique, dans la plus pure tradition balosar. Ces appendices avaient tout de même quelques avantages, comme celui de pouvoir servir de sixième sens un brin aléatoire, ou de se tordre dans tous les sens pour entendre correctement les conversations alentours. Il ne fallait pas s’étonner si cette race fournissait d’excellents espions… ou indics louches de cartels : même leur anatomie était un atout dans ce genre de milieu.

A vrai dire, le sénateur d’Alsakan aurait été bien en peine de deviner si son surgissement impromptu agaçait ou n’affectait pas la syndicaliste, ses muscles faciaux ayant à peine bougé pour forme l’unique mot qu’elle venait de prononcer, et d’une voix modulée de façon à n’émettre aucune variation dans son ton. Ce qui perçait était tout au mieux de l’indifférence. Alors certes, on eut pu croire qu’entre collègues, Ress aurait été plus enjouée, plus polie, mais de son propre avis, elle avait largement passée l’âge des courbettes hypocrites. Au moins, Jeresen Fylesan n’était pas un imbécile arriviste prônant le quasi-esclavage des ouvriers, et son vote surprise en faveur du Pacte Social lui avait acquis un minimum de respect auprès de l’avocate… Autant qu’une femme comme elle pouvait en avoir pour un homme comme lui, tout du moins.

Son regard se perdit vers l’arrivée fort remarquée d’un puissant magnat des télécommunications au bras de sa scandaleusement jeune épouse, tous deux déclenchant une ruée des photographes et autres journalistes alors qu’ils s’avançaient vers leurs places au sein de la loge réservée aux personnalités. L’affaire avait fait grand bruit : le septuagénaire richissime épousant deux mois après la mort de son épouse, un modèle de vertu aussi froide que la surface de Hoth, une jeunesse d’à peine vingt ans sortie du ruisseau, cela avait de quoi alimenter les pires ragots mondains pendant un certain temps. A vrai dire, Ress avait été singulièrement amusée du traitement médiatique de ce qui n’était somme toute qu’une histoire de maîtresse cachée puis épousée de plus : la jeune mariée avait été conspuée copieusement, mais personne ne semblait s’émouvoir de ce que trahissait cette union improbable, à savoir l’esclavage déguisé de la partie la plus vulnérable de la population, qui bien souvent, n’avait guère d’autre choix que de coucher pour s’extraire de la fange miséreuse. Charmant programme, n’est-ce pas ?

Détournant la tête du couple qui faisait la joie des paparazzis, elle répondit avec un mince sourire en coin à la première question de l’alsakani :

« Pas vraiment. Ils ont leurs yeux rivés sur bien d’autres personnes qu’une modeste sénatrice d’une planète sans intérêt autre que celui de leur fournir leur dose hebdomadaire de bâton de mort. »

Le tout avait été lâché sur le ton de la conversation, comme si elle commentait la pluie et le beau temps. Ce qui était vrai, en un sens : une telle affirmation rentrait dans le domaine des banalités les plus communes sur son monde, et elle ne pouvait dire que cette conception n’était pas véridique. Elle travaillait sans relâche pour diminuer la criminalité endémique constituée notamment autour du trafic de narcotiques, mais il fallait se rendre à l’évidence : il faudrait des décennies pour parvenir à mettre fin à cette situation désespérante, et elle ne les avait pas devant elle. Alors, Ress se contentait de fortifier ses acquis, de mettre en place les bases d’un système solide, et peut-être que ses successeurs finiraient son œuvre. Elle ne pouvait que l’espérer, et contribuer à former une nouvelle génération qui porterait haut les couleurs de Balosar.

Mais déjà, les ouvreurs s’affairaient, et du coin de l’œil, la sénatrice nota que les allées et venues depuis les coulisses augmentaient. La représentation n’allait pas tarder à commencer. Profitant du répit accordé, elle acheva de répondre aux questions lancées pour tenter de briser la glace entre les deux sénateurs :

« Inconditionnelle… Peut-être le mot est-il un peu fort. Disons que j’apprécie le fait de pouvoir assister à ce genre de manifestation culturelle. Beaucoup de gens n’en auront jamais l’occasion dans leur vie.

A mon grand regret, d’ailleurs. La culture ne devrait pas être réservée à une petite élite qui, finalement, pour beaucoup, est là en représentation, et non pour la représentation.

Mais sans doute que l’on connaît la valeur des choses quand on en a été privé longtemps. »


Bon, s’il s’attendait à un discours aussi policé que l’endroit où ils étaient, c’était raté. La balosar n’avait jamais été une adepte de la langue de bois, et surtout pas quand elle était « en civil », pour ainsi dire, soit occupée ailleurs qu’à la Rotonde. Du reste, elle venait simplement d’exprimer sa pensée, sans chercher approbation ou adhésion. Fidèle à elle-même, la sénatrice pointant sans ambages les dysfonctionnements qu’elle voyait autour d’elle, et ce, peu importe son interlocuteur. Au moins, on pouvait difficilement lui reprocher de ne pas être d’une honnêteté intellectuelle. Un bref instant, une remarque désagréable et sarcastique sur le fait que l’aristocrate ne devait pas vraiment connaître la situation dont elle parlait lui brûla les lèvres, mais elle s’abstint. Franchise ne rimerait pas ce soir avec provocation. Elle avait mieux à faire que créer un esclandre au milieu d’une salle d’opéra. Aussi elle se tut, reportant son attention sur la scène devant elle, et au moment où les lumières s’éteignirent, elle déclara simplement :

« Profitons simplement du spectacle, voulez-vous ? Ashla Tee a une voix divine, et il serait dommage de ne pas l’écouter pour son ultime récital.

J’ai cru comprendre que son choix de morceaux allait faire couler beaucoup d’encre… »


Et avec un sourire en coin, elle écouta les premières notes qui s’élevaient dans les airs, tandis qu’une voix à la pureté cristalline résonnait dans le somptueux bâtiment.
Musique maestro!:
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Le semblant de manque de réactivité de la part de la Balosar ne surprit guère Jeresen. Cette dernière était reconnue dans l’Assemblée non pas pour l’importance de son monde –se serait faire preuve d’ironie et de malhonnêteté que d’affirmer le contraire- mais bien pour son caractère explosif, son franc-parler et sa tendance à foncer droit au but en faisant fi des détours agréables. Et si sa prise de parole fut brève et claire, le comportement étrange et plutôt comique de ses deux antennes souleva certaines interrogations chez l’Alsakani : était-ce, en plus d’offrir un sens supplémentaire, un moyen pour son porteur de discuter discrètement avec ses pairs, comment pouvaient le faire les Twi’leks avec leurs lekkus ? Ou biené tait-ce tout autre chose ?

Son ton quelque peu indifférent à son égard et la froideur qui avait invité son invitation fut attendu par le militaire. En effet, Ress n’avait jamais caché son aversion pour des individus de sa sorte, basée sur des préjugés exagérés mais issus d’une vérité créée de toute pièce par ses collègues. Une vérité à laquelle Jeresen espérait échapper et à laquelle il n’accordait pas tout son crédit. Pour exemple, il avait renoncé à la quasi-totalité des biens hérités de son prédécesseur.

« Merci. »

Ce fut la seule réponse qu’il offrit en retour de la réception favorable à sa demande première, et le sénateur d’Alsakan ne tarda pas à prendre place dans le fauteuil qui se juxtaposait à celui de la Balosar.

D’une certaine manière, Jeresen comprenait l’amertume et le peu de respect –pour ne pas dire la haine- que pouvait avoir la Sénatrice Laz’ziark envers l’ensemble général de Sénateurs des riches mondes du Noyau, ou bien plus simplement des personnalités de son acabit. L’Alsakani s’était en effet rendu à deux reprises sur Balosar et il avait pu y voir les méfaits certains des corporations et des entreprises influentes au Sénat, où les mondes concernés fermaient les yeux devant les profits titanesques qui rentraient dans leurs caisses et les intérêts certains qu’ils y gagnaient. Ainsi, la Rotonde avait préféré sacrifier une planète et organiser avec préméditation un mondicide à retardement de dix milliards d’individus plutôt que d’accepter une perte négligeable de leurs rentes ou de leurs rendements immédiats. Mais le pire était ans doute le fait que Balosar n’était pas la seule au sein de la République à suvir le même sort.

Alsakan s’était toujours dressé contre un libéralisme à outrance et l’extension sans limite des droits des corporations privées comme publiques, mais le Congrès ne l’avait réellement écouté que lorsque le bruit des canons était venu étouffer celui du dialogue. Il était malheureux de constater qu’un tel monde ait été condamné à souffir de sa propre surindustrialisation alors que des mondes comme Coruscant, Alsakan ou Grizmallt disposaient depuis des millénaires des moyens d’éviter pareil désastre. Il estimait néanmoins que son monde n’était pas coupable pour autant, car Balosar fut toujours assimilée aux hégémonies Corellienne ou Coruscantie. Devait-il pour autant rester sans rien faire, les bras croisés ? Surement pas.

Et la preuve la plus parfaite tomba sous le nez des deux Sénateurs lorsqu’un brouahha fort descriptible vînt porter leurs attentions vers les loges dans lesquelles l’image la plus parfaite de la concupiscence venait de s’installer sous un mitraillage d’holojournalistes. Sa relation cachée avec la jeune femme qui l’accompagnait était désormais évidente. Mais il était tout aussi certain qu’elle n’était pas la seule a avoir succombé à ses diverses promesses et possessions alors que sa première épouse était encore en vie à ses côtés. Mais peu de personnes venaient s’interesser au sort de ses employés et du peu de respect dont il faisait preuve envers le droit de tous. Les journalistes ici présent préféraient s’intéresser aux détails futiles d’un individu dont les véritables méfaits restaient terrés dans l’indifférence générale.
La réaction de sa collègue ne se fit pas attendre et ne fit qu’accentuer cette part de mépris que portait l’Alsakani envers ces personnes qui possédaient déjà tout, mais qui demandaient toujours plus. Certains pourraient soulever ici une forme d’hypocrisie de sa part, mais bien qu’il pouvait désormais obtenir presque tout ce qu’il désirait, le sénateur d’Alsakan avait obtenu sa place et ces droits à a suite d’une vie passée à faire ses preuves alors qu’il lui aurait suffit, il y a trente ans, de croiser les bras et de s’affaler dans un confortable fauteuil pour en arriver au même but. Et c’est ce qui devait sans doute lui donner une vue plus terre à terre de ce genre de choses.

« Certes. Jusqu’à ce qu’un monde comme Balosar ne vienne les prendre à la gorge. Et parfois, ce sont les personnes insignifiantes qui disposent de la plus grande marge de manœuvre pour faire évoluer les choses. Le problème de votre monde est aussi celui de la République, et il est dommageable de constater que cette dernière ait préféré se plier aux exigences du corporatisme. Mais il est plus simple de fermer les yeux sur le risque encouru par tout un peuple lorsque l’on ne pense qu’aux bénéfices engendrer par ce genre de manœuvre. »


Même si le ton était celui d’une conversation banale entre eux deux, l’explication de Jeresen visait à briser la glace et à entamer un travail de sape sur les préjugés que pouvait porter la Sénatrice à son égard. Beaucoup cautionnaient ce qui se déroulait sur Balosar alors que l’Alsakani n’y voyait qu’une forme d’exploitation et d’épuration qui n’avait rien à envier à leurs voisins. Les fameux bâtons de la mort étaient une drogue et un hallucinogène interdit dans la République, et il était ironique –pour ne pas dire désolant- que leur principale place de production soit elle-même Républicaine.

Jeresen aurait pu relancer avec aisance la conversation à ce sujet, mais il ne s’était pas rendu à l’Opéra pour discuter de politique et du manquement de cette dernière à assurer certains de ses devoirs. Il était là pour se divertir et se changer les idées après une longue et interminable semaine passée à voyager de droite à gauche pour répondre à des demandes et des requêtes incessantes. Il n’avait pas d’ailleurs pas manqué de remarquer l’affairement des ouvreurs et la hâte qui semblait hanter les coulisses alors que l’on y effectuait les derniers préparatifs. Bientôt, il pourrait se laisser pleinement aller à l’écoute d’un des arts qu’il avait toujours apprécié.

Il était cependant malheureux de constater que malgré toute sa volonté d’éloignements, le domaine et la discussion politique revenait toujours dans ses discussions. Il releva néanmoins la volonté d’ouverture de la sénatrice Laz’ziark, et c’est pourquoi il acceptait de se lancer à sa suite d’un léger sourire. Cependant, cette discussion se ferait sur le ton de la conversation amicale et agréable et non celui du débat où, en général, les deux parties finissaient dos à dos avec la seule volonté de démonter l’argumentaire avancé par le camp d’en face.

« Je le comprends parfaitement. Je dois bien admettre que ce genre de manifestation m’a toujours été facile d’accès, et cela depuis mon plus jeune âge. Ce fut d’abord un moyen de m’échapper de l’ambiance habituelle pour découvrir quelque chose de différent et d’agréable.

Le développement culturel a toujours été important, sur Alsakan. Mais les problèmes restent en effet identiques. C’est peut-être une bonne chose que nous puissions de nouveau nous même décider dans quelle mesure nous nous impliquons dans les matières culturelles. Cela offre pus d’ouverture et de possibilités aux gouvernements d’œuvrer pour l’accès à la culture. Même si dans certains cas, les subventions de la République sont essentielles.

Le mieux serait sans doute que l’on ne cherche pas à faire l’un sans l’autre, mais bien que l’ensemble œuvre de façon complémentaire.»


Si Jeresen était contre le libéralisme sur de nombreuses formes, il n’était pas pour autant un conservateur accompli. Néanmoins, il était convaincu que de nombreuses choses seraient bien mieux gérées par les entités de la République que par cette dernière. Et la culture en faisait partie, car c’était là un axe premier de l’ouverture des populations à la galaxie et à sa diversité. C’était une façon de s’épanouir, et limiter cette dernière revenait à refermer le couvercle sur la tête de ceux désireux de s’ouvrir vers l’extérieur, et de les condamner à une ignorance qui les rendaient plus influençables. Avec la possibilité de gérer eux-mêmes leurs dépenses concernant la culture, les mondes fédérés ne seraient plus limités aux subventions non planchées dont les mondes pauvres ne voyaient que les maigres restes.

Le regard rivé sur a scène, ses yeux s’adaptèrent rapidement à la pénombre qui venait se répandre dans l’immense salle. Observant les quelques places vides à côté de lui, l’Alsakani ne put qu’acquiescer à l’invitation de sa collègue et se laissa aller à une position plus confortable dans son fauteuil avant de déclarer simplement :

« C’est la raison première à notre présence. Il est vrai que sa carrière fut étonnante et mérité d’être couronnée de succès pour son ultime montée sur la scène. Avez-vous déjà eu l’occasion de la rencontrer ? »

Il se tût juste avant que la cantatrice ne fasse son entrée face à son public avec un pas lent et une grâce qui venait parfaitement s’accorder avec l’ambiance qui venait se répercuter dans la salle. La divine voix de la cantatrice ne tarda pas à s’y faire écho avec une puissance décuplée par la forme du bâtiment, pour embarquer son auditoire dans un voyage envoûtant au rythme de sa voix et de ses paroles. De temps en temps, l’Alsakani jetait de légers coups d’œil vers les loges, où il parvenait difficilement à discerner certains invités qui semblaient plus intéressés par les propos de leurs voisins que par le spectacle magnifique qui s’offrait devant eux. Parfois, il en venait à observer distraitement les mouvements étranges des antennes de la Balosar, comme si ces dernières réagissaient à chaque intonation, à chaque octave, à chaque note qu’elles captaient.
Profitant d’une ouverture légère au rythme léger de la musique, l’Alsakani ne put s’empêcher de souffler une certaine précision à sa collègue :

« Maginfique, n'est-ce pas... ?

J’ai été à deux reprises sur Balosar, il y a quelques années en arrière. J’ai vu ce qu’il s’y tramait et la main mise des corporations sur bons nombres de ses facettes. Je pense que vous pouvez y amener un changement radical, loin de la volonté maladive de votre prédécesseur. »
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Le sénateur Fylesan était au moins un voisin agréable, pour un aristocrate privilégié. Il était plus mesuré que bon nombre de ses collègues, et tentait de faire la conversation d’une façon que Ress aurait presque pu apprécier, quelques années auparavant. Cependant, presque était évidemment le mot à retenir dans cette phrase, et plus encore maintenant qu’elle se trouvait au pied du mur, prise à la gorge par les envies réformatrices incohérentes du précédent Chancelier.

Qu’on essaye de lui vendre les mérites de ce désengagement stupide, en d’autres lieux, elle aurait déjà envoyé l’humain sur les roses, et avec les formes qui convenaient à une sévère logorrhée verbale à faire pâlir d’envie le pire des apprentis rhéteurs en train de vitupérer sur son estrade. Mais une fois encore, elle se contint, se mordant la lèvre inférieure pour ne pas répondre, même si ses antennes se balancèrent brutalement d’avant en arrière, comme si ces excroissances étranges avaient eu un véritable mouvement d’humeur, illustrant l’état d’esprit de leur propriétaire.

Et ce n’était pas quelques flatteries, aussi bien intentionnées soient-elles, qui allaient rattraper cette erreur fatale. Elle avait l’habitude de ces dernières, de tous ces effets de manche, ces douceurs susurrées pour endormir la méfiance de l’interlocuteur, pour lui faire oublier des propos malencontreux, ou bien tout simplement pour tenter une approche censément plus cordiale. Mais avant d’obtenir sa pleine et entière attention, plutôt que le sourire poli qu’elle affichait jusque-là, l’alsakani allait devoir faire un peu mieux que cela, et surtout, ne pas la déranger pendant sa seule soirée de libre de toute la semaine.

C’est pourquoi, volontairement, elle le fit taire d’un simple geste de la main, ne répondant pas à ses questions, afin de montrer le rideau carmin qui s’ouvrait, pour laisser apparaître la vedette de la nuit. Dans une somptueuse robe d’un blanc presque transparent, qui dévoilait les courbes avantageuses de la togruta, Ashla Tee fit son apparition, déclenchant les applaudissements de la salle. La cantatrice salua son public d’une légère révérence en avant, avant de regarder vers les premiers rangs de l’orchestre, comme si elle cherchait quelqu’un dans la foule, et quand ses yeux se posèrent sur une paire d’antennes aisément reconnaissable, un mince sourire apparu sur son visage. Ouvrant alors sa bouche, la soprano prit une profonde inspiration, et commença son chant enivrant.

A peine les premières notes venaient-elles de résonner dans la superbe salle de l’Opéra que les antennes de Ress se dressèrent sur sa tête sous l’effet de la stupéfaction. Cet air-là, elle l’aurait reconnu entre mille : c’était l’un de ses préférés, et le premier qu’elle avait connu, quand, alors qu’elle était serveuse dans cette cantina miteuse, Ashla Tee lui en avait fredonné quelques parties, les seules qu’elle connaissait. Par la suite, la balosar s’était renseignée sur la signification des paroles de cette sonate assez peu utilisée dans le répertoire classique de l’espace galactique, et avait mieux compris pourquoi. Derrière la complainte d’une amante délaissée se cachait un vibrant appel à la liberté, et le caractère subversif de cette œuvre écrite des siècles auparavant n’avait pas manqué d’échapper aux observateurs contemporains de son compositeur, puis de ceux ayant suivi. Enfin, quand on savait que ledit compositeur était un Corellien, le caractère légèrement provoquant d’une telle œuvre ne surprenait guère.

En tout cas, un tel choix pour ouvrir son récital était audacieux. Ress savait que pour son ultime soir dans cette salle où tous les professionnels de la musique républicaine rêvaient de se produire, la cantatrice avait décidé elle-même de la programmation. C’était en partie la raison d’une telle affluence, les plus fins connaisseurs se demandant ce que la diva allait pouvoir leur offrir. Il y avait même quelques paris chez les bookmakers du quartier des finances. On s’amusait de bien peu, quand on n’avait rien à faire d’autres que paraître à tel ou tel événement.

Savourant l’instant, l’avocate ferma les yeux, récitant silencieusement les paroles, ses lèvres ondulant au rythme lancinant de la musique qui s’élevait comme une complainte amoureuse, et une supplique mourante. Il y avait un désespoir sublime dans cet aria, avec son tempo lent qui soudain se gonflait de vibratos, devenait une vague aussi puissante que fragile. La voix de la soprano semblait crier un avenir bien sombre, ainsi qu’une farouche envie de vivre. Comment ne pas comprendre un tel choix, quand on savait que la maladie seule avait mis un terme à une carrière aussi brillante ? Même si ce dernier point n’était connu que de quelques initiés, il était en tout cas difficile de ne pas chercher une explication derrière la décision de jouer précisément ce morceau. Quand on connaissait aussi bien que Ress le passé trouble et tourmenté de cette grande de l’Opéra de Coruscant, les raisons n’en devenaient que plus évidentes.

Alors, à mesure que les mots roulaient dans l’air, que l’orchestre se faisait plus lancinant, un léger sourire flotta sur les lèvres de la balosar. Elle avait compris, enfin, pourquoi sa vieille amie avait tant tenu à ce qu’elle vienne assister à sa dernière représentation, à ce qui s’apparentait à un baroud d’honneur. Elle seule avait les clés pour appréhender pleinement la profondeur de cette déclaration de guerre à la maladie, et à une vie qui, si elle avait fini dans la lumière des projecteurs, avait longtemps connu l’ombre, et la misère.

Comme hypnotisée par la scène, Ress mit plusieurs secondes avant de réaliser que l’air était fini, que ses dernières notes venaient de mourir lentement, leur écho tambourinant encore à ses oreilles, et elle applaudit alors à tout rompre, alors qu’un véritable tonnerre secouait la salle, tandis que le public manifestait son appréciation devant une prestation à couper le souffle, dans laquelle la pureté vocale s’était alliée avec le dépouillement de la cantatrice seule sur scène, pour offrir un spectacle saisissant.

Profitant de l’intermède, elle se décida alors à répondre aux tentatives de lier la conversation de son voisin, qu’elle avait copieusement ignoré jusqu’alors, trop prise par son ressentiment ou par la musique, et chuchota d’une voix un peu éthérée, alors qu’elle attendait avec impatience que le programme reprenne :

« Vous connaissez la traduction de ces paroles ? C’est du Haut basic, mais cet air prend tout son sens une fois … déchiffré. »

Sans détourner son regard d’Ashla Tee qui reprenait son souffle, elle récita de tête, sans buter une seule fois sur les mots :

« Laisse-moi pleurer
Sur mon sort cruel
Et aspirer à la liberté !
Puisse la douleur briser les chaînes
De mon martyre, par pitié !
Et aspirer à la liberté ! »


Elle fit une pause, comme le récital allait reprendre, avant d’asséner sur un ton d’une trivialité presque déplacée :

« Fascinant n’est-ce pas, comme l’art peut refléter notre monde ? Je briserais les chaînes de mon peuple, avant qu’on ne le tue pas dédain.

Soyez satisfait d’avoir le choix de vos politiques culturelles. D’autres aspirent à cette liberté qu’on leur a retirée, remplaçant des chaînes de reconnaissances par celles, bien plus perverses, d’une fausse liberté dont on nous vante les mérites, quand elle n’est que la chance des plus puissants… Et le martyre des autres. »


Comprendrait-il ces paroles cryptiques, qui répondaient en substance aux questions posées auparavant ? Peut-être. Peu importait, au fond.

« Je comprends maintenant pourquoi Ashla Tee tenait tant à ce que je vienne ce soir. Elle sait que c’est l’un de mes airs préférés. »

Dernière question répondue. Oui, elle la connaissait, oui, elle était là pour la cantatrice, et oui, elle se demandait avec une sorte de curiosité un peu étrange comment l’homme réagirait au fait qu’elle venait de laisser échapper, en toute connaissance de cause, une information finalement très privée. En réalité, la sénatrice n’était pas complètement indifférente. Elle aimait simplement prendre son temps pour amener son jeu, mettre ses cartes sur la table, et attendre surtout de les avoir toutes en mains pour commencer à bluffer.

C’était là un art qui était tout politique, et qui avait tendance à la fasciner, presque autant que cette musique qui reprenait déjà, pour enchaîner sur un air lui aussi bien connu de la sénatrice, qui ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en entendant le début de l’une des plus belles complaintes amoureuses des derniers millénaires.

Musique Maestro II:
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« Je comprends le Haut Basic, oui. »

Jeresen savait évidemment comprendre, écrire et parler le Haut Basic et il en était de même pour le simple Basic ou le Haut Standard Galactique né sur Alsakan il y a des millénaires. Une bonne partie de son enfance fut mise à profit pour l’apprentissage des différents langages officiels d’Alsakan et de la République. Sa famille,e t surtout ses parents, avaient mis un point d’honneur à ce que leur fils puisse bénéficier des meilleurs enseignements que l’ont puisse dispenser sur Alsakan. Apprentissage qui put lui être dispensé de part l’appartenance de sa famille à l’illustre Archaïad.

L’Alsakani avait donc bien compris le sens des propos du récital de la cantatrice Tee, mais il ignorait tout de l’état de santé de cette dernière. Ce genre d’informations avaient dû rester dans le domaine privé, chose plutôt rare à une époque où la vie privée est bien trop souvent mise en porte-à-faux par la curiosité et l’irrespect des médias républicains. Il était d’ailleurs désolant de voir une telle ingérence dans des domaines dans lesquels ils n’avaient strictement rien à y faire, ou rien à y voir et c’était justement pour ces raisons que Jeresen s’éloignait aussi loin que possible des journalistes, reporters et autres paparazzis qui n’attendait qu’un seul faux pas, qu’une seule mauvaise note de sa part pour vendre leurs papiers. Il n’était évidemment pas le seul dans ce cas, et il était toujours parvenu à éviter ce genre de soucis par le passé mais l’Alsakani était surtout réaliste : tôt ou tard, ce genre de mésaventures lui tomberait sous le nez.

Il aurait dû faire preuve de la même prudence lorsqu’il avait énoncé un bref et vague résumé de son point de vue concernant la culture et l’éducation, il le savait. Jeresen aurait pourtant dû savoir que la Sénatrice répliquerait, mais il ne s’attendait pas à recevoir la critique –qui était tout de même prévisible compte tenu du caractère et du penchant de son interlocutrice- sur un ton proche du déplacé et du sarcastique. L’Alsakani n’était pas dupe et savait pertinemment que la remarque lui était destinée d’une manière ou d’une autre.

L’approche utilisée par la Sénatrice était seulement là pour mieux amener le sujet, tant il était connu que l’art sous toutes ses formes était de près ou de loin le reflet de la société et venait porter la décadence ou l’essor da la civilisation qui la véhiculait.

Dans ce cas, la culture n’était que le miroir de la catastrophe qui sévissait sur Balosar depuis des siècles, pour ne pas dire des millénaires. Bien que l’Alsakani avait cerné depuis bien des années le fonctionnement de la République, où seuls les puissants étaient écoutés et les plus faibles contraints de courber l’échine, il était profondément attristé que certaines valeurs portées par l’organisme galactique ne se révèlent être qu’un fin rideau visant à masquer la véritable maladie qui la gangrénait. La corruption était le pire ennemi de la Rotonde mais hélas les deux allaient de pair. Le système démocratique tel qu’il existe depuis la création de la République et la possibilité pour les intérêts extérieurs d’agir au sein de l’hémicycle par l’intermédiaire de Sénateurs peu scrupuleux s’était de nombreuses fois mise en échec par son propre système. Ainsi, la diversité de la République était autant son point faible que sa force.

Devait-il répliquer dans la foulée ? Surement pas. C’était là le meilleur moyen de se laisser emporter au fond d’un gouffre duquel l’Alsakani ne parviendrait pas à ressortir, du moins pas si facilement. Balosar ne méritait pas ce que la République lui faisait subir. Une telle chose, faite au peuple de la Sénatrice Laz’ziark, n’aurait jamais dû exister. Alsakan s’était toujours battu, diplomatiquement comme militairement, pour défendre les droits des dépendances situées au Nord de la Route Commerciale de Trellen et de la Voie Perlemienne, mais Balosar se trouvait alors bien trop éloignée pour que le monde de l’Alsakani ne puisse faire quelque chose pour les Balosar sans mettre en danger tout le dispositif mise en place pour les planètes garanties. Pour autant, si Jeresen ne se sentait pas coupable, il comprenait aisément l’amertume de l’avocate pour avoir vu l’horreur qui régnait sur son monde.

Ce n’est donc que dans un maigre souffle à peine audible qu’il fit la synthèse de sa pensée sur le sujet. Un souffle qui n’était destiné qu’à lui-même, mais que la Sénatrice entendrait peut-être :

« Hélas, encore faudrait-il que vous l’ayez eu, cette liberté… »


Se repositionnant plus en arrière dans son fauteuil, pour garder une assise droite, l’Alsakani garda son regard rivé sur la scène où la Togruta reprenait son souffle, l’esprit déjà en mouvement pour la longue tirade qui n’allait pas tarder à suivre. Grâce à la réponse indirecte fournie par la Balosar, Jeresen avait donc la confirmation que l’avocate connaissait effectivement la Togruta, ce qui venait expliquer le sourire offert par cette dernière lorsque son regard s’était tourné vers eux –ou plus exactement vers elle. Hochant légèrement la tête, le militaire et sénateur fit comprendre qu’il avait saisit l’information dont elle lui avait fait part. Une information qui laissait apparaître un cadre privé dans la relation que pouvait entretenir la Balosar avec la cantatrice Tee.

Il n’allait certainement pas s’exclamer. Au contraire, il resta discret bien qu’il notait précieusement l’information dans un coin de son esprit. Et tandis qu’Ashla Tee revenait lentement sur le devant de la scène, le regard de l’Alsakani vînt se porter vers la Balosar dont les antennes s’étaient une nouvelle fois dressées en réponse aux sonorités qu’elles captaient. Un comportement bien étrange, mais qui laissait transparaître des ressentis ou des émotions qui se révélaient imperceptibles sur le visage de l’avocate.

Son regard retourna finalement vers la scène alors que les premières tirades venaient s’enchainer dans un air mélodieux au ton vibrant. La danse des violons et autres instruments venaient accompagner le son de la voix de la Togruta alors qu’elle se déplaçait avec une lenteur et une grâce calculée et agréable tout en conservant un rythme parfait entre la voix et le corps. L’ensemble offrait un spectacle saisissant où les mots roulaient avec sérénité dans l’air.


Il était d'ailleurs désolant de réaliser que certains des spectateurs présents dans les loges ne venaient en ce lieu uniquement pour se montrer ou bien pour disserter sur les formes avantageuses soigneusement mises en avant par la Togruta alors que le spectacle vocal qu’elle offrait à son assemblée était des plus saisissants et magnifique.

Savourant chaque instant du récital, l’Alsakani laissa son esprit aller au rythme oscillants des tonalités que son ouïe percevait, profitant par la même occasion d’un spectacle largement à la hauteur des attentes de l’inconditionnel qu’il semblait être. Ainsi, l’Opéra allait bientôt voir s’éloigner une de ses premières cantatrices qui, face à la maladie, se devait de faire ses adieux à son public avec son meilleur aplomb.

Ce n’est que lorsque l’orchestre se fit moins présent et que la cantatrice laissait sa voix redescendre que Jeresen sembla reprendre vie. Comme tout le reste de l’assemblée, c’est avec des applaudissements amplement mérités qu’il vînt remercier la Togruta pour cette nouvelle performance des plus sublimes. Une chance qu’il ait pu se soustraire aux loges et à l’attention des journalistes pour pouvoir profiter de ces moments inoubliables.

Ayant presque oublié la présence de la Sénatrice Laz’ziark à ses côtés, il ne fit aucun nouveau commentaire. L’Alsakani avait tenté d’ouvrir le dialogue, sans réel succès à son goût. Il était donc temps pour lui d’analyser, et surtout de profiter tout aussi pleinement du divertissement que précédemment.
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Les politiciens n’aimaient pas devoir se déjuger. Encore moins reconnaître qu’ils avaient tort. Malgré toute sa bonne volonté, son envie de se démarquer de ses indolents confrères, sur ce point-là, Ress ressemblait beaucoup à nombre de sénateurs de la Rotonde. Pour autant, contrairement à la majorité des dirigeants de ce monde, elle savait reconnaître ses erreurs, et changer son comportement pour qu’il soit plus en adéquation avec sa nouvelle perception.
Tout autre homme politique, face à un tel soufflet, lui aurait volé dans les plumes. Du moins, c’est ce à quoi elle s’attendait. Elle s’était même préparée à la possibilité réelle de causer un scandale par ses mots. Mais non, l’homme avait décidé de ne pas relancer, de ne pas répliquer quasiment. Seule une phrase avait été prononcée par l’aristocrate, et elle la fit réfléchir un bon moment. Qu’avait-il donc pu vouloir dire ?

Cette question l’obsédait. Elle haïssait ne pas savoir, ne pas comprendre, or cette réaction n’était pas celle qu’elle attendait. Comme quoi, des deux, on pouvait se demander lequel s’était fait clouer le bec le plus magistralement. Etait-ce une manière de dire que les subventions n’étaient pas une vraie liberté, dans la continuité de son discours précédent ? Ou une évocation plus subtile de l’état de déliquescence de sa planète, de son état de quasi-esclavage perpétuel ? Evidemment, sa fibre militante tendait à préférer instinctivement la seconde hypothèse, alors que la froide analyste refusait de mettre le carburant avant le vaisseau. Pourquoi ce bellâtre privilégié serait différent de tous ceux de son espèce ? Ce n’était pas trois jolies boucles blondes et un sourire avenant qui allaient briser la garde en duracier de la balosar.

Alors elle se mura à son tour dans le silence et profita de la fin de la performance donnée, appréciant la beauté de la complainte, qui parvenait à rester enjouée tout en versant dans le pathos, une dichotomie qui donnait à cet air célèbre toute sa force, et qui avait fait sa célébrité, comme l’incarnation de la libération de la femme souriante, poussée par l’amour. Evidemment, la balosar aurait pu trouver à redire à cette interprétation un peu simpliste, en arguant qu’il n’y avait pas besoin d’un soupirant quelconque pour aspirer à choisir son destin, et ce peu importe le sexe d’ailleurs. Les matriarcats, bien que rares, n’étaient pas moins inégalitaires que les patriarcats, et son obsession égalitaire la poussait à dénoncer toutes les situations de discrimination, même celles qui auraient dû lui être favorables. Au moins, personne ne pouvait lui reprocher un manque d’honnêteté intellectuelle.

La fin de ce morceau la surprit presque, et elle applaudit avec les autres comme par automatisme, encore emportée dans sa transe musicale. Le rideau se referma alors, signalant la fin du premier acte de ce récital, en quelque sorte et le début de l’entracte, qui devait durer une vingtaine de minutes. Eprouvant brusquement l’envie de sortir un peu, de noyer sa frustation de voir sa soirée gâchée par l’arrivée inopportune d’un autre sénateur, l’avocate se leva de son siège, enfila prestement son manteau noir et, s’adressant à son voisin, elle fit simplement :

« Excusez-moi. »

Une fois l’obstacle passé, elle remonta la rangée, et presque au pas de course, sortit de l’orchestre pour se précipiter à l’extérieur de l’Opéra. Là, sur le parvis presque désert, devant l’océan urbain, elle sortit des poches de son vêtement un paquet de cigarette ainsi que son fidèle briquet, dont elle ne se séparait presque jamais, et en alluma une après l’avoir portée à ses lèvres. Là, alors que le mince filet de fumée qui s’échappait du mince papier blanc roulé ne suffisait guère à contrebalancer la froideur de la nuit, elle se mit à fixer son briquet avec insistance.

L’objet avait une valeur sentimentale immense à ses yeux. En effet, c’était l’un des premiers cadeaux qu’Elan lui avait offert au début de leur relation. Ress se souvenait encore de ses yeux brillants de malice quand il lui avait dit que si elle désirait à ce point continuer à s’encrasser les poumons, au moins ce serait avec un peu de son amour qu’il s’empoisonnerait. Ah, la niaiserie de l’amour quand on a vingt-deux ans, qu’on vient de gagner un grand procès et vivre les semaines de sexe les plus folles de son existence, et qu’on pense que le monde est à conquérir depuis sa mansarde miteuse… C’était les temps heureux, et miséreux, ceux où tout paraissait possible. Au final, oui, elle avait réussi à rendre réels ses rêves de jeunesse, à dépasser toutes ses espérances. Mais seule. Elan n’avait pas été là pour ses plus grandes réussites, à jamais prisonnier d’une urne sur Balosar. Il était mort, et ne restait de sa blondeur familière qu’une alliance ternie et un vieux briquet. Et sa fille… Son adorable fille, avec ses boucles pâles et son expression trop sérieuse pour une enfant de quatre ans.

Une vague de nostalgie la saisit alors, et alors que les derniers restes de sa cigarette achevaient leur vie écrasés sous sa bottine, elle essuya une larme furtive qui n’aurait jamais dû se retrouver sur sa joue. Ress Laz’ziark ne pleurait pas. Elle souffrait, et affichait face aux autres la même détermination que dans la fraîcheur de ses vingt ans. Si seulement elle arrivait à s’en convaincre, si seulement cette musique tendrement amoureuse n’avait pas ravivé le souvenir de son mari assassiné… Trop de si, trop d’imprévus dans cette soirée. Il était temps de se ressaisir. Alors qu’elle revenait à l’intérieur, la balosar prit une profonde inspiration, et un coup d’œil dans une des grandes baies vitrées lui assura que son instant de faiblesse était imperceptible. Aussi elle revint à sa place, s’excusant à nouveau pour le dérangement, et attendit que les dix minutes restantes passent…

Ou plus exactement, prévoyait de le faire quand un des ouvreurs se fraya un chemin jusqu’à elle pour lui tendre un billet soigneusement plié. Certes, il était monnaie courante que les plus riches utilisent ce moyen de communication qui consistait à soudoyer un des employés de salle pour approcher un autre spectateur, mais c’était la première fois que le procédé était utilisé à son encontre. Elle l’ouvrit et un sourire amusé effleura ses lèvres en le lisant. S’adressant à l’ouvreur, elle lui dit rapidement, mais avec politesse :

« Vous pouvez lui dire que je viens… Oh, et que j’emmène un admirateur. »

« Bien madame. »

Se levant pour la seconde fois de sa place, Ress se tourna alors vers son voisin et lui déclara :

« Soit je vous dérange encore une fois, soit… vous pouvez venir exprimer votre admiration à la cantatrice en personne.

Comme vous voulez. »


Et tel un feu follet aux cheveux noirs, elle se faufila dans l’espace réduit entre le siège de devant et celui de Jeresen Fylesan, avant de rejoindre l’ouvreur de son pas aérien. Pourquoi cette lubie soudaine ? Elle n’en avait aucune idée, mais avait laissé parler son instinct. Au pire, cette faveur soudaine n’aurait rien de préjudiciable. Au mieux… Elle lui permettrait de satisfaire sa curiosité soudainement éveillée. Peut-être finalement que la spontanéité de ses vingt-ans n’était pas totalement un souvenir usé et désuet.
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L’entracte fut moyennement bien accueilli par l’Alsakani qui espérait en entendre plus de cette voix fantastique et formidable qui l’enivrait plutôt que de voir son ouïe agressée par le brouhaha intense naissant de l’absence de la cantatrice et de l’apparition du large et épais rideau qui l’avait remplacé sur la scène. La sénatrice Laz’ziark n’avait pas hésité à quitter son siège, Jeresen acquiesçant à ses excuses de politesse, pour s’éloigner du vacarme perturbant de la grande salle. L’Alsakani préférait encore rester dans la pièce plutôt que de se risquer à en sortir pour y retrouver de possibles pamphlétaires qui n’hésiteraient pas une seconde à le harponner et rendre désastreuse une soirée qui lui semblait agréable.

Chose qui ne semblait pas être le cas de sa collègue qu’il observait du regard sortir de la salle. C’était à croire que son intervention l’avait déstabilisé ou bien qu’il avait frappé sans réellement s’en rendre compte un point sensible pour la sénatrice. Ou peut-être encore que c’était là qu’une simple impression et qu’ils e trompait tout simplement sur l’interprétation de sa réaction.

Quoi qu’il en soit, l’Alsakani n’était pas venu pour discourir de l’importance de tel ou tel élément, politique ou non, mais bien pour assister à une représentation sensationnelle et émotionnelle. Il avait été servit mais restait sur sa faim. Il restait intrigué par l’attitude de la parlementaire, ce qui venait soulever plusieurs questions qui restaient encore en suspens concernant la psychologie de cette dernière. Il s’agissait bien de son côté analyste acquis lors de son service au sein des renseignements républicains qui prenait le pas, et il lui fallut quelques instants pour s’en rendre compte et se concentrer à nouveau sur son entourage. Il n’était pas là pour enquêter, ni même pour chercher à prendre l’ascendant sur quelqu’un ou quelque chose. D’une certaine manière, sa propre intervention en début de séance lui avait gâché son début de soirée, et de cela l’Alsakani en était pleinement conscient.

Il porta néanmoins son regard vers les loges qui semblaient désespérément vide, si ce n’est l’attroupement de journalistes qui semblaient converser ou bien observer la salle sans réel but. Certains d’entre eux paraissaient néanmoins alerte et semblaient rechercher quelqu’un parmi les gens présents dans la grande salle et il ne fallut pas longtemps pour qu’un ou deux regard ne finissent par s’immobiliser sur sa personne avec une certain surprise ou bien encore une certitude non feinte de trouver le sénateur d’Alsakan parmi l’assemblée. Jeresen ne leur accorda qu’un demi-sourire avant de reprendre une assise confortable dans son fauteuil avant de sortir un pad numérique d’une poche de son large manteau. D’une pression du pouce, il l’activait et s’authentifiait avant de tourner l’appareil de sorte que seul lui et peut-être son voisin puisse y discerner quelque chose. Il n’était évidemment pas question qu’une caméra ou bien qu’une personne aux intentions douteuses ne vienne capter les éléments qu’il pourrait observer sur l’appareil.

L’Alsakani prit le temps de lire les intitulés des nombreux messages qu’il lui restait à lire et en redirigea près de la moitié à son suppléant, comme il l’avait l’habitude de le faire. Il s’attarda néanmoins sur un dossier envoyé par l’Archaïad, qui traitait plusieurs sujets d’importance lié à la force régionale de son monde. En somme, toutes ces informations nécessitaient d’être traitées dans une future réunion, qu’il se devrait d’organiser. Là encore, il transmit ses intentions à son suppléant, qui se chargerait de réarranger son agenda en conséquence. L’élément prioritaire traité, le sénateur d’Alsakan rangea le datapad à sa place peu de tempsavant que la Balosar ne fasse son apparition à l’extrémité de la rangée de fauteuils faisant face à la scène toujours masquée par l’immense épais rideau.

En la voyant revenir, Jeresen se demandait s’il devait se risquer à s’avancer sur un terrain qui pouvait s’avérer pentu et glissant alors qu’il repensait à leur précédente discussion. Alsakan était resté à contempler le cataclysme qui rongeait le monde de la sénatrice Laz’ziark sans bouger le petit doigt, et cela pendant des siècles. Peut-être que le temps était venu de changer les choses, de sortir de l’immobilisme ? Il y avait un coup à jouer, et peut-être qu’avec un peu de discernement l’ensemble de al République se mettrait à réagir face à l’intervention d’un grand en faveur d’un petit qui ne faisait qu’hériter d’une piètre réputation créée de toutes pièces par les éminences du Noyau.

Se redressant pour la laisser passer, il ne fit pas attention aux excuses de politesse de Balosar tant elle avait parfaitement le droit de profiter de l’entracte pour se dégourdir les jambes. S’il ne l’avait pas fait, c’était dans l’unique but de finir happer par un collège de journalistes ravi de pouvoir le questionner sur la pluie et le beau temps. Et tandis que la Balosar était dérangé par un ouvreur sortit d’on ne sait où et presque apparu par surprise dans la rangée où ils se trouvaient, Jeresen venait observer un très léger et fin défaut dans le tissu de la manche de son manteau et sur lequel il s’attarda d’un air presque négligé, voir détaché. Ce n’est que lorsque la Sénatrice se leva et l’interpella qu’il sortit de ce semblant de torpeur pour venir porter toute son attention et son regard au bleu perçant vers la Balosar. Cette fois-ci, l’Alsakani eut du mal à cacher sa surprise face à l’invitation de l’avocate mais se leva presque instinctivement, comme si son subconscient avait prit le relais pour le faire réagir à l’inattendue invitation.

« Comment pourrais-je décliner une telle invitation ? »

Il n’était pas certain de la raison qui avait pu pousser la sénatrice à lui faire cette proposition suite à la froideur de leur dernière discussion et peut-être que la Sénatrice cherchait à l’attirer dans un piège aux contours encore étranges et inconnus, mais il était nécessaire de savoir prendre des risques. Qui plus est, l’idée de pouvoir rencontrer la cantatrice qui l’avait si fabuleusement émerveillé était suffisante pour le convaincre d’aller à la suite de la sénatrice Laz’ziark. Se faufilant derrière elle malgré son pas rapide, il ne tarda pas à la rattraper pour se porter à sa hauteur alors qu’ils quittaient la salle par une entrée dérobée dans les murs qui soutenaient les loges des invités plus intéressés par leur image que par la magnificence de l’art.

« J’ai… repensé à notre discussion précédente et je sais ô combien la République ne respecte pas ses engagements au sujet de votre monde, Sénatrice Laz’ziark. Je me suis rendu à deux reprises sur Balosar, et je comprends que mieux votre militantisme. Je partage cette nécessité de faire évoluer les choses sur votre monde, comme sur d’autres. Je m’avance surement en affirmant qu’Alsakan serait prête à faire un mouvement en ce sens, car je n’ai pas les pleins pouvoirs concernant ce genre de proposition mais je suis à peu près certain qu’il serait possible pour Balosar d’en tirer un bénéfice certain. Après… »

La chose était dite et la balle était désormais dans son camp. Il était libre à elle de refuser ou d’accepter car cette discussion n’était de toute manière que formelle et ne l’engageait en rien. Il en était de même pour Jeresen et Alsakan. Comme il l’avait bien expliqué, c’était au Roi Fird et à ses Conseils d’en décider. Mais en mettant en avant certains avantages, il serait facile d’obtenir leur accord.

« … peu de personnes au sein de la Rotonde n’osent l’admettre et préfère se terrer derrière l’influence des sénateurs plus influents qui n’hésitent pas à cracher sur les Jedi mais avez-vous pensé à contacter leur Ordre ? Ils sont sans doute parmi les plus actifs au sein de la République mais suffisamment détaché de cette dernière pour pouvoir intervenir sans son aval. Peut-être qu’ils seront en mesure de vous aider. »

La chose était dite dans sa totalité et l’Alsakani finit par se taire alors que l’ouvreur les menaient de couloirs en couloirs aux décorations et aux styles tous plus époustouflants que les autres. Les hautes colonnes s’accordaient parfaitement avec le plafond orné de dorures et les tentures ou tableaux qu’ils croisèrent sur leur chemin semblaient authentiques. Et bientôt, il leur désignaity la loge de la cantatrice.
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Les balosars étaient réputés pour leur instinct, leur sixième sens inné qui les faisait éviter les ennuis de façon presque magique, et rendait cette espèce très douée en matière de commerce… illégal évidemment, certaines traditions se devaient d’être honorées. Mais ce n’était pas non plus complètement un hasard si le crime avait pu à ce point prospérer au cœur de cette race humanoide : les barons du crime avaient rapidement compris l’intérêt d’avoir des lieutenants prêts à les avertir au moindre doute sur la sécurité d’une opération. Le fait est qu’ils n’étaient pas les seuls.

Ress avait rapidement remarqué qu’elle pouvait presque sentir quand s’engager… ou se retirer d’une négociation, comme si elle pouvait reconnaître le danger mental, politique, qu’un interlocuteur pouvait faire peser sur sa personne. Certains appelaient ça l’expérience, d’autres l’instinct. Nul doute qu’un jedi aurait mis ce genre de chose sur le compte de la Force, ce qui, vu sa non-sensibilité à cette dernière, n’aurait pas manqué d’être amusant. Les croyances avaient tout de même leurs limites.

Quoi qu’il en soit, le comportement et la dernière phrase du sénateur d’Alsakan avait fini par mettre la puce à l’oreille de l’avocate, et elle avait eu soudain l’envie irrépréssible de pousser plus avant, de le tester de façon informelle, comme si son subconscient lui soufflait de l’inviter autre part pour engager la conversation. Restait à savoir comment il réagirait, pourvu qu’il accepte. Cependant, elle ne s’attendait pas à une victoire aussi totale.

Jamais la syndicaliste n’aurait imaginé ne serait-ce qu’un seul instant qu’un représentant d’une puissance majeure de la République, un mastodonte historique et économique connu pour son retrait du devant de la scène ces dernières années et sa méfiance à l’égard d’un éventuel interventionnisme quelconque, lui proposerait de l’aider.

Cependant, la cerise sur le gâteau était la suite. Déjà, un aristocrate proposant de mettre ses ressources au service d’une syndicaliste, c’était improbable, mais un sénateur suggérant à un autre d’aller voir l’Ordre jedi, c’était le pompon. Sans rire, soit il se moquait d’elle, soit cet homme était un oiseau rare. Courtois, amateur d’opéra, réformiste et pas complètement hystérique à propos des alliés millénaires de la République… Où était la carbonite et l’appareil de clonage ? Il fallait le conserver en lieu sûr et le dédoubler de toute urgence pour repeupler le Sénat de toute urgence.

Avec un léger rire, elle ne put donc s’empêcher de le fixer avec des yeux avant de dire d’une voix chargée d’ironie :

« Quelqu’un d’une planète majeure qui propose d’aider Balosar et parle respectueusement de l’Ordre jedi… Vous êtes sûr que vous êtes bien sénateur ? »

Elle se reprit et tout en gagnant les coulisses, lui glissa :

« Désolée. J’avais fini par perdre tout espoir d’entendre un discours sortant des habituelles diatribes ridicules de nos … collègues. »

Le dernier mot avait été lâché d’une façon qui laissait peu de place quant à l’amour que la sénatrice portait auxdits collègues. Reprenant son sérieux, la balosar tendit sa carte à l’humain alors qu’ils s’engageaient dans un couloir :

« Appelez-moi dans les jours qui viennent si vous tenez à discuter d’éventuels accords entre nos planètes, si vous êtes toujours disposés à proposer cette éventualité à votre gouvernement. »

Bonne chance pour les convaincre, cela dit… Enfin, pas question de fermer la porte à une bonne volonté qui sortait de nulle part. Au pire, ces paroles en l’air s’évanouiraient en voyant les difficultés rencontrées, et Ress n’en serait que très modérément surprise. Elle appréciait la pensée, mais les années lui avaient hélas donné une vision très cynique des promesses. Au fond, ces dernières n’engageaient que ceux qui y croyaient. Elle attendait donc des faits, pas des mots, et alors, seulement, elle serait convaincue des bonnes intentions de l’Alsakani. Pour le moment, il bénéficiait d’une côte plutôt positive, voilà tout.

« Pour le reste, j’y ai déjà réfléchi, oui, en dernière extrémité. L’Ordre jedi… Disons que j’espère qu’ils savent mieux honorer leurs dettes que la République.

J’ai déjà contacté mon fils pour savoir si les jedis avaient parmi eux les spécialités qui m’intéressent. Si sa réponse est favorable, alors je leur transmettrais une demande d’audience. »


Certes, l’avocate n’avait revu qu’une fois Zolter, et ce une dizaine d’années auparavant, mais elle lui écrivait généralement une fois l’an, histoire de prendre de ses nouvelles, de façon très parcellaire. De toute manière, elle avait tendance à ne pas comprendre la moitié des allusions faites par son fils. Au vu de leur correspondance sans éclat, sans la chaleur attendue entre une mère et son premier-né, il n’était pas bien difficile de comprendre pourquoi le garçon faisait partie des quelques padawans à entretenir un lien avec sa famille. Son attachement était à l’Ordre, pas à une génitrice qu’il ne connaissait pas en dehors d’une brève réapparition dans sa vie quand il était enfant. Sans doute était-ce pour le mieux, la situation était ainsi moins douloureuse à vivre pour Ress qui, si elle n’avait jamais voulu de cet enfant, tenait quand même à son bien-être, et le considérait malgré tout comme son fils.

Cependant, la loge de son amie la tira de ses pensées. La sénatrice toqua à la porte, et attendit qu’un mélodieux « Entrez » ne résonne pour l’ouvrir, ce qu’elle s’empressa de faire.
Face à elle se tenait non pas une loge, mais un quasi-appartement, qui aurait presque pu contenir le sien. Opulente, immense, la pièce réservée à la star des opéras de la République était bardée de fleurs en tout genre et autres statues biscornues à la valeur sans doute inestimable qui venaient probablement des admirateurs d’Ashla Tee… Ou de ses divers protecteurs. La togruta elle-même se tenait en face d’un somptueux miroir aux dimensions époustouflantes, bien qu’un peu trop rococo dans son style pour plaire à la balosar.

Se retournant gracieusement vers les deux arrivants, la cantatrice à la poitrine imposante leur fit signe d’approcher, puis prit dans ses bras sans plus de cérémonie l’avocate qui lui rendit brièvement son étreinte.

« Je ne savais pas si tu viendrais, avec tout ce tintamarre au Sénat ces derniers temps. »

« Tu sais que je n’aurais manqué cette représentation pour rien au monde. Pour une fois que je connais une personne du monde mieux que le gratin coruscanti, autant en profiter. »

La plaisanterie arracha un grand rire à son amie, bien vite étouffé dans une quinte de toux particulièrement lourde. Les rumeurs étaient donc vraies. De près, en effet, Ashla paraissait plus vieillie que sous la lumière de projecteurs flatteurs. Des rides creusaient son visage, et Ress ne pouvait que remarquer sa pâleur maladive, malgré le maquillage appliqué pour la dissimuler. Décidant de détendre l’atmosphère rendue soudain pesante, elle se tourna légèrement et invita le sénateur d’Alsakan :

« Voici Monsieur Fylesan, le sénateur en exercice d’Alsakan… Et un admirateur, apparemment. »

L’air surprise, la togruta lui tendit néanmoins nonchalamment sa main pour qu’il y dépose un baise-main, dans le plus pur style mondain, ce qui fit légèrement sourire Ress quand elle se mit à repenser à l’Ashla Tee qu’elle avait connu. On se faisait rapidement au luxe et aux belles manières, somme toute.

« Tu m’emmènes du travail jusque dans ma loge ? »

« Non, nous étions simplement placés à côté. »

« Je plaisante. Enchantée Sénateur, c’est un plaisir. J’ai connu un membre de la maison Fyrd dans le temps. Très charmant. Et quel caractère aussi… En toutes circonstances. »

Le clin d’œil qu’elle lui envoya était un excellent indicateur des circonstances auxquelles Ashla Tee pensait, et Ress hésita entre le fou rire ou l’exaspération. Il ne faudrait pas qu’elle vexe l’humain en parlant des prouesses sexuelles d’un membre de sa famille royale… Bien que la perspective fut tentante de son point de vue un peu caustique, elle devait le reconnaître.

« Enfin… Ces jours sont révolus. Occupons-nous du présent. Le récital vous convient-il ? J’ai tout particulièrement tenu à avoir le choix des morceaux à interpréter, aussi j’espère que le public… les trouve à son goût. »
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L’Alsakani était un de ces hommes de paroles, à qui l’on peut faire confiance sans crainte et qui parvient malgré les situations hasardeuses à tirer son épingle du problème pour aboutir à une solution, qui n’est peut-être pas celle espérée au départ, mais qui s’en rapproche grandement. Jeresen pensait sincèrement pouvoir convaincre les conseils du Roi à aller dans son sens, bien que les débats risquent d’être des plus houleux. Certains ne verraient pas l’éventail de possibilités qui pouvaient résulter de tels accords, peut-être par manque d’ouverture d’esprit mais plutôt à cause de leur vision à court terme et leur manque d’optimisme quand à la possibilité d’évolution des mondes comme Balosar. Les autres verraient sans doute des intérêts géopolitiques ou géostratégiques. Il s’agissait là du groupe de personne le plus facile à convaincre, et c’est sur ces mêmes personnes que devra s’appuyer le sénateur d’Alsakan pour donner une impulsion au reste des membres du conseil.

L’autre possibilité était de soumettre l’idée au Roi Fyrd en personne, qu’il savait plus ouvert d’esprit quand à ce genre de questions sans en avertir ses conseillers. Il pourrait trancher rapidement, tout en évitant les débats du conseil et sans risquer d’être influencé par les bonnes volontés de l’Archaïad. Ainsi, Jeresen serait en mesure de pouvoir mettre en application l’invitation qu’ilv enait de faire à la sénatrice Laz’ziark. Néanmoins, il s‘agissait là du meilleur moyen de se mettre à dos les conseillers du Roi et possiblement l’Archaïad peu de temps après.

Non, le meilleur moyen était sans doute de soumettre dans un premier temps l’idée aux conseils du Roi, puis d’enchaîner par une note directe pour ce dernier. L’Alsakani espérait bien obtenir l’aval de l’ensemble des classes influentes de son monde pour pouvoir créer une forme de précédent qui permettrait de relancer une Alsakan en perte de vitesse au Sénat depuis la dernière grande guerre contre les Sith. En venant appuyer les requêtes des mondes ignorés ou en retard de la République, et en créant des ententes avec des mondes émergents et influents, Alsakan pourrait retrouver une place de première ordre au sein de la Rotonde et pouvoir faire valoir ses intérêts, mais aussi et surtout celui des autres mondes ignorés ou exploités par Coruscant. Plus encore, Jeresen avait un grand espoir de pouvoir revenir aux premiers principes de la République, ceux qui en avait fait sa grâce et sa grandeur et non plus s’enfoncer dans une décadence lente mais certaine entamée depuis le dernier grand conflit galactique. Hélas, la route à faire pour atteindre un tel dénouement était bien longue, trop longue, pour un seul homme.

Malgré toutes ces pensées, la remarque de la sénatrice syndicaliste l’amusa et un léger sourire manqua de se retranscrire sur son visage. Peut-être avait-elle pensée à une farce, alors que lui, était tout à fait sincère et gardait un sérieux apparent au point de ne retourner qu’un regard bien simpliste à celui visiblement amusé de la Balosar qui, il faut l’admettre, rebondit bien rapidement vers un air plus sérieux. Jeresen, pour sa part, se contenta simplement de commenter les remarques de la sénatrice :

« J’ai parcouru la galaxie avant de me hisser à ce poste, et j’ai déjà croisé des Jedi hors de leur Temple ou des murs du Sénat. Je les aie toujours respecté et regretté le manque de reconnaissance que leur accorde la République.

Ceci explique donc cela, n’est-ce pas ? »


Récupérant la carte qui lui était tendue et l’observant un instant sans réellement la lire, l’Alsakani finit par glisser l’objet dans une des poches internes de son manteau. Il n’avait pas réellement besoin d’une pareille chose car il lui aurait été bien simple de trouver comment la contacter de manière officielle, mais refuser de prendre la carte aurait pu s’apparenter à une forme de refus, chose qu’il ne souhait pas. Bien au contraire, l’Alsakani espérait sincèrement parvenir à ses fins sur ce sujet précis.

« Je n’y manquerais pas dès lors que j’aurais examiné plus en détails le sujet. »

Concernant l’Ordre Jedi, l’Alsakani sembla surprit par les révélations faites par la sénatrice Laz’ziark. Ainsi, la Balosar avait déjà prit de l’avance sur sa seconde suggestion. Il savait l’Ordre Jedi ouvert à de pareilles propositions, mais il ne fallait pas omettre la possibilité que les Jedi puissent refuser d’aider pour des raisons qui leurs sont propres. Néanmoins, vu les relations qu’entretenait visiblement la Balosar avec ces derniers, elle avait plus de chances d’obtenir leur attention. Pour autant, l’Alsakani ne put s’empêcher de relever une information qui lui tira une question :

« Vous avez un fils Jedi ?

Avec de telles dispositions, ma suggestion a dû vous paraître quelque peu… Enfin, vous aurez sans doute plus de facilitées à obtenir une audience, j’imagine. »


Ce n’était pas la meilleure manière d’aborder le sujet, mais Jeresen n’avait pas trouvé mieux pour combler la fin d’une pensée qu’il lui avait échappé. A vrai dire, l’Alsakani ne s’attendait pas à ce que la syndicaliste s’ouvre autant sur sa vie privée face à un confrère de la Rotonde, favorisé qui plus est.

Finalement, leur discussion cessa dès lors qu’ils arrivèrent devant la porte de la loge de la cantatrice qui avait tant ravi les oreilles du sénateur. Laissant entrer la sénatrice Laz’ziark en premier, le sénateur d’Alsakan découvrit une pièce des plus spacieuses et qui n’avait rien à envier à certains lieux de rassemblement époustouflants de l’Archaïad. Ashla Tee devait posséder de nombreux admirateurs à la vue des objets d’une valeur inestimable qui ornaient et agrémentaient la pièce déjà somptueuse.

Refermant la porte derrière eux, Jeresen regarda les deux femmes s’éteindre amicalement avant d’écouter leur entrée en matière. La Balosar ne lui avait bel et bien pas menti en affirmant connaître la cantatrice, mais il n’avait pas imaginé à quel point. Une telle réaction laissait supposer à son esprit analyste qu’elles se connaissaient depuis longtemps et qu’elles n’avaient pas forcément l’occasion de se voir régulièrement –bien qu’il n’était pas certain quand au dernier point de sa déduction.
Il attendit que la sénatrice Laz’ziark le présente pour finalement se mouvoir, s’approchant quelque peu pour venir déposer un baisemain sur la main tendue de la cantatrice avant de se redresser aux côtés de la Balosar. La réaction d’Ashla Tee lui arracha un sourire à l’Alsakani, qui écouta avec une attention particulière les ragots de la Togruta avant de secouer lentement la tête avant de rétorquer :

« Oh, ne m’en dîtes pas plus ! Ce genre d’affaires ne me concerne en rien. Du moins, pas encore.

Cependant, tout le plaisir est pour moi, Madame. »


Son regard se porta presque aussitôt vers la sénatrice, pour tenter de discerner sa réaction quand à ces faits. En soi, l’Alsakani ne se sentait pas concerné par les prouesses d’un des membres de la famille royale d’Alsakan. Ce n’était d’ailleurs pas lui qui allait dénoncer ce genre d’initiative, et n’avait de toute manière rien à en retirer. Au mieux, cela pourrait changer assez légèrement son opinion sur le dit concerné, mais sans plus.

De toute manière, le sujet lancé par la cantatrice était de loin bien plus intéressant que celui des supposés ragots qu’une telle révélation pourrait suscités au sein de l’Archaïad. C’est pourquoi il s’élança en premier dans une réponse au questionnement de la cantatrice :

« Absolument. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas été autant captivé et envouté par tant d’émotions dans une voix.

Je pense que vous avez bien fait d’insister pour pouvoir vous-même choisir vos morceaux, car cela se ressentait parfaitement dans la salle. Et j’imagine facilement que la suite de votre récital sera tout aussi exceptionnel, Madame. »

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« Mon cher sénateur, vous êtes tout à fait exquis, j’espère que les alsakanies savent la chance qu’elles ont d’être représentées par un homme au goût aussi sûr… Et tout à fait séduisant, si je puis me permettre. »

Le tout avait été dit d’une voix résolument sulfureuse, accompagnée par force battement de cils provocateurs et un sourire qui laissait clairement transparaître les impressions d’Ashla Tee sur son interlocuteur : apparemment, il était fort à son goût, comme à peu près tous les hommes riches, puissants, et pas trop gâtés par l’âge, ne put s’empêcher de penser son amie balosar avec un brin d’ironie. Décidément, elle n’avait pas changé d’un iota sur certains points, toujours à papillonner d’un protecteur à l’autre.

Dans sa jeunesse, Ress avait observé sa comparse de trois ans plus âgée accumuler à dix-huit ans à peine une collection d’amants particulièrement importante, pour survivre, certes, mais aussi pour son plaisir personnel. La togruta avait l’habitude de diviser ses partenaires en deux catégories : les plaisirs et les obligations, les premiers constituants les chanceux pouvant obtenir ses faveurs pour leurs beaux yeux, et les seconds… eh bien, son fonds de commerce, à savoir ceux qui payaient pour passer quelques nuits en sa compagnie. Et c’était un de ces hommes, un richissime industriel qui avait repéré son talent, et décidé de l’introduire dans les milieux de l’art en la sponsorisant pour lancer sa carrière. Jamais l’avocate n’avait jugé le passé d’Ashla Tee, considérant qu’elle avait fait un choix, et qu’il avait payé, même si ce n’était pas le sien. Encore regrettait-elle que pour réussir en ce bas monde, certaines femmes n’avaient pour unique solution que de vendre leurs fesses pour espérer alpaguer un mécène.

Tandis qu’elle-même parvenait enfin à poursuivre ses études, Ashla avait lutté pour s’imposer parmi les grandes voix de la scène républicaine, conquérant en quelques années un statut d’icône. Combien de couvertures avait-elle fait au bras de ses multiples amants, déclenchant des scandales qui avaient la manie de secouer le microcosme coruscanti ? Certaines mauvaises langues avaient même persiflé sur le fait qu’elle devait son succès autant à sa voix qu’à l’usage qu’elle faisait de sa bouche en privé… Et encore, Ress traduisait là en des termes moins grossiers les accusations habituelles. Cependant, c’eut été nié la puissance vocale de sa vieille amie, son talent, sa théâtralité exquise… Et ses qualités humaines.

Jamais la togruta n’avait oublié ses origines miséreuses, se faisant un soutien discret mais sûr des plus pauvres de sa planète natale, en fondant une association de charité qui aidait les jeunes filles en les arrachant des bras des proxénètes pour tenter de les aider à trouver une vie meilleure. Evidemment, cette partie de sa personnalité n’était guère connue, puisqu’elle intéressait nettement moins les tabloïds. Mais c’était précisément en raison de cet engagement que Ress avait revu ce fantôme de son passé des années auparavant, pour une affaire de viol et meurtre dans laquelle l’association s’était constituée partie civile, et qu’elle avait représenté au barreau. Cette occasion de renouer avait été pleinement exploitée par les deux femmes, qui entretenaient depuis une correspondance abondante, quoiqu’irrégulière.

« Tu n’es pas d’accord avec moi, Ress ? »

« Hum ? »

N’ayant pas du tout suivi la conversation, la syndicaliste mit quelques instants avant de comprendre ce qu’on lui demandait, et leva les yeux au ciel avec une franche exaspération quand elle comprit que son avis sur le physique de Jeresen Fyelesan était apparemment requis. Non pas qu’il soit laid, loin de là, mais franchement… Quelle idée de poser pareille question ! Enfin, avec cette pipelette, il fallait s’y attendre.

« Toujours aussi rabat-joie, à ce que je vois… »

Cette fois, la balosar se contenta d’un sourire carnassier en guise de réponse, déclenchant le rire moqueur de son interlocutrice, qui se tourna à nouveau vers son invité impromptu, avant de reprendre son interrogatoire qui n’avait soudain plus rien de badin :

« Je suis heureuse de savoir que ce récital vous a plu. Certains ont reproché à ma programmation d’être trop… engagée. Trop limpide, si vous préférez. Mais c’est ma dernière, alors… autant s’affranchir légèrement de la bienséance. Je n’aurais pas d’autre occasion. »

Avec un soupir grave, la togruta ajouta :

« Oh, je ne suis pas naïve. Je sais bien que la signification de ces morceaux passer au-dessus de la plupart de ceux installés dans cette salle. Qu’on ne retiendra que le faste des décors, de cette robe, la beauté et l’émotion… Et ce n’est pas dérangeant, en soi. L’art a cette avantage qu’on en retire ce que l’on veut.

Mais j’espère que d’autres sauront qu’au moment où tout le monde parle de défense des libertés, quelques personnes sont prêtes à donner de la voix pour.

Même si ce sont de vieilles ripopées malades et sur le déclin. »


Evaporée et futile la cantatrice ? Ce n’était qu’un masque de société, qui se défaisait quand la gloire l’abandonnait. Au crépuscule de sa carrière, Ashla Tee savait qu’il n’était plus temps de faire semblant, et que les éventuelles rumeurs que pourraient colporter cet inconnu ne pourraient pas être plus graves que celles qui courraient déjà sur son compte. Surtout, sans doute que le voir amené par Ress avait apaisé ses craintes. En tout cas, la sénatrice prit une profonde inspiration pour ne pas se laisser envahir par l’émotion qui montait en elle face à cet aveu si triste, et en même temps si important. Voilà pourquoi elle avait été invitée. Par amitié certes, mais aussi pour relayer ce dernier geste, elle n’en doutait pas.

« Et au cas où quelqu’un… comprendrait ce message, je suis sûre que quelques commentaires ne te gêneraient pas ? »

« Pas le moins du monde. »

Ress acquiesça, se promettant d’envoyer une pige à un journal dans les jours qui suivraient. Nul doute qu’une chronique culturelle écrite par une sénatrice intéresserait certains hebdomadaires républicains, surtout si le contenu pouvait faire parler de lui. Ce n’était pas avec des critiques de spectacles qu’on vendait des numéros, mais avec du débat, et un parfum de scandale. Tels étaient les rouages détestables du système médiatique, que tous devaient savoir exploiter, même avec réprobation. L’art des compromis n’était pas qu’une vaine expression.

« Madame Tee, vous êtes attendues sur scène dans cinq minutes ! »

« J’arrive. »

Reprenant son sourire de comédienne, Ashla Tee récupéra son somptueux éventail et déclara avec un grand sourire charmeur :

« Le devoir m’appelle, ce fut un plaisir de vous voir, Sénateur Fylesan. J’aurais grand plaisir à continuer cette conversation après la représentation. J’ai une réservation au Triton d’Or, pour minuit. Je pense que le maître d’hôtel ne verra pas d’inconvénient à l’ajout de deux chaises supplémentaires.

Dîner en bonne compagnie est nettement plus sympathique qu’avec une bouteille de vin, fût-elle du meilleur cru d’Aldérande. »
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La cantatrice Tee était vraiment une personnalité surprenante. La remarque pointée direction à l’intention de l’Alsakani sembla le déstabiliser quelques secondes alors qu’il recevait le compliment sulfureux de plein fouet. Il ignorait déjà qu’un membre de la maison royale d’Alsakan avait pu échanger certaines saveurs avec la Togruta mais il ne s’attendait pas vraiment à la découvrir aussi aguicheuse et sulfureuse. Sans doute était-ce là des restes du passé dont elle n’avait pu se dissocier. Ou bien était-ce tout simplement une volonté que de vouloir jouer aux acrobates avec le premier homme influent venu. L’Alsakani avait beau rester modeste, il ne pouvait négliger qu’il représentait un monde phare et prestigieux de la République.

Par simple réflexe, l’Alsakani avait détourné son regard pour ne pas le laisser recevoir de front les attaques provocatrices des yeux de la cantatrice mais aussi pour signifier son désintérêt pour ce genre de choses. Il avait déjà eu le temps d’expérimenter pendant sa période au sein des forces armées et il ne regrettait pas d’avoir cessé ce genre de pratique en quittant les Forces Spéciales. Cela allait également de pair avec sa mentalité, l’étiquette qu’il devait de nouveau savoir appliquer mais aussi par une certaine indifférence.


« C’est très flatteur, Madame, mais je ne suis pas vraiment quelqu’un qui dispose son temps à ce genre de choses… »


Le ton n’était pas réprobateur mais restait tout de même assez expressif de son désaccord avec les activités cachées de la Togruta.


« De la part de certains privilégiés venus assister à votre récital pour bien se faire voir devant les médias ? Sans doute, oui. Mais il est plus intéressant, à leur sujet, de se demander ce qui les intéresse le plus actuellement. Vos paroles ou bien leur publicité ? » Il marqua la pause pour finalement conclure par une ouverture réaliste et agréable : « Fort heureusement, toute l’assemblée venue assister à votre agréable récital écrase sans le moindre état d’âme les intérêts et les intentions de ces individus-là. »


Il en était certain. Il lui avait suffit de tendre l’oreille pour s’en rendre compte. L’ovation qui avait été faite à la cantatrice Tee était à la hauteur de l’introduction qu’elle leur avait offerte. Quand à savoir ce que l’on retiendrait de son récital, l’Alsakani ne pouvait répondre à la question sans mentir. Lui-même avait été plus touché par l’émotion et la beauté du récital que par son contenu bien qu’il partageait bon nombre d’idées évoquées dans les tirades de la Togruta. C’est pourquoi il n’offrit aucun commentaire et se contenta d’appuyer les dires de la cantatrice d’un signe de tête appuyé, laissant le champ libre à la sénatrice Laz’ziark. Elle était de toute manière bien mieux placée pour aborder ce genre de sujets.

En effet, l’Alsakani n’était pas originaire d’un monde en proie à une forme d’anarchie et croulant sous les vices des entreprises peu scrupuleuse des habitants, au point de les exploiter. Alsakan était peut-être une Monarchie, mais les droits et les libertés étaient en grande partie respectés, et cela depuis la nuit des temps. Balosar, en revanche, c’était une tout autre histoire.

C’était d’ailleurs là une des raisons qui l’avait poussé faire une proposition à la sénatrice Laz’ziark. L’idée de pouvoir mettre un terme à cette véritable exploitation, héritage d’une période où les corporatismes de Coruscant exploitaient sans vergogne ses dépendances du Noyau et de la Région d’Expansion sans que personne ne puisse s’opposer à eux. Personne excepté Alsakan, évidemment. Est-ce que Jeresen comptait remettre au goût du jour les anciens conflits entre son monde et la capitale galactique, certainement pas. Il espérait d’ailleurs que cette époque était définitivement révolue et avait laissé sa place à des opportunités moins directes et plus détournées. Et si les actions pouvaient être profitables à tous…

Pendant que l’Alsakani était perdu dans ses pensées, les choses avaient évoluées dans la loge de la Togruta. Sans qu’il ne s’en rende compte, le maigre temps de l’entracte avait finit par filer, au point d’être bientôt écoulé. La chose fut d’ailleurs rappelée à la cantatrice Tee, laquelle ne pouvait que les congédier pour finir de se préparer. Sur le fond, la chose était tout à fait normale. Sur la forme, l’Alsakani fut de nouveau prit de cours par l’invitation de leur hôte, qui venait quelque peu le gêner. Il ne voulait pas empiéter sur un dîner que la Togruta aurait prévu de passer uniquement en compagnie de la Balosar et passer pour un gêneur particulier aux yeux de celle-ci.

Affichant un air plutôt neutre et laissant transparaître sa réflexion, il répondait enfin sur un quelque peu réservé, jetant la patate chaude à sa collègue sénatrice :


« Si la Sénatrice Laz’ziark ne voit pas d’inconvénient à nous accompagner, ce serait un plaisir de venir dîner en votre compagnie. Tout comme je vous remercie d’avoir accepté de me recevoir à ses côtés durant l’entracte. »


Il pouvait reporter à plus tard les dossiers qu’il devait clore après cette soirée à l’opéra. Il pouvait aussi déléguer les tâches à son assistant, Jonn. Ce dernier ne rechignait jamais à la tâche. C’était quelqu’un de serviable et toujours à la recherche d’une tâche à effectuer. Il serait sans doute ravi de pouvoir s’occuper de ce genre de choses alors que lui se rendrait à un « dîner » en compagnie du représentant d’un autre monde républicain. Il lui faudrait également avertir Eliott du changement de programme. Ce genre de choses pouvait se faire simplement, rapidement et efficacement.

Il était temps de quitter les loges. L’Alsakani laissa la sénatrice remercier comme il se devait la cantatrice avant de venir en faire de même, dans le pur style mondain. Il avait apprit à de nouveau se conformer à ce genre de manœuvres, l’étiquette, qu’il trouvait ennuyantes étant plus jeune.
Puis ils quittèrent la salle, se retrouvant dans le couloir où les attendaient le même ouvreur qui les avaient mené jusqu’au cœur des coulisses magnifique de l’opéra. Ils les avaient surement attendus. Se remettant donc en marche, Jeresen ne put s’empêcher de souffler une remarque à la Balosar :


« Vous auriez pu me prévenir que vous me jetiez dans un guet-apens, sénatrice Laz’ziark. » lâcha-t-il avec un certain amusement alors qu’ils remontaient les couloirs des coulisses pour revenir vers la Grande Salle.


Il marqua une pause, son sourire s’étirant un peu plus pour confirmer qu’il ne s’agissait pas là d’un reproche. La manœuvre de la sénatrice semblait lui apparaître plus clairement à présent. Il espérait que le test, car il s’agissait un peu de cela, avait été passé avec succès. A présent, ils allaient pouvoir reprendre place dans la salle, face à la scène, et découvrir la suite du récital de la cantatrice Tee avec, il n’en doutait pas, la même émotion et la même satisfaction.


« Je vous remercie néanmoins d’avoir pu m’accorder cette chance de pouvoir rencontre la cantatrice Tee en personne. C’est une opportunité qui m’avait été offerte par le passé mais que je n’avais pu saisir pour certaines raisons personnelles. »
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Fronçant les sourcils, la balosar ne répondit pas immédiatement à l’invitation lancée tout à trac. A vrai dire, elle ne s’y attendait pas du tout, et cela ne l’arrangeait guère. D’une part, parce que ce restaurant était abominablement cher et qu’elle n’aimait pas particulièrement les extras aussi coûteux, surtout quand ils étaient motivés par une envie personnelle. Ensuite et surtout parce qu’elle avait promis à sa fille de rentrer sitôt après la représentation, et qu’elle s’en voulait d’avance de ne pas pouvoir tenir sa promesse. Elle la voyait déjà trop peu à son goût, pour une fois qu’elle aurait pu rentrer pour la bercer tranquillement, lire un bon roman et se coucher à une heure ne dépassant pas les trois heures du matin… Sans compter qu’il faudrait que la nounou accepte de rester la nuit, ce qui doublerait ses honoraires… Non vraiment ce n’était pas la proposition du siècle pour elle.

D’un autre côté, si passer du temps avec une vieille amie était toujours tentant, Ress devait avouer que la perspective de continuer à discuter avec son collègue d’Alsakan était autrement plus intéressant. Parfois, il fallait savoir saisir une opportunité quand elle se présentait. Au fond, cela n’engageait à rien : au pire, elle aurait gagné un bon repas. Au mieux, une connaissance potentiellement utile au sein de la Rotonde. Il y avait là matière à piquer son envie de sortir et passer outre son instinct maternel. Sentant néanmoins qu’elle faisait un peu trop attendre Ashla qui patientait pour aller se préparer, elle finit par répondre :

« Hum, si je parviens à convaincre la baby-sitter de rester plus longtemps… Pourquoi pas. Je n’y vois pas d’inconvénient. »

On avait connu plus enthousiaste certes, mais il fallait expliquer d’emblée les raisons de sa réticence : elle avait un enfant à charge et n’était donc pas totalement libre de ses mouvements. Saluant la cantatrice Ress emboîta le pas à l’humain, souriant à sa remarque. Elle ne sentait pas d’animosité particulière, juste une constations, aussi elle répliqua sur le monde ton badin, tout sourire :

« Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler, mon cher collègue. »

Puis son sourire se fit un brin amusé quand elle ajouta :

« Quoique vous conviendrez qu’il y a des guet-apens moins avenants. »

Et moins … hum… accortes. Aussi. Reprenant son sérieux, elle conclut cependant :

« Ne prenez pas… pour argent comptant tout ce que dit Ashla. Croyez-moi, eussiez-vous fait montre d’un quelconque intérêt dans son badinage, et vous n’auriez fait que la flatter un peu plus. »

Encore que, au fond, il n’y avait guère de mal à cela. En terme de mœurs privées, l’avocate n’avait jamais été particulièrement vocale. Tant que c’était légal, entre adultes consentants… Elle n’y voyait rien à redire. Ce qui l’agaçait tenait plus dans l’exploitation d’un sexe par un autre dans la considération qu’avait certains hommes pour leurs maitresses réduites au rang de trophées à exhiber. Cela, en revanche, elle ne pouvait le tolérer, bien qu’elle ne blâmât pas les filles séduites ainsi : elles voulaient simplement s’élever, trouver une condition que leur éducation ne leur aurait jamais permis d’acquérir.

« Ceci étant dit… Ce n’était rien. »

Bon si, un peu tout de même, mais elle n’allait pas le souligner, car tous deux ne faisaient que jouer le jeu savant de la politesse de salon. Sortant son holocom, la balosar indiqua leur rangée au sénateur avant de dire :

« Je vous laisse prendre place, comme dit plus tôt j’ai des arrangements à faire pour vous accompagner à ce dîner. »

Et elle sortit quatre à quatre. Après quelques minutes, elle revint, pour voir que la salle était à nouveau dans la pénombre et que le rideau était à nouveau ouvert. Aussi discrètement que possible, tandis que les premières notes résonnaient, la sénatrice regagna sa place, s’assit et put enfin savourer le reste du récital. En fait, elle avait reconnu l’air dès le début et devait reconnaître que ce choix ne la surprenait pas, étant donné la volonté cachée derrière cet agencement du programme. Cet aria là, tout amateur distingué se devait de le reconnaître après tout, tant il était célèbre. On disait qu’il avait été chanté par toute une salle lors de la venue d’un des empereurs tionese sur une des planètes sous sa coupe qui supportait mal cette tutelle, en signe de protestation. Depuis, sans doute autant pour ses qualités musicales que pour le symbole, la mélodie était connue comme un signe de ralliement contre l’oppression. Ordinairement, il était chanté par un cœur seul, mais pour l’occasion une soliste s’ajoutait à l’ensemble. Et Ress devait avouer que le résultat était à la hauteur de ce pari musical, la voix d’Ashla se trouvant sublimée par celles des choristes. C’était vraiment une pure merveille.

D’autres morceaux suivirent, tous sur le même thème, et enfin, le récital arriva à sa fin, les applaudissements se déchaînant. Il y eut un rappel, évidemment, puis un second, avant que la scène soit recouverte de fleurs et qu’un imposant bouquet soit remis à la cantatrice par le directeur pour sa brillante carrière qui prenait fin ce soir. On pouvait lire l’émotion sur le visage de la togruta, ainsi qu’une certaine joie, ce qui était plutôt incongru au vu de la situation, mais que la balosar comprenait. Elle partait avec l’impression d’avoir fait quelque chose, même minime.

Puis la salle dut enfin se vider, Ress remit son large manteau sombre, avant de dire à son voisin :

« Nous allons passer à nouveau par les coulisses, ce sera plus simple. Avec la cohue, personne ne fera attention à nous. »

Et ainsi, traversant la foule en sens inverse, les deux sénateurs parvinrent jusqu’à la loge qu’ils avaient quitté quelques instants plus tôt, ou plutôt devant la porte fermée de cette dernière, puisque manifestement, Ashla Tee n’avait pas fini de répondre à ses admirateurs. Ne restait donc plus qu’à l’attendre…

Musique Maestro III:
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La soirée avait prit une drôle de tournure, plutôt agréable et amusante. Jeresen ne s’en voulait jamais de laisser son travail de côté le temps d’une soirée à l’opéra, et visiblement la chose le lui rendait bien. Il n’y était que très rarement embêté, et il avait visiblement la chance de pouvoir y faire des rencontres agréables. Il est évident que s’il avait dû finir à côté du Sénateur de Bakura, la soirée aurait sans doute prit une autre tournure, sans doute plus désagréable.

La remarque de la Balosar ne le surprît guère, lui qui avait tout de même une certaine expérience du milieu bien qu’il n’y avait jamais mit les pieds. Il suffisait de regarder comment s’agençait parfois certaines soirées mondaines moins traditionnalistes sur Alsakan pour comprendre que la chose était plutôt monnaie courante.


« Je le comprends bien. Tout comme je suis certaine que vous comprenez mon manque d’intérêt pour ce genre de... choses.


Jeresen afficha un léger sourire amusé, alors qu’il chassait pareille idée de son esprit de manière définitive. La voyant sortir son holocommunicateur et se remémorant sa nécessité d’arranger sa fin de soirée, l’Alsakani déclara :


« Faites donc. Si vous ne parvenez pas à vous libérer, ce n’est pas bien grave. Je suis certain que nous trouverons un autre moment s’il le faut. »


Il la regardait s’éloigner, avant d’avancée le long de sa rangée, pour rejoindre son siège. D’un mouvement habile des épaules, il laissait glisser son manteau le long de ses bras pour venir le déposer sur l’accoudoir de son fauteuil, y prenant place pour observer le long et épais rideau qui masquait toujours le fond de la scène et la cantatrice Tee qui se préparait pour la dernière longueur d’une vie chargée d’émotions, et dont les récitals avaient conquis bon nombres de spectateurs. Sortant son datapad, l’Alsakani en profita pour informer Elliot su changement de programme, et à savoir qu’il pourrait éventuellement les suivre de loin s’il estimait nécessaire d’assurer sa protection pour le reste de la soirée. Il le savait habituer aux changements et aux imprévus, il s’adapterait en conséquence. Jeresen était confiant, alors que le rideau s’ouvrait et que la salle plongeait à nouveau dans la pénombre.

Jeresen se leva pour laisser passer la Balosar qui revenait juste à temps, la laissant s’installer avant de faire de même. Devant eux, l’obscurité laissa place à une lumière légère et orangée, projetée depuis le plafond de la grande salle et qui illuminait la scène et la Togruta, laquelle, souriante, s’apprêtait à s’élancer dans un nouveau tourbillon lyrique. Le thème était engagé, comme l’Alsakani s’y était attendu vu la première partie du récital qu’avait présenté la Togruta. L’air était somptueux, et Jeresen n’en connaissait que très bien les origines lointaines, à savoir les années ayant précédé la grande guerre du Tionese, où Alsakan s’était vu bombardée mais avait su se redresser et participer à la reconquête des mondes Républicains perdus, pour finalement libéré les mondes oppressés par leur tyran. L’anecdote qui entourait ce chant était plutôt amusante, mais les conséquences avaient été terribles pour ceux qui avaient osé cet appel à la lutte pour la liberté face à leur oppresseur.

La manière dont le chant était offert ce soir au spectateur était toute aussi originale que magnifique, la voie de la cantatrice s’ajustant à merveille avec celles du chœur qui l’accompagnait tout au long de son envolée. Ses voix envoûtantes partagèrent la scène aux côtés de la Togruta tout au long du dernier acte, au fil des chants qui s’enchaînaient, sur ce même thème qui, assemblés avec les précédents, auraient presque pu s’accorder avec le statut du monde de la Sénatrice Laz’ziark. Une planète oppressée et surexploitée, à la recherche d’un souffle nouveau. La suite fut plus protocolaire, mais chaque rappel fut acclamé à sa juste valeur, Jeresen y participant évidemment, et sans la moindre hésitation.

La salle finit néanmoins par se vider alors que le rideau s’était refermé devant la cantatrice émue, mais qui pouvait quitter la scène avec la satisfaction d’avoir offert un formidable récital. Jeresen se leva également, presque de concert avec la Balosar, enfilant son large manteau avant d’acquiescer au conseil de la Sénatrice Laz’ziark, confirmant par un :


« Je vous suis. »


Jeresen s‘avança à la suite de la Balosar, suivant sa percée inverse au déplacement de la foule, se rapprochant de la scène pour pouvoir plus facilement bifurquer vers les coulisses qu’ils avaient quitté plus tôt, arpentant les vastes et majestueux couloirs pour finalement échouer face à une porte close, alors que la cantatrice Tee n’était pas encore revenue de sa sortie magistrale.


« Nous allons l’attendre ici. Je pense qu’elle ne devrait pas tarder, si elle survit à la marée de journalistes désireux d’arracher ses derniers secrets avant qu’elle ne se retire définitivement. »


L’Alsakani s’écarta du milieu du couloir, se déportant vers un des vastes piliers sans venir s’y appuyer. Les mains dans les poches de sa longue veste, il restait parfaitement droit, héritage d’une vie martiale et disciplinée, à servir l’armée républicaine puis celle de son monde natal. Ainsi positionné, il ne gênait point le passage, où circulaient désormais toute une foule de techniciens visiblement affairés à s’assurer que la fin de cette soirée lyrique se déroula sans encombre. C’était eux qui, tapis dans l’ombre, avaient gérés le bon déroulement de la représentation de la cantatrice Tee, et ils méritaient sans doute eux aussi les applaudissements du public.

Lentement, Jeresen retira ses grandes mains de ses poches, alors qu’il s’apprêtait à changer de sujet, pour se détourner vers des propos plus pratiques et professionnels :


« J’ai profité de l’inspiration que m’offrait ce somptueux récital pour réfléchir plus en avant sur ce dont nous avions que peu discuté. Mon gouvernement exigera des contre parties, ou plutôt des garanties, et soyons honnête, je ne sais pas ce que Balosar pourrait offrir qui pourrait attirer leur attention. »


Il était évident que les membres des Conseils du Roi Fird n’allaient pas accepter l’idée qu’Alsakan ne vienne aider un monde oublié sans obtenir des garanties concrètes, même aussi faibles soient elles. Sur le papier, Balosar n’avait pas grand-chose à offrir de légal, mais Jeresen était convaincu que la Sénatrice Laz’ziark avait plus d’une idée dans son sac. Au final, Balosar avait un véritable potentiel, caché sous un épaisse couche opaque. Il s’agissait tout de même de la principale source d’exportation de drogues, ce qui signifiait qu’il y avait un fort potentiel pharmaceutique qui, hélas, était utilisé à mauvais escient.

Jeresen se permit néanmoins de compléter ses propos par une nécessité évidente :


« En plus d’un discours bien placé quand au gain de reconnaissance et d’influence significatif que mon monde pourrait retirer d’une pareille manœuvre, bien entendu. »


Les membres de la Haute-Noblesse Alsakani étaient en effet très friand des longues envolées lyriques, teintées d’arguments aux apparences irréfutables, bien enrobés par de grandes couches de vernis. C’était d’ailleurs un des grands défauts de l’Archaïad et de ses membres élus par le Roi Fird. Il était facile, en se montrant suffisamment retord, de laisser filer de folles rumeurs sans le moindre fondement tant que la manière employée était suffisamment convaincante. Jeresen n’appréciait pas trop ces méthodes mais il y était tout de même rompu, était son argumentaire par une franchise qui avait l’avantage de séduire une partie de l’assemblée de Conseillers. Ensuite, en général, il n’avait plus qu’à pousser le reste de ses arguments pour laisser ses confrères Alsakanis se convaincre entre eux.

Evidemment, il y avait toujours des exceptions. Dans ce cas, il y avait bien d’autres méthodes qui pouvaient être appliquées. Là encore, Jeresen savait que le meilleur moyen de convaincre rapidement son gouvernement était de leur glisser un projet qu’ils ne pourraient pas refuser tant le potentiel serait important. C’était là son idée première, appuyer sa proposition pour Balosar en jouant sur l’impulsion que cela pourrait donner sur d’autres mondes confrontés à ce genre de difficultés. En somme, raviver les mémoires sur les piliers fondamentaux de la diplomatie Alsakani, celle d’aider les mondes martyrisés et oppressés par le système mis en place par Coruscant et l’Etat Fédéral.

Jeresen voulait clairement se montrer rassurant quand à la faisabilité de la chose, ‘est pourquoi il venait glisser à la Sénatrice :


« Soyez certaine que je suis prêt à défendre mon idée face à mon gouvernement, comme je vous l’ai déjà affirmé. Mais entre-nous… si Balosar n’était pas le seul monde prêt à solliciter l’aide d’Alsakan, bien que le mot soit un peu fort, son soutien serait d’ors-et-déjà acquis. »


Réalisant que ses propos étaient peut-être un peu fort et pouvaient être mal interprétés, il ajouta à l’intention de la Balosar, se courbant quelque peu sur le côté pour être parfaitement entendu :


« Ne comprenez pas par là que j’entends faire passer cette aide sous la forme d’une mise sous tutelle, où je ne sais quel autre moyen de la sorte. Je parle bien d’un vaste projet, dont Alsakan serait qu’un simple partenaire, et qui pourrait débloquer une situation depuis trop longtemps enterrée par la République et Coruscant. »


Argumenter plus sur le sujet ne servirait à rien sans une réponse claire de celle dont les antennes captivaient étrangement l’attention de l’Alsakani, comme si le manège de ces dernières se révélaient être une attraction toute nouvelle. Jeresen aurait sans doute rester des heures à les observer s’il n’avait pas été dérangé par un nouveau brouhaha naissant, alors que la cantatrice Tee faisait finalement son apparition au fond du couloir, suivit par une vague de journalistes qui se voyait bien vite arrêté par le servie de sécurité de l’opéra ainsi que, sans doute, son service de protection personnel. Jeresen se décala alors, s’éloignant de l’orbite du pilier :


« La voilà. »
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« Oh vraiment ? J’espère que vous ne manquez pas d’intérêt pour … toutes ces choses. Ce serait manquer des parties agréables de nos existences tout de même. »

Ress devait admettre qu’elle avait affiché un sourire notoirement amusée en quittant le sénateur pour faire ses arrangements afin de participer à la suite de la soirée. Elle adorait ce genre de petites phrases, qui lui rappelaient par moment les plaisanteries peu distinguées de son enfance sur Balosar, puis de ses années au sein des syndicats. C’était le genre de choses qu’on lançait à la cantonade pour voir qui rougirait afin de se moquer du ou de la malheureuse. Parfois, elle devait admettre ne pas comprendre le caractère pincé de certains de ses confrères politiques sur le sujet. Etant donné leurs âges respectifs, elle osait espérer qu’ils n’avaient pas fait que jouer à des jeux de société dans leurs lits la nuit ! Encore que pour certains… Oui, avec le sabre laser qu’ils se trimbalaient dans l’arrière-train, ce n’était pas impossible.

Le récital terminé et l’attente se prolongeant dans le couloir, la balosar finit par croiser les bras tout en écoutant son vis-à-vis. Imaginant la cantatrice harcelée par la horde de gratte-papiers avides d’un scoop quelconque pour faire leur pige de la semaine, Ress ne put retenir un soupir, avant de répliquer, légèrement pince-sans-rire :

« J’espère qu’elle leur parlera de sa relation torride et parfaitement imaginaire avec le sénateur de Bakura.

Etant donné le niveau actuel des médias sur cette planète, je suis presque sûre que ça pourrait être pris au sérieux.

Non parce qu’aux dernières nouvelles, sachez que le Vice-Chancelier et Madame Kira entretiendraient une relation absolument torride …

Dommage, le trucage était presque réaliste, ils avaient même trouvé un cul-de-jatte pour une fois. Le dernier avait ses deux jambes, du coup forcément, la photo compromettante d’Alan Bresancion avec ce qui était censé être la Chancelière en prenait un coup… »


Ress raffolait de ce genre de rumeurs stupides, s’émerveillant de l’imbécilité générale qui consistait à admettre que n’importe quoi était possible, pourvu que ce soit écrit dans elle ne savait trop quelle feuille de chou. Faire la compilation des plus ahurissantes qu’elle trouvait était un de ses passe-temps préférés, quand elle n’avait rien d’autre à faire que parcourir les sites d’information en ligne en attendant un rendez-vous ou dans les transports. Et puis… il fallait bien admettre qu’elle n’était pas forcément pressée de se remettre à parler travail après ce trop bref moment de détente. Enfin, autant se remettre dans le bain.

Bien, venait donc la question à cent mille crédits. Que pouvait offrir Balosar ? La réponse sarcastique aurait été : des prostituées bourrées de MST, de la drogue et une atmosphère délicieusement polluée. Peut-être que c’était un peu trop franc tout de même. Donc… Excellente question, en vérité. Si la sénatrice avait été faite du même bois que ses prédécesseurs, les réponses n’auraient pas manqué. Peut-être même que les précédentes auraient pu faire l’affaire du coup. Sauf que ce n’était pas le cas, et qu’elle ne tenait pas à vendre sa planète au plus offrant. Autant jouer d’emblée carte sur table.

« Au premier abord, je vais sans doute vous répondre par ce que vous venez de dire : rien. Strictement rien. A moins que le trafic de bâtons de mort vous intéresse, mais j’en doute légèrement. »

Elle n’avait pas pu s’empêcher de la sortir. Evidemment…

« Cela dit… Nous pouvons nous arranger pour transformer ce rien quelque chose d’un peu plus aguichant. Certes.

Néanmoins, je le redis : en termes de partenariat commercial, échange de technologie hélas, ma réponse ne changera pas. Si par miracle nous trouvions quelque chose, ce serait un échange trop déséquilibré. Et donc sans intérêt pour Balosar. »


Qu’il se rassure amplement : elle veillait suffisamment au grain pour ne pas avoir peur des tentatives de tutelles. Elle avait résisté à celles des lobbys industriels, des banques, de ses voisins, même des propositions de certains sénateurs agacés par ses récriminations… Autant dire que sur le sujet, elle était plus que rompue.

« Avant toute chose, je dois savoir aussi ce que vous êtes prêts à offrir. C’est que cela aidera à définir les contreparties attendues.

Pour autant, histoire de vous donner quelques pistes… J’ai oui dire grâce à des amis sur votre planète que vous cherchiez à engager des travaux pour rénover votre flotte.

Un certain nombre d’entreprises de construction de vaisseaux ont élu domicile sur Balosar. Dont la Rendili Stardrive, par exemple. Que j’ai exproprié pour non-respect des normes républicaines. Mais cela signifie que ma main d’œuvre est hautement qualifiée dans ce domaine, et que nous possédons des installations productives adéquats, avec une main d’œuvre nombreuse et industrieuse.

Je ne demande que le respect des normes votées par le Sénat républicain il y a peu… peu importe les changements de législations futures. Songez qu’outre les économies réalisées… Vous auriez un pied à terre dans le sud de la République, à quelques encablures de Corellia.
C’est une simple proposition. »

Ca, c’était pour la planète. Et elle pouvait dire merci à Andreas Berger et à ses amis syndicalistes pour le tuyau.

« A titre personnel… Vous savez aussi bien que moi qu’Alsakan est sujette à certaines tensions sociales. Je peux toujours proposer une médiation pour collecter les doléances. Ou envoyer discrètement un camarade à ma place si mon nom est trop effrayant. Je présume que cela intéresserait plus votre roi que votre assemblée de nobles.

Mais après tout… C’est lui qui détient le pouvoir de décision, in fine. »


Histoire de conclure, elle ajouta :

« Ce ne sont que des premières pistes. Libre à vous d’en faire ce que vous souhaitez ou de réfléchir à d’autres idées. »

Peut-être qu’ainsi, elle pourrait voir plus précisément où l’humain voulait lui-même en venir. Parce qu’il avait forcément un plan derrière la tête. L’altruisme, ça n’existait pas. Sauf chez les jedis. Et encore. Quelque part, eux-mêmes étaient bien plus inscrits dans le prisme politique qu’ils ne le croyaient. Mais il n’y avait pas pire aveugle que celui qui refusait de voir.

« Quant à votre vaste projet… Je serais curieuse de savoir ce que vous entendez par là. »

Jeresen Fylesan n’eut pas le temps de lui répondre qu’enfin Ashla Tee paraissait. Les dépassant rapidement, elle jeta tout à trac :

« J’arrive, j’arrive, je me change et nous y allons ! »

Et elle disparut dans sa loge, tandis que Ress reprenait sa pose :

« Si j’en crois mon expérience…. Je crois que vous allez largement avoir le temps de m’expliquer tout cela en détail… »

Et quand elle disait largement… C’était vraiment largement.

Vingt minutes plus tard, la porte s’ouvrit enfin, et ils purent pénétrer à l’intérieur pour trouver une Ashla Tee remaquillée et arborant une robe de soirée turquoise vaporeuse qui devait valoir son pesant de crédits.

« Venez, venez, suivez-moi. »

Elle les conduisit dans une enfilade de pièces et de couloirs qui devaient mener à une sortie dérobée, où une navette de luxe les attendait. Ress regarda l’engin un bref moment, avant de prendre une profonde inspiration et d’entrer en dernière, sentant le regard plein de compassion de son amie sur elle, cette dernière préférant néanmoins ne rien dire par respect.

A l’intérieur, elle se contenta de regarder par la vitre et de laisser les deux autres parler, se concentrant sur le bruit de sa respiration et tentant de se tenir aussi éloignés que possibles ses souvenirs et sa nausée. Finalement, la navette s’arrêta devant leur destination, un luxueux restaurant où elle n’était jamais entrée, évidemment. S’extirpant de leur véhicule, elle laissa Ashla s’annoncer au majordome qui courrait à moitié pour l’accueillir, ce dernier ne manquant pas de fixer ses antennes d’un air surpris, récoltant un sourire carnassier de la part de leur détentrice. Cependant, l’homme les emmena sans rien ajouter d’autres à l’étage discrètement, où un petit salon privé les attendait. Il les laissa prendre place et leur tendit les menus. En voyant les premiers prix, Ress manqua s’évanouir… Bon sang, mais ils vendaient des salades en or massif ou quoi !

« Allons n’hésitez pas, je vous invite, je régale ce soir ! »

« Tu es sûre ? »

Faites que ce soit le cas…

« Evidemment enfin ! »

Ouf. Au diable la bienséance et les règles de politesse. Pour une fois, la balosar n’allait vraiment pas se battre pour partager l’addition… Ou sinon, elle pouvait dès à présent prendre un crédit sur l’année.

« Quelque chose a attiré votre œil, Sénateur Fylesan ? »
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« La chose pourrait presque paraître crédible lorsque l’on sait que le Sénateur de Bakura ne se ballade jamais en soirée mondaine sans cette Mirialan qui le suit partout.

Mais oui, il est malheureux de voir certains organes de presse se répandre en futilités là où des sujets plus importants couvent. En somme, ils ne sont que la représentation actuelle de la Rotonde. »


Plutôt amusantes lorsque lancées ci et là, ce genre de ragots et de « scoops » finissaient par ridiculiser la presse pour le Sénateur. Il était bien malheureux que ce genre d’organes perdent leurs temps à colporter pareilles ignominies au lieu de s’occuper des affaires importantes pour les citoyens Républicains, à savoir s’ils allaient pouvoir dormir, manger, vivre tranquillement, sans avoir à craindre les menaces potentielles et ô combien nombreuses.

Jeresen préférait rester terre-à-terre, c’est pourquoi il évitait de trop s’attarder sur ce genre de choses. Il n’en avait d’ailleurs pas le temps, les derniers mois s’étant enchaînés tel un marathon : réception des délégations de l’Alsakan Corporation of Armaments, tractations auprès des mondes proches d’Alsakan, et cela sans parler de ses obligations militaires mensuelles. C’est pour ces raisons qu’il appréciait tant ces moments de calme et de détente, que ce soit à l’opéra ou ailleurs. C’est pour cela qu’il évitait des journalistes qu’il voyait trop souvent à la sortie de la Rotonde. Fort heureusement, il ne se faisait pas trop remarquer. De fait, les pigistes venaient moins l’aborder.

Pourtant, ce dont il parlait à présent avec la Sénatrice de Balosar pourrait vite faire évoluer la chose s’ils parvenaient à tomber d’accord et à convaincre l’Archaïad. Quoi de plus surprenant que de voir un monde riche et prospère s’intéresser à un pauvre monde perdu et oublié de tous et prêt à prendre des risques sans contreparties réelles et assurées. En effet, Balosar pouvait être un coup tiré dans l’eau. Mais il pouvait aussi être salvateur. Qui plus est, la Sénatrice Laz’ziark ne manquait pas d’idées auxquels l’Alsakani n’avait pas pensé. Des idées qui pouvaient sans doute faire pencher la balance si elles étaient bien amenées sous le nez des conseillers du Roi Fird.

En effet, la flotte Alsakani était en cours de refonte et les premiers navires n’allaient pas tarder à être livré à la Marine pour être testés avant leur entrée en service actif. La Balosar était bien renseignée quand bien même ce n’était pas un secret. Même si l’appel à la concurrence avait été noyé dans un accord direct avec l’Alaskan Corporation of Armaments, les contrats signés n’étaient en rien confidentiels. Seul leur contenu réel l’était. Proposer de relocaliser une partie de la production sur Balosar, à proximité des mondes Corelliens serait sans doute bien vu pour plusieurs raisons, les plus importantes étant évidemment la capacité de s’éloigner du cercle d’influence habituel d’Alsakan, ou encore l’extension du marché naval Alsakani au-delà de l’oecuménopole. La main d’œuvre de Balosar était évidement qualifiées mais également moins coûteuse, et cela même si l’ACA respectait le minimum des lois Républicaines. Jeresen demanderait évidemment plus de leur part, tout comme le Roi. Le Sénateur en était convaincu.

« Ce n’est pas un secret. Nous avons déposé un appel d’offre public, même s’il n’était adressé qu’à l’Alsakan Corporation of Armaments, dans le pur respect des lois. La flotte d’Alsakan a besoin d’être rénovée mais ça va prendre beaucoup de temps et nécessite une période de transformation.

Il s’agit là d’une période de transition que nous pourrions écourter, car votre proposition est excellente bien que le contrat ait déjà été en grande partie négocié. Cependant, il n’est jamais trop tard pour agir et je pense que l’assemblée serait ravie de voir la livraison s‘accélérer grâce à l’intervention de nouveaux acteurs. D’où une renégociation possible des termes. Et c’est sans parler de la localisation de votre monde, à la frontière d’une zone où nous n’avons pas encore mis le pied en plusieurs millénaires.

Ce sont des points d’accroche qui pourraient faire pencher la balance en votre faveur, en effet.

Sachez enfin que les entreprises Alsakani respectent les normes Républicaines à la lettre. C’est un code de conduite inscrit dans les Lois Fondamentales de mon monde, et que nous avons toujours suivi, même lorsque nous faisions sécession. Ma planète aspire à ce que l’intégralité de la République soit régit par les mêmes normes, et par tous. Non pas par un groupe de privilégiés venant s’accaparer les ressources et exploiter les populations des autres. »


D’où les nombreux conflits ayant opposés Alsakan, Coruscant et Corellia, plongeant la République dans des guerres civiles d’origine commerciales et industrielles. Alsakan défendait les droits des membres Républicains contre l’ingérence des sociétés commerciales au Sénat, et Corellia déclarait son indépendance pour ne pas se retrouver impliquée. Donc oui, Alsakan respectait la quasi intégralité des lois Républicaines, exceptées celles qui constituaient des ingérences dans le fonctionnement interne de l’oécuménopole, cette dernière préférant payer des sanctions que de se plier à des volontés inacceptables –l’obligation d‘élections des représentants au suffrage universel en faisant évidemment partie.

Pourtant, les problèmes sociaux dont parlait la Sénatrice Laz’ziark ne venaient pas de là mais bien de soucis plus profonds et enracinés depuis des siècles : les bas-fonds, et l’incapacité du système à enrayer les phénomènes créés depuis lors. De nombreux médiateurs avaient tenté de trouver des compromis avant que la corruption et les organismes illégaux ne s’installent. Mais désormais, c’était bien la corruption et les cartels qui posaient problèmes :

« Le problème social sur Alsakan est plus complexe qu’il n’y paraît. Il est inexistant dans les hauteurs de mon monde mais il apparaît lorsque l’on s’enfonce dans les bas-fonds. Je me suis longtemps battu contre la corruption et les cartels qui y sévissent, mais c’est un travail de longue haleine qui ne pourra pas tout résoudre. Tout citoyen Républicain a droit à un logement, un travail. Pourtant, certains refusent ou ne respectent pas les lois et finissent dans ces mêmes bas-fonds avant de réclamer du changement… En face se dresse un mur, dressé par certains conseillers.

Peut-être qu’une intervention extérieure permettrait de faire évoluer les choses, mais j’en doute. Cependant, il n’y a rien à perdre à essayer, et vous êtes peut-être la mieux placée pour vous adresser à cette catégorie de personnes. »


Oh que oui, qu’elle était bien placé. N’était-elle pas la Sénatrice d’une planète dont l’intégralité était gangrénée par ces mêmes problèmes ? Quand à Alsakan, elle avait évidemment tout à offrir et les possibilités étaient bien nombreuses, si bien que Jeresen ne pouvaient pas toutes les citer. Cependant, il y avait des idées évidentes qu’il pouvait proposer, et que les Conseils du Roi accepteraient sans doute :

« Concernant ce qu’Alsakan peut offrir la Balosar, les possibilités sont nombreuses. Par exemple, votre monde se meurt, asphyxié par la pollution accumulée depuis des siècles. Mon monde peut vous aider à redresser la pente, permettre aux Balosars d’avoir une meilleure hygiène de vie. Mon monde est tout aussi industrialisée que votre monde, Sénatrice Laz’ziark. Pourtant la pollution y est inexistante. Nous avons la technologie et nous pouvons la partager, ce que ni Coruscant ni les autres mondes n’ont décidé de faire.

Mais après tout, c’est compréhensible. En vous rendant dépendants, ils peuvent plus facilement vous exploiter. »


On ne change pas un Alsakani, même lorsque ce dernier a vécu une grande partie de sa vie loin d’Alsakan. Jeresen était un fervent défenseur des idéaux de son monde, même s’il était de ceux qui voulaient éviter de réitérer les erreurs du passé. De fait, un tacle ici et là certaines mesures proposées par quelques représentants de la Rotonde était assez naturel.

Il reprenait néanmoins, observant ici et là les intérimaires qui allaient et venaient :

« Vous avez proposé de monter une chaîne d’assemblage sur celles préexistantes sur votre monde. Je ne pense pas qu’Alsakan refuserait de vous louer une partie de ces installations, ce qui vous permettrait de renflouer un peu plus vos caisses…

Enfin, une autre idée serait d’aider les Balosars à combattre les cartels qui les rongent. Nous pourrions vous aider à former une véritable force de sécurité, à transformer les usines produisant les drogues. Il y a tant de choses possibles à faire et à proposer… »


Beaucoup de possibilités, en effet. Toutes ne pourraient pas être proposées à la Sénatrice du fait de l’échange déséquilibré mais Jeresen espérait pouvoir rendre l’accord profitable pour chaque partie. L’Alsakani était quelqu’un de droit et de loyal, et qui respectait ses partenaires –et non ses adversaires militaires, mais c’est quelque chose de bien différent et hors sujet. De fait, il ne pouvait ni ne voulait porter préjudice à Balosar pour que son monde s’en tire avec que des avantages. Au contraire, la véritable entente était celle où les parties acceptaient les profits comme les pertes, les avantages comme les inconvénients, et les partageaient. C’était sans doute une vision utopique des choses, mais c’était sa ligne de conduite. Et jusque là, ça avait payé.

Jeresen s’était tu, regardant la cantatrice Tee le dépasser pour la voir disparaître derrière la porte de sa loge. L’Alsakani afficha un sourire amusé lorsque la remarque de la Balosar tomba, comprenant aussitôt que la Togruta prenait généralement son temps pour se préparer. Dès lors, Jeresen réfléchit à la meilleure manière d’énoncer son idée, ce projet qu’il avait à cœur mais qu’il ne pensait pas vraiment pouvoir appliquer un jour. Il le trouvait peut-être trop utopique et il craignait qu’il se noie dans les eaux agitées de la République une fois lancé.

Mais il en avait parlé, et il ne pouvait désormais plus réellement dire « Non, ce n’est rien. Passons à autre chose ». L’Alsakani vérifia donc une fois de plus qu’il n’y avait pas d’individus trop curieux –des journalistes, notamment- avant de se lancer simplement :

« Ce projet… n’est qu’une idée émergeant d’un constat. La République stagne depuis des années, faisant émerger des menaces et des dangers en son sein. La Ligue des Mondes Périphériques devient un peu plus autonome de jours en jours, se dotant d’une force militaire, d’acquis communs aux membres et se permet des libertés parfois inconcevables. Autoriser sa création a sans doute été une erreur, mais nous ne pouvons plus rien y faire si ce n’est surveiller ses agissements.

En revanche, je crains que de nouveaux dangers ne surgissent du Noyau et des Colonies avec le parti du Sénateur S’Orn, bien que ce dernier semble être un personnage plutôt sérieux et qui a mon respect pour ce qu’il a fait pour Neimoidia. Cependant, certaines idées défendues me laissent penser à une véritable régression, un gigantesque retour en arrière, et cela de plusieurs millénaires. Les propositions mises en avant dans des sujets comme le travail et la révision institutionnelle sont des menaces directes pour les mondes les moins prospères ou déjà exploités par les entreprises et les corporations. Donner le droit de vote à ces organismes pourrait mener à un partage du gâteau entre les grandes organisations commerciales et industrielles de la République, qui pourraient à terme imposer leur vision à l’Etat Fédéral. En somme, c’est un retour à la période dure des guerres civiles entre Alsakan, Coruscant et Corellia dont il peut être question si les choses sont mal gérées.


Encore et toujours. L’ingérence des industriels et des commerçants dans les affaires politiques apportaient toujours un grand lot de déconvenues, une masse d’inconvénients pour bien peu d’avantages. L’Histoire parlait, et sans doute reparlerait-elle un jour si l’on laissait les choses aller dans ce sens. Il était alors simple d’imaginer une nouvelle guerre civile, où les commerçants et les industriels influents emporteraient une bonne partie de la République dans leur croisade contre celle-ci lorsque l’organe central se sera montré trop restrictif envers leurs intérêts. Pour Jeresen, cette chose ne devait pas arriver.

« Dès lors, je pense que les mondes comme Balosar, Lannik, Cyrillia et les autres planètes des anciennes régions d’exploitation devraient se rassembler pour porter une autre vision aux côtés des mondes encore indécis –ou convaincus- du Noyau au sein de la Rotonde, en prônant une volonté de développement économique et non d’exploitation pure et simple des citoyens. Je n’ai pas vocation à développer un organisme ayant une reconnaissance politique à la Rotonde, mais plutôt de créer une entente où les membres pourraient s’entraider et partager plus facilement leurs qualités et offrir la possibilité aux autres de corriger leurs défauts avant que d’autres ne décident de s’accaparer leurs mondes via des manœuvres malveillantes. En somme, reprendre certaines idées ayant mené à l’apparition de la Ligue tout en évitant les défauts.»

Non, il ne voulait pas porter un nouveau courant politique mais bien créer une coopération industrielle et économique entre les mondes riches et les mondes plus démunis, pour permettre un véritable développement qui serait plus profitable à la République. Il voulait se montrer innovant, peut-être trop d’ailleurs…

« Enfin… c’est peu être trop utopique comme idée, même si la République serait sans doute plus forte à agir de la sorte plutôt qu’à se quereller indéfiniment. Surtout avec de véritables menaces à ses portes. »

Jeresen aurait bien aimé poursuivre calmement leur discussion, mais la cantatrice Tee fit de nouveau son apparition, les menant à travers les dédales de couloirs du majestueux bâtiment pour finalement les inviter à prendre place à bord d’un luxueux airspeeder. L’Alsakani s’assura qu’Elliott avait prit ses dispositions en lisant son datapad, laissant la cantatrice s’installer pour finalement prendre place à bord. A l’intérieur, la discussion s’enclencha machinalement, s’attardant sur la curiosité de la Togruta pour le système Alsakani. C ‘était à croire que son « aventure » avec un membre de la famille royale l’avait convertit, tout comme les récits parfois amusants ou stupéfiants de Jeresen quand aux déroules de certaines soirées mondaines. En somme, pas grand-chose d’intéressant pour le Sénateur, qui avait poursuivi la discussion plus par obligation que par volonté, affichant dès lors un air et un profil factice et travaillé depuis des années.

Finalement, ils descendirent et s’avancèrent dans l’antre du restaurant luxueux, atteignant l’étage ou les attendaient un petit salon riche et agréable. Jeresen s’installa donc à son tour, attrapant un des menus pour le regarder avec attention bien légère, préférant suivre la petite discussion aves amusement. Il était vrai que les plats n’étaient pas donnés et les prix allaient de paire avec la luxure des lieux. Jeresen s’extirpa cependant de ses pensées, refermant sa carte pour la poser devant lui pour répondre :

« Oh, oui. Je pense que je vais prendre un Endwa à la sauce Seebo. Le dernier que j’ai mangé était succulent, pour une spécialité de Corellia. Et vous-même ? »
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Tout en parcourant la carte en cherchant désespérément une nourriture ne coûtant pas l’équivalent du produit planétaire brut de Balosar, Ress réfléchissait à tout ce que l’humain avait pu dire, son exposé aussi long qu’intéressant ayant été interrompu par l’arrivée finale de celle qui les invitait, l’empêchant d’y répondre. Et elle se voyait très mal entamer à nouveau des discussions politiques devant la cantatrice. D’abord, parce qu’elle appréciait son amie, mais n’avait pas forcément envie que tous ses amants, soit les trois-quarts de Coruscant, puissent être au courant de leurs tractations dès le lendemain. Ensuite et surtout, parce qu’elle les avait invités et n’avait sans doute pas envie d’être bassinée par leurs négociations politiciennes. Ce qu’elle comprenait d’ailleurs sans mal. C’est fou comme deux sénateurs lancés dans une discussion de marchands de tapis neimodiens, ça vous pesait sur l’estomac.

Dommage, car elle était nettement plus inspirée par le sénateur que par les denrées promises. En même temps, elle ne connaissait pas la moitié, et l’autre était tellement hors de portée de ses moyens ordinaires qu’il lui répugnait de les manger. Alors que discuter pollution, vaisseaux, stratégie politique … Ca, c’était dans ses cordes ! Parce qu’elle avait beaucoup à dire, comme toujours, les propositions faites étant intéressantes, même si elle se demandait si l’humain apprécierait à sa juste valeur sa franchise si elle osait lui dire que ce n’était pas parce qu’il ne la voyait pas que la corruption n’était pas présente dans les hautes sphères de sa planète. Avec sa détestation de tout système nobiliaire, mais aussi armée de son expérience d’avocate engagée, Ress aurait volontiers parié, au contraire, que la délinquance en col blanc avait de beaux jours devant elle. C’était tellement facile de tricher, quand on avait les moyens pour le faire, et la possibilité de ne jamais être inquiété. Il suffisait de voir toutes les accusations et procès entamés contre nombre de firmes ou de grands noms, qui s’en sortaient toujours les mains propres à cause de diverses failles juridiques, quand un petit malfrat qui n’avait finalement pas d’autres moyens de manger, n’avait rien connu d’autres que la spirale de la violence et regardait la richesse des autres avec envie prenait vingt ans sans pouvoir se défendre. Enfin, c’était aussi cela, la justice. Ou disons, ce qui en avait le nom, et contre lequel elle ne pouvait pas grand-chose.

Pour autant, en dépit de ses différences d’appréciation somme toute attendue de la part de deux individus aux passés si différents et aux opinions sans doute également aux antipodes sur bien des points, la lecture de la grille géostratégique sénatoriale de Jeresen Fylesan ressemblait beaucoup à celle de Ress Laz’ziark. Oh bien sûr, elle n’avait pas les mêmes réticences vis-à-vis de la Ligue, puisqu’elle comprenait parfaitement le sentiment d’abandon, d’amertume qui avait mené à sa création et partageait même plusieurs points d’accord avec les membres les plus progressistes de cette dernière. A vrai dire, si la Ligue n’avait pas joué autant la carte de l’opposition entre Bordure et Noyau, comme si toutes les planètes de ce dernier étaient des Corellia ou des Coruscant, sans doute aurait-elle pu envisager de la rejoindre, malgré son indépendantisme farouche. C’était cet aspect communautaire qui la gênait, qu’elle trouvait dangereux … Et assez fallacieux, en vérité. En revanche, il n’était guère question de disserter sur ses multiples différends avec le FLR. En même temps, vu ses opinions, le contraire eut été particulièrement stupide.

Cela dit, elle n’avait rien contre le fait de passer une soirée appréciable en compagnie d’une vieille connaissance et d’une nouvelle qu’elle s’amusait à vouloir tester, surprise de l’avoir vu si ouvert à ses problèmes, et surtout si prompt à accepter d’être vu en sa compagnie. C’est que les politiciens riches et aristocrates ne se pressaient pas à son portillon… A raison, néanmoins. Il fallait supporter ses piques et son caractère tout de même. Pour le moment, ses déclarations abruptes n’avaient pas fait fuir l’humain. C’était inattendu, mais rafraîchissant, et tout à fait intriguant. Aussi, avec un mince sourire, Ress finit par répondre :

« Un potage notha du chef pour moi. Je n’ose rien commander d’autres, je me demande déjà s’il n’est pas parfumé à l’or fin … »

Cette déclaration lui attira un soupir navré de la part de sa voisine de table qui souffla :

« Ahlala, ma chère, tu ne sais décidément pas profiter des bonnes choses. Et moi qui pensais que le Sénat t’aurais appris quelques manières ! »

« Que veux-tu, j’apprécie davantage la compagnie que l’assiette. Je ne compte pas déroger à ma règle ce soir. »

Elle ponctua sa déclaration d’un nouveau sourire, cette fois plus franc, en direction des deux autres personnes installées, pour signifier qu’elle trouvait malgré tout l’occasion agréable. Avisant le cendrier sculpté au centre de la table, la balosar demanda :

« La fumée vous dérange-t-elle, Sénateur ? C’est que je n’ai pu échapper à toutes les addictions de mon espèce, voyez-vous. »

Ce n’était pas une surprise, après tout, elle était sortie pour fumer lors de la représentation.

« Ah, si le Sénateur Fylesan est d’accord, je n’aurais rien contre une bouffée non plus, Ress. »

Hochant la tête, l’avocate fouilla dans son sac, en sortant son briquet adoré. Une lueur de reconnaissance brilla dans les yeux d’Ashla Tee, ainsi qu’une infinie tristesse, mais elle ne dit rien, même si la cantatrice avait sans nul doute reconnu l’objet et les souvenirs qui y étaient associés : ceux d’une vie révolue, dont elles n’étaient que des survivantes, finalement. Leur réminiscence silencieuse fut cependant interrompue par le serveur qui vint prendre leur commande et repartit donc avec une discrétion naturelle en ces lieux. Soucieuse de détendre l’atmosphère, la balosar regarda alors l’alsakani, avant de déclarer, l’amusement perçant sous ses traits ordinairement si durs :

« Eh bien, Sénateur, je dois avouer que cette soirée n’a pas pris la tournure que j’attendais. Non pas que ce soit gênant, loin de là, il est rare de trouver une connaissance, même vague, partageant mon goût pour l’Opéra et capable de l’apprécier avec discrétion.

Même si je suis étonnée que vous n’ayez point demandé pour quelle raison je pouvais bien connaître le clou du spectacle … Si j’ose dire. »


« Et moi qui ai pensé un instant que tu allais parler politique et que j’allais m’ennuyer à mourir … »

Un rire échappa à la balosar :

« Je ne t’infligerais pas un tel spectacle … Quoique, chassez le naturel, il revient au galop. »

Oh oui, il y aurait sans doute des sous-entendus, et vers la fin, peut-être que les conversations se feraient plus sérieuses. Mais avec une tierce, difficile de parler réellement de choses qui n’avaient de toute façon cours qu’entre des murs autrement plus sûrs …
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De l’Endwa était un choix absolument parfait pour une fin de soirée comme celle-ci. La viande grillée accompagnée de sa sauce et de ses légumes Corellien était traditionnellement épicée et se révélait tendre à souhait. Jeresen n’était pas du genre à se répandre en louange vis-à-vis de la culture de Corellia et des autres mondes aux influences culturelles titanesques mais il concédait volontiers que certaines choses étaient réellement appréciables, et cela même si elles ne venaient pas d’Alsakan. Bien plus ouvert que ses congénères sur le sujet, cela lui avait valut bien des critiques dans ses premiers mois au poste de Sénateur mais ses compétences et ses faits d’armes sur le plan administratif que militaire suffisait à balayer comme poussières au vent ces moqueries sans fondements. Cela ne faisait pas de lui un convaincu de la centralisation ou de la fédéralisation pour autant, car il préférait de loin les coutumes de son monde et faisait allégrement le tri parmi les traditions d’Alsakan pour n’en garder que celles dignes d’intérêts et n’étant pas décalées avec l’état actuel de la galaxie.

Il ne savait pas sir la Balosar partageait son point de vue sur le sujet, mais il aimait à croire qu’elle et lui pouvait mettre en communs leurs idées et leurs aspirations pour le bien de la République et de leurs mondes sans créer de divergences entre les deux idéaux. C’était là deux choses difficiles à concilier et Jeresen devait souvent nager entre deux eaux pour parvenir à convaincre les conseillers du Roi des bienfaits de ses manœuvres dans l’apaisement des tensions entre Alsakan et la République et le rapprochement des deux entités malgré l’appartenance de la première à la seconde. Encore une fois, il ne voulait pas être le sénateur qui provoquerait une guerre civile dans la République pour des divergences futiles. Il préférait encore rassembler, et si séparation il devait y avoir alors ce serait pour des raisons dramatiques. Jeresen ne jouerais pas son va-tout avant d’avoir épuisé le stock des possibilités. Mais fort heureusement, il n’en était pas à de telles extrémités et la situation entre la République et Alsakan. La température était même agréable et il était facile de compare cette situation à la plénitude qu’offrait la vision d’un Endwa grillé à la broche et accompagné de sa sauce.

Comme quoi, tout pouvait être lié avec un peu d’imagination.

Quand au choix de la sénatrice de Balosar, Jeresen feuilleta discrètement le menu pour s’en assurer de la teneur avant d’afficher un léger sourire à la remarque de la cantatrice et hôte de ce diner. L’Alsakani ne saurait dire si les manières du Sénat étaient bonnes à apprendre ou non. La plupart étaient franchement discutables vu le résultat qu’elles avaient sur bien de ses confrères de la Rotonde. Non, décidément, ce n’était pas une bonne initiative que proposait là la Togruta. Cependant, l’Alsakani ne put s’empêcher une remarque amicale et dépourvue d’animosité à l’encontre de la cantatrice :

« Je préfère effectivement voir quelqu’un rester fidèle à ses règles plutôt que de se forcer. L’image donnée est bien meilleure et toujours appréciable. »

Rendant la carte au serveur, l’Alsakani vînt trouver une assise confortable dans son fauteuil avant d’aviser le cendrier pointé par la Balosar. Il n’avait rien contre les fumeurs, bien qu’il trouvait dommage de savoir la Sénatrice aux mains de cette drogue. Au moins n’était-elle pas accrocs aux autres cochonneries produites sur son monde.

« Pas le moins du monde, Sénatrice Laz’ziark. Mettez-vous à l’aise, je ne suis pas ici pour vous juger. »

S’il ne jugeait pas, Jeresen restait tout de même très intéressé par la relation que pouvait entretenir la sénatrice avec la cantatrice. Il était surprenant de constater que la Togruta puisse être si proche d’une politicienne qui, et ce n’était pas pour rabaisser le statut de Ress Laz’ziark, ne jouait pas forcément dans la même cour que les grands systèmes planétaires de la République. D’ordinaire, ce genre de personnes venait plutôt s’entourer de poids et de protecteurs d’un autre acabit pour mieux profiter de leur naïveté et de leur insouciance, ce qui faisait que Jeresen restait assez à l’écart de ce genre d’individus. C’était là un des restes de son passage au sein des services de renseignements de la République : toujours se méfier de tout et n’importe quoi, se fier à son instinct et ne pas succomber à ses tentations. Attention, Jeresen ne venait pas mettre la Balosar dans le même panier que ces gens-là. Il avait une autre estime pour la Sénatrice Laz’ziark et il avait juste besoin de s’en assurer :

« Oh, c’est une question qui me traverse l’esprit depuis que j’ai appris le pot aux roses. Je ne vous imaginais pas si proche, et je dois bien admette que je suis curieux de savoir où vous aviez bien pu vous rencontrer, et dans quelles circonstances. »

L’Alsakani afficha un sourire sincère à l’égard des deux femmes qui lui tenait compagnie en ce diner, croisant les bras devant lui d’une attitude satisfaite avant de préciser :

« Sachez que je trouve cette fin de soirée des plus agréables, Sénatrice. J’ai rarement l’occasion de passer un moment loin de mes piles de dossiers et de mes aller-retour incessants entre Coruscant et Alsakan. C’est parfois in-su-pportable. »

Il appuya ses propos de mouvements de ses mains, saillants et stricts, qui en disaient long sur son agacement à l’idée d’être constamment sollicité, et souvent pour des prunes d’Aldéraan.

« M’enfin, tant qu’à faire, je préfère encore en savoir plus sur vous Sénatrice, moi qui doit bien admettre ne pas connaître grand-chose de vous, que de devoir me ressasser les souvenirs des dossiers qui m’attendent une fois rentré dans mes appartements. »

Oh que oui. Il préférait de loin la compagnie de la Sénatrice, agréable et apaisante à celle oppressante des affaires et rendez-vous à n’en plus finir, que ce fut sur Coruscant ou Alsakan. C’était là un moyen d’en apprendre plus sur la Sénatrice Laz’ziark, et donc d’affiner ses ressentis sur la Balosar…
Quand à sa propre histoire, il n’aurait pas de problème à la dicter à son tour le moment venu.
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Tout en prenant une bouffée de sa cigarette, Ress contempla avec intérêt l’humain, ses antennes dirigées instinctivement droit sur lui en une démonstration presque physique de l’endroit vers lequel ses pensées se dirigeaient. Il était rare, de façon générale, qu’elle s’intéresse à ses congénéres du Sénat, encore plus ceux de monde aux antipodes du sien. Inutile de préciser donc que ce genre de situation n’était pas franchement dans ses habitudes.

En un sens, Jeresen Fylesan aurait dû être tout ce qu’elle détestait. Aristocrate fortuné, dont on disait que le mariage de sa sœur lui avait valu son poste, militaire, ce qui pour une femme ayant passé un certain temps au bout d’un fusil blaster tenu par des forces armées n’était pas forcément un point positif, venant d’un monde oligarchique … Il fallait le reconnaître : jusqu’à présent, Alsakan faisait davantage partie de ses objets de détestation que de ses points d’intérêts potentiels. Cependant, les propositions de l’homme l’avait considérablement surpris, au point d’écarter toute tentative de subversion par un calcul au cynisme consommé : personne ne prenait la peine de faire semblant d’aider une planète comme la sienne pour l’enfoncer plus. En toute honnêteté, il était difficile pour Balosar de tomber encore plus bas. Ce qui excluait donc les fourberies habituelles entre planètes rivales bien connues dans la Rotonde. Non pas que certains n’aient pas essayé de tirer profit de l’état effroyable de son monde, simplement, il y avait des méthodes nettement plus efficaces pour cela. De toute manière, elle verrait bien, et agirait prudemment pour pouvoir se rétracter en cas de problème.

Enfin, pour une fois, l’avocate espérait passer un dîner agréable sans devoir calculer chacun de ses actes. Ce genre de self-control permanent avait quelque chose d’épuisant, à la longue. Survivre dans cet univers de requins assoiffés de pouvoir n’avait jamais été son but, encore moins son rêve, et parfois, Ress regrettait sa jeunesse pauvre mais infiniment plus heureuse, aux côtés d’Elan, à éplucher des dossiers et à imaginer une vie meilleure pour eux, plus tard, entourés d’enfants à antennes, sans doute plantés dans un décor de collectivistes anarchistes totalement fantasmé. Bref, ce à quoi tout couple aussi politiquement engagés qu’eux pouvait penser pour leur futur. Au lieu de ça, elle s’était retrouvée à abandonner son premier enfant et élevait seule la seconde qui n’avait jamais connu son père, tandis qu’elle aboyait sur la plupart de ses interlocuteurs sans plus jamais arborer son faciès détendu, comme présentement.

Voir la balosar se relâcher, c’était discerner les reflets d’une âme nettement plus charitable que ce que sa langue acérée et son air renfrogné pouvait laisser deviner de prime abord. Sa carapace de mauvaise foi et d’accusations larvées se fendillait pour permettre d’entrevoir une expression plus apaisée, moins illuminée ou torturée, comme si, l’espace de quelques secondes, la passionaria s’effaçait devant l’intellectuelle posée et nettement plus agréable. Ce visage n’était souvent accessible qu’à quelques chanceux triés sur le volet, ses proches et ses plus anciens amis, ceux qui savaient encore lire entre les lignes de ses rides frontales pour y apercevoir la vérité sous le masque, et l’apparence de celle qu’ils avaient su apprécier, dans un temps où rire lui était naturel, où ce dernier n’était pas cet ersatz constamment teinté d’ironie ou de sarcasme. Oui, fut un temps où Ress Laz’ziark avait été différente. Malheureusement, l’explosion qui avait fauché son mari avait également eu raison de ce dernier. Elle pouvait continuer à avancer sans ses illusions de jeunesse, tant qu’il lui restait un bout de rêve auquel se raccrocher. Sans ce dernier … Que lui restait-il ? Sa fille. Ses idées. Son combat. Et sa haine. Ce soir, peut-être saurait-elle la mettre de côté pour exprimer sa part moins sombre, celle qu’elle avait été, autrefois ? D’un geste, elle écarta la cigarette de ses lèvres et la cala entre ses doigts fins, avant de souffler avec un amusement très aisément perceptible :

« D’autres que vous auraient posé la question bien avant. Histoire de s’assurer une histoire croustillante sans se compromettre en ma compagnie. »

Ce n’était pas un reproche ou une attaque quelconque. Juste un constat, et un remerciement pour cette considération portée à sa personne. Etre vu avec Ress représentait un risque politique considérable, surtout pour un représentant d’un monde tel qu’Alsakan. Apparemment, le sénateur Fylesan ne semblait pas y prêter attention, quand bien même la balosar estimait qu’il y avait pensé avant d’accepter cette invitation. Il n’était pas né de la dernière pluie. Trouvant néanmoins sa dernière saillie sur les transports propre à une exploitation, elle ne put s’empêcher de lâcher d’un ton pince-sans-rire :

« Imaginez le trajet Coruscant – Balosar via l’Express … Qui n’a d’Express que le nom. Croyez-moi, la capacité de la Société Galactique des Transports à enchaîner les retards n’est pas qu’une fable urbaine. »

Sur cette saillie, elle entama sa réponse plus formelle :

« Pour répondre à votre question précédente, afin de payer mes études, j’ai fait pas mal de petits boulots, sur Coruscant. C’est au cours de l’un d’entre eux que nous nous sommes rencontrées. Nous travaillions au même endroit, Ashla et moi. »

« Ca, c’est la version rapide. En vrai, au départ, je me demandais bien qui c’était, non parce qu’une balosar qui touche à rien, ni alcool ni tout ça, ça dénotait sacrément dans le paysage. »

« Hum. Merci Ashla pour la précision … »

« De rien, c’était fait de bon cœur. »

Les deux femmes se sourirent un instant, retrouvant leur vieille complicité de jeunesse, avant que la cantatrice ne continue sur sa lancée :

« On ne se parlait pas trop, et puis un jour, un client de la cantina – on était serveuse – s’est dit que la consommation n’était pas uniquement cantonnée à ce que je venais de lui servir. J’ai jamais vu quelqu’un sortir un blaster aussi vite ! Le verre lui a explosé dans la main, et tous les clients ont applaudi.

Ah, c’était le bon temps ! »


Avec un mince sourire, Ress porta ce qu’il restait de la cigarette à ses lèvres, avant de souffler :

« Grandir sur Balosar ne va pas sans quelques menus apprentissages obligatoires. »

Avec rapidité, elle écrasa le mégot dans le cendrier, puis continua en se calant dans son siège :

« Après ça, Ashla m’a régulièrement aidé pour changer mes horaires afin que je puisse étudier plus confortablement.

Puis j’ai trouvé un emploi de stagiaire chez une juriste en assurance, et Ashla a commencé sa carrière après avoir été repérée pour son talent. »


Inutile de s’appesantir sur les détails de cette découverte, qui tenait plus du proxénétisme que d’autre chose. Enfin, après tout, la togruta avait fini par faire la carrière qu’elle souhaitait … Elle n’allait pas juger de ses moyens pour y parvenir.

« Rien de bien exceptionnel en somme. »

Ress n’avait pas honte de son passé miséreux, d’avoir trimé pour payer ses études, pour faire ce qu’elle désirait. Peu lui importait ce que certains diraient d’un tel passif, des ragots qui fleurissaient de temps en temps quand certains avaient le bon ton de se rappeler que la sénatrice avait écumé elle aussi les bas-fonds de Coruscant, et y avait même vécu. Ceux qui l’avaient fréquenté dans sa jeunesse connaissait sa probité, et comme seul leur avis comptait … Le reste n’était finalement que des taches éphémères sur une réputation au Sénat qui n’avait guère de brillant, de toute manière. Seul comptait l’avis du peuple, et ce dernier appréciait ce beau roman qu’était sa vie.

« Ah, nos commandes arrivent ! »

L’œil gourmand de la togruta ne mentait pas, et bientôt, ils se retrouvèrent avec leurs dégustations devant eux. Après avoir goûté son potage, excellent au demeurant, ce qui, compte tenu de son prix prohibitif, était la moindre des choses, Ress demanda, histoire de relancer la conversation :

« Et vous, Sénateur Fylesan ? C’est que, finalement, vous savez plus que moi après ces quelques jours que la plupart de nos collègues : que j’ai deux enfants, qu’un des deux est jedi, que je connais personnellement la cantatrice la plus en vue de Coruscant, mes sombres anecdotes de jeunesse …

Hormis vos états de service et vos biographies, ainsi qu’un amour manifeste de l’Opéra et un certain goût pour les planètes désespérées, je n’ai guère d’informations de première main.

Dites-nous tout : est-il vrai que vous avez épousé dans le plus grand secret la fille du précédent sénateur d’Anaxes ? C’est que ce questionnement enflamme depuis plusieurs mois le tout Coruscant. »


Evidemment, son sourire jusqu’aux oreilles et ses yeux pétillants de malice indiquaient clairement que là n’était pas question, mais Ress se voyait mal l’interroger de but en blanc. Le laisser se dévoiler se révélerait sûrement nettement plus amusant … Et sans doute informatif, également.
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Pianotant un instant sur sa tablette pour répondre à un message urgent, Jeresen ne se détachait pas pour autant de la discussion qu’il tenait avec la cantatrice et la sénatrice. Il avait encore du mal à se convaincre de l’idée même qu’il ait pu se glisser au-delà de la carapace que dressait généralement la sénatrice Laz’ziark vis-à-vis des aristocrates. Il avait entendu bien des discours et autres citations de la Balosar au sujet du peu de considération qu’elle avait pour les gens comme lui, et pourtant il se retrouvait à diner avec elle suite à une majestueuse séance passée à l’Opéra en sa compagnie. Qui aurait pu d’ailleurs imaginer que la sénatrice puisse se rendre à l’Opéra, vu le caractère trempé qu’elle adoptait à la Rotonde ? Sa proposition avait sans doute dû l’interpeller par con côté plutôt inédit et le fait que l’on venait rarement lui présenter de l’aide sans vouloir en contrepartie ridiculiser son monde natal. Il n’y avait rien de plus exécrable que de voir de grandes influences venir porté préjudice à une planète déjà à la peine et exploitée depuis des millénaires par des mondes sans scrupules comme Coruscant. Il n’y avait rien de plus logique cependant que de voir la capitale galactique se prêter à ce genre de jeu, avec l’accord de la grande majorité de la République. Il valait souvent mieux désigner un bouc émissaire autre que soi pour subir tout les supplices que l’on ne souhaite pas se voir infliger. De son souvenir, ce n’était pas réellement le cas d’Alsakan, bien que son monde ait adopté la même stratégie il y a plus de quinze-mille ans pour pouvoir asseoir son autorité dans les dépendances du Nord. Mais depuis lors, l’aristocratie avait tou fait pour faire respecter les droits des peuples et s’assurer que les mondes autrefois exploités puissent bénéficier de contreparties écologiques et financières à la hauteur des blessures infligées à leurs mondes et à leurs populations. C’était d’ailleurs là l’une des principales raisons qui faisait qu’Alsakan était encore extrêmement bien appréciée de ses anciennes dépendances, lesquelles lui emboitaient naturellement le pas lors des décisions importantes au sein du Sénat, ou bien encore pour réclamer une protection contre une menace, quelle qu’elle fut.

C’est pourquoi la proposition de Jeresen avait dû être prise au sérieux, puisqu’Alsakan jouait que très rarement de mauvais tours à un autre monde Républicain, excepté ses grands rivaux. Hors Balosar n’en était pas un. Au contraire, c’était une opportunité : celle de pouvoir montrer au Sénat que des mondes fédérés étaient prêts à s’investir pour offrir un avenir meilleurs à ses voisins, aussi éloignés fussent-ils. C’était aussi un moyen d’étendre son influence sans pour autant s’imposer. Jeresen ne voudrait pas faire de ce monde un quelconque satellite d’Alsakan. Ce serait bien ridicule et la sénatrice Laz’ziark ne le permettrait pas. En revanche, Balosar avait sans doute les moyens de devenir un partenaire particulier à condition d’y mettre un peu d’ordre selon le bon vouloir de la sénatrice Laz’ziark. C’était d’ailleurs là le cœur de ses propositions : offrir une meilleure vie aux habitants de Balosar, en leur offrant des alternatives. C’était le genre d’offres qu’il était difficile de refuser.

« Mais je ne suis pas ce genre de personnes qui s’adonnent à profiter du malheur des autres, ou qui cherchent à les enfoncer pour leur simple plaisir. »

Il fut un temps où il n’aurait pas hésité à récolter un maximum d’informations sur un adversaire pour le faire plonger. Mais ce temps au sein des services de renseignement de la République était révolu et il n’avait plus à tromper la plupart des gens qu’il croisait. Qui plus est, la Sénatrice Laz’ziark n’était pas un adversaire. Au contraire, Jeresen se disait même qu’elle pourrait devenir une alliée fidèle sur qui il pourrait se raccrocher si nécessaire. A condition, évidemment, que les raisons ne viennent pas en opposition avec les principes de l’un ou de l’autre ; d’Alsakan ou de Balosar. Après tout, les différences entre leurs deux mondes natals étaient écrasantes comparées aux points qu’ils pouvaient avoir en commun. Et pourtant, les voilà qu’ils discutaient tout les eux autour d’un verre et d’un bon diner !

Il passa la remarque sur la Société Galactique des Transports sans faire le seul commentaire. N’utilisant uniquement que sa navette personnelle prêtée par la délégation diplomatique de son monde, il aurait été mal indiqué pour lui de se fendre à son tour d’une quelconque remarque. C’était un peu comme si vous lui demandiez d’offrir un plaidoyer en faveur de la démocratie alors qu’il représente un monde aux traditions monarchiques : à moins de jouer dans l’hypocrisie, ce n’était pas très bien vu.

En revanche, il dirigea toute son attention vers la Balsoar et la Togruta lorsqu’elles se lancèrent enfin sur le sujet qui l’intéressait le plus : leur rencontre. C’était pour lui une grande nouvelle, un trésor à explorer. En revanche, il n’avait pas réellement imaginé qu’elles aient pu être serveuses : les deux avaient des qualités et des talents indéniables qui auraient été gâchés si elles n’étaient pas parvenues à se détacher de cet attrape-misère. Cependant, s’il avait pu cacher sa surprise vis-à-vis de cette découverte, il ne put s’empêcher d’offrir un regard étonné à la Balosar lorsqu’elles évoquèrent les qualités de la sénatrice avec un blaster. Qui aurait pu penser qu’elle savait aussi bien manié une arme, elle qui semblait bien plus habile à vociférer un argumentaire tétanisant au cœur de la Rotonde ?

Pour autant, la suite restait des plus classiques. C’était certes une montée grandiose de l’ascenseur social mais il n’y avait rien de réellement croustillant à se mettre de plus sous la dent. Jeresens avait déjà un peu tout ce qu’il y avait à savoir au sujet de la Sénatrice : elle avait un fils Jedi, elle élevait seule sa fille, qu’elle connaissait la Cantatrice Tee, … Il aurait bien posé des questions supplémentaires mais elles se seraient révélé des plus indiscrètes.

« Il y a bien plus de choses exceptionnelles que vous ne le croyez, sénatrice Laz’ziark. »

Oh, il parlait en connaissance de cause. Qui aurait pu dire de lui qu’il serait Sénateur d’Alsakan et Amiral après qu’il se fut engagé comme officier dans les forces spéciales de la République, soit deux affaires aux antipodes l’une de l’autre ? Bien peu de gens, en vérité. Même sa famille ne l’avait pas imaginé, excepté sa sœur et son père.

Jeresen fut sortit de ses pensées par l’œil expert de la Togruta et l’odeur délicieuse du succulent plat qui lui était présenté. L’Alsakani ne tarda pas à goûter la tendre viande et la sauce épicée mais crémeuse qui l’accompagnait. Les Corelliens savaient y faire question cuisine, quand ils le voulaient.

Les premières bouchées passées, la question qu’il attendait depuis quelques minutes déjà finit par tomber sans qu’il ait eut le temps de penser à s’y préparer. Il ne retînt pas un sourire face à l’évidence que lui dictait la Balosar et il devait bien admettre qu’il en avait appris beaucoup en peu de temps. C’était donc légitime de renvoyer la pareille. Pourtant, que pouvait-il dire de plus qui n’était pas décris dans les fameuses biographies…

Pas les ragots venant de Coruscant, visiblement. La fille du Sénateur d’Anaxes, sincèrement ? Ress Laz’ziark devait avoir inventé pareille plaisanterie tant elle semblait hautement improbable. Cela ne n’empêcha pas Jeresen de réagir d’un rire léger.


« Oh non, je crains que cette rumeur-ci soit erronée, Sénatrice. Mes préférences ont changées avec l’âge. Je ne cours plus après les jeunes femmes depuis des années. »

Il sourit, profitant de sa réponse pour venir tremper ses lèvres dans le verre qu’il reposait sur la table. La feinte de la Balosar était habile, et c’est pourquoi il avait répondu de la sorte. M’enfin !

« Me concernant… que dire qui n’est pas écrit dans ces biographies. Je n’ai jamais vraiment pensé à prendre le pas de mon père et venir représenter mon monde au Sénat étant jeune. J’ai toujours eu une préférence pour les cultures de la République et j’étais fasciné par les arts militaires. C’est pour ces raisons que j’ai rejoins l’Armée Républicaine avant d’être recruté dans la foulée par l’OSR. Ce que j’y aie fait, cependant, je ne vous le dirait pas. »

Il afficha un sourire malicieux à l’idée de cacher ce genre de choses à une Balosar qui se révélait bien plus curieuse qu’elle ne le laissait paraître. Après tout, il ne pouvait pas dire qu’il avait débarqué sur Balosar et fait sauter tout une usine entreposant des matières radioactive et inflammables pour déjouer un attentat prévu sur Coruscant. Il se souvenait encore de la tension qui régnait à bord du transport quelques minutes avant que son équipe et lui ne descendit en rappel sur le toit du bâtiment dont les cheminées crachaient sans vergogne des tonnes de particules dans l’atmosphère. La mission était importante et il savait à l’époque que le temps jouait contre eux. C’est pourquoi les ordres avaient été clairs : il fallait ces renseignements, quel qu’en fut le prix. Ô qu’il fut élevé, ce prix..
Car si tout se passa bien pendant les premières minutes de l’assaut, tout s’était emballé après qu’ils eurent progressé le long du deuxième étage. Un des gardes qu’ils n’avaient pu neutraliser avait donné l’alerte et toute l’usine se transforma en une véritable fusillade digne des plus grandes holo-série du genre. Les tris croisés eurent raison de plusieurs civils qui, blessés, ne purent s’enfuir lorsqu’une décharge perdue provoqua le début de la réaction en chaine après avoir heurté une génératrice. Les flammes avaient rapidement envahi la zone de stockage, provoquant une véritable boule de feu qui souffla le toit et fit chavirer l’une des cheminées, éventrant les barils stockant les caissons stockant les matières radioactives. Résultat : une mission accomplie, un attentat évité, mais des dizaines de morts et tout autant d’irradiés.

Vraiment difficile d’évoquer cela, même si le secret d’état n’était pas en vigueur.

« J’ai grimpé les échelons puis, suite à plusieurs désaccords j’ai raccroché pour revenir sur Alsakan. Enfin, c’est assez ennuyeux. Ma vie est pleine de secret que je ne peux hélas pas vous dicter moi-même. »

Jeresen laissa un regard entendu à la Balosar, l’incitant indirectement à faire ses propres recherches avant de venir lui reposer la question.

« Je me suis vu offert la direction de la sécurité intérieure sur mon monde, alors rongé par la corruption. J’ai fais ce que j’ai pu pour la chasser et entamer un long processus de normalisation des bas-fonds avant de profiter d’une opportunité pour m’installer à la place que j’occupe à présent. »

Il haussa alors les épaules, avant de venir se satisfaire d’une autre bouchée de son repas ainsi qu’une nouvelle gorgée.

« Rien de plus exceptionnel que vos propres ascensions. Et non, pas de fille de Sénateur comme conquête amoureuse, si c’est vraiment ce qui vous intéresse ! »
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« Nous avons tous nos secrets. »

Quelque part, la curiosité naturelle de la balosar n’était guère récompensée puisque le sénateur d’Alsakan ne paraissait pas disposé à lever le voile sur les parties les plus difficiles à obtenir de sa biographie. Ress devait admettre une certaine déception, tout en la cachant savamment. Au fond, elle n’avait guère de mal à comprendre, et avait de fait soigneusement choisi les pièces à révéler de son existence. Elle n’était généralement guère prolixe sur ses premières années comme syndicaliste … Ni sur celles d’après, en réalité. Oh, bien sûr, elle parlait librement de ses procès gagnés, parfois de ses échecs aussi, car ils étaient publics … Mais évidemment, certaines décisions qu’elle avait prises resteraient dans l’ombre, confinées dans le secret de sa mémoire.

Il était amusant de penser que finalement, Jeresen Fylesan avait peut-être combattu des hommes qu’elle avait contribué à lâcher savamment sur la République. S’en rendait-il compte ? Mieux valait que ce ne soit pas le cas. Sa part d’ombre, elle l’assumait, sans la revendiquer. Il fallait sacrifier des pions pour avancer sur le chemin de la cause … Et parfois, fermer les yeux était un moyen plus efficace que toutes les pétitions imaginables. A chaque fois qu’un cas s’était présenté, Ress avait pesé le pour et contre, tissé soigneusement sa toile avant de permettre à d’autres de commettre l’irréparable. Jamais elle n’avait donné un ordre, que ce soit directement et indirectement. Mais elle savait. Et elle n’avait rien fait pour empêcher. Etait-elle coupable ? Moralement, c’était évident, et elle l’assumait, tout en sachant pertinemment que donner un coup de pied dans la fourmilière n’aurait fait que trancher ses liens avec les milieux les plus violents sans avoir l’opportunité de pouvoir les contrôler. Et quand le contrôle ne suffisait pas … Alors, il était de son devoir de pousser les éléments les plus malveillants à la faute et d’en retirer les fruits.

Y avait-il, dans le passé de cet homme en apparence bien sous tous rapports, quelques casseroles de ce genre ? Ou n’était-ce que le vertueux ancien militaire qui s’exprimait ? Impossible de le savoir. Pourtant, à le voir éluder l’intégralité de ses années qui devaient pourtant concerner l’ensemble de son temps en dehors de sa jeunesse et de sa carrière politicienne, Ress ne pouvait s’empêcher de sentir presque une connivence entre gens ayant des passés moins reluisants qu’ils ne désiraient le faire croire. Encore une fois, rien de plus normal : on travaillait rarement dans les forces spéciales sans casser des œufs. Et on faisait rarement des grèves dans l’amour et l’euphorie. Les deux facettes d’une même pièce, voilà définitivement ce qu’ils étaient. S’en rendre compte ajoutait un piment inédit à cette conversation qui n’en manquait pourtant pas.

« Je dois avouer ne pas savoir si je suis déçue ou très intéressée par cette révélation, Sénateur. Cette histoire romantique à souhait a fait rêver toutes les dames des salons du Fobosi … Mais d’un autre côté, dois-je en conclure que vous n’avez personne en ce moment ? »

Ashla Tee venait de sortir Ress de ses considérations guère festives, et la balosar se retint du mieux qu’elle put de pouffer, ce qui s’avérait tout de même très difficile devant ce battage de cils en règles, fait à l’excès, comme si la cantatrice se moquait elle-même de son personnage. En fait, la connaissant, l’avocate était persuadée que c’était le cas, et qu’elle jouait les charmantes ingénues pour détendre l’atmosphère au mieux et la faire rire.

« Tout de même, quel gâchis mon cher, un sénateur alsakani célibataire, c’est un millésime rare. Si vous saviez ce qu’on dit sur les … »

« Je crois qu’on en a une très bonne idée, Ashla, ne t’en fais pas. »

Tout de même, il n’était pas question d’embêter plus longtemps ce pauvre homme qui allait regretter d’avoir accepté cette invitation, à ce rythme … Même si la remarque d’Ashla n’était pas infondée, comme souvent. Sous des dehors un brin vulgaire, elle posait le doigt sur un fait qui dénotait, en effet, dans le milieu du représentant diplomatique. L’ancien soldat venait d’une famille puissante, sinon il ne serait pas à ce poste, de toute manière. A son âge, et à sa fonction … Ne pas le voir englué dans un mariage de convenances relevait de l’étrangeté, pour ne pas dire davantage. Ce qui expliquait la propension des magazines à scandales à lui inventer une vie de conquêtes ... Et sans avoir besoin d’être devin, elle était prête à parier que si la situation se prolongeait, dans quelques années, on verrait fleurir un parterre de mauvaises langues lui prêtant des préférences plus viriles. Ainsi en allait l’existence des puissants.

« C’est le privilège des veuves et des veufs, personne ne s’enquiert de votre vie sentimentale ni ne radote dessus.

Un avantage indéniable au niveau des tabloïds. »

Ress avait lâché cette remarque sur un ton léger, quoique légèrement pince-sans-rire. Ashla Tee s’esclaffa, pépiant à propos de son humour noir qui n’avait pas changé, et la balosar se resservit un verre en adressant un léger toast à leur invité. A vrai dire, le sarcasme avait toujours été son trait d’esprit préféré, et le temps n’avait guère altéré cette propension aux plaisanteries un brin lugubres. D’une certaine façon, c’était là une manière comme une autre de consolider sa carapace et de faire cicatriser comme elle le pouvait des plaies demeurées béantes.

« Cela dit … En toute honnêteté, non, cela ne m’intéresse guère. Encore que, je l’admets, l’entendre confirmer aurait été singulièrement amusant. »

Déjà leurs assiettes se vidaient, et bientôt, les serveurs repassèrent pour vider la table.

« Vous prendrez bien un dessert ? »

Malgré toute sa bonne volonté, Ress ne parvint pas à échapper à la gourmandise de la togruta, qui leur commanda trois délices du chef, assurant qu’ils lui en diraient des nouvelles. Se disant qu’elle ne payerait de toute façon pas l’addition, la balosar abdiqua et retourna son attention sur le sénateur.

« Pour reprendre où nous en étions … C’est assez amusant que vous qualifiiez mon parcours d’exceptionnel. Emalia Kira m’a dit plus ou moins la même chose, il y a peu. »

Son regard sombre, légèrement mordoré à la lueur des bougies qui éclairaient la table, se posa sur l’humain, et elle ajouta :

« Vous savez ce que je crois ? Que la République sera ce qu’elle doit être le jour où les gens comme moi, comme Ashla également, n’aurons pas à s’enorgueillir d’avoir pu exploiter pleinement leurs talents. Et que cette exception qui ne devrait pas être sera la norme. »

Pour une fois, Ashla Tee n’intervint pas, sans doute parce qu’elle devinait qu’il y avait là une certaine gravité, une importance dans les mots qu’elle venait d’échanger.

« Je suis une femme assez simple. Si vous croyez également en cela, peu importe le reste … Nous aurons toujours matière à discuter.

Si ce n’est pas le cas, nous aurons du mal à nous entendre, je ne vous le cache pas. Les paroles que nous avons échangé jusqu’à présent me font néanmoins penser que la première configuration l’emportera. »

Ress laissa ses lèvres s’étirer en un mince sourire incertain, quoique sincère :

« Je serais peinée que ce ne soit pas le cas, à titre personnel. Les amateurs réels d’arts sont suffisamment rares dans la Rotonde pour ne pas souhaiter en profiter. »
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Des secrets, il en avait des tonnes. Ils les portaient tous à bout de bras, tel un fardeau dont il ne pourrait jamais se défaire. Il avait commit bon nombres d’actes illégaux pour le nom de la République et de sa sécurité. Il avait causé la mort d’innocents pour pouvoir obtenir la tête de criminels, pour pouvoir démanteler de vastes réseaux menaçant l’intégrité de la République. Il était responsable de bien des dommages collatéraux qui auraient sans doute pu être évités si certaines de ses missions n’avaient pas eu pour but de satisfaire les volontés de membres corrompus du Sénat, qui n’hésitaient pas une seconde à utiliser les services de renseignement dépendant de la juridiction de la Rotonde pour assouvir leurs désirs. Jeresen avait quitté ses fonctions pour ces mêmes raisons, las de servir des intérêts souvent douteux. Il savait que ça ne laverait pas pour autant les horreurs qu’il avait pu commettre, que ça ne ramènerait jamais les âmes de ses camarades tombés parfois pour des clous. Sans le savoir, il avait entretenu ce que son monde cherchait à défendre la République depuis des millénaires, à savoir l’ingérence des intérêts corporatistes au sein de l’organe législatif de la Rotonde.

Là où la Sénatrice Laz’ziark s’était contenté de laisser faire, lui était intervenu directement pour mettre un terme à des actes inacceptables, quitte à tuer des innocents dans l’opération. Certaines scènes qu’il avait vécues resteraient à jamais gravées dans sa mémoire. Il avait côtoyé les milieux les plus violents pour mieux détruire les cartels de l’intérieur, quitte à devoir s’intégrer pendant des mois dans une cellule pour mieux la détruire de l’intérieur, menant lui-même des opérations contre les intérêts républicains pour mieux détruire ceux qui voulaient nuire à la République en laquelle il croyait. Ou plutôt en celle qu’il avait cru.

Sans doute avait-il été amené à nettoyer ce que Ress Laz’ziark avait déversé. Il en était même certain, sans pour autant disposer de la moindre preuve. C’était un sentiment étrange que de savoir qu’il discutait avec celle qui avait, peut-être, indirectement mené ses frères d’armes à la mort. Mais ces choses appartenaient au passé. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec les années les moins reluisantes de sa vie, et pourtant les plus vivantes. Il ne s’était jamais aussi bien senti qu’entre deux tirs de blasters, là où l’odeur du métal fondu venait se répandre dans l’air. La Rotonde n’était qu’un gigantesque échiquier sur lesquels chacun avançait ses pions en cherchant à manger l’autre. L’action était en soi inexistante. Et pourtant le danger était bien là, bien que différent.

Il aimait ça, le danger.

Un léger rire, étouffé, mit fin à ses pensées. Son rire, alors que les paroles de la cantatrice Tee venait d’être traitées par son esprit. Il avait échoué là où la Sénatrice Laz’ziark était parvenu à se retenir face à cet étalage dont le seul but était de détendre une atmosphère qui s’était soudainement tendue en abordant une attitude caricaturale.

« Je n’ai personne depuis bien longtemps, pour être exact. » Il marqua une courte pause, se permettant de porter son verre à ses lèvres.« Mais ce n’est pas un secret. »

Oh que non ! Jeresen venait d’une famille puissante, qui avait marié une de ses membres au prince héritier d’une planète influente. On avait bien essayé d’arranger des mariages entre lui et bien des nobles d’Alsakan, et même de l’étranger, mais Jeresen s’était toujours débrouillé pour s’éclipser, pour trouver une raison. Et cette dernière était assez simple à débusquer. Il vivait dans un environnement dangereux depuis qu’il avait quitté Alsakan. Lorsqu’il servait la République, il n’était même pas certain de pouvoir revenir, de sortir vivant des missions dans lesquelles il était embarqué. Qui plus est, il n’était presque jamais sur Alsakan. Une relation pareille n’était clairement pas viable.

Puis, il était retourné sur Alsakan, pour lutter contre la corruption qui rongeait son monde. Depuis cet instant, il était devenu une cible à abattre. Entretenir une relation aurait ouvert une faille dans ses défenses, en plus de mettre cette personne en danger. Il était bien connu que l’un des moyens parmi les plus efficaces de faire plier un individu était de s’en prendre à son entourage, aux êtres qui lui étaient chers.

Au final, sa situation était cohérente, logique.

« Indéniable, en effet. »

Jeresen avait enté de paraître immunisé, de ne pas être impacté par les propos de Ress Laz’ziark, mais c’était peine perdue. Il comprenait d’autant la situation de la Balosar, ayant tout fait pour ne pas s’y retrouver lui-même. C’était là tout ce qu’il avait fuit, avec succès. Jeresen fut quelque peu douché par ces propos, son regard ayant automatiquement dévié vers d’autres horizons. Son assiette, par exemple.

Il s’était soudainement accroché aux paroles de la sénatrice, profitant de l’occasion pour rebondir avec un sourire, et sur un ton léger :

« Le contraire m’aurait inquiété. Le fait que vous soyez différente de la masse que représentent nos confrères est l’une des raisons principales de ma présence à cette table. Imaginez ma déception ! »

Il fit de grands yeux, imitant l’être touché en pleine cœur. Il ne souhaitait pas que leur discussion puisse retourner sur des sujets difficiles, douloureux. Il ne voulait pas avoir à explorer l’intimité de la Balosar, et encore moins celle de la Togruta. Il n’était pas venu pour cela.

Aussi se contenta-t-il de finir son assiette et son verre, lequel fut hélas bien trop vite rempli par l’un des serveurs venu débarrasser leurs assiettes. La question de la Togruta finit de l’achever, lui qui avait déjà l’estomac bien rempli. Mais comment résister, lorsque les autres convives ont déjà abdiqué ? Un dessert, donc. Et que ça saute !

Enfin bref… Où en était-il déjà ? Ah oui. Emalia Kira. Il afficha un sourire amusé, avant de prendre un faux air surpris. LA souveraine d’Ondéron pouvait paraître un peu stupide et naïve, mais il soupçonnait qu’il ne s’agissait là que d’une facette pour mieux tromper ses adversaires. Enfin, c’est ce qu’il espérait…

Une fausse surprise, donc :

« Vraiment ? Elle a dit ça ? »

Il marqua une courte pause.

«Ça ne me surprend pas vraiment. Ce doit être dû à l’habitude que nous avons de voir les gens comme vous échouer sur nos mondes respectifs, à cause du système. Ainsi est-il fait, et le faire évoluer ne sera pas chose facile. Pour ne pas dire improbable. » Il marqua une nouvelle pause.« Sur Alsakan par exemple, les portes de la haute administration sont généralement fermées à toutes personnes ne pouvant pas s’identifier comme membre de l’aristocratie. Et c’est bien là le problème. Hélas, et même si des exceptions existent, il sera bien difficile de faire évoluer les traditions. Surtout lorsque celles-ci varient de mondes en mondes. »

Il le vivait chaque jour, à chaque instant. Il l’avait même vécu, lorsqu’il avait rejoint l’armée de la République alors que sa place au cœur de l’Archaïad était déjà toute trouvée. Les réactions de sa famille à l’époque n’avait fait que suivre la norme, à savoir qu’il était impensable qu’un membre de l’aristocratie se mêle aux strates de la société qu’elle considérait comme « inférieures ». L’inverse était donc tout aussi improbable, impensable. Quand bien même des exceptions aient existé par le passé.

« Et croyez-moi, je suis plutôt bien placé pour en discuter. »

Oh que oui. Jeresen planta son regard saphir droit dans le regard sombre et mordoré de son interlocutrice, alors que la discussion retrouvait son sérieux, abordant un sujet des plus délicats sur son monde, mais dont l’inverse était tout aussi vrai. Il était difficile de grimper l’échelle sociale. C’était indéniable. Pourtant, ce fut tout aussi dur pour lui de se faire accepter par ses pairs au sein de l’armée, lesquels le voyait comme un privilégié.

« En réalité, le travail qu’il reste à accomplir pour parvenir au stade que vous évoquez, est énorme. Pourtant, j’ai l’espoir de voir ce changement arriver un jour. »

Il arrivait parfois à Jeresen d‘être optimiste, de ne pas voir que l’ombre des choses, de ne pas considérer la pire situation avant les autres.

« Mais soyez certaine d’une chose. Votre présence dans la Rotonde est un plus, quand bien même nos confrères ne sont pas cabales de s’en rendre compte. »

Sur ce point, il était des plus sincères. Ress Laz’ziark changerait surement les choses à l’avenir. Peut-être pas les bonnes, mais elle aura un impact sur la vie républicaine. Explications :

« Vous ne partagez pas leurs buts, vous êtes l’incarnation de ce qu’ils cherchent à faire taire. Peut-être pensez-vous être insignifiante au milieu de ces gens-là ; peut-être en pensent-ils tout autant. Mais vous êtes aussi l’élément qui empêche leur système de bien tourner. »

Il prit son verre entre ses mains, détournant que très légèrement son regard pour conclure :

« C’est une chose que j’apprécie beaucoup. »
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« Rien n’est impossible, pourvu que l’on s’en donne les moyens. »

La sentence était tombée, tranchante, idéaliste, percutante. Dans la bouche d’une autre personne, elle aurait semblé ridiculement optimiste, tel un proverbe jeté au vent et sans réel fondement. Dans celle d’une femme qui avait gravi toutes les barreaux de l’échelle sociale un à un, à force de volonté, qui se battait depuis des années pour changer la situation de sa planète et obtenait des résultats, il y avait une forme de vérité douloureuse, l’engagement de toute une vie qui se révélait. Son existence était fondée sur cette croyance inébranlable dans la capacité de chacun à participer au changement, de s’impliquer pour transformer la société en un lieu meilleur pour tous. Bien sûr, elle n’ignorait pas ce que cela impliquait d’accommodements, de rêves, de sacrifices. Certes. Mais l’espoir demeurait le fondement de ses valeurs, de ce pourquoi elle continuait d’avancer sans que rien ne puisse jamais totalement la terrasser, ni les morts, ni les regrets, ni la haine. La volonté de toujours transcender les oppositions finirait par l’emporter, quoiqu’il arrive, et cette foi était autant une force profonde qu’une faiblesse évidente.

« Et puis … Les traditions ont toujours été faites pour qu’une personne les transgresse à un moment donné et les fasse évoluer.

Sinon, la galaxie serait singulièrement ennuyeuse, non ? »


Libertaire, Ress ? Evidemment. Elle n’avait jamais accordé aucun intérêt à la coutume, jugeant cette dernière comme un frein objectif au changement, comme la condition pour la classe dirigeante d’asseoir son pouvoir aux noms de principes démodés dans la plupart des cas. Et en même temps, elle avait toujours rejetté fermement les traditions de corruption et d’avilissement de Balosar, ce qui expliquait cet état d’esprit quelque peu … rebelle en quelque sorte. Il y avait une forme de paradoxe à voir une femme de loi professer la transgression, et pourtant, en y pensant, la cohérence n’était pas difficile à trouver. L’avocate détestait le chaos, l’anarchie, pour avoir vécu sans lois pendant trop longtemps. Mais elle aimait le droit écrit, la rectitude de ce dernier, et non l’oralité de vieilles habitudes manipulables à loisir et non profitables à tous.

« Et oui, je vous le confirme, c’est ce qu’elle a dit. D’où mon amusement. »

Et au fond, Jeresen Fylesan continuait comme Emalia Kira, à qualifier sa présence iconoclaste de fait positif. Il y avait néanmoins une différence assez fondamentale entre leurs deux manières de présenter la chose. L’une avait mis l’accent sur l’intérêt politique pour transformer la Rotonde. L’autre parlait de personnalité, d’une appréciation personnelle. La première y avait vu un atout stratégique … L’autre une singularité intéressante. La sénatrice trouvait forcément la première approche normale, quoique inhabituelle. Mais la femme, la militante préférait la seconde, parce que des contacts autres que de simples échanges de visions à long terme lui manquaient depuis la mort d’Elan et son accession à la direction de Balosar. La nuance était subtile. Elle était essentielle. Il n’y aurait sans doute jamais rien d’autre qu’un respect poli entre Emalia Kira et elle. Confusément, l’avocate sentait qu’une toute autre dimension était en jeu avec l’humain qui lui faisait face. Du moins, elle désirait le croire. Et pour cela, elle ne voyait qu’un moyen.

« Prouvez-le. »

La réplique avait claqué, sonnant comme un défi, sans la part de rivalité qu’il y aurait dû normalement y avoir dedans, et pour cause, le but n’était pas de provoquer le sénateur, au contraire même. Néanmoins, ces professions de foi pouvaient n’être que des paroles. Ress voulait savoir, être sûre, tester, car malgré tout son ressenti jusqu’à présent, l’humain demeurait un aristocrate d’une planète monarchique. Et un sénateur. Comme elle.

« Engagez-vous. A mes côtés. Aux côtés de ceux qui ont la volonté de transformer une exception en chose commune. Auprès de ceux qui ne renoncent pas à l’idéal de ce qu’était la République : une démocratie solidaire et juste. Qui n’exclut pas. Qui protège. Qui aide. Qui donne sa chance à tous ceux qui le mérite. »

Le dessert était terminé. Le dîner aussi. Et pourtant, il semblait bien qu’elle ait finalement abordé le plat de résistance.

« Vous n’êtes pas obligé de me répondre maintenant. Mais si vous croyez à ce que vous dites … Alors, la Rotonde n’est peut-être pas aussi irrécupérable que ce je pensais. »

Elle leva son verre qui contenait les dernières gouttes de sa boisson, l’invitant à trinquer, avant de souffler, amusée, le sourire aux lèvres :

« Montrez-moi que j'ai eu raison de vous appréciez toute cette soirée. »
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Sa tête opinait doucement, affirmant son accord profond avec les propos et les pensées de la Balosar. Jeresen n’allait pas répondre, surenchérir, sur un sujet où ils étaient tout les deux d’accord. Ress Laz’ziark n’était pas en train de lui jouer un mauvais tour, ça n’avait jamais été son but bien qu’il eut imaginé la chose lors de leur rencontre dans la salle de l’Opéra de Coruscant. Au contraire, elle n’avait fait que conforter ses certitudes, et démontré qu’il ne s’était pas trompé en pensant qu’elle était différente de la plupart des Sénateur. Preuve en était son parcours, de ses origines jusqu’à son apogée. La Balosar avait affronté les tumultes à mainte reprise pour se hisser au poste de Sénatrice de Balosar, mais pas que. Elle incarnait Balosar ! A côté de ça, ses accomplissements étaient plutôt modestes. Il avait certes fait renverser l’OSR, système de renseignement corrompu. Certes il avait œuvré pour embellir l’image de son monde aux yeux de ses citoyens, en agissant à la sécurité intérieure. Certes, il était le porte-parole d’Alsakan à la Rotonde. Mais il n’avait jamais eu à affronter, jour après jour, sans interruption, les barrières de la société et de la politique que beaucoup pensaient infranchissables. Ress Laz’ziark était l’exemple même que rien n’était impossible, pourvu que l’on s’en donne les moyens.

Quand aux traditions, Jeresen les avaient lui-même transgressées à moult reprises. Le fait qu’il ait refusé une place toute faite dans l’administration de son monde pour, au lieu de ça, s’engager dans l’Armée Républicaine avait été vu comme une hérésie, voir une trahison. Pourtant, Jeresen avait prouvé être un homme intègre et fier des valeurs de son peuple. Il avait fait volé en éclat l’idée même qu’Alsakan serait et resterait à jamais l’ennemie de Coruscant et un danger pour la République. L’Alsakani s’était toujours battu pour qu’Alsakan se réconcilie avec l’entité Fédérale, sans pour autant qu’elle n’en perde toute sa souveraineté.- Mais c’est là un autre sujet de discussion.

Jeresen respectait les coutumes et les traditions de son peuple lorsque celles-ci en valaient vraiment la peine et qu’elle ne représentait pas un frein au progrès. Il n’était sans doute pas aussi libertaire que la Balosar sur le sujet – il était tout de même Alsakani et noble de naissance, il y a des choses qui ne changeront jamais -, mais il était tout de même parmi les plus progressistes de l’Archaïad, voire de toute la Noblesse Alsakanie. Sa vision était bien différente de la leur, et il voyait tout l’intérêt de se pencher et de tendre la main à des gens comme Ress Laz’ziark là où ses comparses n’y verraient qu’une piètre plébéienne et syndicaliste de second rang dont la voix se devrait d’être étouffée.

En réalité, Jeresen saisissait toute l’hypocrisie qui suintait de la différence entre les valeurs d’égalité et de respect prônées depuis des millénaires par son monde, et les pensées réelles de ceux qui l’administraient. S’il avait cherché à briguer le poste de représentant Sénatorial, c’était bien pour se révolter et faire chuter ceux qui se pensaient indétrônables.

Selon lui, seul le Roi Fird et la majorité de ses Conseillers étaient digne des traditions de son Monde. Quelques Maisons faisaient évidemment exception à la règle, mais elles étaient encore trop peu nombreuses pour s’opposer à un système qui ne ploierait que sous le coup d’une crise politique. Ce jour-là, Jeresen espérait que Son Altesse ferait les bons choix et balaierait toutes ces voix criardes d’un revers de main.

« D’une certaine manière, ce n’est pas très étonnant. Sur le plan politique, vous pouvez être pour elle un atout stratégique indéniable au sein de la Rotonde. Mais nous savons tout les deux qu’une telle entente n’est pas durable… »

Jeresen voyait bien plus qu’une simple partenaire au cœur de la Rotonde chez la Balosar. Il avait entrevu la possibilité d’aller au-delà des simples échanges e point de vue, de la simple association qui volait souvent en éclat au moindre désaccord. Car des différents, il n’en manquait pas. Sur le papier, Ress Laz’ziark était tout l’opposé de Jeresen Fylesan. Pourtant, intimement parlant, Jeresen avait la bette impression qu’ils se ressemblaient plus qu’ils ne l’imaginaient. Tout deux étaient empreint de cet esprit de défiance, de cette volonté de briser les tabous, de cette envie de mener la République au-delà de ses maux les plus profonds. Si l’Alsakani avait évoqué l’esquisse de ses projets à la syndicaliste lors de leur discussion dans les coulisses de l’Opéra de Coruscant, ce n’était pas par pur suffisance, mais bien parce que son esprit lui avait insufflé l’idée qu’une telle chose était possible, envisageable…

Imaginable.

Entendre la sénatrice mettre les pieds dans le plat au moment même où il songeait de nouveau à cet univers des possibles le surprit quelque peu, et il ne put masquer totalement son étonnement face à pareille franchise. Le test était tombé, soudain, alors qu’il s’y attendu. Pourtant, l’Alsakani sembla quelque peu perturbé l’espace d’une seconde, avant qu’un sourire ne vienne doucement s’étirer sur ses lèvres. S’il appréciait bien une chose chez la Balosar, c’était clairement lorsque celle-ci laissait tomber le masque pour vous parler directement, sans détours.

« Ce sont là les idéaux pour lesquels mon monde… » Il marqua une pause soudaine, comme si le mot venait de le toucher douloureusement. « … que les fondateurs de mon monde ont toujours défendus et qu’ils ont tenté d’enraciner dans des traditions qui ont, avec le temps, malheureusement déviées ; Des idéaux que j’ai fais miens, et que j’espère pouvoir porter au cœur de la Rotonde, oui, mais surtout à la République tout entière. Il nous faut faire ouvrir les yeux sur ce qu’est devenu l’outil Républicain : une machinerie utile pour des élites, pour les élites. Et non pour la République en elle-même. »

Il s’était presque enflammé, lancé dans un discours qui venait des profondeurs de son être. Un discours qu’il ne tiendrait pas devant une convaincue comme Ress Laz’ziark. Elle lui avait proposé de remettre à plus tard sa réponse, mais ce n’était pas nécessaire. Jeresen la lui avait donné sans la moindre hésitation et, levant son verre avec un sourire amusé, venait trinquer dans un tintement :

« Sénatrice, ce n’est pas moi qu’il nous faut convaincre. Mais je n’ai aucun doute que nous y parviendrons. »
Invité
Anonymous
« J’ai toujours aimé les défis. Soit. Nous les convaincrons. Et puis … Après une telle tirade, mon aura de syndicaliste pâlirait si je ne relevais pas le gant de la révolte contre l’enlisement de la République. »

Pour un peu, Jeresen Fylesan savait être plus révolutionnaire qu’elle-même … Il y avait de quoi sourire. Ils trinquèrent donc, et tout en buvant, Ress ne put s’empêcher de se dire qu’elle avait bien fait de tenter ce coup de sabacc en l’invitant pour la soirée. Rarement elle avait eu compagnie aussi agréable … et politiquement prometteuse. Généralement, à quelques exceptions près, la plupart de ses comparses de la Rotonde n’étaient guère ses compagnons préférés pour passer un bon moment. Elle leur préférait ses rares amis et camarades de lutte. Qu’un aristocrate ait mieux compris que les autres les dysfonctionnements de la République était douloureusement ironique … Mais les exceptions existaient. Tous n’étaient donc pas complètement corrompus par le luxe. Il y avait de l’espoir à chercher dans les travées du Sénat, finalement. Le voir confirmé avait de quoi redonner un peu d’espoir à l’avocate, qui avait fini par penser que décidément, il n’y avait vraiment rien à tirer de ce sombre panier de crabes.

Bien sûr, le sénateur humain pouvait avoir dit n’importe quoi pour la tester toute la soirée. Il ne fallait jamais exclure cette possibilité. Cependant, cela supposait un sacré don pour la comédie … Et surtout, une volonté étrange de mettre sa réputation en danger pour un guet-apens. Le fait est que les sociétés aristocratiques avaient des règles, et que toute tentative d’humiliation de l’une se solderait par celle de l’autre, immanquablement, car on demanderait pourquoi il avait fait perdre son temps à ses nobliaux. Et puis dans ce cas … Ferrailler contre des nantis … Ress s’y voyait déjà. Dans tous les cas, elle saurait tirer profit de la situation, comme toujours. Elle espérait néanmoins ne pas en venir à une telle extrémité. Etrangement, son instinct lui soufflait que ce ne serait pas le cas.

« Maintenant que vous avez résolu de conquérir le monde … Que diriez-vous de quelques digestifs ? »

Ashla Tee venait de commander liqueurs et cafés, se rappelant à leur bon souvenir. Les joues de l’abocate se colorèrent soudain du rouge de la honte, alors qu’elle venait de se rendre compte que la malheureuse cantatrice, qui les avait pourtant invité, s’était retrouvée exclue de la conversation pendant un long moment, tant les deux politiciens avaient été absorbés dans leur échange. Voilà qui n’était guère poli … Cependant, alors qu’elle tenait de s’excuser platement, la togruta lui sourit amicalement, avant d’envoyer un regard de braise à l’humain, avant d’évacuer la situation d’un revers de sa main :

« Je sais quand il faut s’écarter. Et si je peux me permettre … Je trouve que ce que j’ai entendu est … positif. Les gens comme moi, ceux qui n’y comprennent pas grand-chose à la politique … Je crois qu’ils aimeraient avoir des représentants au Sénat qui se soucient vraiment de leurs problèmes. Qui aient à cœur de vraiment parler de leurs intérêts. »

Avec un petit rire, elle ajouta :

« Vous m’avez contaminé, avec vos histoires ! Je commence à parler comme Ress ! Bientôt je vais vouloir fonder un parti et vous enrôler ! »

Tout en sirotant son café, la balosar adressa un clin d’œil à son amie, avant de renchérir, clairement amusée :

« Voilà qui n’est pas une si mauvaise idée. Tu ferais une excellente Chancelière. Au moins, des récitals au Sénat, ce serait moins rébarbatifs que les débats actuels … »

Un parti … Voilà qui était vendre la peau du chien kath avant de l’avoir tué. Et pourtant … Pourquoi pas. La boutade n’en serait peut-être pas une, dans le futur. Qui pouvait le savoir ? En attendant, il convenait d’achever cette soirée qui avait déjà fort tardé, aussi Ress finit par se lever et tendit sa main au sénateur d’Alsakan, avant de serrer la sienne et de dire :

« Je vais vous laisser. Il est temps que je retourne chez moi, une longue journée m’attend demain. Sénateur Fylesan, je vous recontacterais … Mais d’ici là, sachez que ce fut un plaisir de vous rencontrer ce soir.

Les mélomanes se font rares, de nos jours.

Ashla ma chère … »


Les deux femmes s’étreignirent sans ajouter d’autre mot, avant de se saluer, et bientôt, la sénatrice fut de retour dans son modeste appartement. Elle donna son congé à la nounou après l’avoir payée, et se faufila dans la chambre de sa fille. La petite s’était endormie et dormait paisiblement, ses petites antennes tressautant sur sa tête à chaque respiration. Doucement, Ress se pencha et déposa un baiser sur son front, touchant les appendices de ses propres antennes, en une caresse tendre usitée traditionnellement par les balosars, avant de murmurer :

« Maman a revu une amie … Et trouvé un peu d’espoir pour le futur. Je vais te construire la plus belle des vies ma chérie … »
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