Etiam Benhult
Etiam Benhult
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Etiam Benhult
La Lame d’Or


Hors-la-loi philosophe hédoniste


Nom : Benhult
Prénom : Etiam
Porte également le pseudonyme de Lame d’Or

Âge : 36 ans
Né en 3522 av. BY.

Race : Drall
Originaire de la planète Corellia

Côté de la Force : neutre
Rang désiré : Maître Jedi Gris

"Les doctrines Jedi et Sith prônent des comportements contrenatures. Il est aussi absurde de nier l’impulsion sentimentale que de se laisser dominer par celle-ci. Comble de l’aberration : les deux idéologies rejettent l’amour. Mais l’amour n’est-elle pas le plus beau cadeau de la vie ? La Force, c’est la vie. La vie, c’est la liberté. La liberté ne s’encombre pas de convention. Or le côté lumineux et le côté obscur sont justement des conventions."

Extrait du livre, La Voie du Clair-obscur
Écrit par Etiam en 3487 av. BY.

Sabre laser :

L’arme d’Etiam est un modèle d’esthétisme, presque une œuvre d’art. Elle possède un manche métallique finement ciselé, doré à ses extrémités, noir ailleurs. Les boutons et le port de chargement s’intègrent parfaitement au relief abstrait de l’objet, ainsi qu’à ses couleurs. Adapté aux petites mains du Drall, le manche ne mesure que vingt-deux centimètres. Il génère une lame jaune dont la taille peut atteindre le mètre standard ou être réduite de moitié. Le sabre est en effet équipé d’un variateur de longueur, grâce à l’insertion d’un second cristal. Il dispose également de trois cellules d’énergie pour n’avoir aucun problème d’alimentation, même lorsque l’arme est utilisée pour découper la matière. Ce sabre laser est à l’origine du pseudonyme d’Etiam : Lame d’Or.

Style de combat :

Tel un Sith, Etiam n’hésite pas à puiser dans ses émotions fortes pour optimiser son efficacité au combat. C’est généralement l’exaltation qui domine chez lui. Son style de prédilection est un croisement entre le Makashi et l’Ataru, ce qui fait de lui un acrobatique duelliste. Sa petite taille handicape sa portée, mais est compensée par sa mobilité. Il a l’habitude de railler ses adversaires, ce qui peut s’apparenter à du Dun Möch modéré, mais cela révèle surtout son goût pour le spectacle. Les gestes les plus surprenants qu’il est capable d’exécuter nécessitent de moduler la taille de son sabre afin de déjouer la défense adverse ou de ne pas se couper un membre. Ceci le prédispose à la pratique du Tràkata. À noter enfin que les techniques du Drall, réduites à l’essentiel, deviennent idéales pour l’assassinat ou le combat en lieux exigus.

Caractéristiques :

Force : 2
Dextérité : 5
Agilité : 5 (+1) = 6
Constitution : 2
Intelligence : 6
Sagesse : 5
Charisme : 4 (+1) = 5

Pouvoirs :

Absorption / Dissipation de l’énergie (niveau 2)
Amélioration des Capacités (niveau 3)
Contrôle des Esprits (niveau 2)
Détection (niveau 3)
Éclair de Force (niveau 2)
Guérison (niveau 3)
Persuasion
Télékinésie (niveau 3)
Voile de Force (niveau 2)

Points Forts :

Volonté d’exception : Etiam dispose d’une volonté quasiment à toute épreuve. C’est grâce à celle-ci qu’il peut emprunter la mince frontière entre le côté lumineux et le côté obscur.
Voyageur débrouillard : Etiam, à force d’arpenter la galaxie, est devenu un pilote chevronné. Il n’a cependant pas une grande expérience du combat spatial, il faut d’avantage le voir comme un routier intergalactique. Il dispose de notion élémentaire en mécanique lui permettant de remédier aux pannes les plus courantes.
Voleur et assassin : Etiam peut se montrer d’une efficacité et d’une discrétion stupéfiante. Cela le prédispose au cambriolage et à l’élimination rapide.
Artiste et philosophe : Etiam a une expressivité et une réflexion poussée. Avec sa culture artistique conséquente, sa pratique de la danse et de la musique, et ses questionnements existentiels, il a de quoi se faire remarquer, surtout qu’il n’hésite pas à mettre en exergue la relation entre art et pensée. De là découle une bonne partie de sa singularité.

Points Faibles :

Avorton : Etiam, du fait de ses origines, souffre d’un désavantage physique. Petit, pas très fort, son entraînement ne compense pas totalement cette lacune. Il ne sera jamais taillé pour les tâches trop exigeantes au niveau musculaire.
Guerrier inaccompli : Etiam manque encore de pratique pour pouvoir prétendre être un combattant redoutable. Sa technique au sabre laser demeure perfectible face aux maîtres escrimeurs. Il en va de même pour ses pouvoirs de Force qui doivent s’accroitre s’il veut tenir tête aux plus grands Jedi et Sith.
Égoïste : Etiam, en général, pense avant tout à lui-même. Cela peut le rendre assez détestable aux yeux de ceux qui le réalisent et donc nuire à ses relations. Néanmoins, sa jovialité coutumière fait illusion lors des premières impressions.
Orgueilleux : Etiam a une très haute opinion de lui-même. S’il est vexé, il agit avec moins de discernement ce qui peut bien sûr le pousser à la faute et être très lourd de conséquence.

Description psychologique :

Etiam est un Drall atypique à plus d’un titre. Cela n’est pas forcément étonnant puisque son monde natal est Corellia. La culture de cette planète l’a au moins autant influencé que celle de ses semblables. De surcroît, sa formation de Jedi au temple d’Ondéron l’a coupé très tôt de son clan familial, ce qui est loin d’être un détail lorsqu’on connait l’importance de la famille pour son espèce.

En apparence calme et jovial, très agréable à côtoyer, Etiam est avant tout un électron libre qui tolère difficilement l’autorité sous toutes ses formes. Il désire profiter de la vie au maximum et ne se refuse donc aucun plaisir. Très épanouit, il s’intéresse à beaucoup de choses, qu’elles soient simples, comme faire la fête, plus raffinées, comme savourer une pièce de théâtre, purement intellectuelles, comme débattre de concepts abstraits, ou bien matérialistes, comme collectionner des objets rares et précieux. L’art, tout particulièrement, suscite chez lui un grand engouement car celui-ci conjugue expression, perception, réflexion. Le Drall est ensuite et surtout de ceux qui affectionne le risque, les sensations fortes, d’où un goût prononcé pour l’aventure, les défis, les confrontations.

L’attirance pour le risque peut rapidement conduire au cimetière s’il n’y a pas un peu de sagesse derrière. Etiam est bien plus réfléchi qu’il n’y paraît au premier abord. Il est en fait un véritable philosophe. S’il a abandonné l’ordre Jedi, c’est par conviction, ayant battit sa propre conception de la Force. Celle-ci se base sur la notion de liberté. Or, pour être libre, il ne faut pas être dominé. La liberté se mérite, c’est un combat permanant y compris contre soi-même. Très solide mentalement, Etiam respecte ses propres préceptes et c’est ce qui lui permet de mener des activités dangereuses ou additives sans dépasser la ligne rouge. C’est aussi ce qui lui permet d’explorer le côté obscure sans pour autant être corrompu. Telle est la voie du Clair-obscur, une voie périlleuse d’équilibriste.

Le principal défaut d’Etiam est son orgueil. Il a beau se livrer à l’introspection, il garde une très haute opinion de lui-même, persuadé qu’il détient la vérité absolue. Sa quête de liberté est également assez égoïste. Il n’est pas rare que son plaisir se fasse au détriment de celui des autres. Il ne tolère pas les obstacles et s’il faut tuer pour son propre intérêt, il n’hésite pas. Il se sent assez peu concerné par les affaires de la galaxie, même s’il tient à demeurer informer. Il n’est loyal qu’envers ses amis, ou ceux qui se paient ses services. Le mercenariat ne le rebute pas, du moment qu’il estime avoir le temps et qu’on lui confie des tâches dignes d’intérêt. En somme, Etiam a le profil d’un parfait hors-la-loi. Cela ne l’empêche pas d’avoir parfois un comportement altruiste. Certaines situations, certains détails peuvent le toucher profondément. Il est à l’écoute de ses sentiments, bons ou mauvais, et fait confiance à son intuition. Dès lors, il devient difficile de le cerner car il peut tour à tour être scandaleusement vénal et admirablement chevaleresque.

Description Physique :

Remarque : les images de Dralls exploitables en tant qu’avatar ne sont pas légion sur le net. La présente description est avant tout fidèle aux informations glanées au sujet de l’espèce, d’où certaines différences avec l’avatar. Ce dernier donne le ton, mais c’est le texte qui a vocation d’exactitude.

Etiam, en tant que Drall, a l’apparence d’un petit mammifère humanoïde. Il mesure cent dix-huit centimètres, une taille respectable pour un mâle de son espèce, et pèse vingt-deux kilos. L’intégralité de son corps est recouverte d’une fourrure brune, courte sur les paumes, la plante des pieds, le ventre et la gorge, plus longue ailleurs. Elle cache sa discrète musculature et ses quelques cicatrices. Ses membres sont assez courts et trapus. Ses mains et ses pieds comptent quatre doigts qui se terminent par de petites griffes acérées. Comme l’être humain, il n’a pas de queue et seules ses mains ont un pouce opposable. Son visage possède un museau oblong de modestes dimensions, de longues vibrisses frémissant au moindre courant d’air, de petites oreilles pointues sur son crâne arrondi et une paire d’yeux noirs placés de face. Ses naseaux sont très profilés, à l’instar de ceux d’un lapin, et il dispose d’incisives de rongeur qui cependant demeurent invisibles lorsque sa gueule est fermée. Il se tient bien droit et inspire habituellement la sympathie. L’expression de son regard perçant a néanmoins parfois de quoi déstabiliser.

Traditionnellement, les Dralls ne portent aucun vêtement. Grâce à leur pelage, leur nudité n’a rien de choquant. Ils aiment par contre, quel que soit leur sexe, arborer des bijoux, colliers et parures. Etiam, lorsqu’il désire se mêler à ses semblables, ou lorsqu’il veut affirmer ses origines, adopte ce genre de tenue. Des anneaux d’or ciselés aux oreilles, un pendentif orné de gemme au cou, des entrelacs de fines chainettes aux poignets et aux chevilles, il affiche luxe et raffinement. S’il désire ne pas se séparer de son sabre laser, il ajoute simplement une ceinture assortie au reste.

Mais autrement, il a pris l’habitude de s’habiller normalement. On le voit souvent botté et ganté de cuir, avec un ample manteau gris lui tombant presque jusqu’aux chevilles. Pour les grandes occasions, il combine sa tenue traditionnelle Drall avec un élégant costume aux couleurs chatoyantes. Et lorsqu’il entreprend des activités périlleuses, il oublie l’esthétisme au profit de la sécurité en s’équipant d’une combinaison fonctionnelle. Il a alors tout d’un mercenaire.

Histoire :

Remarque : ceci n’est qu’un résumé très synthétique de l’histoire destiné à ceux qui sont pressés. La version complète débute dans le message suivant. Sautez le résumé si vous voulez pleinement profiter du récit.

Etiam Benhult naquit sur Corellia. Fils de Calda, doctoresse, et de Beldin, professeur à l’université, son enfance fut calme et heureuse. Il se lia très tôt d’amitié avec un jeune humain, Gorian Cazar, avec qui il partagea quantité de bons moments. Sa vie changea du tout au tout lorsque sa sensibilité à la Force fut repérée par Rile Ayach, un membre de l’ordre Jedi qui faisait preuve d’une grande sévérité. Etiam, alors âgé de huit ans, accepta d’être formé au temple d’Ondéron, mais il se retrouva alors éloigné de sa famille, ce qui fut très éprouvant pour lui. Se renfermant sur lui-même, il se jeta à corps perdu dans le travail. Le trouvant très sérieux, Rile fit de lui son padawan. Etiam se montra un élève doué et taciturne, ne se distrayant que lors des rares retours sur Corellia. Lorsqu’il se rendit sur Ilum, afin d’y construire son sabre laser, il eut l’intrigante vision d’un flûtiste Zeltron. Vers la fin de sa formation, il accompagna son Maître dans une mission périlleuse consistant à retrouver un Chevalier Jedi disparût. La piste menait chez Gurtang-Gol, un riche Tiss'shar. Ne s’étant pas montré très loquace, le padawan aborda sa secrétaire, Sildi, une Tynnienne. Il obtint des informations mais tomba également amoureux de Sildi qui dès lors peupla ses rêves. La mission se poursuivit, menant le binôme dans un piège sur Nar Shaddaa dont il réchappa heureusement. Etiam retrouva en cette occasion son ami d’enfance, Gorian, entretemps devenu pilote et mercenaire. La mission se solda par un échec, ayant juste permis de découvrir que le Chevalier disparût s’était intéressé à une relique Sith. Elle mit également en exergue les doutes d’Etiam au sujet de sa vocation. Sur Coruscant, le padawan rencontra le flûtiste de sa vision, Guz Im Criva et cela le décida à quitter l’ordre Jedi. Après avoir rendu visite à Sildi, attirant à lui l’attention de son patron, il s’embarqua avec le Zeltron dans un long voyage afin d’apprendre à profiter de la vie. Une drôle d’initiative qui lui rendit sa joie, mais qui le poussa aussi à tuer et à voler. Au terme de ce périple, qui dura six ans, il laissa Guz Im Criva sur Zeltros et retourna voir Gurtang-Gol, cette fois pour faire affaire avec lui. Comme il l’avait plus ou moins deviné, le Tiss'shar possédait la fameuse relique Sith à laquelle s’était intéressé le Chevalier disparût. Etiam négocia pour la récupérer ainsi que pour obtenir les éléments nécessaires à la construction d’un nouveau sabre laser. En échange, il assassina et cambriola pour le compte de Gurtang-Gol. La relique en main, il constata qu’il s’agissait d’un holocron et il s’en servit pour acquérir des connaissances sur le côté obscur. Il sut néanmoins ne pas être corrompu et détruisit la relique dès qu’il jugea ne plus en avoir besoin. Vivant avec Gorian et faisant toujours quelques tâches pour le Tiss'shar, il mena une existence de hors-la-loi hédoniste. Il finit par s’installer sur Coruscant où il rédigea un livre, la Voie du Clair-obscur, exposant son approche personnelle de la Force. À trente-six ans, il croisa la route d’un Sith, Darth Carnevock. Ce dernier recherchait la relique. Il tua Gurtang-Gol et se servit de Sildi pour attirer Etiam dans un piège. Le Jedi Gris fut sauvé par Rile Ayach, son ancien Maître. Après cette mésaventure, la Tynnienne partit vivre chez Etiam.

Question HRP : Comment avez-vous connu le forum ? Je le connais depuis longtemps. Ce personnage remplace mon précédent, Harn Carnock.
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Prologue


Les sabres se heurtèrent dans une gerbe d’étincelles. Lame jaune contre lame rouge... Exaltation contre fureur... Le contact fut maintenu, le bras de fer engagé. Le visage blafard de Darth Carnevock adoptait les tintes vives des lasers. Mâchoire crispée, le Sith savait pertinemment que son adversaire, pratiquement deux fois plus petit que lui, n’avait pas l’avantage de la puissance. Aculé contre le mur décrépit, Etiam ployait effectivement, lentement mais sûrement. Et plus il cédait, plus il se retrouvait nez à nez avec l’imposant albinos. Les regards s’unirent, pénétrants, déterminés.

« Je vais te faire couiner, l’animal !
- Non, tu vas essayer, seulement essayer ! »

Vif comme l’éclair, le Jedi Gris se dégagea. La lame du Sith glissa sur la sienne et entailla le béton. Etiam contrattaqua sur l’instant, mais Darth Carnevock para sans mal. Les coups s’échangèrent à un rythme dément. L’homme et le Drall virevoltaient au milieu de la pièce et de ses piliers grossiers. Au-dessus de leurs têtes les néons vétustes grésillaient. L’éclairage incertain faisait naître des ombres difformes qui s’agitaient plus encore que les deux combattants. La mortelle farandole ne s’éternisa pas. Le Jedi Gris, anticipant un assaut qui aurait pu le décapiter, se baissa afin de passer par dessous. La lame rouge frôla ses oreilles. Des poils grillèrent. Profitant de cette ouverture, le Drall frappa d’estoc, droit au cœur. En vain ! Darth Carnevock s’était déporté de côté, passant sur le flanc d’Etiam. Le Drall enchaîna sur une roulade avant pour s’esquiver à son tour. Il entendit le sabre du Sith vrombir dans son dos. L’albinos était doué, impossible de le nier. Qu’à cela ne tienne ! Le Jedi Gris ne lui avait pas encore montré toute l’étendu de son talent ! La roulade achevée, il bondit sur une colonne, s’appuya dessus et exécuta un second saut, bien plus haut que le premier. Il assaillit son ennemi par les airs, bien décidé à l’occire grâce à l’une de ses bottes secrètes. C’était sans compter sur l’ingéniosité du Sith qui déchaina une vague de Force. Surpris, Etiam la reçut de plein fouet. Il fut emporté, alla heurter un mur, puis s’étala mollement au sol. Difficile pour lui de se remettre d’un choc aussi rude. Il eut l’impression que le monde entier vacillait. Avec appréhension, il réalisa que son sabre laser lui avait échappé des mains. Ce n’était pas bon, pas bon du tout ! Tant bien que mal, il se redressa. Ce fut pour découvrir Darth Carnevock qui le dominait de toute sa taille, un affreux sourire accroché à ses lèvres blafardes. L’humain avait récupéré l’arme du Drall et la manipulait avec un dégoût manifeste.

« C’est la fin, l’animal ! »

Plutôt que de songer à répliquer, ce qui pourtant faisait partie de ses habitudes, Etiam chercha hâtivement un moyen de se sortir de ce mauvais pas. Jamais il n’avait courut pareil péril ! Il refusait d’admettre que ce Sith brutal puisse le vaincre aussi facilement ! Mais il était à moitié sonné et un étau invisible lui enserra la gorge, lui bloquant la respiration. Instinctivement, il porta les mains à son cou mais seule sa volonté pouvait repousser la Force qui l’étranglait. Il luta désespérément contre la haine implacable que lui opposait l’albinos. L’étau se desserra quelque peu mais ne se rompit pas. Et le Drall commençait à suffoquer. Il émettait des sons gutturaux dans sa quête éperdue d’oxygène. De plus en plus affaibli, sa volonté chancela. Des tâches noires envahirent son champ de vision. La pression sur sa gorge redoubla, presque au point de la broyer. Il se sentit de surcroit quitter le sol, soulevé par la Force. Ses jambes battirent dans le vide. Ses doigts griffaient son cou jusqu’au sang. Ses poumons le brûlaient. La douleur était intolérable, mettant en déroute les vestiges de sa concentration. Il paniquait complètement. S’il l’avait pu, il aurait hurlé, mais seuls des gargouillements s’échappaient de sa gueule. Et Darth Carnevock savourait l’instant. Il fit monter dans les airs le petit Jedi Gris jusqu’à ce qu’il n’est plus besoin de se pencher pour le regarder droit dans les yeux.

« J’avais dit que je te ferai couiner. »

Etiam perçut la voix railleuse comme si elle venait des tréfonds d’un gouffre. L’obscurité l’engloutissait. Ses gestes s’amenuisaient. La souffrance s’estompait. Sa conscience se délitait. Le voilà aux portes du néant, au seuil de la mort et il ne le comprenait que trop bien. Il avait rencontré plus fort que lui. Il fallait bien que cela arrive un jour... Mais pourquoi aujourd’hui ? Fabuleux gâchis ! Une lueur blanche succéda au noir opaque. Et en l’espace d’une fraction de seconde, toute sa vie défila devant lui...

Chapitre 1 : Entre Hommes et Dralls


« Etiam ? Etiam ? »

La douce voix et le tendre visage maternels... Calda le regardait, rayonnante de jeunesse. Son pelage était d’un brun éclatant et ses yeux, d’ambre sombre. Lui était d’avantage intéressé par sa propre main qu’il pliait et dépliait, comme s’il en découvrait le fonctionnement. Il ne devait pas avoir plus d’un an. Son tout premier souvenir, lointain échos du passé... Les images étaient vaporeuses, éthérées, et les détails, insaisissables. La scène demeurait cependant d’une touchante délicatesse. Soudain, il envoya sa main en avant et saisit le collier de Calda qui brillait beaucoup. Elle se mit à rire. Le plus beau rire du monde...

« Regarde Beldin, il aime déjà les bijoux !
- Ça c’est un Drall ! »

La tête de son père apparût à côté de celle de sa mère. Un poil plus sombre, plus mat, des yeux d’un noir profond, il était comme une ombre dans la clarté ambiante. La plus rassurante des ombres... Des années plus tard, le Jedi Gris verrait en cette réminiscence une symbolique forte, le contraste entre obscurité et lumière, les deux côtés de la Force unis dès l’aube de sa pensée. De Beldin, il avait les yeux, de Calda, la fourrure. Il était et resterait leur fils unique.

* * *

« J’ai bijou ! »

Etiam brandit fièrement le médaillon qu’il avait eu pour ses trois ans. Un bel objet doré incrusté d’éclats de cristaux multicolores. Il fut applaudi par la bonne vingtaine de Dralls présents dans le salon. Il y avait là ses parents, grands-parents, tantes, oncles et cousins. Le clan familial presque au complet. C’était jour de fête ! Etiam, tout fier de l’attention qu’on lui portait, poursuivit :

« Je fais pipi comme grand ! Bientôt, plus couche ! »

À nouveau, il fut applaudit. L’une de ses grands-mères réagit à sa remarque :

« En parlant de pipi, quelqu’un sait si Bukem a réglé ses problèmes urinaires ? La dernière fois qu’il est passé me voir, ça l’ennuyait pas mal. Même au lit, avec sa dulcinée, pour dire ! »

Le cas Bukem fut décortiqué en long, en large, et en travers par toute l’assemblée. Lorsque la curiosité générale s’abattit sur un autre membre du clan, Etiam savait tout des habitudes intimes de son oncle Bukem. La vie privée, chez les Dralls, cela n’existait pas vraiment.

* * *

La publicité concernant le champoing Velours de Mamy Doux, disponible en deux versions, une pour les cheveux, une pour les pelages, s’acheva enfin. L’écran holographique se mit à diffuser le générique trépidant de Mic, le contrebandier au grand cœur, l’un des dessins-animés préférés d’Etiam. En bas à droite de l’image trônait le sigle de Kids Galaxy, une chaîne d’Holonet spécialisée jeunesse. Le petit Drall, alors âgé de cinq ans, redoubla d’attention. Mais voilà que Calda entrait dans sa chambre.

« Etiam, je peux te parler ?
- Maman ! C’est l’heure de Mic ! protesta-t-il.
- C’est important mon chéri. Regarde, je mets sur pause. »

Elle appuya sur un bouton, l’image se figea. Le gamin croisa les bras, la mine boudeuse. Sa mère s’assit à côté de lui, sur le lit. Comme toujours, sa chambre était bien rangée. Sur ses étagères, les jouets côtoyaient des ouvrages et des holodiscs à vocation ludique. Un des murs était occupé par un poster géant illustrant les vingt merveilles de la galaxie, selon Vicendi. La lumière se déversait par une grande fenêtre donnant sur les immeubles de Coronet.

« Tu te souviens de la dame qu’on a vu au magasin, ce matin ? La Sélonienne.
- Oui. Elle était tellement grande !
- Tu lui as posé des questions.
- D’ailleurs elle a pas répondue. C’est pas bien...
- En fait, ces questions, il ne fallait pas les lui poser.
- Pourquoi ? J’ai été poli comme tu m’as dit. »

Etiam, qui avait cessé de faire la tête, écoutait attentivement sa mère. Elle parlait calmement, elle savait le captiver et elle le prouvait chaque soir, lorsqu’elle lui lisait des histoires.

« La dame, ce n’était pas une Drall et elle ne faisait pas partie de notre famille. Il y a des sujets qu’on ne peut pas aborder avec les inconnus.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est indiscret. Les autres espèces aiment bien garder des secrets.
- Je comprends pas. On n’a pas de secret, nous.
- Si, quelques uns quand même.
- Ha bon ? Lesquels ?
- Hum, ce n’est pas le sujet, Etiam. Je t’ai fait une petite liste. Pour être poli avec les inconnus, tu n’aborderas pas ce qu’il y a sur cette liste. »

Elle lui tendit une feuille. Intrigué, il la lut, puis ouvrit de grands yeux surpris.

« Quoi ?! Tout ça ?! Mais on peut parler de rien avec les inconnus !
- Mais si, mais si, n’exagère pas ! »

* * *

« M’sieur dame, un souci ? »

Beldin releva le museau du moteur du landspeeder et se tourna vers l’humain massif qui venait de s’approcher. Ce dernier avait un front large, un menton et des épaules carrés, une musculature saillante et une tenue de baroudeur.

« Oui, effectivement. Notre véhicule est en panne. Je ne comprends pas, il marchait très bien, hier. Et là, plus rien. Les réacteurs restent au point mort. »

Beldin, professeur à l’université, et son épouse, médecin, étaient des Dralls typiques. Ils connaissaient un tas de choses différentes mais très peu qui puisse servir au quotidien. L’homme semblait être l’exact contraire : peu cultivé mais très débrouillard. Il avala les derniers mètres qui le séparaient de la famille Benhult.

« Laissez-moi jeter un coup d’œil. La mécanique, j’m’y connais.
- Ho, volontiers ! Vous nous rendez un fier service ! On doit être à l’astroport dans vingt minutes. »

Etiam, assis sur un des ailerons du landspeeder, observa brièvement le grand gaillard soulever le capot plus haut et se pencher sur le moteur récalcitrant. Il reporta ensuite son attention sur la stupéfiante mer bouillonnante qu’il ne se lassait pas de contempler. Il n’avait que six ans et savait déjà que l’ébullition était due à la décomposition d’algues particulières. Cela ne retirait rien au charme exotique du paysage. Les flots turquoises aux remous écumants, le ciel limpide où trônait le soleil estival, la végétation luxuriante, les plages de sable fin, les édifices pittoresques de la bourgade sous dôme... La planète Drall valait le déplacement ! L’enfant étant un citadin, le dépaysement avait forcément été conséquent.

« Y’a que des vacanciers ici. Vous venez d’où, si c’pas indiscret, demanda l’humain qui trifouillait désormais dans les entrailles du modeste véhicule.
- De Corellia, répondit Calda en déposant le mode d’emploi de la navette. On voulait montrer à notre fils le monde de nos origines. »

Les vacances avaient également été pour Etiam l’occasion de découvrir le voyage spatial. Que d’émotions ! L’humain se redressa et tendit cordialement sa main pleine de cambouis.

« Alors ça veut dire que nous sommes compatriotes. Kleb Cazar, Corellien. Et là, c’est mon fils, Gorian. Nous, on vient d’arriver. »

Le couple Drall, très poli, serra la main crasseuse avec autant de spontanéité que si elle avait été propre. Les bonnes manières avant tout ! Leur rejetons se désintéressa de la discussion entre adultes car le dénommé Gorian venait le voir. C’était un garçon châtain et déjà aussi grand que Beldin, ce dernier dépassant à peine un mètre de haut.

« C’est quoi ton nom ?
- Etiam.
- Tu veux jouer avec moi ?
- Oui, mais je dois rentrer à la maison.
- T’inquiète. Les réparations, c’est très long. Tu sais jouer au Pazaak ?
- Non, mais je peux apprendre. Et toi, tu sais jouer aux Holoéchecs ? J’ai une version junior.
- Non. Mais je peux apprendre. »

Ils se sourirent. Kleb referma le capot sans ménagement, occasionnant un grand bruit de carlingue.

« HS. Le distributeur d’énergie a claqué. Peut rien faire, j’ai pas les bons outils. J’veux bien vous conduire à l’astroport, mais on n’y sera pas à temps. Prenez le vaisseau du soir. Pour Corellia, y en a toujours un en soirée.
- Le souci, c’est que notre location est terminée, objecta Calda. On vient de rendre les clés du bungalow.
- Pff, si c’est que ça... Venez dans l’notre. Allez, j’vous invite à boire un coup ! »

Chouette, les vacances continuaient ! Etiam bondit à terre et suivit au pas de course Gorian. Ils avaient toute l’après-midi devant eux, alors plutôt que de jouer au Pazaak ou aux Holoéchecs, c’est à la mer qu’ils se rendirent en premier. Quoi de mieux que de piquer une tête lorsque le thermomètre affichait quarante-deux degrés ?

* * *

Tout en tenant fermement le pistolet blaster en main, un doigt sur la gâchette, Etiam descendit prudemment l’escalier menant au hangar. Il essayait de faire le moins de bruit possible, cependant les griffes de ses orteils cliquetaient légèrement à chacun de ses pas. Une fois en bas des marches, il balaya l’endroit d’un regard latéral. Personne en vue. Alors il évolua doucement entre les machines agricoles. Dans la pénombre, ces monstres d’acier étaient assez inquiétants. Le jeune Drall, du haut de ses sept ans, ne faisait pas le fier. Il crut percevoir un mouvement vers le fond du hangar. Aussitôt, il s’immobilisa, braqua son arme, attendit, retenant même son souffle... Rien. Fausse alerte. Quel idiot ! Il se faisait peur tout seul. Avec un rien d’empressement, il gagna la vaste entrée du bâtiment et se retrouva dès lors en plein jour. Des champs de blé et d’autres céréales s’étendaient à perte de vue sous un soleil voilé. Un peu plus loin, sur le chemin, un puissant landspeeder était garé. Gorian sortit de derrière et tira immédiatement sur Etiam. Ce dernier, incroyablement réactif, évita de justesse le premier rayon en se penchant à droite, puis le second en se penchant à gauche. Il répliqua par un feu nourri et toucha le garçon. La ceinture de celui-ci émit un bip sonore.

« Haaa, je meurs ! »

Gorian s’effondra d’une façon très théâtrale. Les pistolets n’étaient bien sûr que des jouets. Ils fonctionnaient avec les ceintures à capteurs qui signalaient chaque rayon au but. Le jeu était plutôt sophistiqué et vachement immersif.

« Papa ! Etiam il assure à Simula-Blast ! Il fait d’ces esquives de fou ! » cria le garçon, en se relevant.

Kleb, qui venait d’apparaître sur la terrasse, une bière en main, se tourna vers les deux gamins. C’était un gars rude, mais extrêmement gentil.

« J’te l’avais dit qu’c’était une p’tite terreur ! Vous éloignez pas trop, la boustifaille est presque prête ! Et vous roulez pas dans la terre, sinon vos mères vont m’défoncer ! »

Depuis les vacances à la mer bouillonnante, Etiam et Gorian étaient devenus de très bons amis. Ils avaient à peu près le même âge et le même tempérament. La famille Cazar habitait une ferme, à une demi-heure à peine de Coronet, ce qui permettait aux deux enfants de se voir souvent. Leurs parents, également, s’entendaient bien. Kleb rendait de nombreux services aux Benhult, tantôt en tant qu’électricien, tantôt en tant que mécanicien. En échange, Beldin offrait des cours particuliers à Gorian qui était loin d’être un élève studieux. Celui-ci avait passé plusieurs nuits dans l’appartement des Dralls. Etiam en avait passé le triple chez les Cazar. L’air de la campagne lui faisait du bien. Devant Kleb, il exécuta une sorte de danse de la victoire.

« Ouais, une p’tite terreur ! Huit à trois, j’suis trop fort ! »

Gorian en profita pour lui tirer dans le dos, le touchant pile entre les omoplates. Ce fut donc au tour du Drall de s’écrouler avec moult simagrées.

* * *


« Jamais, Etiam ! Tu ne dois jamais aller dans le secteur bleu ! C’est dangereux, très, très dangereux ! Il aurait pu t’arriver du mal ! Ça aurait put être très grave ! Tu nous as fait peur à ton père et moi ! »

Etiam, les yeux embués de larmes, fixait ses pieds. Son postérieur lui cuisait. Il avait reçu la pire fessée de sa vie ! Face à lui, Calda fulminait. Le gamin la voyait ainsi pour la première fois. Voilà le résultat de sa petite escapade. Le secteur bleu, ou secteur sauvage, le coin le plus malfamé de la ville, avait attisé sa curiosité. Alors il s’était mis en tête de l’explorer. Son oncle Bukem l’avait trouvé par hasard et ramené à l’appartement. Pas terrible comme aventure...

* * *

« ... Et c’est ainsi que le Capitaine Risel, R, I, S, E, L... découvrit la planète Z-515, point. La planète Z-515, avec un tiret. Une fois de plus, virgule... un Corellien prouvait à la galaxie... son courage... et son ingéniosité, point. »

Monsieur Redsud faisait les cents pas tout en débitant d’une voix quasi monocorde le texte de la dicté. C’était un homme grand et maigre, toujours vêtu avec élégance, célèbre dans l’établissement autant pour sa sévérité que pour sa longue moustache excentrique. Etiam détestait ses cours. Non qu’il soit mauvais en classe, au contraire, mais les leçons de Redsud étaient d’un ennui mortel. Doux euphémisme. Une leçon de Redsud, c’était comme un trou noir, une distorsion de l’espace-temps assez puissante pour transformer les secondes en minutes et les minutes en heurs.

« ... Cela dit, Z-515 s’avéra être... un monde stérile, virgule, à peine plus qu’un rocher... dans le vide spatial, point. »

Mouchard, le drone sphérique du professeur, survolait en bourdonnant les élèves penchées sur leurs dadapads. Le premier qui osait entreprendre une action suspecte était immédiatement dénoncé par l’insupportable robot. Tout le monde rêvait de le réduire en pièces détachées. Certains avaient même essayés, en vain. Gorian aurait réussi, songea Etiam. Hélas, son ami ne fréquentait pas la même école. C’était dommage d’autant plus que cette classe était mixte. Vingt-huit humains, quatre Dralls, un Sélonien.

« ... Z-515 se résuma bientôt... à ses coordonnées sur les cartes de la galaxie... Point final. Vous avez cinq minutes pour vous relire, vous corriger, puis vous me transmettez votre copie. Et vous faites cela en silence ! »

* * *

Gorian, avec son sourire malicieux, sortit de sa poche le fameux holodisc. Etiam jeta un regard inquiet vers la porte close de sa chambre. Dans l’appartement, il n’y avait que son père et il était occupé à corriger les dissertations de ses élèves.

« Alors ? souffla l’humain.
- Ok, mais on met super bas.
- T’inquiète. Au pire, on passe sur Kids Galaxy. »

Gorian introduisit le petit disque puis les deux gamins allèrent s’installer côte à côte sur le lit, la télécommande à portée de main. Etiam n’était vraiment pas rassuré. Beldin pouvait débarquer à chaque instant. Mais c’était justement cela qui rendait le moment aussi excitant. L’écran holographique commença à diffuser le film d’horreur subtilisé dans les affaires de Kleb. Les enfants ne se firent pas prendre mais, curieusement, ils eurent droit à des nuits agitées durant les prochaines semaines.

* * *

Etiam, l’esprit ailleurs, marchait dans une ruelle tranquille de Coronet. Le trajet entre l’école et son appartement était court. Lorsqu’il pleuvait, il prenait le transport scolaire. Lorsqu’il faisait beau, comme aujourd’hui, il préférait y aller à pied. C’était l’occasion de rêvasser. À force de faire le même chemin dans un sens et dans l’autre, il en connaissait le moindre centimètre carré. Les quelques boutiques, le bar et ses habitués... Il arrivait justement au niveau du bar. Pour l’atteindre, il lui fallait juste traverser une rue perpendiculaire. Il allait s’y engager, mais s’arrêta subitement. Une seconde plus tard déboulait un gros individu particulièrement pressé qui l’aurait sûrement bousculé s’il n’avait pas anticipé son arrivée. Comme si de rien n’était, il reprit sa marche.

« Joli réflexe le Drall. »

Surpris, il fit de nouveau halte et tourna la tête. Une femme le regardait. D’âge mûr, l’air mi sévère, mi aimable, elle était installée à l’une des tables, sur la terrasse du bar. Ses cheveux blonds étaient coiffés en chignon et elle portait un ensemble Lila fort coquet.

« Merci.
- Tu l’as vu te foncer dessus, c’est pour ça que tu t’es arrêté ?
- Heu, non. »

En effet, lorsqu’il s’était stoppé, il n’avait pas encore franchi l’angle, il n’avait pas encore vu l’homme.

« Alors tu l’a entendu ?
- Non plus. »

Comment aurait-il pu ? Il y avait de l’animation par ici. Avec la circulation proche, le bruit ambiant couvrait aisément le son des pas.

« Mouais, c’est bien ce qui me semblait.
- Mais pourquoi vous me demandez ça ? Et puis vous êtes qui d’abord ?
- Quelqu’un qui trouve intéressant les gens dans ton genre, les gens qui réagissent aux événements avant qu’ils se produisent.
- Heu, ok. C’est cool. Mais moi j’dois rentrer ou ma mère va me secouer les puces. »

Il pensait être tombé sur une folle. Il se trompait. Il pensait que cette curieuse discussion resterait sans suite. Il se trompait aussi...

* * *

« Au revoir mon chéri. Sois bien sage et n’oublie pas tes bonnes manières. Et donnes-nous de tes nouvelles.
- Promis maman. Et dès que je le peux, je passe vous voir. »

Calda étreignit son enfant durant de longues secondes. Puis ce fut le tour de Beldin.

« Fais honneur à la famille, fils. On pensera à toi, tous les jours.
- Moi-aussi, je penserai à vous. »

Etiam n’arrivait pas à croire ce qui lui arrivait. Ce moment était irréel. Lui, à l’astroport, sur le point de partir vers une planète inconnue pour intégrer les rangs des si célèbres Jedi... Impossible, et pourtant... Tout était allé si vite. La révélation, les explications, la réflexion, la décision... Il avait dit oui à ce formidable rêve. Mais comment concevoir tout ce que cela impliquait ? Des mots, des mots et quelques petits tests, voilà tout ce qu’il y avait eu jusqu’à présent. Ainsi, il était sensible à la Force. Et maintenant ils étaient tous là pour lui, pour son départ. Le clan familial au grand complet. Les parents, les grands-parents, les oncles, les tantes, les cousins... On l’embrassait, on lui souhaitait bon voyage et bonne chance. C’était comme un tourbillon. Il était ému et perdu, partagé entre euphorie et appréhensions. Jamais encore il ne s’était retrouvé durablement éloigné de ses géniteurs.

« Quand tu reviendras, tu me montreras ton sabre laser, hein ?
- Bien sûr Gorian ! »

Car Gorian aussi était venu, avec son père. Le premier lui serra la main, une poigne virile d’homme à homme, le second lui ébouriffa affectueusement le pelage.

« Allez p’tite terreur, porte-toi bien. Et reviens-nous avec des tas de trucs sympas à raconter.
- Au revoir, M’sieur Cazar. »

Etiam s’approcha de Rile Ayach. La blonde au chignon strict avait troqué sa tenue Lila pour un grand manteau beige. Postée quelque peu en retrait, au pied de la passerelle d’embarquement, elle patientait, digne et droite. On devinait désormais plus aisément le Chevalier Jedi qu’elle était et ce n’en était que plus impressionnant. Une fois à son niveau, le jeune Drall se retourna et embrassa du regard l’ensemble des gens présents. Il n’était séparé d’eux que de quelques mètres et déjà cela lui semblait trop. Il hésita puis adressa à tout le monde un dernier signe de la main. Rile Ayach gravit la passerelle, il la suivit, pénétra dans la navette et se retourna encore. Sur le quai, personne n’avait bougé, tous le fixait. Les "au revoir" fleurissaient sur toutes les lèvres, toutes les babines. La porte se ferma dans un suintement de pressurisation. Etiam fut invité à aller s’assoir et à se sangler. Il riva dès lors ses yeux sur le hublot. La navette était trop petite et transportait trop peu de passagers pour être un vol standard. Mais il n’y fit pas attention. Toute son attention était focalisée sur l’extérieur. Le ronflement des réacteurs s’amplifia. Le vaisseau s’ébranla, rejoignit en roulant la piste de décollage avant d’accélérer sensiblement. La poussée écrasa le Drall au fond de son siège. Il vit l’astroport se réduire, puis la ville, plus le continent. Le ciel s’assombrit, devint noir, se picota d’étoiles. Etiam dût se tordre le cou pour encore apercevoir Corellia. Il devina également les chantiers en orbite de la CDC et le dense trafique spatiale. Enfin, par le hublot, tout devint blanc. L’hyper-propulsion venait d’être enclenchée.

Etiam Benhult, âgé de huit ans, venait de tourner une page de son histoire...
Etiam Benhult
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Chapitre 2 : Au Nom de la Force


Etiam, plongé dans l’obscurité, se tenait immobile et tâchait de se concentrer. Il entendait sa lente respiration ainsi que le faible bourdonnement de son sabre laser. Rien d’autre et pourtant il savait qu’un droïde était en train de voler autour de lui. Coiffé d’un casque à visière opaque, il devait parer les tirs du robot avec son arme. En son esprit fertile, il imagina être agressé par Mouchard, le tas de ferraille de Redsud. Ha, c’était certain, l’enseignement prodigué au temple d’Ondéron n’avait pas grand-chose à voir avec celui de l’école de Corellia. Le jeune Drall peinait toujours à réaliser ce qui lui arrivait. Le simple fait de tenir un sabre laser, c’était extraordinaire ! Des milliards d’enfants rêvaient d’être à sa place. Le droïde tira. Etiam l’entendit mais c’était déjà trop tard. Il eut tout juste le temps de sursauter. Sa cuisse le picota légèrement, là où le rayon avait touché. Le droïde tira encore. Etiam pivota, interposa son sabre, toujours trop tard. Maintenant, c’était son avant-bras qui picotait. Il devait d’avantage se concentrer. Mais comment faire abstraction de toutes les pensées qui l’assaillaient ? Il se repositionna, inspira, expira... Faire le vide, ressentir la Force, telles étaient les consignes.

* * *

Allongé dans un lit dont il n’avait pas l’habitude, au milieu d’un dortoir plein d’inconnus, Etiam pleurait en silence. Un affreux cafard s’était emparé de lui. Sa journée avait été riche de rencontres et de découvertes. Le temple était surprenant, tout comme ses occupants. Et le bref aperçu de la ville d’Iziz lui avait laissé une bonne impression. Seulement, toutes les merveilles de l’univers ne valaient pas les histoires de sa mère et les enseignements de son père. Que n’aurait-il pas donné pour pouvoir sauter dans leurs bras en cet instant ? Il voulait aussi jouer avec Gorian, courir dans les champs, bavarder et rire en sa compagnie... Changer de vie, quitter sa famille, ses amis, c’était une véritable épreuve. Il doutait être capable de la surmonter. D’une main, il trouva son pendentif, cadeau de ses parents qu’il portait en permanence. Il le serra fort. Il s’agrippait au bijou comme à une bouée de sauvetage. Y avait-il seulement un autre Drall sur cette planète ? Il n’en avait vu aucun et cela soulignait sa solitude...

* * *

« Souvenez-vous, le corps est divisé en six zones. Un, la tête. Deux, le bras et le flanc droit. Trois... »

Etiam, taciturne, n’en buvait pas moins les paroles du chevalier Jedi. Pour tenir le coup, il s’investissait à fond dans les exercices. Au moins, lorsqu’il travaillait, il pensait moins à tous ceux qui lui manquaient. Heureusement qu’ils faisaient des choses captivantes qui retenaient sans mal son attention. Tout ici était teinté de philosophie, y compris les entraînements au combat. Le professeur qui était en train de s’exprimer faisait preuve d’un calme stupéfiant. Il semblait être un sage, quelqu’un avec une longue expérience et une profonde réflexion. Tout le contraire de l’instructeur militaire basique si souvent caricaturé en parfait idiot brutal et sadique.

« ... La parade un bloque l’attaque un. La parade deux bloque l’attaque deux et ainsi de suite. Il existe donc douze mouvements de base, six attaques, six parades. L’objectif d’aujourd’hui est de découvrir et de commencer à acquérir ces mouvements. »

Le jeune Drall était aligné avec tous les autres novices. Ils se répartirent bientôt par groupe de deux et enclenchèrent leurs sabres à lame blanche. Etiam se retrouva avec une fille aux cheveux de jais. Le professeur dégaina son propre sabre qui avait une lame verte.

« L’attaque et la parade un fonctionnant à l’inverse de toutes les autres, on va commencer par l’attaque et la parade deux. L’attaque deux s’exécute ainsi. »

* * *

« Pourquoi tu as l’air si triste ? Et pourquoi tu restes tout seul ? »

Etiam, qui errait dans le parc du temple, se retourna. La fille aux cheveux de jais l’avait suivi. Lors de l’entrainement, elle s’était montrée fougueuse. À présent, seule une curiosité mêlée de compassion pouvait se lire sur ses traits juvéniles. Il hésita à lui répondre, preuve qu’il s’était un peu renfermé sur lui-même.

« Il paraît que tu pleures toutes les nuits, ajouta-t-elle.
- C’est pas vrai ! » se défendit-il instinctivement, les poings serrés.

Il était un mâle. Pleurer avait pour lui quelque chose de honteux. C’était bien pour cela qu’il cachait ses larmes aux autres. Apparemment, pas assez bien.

« Si, c’est vrai. Tu trouves les exercices trop durs ? Pourtant, tu te débrouilles bien. »

Un papillon voleta entre eux deux et se posa sur un arbuste fleuri. Le jeune Drall tourna la tête vers lui, une manière de se dérober. Le parc verdoyant, avec ses odeurs sucrées et les trilles des oiseaux chanteurs, avait des vertus apaisantes. Etiam aimait s’y promener. On le croisait cependant plus souvent à la bibliothèque où il pouvait s’enivrer de lecture.

« Ma famille me manque... finit-il par avouer sans détacher ses yeux du papillon.
- Ha... Je comprends...
- Et ta famille à toi, elle te manque pas ?
- Non. Pas trop. Heu, au fait... T’es un garçon ou une fille ?
- Mais un garçon bien sûr ! Etiam, c’est un prénom de garçon ! s’offusqua-t-il en regardant de nouveau la fille.
- Te fâche pas. Je connaissais pas ton prénom. Et puis tu portes un collier, tu pleures et ta une voix fluette. »

Vexé, Etiam alla bouder plus loin. Le même jour, il eut une longue discussion avec un Maître Jedi qui lui fit comprendre, avec beaucoup de tact, la méprise de la petite demoiselle aux cheveux de jais. Elle ignorait tout des Dralls et de leur culture. Elle ne pouvait donc pas distinguer les mâles des femelles. Or, pour les humains et bon nombre d’autres espèces, les bijoux étaient un attribut essentiellement féminin. Dès le lendemain, Etiam ne porta en journée plus aucun bijou, se contentant donc uniquement de son pelage. Une réaction radicale et certainement un peu idiote de sa part, d’autant plus idiote qu’il remettait son pendentif et ses bracelets au moment de se coucher. Ceux-ci lui apportaient du réconfort.

* * *

« Bonjour mon chéri ! annonça l’hologramme de Calda.
- Bonjour Etiam ! enchaîna l’hologramme de Beldin, nettement plus petit que celui de son épouse.
- Ton message nous a fait très plaisir ! Toute la famille nous assaille de questions à ton sujet ! La moindre nouvelle fraiche circule à la vitesse de la lumière !
- Six mois déjà que tu es parti. L’appartement est vide sans toi. Mais on est tous très fier d’avoir un futur Jedi dans le clan ! Et personnellement, j’ai été heureux d’apprendre qu’il y avait une bibliothèque au temple. La culture, c’est primordiale ! Tu as bien raison d’en profiter ! Bientôt, c’est toi qui m’apprendras un tas de choses !
- Chez nous, la vie suit son cours. Bukem s’est enfin marié avec Mily... »

Etiam, la tête dans les mains, fixait les reproductions miniatures et fantomatiques de ses parents qui se tenaient côte à côte, sur la petite plateforme circulaire qu’était le lecteur holographique. Trois fois déjà qu’il réécoutait le message. Celui-ci avait ravivé sa mélancolie, mais autrement il commençait doucement à s’habituer à sa nouvelle existence. Plus réservé, plus effacé, il était devenu un enfant assez terne qui préférait lire et méditer à la compagnie des autres novices. Les gens qu’il fréquentait sans réticence étaient pour la plupart des adultes. Avec eux, il pouvait avoir des discussions constructives. Son comportement n’éveillait pas spécialement l’inquiétude des formateurs. Il n’était pas le seul à traverser des difficultés relationnelles. Contrairement à certains, il acceptait d’en parler et faisait des efforts pour ne pas totalement se couper des jeunes de son âge. Bonne volonté, bons résultats... sans être l’élève le plus doué de tous les temps, il demeurait prometteur.

« ...enfin voilà ! Il y aurait tellement plus à dire mais on aura sûrement l’occasion de te donner tous les détails de vive voix ! acheva Calda, après avoir énuméré l’actualité familiale pendant près de cinq longues minutes.
- On te souhaite bon courage pour ta formation !
- Et reviens-nous vite !
- Allez, à bientôt mon grand !
- Porte-toi bien ! On t’embrasse très fort ! »

Les hologrammes vacillèrent puis s’effacèrent. Etiam observa encore un instant le lecteur inerte avant de se redresser et de quitter le dortoir.

* * *

D’un rapide mouvement du sabre, Etiam dévia le rayon filant vers son genou gauche. Il retrouva ensuite sa posture immobile, l’espace d’un court moment. Puis il pivota à cent quatre-vingt degrés et fit ricocher un nouveau tir qui visait son dos. Une seconde plus tard, un léger mouvement du poignet envoya sa lame intercepter un troisième rayon. Le quatrième tir, mal anticipé, lui toucha le mollet droit. Il ne perdit pas pour autant sa concentration et bloqua le cinquième et le sixième rayon avec une gestuelle assurée. Il retrouva ensuite sa posture immobile, tenant son sabre à la verticale, devant lui. À l’écoute des murmures de la Force, il contrôlait sa respiration qui demeurait régulière.

« Joli travail. »

Le jeune Drall fut surpris par cette voix. Il se croyait seul dans la petite pièce. Il retira son casque opaque. Pas moins de trois droïdes lévitaient autour de lui. En face se tenait Rile Ayach. C’était elle qui l’avait repéré à Coronet. Arborant toujours son chignon serré, elle se tenait droite, bras croisés. Etiam s’inclina. Elle reprit la parole.

« Tu es sérieux et rigoureux. Tes progrès des dernières semaines le prouvent. Le Conseil pense que tu es prêt et je le pense aussi. C’est pourquoi je vais prendre en charge la suite de ta formation, si tu es d’accord, bien sûr. »

Il allait dire quelque chose, mais elle lui intima le silence d’un geste.

« Je n’ai jamais encore eu de padawan. On dit de moi que je suis trop exigeante et il y a sans doute du vrai là-dedans. Je n’ai vraiment pas de temps à perdre avec des immatures. En somme, je risque de ne pas être un professeur très... agréable. Cependant, il me semble que tu as cessé d’être un gamin depuis longtemps. Et puis nous avons tous les deux vu le jour sur Corellia. Les Dralls ne me sont pas totalement étrangers. Voilà ce qui motive mon choix. Quel est le tien ? »

Etiam s’inclina de nouveau.

« Je vous promets de faire de mon mieux, Maîtresse Ayach.
- Maître Ayach, rectifia Rile. Maîtresse, ça a une connotation qui me dérange. »

À dix ans, il devenait officiellement padawan.

* * *

« Au padawan ! »

Les verres s’entrechoquèrent. Le salon de l’appartement était comble, théâtre de joyeuses retrouvailles. Assis entre Calda et Beldin, Etiam, savourait ce moment de pur bonheur. Il était de retour chez lui. Rile lui avait accordé deux jours de permission afin qu’il puisse fêter avec ses proches sa promotion. Une façon de constituer le binôme sur de bonnes bases. Elle lui avait cependant fait comprendre qu’après, les choses sérieuses allaient commencer et qu’il n’avait pas intérêt de relâcher ses efforts. Pour l’instant, il ne s’inquiétait pas. Son sabre laser à lame blanche passait de main en main. L’arme fascinait Gorian. Bon sang, que ce dernier avait grandi ! Etiam, après cette longue absence, notait tous les changements. Un petit faussé c’était déjà creusé entre lui et le clan. Il n’était plus informé du moindre potin et il n’avait également pas tout raconté de sa vie au temple. Ce qu’il avait gardé sous silence était les détails qui auraient peiné ses parents. Kleb déboucha une nouvelle bouteille et proposa un second toast.

« À la p’tite terreur ! »

* * *

L’éclair claqua. Sa lumière déchira les cieux crépusculaires d’une aveuglante zébrure. Au même instant, un bruit de déchirement vrilla les tympans d’Etiam. Le grondement qui s’en suivi fit trembler le sol. Quel étrange orage. Pas de pluie, pas de vent, juste des nuages et de la foudre. L’atmosphère était pesante, poisseuse. Une nuée de moustiques assaillait le padawan qui progressait, tant bien que mal, dans le marais fétide. Rile ouvrait la marche. Ses foulées étaient légères, assurées. Le jeune Drall peinait à suivre le rythme.

« Allez, dépêche-toi. Pourquoi tu lambines ? J’ai pas envie d’y passer la nuit.
- J’arrive ! J’arrive ! »

S’il traînait, c’était parce qu’à chacun de ses pas, il s’enfonçait dans la fange jusqu’aux chevilles. Ce n’était pas très profond, mais voilà, il était pieds nus. La bouillasse gluante s’infiltrait entre ses orteils, une sensation répugnante à laquelle s’ajoutait celle des insectes juteux qu’il écrasait régulièrement. Il aurait marché dans du vomi et des excréments que ce n’aurait pas été pire ! Il refusait néanmoins de se plaindre. Il savait que l’escale sur cette planète isolée de la bordure extérieure serait très brève. Rile devait juste y rencontrer quelqu’un. Une mission presque sans danger. C’était pourquoi il était là. Réprimant son dégoût, il accéléra. Un nouvel éclair illumina le paysage désolé. La végétation croupissante restait très basse, se perdant au milieu de nappes brumeuses pestilentielles. Quelques cahutes d’un hameau misérable commençaient à émerger de la grisaille. Rile longea une étendue d’eau dormante. Etiam la rattrapa presque, mais le dard d’un insecte se planta dans son pied. La douleur le fit trébucher. Il glissa, poussa un cri et plongea dans l’eau. Il eut l’impression d’être avalé par de la crème grumeleuse. Écoutant son instinct, il chercha aussitôt à remonter à la surface. Mais ses jambes s’enlisèrent dans des algues filandreuses et en se débâtant, il ne réussit qu’à d’avantage s’enfoncer. Avant qu’il ne panique complètement, la main de Rile lui saisit un bras et le ramena sur la berge.

« Et bien, c’est du joli. Tu remontes pas dans la navette dans cet état ! »

Il était couvert de vase et des lambeaux d’algue s’agrippaient à son pelage. Jamais, de toute sa vie, il n’avait été aussi sale. La pestilence qu’il dégageait lui donna un haut-le-cœur.

« Je suis désolé, vraiment désolé Maître Ayach. »

Piteux, il se releva et constata qu’un poids anormal pesait sur son dos. Et ce poids bougeait tout en lui procurant un début de démangeaison.

« Une bestiole ! Une bestiole sur moi ! s’écria-t-il en montrant son dos.
- Ha oui, effectivement. N’essaie pas de toucher. Reste immobile.
- C’est quoi ?!
- J’ai dit : reste immobile. »

Anxieux, il obéit. Il entendit le sabre de la Jedi trancher quelque chose. Il y eut un sifflement abject et le poids disparût.

« C’était quoi ?
- Rien. On continue. »

* * *

« Tu es sûr ?
- Sûr, Maître Ayach. »

Rile n’avait pas sermonné Etiam au sujet de sa chute dans le marais. Le padawan en avait cependant tiré les conclusions qui s’imposaient. Le "rien" sur son dos lui avait laissé une jolie plaie qui était en train de cicatriser. La piqûre au pied avait engendré une cloque énorme qui l’avait fait boitiller pendant plusieurs heures. Rien de tout ceci ne serait arrivé s’il avait tout simplement porté des vêtements et des chaussures. Nul doute que le problème allait se répéter. Le binôme se trouvait dans les rues d’Iziz afin d’y remédier. Rile ouvrit la porte d’une boutique, Etiam entra à sa suite. Lorsqu’il ressortit, il marchait assez bizarrement. Il avait douze ans et c’était la toute première fois, qu’il était chaussé. Il lui faudrait un petit temps d’adaptation. C’était également la toute première fois qu’un pantalon et un manteau l’habillaient. Ses semblables, ordinairement, ne s’accoutraient que de bijoux et parures. Il avait l’impression d’être un autre et ne cessait de s’observer.

« Maître Ayach, j’ai l’air de quoi ?
- D’un Drall avisé. »

* * *

Etiam fit le vide en lui. Il tendit ensuite la main vers le verre posé sur la table, focalisa toute son attention sur cet objet et émit le désire de le soulever. Le verre trembla, puis s’éleva de quelques centimètres. Mais la télékinésie se rompit d’un coup et le verre retomba.

« Encore », commanda Rile.

* * *

« Tu tiens ton sabre avec trop de fermeté. Il faut que ce soit plus souple, plus fluide. »

La lame bleue de Rile et la blanche d’Etiam tourbillonnaient, se heurtaient, se séparaient. L’entraînement n’avait déjà plus rien à voir avec celui des novices. Le Maître et le padawan semblait pratiquement mener un véritable duel. Certes, le rythme était encore un peu lent.

« Tu es trop prévisible ! Ça fait trois fois déjà que tu me sors le même enchaînement ! Ce n’est pas de la danse mais un combat ! Pour gagner, tu dois déjouer la défense de ton adversaire avant que ce soit lui qui déjoue la tienne. Et pour ça, il faut surprendre !
- Mais comment peut-on se surprendre puisque la Force nous permet d’anticiper les événements ? »

Rile, d’une feinte superbe, trompa Etiam et lui logea son pied dans l’estomac. Elle modéra la force du coup, mais le Drall eut tout de même le souffle coupé.

« Tu l’as anticipé ?
- Non, Maître Ayach.
- Même le plus grand des Maîtres Jedi ne peut pas tout prévoir. De plus, ce n’est pas parce que tu devines une fraction de seconde à l’avance ce qui va arriver que tu seras en mesure d’y faire face. Le corps a des limites. Allez, on reprend ! »

* * *

Assis en tailleur dans la salle de méditation, Etiam cherchait à se ressourcer. Il en avait besoin car les enseignements de Rile étaient réellement éprouvants. Plonger dans les tréfonds de sa conscience, se déconnecter du monde matériel, s’abandonner à la pure pensée, cela lui faisait du bien. Il en profitait pour décortiquer ses états d’âme et les concepts philosophiques qu’on lui inculquait. La modération, le contrôle de soi, la vocation protectrice, la Force et ses deux facettes... Il deviendrait Chevalier Jedi, défenseur de la galaxie, il vivrait pour les autres, serait un modèle de noblesse... Pour lui, cet avenir n’était plus un rêve, mais un simple constat. Sa voie était toute tracée.

* * *

« Yahahh !!! »

Les deux airspeeders monoplaces fonçaient à travers les étendues forestières de Corellia. Gorian et Etiam faisaient la course. Le padawan de quatorze ans sentait l’air lui fouetter le visage et le pelage. Il avait presque froid. Renouant avec la tradition Drall, il avait retiré ses habits et remis ses bijoux. Il ne voulait surtout pas se différencier des membres de sa famille. Mais le fait était là : il était différent. Il ne pensait plus à son clan aussi souvent. Il n’éprouvait plus le besoin de tout savoir à son sujet. Pour autant, il était toujours très heureux d’être de retour chez lui. C’était comme une bouffée d’oxygène. Il avait l’impression de revivre ! Les airspeeders frôlaient la cime des arbres, arrachant au passage quelques feuilles qui tourbillonnaient dans leurs sillages. Des oiseaux effarouchés s’envolaient en piaillant. Gorian était en tête. Etiam essayait de le dépasser.

« N’oublie pas le gage ! Le dernier arrivé doit faire du karaoké sur une chanson de Lady Love Moon ! cria l’humain.
- J’ai pas oublié ! Et j’ai hâte de t’entendre chanter !
- Tu peux toujours rêver ! »

Tous les deux avaient mués. Ce n’était plus des enfants mais des adolescents. Une clairière signala une courbe dans le circuit préalablement déterminé. Etiam profita de se virage pour doubler Gorian. Moins d’une heure plus tard, ce dernier était en train de se ridiculiser en chantant faux sur l’une des musiques les plus niaises de l’univers. Nonchalamment avachi sur le divan, un jus de fruit en main, le Drall savourait sa petite victoire.

* * *

« Bonsoir Sénateur Keléo. Je suis Rile Ayach et voici mon padawan, Etiam Benhult.
- Bonsoir. Je suis très honoré que l’ordre Jedi se soit si vite manifesté dans cette affaire. Je vous en prie, installez-vous. Désirez-vous un rafraichissement ? Je peux vous proposer des breuvages exotiques dont vous me direz des nouvelles.
- Non merci. Je préfèrerais que nous entrions dans le vif du sujet.
- À votre guise. »

Etiam pensait assez naïvement que Coronet était l’une des plus grandes cités de la galaxie. La découverte de l’époustouflante Coruscant l’avait fait changer d’avis. Hélas, la visite de la ville tentaculaire n’était pas inscrite au programme. Le Drall tâchait d’avoir un comportement irréprochable dans le bureau du sénateur. Cela consistait à se tenir bien droit sur sa chaise et à ne rien montrer de son profond ennui. La politique était l’une des rares choses qui ne le captivait pas. Il tentait de ne pas perdre une miette de ce qui se disait, seulement son regard était irrémédiablement attiré par la baie vitrée. Celle-ci permettait de contempler les vertigineux gratte-ciels et la fiévreuse circulation. Que de lumière dans la nuit ! Que d’activité ! Etiam se surprit à envier les citadins. Eux n’avaient certainement pas autant d’obligations que lui. Rile était austère et son enseignement, tout autant. Le padawan ne pouvait réellement se distraire que lorsqu’il retournait sur son monde natal. Cela arrivait quelques jours par an... Heureusement, de plus en plus souvent, il pouvait accompagner le Chevalier Jedi lors de ses missions et ainsi échapper à la monotonie du temple d’Ondéron.

* * *

Etiam se lava les mains, puis les essuya. Le miroir mural, sur lequel ses yeux s’arrêtèrent un instant, lui renvoya le reflet d’un Drall morose. Il se détourna et quitta les toilettes, ainsi que leur odeur d’urine. La propreté laissait un peu à désirer dans cet astroport. Il s’engagea dans le couloir qu’illuminait une rangée de diodes violettes. Il entendait la rumeur ténue des passagers qui évoluaient dans le hall principal, plus loin, mais les proches environs étaient quasiment déserts. Il commençait à se diriger vers le hall, où l’attendait Rile, lorsqu’une désagréable impression le fit se retourner. Un individu patibulaire, avec un blouson anthracite, venait vers lui tout en le fixant avec insistance.

« Tes bijoux le Drall, déclara ce dernier d’un ton menaçant.
- Je n’en ai pas », répondit le padawan avec calme.

C’était la plus strict vérité. Il les avait laissé au temple, voyageant léger selon les instructions de Rile. La crapule sortit d’une poche intérieure un pistolet blaster.

« Tous les Dralls ont des bijoux. C’est ce qu’on m’a dit. Tu les files avec ton fric ou tu crèves. »

Réactif, Etiam dégaina son sabre laser. À cause de son geste brusque, la crapule tira. Il dévia le rayon qui acheva sa course dans un mur. Les rares témoins de la scène se mirent à crier et à fuir. Le criminel, qui n’aurait pas hésité à tuer, fut très surpris. Il sembla hésiter, puis prit également la fuite. Le padawan demeura quelques secondes immobiles, dans une posture défensive, avant de ranger son arme. Ses mains tremblaient. Tout était allé trop vite pour qu’il puisse avoir peur sur le moment, mais il réalisait à présent qu’il aurait pu mourir. C’était la toute première fois que son sabre servait réellement.

« Etiam ! »

Rile apparût au pas de course. Elle avait été alertée par la soudaine animation.

« Un voleur, Maître Ayach. Il s’est enfuit. »

* * *


Etiam, le visage plaqué contre le hublot, regardait le magnifique tableau géant d’herbe tressée rétrécir à mesure que la navette prenait de l’altitude. Tous ces motifs harmonieux réalisés grâce à mille nuances de vert et visible uniquement depuis le ciel... un art propre à Alderaan qui fascinait le Drall. Un nouveau monde découvert... une nouvelle visite éclaire... Rile semblait toujours pressée, entraînant son padawan dans une sorte de voyage frustrant sans répit. Comment ne pas être déçu lorsqu’on entrevoyait des choses fabuleuses mais que l’instant d’après, il fallait s’en détourner ? Etiam n’avait même pas pu mettre les pieds dans la si célèbre Cité Crevasse, l’une des vingt merveilles de la galaxie qui était illustrée sur le poster de sa chambre, à Coronet. Il aurait tellement aimé la voir...

* * *

Etiam tendit la main. Le verre sur la table se souleva et glissa dans les airs jusqu’à ce que ses doigts se referment dessus.

« Bien Etiam. Maintenant c’est parfait.
- Maître Ayach, je me demandais...
- Oui ?
- Le côté obscure contre lequel on nous met en garde, pourquoi on ne l’étudie pas ?
- Tu m’as habitué à des questions plus intelligentes. Le côté obscure est dangereux. L’étudier, c’est déjà trop s’en approcher.
- Ne se défend-on pas mieux contre ce qu’on connaît ? Vous m’avez dit que le côté obscure exerce une grande tentation. Mais le mystère et l’attrait de l’interdit sont aussi des choses attirantes. Étudier le côté obscure un minimum, en restant théorique, ne lui ôterait-il pas au moins son aura de mystère interdit ? »

Rile prit un instant pour réfléchir. Son expression réprobatrice s’était estompée.

« Le côté obscure peut sembler une voie plus simple car basée sur l’exploitation des sentiments plutôt que sur leur contrôle. Il est plus simple de se laisser aller que de se modérer. Tu sais te contrôler Etiam, mais tous les padawans n’ont pas cette maîtrise. Aborder le côté obscure, même théoriquement, peut les troubler. Et toi, je crois que tu en connais déjà autant que moi sur le sujet. Tu as dévoré les ouvrages de la bibliothèque, tu discutes psychologies et Force avec l’ensemble des Jedi qui te tombe sous la main... Crois-moi, quand le côté obscure te tentera, ce qui arrivera un jour, tu auras toutes les armes pour y résister. À toi de t’en servir.
- Est-ce que vous, vous avez été tenté ?
- Oui. »

Il n’osa pas demander quand et pourquoi. Il devinait qu’au fond de Rile demeurait une vieille blessure, que sa vie n’avait pas été un long fleuve tranquille. Il prit d’avantage conscience des rides qui couraient sur son visage. Il réalisa qu’elle n’était plus toute jeune et eut pour elle un élan de compassion. Un instant de silence passa. La Jedi se leva.

« Tu es prêt Etiam. Il est temps que tu possède ton propre sabre laser. »

* * *

Etiam marchait, seul, dans les cavernes d’Ilum. Autour de lui des concrétions cristallines miroitaient sous la faible lumière ambiante. Les pas du Drall raisonnaient étrangement. Parfois, une goutte d’eau faisait entendre son léger clapotis, rythmant le temps en ce lieu particulier. Le padawan, en quête des murmures de la Force, se laissait guider par son instinct. Près d’une heure déjà qu’il errait de galeries en grottes, de grottes en galeries. Et voilà que le son d’une flûte lui parvint, quelque peu distordue par l’architecture souterraine. Il s’orienta vers ses notes trépidantes qui tranchait tant avec la grisaille de son quotidien. Plus il s’approchait, plus le son de la flûte était net, limpide, plus il exprimait l’allégresse. Etiam pénétra dans un vaste espace au centre duquel une stalactite et une stalagmite s’étaient réunies pour former un pilier magnifique. Le flûtiste était adossé à celui-ci. Il semblait humain mais sa peau était d’un pourpre sombre qui démentait cette origine. Il possédait de longs cheveux noirs noués en quatre nattes. Le Drall s’immobilisa et observa, ébahi, le singulier flûtiste continuer de jouer sa mélodie de la joie. L’homme pourpre acheva son morceau et tourna son visage vers le padawan. Selon les critères humains, sa beauté était saisissante. Il eut un sourire éclatant et se volatilisa. Ce fut le retour du silence. Etiam, troublé par l’apparition, prit le cristal de son sabre sur la colonne naturelle.

* * *

Une vapeur blanche s’échappait de la gueule d’Etiam à chacune de ses expirations. Assis en tailleur sur un rocher battu par les vents d’Ilum, il assemblait les pièces de son arme. Le froid ne l’atteignait pas. Son esprit méditatif voguait loin de son corps chaudement emmitouflé. Devant lui se détachait une chaîne montagneuse en dents de scie. Il pouvait l’observer depuis un mois entier. La dernière pièce fut connectée. Etiam pressa le bouton de mise en marche. Du manche jaillit la lame laser. Elle était bleue, bleue comme celle de Rile, une preuve de respect. Son premier sabre... il avait dix-sept ans.

* * *

Kleb ouvrit la porte. À la vue d’Etiam, son visage s’illumina. Il semblait tout de même avoir pris un coup de vieux. Ses cheveux châtains, déjà assez rares à cause de sa calvitie, viraient au blanc par endroit. Il invita le Drall à entrer. Ce fut la première fois qu’il lui offrit non pas un jus de fruit mais une bière. Puis il lui apprit que Gorian n’était pas à la ferme.

« Tu sais, Etiam, j’veux pas t’faire de peine, mais il s’est fait d’autres potes. Ça m’enchante pas des masses, d’ailleurs. Y sont pas aussi raisonnables que toi. Maintenant, Gorian ne rêve que d’une chose : devenir pilote et partir à l’aventure. Pff... M’enfin, c’est la vie.
- D’accord. Et tu sais pas où il traîne ?
- Sûrement du côté du Secteur Bleu, j’imagine. L’mieux c’est d’l’attendre ici. Il rentrera, ce soir.
- Je serai parti, ce soir. Je voulais lui montrer ça. Mon sabre. Construit de mes mains sur Ilum.
- Fais voir. ... tain, incroyable ! Vous faites d’ces trucs, vous les Jedi ! »

Etiam quitta Corellia déçu. La joyeuse visite à ses parents n’avait pas vraiment compensée le fait que son ami s’éloigne de lui. En même temps, était-ce si étonnant ? Il fallait plus que quelques jours par an pour garder de vrais liens.

* * *

Etiam prit appui contre le mur, exécuta un bond, un salto, puis assaillit Rile par les airs. Pas moins de trois coups fusèrent. Déjà il se réceptionnait, attaquait encore, pivota, contourna Rile d’une roulade latérale, bondit encore, attaqua encore. Le style acrobatique de l’Ataru lui convenait particulièrement bien.

« C’est assez ! Tu maîtrise cette forme. On va passer à la suivante, le Djem So. »

* * *

Les portes coulissèrent avec un bruit feutré. Elles révélèrent une antichambre décorée avec goût. Etiam repéra notamment les deux statues de marbre blanc illustrant des chimères. Il repéra aussi les droïdes humanoïdes, avec leur revêtement chromé. Des modèles munies d’armes à ne pas sous-estimer si la situation s’envenimait. En compagnie de Rile, il s’avança sur le tapis de velours. Une demoiselle à fourrure vint à leur rencontre. Sorte de castor bipède à pelage gris, yeux noirs et queue de loutre, elle portait une jolie robe jaunes frangée de dentelle. Elle était à peine plus grande que le padawan. Elle s’arrêta, s’inclina :

« Bienvenue, honorables Jedi. Je suis Sildi, la secrétaire de Monsieur Gurtang-Gol. Veuillez me suivre, je vous prie. »

Ils obtempérèrent en silence. Durant le court trajet qui les mena à une coquette salle d’attente, ils croisèrent d’autres droïdes. C’en était terminé des missions sans risque. Le Conseil avait envoyé le binôme à la recherche d’un Chevalier Jedi porté disparût, un certain Zileass. La piste conduisait à l’hôtel particulier d’un richissime Tiss'shar, en plein Secteur Corporatif. Rile et Etiam s’assirent l’un en face de l’autre, séparé par une petite fontaine d’intérieur. Sildi leur offrit de quoi se rafraichir le gosier puis s’éclipsa. Lorsqu’elle revint, elle annonça que son patron était disposé à recevoir un des Jedi, mais un seul car il était soucieux de sa sécurité. Rile se leva et disparût à la suite de la secrétaire. Cette dernière, peu après, était de retour, seule, et elle aborda courtoisement le padawan.

« Est-ce que tout est à votre convenance ?
- Oui. Merci bien.
- Excusez ma curiosité, seulement c’est la première fois que je rencontre quelqu’un de votre race.
- C’est réciproque.
- Je suis une Tynnienne. Et vous ?
- Un Drall. »

Ils n’échangèrent que des banalités sur leurs mondes d’origine respectifs. Ce fut toutefois une discussion agréable et intéressante qui s’acheva dès le retour de Rile. La politique progressiste de la planète Tynna était proprement fascinante !

* * *

« Ho, Monsieur le Drall !
- Ho, Madame la Tynnienne !
- Vous ici ? Quelle surprise !
- Je voulais faire un peu de tourisme avant de partir, mais voilà, je me suis perdu. Vous pouvez m’aider ? »

Du tourisme ? Bien sûr que non ! Cette rencontre ne devait rien au hasard. Rile n’avait obtenu de Gurtang-Gol aucun renseignement utile mais elle restait convaincue qu’il savait quelque chose au sujet de Zileass. Avec son aval, Etiam tentait une nouvelle approche. La secrétaire pouvait peut-être débloquer la situation.

« Une aide pour quoi faire ? Continuer votre visite touristique ou retrouver votre chemin ?
- Tout dépend du temps que vous avez à me consacrer. Je ne tiens pas à m’imposer.
- Pour vous, j’ai peut-être un peu de temps. Venez donc et dites-moi votre nom. Ce sera plus pratique que "Monsieur le Drall". »

La visite qu’offrit Sildi aboutit rapidement à un restaurant renommé où elle invita le padawan. Seuls à leur table, ils se sustentèrent avec délectation et discutèrent de sujets moins anodins. Ils se plaisaient, c’était certain. Etiam n’en oublia pas pour autant sa mission et le code de son ordre.

* * *

Etiam se réveilla en sursaut. Il était allongé dans l’inconfortable couchette de la navette qui poursuivait son voyage éperdu à travers l’hyper-espace. La cabine n’était illuminée que par le tableau de bord. Des lumières clignotantes nuançant l’obscurité. La silhouette de Rile se devinait vaguement sur le siège du pilote. Le Drall n’osa lui avouer qu’il venait de rêver de Sildi. Tel avait été le prix à payer pour poursuivre leur mission. Cela avait été l’idée du padawan, mais la Jedi ne s’y était pas opposée. À qui la faute ? Rien de grave cependant. Etiam avait prouvé à maintes reprises qu’il savait remarquablement bien se contrôler. Il se jura tout simplement de ne jamais chercher à revoir la Tynnienne. Ce n’était pas la première fois qu’il renonçait à quelque chose de plaisant et ce ne serait pas la dernière. Modération, renonciation, déception...

« Etiam ?
- Oui, Maître Ayach.
- Viens là puisque tu es réveillé. »

Elle fit sortir la navette de l’hyper-espace. Ensuite, elle passa sur le siège du copilote. Par le cockpit apparaissait désormais une géante gazeuse et un soleil rougeoyant sur le déclin.

« Prends les commandes. Quelques leçons de pilotage ne vont pas te faire de mal. »

* * *

Etiam, la gorge nouée, déposa une gerbe de fleures sur la tombe de ses grands-parents. Il avait apprit leurs décès uniquement parce que la piste de Zileass passait par le secteur bleu de Coronet. Le Chevalier Jedi aurait apparemment voulu acquérir une vieille relique Sith afin de la détruire. À vrai dire, pour l’instant, le Drall s’en fichait un peu. Rile s’occupait de tout. Lui, il tenait à apporter son soutien à Calda et Beldin. Ce n’était pas le premier événement familial d’importance qu’il manquait. Les naissances, les mariages, les décès... il n’était jamais là au bon moment. Il le regrettait maintenant qu’il était sur place. Après, il oublierait... Il fixa un instant la tombe et son épitaphe. La vie était éphémère et précieuse, voilà ce que semblait dire la pierre froide. Etiam se redressa et recula. Les graviers de l’allée crissèrent sous ses pieds. Son père, qu’il dépassait dorénavant de quelques centimètres, lui demanda s’il restait pour le repas. Il acquiesça. Ses parents en furent ravis. De retour dans l’appartement, ils ne discutèrent que de choses joyeuses. Quoi de mieux pour conjurer les tristes événements que de recourir au plaisir d’être ensemble ? Calda finit tout de même par apprendre à Etiam que Gorian avait quitté la ferme Cazar pour voyager entre les étoiles. Un départ précipité, Kleb et sa femme étaient effondrés. Le padawan passa ensuite un moment dans sa chambre, face au poster des vingt merveilles de la galaxie. Il se remémora le flûtiste d’Ilum, la tombe et ses fleurs, son ami d’enfance envolé pour de bon... Il avait l’impression qu’il tenait là les pièces d’un puzzle mais il ne parvenait pas à les réunir afin de voir clair en sa destinée.

* * *

Etiam ouvrit les yeux et fixa le plafond. Désorienté, il ne se rappelait plus où il se trouvait, sur quel monde il séjournait. Cela changeait si souvent... Un moustique lui bourdonnait autour. Ce devait être lui le responsable de son réveil. Une fois de plus, Sildi avait peuplé ses songes. Comment pouvait-elle devenir pour lui une telle obsession alors qu’il ne l’avait vu que quelques malheureuses heures ? Peut-être parce qu’il avait dix-neuf ans et qu’il avait rencontré la toute première fille qui lui plaisait. À cet âge là, les gens normaux avaient des romances. Seulement voilà, le code interdisait d’être normal. Il soupira, se demandant vaguement s’il avait eu sur la Tynnienne le même effet. Probablement pas. Quoi qu’il en soit, elle rendait ses rêves beaux, mais du coup, à chaque fois qu’il revenait à la réalité, il était déçu. Le moustique devenait agaçant. D’une pichenette, il s’en débarrassa.

* * *

Nar Shaddaa, la lune des contrebandiers... voilà où la piste de Zileass menait. Six mois déjà que le binôme était sur cette affaire. Plus il progressait, plus il semblait que le Chevalier Jedi disparût avait eu un comportement étrange. Pourquoi n’avait-il pas tenu informé le Conseil ? Pourquoi tout ce périple ?

« Mouais, ça sent mauvais cette histoire, déclara Rile alors que la navette amorçait son approche. On a intérêt à rester sur nos gardes. Et n’oublie pas, nous sommes ici incognito.
- Je n’oublie pas, Maître Ayach. »

Ils mirent bientôt pied sur le quai débordant d’activité. Embarquements et débarquements provoquaient un bouquant de tous les diables. Rile et Etiam, déguisés pour l’occasion en mercenaire, s’enfoncèrent dans le dédale urbanisé. Le Drall eut presque l’impression d’être de retour à Coruscant. Ils suivirent les indications qu’ils avaient glanées, ce qui les mena à des entrepôts encombrés de marchandises variées. Ils étaient sensés y rencontrer un contact de Zileass et tombèrent effectivement sur un homme, debout entre les containers.

« Elpec Cromac ? demanda Rile, circonspecte.
- Moi-même. Vous êtes pile à l’heure.
- On a quelques questions à vous poser.
- Non. Vous avez un truc à prendre puis vous vous tirer. J’veux pas d’ennui, pigé ?
- Un truc, quel truc ?
- Vous savez très bien de quoi je parle. Tenez. Vérifiez si vous voulez, mais grouillez-vous. »

L’homme tendit à Rile une petite boîte et se recula. S’agissait-il de la relique Sith ? Mais Zileass ne l’avait-il donc pas déjà obtenu ? Etiam, qui gardait le silence, ne se sentait pas tranquille. Il avait l’impression qu’on l’épiait depuis les profondeurs du hangar. Et puis, tout était trop calme par ici. Son imagination peut-être. Quoi qu’il en soit, Rile manipula un instant la boîte, hésita à l’ouvrir puis, brusquement, la jeta aussi loin que possible. Avant même qu’elle n’heurte une paroi, la boîte explosa. La détonation aurait certainement suffit à tuer la Jedi et à blesser le padawan. Le bruit de la déflagration raisonnait encore que déjà le binôme dégainait.

« Tuez-les ! » beugla l’homme en se mettant à couvert.

Il y eut des mouvements dans l’obscurité, des bottes claquèrent sur le sol métallique, des armes cliquetèrent. Encore un peu et pistolets et fusils blasters vomissaient leurs rayons. Quelqu’un cria, puis tomba du haut d’un container, tué par son propre projectile. Rile, experte du Djem So, mettait d’office les assaillants en difficulté. Etiam, après avoir paré plusieurs tirs, réduisit la distance avec un grand loubard qu’il transperça de son sabre. Hurlements, odeur de sang et de chair brûlée... Un vacarme eut lieu lorsque la Jedi, via sa télékinésie, renversa des caissons. Le padawan bondit sur un nouvel ennemi qui lâcha son fusil et se recroquevilla dans un angle.

« J’me rends ! J’me rends ! » cria-t-il.

Cette voix... le Drall la reconnut. Il s’immobilisa et observa l’individu avec stupéfaction.

« Gorian ?!
- Etiam ?! Ho merde ! J’te jure, j’te jure que j’savais pas que c’était toi ! »

Le padawan regarda autour de lui pour ne pas se faire bêtement descendre. Mais le combat était déjà terminé. Rile, son sabre bleu au poing, s’approchait. Son visage exprimait une glaçante sévérité.

« Parfait Etiam. On en tient au moins un.
- Maître Ayach, je le connais. C’est Gorian Cazar, un ami.
- Vraiment ? Tu as une drôle de conception de l’amitié.
- Il y a eu méprise. J’espère. Laissez-moi l’interroger.
- Très bien Etiam. Mais on est tombé dans un piège, on aurait pu y rester, je veux des explications. Et je les veux vite. »

* * *

« Comprends-moi Etiam. J’étais là, à moisir dans la ferme alors que toi, tu vivais des aventures palpitantes dans la galaxie. Je devais devenir un fermier alors que toi, tu allais être un Jedi. J’ai pas pu m’y résoudre. Non, j’ai pas pu ! »

Immobile, silencieux, le Drall observait son ami d’enfance parler tout en faisant les cents pas. Gorian ressemblait de plus en plus à son père. Grand, massif, les épaules carrées, la musculature saillante, un front large, un menton affirmé... À ceci s’ajoutait un nez d’aigle qu’il tenait de sa mère. Ses cheveux châtains étaient ramenés en arrière, noués en un court catogan. Il avait du style, celui du Corellien intrépide. Sa tenue paramilitaire lui allait comme un gant. Comment l’imaginer aux commandes d’une machine agricole ?

« Toutes les nuits, toutes, je rêvais de te suivre ! Et parfois, j’étais jaloux. Ouais, jaloux à en crever ! J’suis entré en école de pilotage. J’ai obtenu mon brevet et je me suis cassé de Corellia.
- Et tes parents, tu y as pensé ? Ils sont morts d’inquiétude. »

Gorian s’arrêta de marcher et dévisagea Etiam :

« Les tiens aussi. Mais tôt ou tard, faut bien que les oiseaux sortent du nid. J’leur envoie des lettres, quand je peux. Et un d’ces quatre, j’irai les voir.
- Il paraît que tu t’es fait de nouveaux potes.
- Ouais. D’ailleurs t’as tué l’un d’eux. Va pas me manquer. Mais... j’avoue que j’ai un peu dérapé en les suivant.
- Un peu ?
- Ho ça va ! Tain, Etiam, j’ai l’impression que t’es déjà vieux !
- Tu m’as quand même tiré dessus !
- Mais je t’ai pas reconnu ! Et comment j’aurai pu ? J’t’ai toujours vu à poils, merde ! Depuis quand tu t’habilles ?
- Ça doit faire sept ou huit ans. Mais jamais sur Corellia. Fin bref, c’est pas le problème. Pourquoi tu étais là ? Qui vous a embauché ? Tu dois tout me dire Gorian, c’est important !
- Je sais presque rien. À la base, on ignorait même qu’on devait éliminer des Jedi. J’aurais pas accepté si j’avais su, tu peux m’croire. C’est une femme qui nous a embauchés dans une cantina du coin. Elle vous a présentés comme des crapules et de mauvais payeurs. »

* * *

"J’ai l’impression que t’es déjà vieux."

Les mots de Gorian revenaient en boucle dans l’esprit d’Etiam. Ce calme, cette retenue, ce sérieux perpétuel... il était vrai qu’il ne faisait pas son âge. Où était passé sa jeunesse ? Son ami, en dépit de ses erreurs, l’avait impressionné parce qu’il avait su prendre son destin en main. Il avait osé tout plaquer pour donner corps à ses ambitions. Ce n’était pas rien... À côté de cela, le padawan avait l’impression de suivre un chemin tout tracé dont il ne parvenait décidément pas à se satisfaire. Non, il ne vivait pas de fabuleuses aventures comme le pensait Gorian. Il ne vivait pas du tout, se disait-il de plus en plus souvent. Ébranlé, il restait assis au fond de la navette qui entamait le retour vers Ondéron. Rile pensait qu’il était juste déçu de l’échec de la mission. Car la mission était effectivement un échec. Les maigres informations données par Gorian avaient tout de même permis de retrouver la femme à l’origine du piège. Hélas, elle s’était révélée n’être qu’un intermédiaire et avait préféré affronter le binôme plutôt que de livrer le nom de son employeur. À présent, elle était morte avec ses secrets. La piste de Zileass s’était refroidie. Le Drall entendait la Jedi faire son rapport au Conseil. Elle n’avait que des suppositions à lui fournir. Le Chevalier disparût avait probablement obtenu l’artéfact Sith. Peut-être avait-il été corrompu par la suite. Peut-être avait-il eu des ennuis avant de pouvoir le détruire. Ou après avec un peu de chance. Des gens, en tout cas, ne voulaient pas que la vérité soit découverte.

* * *

Etiam, assis en tailleur dans la salle de méditation, tentait une fois de plus de sonder son âme en quête de réponses. Les doutes s’étaient insinués en lui depuis longtemps mais avaient enflés considérablement après les événements sur Nar Shaddaa. Il ne demandait plus conseils aux Jedi car il perdait foi en leur doctrine. Son trouble, pour l’instant, demeurait inaperçu car il avait toujours su très bien se contrôler. S’était-il seulement engueulé une seule fois avec Rile ? Il était le calme incarné, un modèle de modération, un padawan exemplaire ! Et c’était peut-être là le problème. À force de vouloir trop bien faire, il s’étouffait. S’était-il seulement demandé ce que lui voulait réellement plutôt que de se conformer à ce que les autres voulaient de lui ? Il avait dit oui, douze ans plus tôt, oui à cette formation, un oui courageux, mais un oui d’enfant...

* * *

Etiam, aux commandes d’un airspeeder, parcourait l’une des vastes avenus de Coruscant. Il devait simplement délivrer un message de Rile à un sénateur. La nature du message quelque peu délicate avait contrainte la Jedi à envoyer directement son padawan plutôt que d’employer un autre moyen de communication. Elle avait également avoué au Drall qu’il était plus diplomatique qu’elle, plus pate à ne pas brusquer le tatillon politicien. Des véhicules au-dessus, en-dessous, à gauche, à droite, devant, derrière... la circulation de la planètopole inspirait un nuage de mouches en proie à une sorte d’anarchie organisée. Etiam n’y étant pas accoutumé, il devait maintenir une constante vigilance pour éviter les accidents. Le voilà à un colossal carrefour, apothéose du chaos réglé. Il immobilisa son airspeeder, attendant que ce soit au tour de sa file de passer. Devant lui, des appareils variés fusaient. Parmi eux, il y eut un taxi blanc. Et de ce taxi émanait un son de flûte. Le Drall ne l’entendit qu’un très court instant avant que la cohorte des moteurs et des clacksons ne le couvre. Ce fut assez pour lui rappeler l’apparition dans les cavernes d’Ilum dont il conservait un souvenir vivace. Il tourna brusquement la tête. Déjà le taxi blanc était en train de se perdre dans le flot routier. Encore une seconde et ce serait trop tard. N’écoutant plus que son instinct, le padawan redémarra en trombe et partit à la poursuite du taxi, recevant par la même occasion des injures nourries de la part des automobilistes.

« Chauffard ! Danger public ! Sale alien ! »

Ce qu’il faisait n’était pas raisonnable. Il n’était plus sur la bonne voie, il risquait d’être en retard à son rendez-vous avec le sénateur. Et puis, des flûtistes, il y en avait des milliards de milliards dans l’univers. Pourquoi serait-ce le bon ? Pourtant, il continuait, concentré sur son pilotage, le taxi blanc en ligne de mire. Celui-ci quitta les grands axes, bifurqua dans des rues plus tranquilles, plus profondes aussi. Il atterrit finalement sur la terrasse d’une modeste cantina. Le passager débarqua, sa flûte en main, paya le chauffeur, le taxi repartit. Etiam s’était immobilisé juste à côté. Toujours assis dans son airspeeder, il n’arrivait plus à écarter ses yeux de l’individu. La carnation pourpre sombre, les cheveux noirs coiffés en quatre nattes... C’était lui ! Il l’avait su depuis le début. L’homme ne put que remarquer l’attention soutenue à son égard. Il se tourna vers le Drall et lui adressa un sourire éclatant.

« On se connaît ?
- Non, répondit le padawan, troublé. Je vous ai entendu jouer de la flûte. C’était beau...
- Merci ! Mais descendez donc et allons boire un coup. Vous pourrez encore m’écouter si le cœur vous en dit ! »

Etiam fit atterrir son engin et mit pied à terre. L’homme lui tendit une main cordiale.

« Guz Im Criva, de Zeltros, pour vous servir. À qui ai-je l’honneur ?
- Etiam Benhult, de Corellia », répondit le Drall en serrant la main du Zeltron.

Ils entrèrent ensemble dans la cantina. Ils étaient alors des inconnus l’un pour l’autre. Lorsque, quatre heures plus tard, ils ressortirent, ils étaient devenus de bons amis. Ensemble, ils avaient discutés de projets fous que seule la jeunesse insouciante peut concevoir. Etiam, ivre, tituba jusqu’à son airspeeder. Il avait la conviction d’avoir trouvé la dernière pièce du puzzle de sa destinée. Ne restait plus qu’à les agencer correctement...

* * *

« Tu m’as couvert de honte, Etiam ! J’ai dû présenter des excuses au sénateur ! Mais qu’est-ce qui t’est passé par la tête ? Te souler dans une cantina au lieu de faire ton devoir ! Je ne t’aurais jamais cru capable de ça ! »

Rile hurlait. Etiam, vaseux et honteux, fixait ses pieds. Au fond de lui, il savait pourtant avoir fait ce qu’il fallait.

* * *

« Maître Ayach, quand vous écouterez ce message, je serai loin. J’ai été honoré d’être votre padawan. Vous m’avez bien formé, je n’ai rien à vous reprocher. Seulement, en mon âme et conscience, je sais ne pas avoir la vocation du Jedi. Je quitte l’ordre de mon plain gré et en assume toutes les conséquences. Il s’agit d’une décision mûrement réfléchie. Mon destin est ailleurs, je vais à sa rencontre. Je vous dis adieux. Que la Force soit avec vous. »

Etiam, tout de même ému, mit un terme à l’enregistrement holographique. Il s’était isolé dans le parc du temple afin de le réaliser. Retournant à l’intérieur, il croisa Rile et tâcha de faire comme si de rien n’était. L’incident sur Coruscant n’avait pas eu de conséquence durable. Une attitude contrite de sa part avait suffi à l’effacer. Il réalisait de plus en plus que la Jedi ne se rendait compte de rien. Elle était trop préoccupée par ses propres soucis existentiels pour remarquer ceux des autres. Certainement que s’il avait eu un Maître différent, les choses se seraient passées autrement.

« Bonne chance Etiam. C’est ta première mission en solitaire. Souviens-toi de tout ce que je t’ai appris et tout ira bien.
- Merci Maître Ayach. Je ferai de mon mieux.
- Je le sais. Tu es presque au bout du chemin. Je n’ai plus rien à t’enseigner. Encore quelques efforts et le Conseil devrait t’élever au rang de Chevalier. »

Non. Il ne deviendrait jamais Chevalier Jedi. Il fuyait justement avant de le devenir, avant d’être piégé par ses engagements. Il emportait avec lui toutes ses affaires. Il n’en avait pas beaucoup. Il ne laissait que son message. Lorsqu’il décolla, seul dans la navette, il regarda probablement pour la dernière fois Ondéron s’éloigner. Il avait vingt-et-un ans et il tournait une nouvelle page de sa vie.
Etiam Benhult
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Chapitre 3 : Apprendre à Vivre


« Quoi ? Tu as quitté l’ordre Jedi ? Sérieux ? »

Gorian n’en croyait pas ses oreilles. Cessant de siroter sa bière, il observait Etiam, assis en face de lui à la table de la bruyante cantina.

« Je vois pas trop pourquoi je te mentirais.
- Mais pourquoi t’es parti ?
- J’ai mes raisons. Être Chevalier Jedi, c’est loin d’être aussi merveilleux que tu le penses. À Nar Shaddaa, je ne t’en ai pas voulu. Non, ça a été à mon tour de te jalouser. Parce que tu étais libre.
- Et tu vas faire quoi maintenant ?
- Justement, faut que j’y réfléchisse. Et puis, il y a certaines choses que je dois régler. Je vais me faire discret quelques temps. Je préfère ne pas retourner sur Corellia, pas tout de suite. L’ordre sait où j’habite. S’il te plait, dis à mes parents que je vais bien. Et, sait-on jamais, laisse-moi un moyen de te retrouver. Là, j’ai un peu galéré pour te mettre la main dessus. »

* * *

Guz Im Criva cessa de jouer de sa flûte enchanteresse. Il fut copieusement applaudi par les clients du cabaret. Lorsqu’il remarqua Etiam parmi ceux-ci, son sourire s’élargit. Il s’approcha du Drall qui, debout sur un tabouret, s’était accoudé au bar.

« Alors, comme ça, vous êtes revenu, s’étonna le Zeltron.
- Vous en doutiez ?
- Presque un an que je ne vous ai vu.
- C’est le temps qu’il m’a fallu pour me décider. Vous êtes-vous lassé de Coruscant ?
- Assez pour avoir soif de nouveauté. Vous souvenez-vous de nos petits projets ? »

Plusieurs belles demoiselles entouraient l’homme au charme irrésistible. Il transpirait le bien-être. Etiam se demanda un instant s’il n’était pas totalement en train de perdre les pédales. Mais il n’en pouvait plus de celui qu’il était devenu, cet être terne, taciturne, qui devait attendre quelques trop rares journées pour profiter d’un brin de détente.

« Oui. En gros. Voilà le marché : apprenez-moi à vivre et je vous offre le voyage de vos rêves.
- Ce sera aussi le voyage de vos rêves. Marché conclut.
- On verra.
- Puisque me voilà devenu une sorte de mentor, voici ma première consigne : entre-nous, pas de vouvoiement. C’est trop guindé, trop distant, tu comprends ?
- Je comprends. Comme tu voudras. »

* * *

« Mets tes doigts comme ça.
- Je peux pas. Je n’en ai pas autant que toi.
- Alors comme ça. Voilà, très bien. »

Guz Im était en train d’apprendre à Etiam comment jouer de la flûte. Les premières tentatives du Drall furent proprement atroces. Pendant ce temps, le vieux vaisseau cabossé, que l’ex padawan s’était procuré en vendant la navette, filait à travers l’hyper-espace, droit vers la première destination de ce rocambolesque voyage.

* * *

« Bonjour Sildi. »

La Tynnienne écarquilla les yeux. Etiam eut peur qu’elle l’ait oublié. C’était Guz Im qui avait insisté pour qu’il revienne la voir, arguant qu’il était criminel d’étouffer le sentiment amoureux. Le voyage devait débuter ainsi. En cet instant, le Drall avait envie de tordre le cou au Zeltron tellement il se sentait intimidé, planté là comme un idiot, dans l’antichambre luxueuse de Gurtang-Gol.

« Monsieur Benhult ? Je ne m’attendais pas à vous revoir. Que puis-je pour vous ? Une entrevue avec mon patron certainement ?
- Non, avec vous, si possible. »

Elle le dévisagea. À présent, il eut peur qu’elle refuse ou pire, qu’elle lui rit au nez. Elle n’en fit rien.

* * *

« Vous êtes plein de surprise, Etiam. Partir, comme ça, il en faut du cran, déclara Sildi.
- Je me demande si je fais pas la plus grosse bêtise de ma vie.
- En tout cas, ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre. Votre compagnie est très plaisante. »

Depuis déjà un bon moment, ils discutaient, en tête à tête, dans les appartements privés de la Tynnienne. Ceux-ci se trouvaient directement dans l’hôtel particulier du riche Tiss'shar, d’où un confort optimal. La décoration était à peine plus modeste que dans le reste du bâtiment.

« Vraiment ? J’ai tendance à me trouver ennuyeux.
- Vous êtes trop dur avec vous-même. Et puis comment un aventurier tel que vous pourrait-il être ennuyeux ? Ce voyage que vous débutez avec votre ami, c’est une initiative tellement poétique. »

Elle déposa sa coupe de vin, se pencha par-dessus la table au napperon brodé et efflora de ses doigts le bout du museau de son invité.

« Si Monsieur Gurtang-Gol n’avait pas eu autant besoin de moi, je vous aurai peut-être accompagné.
- Ce n’est peut-être que partie remise.
- Peut-être... Vous savez ce que je me demande en ce moment ?
- Non.
- À quoi ressemble un Drall tout nu.
- Ho. Allez dans le secteur Corellien, vous en verrez des tas, répondit-il, ne comprenant pas tout de suite où elle voulait en venir.
- Pourquoi aller si loin quand j’en ai un juste devant moi ? »

Elle commença à lui retirer son manteau. Cette fois il comprit et il ne sut pas comment réagir. Sildi, qui n’en était pas à son coup d’essai, eut tôt fait de l’entraîner dans son lit où il découvrit des plaisirs inédits.

* * *

« Merci Monsieur Benhult d’avoir accepté mon invitation. »

Etiam s’inclina devant Gurtang-Gol. Il avait forcément attiré l’attention de celui-ci en allant voir sa secrétaire. Sitôt sorti des appartements privés de cette dernière, un droïde était venu l’informer que le maître des lieux désirait le voir. Ce genre d’invitation ne se refusait pas, il l’avait bien compris. À présent, il était en proie à l’appréhension. Le Tiss'shar était impressionnant avec sa face de féroce reptile, sa voix grave, son accent prononcé et ses riches atours. Son bureau, où dominaient le rouge, le noir et l’or, était également assez intimidant.

« Ainsi, vous voilà devenu un Jedi à la marge de l’ordre. C’est intéressant, reprit Gurtang-Gol, une fois que le Drall se fut assis.
- Comment se fait-il que vous soyez déjà informé ? Y a-t-il des micros chez votre subalterne ?
- Quelle importance ? Elle m’aurait tout raconté de toute façon. Nous gagnons du temps. Votre sabre laser pourrait m’être utile. Avec vous derrière pour le manier, cela va de soi. »

Etiam se sentit particulièrement mal à l’aise. Il avait raconté beaucoup de choses à Sildi. Une imprudence certaine. Gurtang-Gol n’avait pas l’air d’un enfant de cœur. Dans quoi était-il en train de s’embarquer ? Il se le demandait depuis sa fuite du temple.

« Monsieur, sans vouloir vous vexer, je n’ai pas quitté l’ordre Jedi pour prêter allégeance à une corporation.
- Certes. Mais vous éprouvez quelques sentiments pour ma secrétaire. Il serait fâcheux de ne pas bénéficier d’une certaine bienveillance de la part de celui qu’elle sert fidèlement. Rassurez-vous. Je n’entends pas vous contraindre à quoi que ce soit. J’aimerais juste pouvoir faire affaire de temps en temps avec vous. Ce sera donnant-donnant. J’ai de l’argent, des relations et Sildi. Et vous, vous avez un vieux vaisseau, un ami Zeltron et votre valeur personnelle. »

* * *

« Et donc, qu’as-tu répondu ?
- J’ai donné un accord de principe. Refuser aurait été dangereux. Et puis c’est vrai qu’on a besoin d’argent. Rien qu’en carburant, ébergement et repas, on va pas mal dépenser.
- C’est pour ça qu’il nous a donné cette coquette somme ?
- Hum, plus ou moins... En fait, j’ai aussi accepté d’éliminer une certaine personne si jamais on la croisait lors de notre voyage. Ne me regarde pas comme ça, Guz Im ! Je ne suis pas du tout sensé la chercher. Du coup, même si jamais on lui tombait dessus, je peux tout à fait prétendre le contraire.
- Et avec Sildi ?
- C’était super.
- Juste super ?
- Ok. C’était absolument génial ! Tu avais raison de me pousser à la revoir. J’ai plus cet espèce de malaise en moi quand je pense à elle.
- Alors pourquoi je te sens tendu puisque tout va bien ? Relax !
- Je me demande quand même si on ne court pas à la catastrophe... »

* * *

« Alors, tu es toujours convaincu de courir à la catastrophe ? »

Etiam, admiratif, contemplait la ville de Calius saj Leeloo, la Cité de Cristal Scintillant de Berchest. Cette ville sublime, taillée artistiquement dans un seul énorme cristal orangé, il la connaissait depuis qu’il était tout petit car c’était l’une des vingt merveilles de la galaxie. Elle était illustrée sur son poster. Et maintenant il y était en vrai. Il pouvait visiter autant qu’il le voulait, sans pression, sans contrainte.

« Je ne suis plus convaincu de rien du tout. Je sais juste que cet endroit est beau, très beau.
- Et c’est l’essentiel. »

Leur voyage avait comme étapes pratiquement toutes les merveilles de la galaxie encore existantes à ce jour. La Pyramide de l'Aube sur Aargau, les Soldats de Cuivre d'Axum, la Flèche de Shawken, les Archives Celebratus d'Obora-skai, la Cité Crevasse d'Alderaan, l'Étendue de Makem Te, les Jardins Interdits de Nuswatta, la Cathédrale des Vents sur Vortex, les Mosaïques d'Alsakan... Quel programme fabuleux ! Pour le Drall, c’était à la fois un rêve d’enfant et un pèlerinage. Il comptait repenser son existence de A à Z. Guz Im Criva l’aidait déjà en cela. En sa compagnie, il se sentait plus léger.

* * *

Le vieux vaisseau cheminait dans l’hyper-espace. À l’intérieur de l’habitacle, deux flûtistes jouaient, l’un très doué, l’autre encore débutant. Ce dernier, cependant, progressait. Leurs notes entremêlées suffisaient à oublier le froid du métal, l’austère de l’appareil.

* * *

« On veut la suite la plus luxueuse », déclara Guz Im Criva à l’hôtelier.

Etiam ouvrit la bouche pour protester. Malgré les crédits obtenus de Gurtang-Gol, ils ne pouvaient pas se permettre toutes les excentricités. Mais le Zeltron lui posa une main apaisante sur la tête et il ne dit rien. Ils se vautrèrent donc dans l’opulence durant leur séjour à Aargau et ce ne fut pas désagréable.

* * *

Nouvelle destination, nouveau voyage... Dans le vieux vaisseau, Etiam exécutait un dulon, cet exercice de padawan consistant à se battre contre un ennemi imaginaire. Il était désireux de conserver sa pratique des arts Jedi, conscient que ceux-ci représentaient ses meilleurs atouts. Guz Im Criva, pensif, le regardait attaquer, parer, virevolter, sabre au poing.

« Etiam ?
- Oui ?
- Je pense que tu ferais un très bon danseur. »

* * *

« Je vous remercie pour cette instructive discussion.
- Moi de même. Il est rare que j’aborde la dimension philosophique de mon art de façon aussi approfondie. J’espère sincèrement vous avoir aidé dans votre quête de réponses. »

Etiam, après s’être incliné, quitta la loge du Snivvien. Les natifs de Cadomai étaient célèbres pour leur aisance à retranscrire les sentiments au travers d’une démarche artistique. Le Drall, actuellement de passage dans la Cité Crevasse, avait assisté à un opéra donné par l’un des représentants de cette race. Ému jusqu’aux larmes, il avait ressenti l’impérieux besoin de s’entretenir avec le chanteur. Pour y parvenir malgré le service de sécurité, il avait usé de ses pouvoirs de persuasion. Un effort qu’il n’était pas prêt de regretter car il sortait de cet entretien avec des idées enrichissantes.

« Tu sais quoi Etiam ? Tu devrais aussi apprendre à chanter ! déclara Guz Im Criva qui attendait à la sortie de l’opéra.
- À force de tout vouloir faire, on n’arrive à rien. La musique et la danse, c’est assez pour l’instant. »

* * *

Un autre lieu, un autre spectacle... Le Shashay emplissait le modeste bistro de sa voix mélodieuse. Il était debout sur la petite scène, reléguée dans un coin de la pièce mais tout de même illuminée par un projecteur aux couleurs changeantes. Un musicien humain l’accompagnait au piano. Etiam, tout en sirotant une bière Corellienne, détaillait avec curiosité l’être aviaire dont la tenue rappelait celles des Dralls. Pas d’habits, juste des bijoux que venait compléter le plumage. L’accoutrement le laissa pensif et le chant, rêveur. Ce furent des exclamations qui lui firent tourner la tête.

« Hé, le Zeltron, j’aime pas comment tu reluque ma copine !
- Cher Monsieur, il y a méprise. Ce n’est pas moi qui la regarde mais bien l’inverse. Je n’y peux rien si je suis aussi attirant !
- Si, tu peux te casser ! Et si tu te casses pas, moi je te casse la gueule ! »

Le bistro était fréquenté par des voyageurs variés. Il se situait sur une des stations de ravitaillement qui jalonnaient les grandes routes commerciales. Les installations flottaient dans le vide spatial, accueillant tous ceux de passage. Guz Im Criva venait de se mettre à dos un gars louche. Peut-être un mercenaire, ou pire. Etiam soupira, quitta sa chaise et s’approcha.

« On va pas s’énerver à cause d’un simple coup d’œil, ce serait dommage », dit-il, conciliant.
- T’emmêle pas le nabot poilu, sinon tu vas devoir chercher tes dents par terre !
- Le Zeltron est avec moi. Levez la main sur lui et c’est peut-être cette dernière que vous devrez chercher par terre. »

La menace fit sortir de ses gonds la brute qui voulu envoyer une droite dans la tête du Drall. Il ne vit que trop tard le sabre laser. La lame bleue jaillit, disparût et l’homme hurla, la main tranchée.

« Je vous avez prévenu. »

Etiam savait qu’il aurait pu éviter cet incident, mais il n’en avait pas eu envie. Le type, avec son air méchant, ne méritait sans doute pas qu’on perde du temps et des efforts avec lui.

« T’y es allé un peu fort tout de même, observa Guz Im, après qu’ils eurent regagné le vaisseau.
- Je l’avais prévenu. Un autre que moi lui aurait peut-être tiré un coup de blaster en pleine tronche. Il peut s’estimer heureux.
- En tout cas, le Shashay chantait bien. Je suis sûr que...
- Non je n’apprendrai pas à chanter ! Inutile d’insister ! »

Le Drall démarra le vaisseau, se désarrima de la station, s’en éloigna, puis enclencha la procédure d’entrée en vitesse lumière. L’ordinateur de bord avait pratiquement achevé les calculs préliminaires au saut lorsqu’Etiam l’interrompit.

« Un problème ? s’enquit le Zeltron.
- Là, une commette... »

Effectivement, une très belle commette exhibait sa longue chevelure d’azur en approchant d’une étoile flamboyante. La scène, pourtant banale, n’en était pas moins appréciable.

« À force de courir après les merveilles architecturales de nos civilisations, on en oublierait presque que la nature offre ses propres merveilles.
- C’est vrai... Je constate avec bonheur que mes leçons commencent à porter leurs fruits. Etiam, continue comme ça et tu pourras déceler les innombrables merveilles du quotidien qui échappent à trop de nos contemporains. »

* * *

Assis en tailleur sur une pierre, Etiam faisait léviter une seconde pierre. Il parvenait à déplacer par télékinésie des objets relativement lourds. Il en éprouvait une satisfaction certaine car en dépit de sa désertion de l’ordre Jedi, il parvenait encore à progresser. Il songeait de plus en plus au côté obscure et à la façon de l’étudier sans prendre trop de risque. Ce ne serait pas chose aisée. Cela-dit, il tenait à se faire son propre avis sur la Force, comme il était en train de se faire son propre avis sur la vie. Or, comment appréhender l’entièreté de la Force en se privant d’une de ses facettes ? Il reposa en douceur le rocher dans l’herbe et tourna son regard vers la grande chute d’eau dont le grondement l’enveloppait. Celle-ci miroitait sous les rayons solaires. En se précipitant dans le lac en contrebas, elle faisait naître un nuage d’écume vaporeuse. Un petit coin de paradis... Guz Im Criva se baignait. Le Drall se leva, prêt à le rejoindre. Il se posa alors une question toute simple mais ô combien fondamentale. Était-il heureux ? Ce dont il était certain, c’était qu’à présent, contrairement à avant, il était curieux de découvrir chaque lendemain. Il estimait que c’était bon signe.

* * *

L’envoutante musique de Guz Im Criva attirait les badauds sur la petite place. Certains ne s’y attardaient guère, ayant mieux à faire que d’assister à un spectacle de rue. Mais beaucoup restaient, formant progressivement un cercle autour du musicien Zeltron et du danseur Drall. Etiam, pour la première fois, n’était plus à côté de la scène mais bien dessus. Pour la première fois, on le regardait non pas parce qu’il tenait un sabre laser, mais parce qu’il offrait son art. La mélodie de Guz Im était vive et entraînante. Le Drall, gracieux, suivait le rythme avec aisance. Vêtu que de fourrure et de clinquant, apparence exotique en ce monde à forte population humaine, il avait ajouté à sa chorégraphie une dimension spectaculaire. Il évoluait en effet sur une table hérissée de lames et de pointe. Or il était pieds nus. De la poudre aux yeux, il ne risquait pas grand-chose. Il avait lui-même disposé les morceaux de métal pour qu’ils ne le dérangent pas trop. Sa technique faisait le reste. Guz Im jouait de plus en plus vite, la musique devenait endiablée. Et Etiam, de concert, accélérait. Ses bijoux cliquetaient sur son corps, presque un tempo. Il évitait de trop observer le public pour ne pas se déconcentrer. Il se demandait toutefois si le spectacle leur ferait gagner assez d’argent pour repartir de cette planète. L’inévitable était arrivé, les crédits de Gurtang-Gol avaient été dépensés. La préparation de cette représentation avait épuisé le peu qu’il restait. Pour autant, les deux amis étaient décidés à continuer leur voyage. La contrainte financière ajoutait juste un peu de piment.

* * *

Guz Im Criva et Etiam Benhult jouaient de la flûte sous la lune. Entre eux deux, un feu de camp crépitait. Et au-dessus des flammes rôtissait un petit animal. Les voyageurs ressemblaient de plus en plus à des saltimbanques. Mais dormir à la belle étoile n’avait rien de désagréable.

* * *

Le jeune homme, probablement technicien en robotique, faisait pivoter devant lui le modèle tridimensionnel d’un droïde. Il arborait une expression dubitative. Du bout du doigt, il commença à apporter quelques modifications à l’image. La fenêtre de son bureau était ouverte afin d’aérer. La journée avait été chaude. Le crépuscule apportait une fraicheur bienvenue. Trop concentré sur son travail, l’humain ne remarqua pas les légères ondulations dans l’air qui esquissèrent une vague forme se hissant à l’intérieur de la pièce. Il n’entendit pas d’avantage les bruits de pas que le son du vent couvrait. Quelques instants plus tard, il y eut de nouveau des ondulations et des bruits de pas. Le parquet craqua, le jeune homme jeta un regard par-dessus son épaule, ne vit rien et reprit sa tâche. Trois étages plus bas, Etiam se réceptionna souplement dans le jardin et cessa d’être invisible. Cambrioler, avec la Force pour allié, c’était un jeu d’enfant ! Il n’éprouvait aucun remords. Les spectacles ne rapportaient pas assez d’argent. Il faisait donc le nécessaire pour que le voyage continue.

* * *

Etiam revint lentement à lui. Ce dont il prit conscience en premier, ce fut de son mal de tête. Il avait l’impression qu’un marteau lui tambourinait sur le crâne. Il constata ensuite être assis contre un mur. On lui avait liés les mains dans le dos et enfoncé un torchon roulé en boule dans la gueule pour le bâillonner. Deux personnes discutaient, un peu plus loin. C’était un couple. Mais où était-il ? Que s’était-il passé ? Tout d’un coup, il se souvint. La cantina sordide, le somnifère dans le repas... Le manque de crédits poussait les deux amis à fréquenter des lieux malfamés. Forcément, ils avaient fini par avoir des bricoles. Le couple fouillait leurs affaires et envisageait de les vendre à des trafiquants d’esclaves. Le Drall entendit son sabre laser être allumé. Il osa ouvrir les yeux.

« Ho putain ! Regarde ma douce, on a mit la main sur le jackpot ! Le p’tit poilu est un Jedi !
- Tu penses pas que ça va nous attirer des ennuis ? Moi j’dis qu’on l’fout dans un sac et à la flotte. Ni vu ni connu. Et l’autre, ben on l’propose à la maison close.
- Tu délires ? Si on s’débrouille bien, y’a moyen de se faire un paquet de fric ! Hein, t’en pense quoi, l’p’tit poilu ? »

Le couple fixa Etiam. Etiam, lui, fixa un instant Guz Im, ligoté à côté de lui, puis l’étagère encombrée de bric-à-brac juste derrière le couple. Il se concentra intensément et l’étagère bascula en avant, déversant tout son contenu. Les fripouilles furent ensevelies. L’une d’elle, à cause d’un mauvais réflexe, se blessa même avec le sabre laser. Ce fut un concert de cris et de gesticulations affolées. Le Drall, toujours par télékinésie, attira à lui un couteau et se libéra. Lorsqu’il se leva, la grosse femme du couple parvenait tout juste à se dégager. Il avança sur elle, couteau au poing.

« Le p’tit poilu a d’autre projet, navré, vraiment. Des gens aussi futés que vous ont sûrement un sacré pécule caché par ici. N’est-ce pas ? »

La femme hésita à se munir d’une casserole pour se défendre, mais dû se rendre compte que ce n’était pas assez car elle préféra collaborer. Blanche de peur, elle désigna le tapis.

« Y’a une trappe là-dessous. J’y suis pour rien, juré, c’est tout la faute de mon mari.
- Je n’en doute pas. Vous allez me rendre mon sabre laser afin de me prouver votre bonne volonté. »

Elle s’exécuta, devant pour cela batailler un moment dans le monstrueux fouillis. Son mari, en sang, geignait.

« Voici votre arme, Monsieur le Jedi.
- Je ne suis pas un Jedi, malheureusement pour vous. »

Sur ce, Etiam exécuta le couple, puis libéra le Zeltron.

« Ça va ? Pas trop secoué ?
- Absolument pas. Je savais que tu allais nous sortir de là. Bon, on fouille cette trappe ? »

* * *

Etiam inspira, expira... Le parfum capiteux des huiles lui chatouilla les narines. Il voyait de biais la splendide Zeltronne à côté de lui et, derrière elle, un massif fleuri. Allongé sur le ventre, dans le plus simple appareil, il sentit les doigts de la masseuse chercher sous son pelage le moindre relief anatomique. Les omoplates, les vertèbres, à présent les doigts descendaient vers les hanches, les fesses, puis plus bas encore, les cuisses, les jambes, la plante des pieds, toujours avec une égale minutie.

« Je n’ai encore jamais massé de Drall. Je prends juste mes marques. N’hésitez pas à me dire si je vous fais mal.
- Aucun souci. »

Dernière étape du voyage : Zeltros, monde d’origine de Guz Im Criva. Les économies du couple malhonnête avaient permis d’arriver jusque là sans encombre. Depuis, ce n’était qu’une succession de fêtes. Ici, on ne se refusait aucun plaisir. Ici, la vie n’était que sourire. Entre les mains expertes de la Zeltronne, Etiam se détendit au point de s’endormir. Il se réveilla avec le doux bruit de la flûte de Guz Im. Il se renversa sur le dos, plaça ses bras derrière la tête et resta les yeux mi-clos. Devant lui, le soleil couchant embrasait l’horizon. La mer, en dessous, semblait faite de feu liquide. Le bruit des vagues, les rires des gens... Le Drall était en paix, l’esprit léger. Son ami cessa de jouer.

« Six ans, dit-il. Ce voyage nous a pris six ans.
- C’est vrai. C’est passé vite.
- Je voulais te remercier. Une telle épopée touristique... je ne l’oublierai jamais.
- C’est à moi de te remercier. Maintenant, je sais vivre. »

Etiam se redressa sur un coude et attrapa le cocktail que le Zeltron avait déposé à son attention. Il commença à le siroter, conscient qu’il finirait ivre avant la fin de la soirée.

« Il y a une nouvelle fête au centre-ville. On devrait y aller. J’ai négocié, il y aura une place pour nous sur scène. Il faut absolument que tu danses une dernière fois au son de ma flûte.
- Avec plaisir. »

Il avait vingt-sept ans et demain, il partirait seul. Demain, il tournerait une nouvelle page de sa vie. Mais demain, c’était demain. Ce soir n’était pas encore venu le moment des adieux.
Etiam Benhult
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Chapitre 4 : La Voie du Clair-obscur


« Ainsi, vous ne l’avez pas trouvé.
- Non. Mais, durant ces six années, j’ai tué et volé. Croyez bien que si j’avais trouvé votre homme, je m’en serai chargé.
- Je vous crois, Monsieur Benhult. Sachez que je tiens toujours à ce qu’il disparaisse, même s’il semble de plus en plus probable que ce soit déjà le cas. Votre voyage a-t-il été profitable ?
- Oui, il m’a ouvert l’esprit. »

Etiam et Gurtang-Gol se jaugèrent mutuellement en silence. Ce fut le Drall qui, le premier, reprit la parole.

« J’aimerais savoir un truc... Vous vous souvenez de Zileass, ce Chevalier Jedi disparu ? J’étais venu ici, avec mon Maître, afin d’enquêter à son sujet. Et bien, il semblerait qu’il ait trouvé une relique Sith. Savez-vous où est cette relique à présent ? »

Pas de réponse. Le Drall considéra cela comme un oui. Il était persuadé que le Tiss'shar en savait beaucoup au sujet de Zileass.

« Je veux cette relique. Je veux aussi ce qu’il y a sur cette liste. »

Il fit glisser sur le bureau une feuille de papier. Gurtang-Gol s’en saisit et la lut.

« Vous voulez beaucoup de choses.
- Je peux faire beaucoup de choses.
- J’aime ce genre de discours. »

* * *

« Vous avais-je manqué ?
- Hum... un peu, oui. »

Le Drall embrassa la Tynnienne. Dans les bras l’un de l’autre, ils se donnèrent beaucoup de plaisir. Le Jedi Gris ne raconta pas toutes ses aventures à Sildi, se limitant juste à quelques anecdotes afin de l’émoustiller. Elle insista pour l’entendre jouer de la flûte et voir danser. Il refusa malicieusement, arguant qu’il était pressé. Il lui promit cependant que la prochaine fois, il comblerait ses désirs, s’assurant ainsi qu’elle attendrait son retour avec intérêt.

* * *

« Et moi qui m’attendait à te trouver en train de voguer d’aventure en aventure... »

Gorian sortit la tête du moteur qu’il était en train de réparer. En se tournant, il découvrit la petite silhouette du Drall dressée sur le seuil du garage. Il lâcha sa clé à molette, s’essuya les mains sur un torchon déjà noir de crasse puis s’approcha.

« Faut bien vivre, grogna-t-il. Salut Etiam. Contant de te voir. J’me demandais ce matin même se que tu devenais. »

Les deux amis se serrèrent la main.

« Tu me fais de plus en plus penser à ton père.
- On n’arrête pas de me le dire. Bon, puisqu’on parle de mon père, autant que tu saches. Il est mort.
- Kleb ? Mort ?
- Ça fait deux ans. Accident agricole.
- Navré, vraiment. C’était un chic type.
- C’est des choses qui arrivent.
- Et mes parents, ils vont bien ?
- T’es toujours pas passé les voir ?
- Non. J’étais occupé.
- Allez, viens. On va pas discuter là. »

Gorian se dirigea vers une porte au fond du garage, derrière les trois chasseurs alignés, dont un en piteux état. Le Drall le suivit jusqu’à une salle arrière comportant de quoi se restaurer. C’était spartiate, mais convenable. L’humain sortit des bières du frigo. Une femme l’appela depuis l’entrée du garage.

« J’suis là, au fond !
- Qui c’est ? demanda Etiam.
- Ma copine.
- Ho ! »

Des bruits de pas déterminés se rapprochèrent et la femme apparût. Grande, mince, courbes avantageuses, cheveux noirs, teint pâle, air assuré et provocateur, vêtue de cuir, blaster à la ceinture... voilà le genre d’humaine qui pouvait engendrer des fantasmes.

« Ce serait pas ton fameux pote de Corellia ? dit-elle avec curiosité.
- C’est lui. Etiam Benhult, formé au temple Jedi, puis qui s’est tiré. Etiam, voici Aia Nax, elle est, hum...
- Chasseuse de primes, compléta la concernée.
- En voilà de curieuses relations pour un mécanicien, plaisanta le Drall.
- Je suis pas que mécanicien.
- Je m’en doutais. Et c’est tant mieux car j’ai un truc à te proposer, à toi et à tes relations fiables. Mais avant, donne-moi les nouvelles, que je me sente moins déconnecté. »

* * *

Errélief, directeur d’un important consortium, sortit de son speeder-limousine. D’un geste suffisant, il chassa un pli inélégant sur son costume opulent. Encadré de ses deux collaborateurs, il commença ensuite à se diriger vers sa résidence. Son pas était nonchalant. S’il avait su, il aurait couru. Mais il devait songer que ses gardes du corps pouvaient le prémunir de tout. Une ondulation de l’air trahit la forme qui se laissait tomber sur lui. Mais personne ne levait les yeux en cet instant. Errélief interrompit la phrase qu’il était en train de prononcer lorsqu’un poids imprévu s’abattit sur ses épaules. Il vacilla, ne comprenant pas ce qui lui arrivait. Etiam mit un terme à son invisibilité. Cramponné à l’humain, nez à nez avec lui, il murmura quelques mots :

« Vous avez les salutations de Gurtang-Gol. »

Puis il alluma son sabre, ayant au préalable positionné le manche contre la poitrine du malheureux. La lame transperça Errélief. Sans perdre une seconde, le Drall prit appui sur le corps de sa victime et exécuta un salto arrière. Il était déjà en train de courir lorsque le cadavre s’effondra. Derrière lui, des cris, puis des tirs de blaster. On le prenait en chasse, on le canardait, on voulait sa peau. Les gardes du corps étaient nombreux et entraînés. Face à eux, il ne ferait sans doute pas un pli. Il dût dévier quelques rayons. D’autres le frôlèrent dangereusement. Il finit par sentir la morsure d’un tir à l’épaule. Il serra les dents, continua de courir. Il se précipitait droit vers le bord d’une falaise haute de plusieurs kilomètres. Le vide vertigineux lui barra bientôt la route. Il regarda en bas. Des nuages. Il regarda derrière lui. Les gardes du corps. Il sauta. L’air lui siffla aux oreilles alors que sa chute s’accélérait. Il entendit au dernier moment le vaisseau qui fonçait pour l’intercepter. Il heurta douloureusement l’une des ailes de l’appareil. Il essaya de s’y agripper mais n’y parvint pas. Il bascula à nouveau dans le vide et la peur le submergea. Les nuées tendaient vers lui leurs blanches volutes, avides de le happer pour toujours. Une détonation, une pression à la cheville. Etiam était maintenant retenue au bout d’un grappin. Balloté par les vents tourbillonnants, il faillit s’écraser contre la falaise. Le vaisseau s’en éloigna heureusement assez. Aia Nax remonta le Drall à bord et ferma l’écoutille.

« Plus jamais ! beugla Etiam. Plus jamais on fait ça !
- Arrête de gindre, ma copine ne rate jamais sa cible, déclara Gorian qui était aux commandes.
- Tu l’as eu ? demanda Aia.
- Ouais, c’est bon. On peut passer à la suite. »

Le Drall plaça une main sur son épaule blessée et commença à se soigner grâce à la Force. Ses pouvoirs de Jedi rendaient décidément nombre de services appréciables. Il n’était pas prêt de regretter les efforts quotidiens qu’il déployait pour les entretenir et les accroitre. La relique Sith lui offrirait peut-être de nouvelles perspectives.

* * *

Etiam, en position précaire, observait la bouche d’aération qu’une grille laser obstruait. Ses doigts étaient crispés sur les maigres prises à sa disposition et malgré sa légèreté, les muscles de son corps commençaient à protester douloureusement. Pour ne rien arranger, une pluie battante, aux relents acides, se déversaient depuis les cieux couleur de souffre. Il était trempé.

« Bon, ils se grouillent ? », grogna-t-il, pressé de passer à l’action.

La grille laser se désactiva et la voix d’Aia Nax sortit de l’oreillette du Drall.

« C’est bon. Sécurités HS. Cinq minutes avant qu’ils ne détectent l’intrusion dans leurs systèmes.
- Bien reçu. J’entre. »

Etiam s’engagea dans le conduit. Celui-ci était si exigu qu’il contraignit le Jedi Gris, pourtant petit, à ramper. Heureusement qu’il n’était pas claustrophobe. Assez vite, il alluma sa lampe frontale afin d’y voir quelque chose dans les ténèbres. Un courant d’air nauséabond lui cinglait le visage. Par mesure de précaution, il portait un masque à gaz. Ce n’était pas le moment de faire un malaise en inhalant des vapeurs toxiques. Il essayait d’avancer le plus vite et le plus discrètement possible, mais il se trouvait lent et bruyant. Les parois d’acier resserrées autour de lui raisonnaient de chacun de ses mouvements. Il fallait espérer que les sons n’atteignaient pas les zones fréquentées par le personnel.

« Aia, je vois le coude, souffla-t-il.
- Après, tu continues sur dix mètres et t’es bon. »

Il se contorsionna pour franchir le virage. Un humain adulte aurait vraiment été incapable de se faufiler là-dedans. Puis il poursuivit sa laborieuse progression jusqu’à déceler une plaque au sol.

« J’y suis. C’est comment en bas ?
- Personne sur les caméras. La voie est libre. »

Il sortit son sabre laser, appliqua le manche contre la plaque, alluma et entreprit de découper le métal. D’une main, il se protégeait les yeux des projections incandescentes. Bonjour le vacarme, songeait-il.

« Grouille-toi Etiam, fit la voix de Gorian dans l’oreillette. Des gardes se pointent dans notre secteur.
- J’y suis presque. »

La plaque, qui ne tenait plus au conduit que par quelques centimètres, oscilla. Le Drall cessa de la découper et appuya dessus. Elle plia sans tomber, libérant un accès vers une salle abondamment éclairée. Le Drall se laissa chuter, tête la première. Il se retourna dans les airs et se réceptionna sur les pieds.

« Très joli », commenta Aia qui désormais devait pouvoir l’observer par la caméra dont elle avait pris le contrôle lors de son piratage informatique.

Il resta silencieux un instant, guettant une éventuelle réaction du personnel. Tout était calme. C’était presque trop facile ! Ils étaient quand même en train d’infiltrer une entreprise en recherche génétique théoriquement ultra sécurisée. Les responsables de la dite sécurité risquait de se faire taper sur les doigts après cet incident. Etiam s’approcha des armoires. Avec son sabre, il en força les verrous, ouvrit, puis fouilla des yeux les étagères où s’empilaient des disques de données. Il repéra la référence demandée par Gurtang-Gol et s’empara du disque correspondant. Après l’avoir rangé en sécurité dans sa sacoche, il plaça une bombe qu’il alluma d’une pression. Le menu objet émit des bipes réguliers. Etiam se plaça enfin sous la trappe, saisit son grappin et, grâce à celui-ci, retourna dans le conduit. La bombe explosa peu après, faisant trembler les parois. L’alarme se déclencha, stridente, agressive, mais déjà distante. Le Drall avait atteint le coude. Dernière ligne droite et il était dehors.

« Je suis quasiment à la grille. Comment ça se fait que l’alarme se d’éclanche juste maintenant ? Les cinq minutes ne sont pas encore passées ?
- Si. Ils n’ont toujours pas détecté mon intrusion. Soit je suis encore meilleur que je le pense, soit leurs informaticiens sont des abrutis.
- Alors profite-en, Aia. Mets un max de bordel, qu’on puisse se tirer en paix. »

* * *

« Tu t’envoles déjà ?
- Oui.
- Je peux espérer te revoir dans l’année ou il me faudra encore attendre une décennie ? »

Etiam perçut dans la question de Gorian une dose de reproche.

« J’ai des choses à régler.
- Je m’en doute. J’espère juste que la prochaine fois que tu viendras me voir, ce ne sera pas uniquement pour me demander de risquer ma vie dans ton intérêt.
- Ton intérêt également. Tu as gagné un paquet de crédits grâce à moi. »

Le massif humain s’approcha et chercha ses mots.

« Essaie quand même de ne pas trop changer, Etiam. Parfois, j’ai l’impression de ne plus te reconnaître. »

Ce fut au tour du Drall de chercher ses mots.

« Gorian, je... Trois, quatre mois peut-être, pas plus, et je suis de retour. »

Ils se sourirent.

* * *

Le Tiss'shar regarda le disque de donnés puis l’incéra dans un lecteur. Les images holographiques qui commencèrent à s’afficher semblèrent lui convenir. Il arrêta aussitôt la lecture, comme s’il voulait ne rien montrer à Etiam.

« Bien, Monsieur Benhult. Vous avez accompli votre part du contrat et ce, avec un certain panache, il me faut le reconnaître. Sachez que je n’ai qu’une parole. »

Il se leva et s’approcha d’un coffre fort encastré dans le mur du fond. Pour l’ouvrir, il dût saisir un code et se soumettre à une analyse rétinienne. Il y rangea le disque et en sortit deux paquets.

« Voici ce que vous avez indiqué dans votre liste. Tout est conforme jusqu’au moindre détail. Et voici la relique Sith. Vous pouvez vérifier. »

Le Drall ne s’en priva pas. Il ouvrit le premier paquet. Il contenait divers pièces ainsi que des cristaux et des cellules d’énergie. Tout paraissait effectivement rigoureusement conforme à ses exigences. Il ouvrit le second paquet et ne put cacher sa fascination face à un nouveau cristal, de forme triangulaire. Un holocron...

« Parfait, Monsieur Gurtang-Gol, nous sommes quitte.
- J’ai d’autres tâches à vous confier si d’aventure vous êtes libre.
- Je ne le suis pas. Mais, lorsque ce sera le cas, je sais à quelle porte frapper. »

* * *

« Un cadeau ? Pour moi ?
- Oui, pour vous. »

Etiam dévisagea Sildi, puis baissa les yeux sur le sachet enveloppé de papier argenté. Il le soupesa afin de tenter de deviner ce qu’il y avait à l’intérieur.

« Allez-y, ouvrez. Je gage que vous allez aimer. »

Il ouvrit et découvrit une série d’écrins. Chacun contenait un splendide bijou. Pas du toc, assurément. Des anneaux d’or ciselé pour les oreilles, un pendentif avec un rubis enchâssé en son centre, des chaînettes entrelacées pour les bras et les jambes...

« Vous m’aviez dit que les Dralls s’habillaient de colliers et de bijoux. Alors voilà. Tout doit être à votre taille, j’y ai veillé.
- Merci beaucoup.
- Qu’attendez-vous ? Essayez-les. Et n’oubliez pas que vous m’avez promis danse et musique. »

Il tint promesse et constata avec satisfaction qu’il fascinait la Tynnienne. Il commençait, mine de rien, à avoir des années d’expérience en pratique artistique. Au moment de se séparer, elle déposa sur ses babines un doux baisé et déclara avec sa franchise coutumière :

« Vous n’êtes décidément pas banal Etiam. Je suis contente de vous connaître. »

* * *

Etiam méditait, les yeux perdus dans les neiges éternelles couvrant le pôle nord de la planète de ses ancêtres. Il faisait nuit. Les abondantes radiations solaires engendraient des aurores boréales assez remarquables. Une merveille naturelle de plus qui lui était donnée de voir. Ses doigts achevèrent l’assemblage. Il baissa la tête. À vingt-neuf ans, il venait de construire son second sabre laser. Une petite œuvre d’art... Il pressa le bouton de mise en marche. Une lame jaune se déploya. Ce serait sa lame d’or... Il serait la Lame d’Or...

* * *

Calda ouvrit la porte et demeura stupéfaite.

« Bonjour, maman.
- Ho, Etiam ! »

Elle l’enlaça très fort. Cela faisait près de dix ans qu’ils ne s’étaient vus. Dix ans, cela avait été si long pour elle. Son geste suffisait à le faire comprendre. Ses larmes aussi.

« Viens. Entre, entre ! Beldin, Etiam est là !
- Qui ça ? »

Beldin apparût à l’angle du couloir et eut également un instant de stupéfaction.

« Etiam... On pensait qu’il t’était arrivé malheur ! »

Ce qui troublait le plus Etiam, outre cette joie poignante, c’était de constater que ses parents avaient vieillis. L’un comme l’autre commençaient à avoir quelques poils grisonnants au milieu de leur fourrure. Il prit conscience qu’un jour, ils ne seraient plus là. Il n’avait pas le droit de les oublier, pas le droit de les laisser s’inquiéter, et il eut affreusement honte.

« Non, je vais très bien. J’ai tant de choses à vous raconter.
- Tu restes pour le repas ? On a le temps de préparer quelque chose ? s’empressa de demander Calda.
- Oui, je reste. Je dors même ici, si ça vous dérange pas.
- Au contraire, au contraire ! T’es chez toi, ici ! » assura Beldin.

Le repas fut festif, digne de véritables retrouvailles. À l’occasion de celui-ci, le Jedi Gris appris que Rile Ayach, son ancien Maître, était venue pour annoncer sa désertion. D’après le récit de Calda, Rile se sentait responsable. Etiam eut une pensée pour elle. Puis il sortit les cadeaux qu’il destinait à Calda et Beldin, car il n’était pas venu les mains vides.

* * *

« Alors, tu t’en sors avec ton machin Sith ?
- Ça avance, ça avance.
- Donc, si je comprends bien, il contient des leçons sur des techniques dangereuses ?
- Pas tout à fait. Ce qui est avant tout dangereux, c’est le fait de se plonger dans la philosophie qui imprègne ces techniques. En d’autres termes, ce qui est dangereux, c’est le côté obscur, pas ce que le côté obscur permet de réaliser. Tu comprends la nuance ?
- Hum, m’ouais. »

Gorian, fatigué par sa journée de travail, se laissa tomber sur le canapé. Fidèle à son engagement, Etiam était revenu. Il avait d’ailleurs estimé cela indispensable. Prenant très au sérieux l’attraction du côté obscur, il préférait étudier l’holocron sans s’isoler. Il comptait sur les relations amicales et familiales pour le protéger. Cela ralentissait son apprentissage, car il était loin de consacrer tout son temps à celui-ci, mais l’aidait à dissocier les propos purement idéologiques de ceux d’avantage pratiques contenus dans le cristal. Il tâchait d’ignorer les premiers, même s’il en prenait note pour sa culture globale de la Force, et d’appliquer les seconds.

« Encore une fois, Gorian, si tu trouves que je change, que je me renferme sur moi-même, faudra me le dire. J’ai besoin d’un observateur extérieur.
- Je sais, j’ai pas oublié. Et puis d’ailleurs, même si tu m’avais rien dit, je suis pas du genre à cacher mes opinions. Ce soir on sort avec Aia. On va au casino. Tu viens ?
- Ça vous dérange pas ?
- Si ça m’avait dérangé, je te l’aurais pas proposé. »

* * *

« Voici vos crédits, Monsieur. »

L’employé du casino, accompagné de gros bras en costume sombre, remit une valise à Etiam. Ensuite, il reprit la parole, sur le même ton glacial :

« Nous ne savons pas comment vous vous y êtes pris, mais il est certain que vous avez triché. Ou alors, vous avez une chance incroyable, ce qui revient au même. La direction espère que vous aurez la sagesse de ne plus jamais remettre les pieds dans cet établissement, sans quoi elle serait contrainte de prendre les mesures appropriées. Bonne soirée. »

Menace à peine voilée, les esprits s’échauffaient vite lorsqu’il y avait de l’argent en jeu. Stoïque, le Drall franchit les portes automatisées du bâtiment. Il se retrouva dans la rue, en compagnie de Gorian et de sa copine.

« Je pense qu’avec ça, on peut s’offrir un restaurant sympa, proposa-t-il en indiquant la valise.
- Il y a combien ? s’enquit Aia Nax, sourire aux lèvres.
- Assez pour qu’ils rêvent de me liquider. J’ai eu la main trop lourde. La prochaine fois, j’agirai avec plus de modération. »

Il avait effectivement triché. Quoi de plus facile que de fausser le parcours d’une bille, d’un dé ou la rotation d’une roue avec un soupçon de télékinésie ? Le trio, joyeux, se mit en devoir de dépenser les gains, une partie tout du moins. Les jours suivants, Etiam fréquenta d’autres casinos et perdit volontairement des crédits afin de brouiller les pistes. Il ne tenait vraiment pas à se retrouver avec une légion de chasseurs de primes sur le dos.

* * *

« À ma gauche, notre poids lourd préféré, briseur d’os et fracasseur de mâchoire, j’ai nommé... Wica Grika ! »

Un spot s’alluma, dévoilant le colosse, torse nu, qui exhiba l’affreux tatouage sur ses pectoraux tout en rugissant presque à la façon d’une bête. Deux mètres vingt et cent cinquante kilos de violence à l’état pur. Sur les gradins, la foule exulta.

« Et à ma droite ! À ma droite... sa victime du jour, un poids plume rapide et sournois, qui a des griffes et compte bien s’en servir, j’ai nommé... La Lame d’Or ! »

Un autre spot s’alluma, révélant Etiam, lui-aussi torse nu et avec des anneaux aux oreilles lui donnant un style tribal. Il se contenta d’un petit salut. Un mètre dix-huit et vingt-deux kilos, un microbe, surtout à côté de Wica Grika. La foule éclata de rire.

« Messieurs dames, les paries sont ouverts ! Est-ce que notre champion en titre va rester invaincu ? Et si oui, combien de temps va-t-il mettre à massacrer son adversaire ? Moins d’une minute ? Moins de cinq ? Moins d’un round ? »

Gorian, je te déteste, songea le Drall en s’avançant sur le ring. Il avait disputé une course de vaisseaux contre l’humain et avait perdu. Le voilà contraint d’accomplir un gage. Une sorte de revanche de son ami qui, des années plus tôt, avait lui-même dû se ridiculiser en réalisant un karaoké sur une chanson débile. Mais ils étaient devenus des adultes et les gages avaient pris une ampleur différente. Gorian connaissait un organisateur de combats clandestins et lui avait présenté son comparse. Les prouesses acrobatiques d’Etiam avaient forcément intéressé l’organisateur qui n’avait pas hésité à le mettre dans la confidence. Ce qu’ignorait le public, c’était que tous les combats étaient truqués. L’issue était prévue à l’avance. Le Jedi Gris avait même fait une répétition avec Wica Grika. Durant tout le premier round, il allait tenir tête au colosse, éviter de justesse ses coups de poing et même parvenir à passer entre ses jambes, ce genre de choses spectaculaires. Il accomplirait ainsi un véritable exploit aux yeux de la foule. Au milieu du deuxième round, Wica Grika allait l’attraper, le tabasser puis l’éjecter loin, très loin du ring, où il irait se fracasser contre un pilier de la salle, ce qui était tout aussi spectaculaire. Sauf que la brute n’allait pas vraiment le frapper et que le dit pilier était dans l’ombre, lui laissant l’opportunité de se réceptionner puis de jouer le type KO. Bref, ce n’était qu’un spectacle et lui, non pas un combattant, mais un comédien. Une expérience plutôt amusante en vérité. Ce qui le dérangeait, c’était le sourire triomphant de son ami, installé au premier rang. Mais il aurait sa revanche ! Cette confrontation amicale n’était pas prête de s’arrêter.

* * *

Etiam se concentra. Entre ses doigts, quelques arcs électriques naquirent, prémices d’un authentique éclair de Force. Les étincelles coururent un instant sur ses phalanges, s’accrochant quelque peu à ses petites griffes acérées, avant de s’estomper. Un bon début qui le rendait très fier de lui.

* * *

La musique électronique pulsait. Son tempo, réglé sur les battements cardiaques, pénétraient jusqu’aux tripes. Le sol vibrait. Sur la piste de danse, les silhouettes se déhanchaient. Juste à côté, un dealeur essayait de vendre ses bâtons de la mort. Les lumières stroboscopiques hachaient les mouvements. Atmosphère fiévreuse au royaume de la débauche. Dans un coin, des adolescents drogués riaient aux éclats. En face, des stripteaseuses s’offraient en spectacle. Etiam se leva, s’arrachant à l’étreinte d’une demoiselle passablement éméchée le prenant pour une peluche. Il se fraya un chemin à travers la foule, sans perdre de vue celui qu’il était venu chercher. L’individu sortit dehors. Le Drall accéléra. L’air, sensiblement plus frais, plus respirable, dissipa son début de nausée. Le voilà dans une ruelle sordide, les yeux vissés sur le dos de l’individu. Plus ils marchaient, plus le son de la discothèque s’estompait.

« Guèlwic ? » dit Etiam.

L’individu se retourna à demi, le fixa, puis se mit à courir. Le Drall ne marcha pas plus vite. Il tendit en revanche la main et força le fuyard à s’arrêter, puis à lui faire face. Le pauvre hère avait des traits reptiliens déformés par la terreur.

« Je rembourserai ! Pitié, je vais le faire ! Dites-lui qu’il aura tout dans deux mois. Non, dans un, un mois ! Pitié !
- C’est trop tard, Guèlwic. Et puis franchement, je n’ai pas envie de discuter. J’ai une soirée à finir dans la joie et la bonne humeur ! »

Etiam sortit son sabre laser. L’autre urina dans son pantalon. L’instant d’après, sa tête roulait sur le bitume.

* * *

Wica Grika chancela, la foule retint son souffle. Perché en équilibre sur les cordes du ring, la Lame d’Or lui envoya une pichenette sur le nez. Le colosse bascula en arrière et s’effondra avec un gémissement de chien battu. Le Drall bondit sur la musculeuse poitrine du géant terrassé et croisa les bras, sourire en coin, l’air triomphal. Le public provoqua un terrifiant vacarme. Certains houspillaient Wica Grika, certains ovationnaient la Lame d’or, certains quittaient les tribunes dégoutés. Que les gens étaient naïfs. N’avaient-ils donc jamais vu un véritable combat pour croire à l’authenticité de celui qui venait de se dérouler ? À leur décharge, il fallait avouer que les deux comédiens étaient d’un rare talent et c’était pourquoi ils se défiaient plus ou moins régulièrement. D’après la propagande de l’organisateur, ils étaient sensés se haïr. En vérité, à l’abri des regards indiscrets, ils buvaient de la gnole et bavardait philosophie. Wica Grika, de son vrai nom Mink Kross, était très loin de n’être qu’une brute épaisse.

* * *

« Félicitation. Une fois de plus, votre efficacité est sans faille, Monsieur Benhult. Quoi que vous préférez peut-être que je vous appelle la Lame d’Or ?
- La Lame d’Or, c’est bien. Ça titille mon égo dans le sens du poil.
- Je comprends. Voici la somme convenue. »

Etiam accomplissait toujours quelques contrats pour le compte de Gurtang-Gol. Cela lui offrait des revenus substantiels et lui permettait de revoir Sildi. Il quitta le bureau du Tiss'shar et ne fut pas long à rejoindre le lit de la Tynnienne.

* * *

Etiam parvint à provoquer une décharge électrique digne de ce nom. C’était à présent certain, il avait acquis les bases du côté obscur. Progresser en autodidacte devrait être à sa portée. Et pour autant, il n’avait en rien abandonné la pratique du côté lumineux, atteignant selon lui une sorte d’équilibre. L’équilibre, c’était justement son objectif. Après toutes ces années de réflexion et d’expérimentation, il pouvait se targuer de suivre sa propre doctrine vis-à-vis de la Force. Elle ne régissait pas l’existence, contrairement au code Jedi et à la philosophie Sith. Elle apprenait à être libre. Et celui qui était libre agissait comme bon lui semblait. Le Drall tourna son regard vers l’holocron. Il avait retranscrit son enseignement. L’objet ne lui était plus utile mais demeurait dangereux pour les faibles d’esprit. Voilà pourquoi d’un coup de sabre, il le détruisit. Les éclats du cristal se répandirent au sol comme une rivière de diamants.

« Heu, Etiam, qu’est-ce que tu fabriques ? J’entends de drôle de bruits depuis le garage. »

La tête intriguée de Gorian venait de se glisser par la porte entrouverte. Le Drall se sentit un peu bête car il avait agit d’une façon très théâtrale, conscient que son geste n’était pas anodin. Cela-dit, sorti du contexte, il avait surtout l’air d’un idiot. Il eut un petit rire.

« Rien rien, ne t’en fais pas. Petite coutume Jedi. »

* * *

Le regard d’Etiam fut attiré par la vitrine d’un magasin. Elle exposait des statues réalisée avec finesse et goût. Une d’entre elles, tout particulièrement, plaisait au Jedi Gris. Il s’agissait d’un Cavalier du Vent, c’est-à-dire un Drall chevauchant un oiseau Ibbot servant soit de coursier, soit de policier. La culture Drall ne s’exportait pas vraiment hors du secteur Corellien, d’où la bonne surprise d’Etiam. Il entra dans le magasin. La vendeuse, une jeune humaine, le salua poliment.

« C’est vous qui réalisez les statues ?
- Tout à fait.
- Leurs inspirations proviennent de tous les horizons, c’est assez stupéfiant. Vous voyagez ?
- Non, pas beaucoup. C’est mon frère qui voyage. Et il m’apporte des photographies. Je travaille à partir de celles-ci.
- Vous avez du talent. Combien pour le Cavalier du Vent ?
- 550 crédits. Mais vous êtes vous-même Drall, alors je vous la fait à 500.
- Je la prends. »

* * *

Gorian, perplexe, considérait la grosse statue qui encombrait l’entrée de chez lui.

« Heu, Etiam, t’es bien gentil, mais on est sensé ranger ce machin où ? »

* * *

Etiam circulait dans les différentes pièces du vaste appartement. Son appartement. À trente-cinq ans, il possédait pour la première fois un lieu qui lui appartenait, à lui seul. Il avait encore du mal à réaliser. Il avait vécu chez ses parents, au temple Jedi, chez son ami Gorian. Il avait également passé beaucoup de temps à vivre comme un nomade, que ce soit en suivant Rile Ayach ou avec Guz Im Criva. Il n’avait jamais eu son propre chez-lui. Il s’approcha de la grande fenêtre et en écarta les rideaux. Coruscant se dévoila à lui dans toute sa démesure, toute son effervescence. L’appartement était bien situé et pour tout dire, il avait couté une petite fortune. On voyait un peu le ciel, là-haut, par-delà les buildings colossaux. Le Drall avait enfin investi, concrétisant d’une certaine manière son petit succès dans l’existence. Il ne manquait pas d’argent. S’il voulait faire quelque chose, il le faisait. S’il voulait quelque chose, il l’achetait ou le volait. Et justement, il devenait un peu possessif. Or, comment posséder de nombreuses affaires sans un endroit où les stoker ?

« Est-ce que tout est à votre convenance, Etiam Benhult ? »

Il se retourna. Le droïde ménager se tenait là, prêt à servir son nouveau propriétaire de son mieux. Cela aussi, c’était étrange. Le Drall n’avait jamais eu personne à son service, pas même un robot.

« Etiam tout court, ça suffira.
- Bien Etiam. Est-ce que tout est à votre convenance ?
- Oui. Merci.
- J’ai achevé le rangement de votre chambre. Où dois-je placer le tableau et la statue ?
- Hum... voyons... »

Il parcourût des yeux le salon. Celui-ci faisait encore très vide avec ses murs blancs uniformes. Nul doute que bientôt, ce serait plus rempli. Le temps passait vite. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, la vie d’Etiam était rentrée dans une certaine routine. Des contrats occasionnels pour Gurtang-Gol, des périodes de réflexions et d’entraînement, des périodes de loisirs souvent en compagnie de Gorian, des visites chez ses parents... à ceci s’était ajoutée depuis peu la mise par écrit de sa doctrine personnelle au sujet de la Force qu’il avait nommée la Voie du Clair-obscur. Les journées se remplissaient facilement et du coup, défilaient.

« Le tableau, là. J’en trouverai d’autres pour mettre à côté. Ce sera joli. Et la statue, ici, dans l’angle. Elle ira très bien. »

* * *

Etiam, curieux, lança la lecture du message holographique qu’il venait de recevoir. La silhouette éthérée de Sildi se matérialisa, non sans quelques parasites. Ce n’était pas la première fois qu’elle le contactait. C’était elle qui informait le Jedi Gris lorsque son patron sollicitait ses services. Néanmoins, c’était bien la première fois que le visage de la Tynnienne exprimait de l’angoisse. Son stress lui faisait aussi tordre les doigts.

« Etiam. Faut que vous veniez. Quelque chose de grave est arrivée. Je... je ne peux pas vous en dire plus. Le message pourrait être intercepté. Je vous attends là où on a vraiment fait connaissance. S’il vous plait, faites vite. »

* * *

Etiam n’en crut pas ses yeux. Devant lui s’étendait les ruines de l’hôtel particulier de Gurtang-Gol. Le bâtiment délabré semblait avoir été la proie des flammes. Le Tiss'shar était riche, influant et soucieux de sa sécurité. Mais il devait avoir des ennemis à la hauteur de ses ambitions. Pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il trempait dans nombre d’affaires louches. Avait-il survécu à l’incendie ? Voilà qui en tout cas expliquait le message de Sildi. Le Jedi Gris ne s’approcha pas des ruines. Le périmètre était bouclé par les autorités locales. Il se mit plutôt en quête du restaurant où il avait mangé avec la Tynnienne. Il était alors encore padawan et ils avaient beaucoup discutés, s’étaient beaucoup appréciés. Au terme d’une courte errance, il trouva l’établissement et y entra. Aucun signe de Sildi. Pas étonnant. Il avait mis des jours à venir. Même en vitesse lumière, on ne traversait pas la galaxie d’un claquement de doigt. Il aborda le serveur.

« Je cherche ma copine, Sildi. Elle m’a donné rendez-vous ici.
- Ha, oui, bien sûr. Elle a laissé un message pour vous. Un instant je vous prie. »

Le serveur disparût en cuisine. Il mit cinq bonnes minutes à revenir et tendit au Drall un morceau de papier. Sur celui-ci était inscrite à la hâte une adresse. Etiam remercia puis s’en alla.

* * *

Aucun doute possible, Etiam était au bon endroit. Et cet endroit ne lui plaisait pas. Il s’agissait d’un édifice vétuste, un bloc d’habitations quasiment désert dans un cartier ouvrier. Il hésita mais mis de côté son appréhension. Dans le hall, un clochard puant la crasse et l’alcool l’apostropha :

« Hé, l’bestiole ! T’es attendu en bas.
- Qui m’attend en bas ?
- Bah, ton pote ? Grand, tout pâle. En tout cas, m’a dit qu’il était ton pote.
- Il est seul ?
- Y’a une autre bestiole avec lui. »

Cela suffit au Drall qui prit la direction de la cave, sur ses gardes. L’endroit, froid et humide comme une tombe, n’était éclairé que par quelques néons moribonds. Sildi était là, ligotée et bâillonnée contre un pilier. Elle portait sa jolie robe jaune frangée de dentelles, comme au jour de leur première rencontre. Ses yeux étaient écarquillés par la terreur. Il ne semblait y avoir personne d’autre, mais le Jedi Gris n’y croyait pas. Il s’avança tout de même vers la Tynnienne. D’un coup de sabre, il la libéra. Elle retira aussitôt son bâillon et s’exclama :

« Etiam, c’est un piège !
- Je sais. File. »

Elle fila, mais pas avant de lui avoir lancé un dernier regard. Le grand pâle était sorti de sa cachette. Il s’agissait d’un humain massif et albinos, vêtu tout de noir. Il ne tenta rien pour empêcher la Tynnienne de fuir. Il s’avança juste d’un pas lent vers le Drall et prit la parole de sa voix glaciale :

« Alors voilà cette fameuse Lame d’Or. Avec un tel surnom, je m’attendais à un peu mieux qu’un animal bavard et transi d’amour dégoulinant.
- Lorsqu’on est civilisé, on se présente.
- Darth Carnevock. Où est l’holocron ?
- Probablement éparpillées dans une décharge en cet instant. Je l’ai détruis.
- Imbécile... Tu n’as certainement pas compris ce que tu avais entre les mains. Même Gurtang-Gol ne s’en est pas douté.
- Rien d’extraordinaire. Juste de quoi apprendre ce que je voulais.
- C’est bien ce que je disais, tu n’as rien compris. L’holocron comportait des informations secrètes que seul un Seigneur Sith aurait pu découvrir. Tu n’as eu accès qu’à une infime bribe de son enseignement.
- Ho, que c’est dommage ! Tout ce savoir envolé, ça doit te dégouter ! »

Etiam éclata d’un rire railleur. Darth Carnevock, en guise de réponse, dégaina son sabre laser. Ce fut en voyant la lame rouge que le Jedi Gris réalisa qu’il allait affronter son premier Sith. Enfin un adversaire à sa hauteur, songea-t-il. Il aimait les défis. Et ce type avait terrorisé Sildi, il devait payer !

« Je retrouverai ta copine et je lui ferai manger tes restes, mais avant... »

L’albinos se jeta sur le Drall et l’accula contre le mur décrépit.

« Je vais te faire couiner, l’animal !
- Non, tu vas essayer, seulement essayer ! »

Épilogue


Darth Carnevock regardait les tressaillements d’agonie d’Etiam. Il faisait en sorte de prolonger le supplice autant que possible. Un juste châtiment pour la perte de l’holocron. Il hésita un instant à couper le Drall en morceaux tant qu’il subsistait une étincelle de vie en lui, mais jugea que le servir entier à la Tynnienne serait plus distrayant.

« Je dérange sans doute. »

Le Sith, surpris, laissa choir le Jedi Gris et se retourna. Une vieille femme se tenait, bien droite, à l’entrée de la cave. Grande et maigre, elle portait un ample manteau beige, son visage fatigué exprimait la sévérité et ses cheveux blancs étaient noués en un chignon serré. Derrière elle, en retrait, Sildi observait.

« Tiens donc... Une vioc ! Pressée de crever ? »

D’un geste, l’albinos jeta le sabre éteint d’Etiam puis de sa main libérée envoya un éclair de Force. La femme le bloqua en interposant son poing. La foudre, déviée, fit exploser l’un des néons. La femme, impassible, retira son manteau et dégaina son sabre laser. Il avait une lame bleue.

« Ha... Il semble que je vais avoir droit à un véritable duel. Peut-être que je n’aurais pas perdu ma journée après-tout », déclara Darth Carnevock.

L’instant d’après, il chargeait la Jedi. Les sabres se heurtèrent, un nouveau balaie mortel débuta. Sildi, au comble de l’appréhension, suivait des yeux les enchaînements experts, les feintes, les mouvements souples. La vieille femme lui avait semblé fragile, quelques secondes plus tôt. Maintenant, elle en imposait autant que le Sith. Ils avaient tous les deux un style puissant, direct. La Tynnienne aperçut, au fond, le corps étendu d’Etiam et eut envie de courir à lui. Elle n’en fit rien, consciente qu’en s’exposant, elle mettrait en difficulté la Jedi. Pour autant, elle refusait de fuir.

« Tellement de colère en toi, cracha l’albinos. Tellement de regret aussi ! Tu serais apprécier le côté obscur ! »

La vieille femme ne répondit rien. Et les coups continuaient de pleuvoir. À un moment, les deux belligérants se séparèrent, sans cesser de se tourner autour, guettant la faille chez l’autre. Darth Carnevock tenta de recourir à la Force pour déstabiliser la Jedi. Il négligea sa défense et ce fut terminé. La lame bleue atteignit sa jambe avant qu’il ne puisse mener à bien sa manœuvre. Ne poussant qu’un grognement, il glissa de côté, emporté par son début d’esquive. Il arriva quand même à parer la frappe suivante, preuve de sa ténacité. Il envoya alors sa jambe valide balayer le point d’appui de la Jedi, espérant encore vaincre en catastrophe. Il rendit l’âme malgré tout, terrassé pour de bon d’un coup au cœur. La vieille femme, sitôt certaine de la mort du Sith, rengaina son arme, se détourna et d’un pas pressé, vint au chevet d’Etiam. Les traits marqués par la douleur, il avait déjà sombré dans l’inconscience. Elle posa ses mains sur son cou empoissé de sang et tenta de le guérir.

« Il va s’en sortir ? » hoqueta Sildi, qui avait accouru.

Le Drall s’était détendu. Il commença même à cligner des yeux, revenant laborieusement à lui.

« Oui. Il va s’en sortir. »

La Jedi se leva, fouilla Darth Carnevock, remit son manteau puis se dirigea vers la sortie.

« Maître Ayach... » l’interpela son ancien padawan, d’une voix ténue.

Elle se retourna. Le Drall s’était un peu redressé. La Tynnienne le soutenait.

« C’est ma faute, Etiam. J’ai été un mauvais professeur. »

Rile était accablée. Elle paraissait de nouveau fragile, charriant sur ses épaules le poids de trop nombreux échecs. Elle reprit sa marche. Il y aurait peut-être eu plus à dire, mais elle ne s’était pas préparée à ces retrouvailles. Elle n’avait pas le courage de découvrir qui était devenu son élève. Sa mission consistait juste à éliminer Darth Carnevock et c’était maintenant chose faite.

« Maître Ayach... »

Pour la seconde fois, elle se retourna. Le Jedi Gris arriva à poursuivre :

« ...j’ai détruit la relique... la relique de Zileass... »

Rile esquissa un sourire, puis quitta la cave. Sildi enlaça Etiam.

« J’ai eu si peur... J’ai cru qu’il t’avait tué.
- C’était pas loin... Qu’est-ce que tu vas faire, maintenant ?
- Je sais pas. Mon patron est mort. L’endroit où je vivais est en ruines.
- J’ai un grand appartement sur Coruscant... un peu trop grand pour moi tout seul...
- Pourquoi pas. »

Les deux amants s’observèrent un instant puis s’embrassèrent.
Etiam Benhult
Etiam Benhult
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Et voilà ! J’ai enfin terminé cette fiche ! Very Happy

À la base, ce n’était pas du tout sensé être aussi long, mais voilà, l’inspiration était là.
Luke Kayan
Luke Kayan
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Bonjour et bienvenue !

Je me suis régalée avec les petites anecdotes de cet enfant trop curieux qui demande n'importe quoi aux gens -ça me rappelle quelqu'un que je connais -trop- bien dans mon passé Rolling Eyes

Par contre un petit détail: souhaite-tu vraiment avoir 1 en force ? Je sais que ton personnage est un drall mais c'est VRAIMENT très faible, presque maladif. Il faudra en tenir compte à CHAQUE fois dans tes rps, même si tu n'utilises pas les dés car c'est une caractéristique très parlante du perso.

Voilà je souhaite juste m'assurer du fait que tu sois bien conscient de ce fait, et que c'était voulu.

Merci study

PS: tout comme 5 en sagesse et 6 en agilité ne représentent pas vraiment un "personnage faible en combat" :/
Etiam Benhult
Etiam Benhult
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Salut Luc !

J’avoue qu’au niveau des caractéristiques, je suis pas mal indécis. Il me semble en fait très difficile d’illustrer fidèlement le potentiel d’un personnage avec des chiffres forcément très réducteurs.

Par exemple, au niveau de l’agilité, d’un côté Etiam n’est pas un pur guerrier, mais de l’autre, c’est un assassin. Il a globalement des années d’expérience dans le maniement du sabre laser. Sa faiblesse se trouve d’avantage au niveau de l’endurance. À la base, je voulais mettre un, mais un, ça ferait de lui un handicapé. L’agilité, c’est aussi quelque chose de plus global. Il pratique la danse, il est super gracieux. Bref, voilà pourquoi j’avais mis six. Au niveau de la sagesse, c’est un penseur, il a une énorme réflexion. Je n’ai même pas songé au combat en mettant 5. Pour moi, c’était logique, il avait forcément le max en sagesse et en intelligence.

Enfin bref. C’est vrai que un en force, ce n’est peut-être pas assez. J’ai mis deux. Et cinq en agilité, ce qui est déjà énorme. Le cinq en sagesse, je laisse. Il s’impose par trop d’éléments. Etiam reste quelqu’un qui expérimente énormément les techniques de Force. Du coup, sa faiblesse au combat est concrétisé par sa classe, Maître Jedi Gris, qui a moins de pouvoirs que ses équivalents Jedi et Sith, ainsi que par le point de moins en agilité.

Il me semble qu’ainsi, c’est correct.

Sinon content que ces anecdotes te plaisent ! Very Happy

EDITE : j'ai réécrit une bonne parties des points faibles. Ils sont plus juste ainsi.
Invité
Anonymous
Bonjour Etiam,

Pardonne-moi du retard, je venais sur le forum mais seulement via le téléphone Sad Du coup, impossible de te valider.

Du coup, bienvenue à toi ! N'oublie juste pas de mettre le lien de ta fiche de biographie en avatar et bon jeu !!

PS: C'est Luke, pardon
Etiam Benhult
Etiam Benhult
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Eclats Kyber : 0
Pas grave pour le retard. Et merci pour la validation. Very Happy
J’attends juste que le sujet soit déplacé dans le bon forum pour le mettre en lien dans ma signature.

Voilà, voilà !
Invité
Anonymous
Tu peux mettre le lien de la signature à tout moment si le sujet est déplacé le lien le prend en compte Wink

Mais je te mets de ce pas dans le bon forum :)
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