Je devais l’admettre, je fus plutôt impressionnée par le calme et le sang-froid dont avait fait preuve Ysanne pour neutraliser le deuxième garde. Ses actions furent épurées et efficaces, et je ne pouvais que la féliciter pour son attitude qui tranchait nettement avec ce qu’elle m’avait montré face à ces Jedi ou encore plus récemment devant l’étale d’un marchand. Pourtant, à part un « bien joué », je n’avais rien dis de la sorte. Nous n’avions pas le temps pour les félicitations car les forces de sécurité ne tarderaient pas à comprendre que quelque chose ne tourne pas rond. C‘est d’ailleurs pourquoi nous avions rapidement quitté la ruelle pour nous enfoncer dans une artère plus large et bondée qui menait vers les quartiers les moins accueillants de la capitale pour des policiers ou encore la garde. J’avais aussitôt rabattu ma large capuche par-dessus ma chevelure avant d’ordonner à ma jeune comparse de faire de même. Nos poursuivants avaient sans doute des portraits holographiques de nos personnes, c’est pourquoi masquer nos visages devaient nous permettre de résoudre ce problème le temps que nous passions dans des zones moins surveillées.
La fameuse Scylla avait donné rendez-vous à Ysanne non loin d’ici, et j’espérais qu’elle tiendrait sa parole. D’après ma comparse, c’était une valeur sûre et j’acceptais de lui faire confiance. A elle de me prouver que je n’avais pas eu tord de le faire. A la regarder une fois de plus, je me demandais ce qu’elle allait bien pouvoir devenir si Noval se révélait bel et bien mort. Voudrait-elle retourner sur Korriban, se risquer à cette folie après ce qu’elle avait avoué aux autres apprentis, moi comprise ? Si tel était son désir, alors je me verrais dans l’incapacité de pouvoir l’aider comme j’avais déjà pu le faire. Je n’étais plus la bienvenue dans les mondes Sith, et j’allais donc devoir me cantonner à suivre Riakath jusqu’à ce que celle-ci ne se décide à y retourner. Et si elle préférait s’éloigner un temps, je n’étais pas certaine que m’accompagner soit la meilleure solution pour elle. Riakath n’était pas Araya. Elle n’était pas aussi… attentionnée.
« Tu sais, je suis vraiment satisfaite par la manière dont tu as neutralisé ce garde. C’est comme... si tu avais délaissé ta crainte et ton incertitude pour une attitude plus déterminée. Ne la quitte plus jamais. Ne te sers pas de ta peur ou ta colère, elles sont instables. Utilises plutôt ta haine, qui elle, est persistante. » lâchais-je amicalement à son égard. Il n’y avait pas de reproche dans ma voix, juste la volonté de lui fournir un conseil qui pourrait lui être précieux à l’avenir.
Je n’avais pas été parfaite non plus face à ces Jedi. Ils m’avaient prit par surprise et je n’avais pas été capable d’improviser correctement. En réalité, toute cette histoire reposait sur un coup du sort, et nous en avions été les victimes. Bientôt cependant, si tout se déroulait comme prévu, nous serions bientôt à l’abri et nous pourrions souffler. Nous ne tardâmes d’ailleurs pas à arriver dans la zone que nous avait décrite Scylla, et je faisais signe à Ysanne de s’écarter un peu de côté pour pouvoir observer plus en détail l’artère plus large qui s’offrait à nous. Des speeders allaient et venaient, tout comme certaines patrouilles de police qui finissaient par s’éloigner, bredouilles.
« On va se poser là, pour attendre. Elle ne devrait plus tarder, je suppose. » expliquais-je presque pour moi-même, bien que ma comparse Arkanienne soit également concernée par mes propos. Je me risquais également à poser la question que je me posais tout à l’heure, alors que nous nous éloignions de notre scène de crime : « Dis-moi… s’il s’avère que Noval est… enfin s’il n’est plus là, tu comptes retourner à l’Académie malgré les risques et les menaces ? »
Au moins, j’espérais être fixée. Ysanne pourrait refuser d’en parler, ce que je comprenais aisément. Mais il arriverait un moment où elle devrait y penser. Si j’étais elle, je préférerais limiter les risques et rester auprès de Scylla le temps que la situation se tasse pour moi bien que je serais prête à courir un tel risque. Hélas, je n’étais pas Ysanne et je ne savais pas ce qui se tramait dans sa tête. Je ne pouvais que la regarder, masquant correctement mon sabre-laser alors qu’elle me désignait du doigt un speeder qui se stoppait non loin. Ce devait être la fameuse Scylla. A présent, c’était à Ysanne de jouer.
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Ysanne continuait à me surprendre, mais je pouvais tout de même comprendre sa façon d’agir et de réagir. Visiblement, Noval avait tout fait pour la protéger au mieux des dangers de l’Académie et de l’idéologie des Sith. Cela, couplé à ses origines de Padawan, expliquait parfaitement la réaction qu’avait eu la métisse Arkanienne en retour de ma remarque. Pourtant, ces pensées allaient devoir changer si elle voulait survivre et quitter Korriban lorsque le temps sera venu. A sa différence, j’avais peu d’espoir que Noval ressurgisse à nouveau du fin fond de la galaxie. J’avais déjà accepté le fait qu’il ne soit plus, et Ysanne devait être prête à faire de même, et donc à évoluer dans le même sens que les autres apprentis. J’étais convaincue qu’elle était capable de sortir de la masse et de se montrer à la hauteur des plus grandes espérances. Le fait qu’elle n’ait pas connu que l’obscurité lui offrait un avantage certain. Le recul dont elle disposait dans la plupart des situations devait surement l’aider à trouver des solutions plus adaptées à celle-ci. Je le savais, car c’était d’une certaine manière également mon cas.
Je pensais néanmoins qu’elle n’avait tout simplement pas saisi que mes propos n’étaient pas qu’una vis quand à sa réaction, mais surtout un conseil qui lui serait utile à l’avenir, si elle choisissait de se rendre sur Korriban. Là-bas, beaucoup d’apprentis se baisaient sur la puissance transmise par la colère ou encore la peur. Mais il s’agissait là d’émotions temporaires, et qui n’étaient pas réellement contrôlables. La haine, au contraire, l’était. Ainsi, elle pouvait être créée et appelée à sa guise, ce qui en décuplait largement son rayonnement dans la Force.
« Et si tu ne le retrouves pas ? Il faut que tu acceptes l’idée que tu n’ai pas d’autres choix que de retourner sur Korriban ou Dromund Kaas. Si tu veux y survivre, il te faudra évoluer. Je ne t’ai offert qu’un simple conseil pour t’en sortir. A toi de voir ce que tu comptes en faire.. »
Il ne fallut pas longtemps pour qu’Ysanne ne vienne me désigner un speeder du doigt, et je la regarde descendre de sa caisse pour se diriger vers ce dernier. Je la rattrape en quelques foulées, alors qu’elle s’arrête au bord de la ruelle. Mon regard s’était porté sur l‘Arkanienne qui pilotait l’appareil et je me forçais à imprégner son visage dans mon esprit. Ainsi, c’était cette femme dont me parlait la métisse depuis quelques temps. Je ne savais pas si je pouvais réellement avoir confiance en elle, mais visiblement Ysanne et Noval n’avaient pas de problèmes à la faire. Et pour l’instant, ça ferait l’affaire.
Néanmoins, avant d’arriver au speeder, je me permettais de donner mon avis à ma comparse. Il était évident que nous n’allions pas aborder ce genre de sujets en la compagnie de Scylla :
« Alors je ne pourrais pas beaucoup t’aider. Je ferais ce que je pourrais, et je veux que tu n’hésites pas à me contacter si nécessaire. Mais il va te falloir accepter les idées de nos cultes si tu veux survivre. Que tu le veuilles ou non. »
Montant à la suite d’Ysanne, je saluais simplement Scylla avant de m’installer à côté de la Métisse. Aussitôt, notre « sauveuse » venait nous asséner une explication sur la situation en ville, et le fait que nous étions dans une situation délicate. Chose dont j’avais parfaitement conscience.
« Je suis certaine qu’Ysanne se fera un plaisir de vous conter toute cette histoire une fois que nous serons toutes les trois loin d’ici. Nous sommes venus pour prendre des nouvelles de Noval, mais la situation s’est… complexifiée. »
Je fus néanmoins surprise par la demande de cette dernière, mais j’acceptais d’exécuter son conseil. Laissant Ysanne s’installer sous la banquette, je venais rapidement la rejoindre. Nos corps ne tardèrent pas à se serrer par ma manque de place, voir même à se frotter alors que le speeder repartait. La position n’était guère confortable en ce qui me concernait, mais je n’avais pas trop le choix. Je n’avais pas l’habitude de me cacher, mais j’avais parfaitement conscience qu’Arkania constituait une planète de repli que je ne pouvais me permettre de sacrifier par simple arrogance. Mon regard se porta sur Ysanne, dont le visage était tout proche du miens. Le speeder, pendant ce temps, filait à vive allure vers un lieu situé hors de portée de tous soupçons.
« Tout rentrera bientôt dans l’ordre, Ysanne. »
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J’aurais sans doute dû réfléchir avant de me décider à entrer là-dedans. Il n’y avait clairement pas assez de place, et ce n’était que par je ne sais quel miracle qu’Ysanne et moi étions parvenues à nous glisser toutes les deux sous cette banquette. Sans doute aurions-nous eu plus de place si nous avions prit le temps de retirer les épaisses couches de vêtements qui protégeaient notre corps du froid d’Arkania, mais hélas, le temps nous avait quelque peu manqué. Il était déjà fort bien heureux que le speeder de la sœur de Noval dispose d’un tel système, car je me voyais mal convaincre un membre des forces de l’ordre qui disposerait de notre portrait robot que nous n’étions pas les deux Arkaniennes qu’il recherchait. Non, même si nous n’étions pas très à l’aise sous cette banquette, c’était déjà mieux que rien.
Mon visage était proche de celui d’Ysanne, et je pouvais entendre sa respiration alors que nos corps se touchaient sans interruption. Les mouvements du speeder nous balançaient l’une contre l’autre, sans pour autant nous blesser. Mais cela avait l’inconvénient de réchauffer encore un peu plus l’espace confiné dans lequel nous nous trouvions. Si bien qu’après seulement quelques minutes, nous transpirions déjà à grosse gouttes. Si bien que lorsque le speeder finit par s’immobiliser, nous étions toutes les deux en nage.
Sortant la première de dessous la banquette, il me fallut plus trois fois plus de temps pour quitter ma position que pour y entrer. Une fois dehors, à genoux contre les dossiers, je finis par me redresser à mon tour tout en lâchant simplement pour moi-même :
« Ce n’est pas trop tôt, ça devenait invivable, là-dessous. »
M’extirpant du véhicule, j’avais la soudaine envie de faire tomber toutes ces couches de vêtements « spécial grand-froid » qui ne faisait que conserver cette chaleur transpirante. Mon regard déviait de droite à gauche pour découvrir l’endroit dans lequel notre petit périple prenait fin. Nous étions face à une grande et majestueuse maison, à proximité d’un escalier étroit mais déneigé. Autour de nous s’étendait une plaine et un grand bois. Nous étions vraiment loin de la capitale, visiblement. Mais mon regard revînt bien vite se porter sur Scylla et Ysanne alors que je m’adossais contre le speeder afin de pouvoir plus facilement tirer sur le haut de longues bottes qui avaient malencontreusement glissées pendant le voyage.
Je ne pouvais d’ailleurs qu’acquiescer aux propos d’Ysanne, quelque peu surprise qu’elle parvienne à énoncer presque l’entière vérité à notre « sauveuse » sans le moindre problème, avec une certaine assurance dans la voix. Oh, évidemment, elle semblait également stressée, et c’était bien normal. Devoir mentir n’était pas chose facile, surtout lorsque votre interlocutrice attend des réponses et génère une certaine pression sur vous. Ysanne était vraiment une adolescente des plus étonnantes.
Alors que la métisse parlait, je pouvais aisément voir le changement d’attitude dans la prestance de Scylla, alors que son visage laissait échapper son état de réflexion. Je pouvais facilement affirmer que l’Arkanienne analysait méticuleusement chaque détail que lui fournissait mon amie apprentie. Sans doute avait-elle vérifié les informations émanant des services de sécurité avant ou après nous avoir récupérées, aussi devaient-elle réaliser qu’Ysanne disait vrai –enfin, presque. Néanmoins, bien que je sentais qu’elle n’allait pas contredire Ysanne, je me sentais obligée de venir appuyer mon amie métisse pour la convaincre définitivement.
« Ce que vient de dire Ysanne est exact. Nous sommes revenues sur Arkania pour vous rencontrer, car nous étions à la recherche de Noval. C’est quelqu’un qui.. est important à mes yeux, et c’est pourquoi je n’ai pas hésité à proposer mon aide à Ysanne. Hélas, nous ignorions tout de la situation sur Arkania et nous avons été prises au dépourvu. Et une fois coincées dans la foule, nous n’avons pu nous extirper de ce mauvais pas. Mais visiblement, les Jedi ont une fois de plus mal interprétés notre manœuvre qui consistait simplement à nous éloigner des problèmes.
Et tu n’es pas une fugitive Ysanne, tout le monde le sait. N’est-ce pas ? »
Mon regard se porta aussitôt sur Scylla tandis que j’étirais gracieusement mes longs gants autour de mes huit doigts. Scylla, elle, semblait convaincue et n’avait pu retenir un léger sourire malicieux lorsque j’avais évoqué ma connaissance de Noval. Visiblement, elle avait facilement lu entre les lignes.
« Je vous crois, la situation est très confuse. Je comprends que vous ayez été happé par la foule enhardie, surtout si vous n’avez pas forcément l’habitude de vous rendre sur Arkania. Néanmoins, il est certain qu’ils vont venir me poser des questions après t’avoir identifié, Ysanne. Ne t’en fais pas, je ne dirais rien de compromettant à ton sujet. Noval avait beaucoup de considérations pour toi, et j’ignore toujours vraiment pourquoi. Quand à vous, Eerhia, je dirais ne jamais vous avoir vue, et encore moins connue, bien que j’aimerai en savoir plus sur vous. Et désormais, vous m’en devez une. Toutes les deux.»
C’était un soulagement, bien que j’aie aisément pu lire dans l’esprit de l’Arkanienne qu’elle n’avait jamais eu l’intention de vendre la mèche. J’acquiesçais donc, bien que je ne pensais pas avoir l’occasion de venir à son aide un jour.
« Concernant Noval, je n’ai pas eu de nouvelles non plus. Il est partit, sans dire où il allait, et depuis il n’a pas donné signe de vie. Je suis navrée.
Venez avec moi, je vais vous montrer votre chambre. Il n’y en a qu’une, vous devrez la partager le temps que les choses se tassent. Ensuite vous pourrez repartir.»
La réponse de Scylla me glace le sang, et mon regard se porte aussitôt sur Ysanne, tout comme une de mes mains vient se poser sur son épaule. J’imagine aisément sa déception, et encore plus sa détresse. Noval avait disparu. Peut-être réapparaîtra-t-il un jour, peut-être pas. Moi-même, je ne me sentais pas très bien, et il me fallut une grande inspiration pour retrouver l’équilibre alors que je me demandais ce que nous allions bien pouvoir faire à présent.
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