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Pensivement, Tess avait gribouillé un pentagone, avec un point circulaire en son centre. A l'intérieur, elle avait tracé approximativement les cinq traits qui représentaient les cinq cloisons principales de son appartement. Elle avait déjà décidé que sa pièce favorite serait ici : le bureau. Les fenêtres étaient parées de longues vitres solides et fumées pour éviter que la clarté de l'extérieur ne la déconcentrât. Ou n'abimât les yeux de sa maîtresse si celle-ci devait venir voir son travail.

De travail, pour l'instant, elle n'en avait guère. Anthana avait été très occupée dès le lendemain de leur arrivée, et Tess en avait profité pour explorer son appartement sous toutes les coutures. La salle de bain était particulièrement géniale, et elle avait barboté pendant plus d'une heure le matin même. Un luxe incroyable comparé à tout ce qu'elle avait connu. Les premières heures, elle s'était dit qu'elle ne s'ennuirait plus jamais...
Le salon et la chambre était un peu trop cossus pour elle, elle s'y sentait légèrement mal à l'aise. Et puis, en particulier, le salon possédait une ouverture sans vitre qui, si la vue qui s'offrait à elle coupait le souffle par sa magnificence, évoquait à Tess une chute vertigineuse : que se passerait-il si Anthana décidait un de ces quatre qu'elle en avait marre d'elle ? L'enverrait-elle battre des mains et des pieds pendant quelques minutes dans les airs de Kuat avant qu'elle ne s'écrasât sur le toit d'un véhicule, si loin en contrebas ? Est-ce que c'était ce qui était arrivé aux précédents apprentis d'Anthana ? Cette question l'obnubilait depuis quelques heures. Elle ne pouvait décemment pas être sa première apprentie... mais elle n'osait guère lui poser la question.

Tess lâcha son stylo sur le bureau, sauta au bas de son tabouret pour passer dans la salle de méditation. C'était là qu'elle était sensée s'entraîner, mais cette pièce la mettait mal à l'aise. Il y avait là aussi une grande vite teintée. Tess s'en approcha doucement, foula le tamis de ses pieds. Elle avait retiré ses bottes, et était restée en chaussettes. Ainsi, elle se déplaçait dans l'appartement sans un bruit, et cela lui plaisait.

Tess colla son front sur la vitre. Il lui semblait qu'à dix centimètres de ses orteils, le vide allait l'avaler. La tour se dessinait sous elle, plongeant vers les tréfons de la ville. Des aspérités rappelaient qu'il y avait de la vie dans cette tour, mais Tess n'avait que peu exploré les alentours : au-dessus, elle avait compris qu'il s'agissait des quartiers de Lana, et elle n'avait nulle envie de la déranger. L'étage en-dessous, quant à lui, donnait sur différentes plates-formes d'atterrissage. Deux d'entre eux abritaient toujours un vaisseau prêt à décoller, selon le bon vouloir de l'Impératrice. Tess, bien sûr, avait tôt fait de réaliser que si elle le souhaitait, elle pouvait s'enfuir en prenant l'un de ces appareils. Mais non seulement elle ne savait que très peu piloter ce genre d'engin, mais en plus elle n'avait nulle envie de fuir. Elle avait peur, chaque jour, de faire le faux pas qui la conduirait à la mort... tout en ayant une soif irrésistible de connaître toujours plus du monde d'Anthana. Une étrange adrénaline la gardait en éveil, et rendait sa nouvelle vie terriblement intéressante.

Au-delà de ses orteils, puis entre les deux passerelles qui conduisaient vers une plate-forme, Tess distingua le niveau inférieur. Elle ne s'y était jamais rendue, n'ayant quitté ses appartements que pour se rendre à l'étage des plates-formes. Or, quelque chose l'intrigait, plus bas. Elle le voyait d'ici. Il y avait une sorte de terrasse, balayée par le vent. Un marbre noir en constituait le sol, et il semblait à Tess qu'il n'y avait aucune barrière qui empêchait d'approcher du vide. Qui aurait souhaité construire une terrasse si haut dans le ciel, sans y mettre le minimum de protection ? Tess n'y avait jamais vu personne y marcher. Pourtant, il y avait quelque chose sur cette terrasse. Près du bord, beaucoup trop près du bord, il y avait... une longue... table. Pourquoi une table ici ? Non, il devait y avoir quelque chose qu'elle ne saisissait pas...

AAAAAALa nuit vint, peu de temps après le petit repas improvisé que Tess avait pris dans le salon, ses yeux méfiants dirigés vers l'arche béante. Ce soir, décida-t-elle, elle allait faire pire que manger si près du vide. Elle allait fouler la terrasse. La table l'attirait d'une manière irrésistible, elle ne se l'expliquait pas. Probablement était-ce l'attrait de la curiosité, il y avait quelque chose à tirer de cet endroit, elle le savait...

Dès que l'obscurité avait enveloppé la Tour, la jeune Lorrdienne emprunta l'ascenseur. Il lui fallut deux essais infructueux avant de parvenir à correctement faire descendre l'appareil d'un étage... Puis deux.
Les portes s'ouvrirent sur un hall désert, et Tess réprima un frisson. Combien d'étages étaient vides, dans cette Tour ? En tout cas, il fallait utiliser la Force pour arriver jusqu'ici... Tess en conclut qu'elle ne devait abriter beaucoup de Sith en dehors de Lana et d'elle-même. Tant mieux, la Lorrdienne n'avait absolument pas de temps à passer à surveiller de potentiels rivaux.

D'un pas lent pour rester silencieuse, Tess se dirigea vers sa gauche, s'orientant approximativement en-dessous de sa salle de méditation, d'où elle pouvait voir la terrasse. A peine quelques mètres plus loin, effectivement, le hall était doté d'une grande porte vitrée. La même teinte sombre, protégeant les yeux d'Anthana, aurait empêché toute lumière extérieure d'entrer. La nuit au-dehors, de toute façon, n'allait rien changer ce soir.

Il n'y avait pas de poignée. La Force, encore, pour que personne d'autre qu'elles n'accèdent à ce genre d'endroits... Etait-elle même autorisée à venir ici ?

Anthana n'est pas là, se dit-elle pour se rassurer. Je fais juste un petit tour, je regarde et je repars...

La porte vitrée ne résista pas à une brève poussée de Force. Aussitôt, un vent repoussa Tess à l'intérieur, mais elle s'efforça d'y résister et posa un pied dehors. L'air était froid, tourbillonant. Les bords de la terrasse étaient loin, et pourtant... Les jours de grand vent, il serait tellement facile d'être balayée ! Et cette table, elle était si près du bord...

Mais ce n'était pas une table. En s'approchant doucement, elle se rendit compte qu'il s'agissait plus d'un gros bloc en forme de rectangle. De la taille d'un cercueil. Cette pensée morbide la fait grimacer, mais elle repéra des inscriptions sur le marbre noir et elle hâta le pas.

Le vent soufflait plus fort à ses oreilles tandis qu'elle s'agenouillait, pour essayer de déchiffrer l'écriture, mais elle ne reconnaissait pas ces signes. Ce n'était pas du basic. Elle rapprocha son visage. Le marbre devait être glacial, et elle était maintenant si près du bord... Mais elle avait une brusque envie de s'allonger sur le marbre et d'y rester la nuit entière. Pourquoi ce désir complètement fou ? C'était insensé ! Si Anthana la trouvait là...

Elle résista à sa pulsion tant bien que mal, mais ne put en revanche s'empêcher de poser ses doigts sur les écritures et de parcourir le marbre glacé. Aussitôt, elle se sentit connectée à l'étrange objet. Il était si mystérieux, c'était tellement attrayant... Un symbole circulaire, doté de branches, trônait au centre des écritures et, poussée par une soudaine intuition, Tess y joignit ses mains comme pour le dissimuler au vent et le réchauffer.

Elle paniqua lorsqu'elle se rendit compte qu'elle n'avait plus la volonté de retirer ses mains. Quelque chose s'était emparée d'une partie de sa volonté, refusant tout mouvement de sa part.

Tess ouvrit la bouche pour crier, mais aucun son n'en sortit. Qui l'aurait entendue, de toute façon, perchée sur une terrasse à des kilomètres de la terre ferme, au milieu des bourrasques, toujours plus violentes, du vent glacial de Kuat ?
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Combien de temps était-il mort ? Des jours, des mois, des siècles ? Aucune importance. Il le savait et pire encore, il avait conscience du temps concernant sa mort. Celui des autres importait peu. Et au fil du temps, il perdait le fil. Il avait la sensation de voguer continuellement, de tourbillonner, sans but véritable. Ce qui tenait lieu de jour et de nuit pour lui, n’était que de la noirceur. Une noirceur ponctuée de rouge d’où s’échappait des rires, des cris de terreur et de haine. Ainsi que des pleurs et des râles de victoires. Par moment un visage sortait de la brume. Ce visage avait des formes diverses. Parfois celui que la personne en question avait lors de son décès, parfois celui qui réagissait le mieux face à lui. Et très souvent cela avait rapport à son décès. Une parade de visages sans fin et toujours les mêmes, jour après jour.

Il était là, celui qui fut Darth Ritter, Prince de Kuat, Seigneur Noir des Sith autoproclamé que bien peu aurait osé le contredire sur ce point de face. Lui qui avait fait plier à un court instant le Sénat et les Jedi à sa volonté, tout s’était écroulé un peu plus tard. Sa masse faite d’énergie virevoltait dans l’espace noir leur servant de… De quoi ? De paradis ? D’enfer ? Il était là, avec les autres. Ces autres… Tous d’anciens Sith. Tous voyaient la même chose, des visages. Les visages de ceux qu’ils avaient tués, fait tuer, torturé par pur plaisir sadique ou par une quelconque nécessité. A présent c’était leur tour, et le sien, de subir de pareil tourment dans l’éternité de leur mort.

Celle qui fut son apprentie… Dont il a à présent oublié le nom, son visage… Mais pas son titre, Darth Malitia. Elle l’avait sauvé, sans se douter le moins du monde, d’un sort pire encore. De ne faire qu’un avec le Côté Obscur de la Force. De n’être rien de plus qu’une parcelle de cette sombre énergie qui irait nourrir les charognards, dont elle fait partie ! Ces charognards qui convoitent les pouvoirs de leurs aînés et à présent le sien ! Hors de question ! A présent il serait là, avec les autres, les illustres Sith mort depuis des éons, dont leurs histoires et légendes fleurissent sur Korriban, Ziost et ailleurs. Pourtant, dans la mort, ils ne sont pas sourds et aveugles dans leur existence immatérielle. Là où gisent leurs restes, un lieu corrompu par leur pouvoir, ils y gardent un œil. Là d’où ils sont, ils peuvent rester conscient de ce qui se passe autour de leur sépulture. Et ils n’interviennent que lorsqu’ils se font quérir par un quelconque impudent avide de sa ténébreuse sagesse et de ses sombres savoirs…

Celui que fut Darth Ritter a été attiré. Une petite flamme sombre se rapprochait de sa sépulture. Ce n’était pas le cœur enflammé de… De qui déjà ? Celle… Celle qu’il a prise sous son aile… Une chose à la peau pâle… Ah oui, Malitia… Non ce n’est pas elle ! Qui alors ? Qui aurait-elle permise de venir ici ? Serait-elle renversée ? Cette sombre pensée amusait l’esprit tourmenté du Sith. Bien qu’il l’aurait déjà su si elle était morte. L’âme d’un mort récent, d’un mort lié à lui aurait attiré son regard. L’intérêt naissant dans le ce cœur où résidait cette flammèche qui ne demandait qu’à grandir. Lui qui avait si peu de visite…

Il était là, sa formé éthérée n’étant pas encore visible, mais son attention était là et son regard se posait sur la forme humaine de la jeune fille qui se trouvait devant sa tombe. Le vent violent n’existait pas pour lui tout comme sa fraîcheur. Seule la présence de la vie et celle du pouvoir encore à naître qui se trouvait devant lui importait. A peine rêvait-il de s’en prendre à cette humaine, de la tourmenter, de la rendre folle au point d’accepter l’inacceptable : d’échanger leur place ! Les ténèbres de la Mort n’étaient au goût de personne et il avait là une occasion d’y échapper. Comme tant d’autres ont r^vé à chaque fois que l’occasion se présentait. Et comme à chaque fois le rappel douloureux des « laquais » de la Mort le « rappelait à l’ordre ». Telle les serres d’un quelconque prédateur, ces « nouveaux camarades » que sont les anciens Seigneurs Noirs, s’agrippaient lui et le retenait. L’empêchant de s’enfuir, de déserter leur « agréable » compagnie.

Une plainte s’élevait dans le vent froid de Kuat. Ce que n’importe qui aurait pris pour une simple bourrasque était simplement la manifestation de celui qui fut leur seigneur et maître. Un cri déchirant, traversant l’espace si ténu en cet endroit entre le Royaume des Morts de ceux vouant leur vie aux Sith et l’espace matérielle.

-Qui… Es-tu ? Pourquoi ??? Pourquoi venir ici ???

Sa voix surgissait d’outre-tombe, alors que sa forme spectrale, rouge, jaillissait du sarcophage de basalte noir. Son regard éthérée se posait sur l’humaine, la fixant, semblant lire en elle. Ce qu’il fit. L’envie de l’étreindre, la posséder et arpenter de nouveau ce monde, cette galaxie, reprendre sa vie et le pouvoir. Cette envie qui pointait en lui lorsqu’il fut attiré ici n’en était à présent que décuplée ! Mais aussi la poigne de ceux enviant sa chance et ne souhaitant pas la lui accorder.


-Aaaaah !... Réponds !!!…
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Le son finit par s'échapper de sa gorge étranglée. Tess cria, sans s'entendre dans le vent, en se rendant compte que ses mains étaient prises au piège. La panique faisait trembler son corps avec violence, et il lui fallut du temps pour réaliser que ce n'était pas un simple charme, mais que quelqu'un la retenait près de lui. Cette étrange sensation ressemblait à celle qu'elle avait vécu lorsqu'Anthana avait pénétré son esprit, sauf que le serpent était au-dehors, dressé de toute sa hauteur invisible. Et ses intentions étaient inconnues.

Une plainte couvrit son propre cri. Lancinant. Tess aurait voulu se couvrir les oreilles, mais ses mains étaient toujours prises au piège, et elle se contenta de se recroqueviller, la tête repliée entre ses bras.

Si elle attendait longtemps, peut-être que tout s'arrêterait, se dit-elle en tâchant de calmer les tremblements de son corps.

Mais une voix inconnue s'éleva, réveillant instantanément sa terreur. Derechef, elle releva la tête et aperçut avec surprise la forme qui s'était dressée au-dessus de ce qui devait, finalement, être un sarcophage. Avait-elle effleuré stupidement l'épitaphe d'un ancien puissant Seigneur Sith ? Anthana allait être furieuse... Si elle en sortait vivante.
Elle se souvint en un clin d'oeil de toutes les histoires sordides qu'elle avait entendu au sujet d'apprentis sith qui avaient "réveillé des morts" dans les tombeaux de la Vallée des Seigneurs Noirs, sur Korriban. Tess, en bonne paranoïaque, n'avait jamais été fourrer ses pieds agiles dans un traquenard pareil... Mais ici, sur Kuat, elle s'était faite avoir avec bêtise ! Allait-il la tuer ? S'emparer de son corps ? Anthana pourrait-elle la tirer des griffes de ce Seigneur ? Le voudrait-elle ?

Cela faisait tant de questions, et le fantôme n'avait pas l'air d'être patient. Il avait une peau translucide, et le paysage derrière lui s'apercevait en transparence. Ses yeux, néanmoins étaient illuminés, et Tess avait l'impression d'être transpercée de toutes parts par son esprit furieux.

- Je... Je...
bégaya-t-elle, incapable de coordonner efficacement ses mots.

Elle tirait toujours sur ses mains, à s'en faire mal, tout en sachant que cela était inutile. Elle était prise au piège. Pourquoi diable ne parvenait-elle pas à se calmer ?

- Mon... Mon nom est Tess,
articula-t-elle d'une voix rendue aiguë par la peur. Tess Ghornwell.

Elle se rendit compte que cela ne voulait rien dire du tout. Ou plutôt cela devait signifier qu'elle était une parfaite inconnue, éventuellement une aspirante Sith prétentieuse, qui était venue le déranger dans son sommeil. Que dire alors pour qu'il l'épargnât ?

- Je... Suis l'apprentie de... Lana !
cria-t-elle cette fois pour couvrir les bourrasques sifflantes. L'apprentie de Lana Anthana !

Elle se rendit compte qu'elle ne connaissait pas son nom Sith. En avait-elle un ? Aucune idée. Elle ne s'était jamais posée la question. L'identité de Sénatrice surpassait celle de Sith dans l'esprit de Tess.

Quant au pourquoi elle était là... C'était bien difficile à expliquer. Pouvait-elle invoquer la vérité, la curiosité ? Tess déglutit, ses yeux humides et écarquillés par la peur ne pouvant se détacher de la silhouette vaporeuse, trouée par les deux lueurs dans le visage dur.

- J'suis désolée,
ajouta-t-elle précipitamment. Je n'voulais pas... Je n'savais pas !

Elle ne savait même pas qui il était. Pouvait-elle le lui dire sans l'offenser ? Elle aurait parié qu'elle paierait cher son ignorance. Les Seigneurs Sith aimaient être admirés, même au-delà de la mort... Du moins était-ce l'image que Tess s'en faisait. Mais que faire alors ? Que dire ?

- J'voulais juste en savoir plus ! J'voulais pas vous déranger !
glapit-elle.

Elle cessa momentanément de tirer sur ses mains, pour économiser ses forces. Le vent violent sifflait toujours à ses oreilles, et elle avait peur de quitter le fantôme du regard pour jeter un coup d'oeil derrière elle. Elle aurait bien aimé appeler à l'aide, mais qui viendrait ? Même si les domestiques percevaient le fantôme, ils ne s'aventureraient pas sur la terrasse par un vent pareil. D'ailleurs, puisque seule la Force pouvait permettre d'atteindre ce niveau...

Non, elle ne pouvait compter que sur elle-même. Et sur la clémence de ce Seigneur du passé...
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La Force spectrale du Sith qui était apparue dominait la jeune fille de toute sa hauteur. De son regard éthéré, elle la fixait, semblant la scruter jusqu’au tréfonds de son âme. Réduisant quelque peu ses dimensions, celui qui fut Darth Ritter, se mettait en face de l’apprentie Sith. La Force était présente en elle. Elle est jeune et d’après lui naïve. Chose qui lui était en partie révélé par son ignorance. Cette innocence l’amusait, lui qui devait quotidiennement, ou du moins dans ce qui lui tiens lieu de quotidien faire face à ces prédécesseurs. Déjà il rêvait de se défaire de ce qui le retenait outre-tombe pour arpenter ce monde de nouveau dans un nouveau corps. L’être mort éclatait de rire. Ce n’était pas souvent, alors son rire, franc, devait être encore plus terrifiant qu’il ne l’aurait voulu. Mais qu’importe de toute façon. Il est là, cette gamine aussi. Et ils sont seuls…

-Aaaaah !!! Tu veux en savoir plus ? Mais tu ne voulais pas me déranger ? Son rire redoublait. Que c’est amusant, petite humaine !

L’être éthérée avait oublié qu’il fut humain… Il était autre chose à présent. Il était bien plus que ça ! Il est le Côté Obscur, lui comme tous ses semblables ! Ils en ont été les avatars dans le monde des vivants et ils continuent de l’être dans le royaume des morts. Même dans la mort la terrible hiérarchie Sith perdurent et les mortels… Les mortels, eux, ces êtres ne signifient rien ! S’ils ne se tiraient pas les pattes entre eux, les morts, ils pourraient de nouveau arpenter ce monde et perdurer pour ce qu’ils étaient…

-Tess… Ghornwell… Tu es l’apprentie de… Lana… Anthana… Les noms semblaient être prononcés avec difficulté. Lana !… Anthana !… Lana ?... Anthana ?... Répétait-il en changeant de ton, de ponctuation, comme s’il goûtait à nouveau le fait de prononcer ce nom. Un nom qui lui semblait bien familier, bien plus que tous ceux ayant traversé son existence.

La silhouette fantomatique carmine, variait dans les différentes teintes de rouges. Le bas de sa silhouette était plus visible lorsqu’elle ne se trouvait plus devant la tombe de basalte. Lorsqu’il passait devant, sa luminosité semblait décroître comme si l’obscurité de sa tombe l’aspirait de nouveau pour le faire disparaître.

-Oui… Lana… Anthana… Je me souviens à présent… Je me souviens de tout !... Ainsi… Tess… Tu prétends être son apprentie ?... Mais tu ignores son nom !... Son véritable nom !... Son nom Sith… Ce qui fait d’elle un être à part !...

Un sourire mauvais étirait ce qui formait son visage. Il n’y avait pas que ça qu’elle ignorait. Cette jeune fille semblait ignorer celui qu’il fut autrefois. Autrefois ? Cela faisait-il aussi longtemps ? Il n’arrivait réellement à se souvenir. Qu’importe après tout ? Bientôt, il le savait, il aurait le grand plaisir de la revoir… Il fera ce qu’il faudra pour apprendre ce qu’il savait déjà et reprendra sa place. La place que fut la sienne. Pour ça il lui fallait du temps. Et le temps lui serait offert par la curiosité de Tess.

-Tu sembles avide de savoir, Tess… Je pourrais te guider tu sais ? Il cherchait à se faire enjôleur. Lorsque ta maîtresse fera défaut… Je pourrais être là… Pour toi… Qu’est-ce qu’elle t’a promis ? De t’apprendre ce qu’elle sait ? Elle te ment… Pas moi…

La forme vaporeuse du Sith venait se mettre à ses côtés. Sa main translucide venait se poser sur l’épaule de la frêle jeune fille.

-Laisse-moi te donner… Un petit secret… Ensuite je laisserais… Ton imagination faire le reste… Le nom Sith de ta maîtresse est… Darth Malitia…


C’était à lui que Lana le devait son titre Sith. Elle l’avait reçu à sa mort. Et ce nom convenait à merveille à l’Umbaran. La malice… La plus grande qualité de celle qui fut son apprentie. Malicieuse à souhait. Et c’est une chose que celui que fut Darth Ritter avait toujours apprécié chez elle.
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Le rire, cruel et terrifiant, paraissait se moquer d'elle. Tess était agitée de tremblements, mais ne s'en rendait pas même compte. Ses fesses posées sur la terrasse glacée n'étaient pas un problème en comparaison du spectre qui se dressait devant elle. Comment avait-elle seulement pu réveiller un seigneur Sith trépassé ? Elle avait manqué de prudence et, si elle survivait, ne serait pas prête à se pardonner de sitôt cette terrible erreur.

Le fantôme prononça son nom. Comment savait-il ? Il lisait en elle comme dans un livre ouvert, et cela était terrifiant. Que découvrirait-il aux tréfonds de l'âme de Tess ? Ses plus noirs secrets ne devaient être que des bagatelles pour un damné tel que lui. Et heureusement, rapidement son intérêt s'était porté vers sa maîtresse. Il répétait son nom de sa voix gutturale, et malgré le vent et l'heure tardive, la petite Lorrdienne craignit soudain que l'on ne l'entendît depuis la tour. Mais elle n'osa pas intimer au Seigneur Sith de baisser d'un ton. Si sa maîtresse se réveillait, et venait voir ce qui se passait ? Il lui serait passé un sacré savon, Tess en aurait mis sa main à couper. Peut-être même qu'Anthana déciderait qu'elle n'était pas digne de son enseignement.

Peu à peu, les propos de la voix devinrent moins incohérents. Que voulait dire le Seigneur Sith, par son véritable nom ? Evoquait-il le nom Sith de sa maîtresse ? Il était vrai que jamais elle n'en avait entendu parler... Probablement était-ce plus sûr qu'il restât secret, ne serait-ce que pour protéger l'identité d'Anthana au Sénat. Sinon, n'importe quel Sith aurait pu la trahir en divulgant cette information... Tess déglutit dans l'ombre et les bourrasques. Tout le monde savait pourtant que les Sith prenaient un nom, parfois donné par leur Maître, pour tirer définitivement un trait sur leur passé. Anthana ne lui avait jamais parlé de son passé, ou du moins pas précisément. Certainement avait-elle été sage de l'enterrer, sans avoir besoin de la symbolique d'abandonner son nom... A moins, tout simplement, que même Anthana ne soit pas son nom d'origine...
Mais que lui vaudrait cette information, pour le moment ? Pas grand chose, car elle n'était pas l'ennemie de sa Maîtresse, et ne souhaitait ardemment pas le devenir. Ne serait-ce que pour une question de survie...

- Non, elle... commença-t-elle à bafouiller, mais sa voix ne couvrait pas le tapage sonore du vent, et déjà commençait-elle à oublier ce qu'elle souhaitait réfuter. Lana ne m'a pas menti !

Elle avait crié, mais plus pour se convaincre elle-même que pour le Seigneur Sith, dont elle ne savait pas même s'il l'écoutait. Tess fut pourtant parcouru d'un nouveau frisson de surprise et de crainte lorsqu'il se pencha vers elle et tendit sa main vers son épaule. Elle ne pouvait lui échapper ! Elle se tortilla néanmoins, par pur réflexe, avant de se rendre compte que les doigts n'avaient aucune consistance. Seule une sensation de froid désagréable lui enserrait l'épaule, sans même la blesser. Elle leva vers le visage un regard stupéfait. Il ne ressemblait à rien qu'elle eût jamais vu. Il avait dû être beau, autrefois, mais l'on observait aujourd'hui que des traits décharnés et des yeux lumineux qui accentuaient son aspect irréel. Et derrière lui, en transparence, les nuages sombres du soir de Kuat.

Tess retint son souffle.

- Darth... Malitia... répéta-t-elle, hébétée. Darth Malitia.

Que ce nom allait bien à sa maîtresse. Il rappelait la malice dans ses yeux, ses changements de tons surprenants, son visage sans cesse différent de l'instant précédent et surtout, l'impossibilité de deviner ce qui se cachait véritablement derrière les traits d'Anthana. Darth Malitia, la malicieuse...

Quelle raison aurait Anthana de lui mentir ? Pourquoi garderait-elle Tess auprès d'elle si ce n'était pour lui apprendre ce qu'elle savait ? Pourquoi cet échange ne pouvait-il être sincère ? Bien sûr, la Lorrdienne connaissait bien les destinées des duos Sith : l'un des deux était voué à mourir avant l'autre, et parfois de la main même de son estimé binôme. Mais tout le monde devait mourir un jour, et ce ne serait pas demain pour elle... A moins bien sûr qu'elle ne commît l'irréparable. Comme aller malencontreusement réveiller un Seigneur Sith craint et qui révèlerait les secrets de sa Maîtresse...
Soudain lui apparut l'étrangeté de la situation. Comment savait-il ? Depuis le début, Tess s'était imaginé qu'il s'agissait là d'un Seigneur Sith antique, qui n'était plus connecté au monde des humains jusqu'aujourd'hui. Mais s'il connaissait Anthana, alors...

- Comment le savez-vous ? demanda-t-elle soudain, criant de plus belle pour que sa voix couvre le raffut sifflant des bourrasques sur la terrasse. Qui... Mais qui êtes-vous ?

Le temps parut se suspendre alors qu'elle attendait sa réponse. Son visage était si proche de celui du spectre qu'elle avait l'impression qu'ils se toucheraient bientôt, que son esprit ne ferait plus qu'un avec celui du Seigneur Sith. Mais elle devait résister, elle ne devait pas se laisser absorber, car elle savait qu'alors jamais elle ne recouvrerait la pleine possession de son corps et de ses moyens...
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Lana se trouvait dans sa chambre. Elle était assise sur une petite chaise basse matelassée, en face d'un grand miroir, et s'appliquait à démêler ses longs cheveux noirs à l'aide d'une brosse. Elle avait eu plusieurs réunions pendant la journée, et avait dû revêtir une coiffure complexe pour l'occasion. Il s'agissait maintenant de la défaire proprement, sinon le moment de se coiffer le lendemain matin serait particulièrement douloureux. Le lent et régulier mouvement du peigne en argent la berçait, et elle se sentait déjà somnoler. La journée avait été longue, et elle n'avait qu'une hâte, se coucher, a tel point qu'elle n'avait même pas juger bon d'appeler et d'attendre un domestique pour la décoiffer et la démaquiller, comme elle avait l'habitude.

Soudain, elle vit son reflet dans son miroir écarquiller les yeux. C'était comme si elle venait de recevoir un coup de poing dans l'estomac. Sous la surprise, son peigne tomba sur le sol dans un bruit mat, avant de s'y immobiliser. Il y avait eu un grand bouleversement dans la Force. Une explosion obscure. Une puissance éteinte qui se permettait une dernière novae. Une puissance qu'elle aurait préféré ne jamais revoir, ne jamais ressentir... Ritter. Son ancien maitre. Elle pouvait sentir son aura, près de la sépulture qu'elle lui avait consacré. Que pouvait bien il faire ? Pourquoi se réveillait-il ?!

C'est alors qu'elle sentit une autre présence, presque totalement engloutie par l'aura noire du seigneur sith. Elle effleura l'esprit de Tess, y lisant la panique et l'impuissance. L'idiote... Son second jour ici, et elle s'amusait déjà à tailler le bout de gras avec un spectre ! Lana n'avait pas jugé bon de l'avertir sur le mausolée de Ritter, car jamais elle n'aurait pensé qu'elle aille se jeter d'elle même dans la gueule du loup. Lana savait que si elle ne faisait rien très vite, non seulement elle n'aurait plus d'apprentie, mais en plus elle se retrouverait de nouveau avec Ritter sur le dos. Non, elle n'était plus disposée à supporter son ancien maitre plus longtemps.

D'un geste rageur, elle referma sa chemise de nuit, une fine robe noire, aux manches courtes, qui lui descendait jusqu'aux genoux. Elle noua un cordon en soie autour de sa taille, et sortit de sa chambre.


***

Elle ne mit que quelques minutes à parvenir à la plateforme, redoutant que ce soit trop long. Non, visiblement, elle était encore dans les temps... Elle ouvrit la porte de la terrasse d'une brusque poussée de Force, et put ainsi voir son apprentie, à genoux sur le sol, et une drôle d'ombre. Lana ne parvenait pas bien à le voir, sans doute sa vision n'était-elle pas la plus adaptée pour voir les fantômes d'anciens sith... Cela importait peu. Elle ne risquait pas de le louper à travers la Force.

L'air s'engouffra derrière elle par la porte qu'elle venait d'ouvrir, faisant battre sa courte chemise de nuit contre ses jambes. Malgré ce petit désagrément, elle gardait les mains jointes devant elle, le regard rivé sur celui qui avait, un jour, été son maître.


- Bonsoir, Ritter, fit-elle d'une voix douce mais suffisamment forte pour couvrir le vent.

Elle avait toujours craint et respecté son maître. Toutefois, ce respect avait disparu lorsque l'homme était mort, la laissant seule avec ses problèmes, et son entrainement inachevé. Non, aujourd'hui, il ne lui restait plus que la crainte, et cela se lisait dans son regard qui luisait doucement dans l'obscurité. A quoi bon le cacher ? Il le savait probablement déjà.


- Je vois que tu n'es même pas donné la peine de te présenter. Tess, je te présente Darth Ritter, mon défunt maitre, aussi connu sous le nom d'Hallan Kiel.

Malgré tout, il y avait également de la détermination dans son regard. Comme si elle avait attendu cette confrontation. Elle ne céderait pas à la peur, pas plus qu'elle ne plierait devant son ancien maitre. Elle savait comment son esprit de maniaque fonctionnait, et ici était venu le point du non-retour, le moment où elle devait s'imposer.

Elle fixait le spectre sans ciller, s'approchant d'un pas mesuré pour s'approcher de son apprentie. Elle s'arrêta juste derrière elle, ses yeux brillants rivés sur son ancien maitre, avant de poser ses mains pâles sur les épaules de son apprentie. Tess semblait comme paralysée par la présence du spectre... Lana soupira, et laissa la Force couler en elle, puis dans le corps de son apprentie, cherchant à combattre ce pseudo-envoutement. Sauf qu'ici, elle devait entièrement se fier à son instinct, car c'était bien la première fois qu'elle se livrait à ce genre d'exercice !


-Laisse là, Hallan, fit-elle d'une voix ferme
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~~~~ Esprit de Darth Ritter~~~~

L’ancien seigneur Sith ressentait la peur de la proche humaine qui se tenait devant lui. Il la savourait, comme de quelque chose de familier dont il avait été privé depuis si longtemps… Ceci avait le goût d’un des plus précieux nectars. Malgré ce côté enivrant et sa supériorité plus qu’évidente en ce moment, il se doutait qu’il devrait faire vite. En ce moment, en plus de lui, il y avait une autre Sith présente. Une Sith qui lui paraissait, sur le coup, familière. Au fil des secondes, l’esprit mort ressentait l’aura sombre avancer vers lui à toute vitesse. Il ne lui restait que peu de temps à présent et il allait devoir faire vite.

En plus d’être pressé par le temps matériel, il l’était aussi par l’immatériel. Sachant pertinemment, que Lana ne le laisserait pas revenir comme ça. Reprendre sa place et elle, la sienne à ses côtés. Il avait même à ce sujet, un sentiment de déjà vu, quelque part, ailleurs, dans une autre existence qui lui semblait si lointaine. Déjà, , l’esprit se sentait de nouveau happé vers le Chaos, le Royaume des Morts, ce qui est la « vie après la mort » pour les Sith. L’être éthéré sentait leurs « mains » griffues le prendre, l’étreindre. C’était désagréable, mais qu’importe ! Il était là, sur… Kuat… A deux doigts d’être libre ! Libre ! Libéré de ses tourments éternels !

Qu’importe ces deux comparses dont l’une, celle qui serait sacrifiée pour permettre son retour glorieux. L’autre mettrait de nouveau genou à terre et baisserait la tête et lui demanderait, non, l’implorerait, oui ! L’implorerait de l’épargner et de la garder auprès de lui et d’accomplir ses sombres dessins. Mais étant en partie retenu dans son plan d’existence qui est le sien à présent, il devait déployer une énergie considérable pour les repousser, ou au mieux, les ralentir. Et ceci était du temps, donnée à présent presque oubliée du Sith défunt, perdu. Celle qui fut son apprentie et à présent est la maîtresse des lieux, approchait.

-Aaaaaaaaaaah !!!! Tais-toi ! Assez de questions !

L’esprit était vraiment excédé par les questions de cette apprentie impertinente ! Non pas que ses questions l’importunait. Au contraire, cela ne faisait qu’attiser son incompréhension et ses craintes. Choses que lui savourait. Mais le temps allait lui faire défaut. Curieusement, il sentait ses « camarades » dans la mort se calmer. Profitant de cette accalmie inespérée, les bras éthérées du spectre Sith se levait, venant presque prendre dans ses mains à la fois glaciales et brûlantes, sensations mordantes que peut prendre le Côté Obscur avec des enveloppes mortelles aussi faible. Ce n’est que lorsqu’il s’apprêtait à prendre, enfin possession, de ce qui était à ses yeux son dû, que la présence de Lana se fit plus forte et sa voix retentissait sur le balcon.

-Aaaaaaaah… Nous sommes donc au complet ! L’esprit Sith, sur de sa supériorité, de sa victoire, de son triomphe sur la Mort, se mettait à rire aux éclats, un rire sinistre qui emplissait la nuit Kuati. Son attention se posait sur l’Umbarane. Tout comme toi qui n’as pris cette peine pour ton apprentie… Malitia… Son attention revenait sur la jeune fille qui semblait tétanisée et recevait le soutien de sa maîtresse. Soutien qu'il souhaitait briser par le doute. Cela démontre bien, le peu de ce qu’elle pense de toi, petite. Hélas le Côté Obscur ne peut se permettre d’avoir en son sein des graines aussi faibles… Et tu ne veux pas être faible, n’est-ce pas ?

L’influence du duo Maître/Apprenti Sith était grande à présent. Sa proie, au contact de sa maîtresse semblait reprendre confiance et se joignait à elle. S’il continuait ainsi il se ferait battre, repoussé et retour à la case départ. Et ça, il n’en était pas question ! Ne pouvant et ne voulant attendre plus longtemps, il étalait sa puissance, une puissance propre à les écraser toutes les deux. Puis il frappait, frappait l’esprit de la proche-humaine voulant s’insinuer en elle, prendre ce qui lui appartient et faire de ce corps sien !


-Non ! Inutile de résister ! Malitia !
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Tess s'était ratatinée comme une souris effrayée mais sans pouvoir s'échapper, dont la queue aurait été prise au piège. Elle entendit des petits gémissements avant de se rendre compte que c'était sa propre voix, sa respiration sifflante et affolée qui générait cet horrible son. Elle s'imposa le silence tandis que son sang battait comme un marteau à ses tempes. Le visage, beau et hideux à la fois, devait probablement voir à l'intérieur de son crâne à travers ses pupilles, maintenant. Elle se sentait déshabillée, et savait pourtant que rien ne pouvait plus empêcher le Seigneur Sith de s'approprier son corps et son esprit. Non, NON ! Elle ne voulait pas, elle ne devait pas se laisser prendre si facilement. Quand bien même c'était tentant de fermer les yeux et s'allonger sur le marbre froid, il ne fallait pas. Mais que faire alors ?
Déjà, les bras décharnés se levaient, prêtes à l'enlacer, à l'étreindre... Non, à l'enfermer. A tout jamais. La fin serait proche, et Tess se surprit à penser qu'au moins tous les doutes s'envoleraient pour l'éternité. Mais ce soudain désir de repos était-il vraiment le sien ?

La voix d'Anthana la tira de sa contemplation fascinée, tel un fil invisible retient l'araignée qui remonte vers la réalité. Alors, le sang de Tess ne fit qu'un tour, et elle se tordit le cou, ses mains toujours prisonnières, pour voir arriver derrière elle ce qu'elle craignait : sa maîtresse.

Darth Malitia, ne put-elle s'empêcher de songer. Elle avait brusquement pleinement repris ses esprits.

La sénatrice avait les cheveux lâches, secoués par le vent, et une chemise de nuit fluide et noire recouvrait son corps. Elle avait visiblement été dérangée alors qu'elle dormait ou ne tarderait pas à se coucher... Tess songea que cela n'allait pas aider son cas. Mais qu'est-ce qui était pire ? Risquer de voir un Seigneur Sith mort s'emparer de votre esprit ou bien recevoir la raclée de sa vie ? Tout dépendait, jugea-t-elle avec amertume : la raclée signifiait-elle la mort ? Ou pire, la fin de son contrat avec Anthana ?

Mais la maîtresse n'avait pas l'air en colère. Du moins, pas trop, et pas contre elle. Pas directement. De sa voix, Anthana mettait visiblement au défi son ancien mentor. N'avait-elle pas peur ? Tess se sentait vaguement ridicule d'avoir autant cédé à la panique, mais le mal était fait. Peut-être Anthana avait-elle l'habitude de s'occuper de ce vieux fou de seigneur. Sauf que s'il sortait souvent de sa tombe, Tess était prête à parier qu'ils n'allaient pas être tout à fait copains. Pourrait-elle même dormir en sachant que chaque nuit il se tenait deux étages en dessous ?
Tess serra les dents et tâcha de se ressaisir. Si Anthana survivait, elle le pourrait aussi. L'Umbarane lui apprendrait. Elle n'aurait qu'à l'imiter.

En attendant, le nom de Kiel Hallan résonna étrangement à ses oreilles. Ce nom ne lui était pas inconnu. Elle l'avait lu quelque part... Mais où ? Il serait bien temps de faire des recherches plus tard, lorsqu'elle en aurait le temps, bien sûr.
Bientôt, elle sentit un regain de Force affluer en elle, comme une nouvelle énergie la porter et l'aider à redresser son petit corps recroquevillé face au Seigneur Sith. Anthana l'aidait. Elle n'allait donc pas l'offrir au Seigneur pour avoir commis l'imprudence de réveiller son vieux mentor...
Malheureusement, ce dernier ne l'avait pas oubliée pour longtemps. Déjà il s'adressait de nouveau à elle. Il posait une question qui appelait une réponse, mais la gorge de la jeune Lorrdienne était sèche et serrée, et elle ne put que grimacer, avant d'opiner négativement du chef.

Non, elle ne voulait pas être faible. En réalité, jusqu'à ce jour, elle ne s'était pas considérée comme faible. A l'Académie, son esprit et sa ruse lui avaient permis de survivre et en cela, elle s'était toujours sentie plus ou moins supérieure. Mais comment se qualifier ce soir, petite chose minuscule entre deux forces expérimentées qui s'affrontaient ? Bien sûr qu'ils la pensaient faible. Une proie, voilà ce qu'elle était.
Mais une proie intelligente, tâcha-t-elle de se souvenir.

Peu à peu, la Force qui s'insinuait en elle lui redonnait du courage. Darth Ritter semblait reculer et son influence sur Tess diminua. Tremblante, elle fit à son tour appel à la Force. Celle-là même dont Anthana lui avait donné un aperçu la veille. Vertigineuse, la Force pouvait être un rempart. Son esprit repoussait le Sith, comme des petites mains négligeables aux côtés de celles de son aînée. Bientôt, ses mains endolories lui parurent moins paralysées et elle put remuer les doigts. Alors elle se ramassa sur elle-même pour se remettre sur ses pieds et se releva doucement, voûtée toutefois, comme si le vent kuatien pouvait la balayer trop facilement de cette terrasse si haut perchée.

- Je ne suis pas faible, cracha Tess à la figure transparente.

Sa voix néanmoins ne portait guère dans le vent hurlant.
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Ritter lui faisait peur. Cela, elle ne pouvait lui nier. De son vivant, elle avait constamment craint son regard, son jugement. En tant qu'apprentie, elle aurait pu mourir n'importe quand, et elle le savait bien à l'époque. Même après sa mort, elle avait continué à le craindre. Il était revenu la hanter, dans ses rêves. Était-ce bien lui, ou bien seulement l'imagination fertile de la jeune umbaranne qui se faisait peur toute seule ? Et puis, au fil de ses études, de ses recherches, elle avait appris que les sith pouvaient se réincarner, prendre un nouveau corps à la seule puissance de leur esprit. Elle avait bien besoin de ça... Comme si sa vie n'était déjà pas assez trépidante ! Finalement, elle était presque heureuse que ce moment soit enfin arrivé. Si elle parvenait à le vaincre, ici et maintenant, peut être la laisserait-il enfin tranquille...

Et c'est pourquoi elle lui tenait tête si farouchement. Il n'y avait pas de marche arrière possible. Surtout si elle voulait conserver Tess à ses côtés. Cette petite si prometteuse. Lana espérait que cette expérience n'aurait pas d'effets sur son cerveau, ce qui serait bien dommage. Elle tenait à la défendre. Tess était son bien, sa propriété personnelle ! Ritter avait-il ressentit le même sentiment envers elle, autrefois ? Même si elle voulait défendre la petite Lorrdienne, elle ne savait pas quoi faire. Comment défendre un corps qui n'était même pas le sien d'une attaque psychique ? Elle se contentait d'envoyer un flux de Force dans le corps de la gamine, sans savoir si cela marchait ou non.

Encore incertaine sur l'efficacité de ses actes, elle entendit l'être qui avait été Ritter l'appeler par son nom de Sith. Malitia.


- Ne m'appelle pas comme ça,
grogna-t-elle sous l'effort.

Elle n'aimait pas que l'on utilise son nom de sith. Non pas qu'elle le détesta. Bien au contraire, le nom de Malitia lui allait comme un gant... Cependant, son statut de figure politique ne permettait pas de l'utiliser. Les gens ne devaient pas l'appeler comme ça, même à l'abri d'oreilles indiscrètes. Un faux pas, un dérapage, et tout serait fini... La position de Lana était trop fragile pour se permettre ce genre de fantaisie ! Elle acceptait seulement ce nom lors des rares fois où elle se rendait sur Korriban, discrètement...

Tout près d'elle, elle sentait son apprentie résister, et reprendre tout doucement le contrôle de son corps jusque là paralysé. De ses yeux pâles, la princesse de Kuat fixa la forme éthérique de son ancien maitre. Que lui arrivait-il ? Il semblait si faible à travers la Force... Alors même qu'elle était au faites de sa puissance, Lana savait qu'elle n'aurait eu pas l'ombre d'une chance face à Ritter.

Et pourtant, son apprentie parvenait à le repousser, suffisamment même pour se permettre de lui répliquer de façon cinglante. Était-ce grâce au soutien de sa maîtresse ? Lana avait déjà pu remarquer que Tess semblait bien plus adroite dans le maniement de la Force en sa présence. Simple motivation supplémentaire, ou bien était-elle capable de puiser dans les réserves propres que sa maîtresse acceptait de partager ? Ceci serait intéressant à étudier plus tard. Lorsque tout ceci serait terminé. D'une manière, ou d'une autre...


- Lâche prise, Ritter,
intima-t-elle d'une voix sifflante, les dents serrées sous l'effort de la Force qu'elle fournissait à son apprentie. Tu ne fais pas le poids face à moi. Face à nous ! rajouta-t-elle pour encourager Tess.

Sentant que la gamine était sauvée, elle cessa de la soutenir à travers la Force, et se concentra entièrement sur l'esprit du défunt seigneur sith, se concentrant de toutes ses forces pour le renvoyer là d'où il venait. Elle tenta de le soumettre, de l'écraser par la seule force de sa volonté.

Il fallait qu'elle lui montre qu'elle était sa digne héritière en le vainquant, comme l'exigeait la vieille tradition sith...
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~~~~ Esprit de Darth Ritter~~~~

Déclamait la voix profonde, surnaturelle qui semblait émettre du spectre Sith quant à la réponse de la jeune apprentie. Elle ? Pas faible ? Si. Si elle l’est ! Elle l’est face à lui et même à celle qui se prétend sa maîtresse, Malitia. Raaaaah… Si seulement il avait été plus direct et si seulement l’Umbarane avait davantage tardé… Il posséderait déjà le corps de cette petite et ploierait Malitia à sa volonté, comme… jadis ? Cela semblait faire si longtemps maintenant… et si proche. Dans un mouvement uniquement théâtral, puisque son attention reste portée sur tout ce qui l’entoure, Darth Ritter fixait durement Lana du regard. Sa réponse ne lui plaisait guère. Et pas que lui d’ailleurs. En plus d’être présent ici bas, la conscience du Sith défunt resté encore attaché à cette existence dans la Chaos. Et ceux qui sont coincés là-bas réprouvent la déclaration péremptoire de celle qui est Malitia. Refuser son nom est indigne d’une Sith véritable.

-Raaaaaaaah !!!! Malitia ! Tu oses ?!

Dans le même temps, l’union des deux Sith face à lui allait réduire à néant sa seule et unique chance de revenir dans l’espace réel et de reprendre sa place ! Il est à deux doigts d’y parvenir et peut encore le faire. A condition qu’il ne se laisse pas distraire par ceux qui essaient de l’en empêcher au sein du Chaos et Lana qui ne veut pas se retrouver à nouveau sous son joug. Elle a goûté au pouvoir sur Kuat, au Côté Obscur, ainsi que son indépendance, sa liberté. Elle était à présent son propre maître et ne voudrait nullement redevenir celle qui ploierait le genou devant lui. L’esprit de Ritter pouvait continuer ainsi, essayer de briser leur résistance et s’insinuer tel un poison dans le corps de cette petite. Mais après ? Malitia serait toujours là ! Et lui serait affaiblie, dans le corps d’une gamine qui sera épuisée. De plus il ne maîtriserait pas complètement ses gestes et n’aurait plus la perception des choses dont il peut en bénéficier en ce moment. Car, en plus de sentir les deux jeunes Sith face à lui, il sentait aussi les autres êtres vivants sur et autour de Kuat. Rien ici ne pouvait échapper à son attention, son regard.

-Tu… Tu ne le mérites pas… Tu ne mérites pas ce que je t’ai légué !

Sa voix était emprunte d’une colère manifeste. Il était dorénavant clair qu’il ne pouvait se permettre de perdre du temps. Et ces « congénères » ne semblaient pas vouloir le lâcher. A nouveau il sentait leurs doigts crochus restés agrippés à lui et le tirer vers eux. Pour qu’il reste en leur funeste compagnie. Il avait perdu… A nouveau.

-Malitia… Ne reste pas sourde et aveugle… Les Sith… sont de nouveaux puissants ! J’aurai pu te…

Le désespoir finissait par poindre dans sa voix. Alors que sa présence éthérée se délitait, sa forme spectrale se retrouvait comme aspirée par le tombeau qui lui avait été érigé. Dans un ultime acte poussé par la peur, l’esprit de Darth Ritter lançait une attaque pour investir le corps de Tess et ensuite… advienne que pourra. Du moment qu’il échappe au Chaos. C’était à présent tout ce qui lui importait.

-AAAAAAAAAAARRRRRRRRRRRRRRHHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!!!!!


Le vent soufflait encore violemment sur la passerelle puis plus rien. Les inscriptions sur la plaque qui fermait le caveau brillaient encore d’une lumière rougeoyante qui semblait pulser au rythme d’un quelconque cœur comme si elles étaient animées d’une vie quelconque. Puis ces mêmes lumières se turent pour de bon. Le spectre avait disparu. Dans un autre lieu ou le temps n’a aucune importance, l’esprit de Darth Ritter ne voyait plus que ce qu’il convoitait lui échapper, lui glisser entre les doigts ou toute autre expression du même acabit. Il rageait et n’avait comme autre compagnie que le rire moqueur des Sith défunts.
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Anthana dans son dos, Tess sentait son pouvoir décuplé. Elle avait conscience qu'il ne s'agissait pas de sa puissance, qu'elle ne faisait qu'emprunter ce que sa maîtresse acceptait de partager avec elle, mais le simple fait de sentir les possibilités de ses actions dans la Force multipliées, la jeune Lorrdienne éprouvait une sensation d'ivresse qui la fascinait et l'excitait à la fois. Elle ne pouvait s'empêcher de s'imaginer qu'un jour elle aurait cette puissance rien que pour elle et de manière permanente, qu'elle serait sa propre source de pouvoir. Rien alors ne pourrait l'arrêter, et l'on n'oserait plus la traiter avec la condescendance qu'elle avait subi depuis tant d'années. A cette simple pensée, Tess avait envie d'hurler de rire, mais elle resta silencieuse, un sourire barrant soudainement son visage dont les yeux étaient rivés sur le fantôme du Seigneur Sith enragé.

Le soutien d'Anthana la quitta soudainement et l'euphorie retomba dans l'instant. Soudain, la silhouette ne lui semblait plus être une proie à dominer mais un simple monstre venu tout droit de l'enfer. L'ivresse fit place au dégoût dans l'esprit de Tess qui enroula ses bras autour de ses épaules. Elle avait froid et était brusquement terriblement fatiguée. Elle ne se rendit pas même compte à quel point le pouvoir qu'elle avait pensé détenir quelques instants auparavant avait modifié toute sa personnalité... Ou plutôt avait révélé une part d'elle-même qu'elle ne connaissait pas. Elle y penserait plus tard, lorsqu'enfin elle aurait rejoint le lit douillet de ses nouveaux quartiers...

Chancelante, Tess se décala en faisant trois pas sur le côté pour laisser place au duel invisible qui avait lieu entre sa maîtresse et l'âme du défunt. Plus qu'un mètre la séparait du bord de la terrasse et du vide, auquel elle jeta un regard attéré. Ils étaient si hauts...
Elle reporta son attention sur le spectre qui reculait dans sa tombe. Anthana était donc capable de faire reculer un véritable Seigneur Sith, apparemment son propre Maître vu ses propos...
Bien sûr, elle était impressionnée. Campée sur ses deux fines jambes, elle frissonnait de terreur et de froid à la fois. Le Sith reculait. Ce serait bientôt fini. Une bonne fois pour toutes, même si sa maîtresse la punissait, tout ceci au moins serait terminé.

Elle ne comprit rien de ce qui se produisit ensuite. Brutalement, le Seigneur était de nouveau là, dans son esprit, et un cri de terreur s'échappa de sa gorge tandis qu'elle tombait à la renverse, incapable de contrôler son corps tant la panique avait envahi toutes ses pensées. Elle se débattit, physiquement ou psychiquement, peut-être les deux à la fois.

- NON ! LAISSE-MOI !

Sa voix se brisa dans les aigus.

Et puis, aussi soudainement qu'elle avait été sous son emprise, le fantôme quitta son esprit. Était-ce elle qui l'avait repoussé, ou avait-il été tout simplement trop faible pour sortir de sa tombe ? Tess ne se posa la question qu'un quart de seconde. Le ciel au-dessus d'elle, sombre et nuageux, lui donnait le vertige. Le sol était froid dans son dos et l'une de ses mains pendait, inerte, au-dessus du vide.

C'était dangereux, ici. Il fallait qu'elle se relevât. Ou qu'elle rampât jusqu'à la porte, pour se mettre en sécurité. Et rejoindre... Ses appartements... Avant que...

La vision de Tess s'obscurcit et elle sombra dans l'inconscience.

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Tout se passa très vite. Le spectre de Ritter commença à lui beugler dessus, lui criant qu'elle était dans l'erreur, qu'elle devait rejoindre les sith. Que croyait-il ? Elle avait mûrement réfléchi, et elle avait fait son choix. Ne pouvant pas réellement faire confiance aux sith, ne serait-ce que par principe, elle ferait cavalier seul. Son ancien maître était bien mal placer pour la critiquer, lui qui avait tenu la même ligne de conduite des années auparavant... La situation avait peut être évolué, mais Lana savait ce qu'elle avait à faire. Aucun vivant ne pouvait lui dicter sa conduite, alors ce n'était pas un mort qui allait le faire !

La voix de Ritter se faisait de plus en plus tenue, aspirée par le vent. Sans doute ne pouvait-il pas rester très longtemps dans le monde physique, louée soit la Force. Pousser par une main invisible, il s'interrompit brusquement dans une phrase, et repassa à l'attaque dans un dernier assaut désespéré. Un dernier baroud d'honneur... Lana leva instinctivement ses défenses mentales. Elle ferma les yeux et serra les dents, prête à recevoir l'assaut. Seulement, ce n'était pas elle qui était visée. Absorbée dans son duel de volonté avec son ancien maitre, elle avait momentanément oublié la présence de son apprentie. Lorsqu'elle se rendit compte de son erreur, il était trop tard.

Après un unique cri, qui transperça le vent par sa simple douleur, tout fut terminé. Le seigneur sith avait disparu, et Lana se retrouva seule, bien seule au milieu des bourrasques de vent. Elle se précipita vers le corps inconscient de Tess, craignant le pire. Si Ritter avait pris le contrôle de son corps... Elle devrait mettre un terme à cette histoire immédiatement. Elle sonda brièvement l'esprit endormi de son apprentie, mais n'y décela rien d'étrange. Elle se tourna alors vers la tombe qu'elle avait érigé vers Ritter, et c'est alors qu'elle le sentit. Du petit autel se dégageait une aura maléfique, caractéristique. Le prédateur avait regagné sa tanière...

Cela était-il réellement terminé ?

Dans un état second, Lana entreprit de rentrer à l'intérieur. D'un geste de la main, le corps inerte de la petite Lordienne quitta le sol, tiré par des fils invisibles, et entreprit de suivre la marionnettiste dans l'immense tour noire de Kuat. Un instant plus tard, elles étaient toutes deux dans la chambre de la maîtresse des lieux. Les jambes de Lana l'avait porté par automatisme dans sa propre chambre... Tant pis. Cet endroit en valait aussi bien un autre. Le corps de Tess vint doucement se poser sur le lit.

La jeune umbaranne s'allongea à son tour, un peu perdue par les événements de la soirée. Elle se mit à claquer des dents bruyamment, sans pouvoir s'en empêcher. Ses mains se mirent également à trembler de manière irrépressible. La retombée d'adrénaline. Elle ne s'était pas rendue compte à quel point ce combat l'avait épuisé, à quel point ce combat avait été éprouvant, exigeant... Elle se rapprocha de Tess, et l'enlaça comme une grande sœur le ferait avec sa cadette. Cela eu au moins le mérite de lui calmer les mains. La chaleur que lui partageait son apprentie et qu'elle lui renvoyait en retour était agréable, et, pour une fois, Lana se sentit rassurée de la présence de quelqu'un d'autre à ses côtés.

Elle était épuisée. Elle aurait bien voulu dormir, pourtant ses yeux restaient grand ouverts dans l'obscurité. Son cerveau ne pouvait s'empêcher de penser. Ritter était revenu, un instant qu'elle avait redouté des années durant. C'était presque une délivrance qu'il soit enfin arrivé... Et c'était rassurant de voir qu'elle était parvenue à vaincre son ancien maître. Elle n'avait plus à le redouter. S'il revenait, elle pourrait le battre à nouveau, elle n'en doutait pas. Restait la présence de Tess... Lana doutait cependant, vu la leçon qu'elle avait reçu ce soir, qu'elle recommence à aller asticoter le spectre de Ritter. Et si cela devait malheureusement se reproduire, sa maîtresse serait là.


- Dort bien, paisiblement, murmura-t-elle tout bas, je veille sur toi.

Oui, Lana veillerait sur son apprentie. Pas de la façon dont une mère veille sur sa fille, certes, mais plutôt de la façon qu'un dragon garde son trésor. Mais elle veillerait quand même sur elle...
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Les oreilles de la jeune Lorrdienne bourdonnaient désagréablement. C’était comme si le vent lui avait hurlé à lui en briser les tympans et que désormais, il restait dans son cerveau le spectre de cette agression sonore. Seulement des bribes, des bourrasques qui lui jetaient sa faiblesse à la figure, lui revenaient en mémoire. Ce mot se répétait comme un écho : faible, faible, les Sith ne peuvent tolérer des graines si faibles. Tess s’imaginait répondre au vent, lui hurler le contraire, mais le vent l’emportait toujours, parce qu’il emportait tout : le son des voix, la poussière, les souvenirs.
Absorbée dans son rêve furieux, Tess tremblait sur le lit, ses globes oculaires sous ses paupières fermées dansant follement. Au paroxysme du songe, lorsque le vent gagnait contre elle, qu’il la poussait jusqu’au bord de la terrasse, que ses pieds dérapaient et que finalement, elle tombait pour être aspirée par le vide…

Son corps eut un sursaut et elle ouvrit les yeux brusquement, ruisselante de sueur, le souffle court. Il lui fallut plusieurs minutes pour réaliser qu’elle n’entendait plus le vent. Seule sa respiration désordonnée troublait le silence et l’obscurité. Oui, l’obscurité d’une chambre qu’elle ne reconnaissait pas. Était-elle toujours sur Kuat ? Ou n’avait-elle que rêvé son périple vers une destinée fantasmée ?
Mais tout lui revint rapidement en mémoire, et tous ces faits ne pouvaient être que réels : elle avait quitté les appartements qui lui avaient été attribués pour explorer un étrange balcon, la tombe céleste, en réalité, d’un ancien Seigneur Noir qu’elle avait éveillé par une honteuse inconscience. Et Anthana était venue la sauver. Lana… Darth Malitia.

Tess tourna doucement son visage sur le côté, ayant soudain conscience de n’être pas seule. Des bras l’enlaçaient. Presque tendrement. Du moins, c’était l’idée que se faisait Tess de la tendresse. Elle se sentit subitement mal à l’aise : qui pourrait vouloir être tendre avec elle ? Personne n’avait d’intérêt à faire cela, à sa connaissance. Personne n’en avait plus eu depuis qu’elle avait été une enfant en bas âge.

Ses yeux s’habituèrent à l’obscurité, et elle eut confirmation de ses hypothèses : c’était sa maîtresse qui la berçait ainsi. Elle rencontra son regard, ces yeux étranges voilés, non humains. Le malaise s’accrût. Tess ne parvenait pas à déchiffrer l’expression du visage de l’Umbarane.
Devait-elle s’expliquer ? Elle n’en avait pas la force. Et pour dire quoi ? Sa maîtresse savait ce qu’elle avait fait. Et elle ne l’avait pas tuée. Elle l’avait même sauvée. N’était-ce pas la preuve suffisante qu’elle était pardonnée ?

Elle n’avait pas la force non plus de se dégager de ce lieu. Elle devait être dans la chambre de sa maîtresse, maintenant qu’elle y pensait… Plus fastueuse encore que la sienne propre. Mais froide, si froide… A moins que ce ne soit la fatigue ? Prise de nouveaux tremblements, elle se blottit un peu plus contre Lana et referma les yeux.

Elle voulait parler, lui dire qu’elle était désolée, mais les mots ne venaient pas. Le sommeil voulait la rattraper et le malaise de se retrouver prisonnière d’un corps étranger s’évaporait pour laisser place à une douce torpeur. Le lit était confortable, les bras de l’Umbarane la réchauffaient, et elle était bel et bien en vie. Son visage juvénile se détendit.

- Merci… chuchota-t-elle finalement au bout d’un moment. Je voulais pas mourir comme ça.

Ni vivre comme ça. Elle avait failli donner son corps à un Seigneur Sith. Elle s’imagina devoir cohabiter dans son esprit avec une âme de cet acabit. Elle se serait recroquevillée d’horreur jusqu’à la fin de ses jours, dans un coin de sa tête, jusqu’à pouvoir, peut-être, mettre fin à sa vie pour enterrer de nouveau le Seigneur revenu d’entre les morts.
Mais ce n’était pas ce qui s’était passé. Darth Ritter avait échoué, Darth Malitia l’avait protégée. Elle n’était qu’une fourmi ayant bénéficié d’un coup de pouce des grands. N’avait-elle pas eu une chance folle ? Ce n’était pas son habitude de faire reposer sa vie sur la chance. Il fallait qu’elle se reprît… Dès demain. Ce soir, elle était trop épuisée, trop atterrée aussi d’en être arrivée là.

Elle rouvrit doucement les yeux pour revoir le visage de celle qui l’avait protégée. Ses traits devenaient familiers. Plus que ceux de son père, qui s’effaçaient jour après jour, mais que Tess avait entretenus à l’Académie car alors il n’y avait eu aucun autre repère pour le remplacer. Ce temps était révolu. Lana n’était pas une mère ; on n’a pas autant peur d’une mère. Ni même tout à fait une maîtresse ; Tess n’était pas son esclave. Comment la définir alors ? Une sorte de déité sévère mais protectrice.
Allait-elle être punie ? Peut-être. Tess accepterait le châtiment. Elle considérait qu’elle le méritait. Elle n’avait pas tout à fait désobéi, mais elle avait été inconsciente. Si Anthana n’existait pas, Tess se serait punie elle-même d’avoir été si stupide. Par conséquent, elle se soumettrait entièrement à la décision de sa maîtresse si elle devait faire pénitence. Elle n’avait plus même la force de redouter ce que serait le châtiment, si châtiment il y avait.

- Je sais, j’aurais pas dû, reprit Tess dans un murmure pensif. Votre Maître, il est… Il était…

Elle réprima un frisson. Elle avait vu l’intérieur de l’esprit de Ritter. Elle n’avait pu le comprendre tout à fait, elle n’avait pu le définir. Mais elle avait entrevu sa manière de penser, sa soif de vivre.
La jeune Lorrdienne fixa le regard de l’Umbarane comme si elle voulait lui révéler un secret terrifiant.

- Monstrueux.
Invité
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Au creux de ses bras, Tess ne cessait de s'agiter. Même dans l'inconscience, elle semblait poursuivie par Ritter, et de terribles cauchemars. A cela, Lana ne pouvait rien y faire. Impuissante, elle se contenta de resserrer un peu son étreinte sur l'enfant, comme si la simple chaleur de ses bras aurait pu chasser les mauvais rêves. Elle ne savait pas trop comment ce genre de procédé fonctionnait. Elle se souvenait vaguement que sa propre mère le faisait, mais cela avait-il un jour marché ? Au moins avait-elle l'impression de faire quelque chose. Elle voulait faire quelque chose. Après tout, elle tenait à Tess. Outre le simple fait d'avoir un apprenti à modeler selon ses désirs, un apprenti pour lui succéder, elle se sentait moins seule depuis qu'elle avait Tess. C'était bien la seule personne avec qui elle pouvait partager ses problèmes.

Pourtant, Tess était encore une jeune idiote. Elle le voyait bien, dans ses gestes, dans son comportement, dans sa curiosité. Elle le savait bien... Elle avait été comme elle. Par de nombreux points, elle croyait se voir, plus jeune. Cette période lui paraissait bien loin maintenant. Elle n'était pas si vieille, pourtant... Elle avait été si immature, si instable. Qui sait ce qu'elle aurait pu devenir si elle n'avait pas croisé Ritter ? Tout bien réfléchi, ces cauchemars étaient peut être même une bonne chose. Cela mettrait peut être un peu de plomb dans le crâne de la gamine, qui ne s'aventurerait plus à ce genre de dangereuse expérience...

Elle rigolait doucement dans le silence, un petit rire nerveux et incontrôlable. Non, décidément, elle n'aimait pas du tout ressasser le passé. Surtout quand on voyait le passé qu'elle avait... Son avenir lui paraissait bien plus radieux !

Les petits gémissements de Tess cessèrent bientôt, alors que celle-ci reprenait conscience. Elle ne pipa mot pendant un moment, un certain nombre de sentiments se dépeignant tour à tour sur son visage. La surprise, l'incompréhension, la peur, le soulagement... La Lorrdienne, qui pourtant était toute prédisposée par ses gênes au contrôle de son corps, était un livre ouvert pour Lana. Attendant que la gamine reprenne ses esprits, elle la surprit à venir se blottir un peu plus contre elle. Toute deux semblaient parfaitement par leur position, et aucune ne semblait vouloir bouger. Lana ne se souvenait pas qu'il existait des plaisirs aussi simple que l'amour et le réconfort. C'étaient des choses qui n'avaient jamais eu réellement de place dans sa vie.

Tess se mit alors à parler, dans un doux murmure qui tranchait le silence morose de la chambre. Sa maitresse la laissa parler sans l'interrompre, comprenant ce qu'il y avait derrière les mots. Elle lui passa doucement une main dans les cheveux, dans cette coupe punk qu'elle trouvait si horrible, puis apposa son front contre celui de son apprentie, dans un contact de peau si simple, mais qui voulait dire tant de choses... Cela calma un peu les tremblements de la gamine, du moins lui sembla-t-il. Ou bien était-ce le contact entre leur regard ?


- Je sais, lui souffla-t-elle, un main passant toujours dans ses cheveux. Il était déjà comme ça de son vivant. La mort ne l'a pas vraiment arrangé.

Puis, considérant l'énorme euphémisme qu'elle venait de dire, elle se reprit :

- Qu'est-ce que je dis, la mort n'a fait qu'empirer les choses. Il était au sommet de sa puissance. Il pensait qu'il ne pouvait plus mourir. Surtout d'une façon aussi idiote... Il n'a même pas pensé à terminer ma formation d'apprentie...

Elle s'arrêta brusquement, se rendant compte qu'elle venait d'avouer que sa maitresse était... Incomplète. Lana s'était auto-proclamée guerrière sith et avait imposé sa vision aux autres qui l'avaient acceptée en grommelant. Certes, c'était aussi Ritter qui l'avait adoubée en tant que spectre, lui donnant son nom de sith. Nom dont elle s'était aussitôt empressée de se débarrasser, ne l'utilisant que sur Korriban. Oui, Lanna était incomplète, et cela la rongeait parfois.

- Ne prête pas attention à mes paroles, murmura-t-elle d'un ton triste. Nous sommes toutes les deux fatiguées. Je... Je suis heureuse que tu t'en sois sortie, Tess.
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Finalement, le châtiment ne vint pas. Sa maîtresse était douce, attentionnée. Tess se sentait bien, blottie ainsi. Cette chaleur humaine… Avait-elle déjà connu ça ? Etait-ce un simple besoin physique qu’elles assouvissaient ainsi, ou bien y avait-il quelque chose qui se rapprochât de l’affection ? Tess n’avait jamais imaginé que l’on puisse être si proche de son mentor. Pas de manière si tendre. En réalité, elle se doutait bien que ce n’était pas la norme. Que les autres apprentis étaient torturés pour la moindre faute, et que les Jedi étaient d’un détachement qui ne leur aurait permis une telle proximité. Mais elle et sa Maîtresse, c’était différent. Elle voyait en cela la preuve d’une intuition qu’elle avait eue depuis toujours : elle-même était différente du reste du monde. Lana avait cette particularité aussi. Ce devait être ce qui les rapprochait ainsi.

Les pensées de Tess se délitaient peu à peu, la fatigue la rattrapant. Elle luttait pour rouvrir un peu les yeux, pour garder conscience, pour comprendre ce que sa maîtresse chuchotait.

Darth Ritter avait dû être un maître terrifiant. Si Tess avait été son apprentie, elle l’aurait sûrement haï. Mais elle se serait soumise, car c’était la seule chance pour un apprenti d’atteindre le rang de ses supérieurs : se soumettre à l’un d’entre eux, se réduire à moins qu’un animal, moins qu’un esclave… L’on devenait un membre du corps du maître, un bras droit pour frapper les traîtres, une paire d’yeux pour veiller au grain, une paire de jambes pour aller là où le maître n’avait le temps de se rendre. Tess avait toujours imaginé la souffrance, l’ingratitude et l’ennui. Mais Lana n’avait pas l’air décidée à faire de sa formation un calvaire. Elle lui en était reconnaissante. Il subsistait pourtant en elle le sentiment qu’au moindre dérapage, elle risquait sa vie. Anthana n’avait pas la patience d’un ange, et Tess ne le lui demandait pas. Elle savait que la seule manière d’atteindre l’excellence était d’être rigoureuse et acharnée.

Pour une fois, Tess entendait une partie de l’histoire de sa maîtresse. Elle savait que c’était important, mais elle était trop épuisée pour l’analyser. Son cerveau rangea l’information dans un coin de sa mémoire. Elle la ressortirait et l’analyserait plus tard, lorsqu’elle serait seule. Pour l’instant, elle profitait de la tiédeur de l’étreinte de Lana.

Heureuse… L’explication se trouvait peut-être là. Tess n’avait peut-être pas été punie parce que Lana avait eu peur de la perdre. Elle représentait donc réellement quelque chose pour quelqu’un, aujourd’hui ? Etonnant. C’était une sacrée nouveauté dans sa vie.

Cette pensée accentua sa quiétude, et le sommeil l’emporta brusquement. Sans cauchemar, cette fois, les heures suivantes furent noires et silencieuses. Des heures au goût d’éternité.



Au petit matin, elle s’éveilla seule. L’aube colorait le ciel de Kuat à l’extérieur, mais ici la fastueuse pièce était plongée dans l’obscurité. Tess était entortillée dans des draps en soie sombre, et tous les souvenirs lui revinrent en mémoire. Elle subit une brève montée d’adrénaline. Elle s’en était sortie ! Puis elle s’était endormie dans les bras d’Anthana… Darth Malitia. La maîtresse qu’elle ne pouvait pas décevoir une seconde fois. Où était-elle ? Aucun bruit ne lui parvenait.

Le cœur battant la chamade mais la tête froide, Tess s’éjecta hors de lit, encore toute habillée des vêtements de la veille au soir. Elle rejoignit l’ascenseur à quelques mètres d’elle et l’activa par la Force, sans même songer à explorer cette partie de la tour, qui aurait dû lui être interdite. Elle s’engouffra dans l’ascenseur dès que possible, avec une seule idée en tête : aller s’entraîner.

Plus jamais, se promit-elle. Plus jamais je ne serai aussi stupide. Plus jamais je ne décevrai ma maîtresse à ce point.

La porte se referma sur elle.


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