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S’il fallait retenir quelque chose de la vie d’un jedi, qui plus est d’un maître jedi, c’est le calme qui entourait leur existence toute entière, le calme régissait chacun de leur mouvement et chaque instant de leur vie. Après tout sans calme, sans contrôle de soi et de leurs émotions, ils ne seraient que quelques proies de plus aux mains du côté obscur et c’était bien la dernière chose qu’ils souhaitaient. Ils passaient donc toute leur existence à lutter contre l’emprise des émotions sur eux, luttant pour garder leur sang-froid en toute circonstance. Il n’y avait donc pas grand-chose qui arrivait à perturber la vie d’un maître jedi digne de ce nom, cependant ce fut bien le cas pour maître Vocklan qui, depuis la veille, n’arrivait pas à trouver le sommeil. D’habitude, épuisé par une journée complète d’entraînement, il s’affalait sur son lit assez spartiate et la fatigue l’aidait beaucoup à plonger dans un sommeil réparateur dont il avait grand besoin. Malheureusement, depuis la rencontre avec celle qui était devenue si brusquement sa nouvelle padawan, le jeune homme n’avait pas réussi à trouver ce sommeil dont il avait si désespérément besoin.
Il avait désormais besoin de tous ses esprits et de toute la force dont il pouvait disposer pour faire face à ce nouveau challenge qui se présentait devant lui. C’était une autre étape dans sa vie, la plus difficile jusqu’à maintenant car il ne s’agissait plus simplement de donner des cours et de répéter des enchaînements de coups devant des jeunes enfants, il s’agissait de former l’esprit malléable d’une jeune fille pour la transformer en jedi dont l’Ordre pourrait être fier. Il savait que ce jour viendrait mais ne s’y était jamais préparé, croyant qu’il aurait un peu plus de temps, croyant que cela ne serait pas aussi difficile que cela mais cette claque venait de le ramener violemment à la réalité. Il allait devenir un modèle pour cette fille, elle allait se tourner vers lui à chaque instant de sa vie et il devrait être capable de lui donner les bonnes réponses comme son maître l’avait fait pour lui. Peut-être aurait-il besoin des conseils de son maître pour le coup…ou peut-être était-ce la première étape de sa vie où il allait devoir découvrir les réponses par lui-même. Il ne le savait pas, il ne savait rien et toutes ces questions dans sa tête l’empêchaient de dormir, le forçant à fixer le plafond de sa chambre en espérant que ses yeux finissent par se fermer. Mais ils ne se fermèrent jamais, pas un seul instant, pas une seule seconde et c’est donc au milieu de la nuit qu’il décida de faire la seule chose qui parvenait à canaliser son esprit pour faire quelque chose de constructif.

S’entraîner, répéter les mêmes mouvements encore et encore pour les perfectionner et les rendre encore plus fluides. Telle une machine il répétait ces enchaînements dans une salle plongée dans le noir, une salle dont la seule source de lumière venait de ses deux lames violettes. Plusieurs heures durant, dans l’obscurité la plus totale, il fit fi de son épuisement et puisa dans ses réserves naturelles pour réchauffer son corps, pensant peut-être qu’avec un peu plus d’exercice ce corps serait assez fatigué pour forcer le repos dont il avait besoin. Plongé dans cette méditation en mouvement, il répéta ces mouvements encore et encore jusqu’à se rendre compte que la lumière de jour avait finalement pris la place des ténèbres et que les couloirs reprenaient soudainement vie. Combien d’heures était-il resté ici à trouver un sommeil qui en venait pas ? Il ne le sut pas, mais dès que la vie reprit son cours dans le Temple il sut qu’il était temps.
Rengainant ses sabres et saluant quelques padawans et maîtres au détour des couloirs, le garçon se dirigea vers le lieu le plus paisible de temple en espérant que la sérénité de ce lieu lui permette de se reposer : les jardins. Certains venaient ici pour méditer, d’autres élèves venaient y étudier le sublimes plantes mais le jeune homme n’était là que pour trouver un coin pour s’y reposer et pour y dormir…si son esprit empreint de doute et de questionnement acceptait de le laisser dormir.
Il déambula donc plusieurs minutes durant, esquivant les groupes d’élèves et de maîtres qui marchaient, discutant des propriétés de telle ou telle plante, jusqu’à enfin trouver un petit coin reculé, au milieu d’un parterre de fleurs de toute beauté. Enlevant son manteau et le roulant en boule en guise de coussin, le jeune homme s’allongea et croisa les bras derrière sa tête, essayant de faire paix dans son esprit en espérant que cette sérénité le fasse plonger dans un état de repos dont il aurait désespérément besoin dans les jours à venir.

Ressentant le calme et la chaleur de cet endroit, les yeux du garçon finirent par se fermer après plusieurs minutes, lentement, calmement…peut-être que ce ne serait pas une si pénible journée après tout.
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Lorsque les rayons du soleil illuminèrent une figure rousse endormie dans sa chambrette spartiate du Temple jedi, celle-ci émit un grognement peu élégant, avant de comprendre qu’il ne servirait à rien de lutter plus longtemps : Alyria était réveillée, une nouvelle journée commençait. Après un débarbouillage en règle, elle s’habilla avant de vérifier machinalement les fixations de sa prothèse, vieille habitude depuis son amputation, qui ne servait pas à grand-chose hormis la rassurer. Ces détails ajustés, la trentenaire prit son sabre et l’accrocha à sa ceinture, puis sortit.

Une fois restaurée, Alyria décida de sortir s’entraîner à l’extérieur : le temps était clément, et elle n’avait pas de cours de prévu ni de réunion quelconque : bref, elle avait la matinée pour elle, ce qui signifiait pour cette acharnée du perfectionnement, une chance d’améliorer un peu plus ses performances physiques. C’est donc avec aplomb qu’elle arriva dans le parc du Temple, où papillonnaient joyeusement les autres membres de l’Ordre, facilement reconnaissables d’ailleurs.

Quelques grappes d’initiés se courraient après, leurs cris de joie enfantins berçant délicatement Alyria, qui se revoyaient à leur place des années auparavant, à l’époque où tout n’était qu’un jeu, un prétexte pour apprendre ou bavarder. En soi, cette innocence lui manquait, ce sentiment qu’être jedi offrait le pouvoir de changer le monde, de devenir un héros admiré de tous. Ah, la beauté de l’idéalisme de la jeunesse… Mais cette époque était révolue, les années et les épreuves l’avaient fait mûrir, sans doute pour le meilleur, bien que la nostalgie d’un âge plus tendre la prenne de temps en temps. C’était le cours naturel de la vie : jeune, on désire grandir le plus vite possible, et plus vieux, on commence à regretter sa folle jeunesse.
Des maîtres conversaient calmement à côté, figures vigilantes de sagesse, et Alyria salua ceux qu’elle connaissait au passage, s’inclinant respectueusement devant les plus vénérables, plaisantant agréablement avec ceux de son âge. A côté de certains, parfois intimidés par la nouvelle venue, parfois ouvertement inquisiteurs se tenaient leurs padawans, qui suivirent l’exemple de leurs maîtres respectifs.

Enfin, arrivant, près d’un coin plus tranquille, Alyria remarqua une silhouette endormie sur un parterre de fleurs de toute beauté. Difficile de se tromper sur le propriétaire de cette tignasse brune qui surmontait un corps de plus de deux mètres de haut remarquablement musclé : Lorn Vocklan, l’un de ses plus vieux amis et également maître d’armes, dormait tranquillement au soleil. Dire que les deux sabreurs se connaissaient bien tenait quasiment de l’euphémisme : ils avaient quasiment le même âge, avaient grandi et passé les grades de l’Ordre ensemble, sans compter leur goût commun pour l’art martial. Dès leur plus jeune âge, leurs duels dantesques attiraient un public nombreux, qui n’avait fait que s’accroître à mesure que les années passaient. Aujourd’hui, quand les deux maîtres décidaient de s’engager dans un combat amical pour un entraînement ou une démonstration de techniques, le bruit courait dans tout le Temple. En effet, entre la puissance formidable de l’Epicanthix et la grâce souple de la demi-echanie, c’était une différence de style qui atteignait un pic quand les deux décidaient d’employer leurs formes préférées. Cependant tous deux partageaient cet amour du duel et cette volonté de s’améliorer qui faisaient que ces combats étaient quasiment un ballet martial, que l’on eût presque pu suivre uniquement pour le plaisir des yeux et la beauté de la discipline.
Mais plus qu’un compagnon d’armes, Lorn était un véritable ami, de ceux à qui on parle de tout et de rien, sa franchise permettant souvent à Alyria de laisser un peu tomber ses manières policées pour dire le fond de sa pensée sur de nombreux sujets. 

Résistant à l’envie de le réveiller, Alyria commença à s’échauffer doucement, puis augmenta peu à peu la cadence et la difficulté de ses étirements, sous les regards admiratifs de certains initiés passant par-là. Des années d’entraînements physiques intenses et une complexion rare due à son métissage avaient doté la jedi d’une souplesse impressionnante ainsi que d’une grande agilité, qu’elle entretenait avec soin.

Puis, sentant ses muscles suffisamment relâchés, Alyria commença à courir, alternant petite foulée et phase de course autour du parc. Ce footing matinal était un de ses rituels d’entraînement qui datait de son initiation au Temple, et elle en appréciait les vertus calmantes : courir ainsi, les muscles déliés, sa chevelure flamboyante au vent, lui permettait momentanément de ne plus penser à rien qu’à sa respiration, aux inflexions de son corps, le choc de son talon sur le sol… Pour un temps, elle oubliait sa main mécanique, la situation actuelle, les problèmes politiques… Rien d’autre ne comptait que la sueur sur son visage et le goût de l’air qu’elle aspirait à larges goulées. C’était presque enivrant.

Inconsciemment, comme si son corps avait senti son besoin de se vider la tête, elle continua ses tours de parc, allongeant les foulées avant de se mettre à courir complètement, mettant à profit sa vitesse naturelle. Bientôt son monde se résuma à une grande suite de tâches vertes qui défilaient rapidement devant ses yeux entrouverts. Elle était bien. Cependant, au bout d’une bonne heure et demie d’un tel traitement, ses muscles commencèrent à émettre quelques protestations, et Alyria sut qu’il était temps de s’arrêter.

Les vêtements trempés de sueur, elle s’arrêta pour reprendre son souffle et constata avec amusement qu’elle était revenue à son point de départ… Et que Lorn n’avait pas bougé. Mais à voir les sourires sur les visages de quelques initiés turbulents, il n’allait pas tarder à être réveillé en fanfare. Prenant pitié de son ami, Alyria s’avança et interpella les petits plaisantins d’une voix douce mais ferme :

« Eh bien jeunes gens, n’avez-vous pas un cours en ce moment-même ? »

Inutile de préciser que nier la vérité face à un maître couvert de sueur et arborant une cicatrice des plus impressionnantes au visage ne traversa pas l’esprit des jeunes gens, qui s’en allèrent le plus discrètement possibles, manifestement peu désireux de subir un sermon sur la nécessité de la ponctualité et des études. Avec un sourire indulgent mais satisfait, Alyria les regarda s’éloigner, avant de se tourner vers le dormeur.

Doucement, elle s’assit à côté du grand gaillard et, posant sa main valide sur son bras, entreprit de le réveiller gentiment :

« Je crois que je viens de te sauver d’une horde de padawans farceurs, mon ami. Tu devrais aller te reposer dans tes quartiers si tu es fatigué. Après tout, les lits sont faits pour dormir, tu sais. »

La plaisanterie était évidente aussi bien dans son ton que dans son regard émeraude pétillant de malice. 

Alyria étira ses muscles endoloris après leur rude mise à contribution, et déclara en souriant :

« Quoique je te comprends. On est vraiment ici. Ce parc a la faculté de vider la tête je trouve. Pas toi ? »
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Le jeune garçon était déjà venu dans le parc pour profiter du calme qui y régnait et pour suivre des cours assommants mais c’était il y a une éternité de cela, cela faisait bien longtemps qu’il n’était pas venu ici plus de quelques minutes, cela faisait bien trop longtemps qu’il n’avait pas pris le temps de…prendre le temps. Depuis sa nomination au grade de chevalier sa vie n’avait été qu’une course perpétuelle à l’amélioration et à l’excellence, une course pour être digne des enseignements de son maître et plus tard une course pour montrer qu’il était digne du grade de maître et digne de forger sa propre voie. Cela faisait des années qu’il ne s’était pas arrêté pour dormir un petit peu plus que ce dont son corps avait besoin, sans parler de grasse matinée, cela faisait bien trop longtemps qu’il ne s’était pas arrêté pour profiter de la vie et de tout ce qu’il y avait autour de lui…qui aurait cru que ce soit le manque de sommeil qui finisse par le pousser à s’arrêter un instant ? Il avait donc trouvé un chemin assez discret dans le parc, au milieu des plantes et des fleurs en espérant que personne ne le remarquerait et surtout en espérant que personne ne viendrait le réveiller. Après tout il était venu ici pour se reposer, pas pour converser avec tous les curieux qui passeraient devant lui.
Pendant facilement deux heures le jeune homme était resté là, paisible, l’esprit calmé par le silence qui régnait dans ce coin autant que par l’odeur de ces fleurs autour de lui, une odeur qu’il n’avait pas ressentie depuis bien trop longtemps. Mais bientôt, au milieu de ces ténèbres et de ce silence une voix et un doux parfum si familiers vinrent sortir le jeune homme de sa torpeur, le faisant douceur ouvrir les yeux comme s’ils étaient restés collés pendant des années. Ouvrant les yeux et s’habituant à la lumière qui l’éblouissant, le jeune homme tourna la tête et mis quelques secondes à mettre un nom sur la forme flou qui s’était assise à côté de lui…et vous savez ce qui le mit sur la voie ? Cette longue et magnifique crinière de feu, ni plus ni moins.
Même à moitié endormi, même après ne pas l’avoir vu depuis un moment, le jeune homme aurait reconnu pareille femme entre milles, il n’aurait pas pu se tromper même s’il l’avait voulu car il avait trop souvent côtoyé cette femme pour pouvoir la confondre. De par son isolement lié à son désir de perfectionnement, il n’y avait que peu de jedis de son âge avec qui il s’était déjà senti proche, mais avec Alyria c’était une toute autre histoire…c’était sans doute, avec son propre maître, le membre de l’Ordre avec qui il s’entendait le mieux. N’avez-vous jamais souhaité vous faire réveiller par une jolie fille ? Eh bien Lorn était assez chanceux pour l’être sans vraiment l’avoir demandé…il y avait bien pire vue au réveil que maître Von, croyez-moi.
Se redressant en s’aidant de ses bras comme de leviers, le garçon porta la main à sa bouche pour étouffer un bâillement soudain, preuve qu’il devait tout de même avoir assez bien dormi malgré les circonstances. Adressant un léger sourire à la demoiselle, le garçon se frotta lentement les yeux tout en lui répondant :

« Vraiment ? Eh bien merci. Je ne m’attendais pas à ce que quelqu’un me réveille…j’en avais presque oublié où j’étais. »

Oui c’était étrange mais pendant un instant il avait tout oublié de l’endroit où il se trouvait, pendant un instant il avait juste profité de ce repos bien mérité sans se poser de question…pourquoi gâcher un moment avec tout un tas de questions lorsque l’on peut simplement en profiter, sans complication ? Mais apparemment sa camarade ne l’entendait pas de cette oreille et elle avait en partie raison, si chaque jedi avait une chambre à part ce n’était pour faire joli et peut-être aurait-il dû se forcer à y rester jusqu’à ce que le sommeil finisse par venir. Peut-être…mais ce fut le manque de certitude qui le poussa à changer de méthode. Soupirant légèrement devant ce triste constat, celui qui montrait qu’il devait trouver des moyens farfelus pour dormir, le jeune maître avoue à son amie :

« Je n’ai pas réussi à trouver le sommeil cette nuit et je me suis dit qu’un lieu un peu plus reposant pourrait m’aider. »

D’ordinaire les maîtres étaient toujours assez formels entre eux, prenant milles précautions avant de sortir un mot de leur bouche si bien que toute trace de spontanéité disparaissait irrémédiablement. Mais cela faisait du bien d’avoir une amie dans l’Ordre, cela faisait du bien de pouvoir sortir tout ce qui lui passait par la tête sans crainte d’être jugé ou rabroué…cela faisait du bien de pouvoir être franc de temps en temps, surtout pour quelqu’un dont la diplomatie n’était pas la plus évidente qualité.
Se frottant l’arrière de la tête comme pour remettre en place ses idées, le garçon porta sa main à la petite bouteille d’eau qu’il gardait toujours sur lui quand il s’entraînait, afin de se désaltérer. Il en prit une gorgée avant de tendre la bouteille à sa camarade dont les vêtements trempés de sueur attestait de l’effort qu’elle avait fait avant de s’arrêter ici.

« Ce n’est pas vraiment le comportement modèle que l’on attendrait d’un maître, j’en conviens, mais j’ai réussi à fermer les yeux quelques instants. Ce n’est pas si mal. »

Relevant les yeux sur son amie qu’il n’avait pas vu depuis plusieurs jours voire plusieurs semaines, le garçon tenta un changement de sujet assez peu discret en lui demandant :

« Et toi, alors, qu’est-ce que tu fais ici ? Je ne t’ai pas croisée depuis quelques jours.»

Autour de lui les curieux avaient fini par s’écarter et par retourner à leurs occupations, il ne restait dans cette partie du parc que deux amis discutant dans cet endroit paisible… n’était-ce pas suffisant ?
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Patiemment, Alyria attendit que son ami termine de réveiller, ses yeux bleu cyan papillonnant tout autour de lui, encore engourdis de sommeil, avant de se fixer sur son abondante chevelure rousse, qui était en effet généralement une bonne marque de reconnaissance : difficile d’ignorer la couleur de feu de ses longs cheveux, qui la distinguait souvent de la masse, rendant au passage toute tentative de discrétion peu aisée, ce que les années et les cicatrices n’avait pas franchement arrangé.
 
Cependant, la culpabilité l’envahit quand Lorn lui expliqua pourquoi il avait décidé de piquer un petit somme à cet endroit. La sang-mêlé savait parfaitement ce que cela faisait de ne pas trouver le sommeil, étant donné les douleurs nocturnes qui la tiraillaient souvent, que ce soit au visage ou au bras, conséquences de ses blessures les plus récentes et sérieuses. Aussi elle s’empressa de s’excuser platement, arborant un air contrit :

« Oh, désolée, si j’avais su que tu n’avais pas dormi de la nuit, je ne t’aurais pas réveillé ainsi. Excuse-moi, Lorn. Je sais ce que c’est que d’avoir des insomnies. »

Heureusement, son ami ne semblait pas lui en tenir rigueur puisqu’un léger sourire apparut sur ses lèvres, et qu’il lui tendit bientôt une bouteille d’eau fraîche qu’elle accepta avec gratitude. Le liquide lui fit un bien fou après sa course effrénée des heures précédentes, et elle ne put retenir un petit soupir de contentement après avoir avalé la boisson. Se redressant un peu, Alyria croisa ses longues jambes de façon à s’asseoir en tailleur, position devenue familière, après toutes ces années de méditation. Etre jedi laissait quelques traces.

« Merci beaucoup, j’avoue que ma gorge commençait à crier grâce pour un peu d’eau. Encore un peu et le self allait me voir débarquer en trombe et me jeter sur le premier bidon contenant un liquide potable. »

Alyria avait toujours eu un certain sens de l’humour, mais elle ne l’utilisait aussi souvent qu’en présence de personnes de confiance, comme une sorte de marque d’affection. Certains maîtres de sa connaissance n’étaient guère le genre de personnes à apprécier ce genre d’usage des mots, aussi la jeune femme faisait attention à son interlocuteur avant de laisser le naturel prendre le dessus. Il était d’ailleurs amusant de constater qu’elle avait sans doute hérité ce trait de caractère de son père, même si à l’époque, elle avait été trop jeune pour comprendre vraiment les « plaisanteries de militaires » qu’échangeaient son paternel et ses vieux amis, ce qui, étant donné la teneur pour le moins… épicée des propos dont elle se souvenait aujourd’hui, était probablement pour le mieux. Alyria préférait les jeux de mots subtils ou l’ironie légère, ce qui convenait clairement mieux à sa position. Les plaisanteries grivoises auraient un peu juré avec son environnement jedi…

Après avoir fini de se désaltérer, elle écouta la question de son ami avec attention, et répondit avec chaleur, sachant que le guerrier comprendrait parfaitement son besoin d’entraînement :

« Comme il faisait particulièrement beau ce matin, j’ai décidé de faire mon entraînement matinal dehors, et vu que les étirements étaient un peu faciles, et que la piste était dégagée, j’en ai profité pour faire un petit footing… Enfin une petite course plutôt, tu sais ce que c’est… Une fois qu’on a commencé, il est difficile de ne pas se donner à fond. Je t’avais aperçu à mon arrivée en train de dormir, mais quand j’ai vu les initiés comploter joyeusement autour de toi à mon retour, je suis intervenue. Ah, ces adolescents… Dire qu’on était comme eux il n’y a pas si longtemps ! » Conclut Alyria en riant, se souvenant effectivement de ses jeunes années avec affection.

« Ce n’est guère étonnant que tu ne m’ais pas vu depuis un petit moment, j’ai passé pas mal de temps à l’infirmerie pour vérifier que la cicatrisation se passait correctement, déclara la jeune femme en montrant sa balafre au visage du bout de la main droite, sans compter les soins pour les nerfs de ma main gauche… Et après, j’ai dû me rendre sur Coruscant pour un entretien avec Valérion Scalia, le candidat à la chancellerie. Apparemment, il voulait me remercier pour services rendus sur Artorias, mais j’ai plus eu l’impression qu’il cherchait à sonder nos positions au cas où il serait élu. Je me demande bien ce que cette élection va donner… »
 
Comme Alyria tenait à ne pas trop monopoliser la conversation, elle ajouta :

« Enfin, assez parlé de moi. Parlons plutôt de toi, j’ai appris que tu avais pris une padawan sous ton aile ? Félicitations, c’est un sentiment grisant, tu ne trouves pas ? Se dire qu’on va pouvoir transmettre ses connaissances à une personne, la regarder grandir dans la Force… Bon, je l’avoue, c’est un peu anxiogène aussi. Mais après, les liens qui se tissent sont tellement forts… J’ai l’impression que c’était hier qu’Armod est devenu Chevalier… »

L’accession au grade de chevalier de son propre padawan avait été l’un des moments les plus gratifiants de son existence, et ce malgré les circonstances. Elle se revoyait, fière, dans l’habit traditionnel de cérémonie de l’Ordre, regardant son ancien padawan prononçait les antiques paroles de la voie des jedis… Seule ombre à ce tableau, le souvenir de son moignon mutilé caché dans les plis de sa bure brune, puisqu’elle n’avait pas encore choisi de prothèse à l’époque. Chassant ces pensées peu réjouissantes de sa tête, Alyria déclara avec douceur :

« En tout cas, je suis sûre que tu feras un excellent maître. Tu es un très bon pédagogue, les initiés adorent tes cours, ils m’en parlent même de temps en temps en comparant nos techniques, c’est pour dire ! »

Puis, incapable cependant de contenir les inquiétudes que créaient en elle les événements récent, elle ne put s’empêcher d’ajouter à voix basse :


« Par les temps qui courent, tu me diras, mieux vaut que les padawans soient bien entraînés. L’avenir m’a l’air des plus nébuleux, mais je doute, surtout après mon entretien avec le sénateur Scalia, que la paix soit assurée… »
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Cela faisait bien longtemps que le jeune homme avait oublié la sensation que procurait une longue et complète nuit de sommeil, une de celles où il pouvait se permettre de rester au lit bien plus longtemps qu’il n’était raisonnable mais cette petite sieste au milieu des fleurs venait de lui redonner un aperçu de ce que cela faisait. Même s’il n’avait que peu dormi son corps semblait plus reposé qu’il ne l’avait prévu, ce qui était bien sûr une bonne chose, mais cela n’empêcha pas sa charmante camarade de se sentir coupable pour l’avoir sorti de son sommeil sans se douter qu’il en avait autant besoin…mais comment aurait-elle pu le deviner de toute façon ? Se redressant et posant sa main sur l’épaule de la demoiselle pour la rassurer, le garçon lui répondit :

« Oh non, Aly, ça ne fait rien Tu ne pouvais pas savoir. Normalement je dors comme un bébé…mais pas cette nuit. Je n’avais pas perdu le sommeil depuis bien longtemps. »

La dernière fois qu’il avait réellement perdu le sommeil remontait à sa vie de padawan, lorsque sa nouvelle vie s’entrechoquait avec les violents souvenirs de son ancienne vie, la contradiction entre ces deux vies torturant son esprit au point de ne pas en trouvant le sommeil. Mais tout cela était de l’histoire ancienne maintenant, depuis cette période il n’avait jamais raté une nuit de sommeil jusqu’à aujourd’hui…c’était étrange qu’une si petite chose comme la nomination de sa première padawan provoque chez lui un tel trouble que le sommeil lui soit refusé. Regardant sa camarade se désaltérer et souriant à son petite trait d’humour dont il ne se lassait pas, car il était rare de croiser un jedi avec de l’humour, le garçon enchaîna avec :

« J’ai pris l’habitude de ne plus aller nulle part sans une de ces petites merveilles. Elles m’ont sauvé la vie plus d’une fois. Je ne me rappelle pas le nombre de fois où j’ai eu envie de piquer la bouteille d’un initié pour ne pas mourir de soif.»

Le garçon fut amusé par la réaction de la demoiselle qui se rappelait avec été une initiée à son tour il n’y avait pas si longtemps que cela…pas si longtemps ? Certes, il était difficile de bien accepter le passage du temps sur son corps mais il fallait tout de même avouer que cela faisait au moins une décennie voire deux que le jeune homme n’avait pas été un initié à son tour. Les temps changeaient et il fallait bien l’accepter. Souriant à ce triste constat, il ajouta :

« Il n’y a pas si longtemps ? Ça fait au moins une bonne décennie, et j’avoue que ça ne me rajeunit pas. Il faudra que je pense à une punition appropriée pour eux, ça leur passera l’envie de s’amuser au lieu de travailler. »

Si cela sonnait bien dans sa tête au moment où il y avait réfléchi, cette idée de punition sonnait comme celle d’un vieux maître sexagénaire lassé par l’énergie de tous ces jeunes gens…depuis quand sonnait-il comme un vieux croûton, de la sorte ? Soupirant devant ce triste constat, le garçon prit une mine déçue avant de lancer :

« Et voilà que je parle comme un vieux maître. Décidément… »

Bientôt sa camarade en vint à lui expliquer tout ce qu’elle avait fait récemment et il fallait bien dire qu’elle avait été pas mal occupée, c’était la raison pour laquelle ces jeunes gens n’avaient pas pu se croiser auparavant depuis quelques semaines maintenant. Si le jeune homme nota son voyage jusqu’à Coruscant, ce furent ses soins qui inquiétèrent davantage le jeune homme au point qu’il posa les yeux sur la prothèse de la demoiselle avant de lui demander :

« Elle te fait toujours souffrir, ta main ? »

Le souvenir de cette main était bien ancré dans l’esprit du jeune homme comme preuve de son échec en tant que jedi. IL avait échoué à sauver sa camarade à temps pour éviter qu’elle ne perdre sa main et si pour certains ce n’était qu’une épreuve de plus à surmonter, pour le jeune homme c’était la preuve que malgré tous ses entraînements il y avait toujours des choses qui restaient en dehors de sa portée et c’en était frustrant. Chassant ces idées noirs de son esprit fatigué, il enchaîna sur le voyage de la demoiselle par :

« Coruscant hein ? Dire que je vais y remettre les pieds d’ici peu. Je vais aider maître Berryl dans son initiative pour y reconstruire le Temple. Entre ça et les élections, on ne va pas avoir le temps de s’ennuyer. »

Désormais et du fait de la nomination de sa nouvelle padawan, le jeune homme ne pouvait plus se contenter de rester enfermé dans la salle d’entraînement comme il le faisait tous les jours depuis si longtemps. Il allait devoir changer ses habitudes et s’adapter aux besoins de sa nouvelle protégée et quoi de mieux pour cela que de partir en mission sur le terrain ? L’objectif de maître Berryl était tout à fait louable et il aurait besoin de tous les bras disponibles…et Lorn était à peu près sûr que sa padawan attendait avec impatience de pouvoir explorer le monde extérieur. Ce serait une bonne occasion de renforcer ce lien entre maître et élève…ce tout premier lien. Mais apparemment même si la nouvelle n’avait été officialisée que la veille, elle avait déjà fait le tour du Temple si bien que son amie à la crinière de feu était déjà au courant de cela.
Mais savait-elle que c’était cette nomination qui empêchait le garçon de dormir ? Probablement pas. Se penchant et voûtant les épaules, il lança dans un soupir :

« Alors tu l’as su, hein ? Les nouvelles vont vite. Je pensais que j’aurais plus de temps pour me préparer à la nouvelle, pour savoir quoi dire ou quoi faire mais c’est si…soudain. Je devrais être content et honoré mais au lieu de cela j’en perds le sommeil, tu parles d’un maître… »

Manier son sabre jour après jour et montrer ce qu’il avait appris au fil des années au plus jeune était une chose, mais prendre en main une formation complète comme son maître l’avait fait avant lui était une toute autre chose à laquelle il ne s’était jamais vraiment préparé. Il savait que tôt ou tard il devrait devenir un maître à part entière, il savait qu’il devrait sortir de son cocon que représentait cette salle d’entraînement mais il avait repoussé l’échéance encore et encore jusqu’à arriver au pied du mur. Il ne pouvait plus reculer, il ne pouvait plus se trouver d’excuse : c’était bien trop tard pour ça.
Souriant à sa camarade en décrochant un sabre de sa ceinture et en le regardant d’un œil vite et distrait, il avoua :

« Quand il s’agit de la maîtrise du sabre laser, je sais que je n’ai pas de soucis à me faire. Mais me charger de la formation complète d’une padawan c’est une autre paire de manches. Je ne me suis jamais vraiment préparé à ce moment…mais peut-être que je me prends trop la tête pour pas grand-chose. »

Son manque de confiance en lui avait toujours été la raison pour laquelle il n’avait formé personne jusqu’à maintenant, ne se sentant pas forcément capable d’une telle responsabilité. Tournant ensuite la tête vers son amie qui évoquait des éventuels problèmes à venir, il arqua un sourcil de surprise et d’inquiétude non-dissimulée avant de lui demander :

« Qu’est-ce qui en est ressorti de ton entretien ? D’ordinaire j’évite les politiciens autant que les hutts mais j’ai l’intuition que nous allons avoir un rôle à jouer dans cette élection. C’est…flou. »
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En entendant Lorn l’appeler par son surnom, Alyria ne put s’empêcher de sourire de toutes ses dents. L’epicanthix était bien le seul à la nommer ainsi, ce qui donnait une saveur particulière à ce petit nom, comme une marque qui rendait unique leur relation. Il fallait avouer que bien peu au Temple aurait osé s’adresser ainsi à celle qui était davantage connue sous le nom de la « Main brisée. » Dire que la trentenaire préférait l’appellation de son ami était un doux euphémisme, mais surtout, elle lui plaisait parce qu’elle avait un goût de familiarité, d’intimité agréable.

Entendre Lorn répondre à sa plaisanterie la mit en joie également, car elle appréciait quand son ami se laissait un peu aller, et surtout quand elle avait un interlocuteur répondant à ses traits d’humour, car alors elle pouvait continuer à faire parler cette partie d’elle peu connue du grand public, mais caractéristique de sa personnalité quand elle se dévoilait à ceux qu’elle organisait comme ses plus proches compagnons. D’ailleurs, elle ne se priva pas de continuer la conversation sur le même ton léger : en ces temps troublés, ils avaient bien besoin de rire :

« Hum, je comprends ce sentiment. On pourrait organiser des raids de survie pour obtenir de l’eau dès qu’on en a besoin… Oh, la bonne idée, et je vois déjà la tête du Conseil quand on ira leur expliquer qu’on réorganise à nous deux la distribution de boisson pour plus d’accessibilité : ils vont adorer. »



Rien qu’à imaginer les têtes des vénérables maîtres du Conseil en train d’écouter une telle idiotie, Alyria ne put s’empêcher de rire. Quelles bêtises elle pouvait imaginer parfois… Comme le fit remarquer, c’était vrai qu’ils n’avaient plus vingt ans, mais pourtant, quelque part, la jeune femme avait l’impression d’avoir conservé une partie de cette curiosité adolescente qui traversait la jeunesse avec tant d’énergie. Tout en s’appuyant sur ses coudes afin de s’allonger plus confortablement, elle répondit à son ami doucement :

« Tu as raison, ces années sont loin présent, et pourtant, j’ai parfois l’impression de me revoir au même endroit au même âge que tous ces adolescents. Peut-être que je regrette un peu ce moment où tu penses que tout est possible, que tu as la vie devant toi et qu’elle va t’apporter de merveilleuses choses qu’il n’appartient qu’à toi de découvrir. »



Alyria fit une pause, puis continua à développer son idée, la voix plus ferme, plus sereine…plus sage aussi sans doute :

« Mais un jour, tu te rends compte que ces années de tous les possibles sont terminées, et que tu as tracé ta voie, ton destin, en fermant des portes et en ouvrant d’autres. Nous vieillissons, et j’espère que nous sommes un peu plus sages que quand nous étions jeunes, cependant, pour être parfaitement honnête, je ne suis pas sûre qu’il nous faille complètement abandonner cet état d’esprit de nos jeunes années. Croire encore que tous est permis même quand il n’y a plus d’espoir, n’est-ce pas là l’essence même notre mission de jedi ? »



Puis, laissant échapper un petit rire, la maîtresse d’armes déclara :

« Eh bien, on dirait qu’on fait la paire tous les deux, entre toi qui pense à la manière de corriger les padawans et moi qui philosophe de bon matin… Dans vingt ans, on risque d’être un duo de vénérables terreurs d’élites ! »



Néanmoins, cette petite parenthèse amusante prit fin quand Lorn s’inquiéta de l’état de sa main, et Alyria se rembrunit légèrement, perdant son attitude insouciante pour faire apparaître une mine sérieuse. Elle sentait le regard de son comparse sur la prothèse, aussi de sa main valide, elle fit glisser le gant blanc qui la cachait habituellement pour révéler l’engin mécanique au soleil. C’était une prothèse ordinaire, de style militaire, dans un alliage de différents métaux faits pour résister aux pires chocs. Mais c’était aussi une meurtrissure dans sa chair et dans son talent pour le duel, le souvenir d’une de ses plus grandes victoires et, paradoxalement, de sa plus cruelle défaite. Laissant ses doigts mécaniques se refermer sur sa paume, elle inspira profondément avant d’expliquer :

« Les guérisseurs du Temple pensent que le sorcier sith que j’ai combattu avait empoisonné son sabre, ou en tout cas protégé la lame avec je ne sais quelle sorcellerie, à moins tout simplement que le coup n’ait été particulièrement violent en tout cas, les nerfs ont été trop endommagés pour que les terminaisons nerveuses des prothèses fonctionnent correctement. En soi, les fixations doivent forcer pour obtenir la transmission des messages du cortex, d’où la récurrence des douleurs, tout du moins, c’est ce que j’ai compris. J’essaye de m’habituer, de faire ce travail psychologique mais… Quelque part, je n’arrive pas à voir cette prothèse comme ma main, c’est… Quelque chose d’autre. Je ne saurais pas l’expliquer. Enfin, d’autres plus ont souffert que moi pour des blessures autrement plus graves, je pense qu’il faut que j’arrive à faire le deuil de cette partie de moi-même et que j’arrive à faire abstraction de tout cela pour que ça commence un peu à aller mieux. Enfin, en tout cas, ça ne pourrait pas faire de mal. »



C’était en effet tout le problème d’Alyria, car la perte de sa main était la source de souffrances tant physiologiques que psychologiques, et elle n’arrivait pas à dire lesquelles étaient les plus graves, ou laquelle influençait l’autre. C’était une équation à double inconnue qu’elle tentait de résoudre depuis presque deux ans, et elle n’avait toujours pas trouvé la solution, ou plutôt, si elle l’avait trouvé, elle n’arrivait tout simplement pas à l’appliquer. Comme les avaient souvent mis en garde leurs maîtres des années auparavant, les plus grandes souffrances ne sont pas forcément physiques.
 
Les doutes menaçant de revenir envahir son esprit de leur poigne de fer, Alyria sauta sur le changement de conversation pour les chasser, accueillant la nouvelle du départ prochain de son ami avec une exclamation de surprise :

« Oh ! Je ne savais pas que tu comptais participer à ce projet. J’hésite moi-même à le faire, mais du coup, si tu pars, il ne restera qu’un maître d’armes à demeure ici, mieux vaut peut-être qu’on ne soit pas deux là-bas du coup. En tout cas, c’est sûr que tu ne vas pas t’ennuyer… Même si nos duels vont me manquer ! » Finit-elle en lui donnant une bourrade amicale.

Forcément, la partie non dite de la phrase flottait dans les airs, tant le « et tu vas me manquer beaucoup plus » était évident. Se séparer d’un vieil ami pour un temps indéterminé peinait toujours, surtout quand ledit ami était aussi proche de soi que Lorn pouvait l’être d’Alyria, mais la bretteuse savait que leurs devoirs passaient avant tout le reste. C’était pour cela que les jedis mettaient en garde contre l’attachement, même en amitié quand cela s’avérait nécessaire, aussi elle n’insista pas. Elle savait ce que leurs vies impliquaient, aussi elle décida de profiter de ce petit moment de tranquillité pleinement.

Enfin, Lorn lâcha ce qui apparemment le préoccupait : l’idée de ne pas être à la hauteur pour enseigner à sa padawan. Et pour le coup, Alyria décida de taper du poing sur la table, enfin sur les fleurs plus précisément. Avec force, et alliant le geste à la parole, elle déclara :

« Lorn ! Ecoute-moi bien : tu es l’un des maîtres d’armes de ce temple, un maître jedi reconnu pour ses services rendus au Temple et son enseignement au Temple, un atout pour nous tous, et tu t’inquiètes de ne pas être capable d’enseigner à une élève de plus ? Si tous les chevaliers qui prennent des padawans étaient aussi consciencieux que toi, ça nous éviterait sans doute beaucoup de problèmes. C’est normal de ne pas savoir où l’on va, c’est une nouvelle expérience, comme une nouvelle botte à créer : tu ne sais pas par où commencer, tout arrêt de tes progrès te frustre, mais à la fin, tu finis par obtenir l’harmonie nécessaire entre ton esprit et ton sabre et tu réussis l’enchaînement parfait. Eh bien, l’entraînement d’un padawan, c’est exactement ça : tu réussiras, à ton propre rythme, comme tu le sens, avec tes erreurs et tes progrès, et à la fin, tu verras ta nouvelle élève s’élever grâce toi. C’est normal de s’inquiéter, mais je t’assure que tu seras un excellent professeur. Eh, j’ai plus de vingt-cinq ans d’expériences « lornienne » pour appuyer mes dires ! »



De temps en temps, Alyria savait qu’un discours mêlant encouragements et remise en question était un remède souverain contre les doutes, sans compter que les métaphores de bataille avaient souvent le don de transmettre un certain nombre de messages, surtout entre maîtres d’armes.

Quand à dire ce qu’elle avait retiré de son entrevue avec le sénateur d’Artorias, c’était une autre affaire. L’entrevue avait été longue, intéressante, et un exercice de rhétorique de haute voltige… Bref, tout ce qu’elle appréciait sur le plan purement intellectuel.

« Officiellement : une décoration pour les jedis ayant combattu sur Artorias et des propositions pour améliorer la coordination entre nos forces et celle de l’armée de la République. Officieusement, c’est une autre histoire. Je pense qu’il voulait sonder nos positions et voir s’il allait trouver des appuis parmi certains d’entre nous. »



Soupirant légèrement, Alyria continua plus bas, des fois que des oreilles indiscrètes traînent dans les parages :
 

« Très sincèrement, ce n’est pas comme si les positions que Valérion Scalia défend ne risquent pas de trouver un certain écho parmi les nôtres. Je veux dire, objectivement, malgré la neutralité que nous devons observer, je sais que certains pensent que nous devrions nous concentrer sur l’élimination des siths et non sur la réalisation de la paix avec eux. Et clairement, que ce soit les positions fermes de Scalia ou celles plus mesurées d’Emalia Kira, les deux se rejoignent sur un point : la renégociation du traité. Déjà que je ne suis pas sûre que le nouvel empire accepte sans rechigner, si en plus des incidents venaient à éclater pendant l’élection… Je n’ose imaginer la réaction en chaîne qui s’ensuivrait, mais ça risquerait de ne pas être très beau à voir. »
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Qu’il soit un enfant, un garçon ou un homme, Lorn avait toujours été d’un naturel assez discret et préférait nettement agir que discuter, ce qui expliquait peut-être qu’il devait être le maître le moins diplomate de tout l’Ordre jedi. Il n’aimait pas les longues discussions interminables qui ne tournaient qu’en rond, c’était probablement la raison pour laquelle il en suivait rien de l’évolution de la vie politique de la République car ces débats sans fin n’arrivaient qu’à l’endormir plutôt qu’autre chose. Mais cette aversion pour la politique et la diplomatie n’empêchait pas le jeune maître, pour autant, de discuter avec ses frères et sœurs afin de connaître leur opinion et de sonder l’avis général de l’Ordre sur la situation actuelle…certes, cela ne lui arrivait pas souvent car il passait son temps à s’entraîner mais pouvoir discuter avec quelqu’un comme Alyria, sans restriction, était une chose appréciable. Certes maîtres semblaient avoir oublié le manche à balai resté coincé dans leur arrière train depuis si longtemps tandis que d’autres, plus vieux, devenaient plus réactionnaires et moins tolérants face à leurs jeunes initiés. C’était vraiment plaisant de pouvoir parler avec quelqu’un sans avoir à faire attention à tout ce qui pourrait sortir de sa bouche, et si ces dialogues avaient été rares ces derniers temps, ils n’en restaient que plus délicieux.
Si le garçon avait été préoccupé par son entraînement et sa nouvelle padawan ces derniers temps, son amie avoir eu le temps de passer à beaucoup de choses. Les padawans avaient beaucoup d’idées en tête, des objectifs, des espoirs mais la vie finissait par leur apprendre la dure réalité et peu d’entre eux arrivaient à se relever. Depuis quand Alyria broyait-elle du noir de cette façon ? Depuis combien de temps Lorn avait-il été absent de sa vie pour ne pas remarquer ce changement plus tôt ? Essayant de la sortir de ces sombres pensées, le garçon sourit et lui lança une boutade avec :

« Je te trouve bien philosophe aujourd’hui. »

Mais en se permettant de parler honnêtement avec sa camarade, le jeune homme ne pouvait espérer que seules de bonnes et marrantes choses sortiraient de sa bouche, parfois les ténèbres sortaient et c’était le rôle de Lorn d’apaiser l’esprit de son amie. Quel genre d’ami serait-il s’il ne faisait rien pour elle ? Inspirant comme s’il puisait dans son courage, Lorn raccrocha son sabre à sa ceinture avant de reprendre :

« Blague à part, nous apportons la lumière et l’espoir à ceux qui n’en ont plus. Nous maintenons l’équilibre…comment amener cet espoir si nous n’y croyons même plus ? Tout est permis, il suffit de s’en donner les moyens, mais il ne faut pas croire qu’il ne nous arrive que des bonnes choses. Il faut accepter le bon comme le mauvais et continuer d’avancer…et c’est notre expérience du mauvais qui nous permet d’avancer plus facilement que les autres.»

C’était un triste constat mais malheureusement la vie n’était pas un long fleuve tranquille, il arrivait forcément des bonnes comme des mauvaises choses mais il fallait garder les bonnes et passer au-dessus des mauvaises…tout simplement. Malheureusement ce n’était pas à la portée de tout le monde de tourner la page, certains passaient des années à broyer du noir avant de voir le bout du tunnel…et certains autres n’en voyaient jamais le bout. Souriant de lassitude face au constat de sa camarade concernant le fait qu’ils agissent tous deux comme des vieux, le jeune homme renchérit :

« On agit comme des vieux avant l’âge, alors qu’on est toujours jeunes. Si ce n’est pas triste de voir ça… »

Mais bientôt le sourire du garçon s’effaça quand il posa les yeux sur la prothèse de sa camarade et que tous ces souvenirs peu plaisants remontaient à sa surface…cela faisait bien trop longtemps qu’il n’y avait pas pensé et il ne put que serrer les poings en regardant le corps mutilé de son amie. Baissant la tête comme si le poids de la culpabilité pesait bien trop sur ses épaules, il finit par avouer dans un souffle :

« Je crois que je ne l’avais jamais dit mais…je suis désolé, désolé de ne pas avoir été là pour empêcher ça. Je sais que je ne suis pas omniscient et omnipotent mais…désolé. »

C’était bête à dire et il le savait, il savait que tous les mots du monde ne ramèneraient jamais cette main manquante mais il avait besoin de sortir cette culpabilité pour aller de l’avant : il avait besoin de la sortir, de la rendre réelle et la combattre ^pour pouvoir accepter ce qui s’était passé ce jour-là. Il n’avait pas eu énormément d’échecs dans sa vie, pas autant que certains maîtres, mais ces évènements étaient marqués au fer rouge jusque sur son âme et la découverte de la mutilation de sa chère amie était l’un d’entre eux. Pendant quelques secondes il resta ainsi, vouté, les poings serrés à en faire blanchir ses phalanges jusqu’à ce qu’il puisse puiser dans la Force pour faire paix dans son esprit et se relaxer…se crisper et s’énerver contre lui-même n’était pas sain pour lui.
Finissant par chasser ces pensées de sa tête, il embraya ensuite sur sa mission à Coruscant et dû en dire un peu plus sur sa nouvelle padawan en avouant à son amie :

« Je me suis dit que ça ferait du bien à ma padawan, de voir le monde extérieur et de participer à quelque chose de grands, ça l’aiderai à avoir plus confiance en elle. Mais je reviendrai quand même ici autant que possibles, je ne voudrais rater nos affrontements pour rien au monde. »

Si le jeune homme s’était lié avec plusieurs maîtres au fil du temps, Alyria était probablement la seule excepté son maître pour lequel il traverserait la moitié de la galaxie s’il avait à le faire, sans l’ombre d’une hésitation. Mais bien vite il fut ramené à la réalité quand sa camarade lui lança, sur un ton grave qu’il n’avait pas entendu depuis bien longtemps, qu’il ne devait pas douter de lui. Plus facile à dire qu’à faire sans doute, mais la demoiselle touchait généralement facilement au but avec Lorn. Soupirant pour signaler qu’il était vaincu, le garçon souffla :

« J’imagine que tu as raison, comme toujours. Ce doit être mon perfectionnisme qui s’exprime. Maître Torm m’a bien formé et je veux être à la hauteur de son enseignement… j’ai le sentiment que Camalia va être un cas bien moins difficile que je ne l’ai été à mon époque. »

Comment aurait-il pu en être autrement ? Le jeune homme avait été un cas difficile comme il y en avait rarement au sein de l’Ordre, et son maître avait été capable de canaliser tout ça et le transformer en un jedi digne à part entière. Il n’y avait donc pas de raison que lui ne soit pas capable de former quelqu’un de moins…difficile.

« En parlant de ça, tu comptes former un autre padawan ou tu as autre chose en tête ? »

Bien vite son amie en vint au sujet le plus préoccupant du moment et pour lequel Lorn se montrait clairement le plus frileux. Que pouvait-il dire à propos de tout cela alors qu’il ne pourrait pas y changer grand-chose de sa seule petite personne ? Relevant la tête et se pencha en arrière jusqu’à lever les yeux au ciel, d’un air presque rêveur, il répondit à son amie à la crinière de feu :

« L’idée de devenir des soldats de la République ne me plait pas plus que ça. Nous sommes censés être des garants de la paix, rien de plus. Ces jeux de pouvoir me frustrent, je suis certain que les siths vont profiter des élections pour jouer double jeu et chambouler cette paix précaire. Et ce n’est pas l’animosité de certains de nos frères qui va aider à calmer le jeu…je sens que ça va me rendre dingue.»

Soupirant face à une situation qui ne ferait bientôt qu’empirer, le garçon en vint à se demander s’il n’aurait pas pu choisir pire moment pour former sa padawan. Il lança donc :

« Former un padawan au moment où la situation s’apprête à être encore plus troublée qu’elle ne l’est déjà…j’ai l’impression que la Force veut me mettre à l’épreuve. »

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Alyria savait qu’elle avait changé depuis son arrivée au Temple, pas seulement physiquement, mais également dans sa manière de voir les choses. Quelque part, sa mutilation avait eu un effet intéressant sur sa personne : celle que ne vivait que pour le frisson du duel et la beauté du combat avait dû se poser, méditer souvent, et avait ainsi commencé à développer une tendance plus grande que celle de sa jeunesse à réfléchir sur sa mission en tant que jedi, au sort de la galaxie, à pondérer davantage ses décisions. Certains auraient dit que c’était simplement l’âge qui la rendait plus sage, mais elle savait en son for intérieur que c’était autre chose, une tendance plus profonde à rationaliser et à s’intéresser au monde extérieur, pas seulement en tant qu’observatrice neutre, mais plus comme une analyste perspicace, quoique dépassionnée. Avait-elle perdu son allant pour autant ? La question méritait d’être posée : oui, elle n’avait peut-être plus cet optimisme aveugle de sa jeunesse, la bretteuse était désormais plus mesurée, mais elle n’avait pas foncièrement l’impression que c’était une mauvaise chose : c’était simplement différent, et elle éprouvait le besoin d’expliquer ce changement à une oreille attentive, amicale :

« Je crois que tu as raison, nos erreurs nous conduisent vers d’autres horizons, et c’est à nous de saisir cette chance de changer. En un sens, peut-être que ma blessure a été la chance de me poser, de réfléchir plus profondément à notre existence, notre mission, et la place que nous devrions occuper dans la galaxie. C’est étonnant, comme si j’étais devenue à la fois une personne un peu différente, et en même temps une autre moi-même. Peut-être qu’il était temps que je sorte de ma salle d’armes pour apporter autre chose à l’Ordre… Ou alors, sans doute que mon titre de maître commence à faire son travail sur moi et me changer en penseuse éclairée… enfin plus ou moins. »

Même si sa dernière phrase était clairement à prendre sur le ton de l’humour, en un sens, elle n’en demeurait pas moins vraie : Lorn et elle avaient dépassé la trentaine, étaient quasiment arrivé au sommet de l’échelle du Temple… N’était-ce pas le moment de se remettre en question ?

« J’ai l’impression d’être arrivée à un tournant de ma vie, comme si j’allais décider de continuer sur la même voie, ou bien de bouleverser mon quotidien. Tu as déjà ressenti cette sensation, ce besoin de faire quelque chose, de t’engager, de changer, de te mettre à l’épreuve d’une façon ou d’une autre ? »

Puis baissant un peu la voix, Alyria demanda doucement :

« Est-ce pour cela que tu as décidé de prendre une padawan ? »

C’est vrai, ils avaient vieilli, ou plus exactement…. :

« Je pense que d’une certaine façon, on a plus mûri que vieilli : sans doute est-ce pour le mieux, les responsabilités nous forcent à adopter de nouvelles attitudes, c’est un peu perturbant, mais en un sens, c’est normal. »

Décidément, sa petite course lui avait donné des envies de philosopher… A moins tout simplement que la présence tranquille de Lorn ne la calme et la pousse à deviser sereinement, en utilisant toute sa capacité à raisonner, sans crainte de jugement ou d’ennui de la part de son interlocuteur, un sentiment très agréable. Sentant néanmoins que leur discussion sur son amputation avait fait naître dans son ami une onde de regret, Alyria posa sa main sur le bras de son compagnon, insufflant à travers ce lien physique une onde de Force bienfaisante, pour lui faire comprendre autrement que par des mots qu’il n’avait rien à se reprocher, mais consciente que cela ne suffirait pas, elle verbalisa sa pensée :

« Tu n’as rien à te reprocher, je suis partie seule avec Armod sur Roon, personne ne pouvait savoir ce que nous allions découvrir là-bas… Et si vous n’aviez pas été aussi prompts à répondre à son holo-appel, j’aurais sans doute péri là-bas d’une trop grande perte de sang. Je ne regrette pas d’être allée sur Roon, certes j’aurais préféré que les choses se soient passées autrement, mais ce fou devait être arrêté. En un sens, je devrais te remercier d’avoir répondu si vite à l’appel de détresse de mon padawan, alors merci pour tout. Et pour m’avoir supporté pendant ma convalescence, ce qui en soit mériterait une médaille pour démonstration de courage…»

Alyria le savait, les mois suivant son amputation avaient été très difficiles pour son entourage. Brisée par la perte de sa main, convaincue qu’elle ne retrouverait jamais son niveau de duelliste après cela, elle avait fait son deuil en se refermant sur elle-même, montrant un visage de marbre à tous, y compris ses plus proches amis. Lorn était pourtant resté à ses côtés avec une abnégation sans bornes, ce qu’elle-même avait eu du mal à comprendre, mais dont elle lui était infiniment reconnaissante.

« Sincèrement, je ne sais pas pourquoi tu es resté aussi longtemps à mon chevet alors que j’étais aussi revêche, mais je te remercie pour ça. Je ne l’ai pas dit à ce moment, parce que j’étais comme recroquevillée dans une bulle de lamentations, mais ça m’a beaucoup touché, même si je le montrais sans doute de la pire des façons… »

Certes, cette conversation n’était guère plaisante, mais il était nécessaire qu’elle soit dite, car parfois, cela faisait du bien de mettre sur la table toutes les choses qu’on n’avait pas osé, ou pas voulu déclarer. Mais il était peut-être temps de changer de sujet, et son projet de participation à la reconstruction du Temple de Coruscant fournit la digression idéale.

« C’est vrai que c’est une bonne idée pour renforcer votre lien et la confronter un peu au monde extérieur. Surtout qu’avec les élections qui se préparent et les spots qui inondent en permanence Coruscant, ce pourrait être riche d’enseignements sur l’état de notre galaxie. Tu vois, tu es déjà sur la bonne voie, pas la peine de t’inquiéter. »

La remarque de son ami sur le fait qu’il ait été un cas difficile durant son apprentissage la surprit cependant un peu, certes, Lorn avait toujours été un peu discret et perfectionniste, mais en soi, ce n’était pas de si graves défauts… Mais peut-être qu’il ne lui avait pas confié certaines choses durant leur adolescence, après tout à l’époque ils étaient jeunes, souvent séparés, et en proie à certains doutes tout à fait normaux pour leur âge, qui constituaient des sortes de jardins secrets, même vingt ans après. Laissant sa curiosité naturelle l’emporter, mais soucieuse de ne pas indisposer Lorn, Alyria demanda précautionneusement :


« Tu étais si terrible que ça en tant que padawan ? »

Tant qu’ils étaient sur le sujet des padawans, Lorn posa une question qui prit un peu au dépourvu la maîtresse d’armes, qui laissa flotter un moment de silence, se mordant la lèvre inférieure d’un air songeur. A vrai dire, c’était une chose à laquelle elle n’avait guère pensé depuis que son ancien padawan avait accédé au grade de chevalier, et surtout depuis ses multiples convalescences. Etait-elle prête à reprendre un padawan ? En serait-elle capable ? Il était des questions sans réponse précise, et celle de Lorn appartenait précisément à cette catégorie. Finalement, après deux bonnes minutes de réflexion, Alyria finit par répondre d’une voix lente :

« Franchement ? Je n’en sais rien. Depuis qu’Armod est devenu chevalier, je n’ai pas vraiment pensé à l’idée de former un nouveau padawan. J’ai passé deux ans à essayer de retrouver mon niveau passé sabre en main, à me remettre en question, à tenter de participer davantage aux affaires de l’Ordre et à celles de la République plus généralement… Et du coup, je reconnais que j’ai un peu évacué cette question de mes préoccupations premières. Si je sens un lien particulier se former avec un initié, alors oui, je le formerais, mais je ne ferais pas de demande expresse auprès du Conseil pour me voir attribuer un padawan. Je crois que je vais laisser la Force me guider. »

Après les considérations philosophiques et professorales vinrent les réflexions politiques. Alyria savait que contrairement à elle, Lorn n’avait guère d’appétence pour la chose, et elle prenait pour une marque de confiance qu’il accepte d’en parler avec elle, c’était une sorte de privilège amical qu’elle appréciait à sa juste valeur. Réfléchissant à ce que venait de dire son ami à propos du rôle qu’il entendait jouer, la trentenaire déclara :

« Je crois que nous ne pouvons pas rester aussi neutres envers la République que nous le voudrions. Techniquement, notre meilleure chance de préserver la paix et de soutenir le traité passé entre la République et l’Empire, même si les chances que ce dernier dure sont à mon sens très minces. Entre les partis républicains qui s’accordent tous pour dire qu’il faut le renégocier- et en soi ils n’ont pas fondamentalement tort, je me verrais mal abandonner Ondéron et le Temple aux siths- mais qui veulent parfois employer des moyens quelque peu… musclés, au risque de déclencher une nouvelle guerre, et les nôtres qui veulent continuer la lutte… De toute façon, le traité sera rompu, je ne me fais guère d’illusions sur ce point, mais j’espère qu’il le sera par l’ennemi, et non pas par nous. Les conséquences seraient sans doute terribles, surtout si c’est fait lors d’une action propre aux jedis, et donc sans l’aval de la République… »

Souriant à la remarque finale de son camarade, Alyria répondit d’une voix empreinte de gravité :


« Pour être honnête, je pense que la Force a dans l’idée de tous nous mettre à l’épreuve. L’ennui, c’est que je ne sais pas exactement comment. Mais une chose est sûre : des changements d’importance vont arriver dans les semaines à venir. Pour le meilleur ou pour le pire. »
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La plupart des nouveaux chevaliers prenaient un padawan sous leur aile et c’était la formation complète de ce jedi en devenir qui leur garantissait le fait de pouvoir être reconnu comme un maître auprès des autres membres de l’Ordre. Malheureusement le jeune homme avait toujours repoussé l’échéance et ce ne fut que son talent au sabre laser qui lui valut le fait de pouvoir être considéré comme un maître à part entière. Il n’avait jamais connu cette relation de mentor à élève, il n’avait connu le poids de cette responsabilité qui aurait dû peser lourdement sur ses épaules et aurait dû lui donner la force de se dépasser pour être à la hauteur des attentes de cette personne qui aurait dû le voir comme un modèle. Dans un sens il avait du retard en comparaison de ses pairs et il était peut-être temps de rattraper ce retard et de faire ce qu’il fallait pour se mettre à jour. Écoutant sa camarade douter d’elle et se remettre en question comme c’était encore normal à son âge, le jeune homme savait ce qu’elle ressentait car il se trouvait face à ce mur depuis un moment déjà et il espérait que sa nouvelle padawan pourrait l’aider à le franchir. Cela faisait un moment qu’il n’avançait plus, coincé dans la même routine sans voir le moindre changement au niveau de ses performances et, pendant un temps, il avait fini par penser qu’il avait atteint ses propres limites et que jamais plus il n’avancerait. Mais justement, c’était dans des temps de doute comme celui-ci qu’il fallait prendre du recul et comprendre ce qui lui manquait pour avancer.
Si pour Lorn c’était un padawan qui lui manquait, pour son amie ce pouvait être une toute autre chose et elle seule pourrait trouver une réponse. La regardant du coin de l’œil, il lui répondit :

« J’ai demandé au conseil de me trouver un padawan pour me bouger les fesses, sortir de ma routine quotidienne et prendre part plus activement dans la vie de l’Ordre. Je me suis lancé un défi en sortant de ma zone de confort, en faisant quelque chose qui ne soit pas uniquement lié à ma maîtrise du sabre laser afin de me mettre à l’épreuve et pouvoir me remettre en question. »

Tout jedi et tout individu aspirait à un objectif précis et il ne serait jamais totalement satisfait avant l’accomplissement de ce dernier. Si pour certains ces objectifs étaient très concrets et matérialistes, dans la vie dépourvue de possessions que celle d’un jedi les objectifs étaient tous assez flous et celui du jeune homme était, en son temps, de devenir l’un des meilleurs bretteurs de l’Ordre afin de faire honneur aux enseignements de son maître. Et à force d’efforts il y était arrivé, ses services avaient été reconnus par le conseil et il avait été nominé maître d’armes…et après ? Son objectif était derrière lui et pendant des années il s’était enfoncé dans une routine habituelle qui ne servait qu’à entretenir sa force, il ne cherchait plus à progresser et bientôt un mur s’était érigé devant lui. Depuis peu il savait qu’il ne pourrait pas avancer sans savoir ce qui lui manquait, sans essayer de se remettre en question et c’était le but de la recherche d’un padawan.

« Si on n’arrive pas à se remettre en question de temps en temps on cesse d’avancer, d’évoluer. »

Bientôt les débats philosophiques firent place à un évènement troublant dans la vie de ces deux êtres et le garçon fut on ne peut plus surpris de voir sa camarade le remercier pour l’issue de cet évènement. Elle avait été mutilée, elle avait été proche de ne faire qu’une avec la Force et elle remerciait encore le jeune homme après tout cela ? Lorn fronça les sourcils d’incompréhension avant de répondre :

« Merci ? Je suis arrivé trop tard. Tu es encore en vie et je remercie la Force pour ça, mais ça reste mon premier échec en tant que maître. »

Peut-être que des deux Lorn était celui qui avait eu le plus de mal à accepter ce qui s’était passé, peut-être était-ce ce sentiment d’impuissance qui l’avait cloué sur place pendant tout ce temps en l’empêchant d’aller de l’avant et de voir au-delà de ses propres échecs. Mais son amie avait été plus forte que lui, elle avait tourné la page plus rapidement qu’il ne pourrait le faire et il ne pouvait que lui témoigner son respect pour cela. Malheureusement, même après tout ce temps, elle ne parvenait pas à comprendre comment il avait fait pour rester à ses côtés durant toute cette période difficile. Même si cela n’était pas conseillé par l’Ordre, le jeune homme tenait probablement plus à son amie qu’à aucun autre membre de l’Ordre et il pensait qu’elle l’avait compris avec le temps…mais apparemment ce n’était pas le cas. Se tourna vers elle, il leva sa main et entoura le menton de la demoiselle de deux de ses doigts afin qu’elle puisse plonger son regard dans les yeux bleus braqués sur elle. Peut-être qu’elle ne pouvait croire à ce qu’il allait lui dire mais il avait besoin qu’elle puisse voir la vérité dans son regard. La regardant avec une expression qui ne souffrait d’aucun doute, le garçon lui souffla :

« Il n’y a rien que je ne ferais pas pour toi, tu le sais. Plus que pour n’importe qui, ici ou ailleurs. Ne doute jamais de ça, tu n’as pas à me remercier. »

Faisant une petite pause pour qu’elle puisse accepter la nouvelle et comprendre le soutien de Lorn, ce dernier fit une pause de quelques secondes avant d’ajouter :

« Nous nous soutenons l’un l’autre et je suis sûr que si j’avais été à ta place, tu en aurais fait autant. Personne ne devrait traverser ce genre d’épreuve seul, crois-moi.»

En son temps le jeune homme avait eu son maître pour le soutenir et l’aider à traverser cette épreuve, il serait un bien piètre ami s’il avait laissé la demoiselle affronter cela toute seule…n’est-ce pas ? En revenant ensuite au sujet de la mission de Coruscant, le garçon se détacha de sa camarade, laissant la main de cette dernière sur son propre bras sans rien dire, il ne put qu’avouer à demi-mot :

« Cette idée n’était pas partie d’une très bonne intention, crois-moi. Tous les padawans sont choyés ici, dans cette tour d’ivoire depuis laquelle ils ne savent rien du monde extérieur. Je préfère être avec elle quand elle verra qu’en dehors du temple tout n’est pas rose. »

Comme ils en avaient discuté plus tôt, la vie n’était pas faite que de bonnes choses et les initiés étaient amenés si jeunes ici qu’ils ne connaissaient rien du monde en dehors des murs du Temple…Lorn devrait-il attendre que sa protégée soit seule pour qu’elle se rende compte que tout n’était pas bonheur et félicité et en ce bas monde ? Il serait un maître pitoyable s’il laissait cela arriver. Mais bientôt en parlant de padawan, sa camarade fut surpris de l’entendre dire qu’il était un cas difficile à son époque, il était vrai qu’en ce temps-là les deux jeunes gens ne se connaissaient que très peu peut-être ne l’avait-elle jamais remarqué avant cela. Ce n’était pas sa période la plus glorieuse mais il avait eu suffisamment de temps pour l’accepter comme une simple étape de son parcours…un obstacle, rien de plus. Se tournant vers sa camarade, il afficha un sourire presque désabusé en embrayant par :

« Tu n’as pas idée…disons que je suis arrivé un peu plus vieux que les autres initiés, j’avais déjà eu le temps d’en connaître suffisamment sur la vie. J’étais moins…docile que les autres. »

En vérité seuls les membres du conseil de l’époque et son propre maître étaient au courant de la vie du jeune garçon avant qu’il ne devienne un initié et il venait de réaliser seulement maintenant que, malgré tout ce temps passé ensemble, son amie ne savait pas vraiment tout de lui…juste un bout et seulement le bout le plus reluisant. Regardant sa camarade comme s’il venait d’avoir une idée prodigieuse dans sa tête, il embraya par :

« En y pensant c’est vrai que je ne t’en ai jamais parlé, ce n’est pas vraiment le sujet idéal de conversation autour d’un repas. Tu veux savoir ? Ce n’est pas très gai mais ça ne me gêne plus d’en parler, ça fait partie des épreuves de la vie. »

Embrayant sur la situation politique qui était plus que tendue, et c’était un doux euphémisme, le garçon imaginait les pires scénarios dans sa tête et rien de tout cela n’était plaisant car, dans le lot, l’un d’entre eux se réaliserait forcément et il devait rester là, les bras croisés, attendant que le pire leur tombe sur le coin de la figure. Il ne pouvait que soupirer devant la tournure des évènements tout en répondant :

« Je sais bien. Nous sommes là à attendre de nous faire entuber pour pouvoir répliquer, en calmant nos frères pour que ce ne soit pas eux qui démarrent les hostilités. C’est…je ne sais pas, quand je me bats contre quelqu’un je sais d’où les coups vont venir, c’est cette certitude que j’apprécie. Tout l’inverse de notre situation actuelle. »

Troublant c’était bien le mot et le jeune homme n’arrivait jamais vraiment à totalement deviner ce que la Force attendait de lui. Y parviendrait-il un jour, d’ailleurs ? Il n’en savait vraiment foutrement rien mais il essayait simplement de ne pas plus y penser que cela. Quel bien sortirait-il de cela, de toute façon ?

« C’est l’histoire de notre vie. Tenter de comprendre la Force et se préparer à ce qu’elle met sur notre chemin. »

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Se trouver un nouveau défi à relever, sortir de sa zone de confort… L’idée était séduisante, et pendant un instant, Alyria se demanda en quoi pourrait constituer une nouvelle mise à l’épreuve en ce qui la concernait : elle avait déjà formé un padawan, était parvenue au rang convoité de maître d’armes, et de maître tout court d’ailleurs… Sans doute apprendre à être plus réfléchie, passer plus de temps à étudier, cela pouvait être une réponse. En tout cas pour le moment, c’était la seule chose qui lui venait en tête.

Cependant, Lorn fit un mouvement qui la surprit considérablement, quand il tourna sa tête pour plonger son regard cyan dans ses propres émeraudes scintillantes. Ce n’était pas que sa profession d’amitié, de confiance, de… Bref, ce n’était pas tant la confession qui la surprenait, c’était la manière, cette façon de l’affirmer, la sincérité absolue qu’elle lisait dans ses yeux bleus, et un quelque chose qu’elle ne parvenait pas à identifier, ou qu’elle s’imaginait peut-être. Alyria savait qu’elle comptait pour son ami, l’inverse était également vrai, mais de là à l’exprimer d’une manière aussi personnelle, presque intime, c’était une autre affaire. 

Etrangement, cette déclaration eut un effet inattendu sur la trentenaire : tandis qu’elle plongeait son regard dans celui de son ami, tous les souvenirs heureux qu’ils avaient partagés lui revinrent en mémoire, et même ceux moins joyeux. Sans le savoir, son compagnon avait ouvert une véritable vanne, dans laquelle s’engouffraient un torrent de fragments de vie, et un océan de sentiments qui remontaient tous à la surface en même temps. Alyria avait essayé depuis deux ans d’accepter son état, d’être plus mûre, mais, à bien y réfléchir, elle n’avait jamais lâché prise comme cela, ne s’était pas autorisé à simplement ressentir, elle avait juste voulu retrouver son niveau et son rang, avec l’anxiété et la colère qui avait parfois suivi. 

Comprenant que son lien avec Lorn était peut-être encore plus fort que ce qu’elle avait cru, à la fois curieusement soulagée et incroyablement honteuse ne pas avoir compris cela plus tôt, Alyria fit quelque chose que son éducation aristocratique ne la poussait guère à faire : impulsivement, mue par un instinct qu’elle ne pouvait tout simplement pas contrôler, elle enlaça son ami, les bras autour du cou puissant de l’epicanthix, la tête enfouie contre son épaule, et tout en murmurant sans cesse « Merci, merci d’être là. », elle laissa couler une larme unique, mais qui symbolisait tellement plus. 

Se retirant, un peu gênée par cet accès d’émotivité, elle marmonna en bafouillant un peu :

« Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je suis une telle boule de nerfs en ce moment, je ne sais pas, ça m’a… touché, ce que tu as dit. Je… j’avais besoin de savoir que je pouvais… laisser tout ça sortir, juste une fois … Je suis désolée…»

Désireuse de reprendre une certaine contenance, Alyria laissa un peu filer la conversation afin de retrouver un peu son calme, et quand ce fut fait, elle tenta de faire un sourire à peu près convaincant pour montrer que cette crise était passée. Ce n’était pas digne d’un maître de se laisser aller comme cela, elle en avait conscience, mais d’un coup, tout avait été trop… Elle avait eu besoin d’extérioriser tout ce qu’elle avait en elle depuis deux ans.

Mais comme le moment était aux confessions, Lorn se mit à aborder le sujet de son enfance. Et c’est vrai que maintenant qu’il le disait, Alyria ne se souvenait pas vraiment d’un moment où son ami lui en avait parlé. Il faut dire que parmi les jedis, évoquer sa vie d’avant n’était pas forcément bien vu, surtout chez les plus jeunes, car cela pouvait entraîner un sentiment de mélancolie assez désagréable, et empêcher certains de se détacher de leur passé, ce qui expliquait sans doute pourquoi elle n’avait jamais interrogé son compagnon à ce sujet. S’il voulait ne rien dire, elle respectait son choix, mais s’il désirait se confier, alors elle l’écouterait.

« Tu es sûr ? Ne te sens pas obligé d’en parler, je comprendrais si tu préfères garder ça pour toi. Mais si tu désires le faire, alors je t’écouterais, parce que comme tu l’as souligné, nous nous soutenons l’un l’autre. Je veux partager ces moments, aussi douloureux soit-il, avec toi, comme tu l’as fait pour moi par le passé. »

Il était assez étrange de penser qu’après toutes ces émotions, le passage à la politique galactique était presque l’occasion de penser à tête reposée. Ce qui en disait d’ailleurs long sur la charge émotionnelle du reste de la conversation. En effet, plus le temps passait, plus ce qui avait commencé comme un badinage amical sans grande profondeur se transformait en une sorte d’autopsie à cœur ouvert de leurs vies respectives et de leur relation.

Alyria sourit en entendant Lorn décrire la situation avec son tact naturel, et si ses manières policées ne lui auraient jamais fait employer un tel vocabulaire, elle devait avouer que pour autant, il réussissait fort bien à résumer la situation. Pourtant, au fond d’elle-même, la trentenaire savait qu’une part d’elle-même, celle passionnée de politique et de rebondissements en tout genre, appréciait justement cette incertitude. Cherchant à mettre des mots sur ce sentiment, elle déclara :

« Ne trouves-tu pas justement que cette part d’incertitude a… comment dire… un côté presque grisant ? Je veux dire, nous sommes à la veille d’une élection capitale, notre propre conseil vient de se renouveler, la galaxie change… En un sens, nous vivons des jours historiques, et je ne peux m’empêcher de penser que nos actions vont déterminer dans quel sens la balance va pencher, c’est à la fois une sensation vertigineuse, inquiétante… Et je ne devrais peut-être pas le dire ainsi, mais c’est également excitant, en un sens. »

Puis, reprenant un ton un peu plus calme, plus posé, elle ajouta :

« Je me demande : si, pour sauvegarder la paix avec les siths, on devait combattre nos propres frères et sœurs jedis… Qu’est-ce que tu ferais ? »

Cette question obsédait Alyria depuis le jour où elle avait compris à quel point les avis étaient partagés au sein du Temple, et le désir de vengeance était fort chez certains. Si jamais elle était amenée à choisir entre la paix et la mort d’un jedi…. Que faire ? Certes, elle espérait ne jamais être confrontée à une telle décision, tout simplement cornélienne, mais si jamais cela advenait… Que devrait-elle décider ?
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Même avec le temps le jeune homme n’était jamais devenu comme tous les maîtres de l’Ordre qui passaient tellement de temps à faire attendre à ce qu’ils disaient ou pensaient qu’ils finissaient plus par ressembler à de froides machines calculatrices qu’autre chose. Il s’était toujours laissé la liberté de s’exprimer et de ressentir les choses sans en avoir honte ou sans laisser ses émotions le contrôler ce qui, en y réfléchissant bien, était autrement plus difficile que de simplement s’interdire de ressentir les choses. Sa camarade était peut-être comme les autres, bloquée depuis si longtemps qu’elle avait presque oublié ce que cela faisait de relâcher la pression et c’était cette sensation que son camarade voulait lui refaire découvrir. Certes il pensait la moindre parcelle de mot qui sortait de sa bouche mais il ne pensait pas que cela touche sa camarade au point qu’elle en vienne à le serrer dans ses bras. Étonnant, n’est-ce pas ? Sur le coup le maître resta interdit, comme bloqué, et gêné par la proximité avec une femme comme il n’en avait pas eu depuis des années, mais cette chaleur qu’il ressentait à travers tout son corps était une sensation des plus apaisantes et, pendant un instant, il souhaita que le temps s’arrête vraiment. Raisonnable ? Cela ne l’était pas, cela allait à l’encontre des préceptes de l’Ordre mais il ne pouvait s’empêcher de vouloir que tout se fige. Posa sa main à l’arrière de la tête de sa camarade, comme pour l’apaiser, il la gratifia d’un simple « merci d’être là » avant de la laisser et de se remettre de ses émotions. Avait-il bien fait ? Sans doute, mais il crut bon d’ajouter :

« Cela fait du bien, n’est-ce pas ? Se laisser aller. Comment crois-tu que je fais depuis tout ce temps ? Je suis honnête avec moi-même et je ne m’empêche pas de ressentir. Tu sais qu’avec moi tu n’as pas besoin de te retenir, laisse-toi aller, relâche la pression. Après tout, nous ne sommes pas des machines.»

Sentant où ce dialogue allait le mener et sentant une certaine gêne lui monter au visage, le garçon détourna le regard et e racla la gorge avant de balbutier :

« Enfin si tu as compris ce que je..ahem…voulais dire c’est le…raahhh, oublie ça.»

Il était celui qui avait lancé le sujet de son passé sur la table le premier et, même si cela lui avait pris du temps, cela ne le gênait plus d’en parler et il savait que jamais son amie ne le jugerait pour cela. Levant la tête au ciel pour pour trouver la façon dont il allait présenter les choses, Lorn ferma les yeux un instant tout en soupirant :

« Alors alors, par où commencer ? Ah, je sais ! »

Ni une ni deux, il se releva de tout son long et s’étira pendant quelques instants, comme si réchauffer son corps par des exercices allait lui donner la force suffisante pour dire ce qu’il avait envie de lui dire. Après quelques secondes d’étirements le garçon fourra ses mains dans ses poches comme il le faisait si rarement et débuta le récit de sa vie :

« Je suis issu d’un peuple de nomades, des guerriers, ce qui explique sans doute mon affinité avec le combat. »

Jusque-là il ne faisait que révéler les origines et le penchant guerrier de son peuple, cela n’était là qu’une simple introduction afin que sa camarade comprenne d’où lui venait ce penchant pour le combat depuis son plus jeune âge. Il n’était pas devenu maître d’armes totalement par hasard, il avait cela littéralement dans le sang. Tournant et baissa sa tête vers son amie, sans doute toujours assise, il continua avec :

« Comme tout guerrier et conquérant, nous sommes partis à la recherche de nouveaux lieux à conquérir…et nous sommes tombés sur plus forts que nous. Et quand le vainqueur ne veut pas tuer le vaincu, tu te doutes de ce qu’il est advenu de nous.»

Si le perdant n’était pas tué il était réduit en esclavage et peut-être que sa camarade finirait par comprendre d’où provenaient que les quelques cicatrices qu’il avait à des endroits discrets de son corps…elles n’étaient pas l’œuvre de quelques bretteurs talentueux, c’était bien moins reluisant que cela. Il avait été un esclave et peut-être qu’Alyria comprenait désormais son aversion pour les hutts qui étaient les porte-drapeaux de cette douteuse profession. Baissant les yeux vers le sol à ses pieds, comme s’il y cherchait la suite de son récit, il ne s’arrêta pas et lança :

« Pendant des semaines ou des mois nous sommes devenus des gladiateurs…des esclaves combattant pour le plaisir des yeux et des bourses bien remplies. Ahlala…la bonne époque. Je dis la bonne époque car au bout d’un moment le grand patron a fini par se lasser et il a voulu se débarrasser de nous dans un dernier grand spectacle. Des duels à mort. »

Commençait-elle à comprendre vers quoi ce récit était en train de la mener ? Sans doute oui mais i fallait que le jeune homme le sorte de sa bouche car il ne l’avait pas fait depuis au moins une décennie complète…tellement lointain que ça en avait perdu de sa réalité. Inspirant et expirant rapidement, comme s’il se débarrassait d’un autre poids sur ses épaules, il releva les yeux et son regard se porta vers le fond du parc où il pouvait voir initiés et maîtres discuter entre eux.

« Des enfants affrontant leurs parents, des maris tuant leurs femmes dans l’arène…j’imagine que pour les spectateurs cela donnait un petit côté dramatique qui pimentait le spectacle. C’est arrivé aux oreilles d’un jedi qui a voulu arrêté cela mais, comme pour moi et ta main, trop tard. J’imagine que nous ne sommes pas devenus maître et élève par hasard. »

Son maître était arrivé un poil trop tard tout comme lui et, pendant des années, il en avait voulu à son maître et lui avait presque mis la mort de ses proches sur le dos…mais il y avait une mort, bien plus que les autres, qu’il ne pouvait mettre sur le dos de personne autre que lui-même. Il ouvrit la bouche et tenta de former des mots mais aucun son ne sortit. Pendant quelques secondes il tenta de faire sortir cela et, après s’être rendu à l’évidence, il finit par avouer :

« J’ai…c’est plus dur à dire à voix haute que je ne le pensais. Allez, quand il faut y aller…»

S’avançant de quelques pas, assez pour que sa camarade ne voit pas son visage, le garçon enleva ses mains de ses poches et inspira profondément car il avait besoin de tout le courage qu’il pouvait puiser en lui. Il ne pouvait pas fermer les yeux car il ne ferait que voir son visage et il n’en n’avait vraiment pas besoin en ce moment, au lieu de cela il se contenta de lever les yeux vers le ciel (ou le plafond) et finir par faire sortir de sa gorge ce qui y était coincé depuis une décennie au moins :

« J’avais un frère, un petit frère. Oh j’avais des amis aussi, de très bons amis même, mais Nick fut le dernier à m’affronter dans l’arène juste avant que maître Torm n’arrive. Je suis là, pas lui, je te laisse deviner la suite. »

Pouvait-il dire qu’il avait tenu le corps de son frère en sentant sa vie le quitter ? Pouvait-il dire qu’il était un meurtrier ? Qu’il avait commis un fratricide ? Même s’il acceptait ce qui s’était passé à cette époque c’était dur à dire pour un jedi qui devait essayer de préserver la vie avant toute chose. Mais il l’avait fait et son amie lui était trop précieuse pour qu’il omette le plus important dans cette histoire. Il lui devait bien ça, à elle et à son frère. Faisant une pause pour laisser à son amie le temps de digérer l’information et en tirer ses propres conclusions, il enchaîna ensuite par :

« Il m’a fallu des années pour ne plus être le jouet de toute cette colère que j’avais et que j’ai sans doute encore en moi. Sans maître Torm je serais certainement devenu un jouet du côté obscur à présent. »

S’il venait de rendre son péché bien réel en l’avouant à son amie, il devait désormais rentrer dans les détails visuels qui n’étaient pas très plaisant et dans l’impact psychologique que cela avait eu sur lui. Serrant les poings jusqu’à en faire blanchir ses phalanges sous la force de la pression, il se retourna face à sa camarade et s’assit face à elle, sans pour autant oser croiser son regard, regard le sol devant lui alors qu’il dévoilait la suite et fin de son histoire :

« Certains essayent de comprendre pendant un temps, ils essayent d’imaginer ce que cela fait de sentir les os de son frère craquer sous ses coups et d’avoir littéralement son sang sur ses mains…mais avec le temps ils finissent par abandonner, pensant que ce devrait être facile de tourner la page. Tu veux que je te dise un secret ? Tous les soirs je revois son visage, son sourire, son regard, sa tignasse…et ça me rappelle ce que j’ai choisi de faire dans cette arène, ça me rappelle que je porte en moi ce qu’il aurait pu devenir. C’est une des choses auxquelles je me raccroche dans ce monde.»

Il aurait pu s’ôter la vie comme d’autres l’avaient fait, il aurait pu se sacrifier et laisser son frère vivre mais à ce moment-là son désir de vivre fut plus fort que son désir de voir son frère vivre et grandir pour voir des lendemains plus radieux. Mais si la mémoire de son frère était une chose qui le faisait se lever chaque jour, ce n’était pas la seule chose et, alors que ses jours prenaient une teinte rosée devant la gêne qu’il ressentait, il redressa discrètement son regard vers son amie avant de confirmer :

« Ça et…eh bien…toi. Mais j’imagine que tu l’as deviné. »

Il se secoua ensuite la tête et se força à afficher un sourire à moitié sincère comme s’il allait pouvoir détendre l’atmosphère aussi simplement que cela. Il avait depuis longtemps passé le cap du deuil et il ne semblait raconter qu’une histoire comme les autres alors qu’elle était beaucoup plus personnelle que cela. Cela pouvait paraître détaché et froid, n’est-ce pas ? Peut-être que ça l’était ou peut-être qu’il s’était simplement convaincu de cela pour éviter d’y repenser. Il finit par conclure d’un :

« Snif snif, hein ? Je t’avais prévenu que ce n’était pas très gai, navré d’avoir ruiné l’ambiance. Enfin bon j’ai survécu à tout ça et je ne m’en sors pas trop mal, je pense. Pas de quoi en faire tout un plat, nous avons tous nos obstacles dans la vie. »

Mais enfin le temps des pleurs était passé et la discussion pouvait embrayer sur un sujet un peu plus épineux sur lequel la position de Lorn était assez…mitigée. Que penser de tout cela ? Du rôle de l’Ordre dans l’élection à venir ? Il ne savait pas ce qui arriverait et si sa camarade trouvait cela intéressant, il ne pouvait pas lui en vouloir pour cela…clairement pas.

« Je te comprends. L’inconnu peut être grisant. Nous allons être sous les feux des projecteurs et si notre Ordre est divisé sur la position à prendre cela ne fera que nous desservir. »

Le plus grand schisme de l’histoire de l’Ordre était connu de tous les jedis et le jeune homme ne voulait pas être l’un de ceux qui allaient alimenter le feu qui ferait naître le prochain schisme. Que pouvait-il faire ? Parler à ses frères ? Certains étaient presque aussi peu diplomates que lui, c’était peu dire, et voir des jedis se battre entre eux ne ferait que discréditer l’Ordre et sa capacité à maintenant l’équilibre et garantir la paix dans la galaxie.

« Cela finirait par créer un schisme au sein de l’Ordre et nous savons bien comment ils se finissent habituellement pour nous. Nous devrons essayer de leur faire entendre raison mais ce sera loin d’être facile. Certains de nos frères sont assez…têtus. »

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L’Ordre apprenait aux jedis à contrôler leurs émotions, et ce dès le plus jeune âge, afin de toujours être sur cette voie de l’équilibre indispensable à l’usage raisonné et dépassionné de la Force, c’était même la première ligne du code jedi : « il n’y a pas d’émotion, il n’y a que la paix. » Mais avec le temps, Alyria ne pouvait s’empêcher de se demander si la lecture faite généralement par ses anciens maîtres ne pouvait pas être soumise à une légère modification, à une différence d’interprétation. Peut-être que la vérité se situait à mi-chemin entre le contrôle des émotions trop brutes, trop violentes, et entre l’expression apaisée, nécessaire, des autres, pour éviter ce trop-plein qui menaçait souvent ceux qui taisaient leur mal-être, ou en tout cas leurs doutes, leurs souffrances intérieures. Et c’était, selon elle, ce qui venait de se passer à ce moment précis où elle avait serré son ami dans ses bras, à la surprise de ce dernier, qui finit par répondre un peu gêné à son étreinte.

Tentant de reprendre contenance, Alyria inspira profondément, séchant d’un revers de son gant immaculé la larme orpheline sur sa joue, tout en souriant au discours soudain un peu embrouillé de son compagnon : apparemment, elle n’était pas la seule que la situation faisait bafouiller. Ne résistant pas à l’envie de taquiner Lorn, autant qu’à sa curiosité naturelle qui se demandait bien, au contraire, ce que ce dernier avait pu dire :

« C’est sûr que tout de suite, c’est beaucoup plus clair. » déclara-t-elle avec une moue amusée.

Cependant, le sérieux revint bien vite quand ce fut à son tour de devenir une oreille attentive. Silencieusement, elle observa son ami se lever, semblant chercher par où commencer. Et, sans jugement ni interruptions, sans questions, elle l’écouta faire le récit poignant de sa vie passée. Soudainement, à mesure que le passé se déroulait sous ses yeux et ses oreilles, grâce à la voix de Lorn et aux émotions qu’elle lisait sur son visage, elle se représentait, les scènes, ce qu’il avait enduré. Quelle différence entre son enfance et la sienne, Alyria avait toujours su que par rapport à certains de ses frères d’armes jedis, elle avait eu une jeunesse privilégiée, ballotée de palais princiers hapiens en résidences diplomatiques sur Coruscant, entourée de l’élite de l’aristocratie d’Hapès et de celle du commandement de la République. Mais là, en entendant Lorn narrer les épreuves qu’il avait traversées, elle sentit son cœur se serrer. Comment avait-elle pu ne rien remarquer quand ils étaient  padawans, pourquoi n’avait-elle jamais posé de questions sur son passé avant le Temple ? Se morigénant mentalement, Alyria se promit de redoubler d’attention envers ses amis, et surtout envers Lorn. Elle avait passé trop de temps à se concentrer sur elle-même et ses blessures, il était temps qu’elle s’ouvre à nouveau monde, et qu’elle retrouve le chemin vers son cœur et ses émotions intérieurs afin de s’apaiser enfin.

Cette réalisation faite, la trentenaire laissa un sourire empreint de solennité et de compassion éclairer son visage, tandis que Lorn finissait son récit. Voilà qui expliquait beaucoup de choses : sa haine des hutts et des esclavagistes, son besoin d’entraînement pour chercher la paix… Exactement comme Alyria et les événements qu’elle avait traversé sur Chandrila. Doucement, elle sentit que s’il lui avait confié son plus lourd secret, peut-être qu’il était temps qu’elle parle du sien. Oui, il lui avait accordé sa pleine confiance, elle devait s’en montrer digne et faire de même, cela ne ferait que renforcer leur lien et les apaiser mutuellement.

Sans mot dire, Alyria se leva à son tour de sa démarche féline, tout en grâce et en retenue, et dit doucement, les pics plus aigus que d’habitude dans sa voix trahissant son émotion :

« Je… Je te remercie de m’avoir confié cela, je songe à ce que ça a dû te coûter, alors merci, je suis vraiment, vraiment honorée de ta confiance. »

Et joignant le geste à la parole, elle s’inclina légèrement, pour appuyer avec force et conviction ce qu’elle venait de dire. Puis, prenant son courage à deux mains, son poing mécanique se serrant instinctivement, elle déclara lentement, comme si elle hésitait à en parler :

« En fait, je ne dis pas que je sais ce que tu as ressenti à ce moment-là, mais… On a tous commis des actes difficiles, sous le coup des événements… Ou de la colère. Tu n’avais pas le choix de faire cela, c’est de la faute de ses esclavagistes barbares si ta famille a été aussi cruellement meurtrie... J’ai un jour fait le choix consciemment, sous le choc de la colère et de la haine, de recourir au côté obscur. Nous avons tous nos fantômes, dont on se souvient avant de s’endormir. Les miens ont la couleur de la terreur et le goût de la tentation, les tiens la saveur de la colère et de l’impuissance. »

Plongeant ses émeraudes brillants d’un éclat inhabituel, comme si elles étaient animées d’un feu sacré, animal, reflet de ses origines echanies sauvages, Alyria demanda doucement :

« Je peux te raconter si tu veux, ce qu’il s’est passé. Je ne l’ai jamais dit à personne, à part mon ancien padawan, mais après ce que tu m’as confié… Je veux dire, peut-être est-il temps d’en finir avec les secrets… »

Cependant, Alyria n’était pas au bout de ses peines, et quand elle entendit Lorn avouer d’un air franchement gêné qu’elle faisait partie des choses qui le faisait se lever le matin, elle ne put s’empêcher de rougir, ce qui jurait affreusement avec sa crinière rousse et sa peau à la complexion ordinairement pâle. Est-ce que Lorn sous-entendait que… Des pensées se bousculaient violemment dans sa tête, et elle avait soudain l’impression d’être de retour dans les bottes d’une Alyria de dix-neuf ans, en pleine interrogation, essayant vainement de lire les véritables pensées d’une certaine personne qui occupait ses pensées à cette époque… Et le comparaison instinctive, brutale, lui arracha un frisson : inconsciemment, elle se rendait compte que le terrain était glissant, qu’il y avait peut-être plus qu’une simple discussion entre deux vieux camarades dans tout cela, comme si une signification sous-jacente menaçait d’apparaître soudain. Et pourtant, à cet instant, elle s’en fichait comme d’une guigne. Seul comptaient la conversation présente et Lorn devant elle.

Doucement, pour clore le sujet, Alyria déclara avec compréhension, essayant de faire passer toute sa chaleur humaine dans sa voix :

« Pour être honnête, je n’ai pas eu l’impression que notre conversation ait été jusqu’à présent un chemin de roses et d’ours en peluches souriant. Ne t’excuses pas, je suis là pour t’écouter, comme tu as été là pour moi. C’est normal, et partager les belles comme les mauvaises choses est très important à mes yeux. »

Basculant à nouveau sur le terrain politique, Alyria ne put qu’admettre la justesse des propos de son ami, comme toujours sur ces questions-là. C’était l’ennui d’apprécier l’observation d’une chose aussi traître que la politique galactique : parfois on en oubliait les conséquences pour sa propre vie. D’autant plus que Lorn venait d’offrir à son amie un moyen de prendre enfin une décision concernant les mesures nécessaires pour protéger la paix… Et leurs confrères qui ne la soutenaient pas.


« Tu as raison, je ne dois pas me laisser aveugler par ces manœuvres et me concentrer sur la protection de la paix et de notre Ordre. Je crois que notre conversation m’a ouvert les yeux : dès demain je me porterais devant le Conseil afin de leur dire que s’ils ont besoin de quelqu’un sur le terrain afin de protéger la paix, je me porte volontaire pour cette mission. Il est temps que je sorte du Temple et de ma salle d’entraînement. Peut-être est-ce là le coup de pouce dont j’ai besoin pour redonner un sens à ma mission de maître d’armes. »
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Depuis le tout début de sa formation le maître de Lorn savait que ce dernier aurait toujours du mal à totalement se couper de ses émotions ça ces derniers étaient extrêmement fortes en lui…comment pourrait-il en être autrement ? Bouillant d’énergie à ne plus savoir quoi en faire, la vie avait fini par transformer toute cette énergie pour en faire un savant mélange de colère, frustration et culpabilité avant de le relâcher entre les mains de maître Torm qui dû décider quoi faire de lui. N’importe quel autre maître aurait vu en lui un petit garçon colérique qui deviendrait un jouer du côté obscur, un pion de plus pour les siths et c’était peut-être pour cela qu’il voulut lui donner une chance, pour prouver que tout n’était pas perdu et que la rédemption était possible pour tout un chacun.
La plupart des jedis étaient élevés au sein de l’Ordre, amenés bien trop jeunes pour pouvoir se rappeler de leur ancienne vie ou de leur famille ce qui facilitait le détachement dans un sens, cela facilitait l’enseignement des jeunes initiés qui n’étaient finalement rien de plus que des pages blanches attendant d’être remplies. Mais que faire lorsque, au milieu du lot, apparaissait une page gribouillée, déchirée et froissée ? La plupart des maîtres ne prendraient même pas la peine de s’intéresser à un cas jugé bien trop difficile pour eux mais, parfois, au milieu du lot apparaissait un maître qui avait l’habitude des cas difficiles ou qui avait été lui aussi un cas difficile en son temps. Ce fut le cas de maître Torm qui appris l’histoire du jeune Lorn Vocklan et décida malgré tout de lui donner une chance de devenir meilleur et de ne plus se laisser dévorer et corrompre par sa rage. Toute sa vie, qu’il soit jedi ou non, il avait toujours été en colère contre tout et n’importe quoi sans comprendre d’où venait son énervement constant et son mentor, son père spirituel fut le seul à lui montrer qu’il y avait une façon d’user de cette colère à bon escient pour qu’il fasse quelque chose de bien de sa vie. Se servant de ses origines guerriers et de ses prédispositions naturelles au maniement de tout type d’arme, maître Torm avait eu dans l’idée de faire de son élève un bretteur en pensant que tout cet exercice lui permettrait de canaliser toute cette énergie…et il avait eu incroyablement raison. Qui aurait deviné que ce petit enfant colérique deviendrait l’une des plus fines lames de l’Ordre jedi ? Son maître, peut-être bien.
Prenant son courage à deux mains le jeune homme avait donc rendu réelle son histoire en la racontant à son amie sans oublier le moindre passage sanglant car elle méritait de connaître l’horrible vérité sans que son camarade ne cherche à épargner les détails les plus honteux. Pendant tout son speech elle ne dit pas un seul mot, essayant sans doute d’enregistrer l’information ou d’imaginer dans sa tête les scènes qu’il décrivait, mais le pouvait-elle seulement ? Il voulait qu’elle comprenne, pas qu’elle en fasse des cauchemars comme il en avait fait dans les premières années, il voulait devenir un livre ouvert sans le moindre secret pour elle, pas une source de traumatisme.
Faisant un petit signe négatif de la tête pour signifier à sa camarade qu’elle n’avait nullement besoin de le remercier pour s’être ainsi dévoilé sans avoir eu à insister plus que cela, preuve de la confiance qu’il lui accordait, le garçon la rassura par :



« Tu l’as méritée depuis bien longtemps, c’était le moins que je puisse faire. Après tout, pourrais-tu me faire confiance si je continuais à te cacher tes choses ? »

La confiance n’était pas acquise, elle se gagnait avec le temps et surtout en évitant de se mentir ou de se cacher des choses et si pour ce qui était du temps l’histoire était déjà réglée, pour les petits secrets le jeune homme devrait repasser. Il lui restait quelques petits évènements peu reluisants mais la plus grande épine dans son pied venait d’être enlevée par ses soins et il pouvait déjà sentir un poids de ses épaules s’envoler doucement. Mais bientôt sa camarade revint sur ses propos et sur le choix qu’il avait fait dans l’arène, persistant pour dire qu’il n’avait pas eu le choix et avait été forcé ce que toute personne raisonnable pourrait penser. Malheureusement même si l’autre option n’était que peu enviable elle avait été prise par plusieurs membres de son clan et il répondit donc :

« Le choix ? Oh si je l’avais. J’ai vu des mères s’ôter la vie en avalant leur langue plutôt que de devoir tuer leurs enfants. J’aurai pu en faire de même…mais mon désir de vivre, à ce moment-là, était plus fort que tout. Je ne saurai dire si c’était une bonne chose. »

Vivre et s’accrocher à la vie était une bonne chose mais tout dépendait au dépend de quoi cela se faisait…non ? Bientôt sa camarade se releva et proposa à son tour de lever le voile sur ce qu’elle ne lui avait pas dit de son passé, comme Lorn venait de le faire à l’instant. Se sentait-elle obligée car Lorn venait de se dévoiler entièrement ? Ce n’était pour lui tirer les vers du nez qu’il avait fait cela, clairement pas, mais il n’allait pas dire non si elle choisissait de s’ouvrir un petit peu plus. Quel mal y avait-il à cela ? Relevant sa tête vers ladite camarade, il tint à clarifier la situation :

« Je ne t’ai pas dit tout ça en espérant que tu en fasses de même. Si tu penses que cela pourra te libérer d’un poids, je t’écouterai comme tu m’as écouté. Je te dois bien ça.»

La plupart des jedis ne parlaient guère de leur passé et ne s’attardait qu’assez peu sur leurs expériences passées, préférant aller de l’avant plutôt que de ruminer leurs échecs ou victoires d’antan mais si le jeune homme s’était senti un peu plus léger en libérant cela de ses épaules, sa camarade oserait peut-être en faire de même.

« Heureux de te l’entendre dire. »

Et, comme de bien entendu, la conversation termina sur la scène politique et le rôle que les membres de l’Ordre allaient avoir dans les prochaines élections. Quelle ne fut pas la surprise de Lorn lorsqu’il vit sa camarade avoir un sursaut de détermination en désirant, ce qui prit le jeune homme au dépourvu et ce dernier voulut taquiner la demoiselle en lui souriant et lui lançant :

« Eh bien, cela faisait bien longtemps que je ne t’avais pas vu faire preuve d’une telle…détermination. C’est vivifiant. »


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Face aux confidences de son ami, aux remords qu’elle percevait dans sa voix même des années après les faits, Alyria ne savait que dire. Cette souffrance… Personne ne devrait vivre cela, et le fait que la galaxie puisse tolérer des êtres suffisamment cupides et vils pour tirer une source d’amusement quelconque dans le fait de voir d’autres êtres vivants s’entretuer la rendait malade : elle n’arrivait tout simplement pas à le comprendre, et sans doute était-ce pour le mieux, car tout individu réussissant à envisager une telle monstruosité… Non, elle ne voulait même pas y penser.

Comme d’habitude, Lorn la rassura en lui disant qu’elle n’avait pas à faire quelque chose parce qu’elle s’y sentait contrainte, et c’était clairement l’une des qualités qu’elle appréciait le plus chez son camarade : son soucis des autres, le fait qu’il soit toujours une oreille attentive sans jamais rien attendre en retour. Mais justement, cette fois-ci, la trentenaire voulait être complètement honnête, elle désirait lui montrer que s’il avait fait un tel travail sur lui-même pour révéler son passé, elle pouvait le faire aussi. Comment pourraient-ils continuer sur le chemin de l’amitié si l’un était intègre dans ses sentiments et pas l’autre ? La réciprocité, telle était la clé dans toute relation, selon Alyria, et elle tenait à respecter cette vision. Et puis, il était temps de laisser définitivement ses vieux souvenirs derrière elle, de construire quelque chose et de se tourner vers le futur et non plus vers le passé. Ce n’était qu’en se libérant du poids de sa mémoire qu’elle parviendrait à réussir cela, à trouver une nouvelle voie, plus apaisée. Les vieux démons n’auraient bientôt plus de prises sur elle, autrement que par la réminiscence furtive de moments agréables.

D’un mouvement rapide de la tête, Alyria vérifia qu’il n’y avait personne aux alentours, et une fois cela fait, elle se rapprocha légèrement de son vis-à-vis, et déclara dans un quasi murmure :

« Je te retourne la question que tu viens de me poser. Pour avancer, nous devons arrêter de nous cacher des choses, et si tu as réussi à le faire, je le peux aussi. Et c’est sans doute pour le mieux : le savoir permet de se fortifier, pas l’ignorance. »



Sur cette traduction approximative dans les mots mais fidèle dans la pensée du code jedi, Alyria prit une profonde inspiration, et se lança, confiant son secret le mieux gardé :

« C’était peu après que j’ai passé les épreuves jedis et reçut le titre de chevalier. Je ne sais pas si tu t’en souviens, mais à l’époque, une vague d’assassinat avait frappé de nombreux notables, que ce soit en notre sein ou dans celui de la République. Et parmi les victimes… Mon père. Au début, le mobile paraissait logique : c’était un ancien militaire, et un coureur de jupons impénitent, je sais de quoi je parle, je suis le fruit de ses œuvres… Bref, tout ça pour dire qu’entre un mari trompé ou un ancien rival, les suspects abondaient, et les choses auraient pu facilement s’arrêter là. »



Alyria ne put empêcher un léger sourire d’apparaître sur son visage en évoquant les mœurs pour le moins légères de son paternel. Après tout, ses parents n’avaient pas été cachottiers sur le fait qu’elle était plus un accident qu’autre chose : elle avait été aimée, choyée, mais désirée ? Non. Les années passant et certains scandales lui parvenant jusqu’aux oreilles avaient fait le reste. La trentenaire avait cependant de bons souvenirs, certes un peu brumeux, mais néanmoins présents, des maîtresses de son père croisées dans ses appartements quand elle était gamine. Mais la suite allait être moins réjouissante :

« Cependant, rapidement, d’autres meurtres arrivèrent, et il fallut trouver diverses personnes pour enquêter sur les coupables potentiels. En temps normal, je n’aurais jamais dû être affectée sur une telle mission, mais il fallait quelqu’un qui sache se défendre au sabre en cas de découverte fâcheuse susceptible de se fondre dans un décor aristocratique… Et disons que vu mon enfance, j’avais plutôt le profil. »



Au moins, là-dessus, pas de controverses possibles : entre ses manières policées, son goût pour les raisonnements fins et alambiqués et son intérêt pour les jeux politiques et diplomatiques, tout en elle respirait cette enfance et ces racines privilégiées : entre une mère diplomate hapienne et un père conseiller echani, il fallait s’attendre à un tel résultat.

« J’ai été envoyée sur Chandrila, chez un politicien. Pendant un an, j’ai enquêté sur toute la maisonnée, et j’ai finalement réuni suffisamment de preuves contre le fils de ce dernier. Le seul petit problème, c’est que je n’ai pas fait qu’enquêter… »



Voilà, le moment de vérité était arrivé, celui où elle allait lâcher la bombe. Pendant un moment, Alyria eut peur que la révélation de son amour de jeunesse ne braque son ami, mais c’était une partie d’elle-même qu’elle ne pouvait nier. Elle espérait, non elle savait, que Lorn se montrerait compréhensif, mais en même temps, elle lui donnerait sans doute quelques minutes pour digérer l’information.

« Ce politicien avait une fille… Et j’en suis tombée amoureuse. »



Voilà, c’était dit. 

Pour la première fois depuis des années, Alyria avait révélé un quelqu’un la vérité sur son passé, et cela fait, ce fut comme si une vanne s’ouvrait en elle : elle devait expliquer, tenter de faire comprendre à Lorn ce qui s’était passé, et qui allait à l’encontre de toutes les règles de l’Ordre, qu’elle avait transgressé allègrement, tout à la foule de sensations que procurent le premier amour et la folie douce qui l’entoure. Incapable de s’arrêter, elle ajouta vivement :

« Je veux dire, ce n’est pas comme si nous n’avions pas tous expérimenté les problèmes liés aux hormones en furie en tant qu’adolescents, je savais que je trouvais certains de nos camarades masculins… Pas déplaisant à regarder, dirons-nous, mais c’était … Impensable. Nos règles sont strictes, et il y avait tant de choses à découvrir, et toujours nos maîtres pour veiller sur nous. Là, pour la première fois, la question des relations m’a heurté en pleine face. Sans compter que… Enfin… Je n’avais pas franchement pensé… Bref, tu vois ce que je veux dire. »



La fin n’était pas très claire, c’était évident, mais Alyria était sûre que le message était passé : en même temps, pour le coup, il n’était guère difficile à comprendre.

« C’était… Sans doute l’une des plus belles années de ma vie. Je ne sais pas si tu as déjà ressenti cette sensation d’être heureux simplement par la présence de quelqu’un, le fait que son sourire illumine ta journée… Je n’aurais pas dû donner suite… Mais je l’ai fait. Et ce fut une erreur. Mais peut-être la plus belle de toute. »



En soi, Alyria ne regrettait pas sa relation passée : elle lui avait apporté certains des plus beaux moments de son existence, mais sa fin tragique lui en avait fait comprendre les dangers inhérents.

« Au bout d’un an, j’ai fini par coincer mon assassin, qui était bien son frère. Seulement… Je n’avais pas franchement prévu qu’il égorge sa sœur devant moi pour m’affaiblir. Et à ce moment-là, j’ai fait quelque chose que je n’aurais jamais dû faire, mais la haine m’a submergé. C’était… Une sensation indescriptible, terrible, de force et de détestation brute : j’ai puisé dans le côté obscur et je l’ai vaincu. J’étais hors de moi, mais je ne sais comment, au dernier moment, alors que j’allais l’achever, j’ai baissé mon arme et me suis contentée de le menotter. »



D’une voix grave, Alyria conclut :

« Je ne sais pas si j’avais le choix, est-ce que j’aurais pu vaincre ce fou sans recourir à l’énergie du côté obscur ? Je ne le saurais jamais, mais une chose est sûre : j’ai fait un choix, et il ne se passe pas un instant sans que je ne le regrette. »



Les yeux dans le vague, Alyria reprit, dans une considération plus large :

« En un sens, je crois que cet épisode de ma vie m’a appris à considérer avec plus de justesse les règles de l’Ordre sur les relations amoureuses. Dans le feu de la jeunesse et de la passion, comme c’est le cas à l’âge ou la chose survient généralement, les émotions les entourant peuvent mener effectivement au côté obscur. Mais d’un autre côté, quand les sentiments sont purs et sincères, quand les deux parties savent où aller, et concilier devoir et amour… Je ne sais pas, j’ai encore la naiveté de croire que c’est possible. La Force des émotions bienfaisantes comme la compassion ou la pitié sont connues, alors pourquoi l’amour pur, sincère ? Je ne sais pas si c’est seulement envisageable, mais je reconnais que je l’espère. En tout cas, les récents exemples au sein de notre Ordre me redonnent espoir. »



Baissant la voix, mue par un besoin de savoir, de demander, pour s’assurer qu’elle n’était pas la seule à penser cela, ou en tout cas, pour s’entendre répondre quelque chose, n’importe quoi, Alyria demanda :

« Si jamais tu avais la possibilité, je parle hypothétiquement bien sûr, mais quand même, de pouvoir mener de front vie de jedi et une relation amoureuse respectueuse et plus mature que celles envisagées par nos jeunes padawans, est-ce que tu le ferais ? Après toutes ces années, après cette expérience, cette question me taraude personnellement. Je ne connais pas la réponse pour moi-même, mais j’aimerais savoir ce que tu en penses. »

Alyria ne s’était jamais autant révélée, ni à son ancien padawan, ni à son ancien maître, ni à aucune autre personne. Dorénavant, Lorn avait la vision complète de ce qu’elle était, avec ses secrets, ses échecs, sa vérité et son avis sur un des domaines les plus controversés de l’Ordre. Mais surtout, pour la première fois depuis de nombreuses années, elle se sentait libre, libre de vivre à nouveau, comme si un poids s’était finalement détaché de ses épaules. Elle avait à la fois envie de pleurer de soulagement et de regret tout en chantant sous l’effet de la joie. C’était un mélange très étrange à ressentir, mais aussi fort qu’agréable. La vérité avait cet effet libérateur, et peu importe ce qui arriverait ensuite, elle y ferait face débarrassé de ses anciennes peurs. Elle était prête à tourner la page. Elle était prête à changer de vie. 
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Oui les émotions étaient très mal perçues et acceptée par l’Ordre jedi car elles étaient la voie direct au côté obscur, voilà la raison pour laquelle chaque maître veillait sur son padawan afin que ce dernier ne tombe pas amoureux d’une autre personne ou d’un autre padawan…qui pouvait vraiment deviner ce qui pourrait bien se passer ? Pendant les années où la vulnérabilité était la plus grande, les maîtres surveillaient leurs protégés pour leur éviter la tentation du côté obscur et, pour la plupart d’entre eux, tout se passait on ne peut mieux. Malheureusement il arrivait parfois que le protégé passe au travers de la vigilance du maître, ou que le temps soit suffisamment passé pour qu’il ne soit plus à ses côtés pour l’empêcher de faire des bêtises…Et ce fut le cas du jeune homme. Oh certes il n’avait jamais été totalement insensible au charme des dames, bien au contraire, et il pensait même avoir tapé de l’œil de plusieurs d’entre elles, mais à cette époque il avait un objectif clair en tête qui l’avait rendu aveugle à toute forme de passion ou de plaisir qui pourrait le mener au côté obscur. Si certains penseraient que ce n’était pas si mal que cela, Lorn était bien conscient d’être totalement novice en matière de femmes malgré son âge mais il n’en était pas gêné pour autant. Bon nombre de jedis grandissaient en suivant les préceptes de l’Ordre à la lettre, sans jamais connaître l’amour sous toutes ses formes et ils le vivaient assez bien pour peu que l’on puisse en juger. Où était le problème ?
Contrairement à beaucoup de ses collègues il savait comment les émotions pouvaient faire qu’un homme se sente puissant tout en le détruisant de l’intérieur, petit à petit, il était loin d’être ignorant des dangers des émotions, c’était la raison pour laquelle il était plus à même de les contrôler plutôt que de se couper d’elles totalement. Était-ce vraiment vivre que de s’interdire de ressentir ? Il était certain que non.
Mais désormais c’était à son tour de rester en arrière et d’écouter sa camarade se dévoiler petit à petit sans la brusquer, ce n’était pas quelque chose de très aisé et il fallait donc lui laisser le temps de faire sortir de sa gorge ce qu’elle avait sur le cœur. Cela pourrait prendre des secondes, des minutes, des heures ou des jours mais cela finirait par sortir et par la soulager : il n’y avait pas le moindre doute là-dessus.
La demoiselle était issue de la haute société, elle n’avait même pas eu besoin de le dire au jeune homme pour qu’il le remarque par son langage ou par ses manières mais il ne s’en était jamais formalisé pour autant, beaucoup de grands jedis venaient de familles ou de lignées aisées. Elle n’avait pas choisi sa famille ni le caractère assez volage de son père mais elle ne s’y était pas attachée pour autant, tentant d’aller de l’avant grâce à sa formation de jedi qui fut comme une seconde chance…comme beaucoup de jedis.
Elle avait su tracer son chemin jusqu’au titre convoité et mérité de chevalier jedi, et ce fut là que sa mission la plus difficile pour elle prit place. Oh non traquer quelqu’un et le traduire en justice n’était pas une mission compliquée en soi, cela demandait un peu d’intelligence et un brin de patience que seule l’expérience et la tempérance pouvaient fournir. Mais malheureusement tout ne se passa pas comme prévu et elle découvrit des sentiments encore inconnus jusqu’alors…comment aurait-elle pu le prévoir ? Et arriva ce qui devait arriver…colère, chagrin, rage, désespoir. Quand la demoiselle demanda à son ami s’il savait ce que cela faisait de se sentir apaisé par la seule présence d’une personne, il sourit intérieurement tout en lui répondant :

« Oh oui, j’en ai une petite idée. »

Comprendrait-elle qu’il parlait d’elle ? Peut-être. Là où beaucoup de jedis, de jeunes jedis se laissaient dévorer par ces émotions nouvelles qu’ils n’arrivaient clairement pas à contrôler, la demoiselle fit preuve d’un mental d’acier et d’une détermination hors du commun pour résister à l’envie de tuer quelqu’un sous le coup de la colère. Enregistrant l’information, le jeune homme accusa intérieurement le coup et se rendit compte que sa camarade était peut-être encore plus forte qu’il ne le pensait et pas dans le sens physique du terme. Tout le monde n’était pas capable de résister à un désir de vengeance, beaucoup sautaient le pas pour ne jamais en revenir : elle était l’exception à la règle, l’exemple qui prouvait que c’était possible de résister au côté obscur. Bien sûr qu’elle regrettait d’être tombée amoureuse car sans cela elle n’aurait jamais connu ce chagrin et cette attirance pour le côté obscur. Comment l’en vouloir pour cela ? Lorn serait bien mal placé pour lui faire la leçon.
Laissant à son amie le temps de se détendre car il la sentait déjà plus détendue et soulagée à travers la force, le garçon brisa son mutisme et, tout en se redressant, lui souffla sur un ton qui se voulait came et apaisant :

« Tu as fait un choix, celui de ne pas tuer de sang-froid. Cela t’a appris le contrôle de toi et la modération. Bien sûr tout ne se passe pas toujours comme nous le voudrions, tu voudrais que l’élue de ton cœur soit encore en vie et je souhaiterai la même chose pour mon frère. Je ne saurais dire s’ils sont dans un monde meilleur mais nous devons nous efforcer de vivre avec leur absence, de réapprendre à sourire à la vie de nouveau. Il ne faut pas oublier cette partie de ta vie, non, elle fait partie de la voie qui t’a menée jusqu’ici…il faut simplement les accepter. Tu dois simplement arriver à te pardonner pour tes erreurs et à garder ces bons moments dans un coin de ta tête. »

Tous avaient fait des erreurs, cela faisait partie de l’apprentissage mais elle ne pouvait décemment pas continuer à se blâmer ainsi pour le reste de ses jours. Cela n’était pas sain pour elle et cela ne faisait que la retenir, l’empêchant de tourner la page et d’avancer vers un futur un peu plus radieux. S’approchant d’elle et posa sa main sur son épaule droite, il plongea son regard dans les yeux de son amie avant de lui demander :

« Tu penses pouvoir y arriver ? Tu penses pouvoir tourner la page ?»

Enfin la demoiselle lui posa la question la plus personnelle et sans doute la plus difficile à répondre pour lui car c’était un vrai dilemme. L’amour menait à la souffrance lorsque l’un des deux venait à être blessé ou à mourir, plongeant l’autre dans un torrent de désespoir duquel ne pouvait ressortir que la colère la plus pure qui soit. Mais, d’un autre côté, cet amour était rempli de souvenirs merveilleux qui valaient tous les risques du monde et ce fut pourquoi, quand la demoiselle lui demanda s’il pensait qu’il lui était possible d’aimer sans céder au côté obscur, avec l’expérience qu’il avait, il lui répondit sans l’ombre d’une seconde de battement :

« Sans hésiter, oui. Et tu veux savoir pourquoi ? »

Un pas après l’autre il s’approcha de la demoiselle et, posant sa main gauche sous le menton de la damoiselle, il fit le pas décisif qu’il s’était enfin décidé à faire. Approchant son visage de la demoiselle, il ferma les yeux l’espace d’un instant et, diffusant un calme olympien difficilement contrôlé à travers la Force, il fit ce que l’Ordre lui déconseillerait ou lui interdirait : déposer un baiser sur les douces lèvres de sa camarade. Il ne savait pas si elle ressentait la même chose et n’avait pas eu la force de le lui demander, préférant comme toujours les actes aux paroles il lui avait été plus facile de faire le premier pas sans lui demander son avis plutôt que de sortir cette question de sa gorge. Étrange, n’est-ce pas ? Mais la chaleur qu’il ressentait en ce moment-là, la paix et l’excitation qui grimpaient en lui comme un véritable petit soleil valaient tous les doutes du monde. Pendant quelques secondes le temps s’arrêta et, loin des regards des petits curieux, le jeune homme fit passer à son amie un message qu’elle n‘aurait aucun mal à comprendre. Une fois ces secondes écoulées, il écarta ses lèvres des siennes et, recula d’un pas pour lui laisser le temps d’enregistrer le message, il enchaîna par :

« Nous faisons nos propres choix en sachant où ils vont nous mener. C’est risqué, oui, mais pour moi le jeu en vaut largement la chandelle. Nous ne sommes plus des enfants ou des adolescents se découvrant, nous savons où nous allons.»

Diffusant toujours sa présence apaisante, il enchaîna par :


« Qu’en penses-tu ? »

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Beaucoup de personnes redoutent le changement, car il apporte son lot d’inconnues à résoudre, confrontant les êtres à de toutes nouvelles équations. Pourtant, parfois, le changement est ce dont nous avons le plus besoin, car il recèle en lui des forces mouvantes qui permettent d’avancer sur un chemin que l’on ne voyait pas jusqu’alors et qui s’éclaire soudainement. Seulement, pour parvenir à cela, il faut faire un choix, et s’y tenir, peu importe les conséquences. Alyria avait fait de nombreux choix dans sa vie, forcés ou non, fruit de sa propre volonté ou pas, mais restait profondément convaincue en son for intérieur que certains comptaient plus que d’autres. En un sens, on pouvait aller jusqu’à prétendre que la vie était une accumulation de petites décisions, mais que certaines n’étaient là que pour la décoration extérieure, alors que les autres étaient les véritables vecteurs du changement. Pour le meilleur ou pour le pire, elle n’aurait pas su dire, mais elle allait bientôt devoir trancher. L’ennui, c’est que pour le coup, elle n’avait vraiment pas vu venir ledit changement.

Alyria écouta son ami lui faire part de sa réaction, et pendant un bref instant, se trouva un peu ridicule d’avoir pu seulement envisagé que Lorn ne comprenne pas. C’était stupide, mais l’appréhension faisait parfois penser de telles idioties. C’était pour cela qu’elle menait à la peur, et que cette dernière conduisait vers le côté obscur, car elle annihilait toute faculté de raisonnement rationnel. Seul comptaient alors les sentiments qui animaient les êtres, d’où des conséquences fâcheuses. C’était bien pour cela que les jedis étaient souvent qualifiés d’êtres de raison, à la différence des autres individus, qui se laissaient guider par leurs passions. En soi, ce n’était pas un mal pour l’individu lambda, mais problématique pour qui possédaient de grands pouvoirs, ou de grandes responsabilités.

Cependant, le fait que l’epicanthix utilise quasiment le même argumentaire que son ancien maître pour la rassurer ne manqua pas de la faire sourire. Quelque part, elle avait du mal à comprendre ce qu’il y avait d’extraordinaire là-dedans : certes, elle ne l’avait pas tué, mais elle avait quand même fait appel au côté obscur. Est-ce que sa décision finale effaçait pour autant ce choix ? Alyria ne le pensait pas, mais était malgré tout heureuse que son ami n’en pense pas moins d’elle. Les yeux toujours perdu dans le ciel, elle déclara finalement, d’une voix apaisée :


« C’est amusant, mais tu viens de tenir le même discours, presque mot pour mot, que celui que m’a tenu mon ancien maître quand je lui ai raconté ce qui s’est passé sur Chandrila. Enfin, aheum, peut-être pas tout, disons… Le plus important par rapport à mes doutes. Mais lui aussi m’a dit que l’essentiel se trouvait dans l’abaissement de mon arme, pas dans le recours au côté obscur pour terrasser mon adversaire. Pour tomber à ce point d’accord, vous devez sans doute avoir raison. »

Alyria laissa un instant passer, puis, presque dans un murmure, elle souffla :

« Un jour, mon ancien maître m’a dit quelque chose à ce propos. Je n’ai jamais su s’il avait compris ce qui s’était réellement passé, lors de cette mission, mais j’ai trouvé cette phrase d’une grande beauté… Et d’une grande vérité. Il m’a dit que les choses les plus belles sont parfois celles qui nous font le plus souffrir. C’est assez vertigineux de penser qu’effectivement, les plus beaux souvenirs viennent parfois accompagnés de grandes douleurs. Paradoxal, n’est-ce pas ? »

En même temps, dans cette galaxie, qu’est-ce qui n’était pas paradoxal ? Comment expliquer que la Force puisse accomplir tant de miracles, et permettre de telles dévastations ? Pourquoi certains choisissaient consciemment d’endosser la responsabilité de centaines de morts, quand d’autres passaient leurs vies à essayer de sauver celle des autres ? Quelle était la raison pour laquelle des émotions aussi belles, aussi pures que le dévouement, la compassion ou encore l’amour, puissent parfois déboucher sur des haines indicibles, des jalousies dévorantes ? L’Equilibre était-il possible ? Alyria voulait le croire, comme nombre de jedis, mais se demandait souvent si cet équilibre tellement recherché n’était pas justement à trouver dans le contrôle, et non dans la négation de certaines passions. Elle n’avait guère exprimé cette opinion à voix haute, consciente de son hétérodoxie flagrante comparée aux règles jedis. Mais une voix au fond d’elle-même n’arrêtait pas de susurrer que pourtant, ses règles avaient un but, et qu’elle en avait expérimenté la raison. Alors, oui elle s’interdisait de penser à de telles choses pour elle-même, elle avait été faible une fois, mais pour d’autres ? La question se posait, dans toutes ses subtilités et ses contradictions. Et pour le coup, Lorn n’allait pas l’aider à résoudre son dilemme. Bien au contraire.

Alyria n’était pas idiote. Elle se considérait comme quelqu’un de plutôt observateur, et savait que son ami avait beaucoup d’affection pour elle. Mais, que pendant toutes ces années, il y ait pu avoir plus de son côté qu’une simple amitié… Non, l’idée ne l’avait pas effleuré, pas un seul instant, elle devait bien l’avouer. Etait-ce parce qu’il l’avait bien caché ? Parce qu’elle n’avait jamais envisagé une telle possibilité ? Sans doute un peu des deux. Et pourtant, force était de constater qu’apparemment, elle avait été aveugle aux sentiments véritables de son compagnon.
Dire que le mouvement de Lorn la surprit aurait été le plus bel euphémisme de l’année. Le temps que son cerveau enregistre ce qui était en train de se passer, la sang-mêlée sentait une paire de lèvres se poser sur les siennes, situation qu’elle n’avait pas connue depuis plus de dix ans. Et elle resta presque inerte, trop abasourdie pour envisager de faire quoi que ce soit, la moindre parcelle d’intelligence en elle comme mise en pause. Ce n’était pas prévu, pas pensé, pas planifié, complètement inconscient, absolument fou, formidablement fou d’ailleurs…

Rouvrant les yeux qu’elle avait instinctivement fermés pendant toute la durée du baiser, Alyria sentit ses yeux papillonner en raison du contact avec la lumière du jour, et du choc, évidemment. Son regard brillant se posa sur … Comment devait-elle l’appeler, maintenant ? Son ami, son… Autre chose ? Son prétendant faisait un peu ridicule, et pourtant, c’était bien de cela qu’il s’agissait, non ?

Dire que physiquement, Lorn n’était pas attirant aurait été un facile, mais pieux mensonge. Le garçon, avec sa stature, ses traits fins et surtout ses yeux cyans était de belle tournure, mais ici, il était question de bien plus, et Alyria ne savait pas vraiment où elle en était. Est-ce… Leur lien était plus profond qu’une simple amitié de son côté ? Est-ce… Non, devait-elle seulement envisager cela, alors qu’elle connaissait les risques mieux que quiconque ? Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête, semblables à un véritable tourbillon, et encore, ce n’était que la face immergée de l’iceberg de Hott, pour parler métaphoriquement. Quid des conséquences ? Sur leur amitié, évidemment, en cas de rejet ou de tentative ratée ? Et l’Ordre ? Au vu de leurs positions, le jeu était dangereux… En valait-il la chandelle ? Telle était la question, que venait justement de poser Lorn. Le seul petit problème était qu’Alyria ignorait franchement la réponse. Qu’est-ce qu’elle en pensait ? Pour répondre, il aurait fallu qu’elle soit capable d’émettre une pensée cohérente, ce qui n’était pas franchement le cas pour le moment. Mais d’un autre côté, laisser l’homme en face d’elle, qui venait de se jeter à l’eau dans une démonstration de courage et de confiance impressionnante, sans réponse, eut été horriblement cruel.

Prenant sans doute l’une des plus grandes inspirations de sa vie, Alyria ouvrit la bouche… Pour la refermer mentalement. Réussir à la réduire au silence était un exploit que peu avaient mené à bien, mais elle devait avouer que face à une telle situation, les mots lui manquaient dangereusement, car son esprit analytique ne lui serait d’aucun secours. Se morigénant mentalement, elle parvint à éructer finalement, d’une voix un peu étranglée, qui ne masquait guère sa surprise :

« Je… Attends… Tu… »

Bon, à ce rythme soutenu de bégaiements, elle n’allait pas s’en sortir, et mettre ainsi au supplice son compagnon la gênait grandement. Prenant son courage à deux mains, elle fit une deuxième tentative, qui, s’il s’avéra toujours aussi laborieuse, avait au moins l’avantage d’être intelligible :

« Désolée, c’est juste que… Enfin… Je n’aurais jamais cru que… Je veux dire, depuis combien de temps tu… ?

Puis, se reprenant, cherchant ses mots, désireuse de faire comprendre ses pensées pour le moins confuses, elle enchaîna de manière désordonnée, qui reflétait parfaitement les battements erratiques de son cœur, tandis que le rouge de ses joues devenait clairement visible :

« C’est que… Je ne sais pas vraiment quoi dire… Je n’avais jamais songé à… nous deux, enfin, pas de cette manière… Et… Rhaaa, je ne sais comment m’exprimer ! »

Formidable, Alyria avait l’impression de s’être transformé en gamine babillante de huit ans incapable de formuler la moindre phrase cohérente, et cela la frustrait. Grandement.

« Que dira l’Ordre ? Qu’est-ce que… ? J’ai plus l’impression d’être dans l’obscurité qu’autre chose. Pourtant, je ne dis pas que… enfin que… tu ne me plais pas mais… Est-ce que ça s’arrête là ou pas ? Je n’en sais rien. Tout se bouscule dans ma tête, et j’aurais voulu te donner une réponse plus claire, parce que je sais que faire le premier pas est difficile, surtout dans nos positions, mais je n’y arrive. Tout est… si confus. »


Se mordillant furieusement la lèvre inférieure en signe de gêne, passant ses mains dans ses cheveux pour tenter de reprendre contenance, Alyria chercha du regard Lorn, voulant trouver des réponses, ou des indices pour l’éclaire… Quelque chose. N’importe quoi. Parce que pour une fois, elle ne savait pas. 
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La plupart des jeunes jedis pensaient au côté obscur comme une punition que brandirait un parent pour faire peur à son enfant et l’empêcher de faire des bêtises, ils ne se rendaient compte de ce que l’on pouvait vraiment faire sous l’emprise du côté obscur une fois qu’il était trop tard et, malheureusement, rares étaient ceux qui avaient la force mentale suffisante pour s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard…en soi Alyria était donc l’exemple qui prouvait que lutter contre le côté obscur n’était, certes, pas simple mais tout à fait réalisable. Même les jedis ne pouvaient pas toujours réprimer leurs émotions les plus virulentes car ils restaient des êtres sensibles, cependant ce qui faisait la différence, le seul choix qui importait était le choix de se soumettre à ces émotions et d’en devenir l’esclave jusqu’à la fin des temps. Rares étaient ceux qui y résistaient et plus rares encore étaient ceux qui trouvaient le désir de chercher la rédemption pour leurs actions ; la demoiselle se rendait-elle seulement compte à quel point elle avait fait preuve d’une résistance incroyable ? Non, probablement pas car elle ne devait pas avoir de point de comparaison possible.
Agréablement surpris d’avoir le même point de vue qu’un maître qui avait bien plus d’expérience que lui, preuve que son point de vue n’était pas si erroné que cela, Lorn répondit par :

« Tu sais maintenant que tu es capable de résister au côté obscur. Tout le monde ne peut pas en dire autant. »

Bientôt la demoiselle enchaîna avec un triste constat qu’avait fait son maître et que, malheureusement, Lorn ne pouvait que confirmer. Même si l’on désirerait toujours que cela se passe autrement, dans cette vaste galaxie la joie était toujours accompagnée de sa sœur, la douleur. Triste, n’est-ce pas ? Triste de n’apprécier la valeur de quelque chose que lorsqu’elle disparaissait, triste de ne comprendre son importance qu’à travers la douleur et, sur un ton comportement une pointe de tristesse et un soupçon de lassitude, le garçon répondit :

« Effectivement, c’est un triste constat de se dire qu’il faut parfois passer par la douleur et la perte pour se rendre compte à quel point quelque chose est précieux. »

Et enfin le moment le plus mémorable de cette petite journée venait d’avoir lieu, le jeune homme avait pris son courage à deux mains et venait de laisser son cœur prendre les rênes l’espace d’un instant, comme il ne l’avait pas laissé faire depuis ce qui lui semblait être une éternité. Étrange, non ? Pourquoi quelqu’un qui ne ménageait jamais ses mots et qui laissait son cœur parler à sa place, c’était étrange de constater qu’il avait attendu si longtemps avant de laisser son corps prendre les commandes de temps en temps…il n’oubliait jamais vraiment les enseignements de son maître non plus. Il n’aimait pas la politique de l’Ordre concernant les émotions car cela revenait à se brider soi-même, à faire attention à tout ce qu’il pourrait faire ou dire mais en même temps il savait que se laisser guider par ses émotions pourrait le mener dans des lieux qu’il voulait oublier.
Il devait donc faire attention à ne pas franchir la ligne mais, aujourd’hui, il avait ressenti qu’il pouvait se laisser aller sans prendre de risque. Après tout il n’était plus un adolescent qui découvrait la puberté et les joies des hormones, il était un maître qui avait assez d’expérience pour savoir où il allait sans être trop aveugle pour tomber dans un excès de confiance. Il s’était donc laissé aller, diffusant son calme et sa chaleur à travers sa camarade qui, bien que ne le repoussant pas, fut évidemment surprise de ce mouvement. Oui, l’éventualité que ce sentiment ne soit qu’à sens unique avait traversé l’esprit du jeune maître plus d’une fois, mais il ne désirait pas vivre avec des doutes ou des regrets. Reculant d’un pas pour laisser sa camarade se reposer et rassembler ses esprits, le garçon commença par répondre :

«Est-ce vraiment important de savoir depuis combien de temps ? »

Au fond elle devait s’en ficher de savoir depuis combien de temps il ressentait cela, elle était prise au dépourvu et assez déboussolée pour ne plus savoir quoi faire ou quoi penser. Comment lui en vouloir ? La voyant paniquer en ne sachant pas trop comment agir, le garçon plongea ses yeux azurs dans ceux de son amie et prit une respiration et calme et posée avant de lui dire :

« Respire, laisse la Force faire la paix dans ton esprit. Je n’ai pas fait ça en espérant obtenir une réponse immédiate de ta part, je l’ai fait parce que je le voulais. Je connais la signification de mon geste et le risque qu’il amène avec lui, cependant, à mes yeux le jeu en vaut la chandelle. Je ne te demande pas de me répondre mais de comprendre, tu trouveras toi-même ta propre réponse avec un peu de temps. »

Il n’y avait que dans les holo-films à l’eau de rose que la femme tombait immédiatement dans les bras de son prince charmant dès le premier baiser, aucune de ces deux personnes n’était assez naïve pour croire à ce genre de conte de fée. Il savait qu’il avait pris un risque en agissant de la sorte et il savait aussi qu’il avait 50% de chance de se manger le râteau du millénaire, mais il préférait nettement tenter sa chance que de passer sa vie à se demander s’il aurait mieux fait de tenter le coup ou non. Mieux vaut demander pardon que permission. Reculant de quelques pas en laissant quelques instants à la demoiselle pour enregistrer l’information, le maitre laissa son esprit vagabonder et, alors qu’il plongea ses mains dans ses poches et qu’il levait les yeux au ciel, il laissa ses pensées sortir de sa bouche dans le moindre filtre :

« L’amour mène à la souffrance et la souffrance mène au côté obscur, c’est ce que l’on répète aux jeunes initiés en arrivant ici. Nous avons tous deux goûté au côté obscur, nous ne nageons plus en terrain inconnu, nous savons où il mène. Je veux croire qu’il est possible de créer quelque chose en faisant face au côté obscur, sans en avoir peur, je ne veux pas vivre en me demandant ce que j’aurais pu ou dû faire. J’ai assez eu de regrets dans ma vie comme ça, je me refuse d’en rajouter un de plus sur la liste.»

Peut-être était-ce de l’arrogance et un excès de confiance que de ne pas craindre cette voie et de ne pas être surpris par ce qu’il y trouverait au bout, cependant le jeune maître voulait croire qu’après tout ce sang et cette souffrance il pouvait avoir le droit de faire un choix parce qu’il en avait envie et non pas parce que ce serait la chose la plus sensée ou la plus réfléchie à faire. Il avait assez de regrets dans ses souvenirs, assez de douleur, assez de désespoir et de rage à rendre n’importe qui complètement dingue, mais il était encore là, marchant, parlant et avec l’esprit assez clair pour voir ce qu’il voulait vraiment en ce moment-même. Il n’avait jamais rien demandé de sa vie, il avait dévoué son existence entière aux jeunes générations de l’Ordre et à l’amélioration de ses propres compétences pour défendre l’Ordre et la paix…pouvait-il, après 32 années, faire son premier choix égoïste de sa jeune existence ? Il pensait que oui.
Respirant profondément en ramenant son esprit à bon port, le garçon conclut par un :

« Je ne te demande pas de réponse, je ne t’en voudrais pas peu importe ta réponse. J’espère simplement que cela ne changera rien à tout ça si jamais il n’y a rien pour toi. »

Voulait-il se mettre à dos son amie de longue date ? Clairement pas, surtout pas elle mais il était possible que son geste en vienne à changer complètement la donne. Faisant demi-tour et se penchant pour ramasser son manteau, le garçon finit par demander :

« Tu veux peut-être que je te laisse, le temps de remettre tes pensées en place ? »

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Se ressaisir, respirer calmement : voilà, c’était ça, inspiration, expiration. Alyria profita de l’aura calme et apaisante diffusée par Lorn autour d’eux pour reprendre lentement possession d’elle-même. Le choc de la surprise passée, elle devait réussir à se comporter en jedi, ou au moins en femme mûre, et non en adolescente bafouillante. Et pour cela, elle devait faire le vide dans sa tête et faire revenir au plus vite son esprit analytique qui l’avait tiré de situation bien plus délicate. Parce qu’après tout, à ce genre de question, il ne pouvait y avoir que deux types de réponses possibles : oui ou non. Pourtant, au fond d’elle-même, une petite voix susurrait qu’il y avait une troisième réponse, qui se nommait « peut-être. » Devait-elle fermer une porte qui ne se rouvrirait jamais au nom de la raison, du Code, de préceptes qu’elle avait par ailleurs déjà enfreint allègrement ? Ou bien devait-elle entrouvrir cette dernière pour en explorer les possibilités avant de se décider ? Son choix résidait entre ces deux alternatives, et la trentenaire hésitait, alors qu’elle n’aurait pas dû.

Bien sûr, le choix du jedi normal, de la rationalité pure, eut été évidemment de ne même pas se poser la question. Peu importaient les sentiments en jeu, ils étaient généralement proscrits. Mais justement, s’il y avait une possibilité, si infime fut-elle, de laisser s’épanouir quelque chose de beau, de pur, qui serait approuvé par le Conseil… Devait-elle la laisser passer ? Elle aurait dû dire oui, et pourtant, quelque chose dans les tréfonds de son âme lui faisait dire non, obstinément, furieusement non. C’était un non têtu, déterminé, mais surtout empreint d’une certaine appréhension. Mais elle se devait d’au moins considérer les choses, par respect pour les sentiments de Lorn, qui malgré les risques d’être rejeté, voir fuit, n’avait pas hésité, lui, à exprimer ce qu’il ressentait. Certes, il ne l’avait pas verbalisé, mais quelle importance ? Le geste était suffisamment clair pour qu’il n’y ait pas d’équivoque possible, d’autant que dans un sens, cela arrangeait Alyria. Peut-être que son amour des mots lui faisait leur accorder une trop grande importance, mais elle avait toujours eu l’impression que prononcer à voix haute ce genre de chose leur donnait un aspect définitif, plus profond, plus partagé peut-être aussi.

Son esprit éclairci par ces réflexions, elle se reconcentra sur les paroles de celui qui lui avait ouvert son cœur et répondit doucement à sa question, d’une manière beaucoup plus assurée que précédemment, ce qui montrait son calme retrouvé – du moins partiellement.

« Non, ça n’a pas vraiment d’importance, excuse-moi, je n’aurais pas dû poser une telle question. J’étais simplement surprise. »

En tout cas, ça n’avait pas vraiment d’importance tant que la situation n’était pas réglée, et n’en aurait que si elle faisait le choix de donner une chance à Lorn. Sinon, elle n’avait pas à le savoir, car les sentiments de son ami n’appartenaient qu’à lui.

Une partie d’elle-même se sentit soulagée quand Lorn lui assura qu’il n’attendait pas de réponse immédiate. En un sens, Alyria savait que son vis-à-vis aurait préféré en obtenir une, ce qui était compréhensible, on ne se jetait pas à l’eau au risque de briser une amitié de plus de vingt ans pour s’entendre répondre un douloureux « je ne sais pas ». Mais elle n’avait pas mieux à lui offrir, elle aurait bien voulu, mais puisqu’elle avait pris la décision de ne pas répondre non à cause du Code, il fallait bien que sa décision se fasse par rapport à un critère : est-ce qu’elle ressentait oui ou non quelque chose pour lui qui dépassait le cadre de l’amitié, de la simple attirance physique, et surtout de suffisamment fort pour construire quelque chose de durable. Parce que pour la maîtresse d’armes, c’était une évidence : elle tirerait une croix sur les règles d’attachement uniquement pour une relation à long terme. Certes, elle ne doutait pas que ce soit les intentions de Lorn, mais son besoin de verbaliser les choses la poussa à parler, et à enfin fournir une explication à peu près cohérente, et elle l’espérait ardemment, suffisante, tout du moins dans un premier temps.

« Si je ne te fournis pas de réponses, crois-moi, ce n’est pas une question d’hésitation par rapport à notre Code. C’est une question d’honnêteté, envers toi, et envers moi-même. Je n’ai jamais ne serait-ce que soupçonné que tu puisses envisager sous un autre angle que l’amitié notre relation, et, sans doute que cette vision m’a empêché d’y penser également. Une sorte d’autocensure, si tu veux. Concrètement, cela veut dire que je ne sais pas vraiment si… Quelque chose est possible entre nous. Et par là, je veux dire quelque chose de durable, évidemment. Si c’était autre chose dont il était question, eh bien… Je n’en verrais pas l’utilité. Mais je présume que tu ne t’es pas jeté à l’eau pour une telle futilité, donc cela règle cette question. »

Un trait distinctif d’Alyria, c’était son effroyable manie de transformer les passages des discours qui la gênaient en un horrible embrouillamini jargonneux, mais c’était une sorte de moyen de protection, se retrancher derrière la perfection du langage pour masquer les troubles dans son esprit, et dans son cœur. Essayant d’éclaire un peu son propos, elle reprit avec une certaine tendresse dans la voix :

« Désolée, je vais essayer d’être plus claire. Et dire que de nous deux, c’est apparemment celle qui aime le plus les longs discours qui a dû mal à dire ce qu’elle a sur le cœur. La situation ne manque pas d’ironie, mais après tout, ce n’est pas comme si nous étions très prévisibles, visiblement. »

Non vraiment, l’ironie de la situation l’aurait fait sourire si elle n’était pas directement concernée, mais ne lui échappait pas. Sans compter qu’elle était quelque part impressionnée par cette face si passionnée, et en même temps si calme, de Lorn. Il avait apparemment longtemps pensé à tout cela avant de se lancer, ce qui n’était peut-être pas si surprenant : depuis combien de temps nourrissait-il ce projet, elle ne savait pas, mais en tout cas, ce n’était définitivement pas un coup de tête. Et elle avait besoin d’une réponse, avant qu’il ne s’en aille, c’est pourquoi, alors qu’il faisait mine de s’éloigner, elle le rattrapa en lui attrapant la main et souffla un vibrant :

« Attends ! »

Alyria avait besoin de savoir, de le dire :

« Je comprends ce que tu veux dire, c’est vrai qu’au moins, nous ne sommes plus des enfants inconscients, c’est un point important. Mais je dois te poser une question, parce que sans cette réponse, j’aurais du mal à envisager quoi que ce soit : concrètement, comment tu imaginerais notre relation ? Je veux dire… Comment la concilier avec nos devoirs de jedi ? »

Cette question la taraudait : Alyria ne savait pas si elle était prête à vivre une relation cachée, et elle devait savoir ce que Lorn voulait sur ce point-là. Après, elle pourrait se concentrer sur elle-même et faire son introspection. Sans lâcher la main de Lorn, elle plongea son regard dans le sien et dit :


« En tout cas, je te promets que je vais y réfléchir, parce que je ne veux pas, moi non plus, avoir de regrets, et donc tirer un trait sur quelque chose qui pourrait s’ouvrir devant moi sans y avoir pleinement réfléchi à tête reposée. Et sache que rien ne pourra entamer notre amitié. Rien. Elle sera ou transformée, ou inchangée, mais jamais brisée. Je t’en donne ma parole de jedi. »
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Il avait fallu au jeune homme des années entières d’entraînement et de contrôle de soi avant que son corps ne cesse de le brûler en permanence à cause de son sang de guerrier qui ne cessait de bouillonner dans ses veines et de le pousser à se battre comme il aurait normalement dû le faire. Plusieurs fois il avait lâché prise et s’était abandonné à ses origines barbares et guerrières, plusieurs fois il avait laissé son esprit devenir blanc jusqu’à en oublier le moment présent pour ne succomber qu’à l’ivresse du combat. Il y avait cédé et en avait eu honte, il connaissait cette sensation d’abandon total et de perte de contrôle absolue sur son propre corps si bien qu’il n’avait pas de difficulté à comprendre pourquoi la plupart des jedis avaient simplement du mal à se laisser aller et à laisser leur cœur d’exprimer comme cela devrait se passer normalement. Chaque jedi naissait et grandissait avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, la menace qu’un jour chacun d’eux finisse par perdre le contrôle de ses émotions et fasse quelque chose qu’il regrette amèrement.
Chacun de ses frères faisait attention à ce qu’il disait pour ne jamais avoir honte de certaines de ses actions, mais le jeune homme ne savait que trop bien ce que signifiait vivre son existence avec des regrets et des remords le rongeant de l’intérieur, à petit feu. Le garçon savait donc qu’en faisait le premier pas il allait devoir accorder beaucoup de temps à sa camarade pour sortir de son cocon, pour réapprendre à écouter son cœur de nouveau et à le laisser parler librement sans le brider, de peur d’être jugée. Il ne fut donc pas étonné le moins du monde quand sa camarade lui expliqua pourquoi elle ne lui donnait pas une réponse immédiate, il n’en attendait pas une tout de suite de toute façon. Elle avait des doutes, elle était déboussolée et Lorn ne pouvait lui en vouloir pour cela, elle avait besoin de se faire à l’idée que son ami la voit dorénavant autrement que comme une amie ou une sœur d’armes. La réponse du maître ne se fit donc clairement pas attendre :

« Je ne vais pas chercher à influencer ta réponse. J’ai eu tout le temps d’y réfléchir, je vais simplement te laisser réfléchir de ton côté et prendre le temps qu’il faudra pour que tu parviennes à une réponse qui te satisfasse. Rien ne presse, je ne risque pas de changer d’avis de sitôt. »

Elle avait tout le temps du monde pour rassembler ses idées et savoir où elle était, elle n’avait pas besoin de s’inquiéter car le jeune homme camperait sur sa position aussi longtemps qu’il le faudrait, il avait été rarement aussi certain de lui sur un sujet depuis le début de sa carrière de jedi. Le garçon ne put s’empêcher d’afficher un discret sourire sur ses lèvres lorsque la demoiselle parla de leur prévisibilité, répondant sur un ton léger :

« Je t’avoue que je me suis surpris moi-même avec ce geste, je pensais que ce serait plus…difficile. Mais au final il suffit juste de se laisser aller, nous avons tellement l’habitude de faire attention à ce que l’on dit ou ressent qu’on en oublie de laisser parler notre cœur, à force. »

Mais malgré tout ce que pouvait dire le jeune homme, malgré le calme qu’il tentait de projeter à travers la Force, sa camarade était toujours emplie de doutes concernant la possibilité d’une telle relation et le fait de la concilier avec leur vie prenant de jedi. C’était tout à fait légitime qu’elle se pose ce genre de question, Lorn n’en attendait pas moins, cependant il n’avait pas toutes les réponses en main et ne pouvait que lui dire ce dont il était lui-même certain. Il ne pouvait pas lui apporter la vérité absolue…mais simplement sa propre vérité.

« Pense-tu que j’aurais fait le premier pas si je n’avais pas été sûr que cela pourrait nous mener quelque part ? Il n’y a pas de plan de route, pas de guide pour nous montrer que faire ou ne pas faire. C’est à nous de faire nos propres choix et d’improviser en cours de route, nous verrons bien où cela nous mènera ensuite. C’est le voyage qui est intéressant, pas la destination. »

Cette dernière phrase il l’avait entendue de nombreuses fois, notamment dans la bouche de son maître et il n’en avait saisi le sens que très récemment, il avait compris que son statue de maître d’armes n’était pas le bout de ce chemin mais simplement une étape un peu plus longue que les autres. Son voyage n’était pas terminé, il lui restait encore un peu de route à faire et peut-être arpenterait-il cette route avec sa padawan et avec sa camarade à la crinière de feu. Mais que pouvait-il dire de plus qu’il n’avait déjà dit ? Posant sa main sur la douce joue de sa camarade, il plongea ses yeux azurs dans les prunelles de son amie avant de lui souffler :

« Y réfléchir, c’est tout ce que je te demande. Ni plus, ni moins. Que cela dure des jours, des semaines ou des mois, j’attendrai le temps qu’il faudra. Je t’aurais bien embrassée une seconde fois mais la première t’a assez déboussolée comme ça, je ne préfère pas empirer les choses. »

Se séparant d’elle une toute dernière fois, le garçon se redressa et balayant les jardins de son regard, ce regard perdu au loin comme s’il cherchait des réponses aux questions qu’il n’osait se poser. Qu’allait-elle dire ? Qu’allait-elle penser de lui ? Combien de temps attendrait-il ? Il n’en savait rien mais ne pouvait que donner du temps et de l’espace à Alyria, concluant par un :

« Lorsque tu auras ta réponse, tu sauras où me trouver, je n’en doute pas. Je pense que je vais y aller, du coup. Je t’ai assez chamboulée comme ça pour aujourd’hui. »

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L’avantage dans les longues conversations, surtout celles à cœur ouvert comme celle qui venait de se dérouler, c’est que généralement, les réponses venaient peu à peu d’elles-mêmes, indirectement, souvent pour expliquer d’autres choses. Ainsi, en écoutant Lorn parler de ce qui avait troublé Alyria en second lieu, soit le temps qu’il faudrait pour prendre une décision, elle avait eu incidemment la réponse à sa toute première question, la première qui lui était passée par la tête lorsqu’il l’avait embrassé, soit : depuis combien de temps ? Et au vu des affirmations de son désormais ami amoureux, à défaut de meilleur titre, cela faisait un sacré bout de temps.

Cette révélation n’était pas en soi troublante, elle était à la fois rassurante, car cela signifiait la preuve d’un attachement profond et sincère, mais dans le même temps, Alyria avait l’impression terrible d’avoir été parfaitement aveugle aux sentiments, de son ami, ce qui pour un maître jedi, n’était pas très glorieux, et surtout en plus, d’être complètement passée à côté de l’évolution de leur amitié. Peut-être qu’elle s’attachait trop à certains détails, certes, mais son esprit était fait ainsi, toujours à repérer les petits accrocs dans les phrases des autres, au détriment parfois d’un plus grand ensemble.

Alors, oui, l’acte était en lui-même irréfléchi, Lorn venait de l’admettre, mais faisait partie d’un tout bien plus grand, qu’Alyria venait tout juste de découvrir. Se laisser aller… Etait-ce compatible avec un certain contrôle ? A priori non, et pourtant, des souvenirs confus lui revenaient de sa propre expérience amoureuse, et effectivement, elle savait que prudence pouvait étonnement rimer avec passion. Le tout était de savoir poser une limite, de ne pas se laisser déborder… Un peu comme dans un duel, en quelque sorte. Voilà au moins une métaphore qui lui plaisait, et qui lui permettait d’y voir un peu plus clair. Mais, hélas, un peu seulement.

Lorn disait vrai : elle avait besoin de réfléchir, de se confronter avec elle-même, avec ce qu’elle ressentait, et peut-être de repenser encore et encore au Code et à sa propre compréhension de ce dernier. Autant dire que son programme pour les prochains jours, les prochaines semaines s’annonçait chargé, et pas de tout repos, au moins mentalement parlant. Mais elle avait sans doute besoin de cette remise en cause et de faire ce travail d’introspection personnel. A vrai dire, elle aurait été obligé de le faire de toute manière, à un moment ou un autre. Les circonstances étaient bien différentes de ce qu’elle s’était imaginé, évidemment. En même temps, comment aurait-elle pu… ?

Il ne servait à rien de ressasser la chose : peu importe les indices que Lorn avait pu disséminer sur ses sentiments, elle n’avait rien vu, et maintenant, elle devait faire un choix. Voilà l’important, voilà ce sur quoi elle devait se focaliser. Le reste viendrait avec, ou bien appartiendrait pour toujours à l’epicanthix. Trancher, choisir, vouloir… On en revenait toujours à cela n’est-ce pas ? Sauf que dans ce cas présent, quel était le bon côté de la Force ? Y en avait-il un ? Y avait-il une réponse toute faite ? Sans doute pas, les choses auraient été bien trop faciles dans le cas inverse.

Alyria ne put retenir un léger sourire en entendant Lorn déclarer qu’il l’aurait bien embrassé une seconde fois, mais qu’il préférait s’abstenir. En effet, peut-être valait-il mieux… Quoique, maintenant qu’elle savait, est-ce que cela aurait changé quelque chose à sa réaction ? La surprise était-elle la seule cause de son manque de réaction, ou bien était-ce plus que cela ? Cependant, la trentenaire refuser de jouer l’instinct comme cela, au détriment de la raison et des sentiments de Lorn. Il n’en aurait résulté qu’une blessure encore plus profonde pour ce dernier.

Elle espérait simplement que la réponse à toutes ses interrogations viendrait assez vite, ou en tout cas, au moins la plus importante de toute : est-ce qu’elle voulait s’engager auprès de Lorn ? Parce que c’était ça finalement, le principal. Le reste découlait de cette première question. Une fois qu’elle aurait la réponse à cette interrogation, alors son choix serait plus facile, enfin non, mais au moins plus clair. Après viendraient les autres problèmes liés : le Code, leur vie de jedi, le dire ou non au Conseil, s’organiser une vie de couple ou pas… Et bien d’autres choses auxquelles ne préférait pas penser pour le moment, elle devait se focaliser sur un objet à la fois. Sinon, elle allait s’embrouiller un peu plus. 

Voyant Lorn partir, Alyria resta un instant sans réaction, puis, jetant aux orties sa prudence un moment, ne regardant même pas si des yeux curieux les fixaient, elle s’élança à sa poursuite, et déclara dans un souffle plus rauque que d’habitude :

« J’ai un cours de toute façon, je dois y aller aussi, et il faut que je me change mais avant… »

Se hissant sur la pointe des pieds afin de combler les nombreux centimètres qui les séparaient, Alyria déposa un baiser sur la joue droite de son ami, puis, s’écartant rapidement, elle dit, détournant un peu les yeux, ne sachant pas trop ce qui lui avait pris, mais pourtant contente au fond d’elle-même de son geste :

« Pour rendre l'attente moins longue... »                                                                                                          

Ce n’était pas grand-chose, cela pouvait être interprété de bien des manières, mais symbolisait une promesse : elle y réfléchirait, et quand elle serait prête, elle viendrait trouver Lorn, et alors, ils décideraient ensemble de la marche à suivre. La route serait longue, l’essentiel était de faire le premier pas. Son ami avait fait le sien, à elle de lui emboîter le pas, justement, ou de prendre un chemin opposé. Mais un fait était sûr : ce bouleversement qu’elle attendait dans sa vie venait de la cueillir de la plus étonnante et la plus exquise des manières. A elle, non, à eux d’y faire face.
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