« - Artémis, peux-tu me dire où se trouve l'Officier Lento ? »

« - L'Officier de Liaisons Lento est actuellement en communication dans son bureau avec l'Officier de Recrutement de l'Armée Républicaine Mac Arthuür. Je crois pouvoir affirmer sans erreur que cette communication est à l'origine de son retard. »

« - Merci Artémis, préviens-moi dès qu'elle sera en chemin pour nous rejoindre. »

« - Très bien, Capitaine. »

Je m'appuyais des deux mains sur la table qui trônait au centre de la pièce. Non loin de là, une énorme masse organique émettait un soupir banthasque, pour le moins.

« - Un Officier de Recrutement de l'Armée Républicaine, hein ? Nous n'avons pas eu affaire avec l'un de ces bureaucrates depuis nos débuts... Cela ne peut vouloir signifier qu'une seule chose : le Haut Commandement de la République réunit toutes les forces disponibles. Ils craignent que la guerre n'éclate pour de bon cette fois. »

L'appréhension qui me taraudait l'esprit depuis les évènements d'Artorias était à présent à son paroxysme. Elle m'avait transformé depuis quelques jours en un monstre irascible et impatient, ce que Moktarr avait dû rapidement percevoir et transmettre au reste de l'équipage puisque, malgré l'espace confiné dans lequel nous évoluions, je n'avais croisé presque personne sauf par nécessité depuis lors. Je lâchais à mon tour l'un de ces soupirs agaçants dont les hommes inquiets seuls ont le secret avant de commencer à faire les cents pas au fond de la pièce.

« - La guerre... Putain. La guerre ! Mac Cload, y sommes-nous seulement préparé ? »

La question n'attendait pas de réponse et il le savait puisqu'il n'en donna pas, me laissant poursuivre mon soliloque en paix.

« - Attaquer des esclavagistes, infiltrer des stations para-militaires illégales, escorter des enfardés c'est une chose, mais se retrouver en plein cœur d'une bataille rangée entre les deux plus grosses puissances que notre galaxie connaisse... Et on peut compter sur ces connards de Siths pour en avoir sous le pieds ! Ces fumiers ne se seraient pas risqués à attaquer maintenant s'il ne s'étaient pas sentis prêts à encaisser le retour de flammes. Les gars ne me semblent pas prêt à un tel choc, on n'est pas encore... »

« - Capitaine ? »

C'était de nouveau la voix d'Artémis qui venait me cueillir au milieu de mes réflexions, interrompant le flux de paroles aussi bien que les allers-et-venues qui les avaient rythmées.

« - Oui ? »

« - Excusez-moi de vous interrompre mais le Docteur Zaenith m'a demandé de vous informer que le Timonier Veshi commence enfin à émerger de son délire. Elle lui a administré les premières doses de substituts et nous assure qu'elle sera sur pieds d'ici demain, bien que les douleurs persisteront encore durant plusieurs semaines voir des mois. Il semblerait que la première phase de sevrage, la plus douloureuse physiquement parlant, soit passée mais le Docteur Zaenith me demande de vous mettre en garde : « certes le corps a surmonté le manque mais c'est maintenant que les choses vont commencer à gagner en intérêt. » »

« - Gagner en intérêt ? »

« - Ce sont effectivement les termes qu'elle a utilisé, Capitaine. »

« - Merci, Artémis, ce sera tout. »

Gagner en intérêt ? Cette femme était sûrement d'un génie rare et d'une compétence indubitable, à l'instar de nombre de ses pairs, mais elle en avait également cet incroyable côté dérangeant, malsain, qui voulait que l'intérêt intellectuel l'emportait nécessairement sur toutes formes de valeurs morales et d'autant plus lorsqu'il s'agissait de faire preuve de compassion. Aussi surprenant que cela puisse paraître, malgré les camés, les putains et les criminels tous sur le repenti qui composaient à présent mon équipage, c'était encore la présence de cette affreuse blafarde qui me dérangeait le plus.

« - Capitaine, l'Officier Lento vient de conclure sa communication avec l'interlocuteur républicain. Elle se dirige à présent vers votre position et vous transmet à travers moi ses excuses pour son retard. D'après mes capteurs et ma connaissances des organiques, je dirai qu'elle est pour le moins perplexe. »

« - Très bien, cela confirme ce que je pensais. Officier-Artilleur Moktarr Mac Cload, je suis intimement persuadé que le Séléné s'apprête à partir en guerre. »

BBBBAAAAAOOOOOOUUUMMMM

Vide. Pas déprimée, énervée, frustrée, juste ... vide, voilà comment elle se sent depuis qu'elle a émergé du délire causé par le manque. Depuis qu'elle s'est réveillée sur cette satanée couchette, sur ce foutu vaisseau. C'est sa seule ligne de défense. Face à cette douleur sourde et insidieuse qui continue de la hanter. Face à toutes les pensées, tous les souvenirs qui s'attaquent à sa conscience, qui s'efforcent de faire sauter le couvercle maintenant que la drogue n'est plus là pour obscurcir sa tête. Alors elle se concentre sur le Séléné. Ses circuits. Son organisation. Ses performances. Sans l'intérêt qu'a suscité en elle ce petit bijou, elle se serait déjà fait sauter le caisson. Sans les schémas, les projets, les modifications qui occupent ses pensées et tiennent à distance ceux qui rôdent autour d'elle. Ponctuellement, ils se manifestent, la laissant en sueur, le cœur au bord des lèvres, avant de disparaître.

- Qu'est-ce qu'ils foutent, puuuttaaaaiiiinnnn !

Ses yeux cillent un instant, alors que la voix furieuse de son capitaine la ramène dans l'instant présent. Les schémas désertent son esprit. Ses lèvres esquissent un bref sourire, teinté de tristesse. L'administration républicaine reste la même, peu importe le lieu et le jour ... Toujours à faire enrager les militaires, à leur mettre des bâtons dans les roues, à se révéler parfois plus agaçante et pénible que l'ennemi lui-même. Sa furie un rien théâtrale la renvoie à une scène d'un autre temps. Un capitaine à la peau verte et au visage tatoué vitupérant contre des bureaucrates. Son visage se crispe et des larmes perlent au coin de ses yeux sous le coup de la douleur. Le cœur battant à tout rompre, elle se plonge à nouveau dans d'obscures réflexions techniques afin de la fuir. A nouveau coupée de la réalité, elle ne réalise pas que la porte s'ouvre enfin, marquant la fin de leur attente, pas plus qu'elle n'entend les paroles du vieillard qui les accueille.




L'explosion la prend complètement au dépourvu. Avant même qu'elle n'ait pu réaliser quoi que ce soit, elle percute le mur avec violence. La douleur, aiguë, lui arrache un grognement de douleur, suivit d'un autre lorsqu'une plaque de tôle atterrit sur son dos. Complètement sonnée, tétanisée, elle s'efforce en vain de rassembler en un tout cohérent le maelström de pensée qui envahit son crâne. Souvenirs, traumatismes, angoisses, interrogations, tout ceci se mêle, la paralyse complètement. Incapable de réagir, de se bouger, de se rappeler même qui elle est.

- Nikkkhhhiiiaaa ?!

Nikhia. Elle. Son nom. C'est elle. On l'appelle. Qui ? La voix, elle la connaît. L'image d'un Humain aux cheveux roux. Un autre nom. Arö Ventarë. Son capitaine. Malgré sa désorientation, elle arrive à lâcher un vague "Ici". Quelqu'un ôte le morceau de tôle. Une main l'aide à se relever. Elle se remet sur ses pieds, chancelante. Du petit discours de son capitaine, elle ne retient que son ordre. Retourner illico au Séléné. Voilà une chose qui lui convient tout à fait. Se mettre à l'abri. Retrouver un environnement qu'elle sait maîtriser. Elle ne se fait pas prier pour le suivre.

Porte bloquée. C'était à craindre. Elle regarde son capitaine échouer lamentablement face au terminal de sécurité. Normal. Ce n'est pas son domaine de prédilection. Lui, il commande. En revanche, Nikhia et l'informatique ... Elle peut peut-être réussir là où il a échoué. Non, elle en est sûre. Elle s'est attaquée à des systèmes autrement plus coriaces et vicieux que ceux d'une banale station-casino, fut-elle de luxe. Laissant le capitaine fouiller les murs à la recherche d'un éventuel corridor, ses mains se mettent à pianoter sur le terminal. En un rien de temps, la voilà qui réussit à entrer dans la partie la plus intéressante, celle qui gère les procédures d'urgence. Elle retient un cri de joie lorsque la porte entreprend de s'ouvrir et se retourne vers le capitaine pour le prévenir.

Un grésillement. Le terminal se met à clignoter, puis une fumée s'élève alors que l'écran s'éteint pour de bon. En un éclair, la jeune femme comprend ce qu'il va se passer. Que Ventarë sera trop loin pour agir. Elle se rue vers la porte qui commence déjà à se refermer. Dans un effort qui lui paraît colossal, elle tend ses bras et bande ses muscles, avec un grognement presque bestial, afin de ralentir leur fermeture, ne serait-ce qu'un instant. Elle a juste le temps de lâcher, les lèvres serrées sous l'effort, un mot, avant que le poids de son fardeau ne s'impose à elle.

- Cap'taine !!

[Jet de Force Physique pour empêcher la porte de se refermer d'un seul coup. Et un jet réussit, t'as vu, Arö ?]

Un miracle. C'est peut-être le mot. Pendant quelques battements de cœur, le panneau d'acier s'arrête. Peut-être les mesures de sécurités ralentissent-elles la fermeture. Peut-être est-elle rouillée. Peut-être est-ce la Force, après tout ... Toujours est-il que cela laisse largement le temps à son supérieur de se faufiler par le mince espace laissé entre le sol et le panneau, avant de le retenir pour qu'elle puisse en faire de même. L'Humaine se laisse tomber sur le sol, à bout de souffle, les muscles brûlants, le cœur battant à tout rompre. Jamais elle n'aurait pu se croire capable d'une chose pareille, en dehors des crises de violence qui la saisissent parfois. Après une dizaine de secondes, elle se force à se relever, s'appuyant d'une main fébrile contre la paroi. Avec un sourire crispé, tendu, mais sincère, elle se retourne vers Ventarë et lâche d'une voix haletante :

- Huff ... maintenant, Cap'taine ... huff ... c'est quoi la ... huff ... suite du programme ?

La douleur dans son dos s'est réveillée, maintenant que l'adrénaline a déserté son corps. Lancinante, inquiétante. Grave ? Peut-être. Elle n'est pas médecin. Est-ce du sang, ou de la sueur, qui coule ? Aucune idée. Elle n'est pas un soldat. Elle n'a jamais été entraînée pour la guerre. Ses poumons en feu, ses muscles tétanisés, son cœur affolé en témoignent. Seule le secours d'un bras l'empêche de fléchir. Son capitaine. L'histoire ne peut pas se répéter. Non. Pas cette fois. Elle ne peut pas le laisser tomber. Mobilisant toute sa volonté, elle parvient à tenir le rythme. Mettre un pied devant l'autre, simplement. Machinalement. Ne pas réfléchir. Ne pas se laisser paralyser par les souvenirs. Rester concentrée sur l'instant présent.

- Timonier Veshi, vous empestez la fumée, vous devriez songer à arrêter la clope en même temps que le reste, ça ne réussit pas à votre teint on dirait.

Un sourire fugitif fait son apparition sur ses lèvres. Son rire se change rapidement en quinte de toux, alors qu'elle s'efforce d'approvisionner ses poumons malmenés par la fumée et l'effort intense de tantôt. La voix et l'humour, même douteux, de Ventarë procurent le même support à son esprit que le bras de l'Humain à son corps. Les empêcher de vaciller, d'abandonner, quand bien même une partie d'elle ne rêve que d'abdiquer. Une béquille parfaite (et indispensable) pour une déglinguée comme elle. Elle n'écoute la tentative de communication via comlink que d'une oreille distraite. En dépit de ses efforts, son esprit recommence à vagabonder, de-ci de-là, basculant sans crier gare, entre étude des environs, spéculation sur les systèmes de sécurité de la station, sur l'état probable du Séléné ...

- Identifiez-vous ! Ou nous nous verrons dans l'obligation de faire usage de nos armes !

Elle s'arrête net. Relève la tête. Deux hommes les tiennent en joue. La tiennent en joue. Avec des blasters. Immédiatement, elle se met à trembler, de tous ses membres. Non. Pas encore. Pitié. Ça ne peut pas recommencer. Face à la menace des armes, le stress enfle dangereusement. Son esprit menace de céder. Trop de souvenirs enfouis, de traumatismes refoulés, que cette sensation d'impuissance, de vulnérabilité extrême, fait remonter à la surface. Trop fatiguée pour fuir. Piégée. Ils s'approchent. Le capitaine la dépose contre le mur. Incompréhension. Presque comme une trahison. La fureur monte. Rouge, violente, irrépressible. C'est tout juste si une partie d'elle-même est capable d'aviser le clin d'oeil de Ventarë et de comprendre la situation avant qu'elle ne soit submergée. Immédiatement, avec une violence et une force physique inattendue pour son frêle gabarit, elle agit. Ses mains agrippent leur col sans la moindre hésitation. Une distraction que le capitaine exploite sur-le-champ.

La fureur s'évapore aussitôt, la laissant avec cette dérangeante et familière sensation de vide. Heureusement, la crise n'est pas arrivée à son terme. L'éruption a été interrompue. Sinon, la prostration aurait été inévitable. Longue. Fatale, sans doute.

- La voie est dégagée, Timonier Veshi, allons retrouver le reste de notre équipage voulez-vous ?

Encore une fois, cette voix, cette main, pour la tirer de son abattement. Elle n'en frôle pas moins dangereusement ses limites. Pas tant physiques que mentales. Trop de stress. Trop d'angoisse. Trop d'impuissance. Elle se sent vaciller, au bord du gouffre. Il lui faut un refuge. Un vaisseau. Un environnement fiable, dépourvu de menaces biologiques. Regagner le Séléné, vite.

- Ou-ouais. Je ... je ... on doit retourner au Séléné. Vite. Je ... trop, là. Pas ... je ... c'est pas mon ... job, tout ça.

Elle commence à bafouiller. Mauvais signe. Elle le sait. Le temps que l'ascenseur arrive, elle s'efforce de contrôler sa respiration. D'évacuer le stress. En vain. Les bruits de combat, les cris de douleur ou de rage, les explosions, les tirs de blaster, l'odeur de la fumée ... trop de mauvais souvenirs liés, qui ne sont qu'à un cheveu de se matérialiser avec d'autant de puissance qu'il n'y aura plus la drogue pour leur tenir tête. Elle s'engouffre dans l'ascenseur avec précipitation, laissant à son congénère le soin de choisir leur destination. Tout le long du trajet, elle reste muette, avec comme seuls indices de son état d'extrême agitation les tremblements infimes qui continuent de secouer son corps, et sa main gauche qui entreprend de gratter avec frénésie l'arrière de son oreille. Avant qu'elle ne reprenne la parole, soudainement, sans prévenir. D'une voix stressée, à la limite de la panique.

- Désolée, cap'taine, mais là ... je ... je vais craquer. Désolée. Désolée. Mais ... ça ... je ... je peux pas assurer. Faut pas ... risquez pas votre peau. Je ... j'en vaut pas la ...

C'est cet instant précis que choisit l'ascenseur pour s'arrêter brusquement. Petit problème : ce n'est pas à l'étage prévu. Ce qui se révèle être un gros problème, lorsque les portes s'ouvrent soudainement sur un homme leur tournant le dos et ripostant à grands tirs de blaster à l'attaque d'un agresseur invisble. Et même une emmerde de première, quand le soldat, républicain à en juger par son uniforme, est touché en pleine tête par un tir et s'effondre en arrière ! Malgré ses muscles et leurs hurlements de protestation, malgré, ou peut-être justement grâce à son état d'agitation extrême, le corps de Nikhia réagit spontanément et ses bras se tendent aussitôt pour repousser le cadavre tout chaud et l'empêcher de bloquer les portes.


[Jet de Force pour retenir le cadavre et le repousser dans le sens inverse. Zut. J'crois qu'on est mal barrés, cap'taine !]

En vain. Ses forces l'abandonnent et c'est tout juste si elle ne s'effondre pas sous son poids. Il lui faut l'aide de Ventarë, rendue délicate par les tirs de blasters qui convergent désormais vers eux, pour arriver à déblayer le chemin des portes, au prix de précieuses secondes perdues pour de bon. A peine l'ascenseur se referme-t-il que la Kuati se remet aussitôt à trembler, de plus en plus fort. Le contact du cadavre, l'odeur de la chair brûlée par les blasters ... c'est trop pour elle et son esprit fragile. Elle se plaque les mains sur les yeux, dans un effort dérisoire pour repousser les visions qui l'assaillent. Un tir de blaster, une voix ricanante, un corps à la peau verte qui s'effondre sous ses yeux, sa voix qui hurle à la mort. Du sang, partout, sur sa peau, sur ses mains, sur son visage.

- Non. Non. Pitié. Pas ça ! Sortez-moi de là ! Pitié ... quelqu'un ... Faites que ça s'arrête !

Pourtant, quelque part en elle, une petite voix refuse de lâcher le combat. D'un simple murmure, elle gagne progressivement en puissance, jusqu'à devenir un véritable hurlement. "Arrête de fuir, lâche ! Bats-toi ! Ca ne doit pas se reproduire ! Ne ... renonce ... pas ! Bouge-toi les fesses, ou ils vont crever par ta faute ! ENCORE !" Ses ongles mordent dans la chair de ses bras, jusqu'au sang. La douleur rompt l'emprise du passé, pour un temps. Elle se relève, les jambes flageolantes, évitant le regard de son supérieur. Honteuse est un bel euphémisme. Voilà. S'il ne s'en doutait pas, désormais, il est fixé. Elle n'est pas fiable. On ne peut pas compter sur elle. Un poids mort ... Heureusement, l'ouverture des portes intervient à point nommé pour lui fournir une échappatoire. Sans attendre, elle quitte aussitôt la cabine, sans parvenir à dissimuler les larmes qui coulent sur ses joues. Leur couloir d'arrivée à l'air calme. Pour le moment ...

Troubles. Confusion. Panique. Passé et présent qui se mélangent. Impossible pour la Kuati  de faire le tri. Les cris qui montent à ses oreilles sont-ils réels ? L'odeur de chair brûlée et de fumée qui montent à ses narines n'est-elle qu'une illusion créée par son esprit ? Peut-être. Peut-être pas. Là n'est pas l'important. Son cerveau ne se concentre que sur une chose. Regagner le Séléné. Survivre jusque-là. Menaces, obstacles ... ça, il faut en tenir compte. Tout le reste n'est que brouhaha et distraction. Y compris les éventuelles tentatives de son capitaine pour communiquer avec elle. La panique est toujours là. La peur d'être jugée. La honte d'elle-même. Alors, comme toujours, elle la fuit. Se force à avancer, sans souffler. Sourde à la douleur de son corps, aux protestations de ses membres, à ce liquide qui coule le long de son dos.

Par chance, ou par l'un de ces clin d'oeil dont la Force raffole, la section de la station qu'ils traversent à ce moment ne comporte pas le moindre combat. Des traces, oui. Impacts de tirs de blasters, cadavres, débris en tout genre ... mais pas âme qui vive. Comme si la bataille venait justement de se déplacer ailleurs. Leur progression est lente, ralentie par un sol jonché de fragments de parois épars et de corps inanimés. L'éclairage chaotique et imprévisible de la zone ne leur facilite pas vraiment la tâche. Lentement, sans qu'elle s'en rende compte, la timonière Kuati s'affaiblit. Le stress, les violents efforts physiques qu'elle a imposé à son corps mal entraîné, la panique, sa blessure au dos, finissent par drainer petit à petit ses forces. Elle finit par basculer dans un état mi-comateux, mi-éveillé. Sa démarche se fait chancelante, un brin titubante. Sa tête commence à dodeliner. Et puis, sans crier gare, ses jambes se dérobent sous elle ...

[Jet de constitution pour surmonter la perte de ses forces et éviter l'évanouissement - Rah, pas loin ...]

Le contact brutal du sol, froid. Trop froid. L'obscurité. Des voix, des images, décousues, qui se succèdent, sans ordre logique. Un homme Kuati en tenue de cérémonie, qui hurle, un mélange de rage et de mépris dans les yeux. "Si tu franchis cette porte, tu ne seras plus ma fille !" Une collection de bouteilles vides, dans un petit studio d'Aldéraan. La fumée qui s'accumule dans la pièce. Un cachot sombre, humide, puant. La lumière, soudaine, de mauvais augure, qui lui blesse les yeux. Le cockpit d'un vieux vaisseau. La voix rassurante de son grand-père aux commandes. Un déjeuner au réfectoire, pris sur le fil. Un Mirialan qui s'assied à sa table. Un hurlement qui retentit. Le sien. Un vaisseau en plein saut dans l'hyperespace. La réaction en chaîne, incontrôlable. Un anneau qu'on lui tend, un soir, dans un rest...

Quelque chose l'arrache à cette dérive, la force à quitter l'obscurité, à rejoindre la lumière. Une douleur cuisante, sur sa joue. Elle ouvre les yeux, brusquement. Son capitaine lui renvoie un regard désolé, la main levée. Brusquement, la situation lui revient en mémoire. L'attaque. L'assaut, la bataille. Le Séléné qu'il faut regagner. Le rouge lui monte aux joues, au point qu'il efface même la marque de la gifle. Elle accepte la main qu'on lui tend, se remet debout. Vite. Elle leur a déjà fait perdre trop de temps. Elle serre les dents, se mord la joue afin de rester consciente. Interdiction de s'effondrer à nouveau avant d'avoir rejoint le vaisseau !