Sérieusement, c’était vraiment à cela que ressemblait la planète d’origine de la race Sith ? Une caillasse désertique où la chaleur harassante manquait de vous faire défaillir au moindre effort ? Ce n’était pas exactement la façon dont je l’avais imaginé, mais rétrospectivement il me semblait que cela pouvait expliquer bien des choses, à commencer par l’extinction de l’espèce native de cet endroit charmant.

Quoiqu’il en soit, avec tout le mal que je m’étais donné pour parvenir jusqu’ici, il allait bien falloir que je fasse avec. Aussi déplaisante que me paraisse cette planète, elle offrait tout de même des perspectives plus… stimulantes professionnellement parlant que ce que j’avais pu connaître jusqu’à maintenant.

L’armement d’une frégate et toutes les tâches qui s’y rapportaient de près ou de loin, était peut-être une excellente occupation pour des ingénieurs de bas étages, mais certainement pas pour moi. Je n’avais pas fini première de ma promotion dans l’université la plus prestigieuse de Novania pour me retrouver à faire les quatre volontés de vulgaires pirates. Il existait, me semblait-il, une infinité de desseins plus grands – et surtout plus lucratifs ! – que mes compétences auraient pu servir. Et c’était précisément  ce que j’étais venue chercher sur Korriban.

Les récents évènements qui  avaient ébranlés la République - à commencer par l’attaque des Sith sur Artorias – laissaient penser que ces derniers étaient probablement de bons clients pour le genre de travaux que j’affectionnais et ils constituaient, à l’heure actuelle, la piste la plus intéressante que je pouvais explorer. Mais intéressante ne signifiait pas simple pour autant. Le potentiel intérêt de l’Ordre pour mes recherches ne demeurait pour l’instant qu’une pure supposition de ma part et au vu du peu de relations que j’entretenais en dehors de ma planète natale, rien ne m’avait permis de m’assurer que le jeu en valait la chandelle avant que je ne me retrouve larguée en territoire Sith, dans le vif du sujet. Il ne me restait donc plus qu’à espérer que mes intuitions étaient justes, en essayant ne pas trop songer aux conséquences drastiques certaines qu’engendrerait une erreur d’appréciation.

Je m’efforçais donc d’occulter soigneusement toutes ces incertitudes dérangeantes dans un plan que j’aurais aimé mieux huilé en parcourant les dalles de métal froides de l’astroport de Korriban. L’atmosphère de ce lieu était, à vrai dire assez intéressante à observer, notamment dans le contraste saisissant qu’elle offrait avec les astroport républicains que j’avais connu. Le changement de faction se ressentait sans aucun doute possible, l’atmosphère y était plus pesante, laissant planer dans l’air une aura de menace présageant du pire. Une désagréable impression de malaise émanait d’ailleurs de la foule qui s’affairait, comme si chacun parmi eux craignait d’être épié, mais je devinais sans peine que les douaniers à l’air si peu accueillant chargés de contrôler les sorties du bâtiment contribuaient grandement à cette ambiance pour le moins déprimante.

Lesdits douaniers constituaient évidemment une difficulté que j’avais prévue et prise en compte avant de débarquer ici. Il n’était pas difficile de deviner qu’un contrôle sur Korriban pouvait être autrement plus musclé qu’il l’était sur Coruscant, mais j’avais pourtant l’espoir de réussir à passer cette première étape sans trop de difficultés du fait de mon total  anonymat. Si je jouissais en effet – pour de plus ou moins bonnes et diverses raisons – d’une certaine notoriété sur Arkania, il n’en était pas de même en dehors de cette univers si fermé aux relations extérieures et je demeurais pour le reste de la galaxie, une personne lambda, sans aucune particularité notoire. Une personne qu’on n’avait aucune raison valable d’arrêter.

C’est du moins ce dont j’essayais fermement de me convaincre en attendant patiemment mon tour d’être passée au crible, sans qu’aucun signe d’inquiétude ne vienne troubler l’expression neutre teintée d’ennui qui m’était coutumière dans ce genre de circonstances. Mais ledit tour approcha tout de même un peu trop vite à mon goût, jusqu’à ce que je me retrouve face à un twi-lek à la mine patibulaire. Tiens donc, moi qui pensait que ces ignares sous-développés étaient tout juste bons à vendre les leurs aux esclavagistes…

Ce petit à priori racial ne m’empêcha pourtant pas de me soumettre avec une amabilité feinte à toutes les vérifications qui s’imposaient… Sans pour autant que l’autre ne se décide à ôter son gros corps repoussant de mon chemin. « Vous ne pouvez passer. » lâcha alors le twi-lek en me lançant un regard qui aurait pu paraitre impressionnant s’il avait été possible d’y trouver ne serait-ce qu’une toute petite flamme d’intelligence. Bon. Les choses risquaient  finalement de s’avérer beaucoup moins simples que je l’espérais. Il existait vraisemblablement un paramètre important que j’avais oublié de prendre en compte, mais lequel ? Si le maigre intellect de cet imbécile lui rendait possible de développer, cela permettrait sans doute d’éclairer quelque peu la situation. « Et pour quelles raisons ? » Je pouvais me montrer affreusement polie quand la situation l’exigeait. « En tant qu’ancienne représentante de Genova Pharmaceutical Industries, vous avez été répertoriée parmi les individus présentant des risques élevés pour la sécurité du territoire. Sauf ordre contraire d’un supérieur, je ne peux donc vous laisser quitter l’astroport… Dans un sens comme dans l’autre. » Quelle façon élégante de me dire qu’il était inutile d’espérer repartir de la même façon que j’étais arrivée. S’en devenais presque subtil.

Je restai un instant interdite. Mon affiliation au laboratoire dans lequel j’exerçais encore jusque récemment n’aurait jamais dû apparaitre sur mon CV de base. Arkania n’avait pas coutume de partager ce genre d’information avec les autres espèces, il ne demeurait donc qu’une seule explication possible à cela : quelqu’un chez moi avait volontairement dû laisser courir cette rumeur de façon à court-circuiter mes intentions. Je devinais sans peine que la personne en question devait se trouver juste au-dessus de moi dans mon arbre généalogique. Mon père trouvait toujours des manières originales de se rappeler à mon bon souvenir lorsque je commettais l’erreur de l’oublier. Et il fallait bien l’avouer, cette fois il avait bien réussi son coup, comme l’attestait le troupeau de gardes un peu trop biens armés à mon goût, venus prêter main forte au douanier récalcitrant. Provoquer un attroupement en plein milieu de l’astroport de Korriban… Pour ce qui était de la discrétion je pourrais repasser.

« Un contre ordre d’un supérieur serait à mon avis tout à fait envisageable… Si vous aviez l’amabilité de les mettre au courant. Ma présence pourrait sans doute les intéresser. »

Je l’espérais du moins, car dans le cas contraire… Mon espérance de vie risquait de diminuer d’une façon aussi subite que définitive.