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Anonymous
À bord du Devil's Nest, l'humeur était au beau fixe. L'équipage de onze trafiquants d'esclaves connaissait une période faste, puisqu'en trois escales sur autant de mondes de la Bordure Extérieure, ils avaient reproduits l'exploit de capturer facilement des spécimens de choix pour la revente qui aurait bientôt lieu sur Nar Shaada. Leur vaisseau reposait tranquillement au spatioport de leur dernière halte, Hapès, son fuselage agressif et ses nombreuses modifications illégales avertissant les curieux de la nature belligérante de ses occupants. Des quais, pourtant, pouvaient parvenir aux plus attentifs de joyeux éclats de voix. Les membres n'étant pas de surveillance s'adonnaient en effet à la dégustation d'une savoureuse bière Corellienne bien fraîche sur le pont principal du Nest, vautrés sur les consoles ou affalés sur un fauteuil, fantasmant déjà effrontément sur les futurs bénéfices de leur commerce. Dans cette cacophonie de cantina, des répliques en Basic s'entrecoupaient d'argot Hutt ou d'exclamations Rodiennes, le tout ponctué d'autres sons plus organiques.

Maussade, Grinn regretta de ne pas pouvoir se défouler un peu sur la marchandise, qui devait impérativement rester intacte. En trainant les pieds, il enfila l'un des étroits corridors composant pour majorité le décor bigarré de nuances de gris de l'appareil des marchands d'esclaves. Son humeur de Bantha mal luné poussait ce contrebandier Rodien à émettre d'épouvantables phéromones émotionnelles, dont les relents, putrides pour les non-Rodiens, vous prenaient durablement à la gorge. Son blaster à la ceinture, il achevait sa ronde dans la cale du Devil's Nest, où étaient rassemblées les prisonnières. Vaguement attentifs, ses grands yeux vitreux aux reflets étoilés vérifiaient que tout se trouvait en ordre, bien que l'essentiel de sa force de concentration eût été accaparé par son désir de rejoindre le reste de l'équipage. Mais le cube du Destin du chef en avait décidé autrement.


" Pouah, Grinn ! Je t'en supplie, remonte faire un tour dans la partie supérieure, tu m'empoisonnes ! "

Le Rodien agita un poing menaçant à l'intention de son interlocuteur, un Devanorien arborant fièrement sa tenue de pilote achetée à prix sacrifié au marché noir. Pilote, le petit humanoïde cornu au teint rouge ne l'était pas. Mais il affirmait que, comme dans les holofilms, ce genre de costume faisait constamment craquer les filles. Plus mécanicien qu'autre chose, Chrisk figurait lui aussi dans le quart d'équipage affecté à la surveillance, et, à l'instar de son homologue de Rodia, enviait lui aussi les fêtards.

" Boucle-la, minus ! Si tu sens encore une odeur pestilentielle, c'est qu'on t'a pas assez nettoyé en te sortant du caniveau d'où t'avais balancé ta mère ! "

Pour un représentant de son espèce, Grinn maîtrisait particulièrement bien la langue vernaculaire en usage dans la Galaxie. Conscient de cela, il s'était très tôt familiarisé avec l'art de la répartie au sein de la faune criminelle, ses répliques incisives lui évitant d'échouer à un poste de subalterne avilissant, comme la majorité des contrebandiers Rodiens. Possesseur d'une arme là où Chrisk ne disposait que d'un cutter à fusion, il se savait totalement en droit de réagir avec insolence, le Dévonarien ne pouvant guère se permettre de le défier ouvertement. Changeant rapidement de sujet dans l'espoir de dissiper la mauvaise humeur (et avec, ses relents) de son collègue, le plus petit avertit :

" Gueule pas si fort, les autres vont croire qu'il y a un problème. T'imagines, s'ils descendent, et qu'on leur annonce que c'était une fausse alerte ? Le patron aime pas bien qu'on interrompe ses petites beuveries... Et pis, si t'en réveilles une, elle va gueuler, ou geindre, ou faire un autre truc énervant..."

Narquois, Grinn laissa échapper une trille par sa bouche en forme de trompe, un son équivalant au rire des humains. Frappant du plat de sa main aux doigts terminés par des ventouses sur la cloison la plus proche, il se gaussa :

" Ha ha ha ! Relaxe, le cornu. Aucun risque que celle-là se réveille avant une bonne heure. On l'a chopée sur Korriban. Une pêche imprévue ! Elle a voulu résister quand elle a compris qu'elle était encerclée, alors Gart lui a balancé une bonne décharge de blaster paralysant. C'te morceau-là a dû voir toutes les étoiles du système, avant de s'écrouler comme une masse. "

Reniflant avec intérêt en apprenant qu'il ne risquait rien à s'approcher, l'humanoïde au teint rouge colla son visage par la lucarne de la cellule, avide d'admirer un peu cette marchandise supplémentaire. Frustré, il ne repéra qu'un amas informe dans un coin, environné par les ténèbres. Déçu, Chrisk gémit d'un timbre plaintif :

" J'y vois rien ! C'est une quoi ?"

" Nautolan, le patron a dit. "

" Une Nautolan ? Sur Korriban ? Qu'est-ce qu'elle foutait, là-bas ? Ça survit pas longtemps en territoire aride, une Nautolan ! "

" Sais pas. Y'en a qui disaient que ça d'vait être une réfugiée politique, ou une criminelle en exil, venue bosser à Dreshdae. J'l'ai vue d'un peu plus près. Pas dégueulasse à regarder, si on aime le genre humide et lisse. Pourrait être une travailleuse de mine, elle avait l'air solide et un peu musclée. Portait rien d'intéressant sur elle, par-contre. Le patron pense qu'en la dressant correctement, on pourrait en faire une danseuse aquatique, et la refourguer à un gros bonnet Hutt. Au pire, elle trouverait preneur sur Ryloth. "

Reportant son attention sur le Rodien, l'astro-mécano opina du chef avec véhémence, des étincelles de convoitise enflammant ses petits yeux fourbes.

" Ouais ouais ouais, carrément ! Les filles qui savent se déhancher dans un tube rempli d'flotte, ça se vend presque autant qu'une bonne danseuse de voile Zeltron. On va se remplir les poches de crédits, cette fois !"

҈

Grinn et Chrisk étaient partis lorsque Tzao s'éveilla, les membres endoloris d'avoir tenu trop longtemps une position inhabituelle. Son bras droit privé de sang lui parut n'être d'un amas de chiffons mous et tièdes pendant lamentablement à son torse. Une migraine infernale lui vrillait les tempes, des vertiges l'assaillirent dès qu'elle ouvrit les paupières, et, pour ne rien arranger, ses jambes refusèrent de lui obéir dans un premier temps.

" Qu'est-ce que... Où suis-je ? "

Désorientée, l'apprentie sith parcourut son environnement du regard. L'examen fut bref, puisqu'on l'avait visiblement enfermée entre les quatre murs d'une petite cellule de détention dépourvue de couchette ou de sanitaires, avec pour seule ouverture une découpe dans le pan contenant la porte (dont un verrou magnétique garantissait la fermeture hermétique). S'aidant maladroitement de ses bras (lorsque le sang fut revenu au droit ; des fourmillements et élancements l'en avertirent désagréablement), l'orpheline de Glee Anselm retrouva une station debout. Campée sur ses deux jambes, elle s'efforça de remonter le fil de ses souvenirs, gémissant de frustration lorsque, dans un flash-back intense, le résumé des événements lui revint avec netteté. Momentanément découragée, la prisonnière se laissa aller contre une cloison, tandis que se rappelaient à elle les échos d'une conversation surprise entre deux élèves de l'académie sur une soi-disant rumeur de cours particulier donné en secret dans le spatioport abandonné de Korriban. Un on-dit inventé par les deux énergumènes, naturellement, qui s'étaient rendus compte qu'on les espionnait, mais cela n'avait pas empêché Tzao de tenter sa chance. Après tout, quel risque aurait-elle encouru à aller vadrouiller une petite demie-heure dans la station déserte, sur un monde abandonné ne connaissant quasiment plus d'autres fréquentations que celle des siths et des colons de Dreshdae ?

" Moi et mes certitudes... "

Après un raid sur Ossus, le Devil's Nest avait opté pour le spatioport de Korriban comme étape d'arrêt. Ce point de chute isolé, jugé suffisamment sûr aux trafiquants, n'avait d'abord été qu'une halte dans un coin au calme pour permettre les vérifications mécaniques d'usage et un réapprovisionnement en vivres. Quelle ne fut pas la surprise des bandits de découvrir que leur cachette, supposée déserte, abritait en vérité une vadrouilleuse assez sotte pour se balader seule et désarmée, et assez mignonne pour peser son poids en crédits républicains. Tzao s'était bien gardée de dire à ses ravisseurs qu'elle appartenait aux rangs des serviteurs du côté obscur. D'abord, parce que l'information ne devait pas circuler. La tranquillité de l'académie en dépendait. Et surtout, parce que cela ne l'aurait rendue que plus ridicule. Sans sabre à lame rouge pour s'identifier comme sith, son affirmation aurait sonnée comme un bluff de la pire espèce, au mieux. De plus, la Nautolan doutait fortement que la précision eut changée quoi que ce soit à son sort. Peut-être aurait-elle gagnée en valeur ? À moins qu'un contrebandier revanchard, autrefois victime de la sournoiserie d'un autre sith, n'eut sauté sur l'occasion pour se venger en abattant l'apprentie solitaire de sang-froid...

" Là n'est pas l'important. L'important, c'est qu'il va falloir te sortir de là. Et vite."  Résolut-elle, déterminée à ne pas rester faible.

Ses ravisseurs n'avaient pas pris la peine de l'attacher, estimant que, désarmée et enfermée, elle ne représenterait aucun danger. Une bonne chose, puisqu'en sa qualité de sensible, Tzao demeurait continuellement en lien avec la Force. La perspective de pouvoir au moins compter sur le côté obscur la ragaillardit, et, s'étant lissé les tentacules, la prisonnière se hâta d'approcher son visage de la lucarne de sa cellule. Ses pupilles déjà habituées à la faible luminosité ambiante des cales du Nest s'attardèrent sur le relief approximatif d'autres cellules de détention voisines à la sienne. Vérifiant qu'aucun garde ne semblait se trouver dans les parages, l'amphibienne rassembla son énergie pour formuler à voix haute :


Hey ! Y'a quelqu'un ? Si vous m'entendez, faites du bruit ! "

La priorité majeure consistait à savoir si elle disposait de camarades d'infortunes. Une fois cette information prise, l'apprentie saurait de quoi elle disposait, en termes de ressources. Fidèle à la psychologie du côté obscur, l'orpheline prévoyait déjà de manipuler d'éventuels autres prisonniers pour permettre son évasion, la Force pouvant l'aider à enfoncer la résistance qu'on lui opposerait. Les contrebandiers ignoraient que la créature aquatique appartenaient aux siths, ce qui conférerait à sa première utilisation de la Force l'effet de surprise.

Le seul ennui étant qu'elle se pensait toujours être sur Korriban...
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