Le moment était finalement venu pour lui aussi. A’Shaan allait enfin rencontrer un Padawan qui, s’il le désirait, deviendrait SON Padawan. Certes, il en avait déjà rencontré par le passé en tant que Chevalier, il en avait même encadré lors de séances d’entrainement avec d’autres Chevaliers et Maîtres. Mais jusque là, jamais il n’avait été jusqu’à en prendre un pour élève. Peut-être ne se sentait-il alors pas encore prêt à enseigner le savoir des Jedi à une jeune pousse du Temple. Ou peut-être attendait-il que le « bon » se présente à lui. Evidemment, A’Shaan ne pouvait être certain de son choix, en tous cas pas tant que tous deux n’aient entamé une relation de Maître à Elève. Cependant, il se sentait tout de même confiant. Cela faisait quelques temps qu’il observait le jeune Padawan et qu’il en demandait régulièrement des rapports. Tant et si bien qu’il ne pensait pas vraiment pouvoir se tromper dans son choix.

Car Solal Kalel et lui avaient bien des points en commun. Certes pas physiques, mais par leur originalité au sein de l’Ordre Jedi. Solal était un Félacatian, une espèce de félidés très rare dans la galaxie. Partant de là, intégrer l’Ordre relevait de l’exception, tout autant qu’un Tusken. Ils avaient aussi tous deux à souffrir du regard des autres, d’une aversion raciste de la part des gens ne les connaissant pas. Si la situation de A’Shaan s’était considérablement améliorée suite aux nombreuses années qui s’étaient écoulées depuis son arrivée au Temple, il se rappelait parfaitement ce qu’il avait pu subir lorsqu’il était encore tout jeune. Ce fut peut-être cela qui le décida, plus que tout autre chose, plus qu’un simple appel de la Force, à choisir de tester le jeune félin pour possiblement en faire son Padawan.

En vérité, il n’avait pas vraiment réfléchi à un quelconque test. Et en se dirigeant vers le Centre d’entrainement, A’Shaan ne parvenait pas à trouver de vraies bonnes idées. Evidemment, il y avait tous les tests habituels, maintes et maintes fois utilisés par les Maîtres. Mais comment les utiliser avec une espèce aussi rare que le Félacatian, d’autant plus que celui-ci souffrait d’un problème nerveux l’obligeant à garder sa forme animale et à se soumettre à de nombreuses séances de soins et de méditation pour alléger ses douleurs et rendre sa situation vivable. Finalement, A’Shaan se demandait s’il n’allait pas plutôt suivre son instinct. Après tout, il était un Tusken. Et les Tuskens avaient leur instinct propre. Même s’il ne l’utilisait pas tout à fait de la même manière que ceux de son peuple, A’Shaan ne doutait pas qu’il ne se tromperait pas dans son jugement en se faisant confiance.

Plongé dans ses pensées, il n’avait pas vraiment pris conscience qu’il était déjà parvenu à sa destination. Quand il reprit ses esprits, il ne se trouvait plus qu’à quelques mètres de la porte de la salle d’entrainement où il avait fait appeler Solal. Il pouvait d’ailleurs sentir sa présence à l’intérieur de la pièce. Celui-ci semblait partagé entre curiosité et réalisme quant à son état. A’Shaan pouvait également le situer au centre de la salle, assis. Patient. Tendant sa main gantée, il ouvrit la porte et découvrit face à lui le Félacatian, cette fois-ci sur ses quatre pattes, tous sens en éveil. Il s’arrêta un instant pour détailler son apparence puis se retourna pour refermer la porte derrière lui. A’Shaan s’avança ensuite pour se placer face au jeune félin et s’accroupit pour se mettre à sa hauteur.

« Bonjour, Solal. Je me présente, je suis le Chevalier A’Shaan Saa. J’imagine que tu te demandes pourquoi je t’ai fait venir ici. »

A’Shaan ne voulait pas révéler trop tôt la raison de sa présence. Il préférait en apprendre d’avantage sur Solal, sa vie, ses expériences et ses motivations, persuadé qu’au milieu de tout ceci il trouverait les bonnes raisons qui validerait son choix. Pas de test, juste une situation permettant de savoir si le jeune félin était sincère et motivé dans ses attentes. Il devait prouver sa valeur non pas en démontrant son habilité à manier la Force ou une arme quelle qu’elle soit, mais en faisant confiance et en accordant sa confiance à un autre, un Chevalier qu’il ne connaissait pas et qui, d’aspect tout du moins, pouvait facilement effrayer.

« N’aies crainte. Je veux juste mieux te connaitre, qu’on fasse connaissance tous les deux. »

Par réflexe, devant la taille de l'étrange personnage, mais aussi parce qu'il ne pouvait pas voir ses yeux ou à peine sans parler de ses expressions inexistantes Solal recula. Le félidé contourna l'être, les oreilles vaguement couchées à l'horizontale et la queue suivant le prolongement de son arrière-train légèrement abaissée. Cependant lorsque le chevalier parla, Solal se calma de manière quasiment instantanée. Il ressentit la Force qui se dégageait de l'individu, l'aura était claire et malgré la gêne occasionnée par son aspect, le Felacatian s'adapta rapidement. Il n'était pas de ceux qui jugent sur l'apparence, certes, il avait été effrayé par cette étrange bouche sertie de bandelettes mais la raison revenait désormais au galop. Avec curiosité Solal s'approcha, l'individu n'avait-il pas dis qu'il voulait apprendre à le connaître? Sans la moindre volonté de se montrer impoli, le Padawan renifla l'effluve qui se dégageait de sa personne, apprenant à sa manière à faire connaissance avec lui, son esprit ouvert. Son museau frôlant une des mains gantées de bandelettes, Solal se détendit finalement et répondit par la voix à l'homme qui n'avait certainement pas la même manière de faire connaissance que lui.

-Bonjour Maître Saa. Je veux bien faire connaissance avec vous, mais vous savez déjà mon nom et moi pas.

Fit-il intrigué, ses oreilles pointées vers l'avant dans un signe d'intérêt croissant pour son interlocuteur. Solal essaya de réfléchir rapidement pour se rappeler s'il avait déjà vu ou entendu parler du chevalier, plein de bonne volonté pour nouer le contact, sans compter qu'il savait que ce serait un peu vexant s'ils s'étaient déjà rencontrés mais que lui ne s'en souvenait plus. Aucune image ne lui revint en mémoire toutefois, ce qui poussa le Padawan à conclure avec une hypothèse de sa voix claire. Il savait que le maître qui s'occupait de ses soins se faisait vieux, peut-être qu'il fallait le remplacer? Ça paraissait plutôt logique, et puis le Felacatian ne voulait pas avoir l'arrogance de penser qu'un maître s'intéressait à lui. En fait l'idée ne lui était même pas venu à l'esprit tant il s'était conforté dans le fait qu'il allait rester dans le Temple aux cours communs jusqu'à la fin de sa "scolarité" ici.

-Est-ce que c'est vous qui allez me faire les soins maître? C'est gentil en tout cas. Ici tout le monde... Enfin presque-Ses yeux luisirent de malice, comme tout gosse il avait ses petites préférences, ses batailles avec d'autres de son âge et dans les haïr, la compétition restait belle et bien présente. Sans compter qu'évidemment, même dans un lieu aussi enchanteresse, il n'y avait pas que des âmes pures, de la même façon que lui ne saurait plaire à tout le monde.-J'ai de la chance d'être là. Vous aussi on vous a amené tout petit dans le Temple?

Demanda-t-il, curieux de savoir l'histoire de chacun afin de croiser la sienne avec la leur et tirer ses propres conclusions. Malgré de nombreuses années passées dans le Temple, le Padawan n'avait pas fini d'en comprendre le fonctionnement, tout du moins pas complètement, c'est pourquoi il ne perdait jamais une occasion de comparer, faire des hypothèses, en un mot apprendre. Cette idée permit que l'hyperactif qu'il était demeure calme pour l'instant. A quelques centimètres seulement du Tusken accroupi, le jeune Jedi s'assit, le regardant avec attention. Il ne lui avait pas demandé sa race parce que pour lui cela ne voulait rien dire. Ce qui comptait, c'était l'histoire de chacun, et leurs intentions aussi... N'est-ce pas?

A’Shaan laissa Solal faire connaissance à sa manière tout d’abord. Se fut sans animosité qu’il laissa donc le Félacatian le renifler, sentir les odeurs qui s’échappaient de sa personne. Après tout, il devait accepter chaque être tel qu’il était, et Solal était en soi un animal, même s’il était doué d’intelligence. L’instinct parlait, surtout lors d’une rencontre avec un inconnu. Et ce n’était pas A’Shaan qui allait s’offusquer de se laisser porter par son instinct, même si lui-même chercher surtout à combattre le sien. Le museau de Solal huma l’air puis se rapprocha pour sentir ses mains. Ce premier « contact » sembla le mettre en confiance puisque A’Shaan put percevoir une certaine détente chez le jeune Padawan qui avait été plutôt sur le recul à son arrivée.

Solal semblait troublé par le fait que A’Shaan connaissait son nom, mais ce n’était pas réciproque. Et il n’y avait pas de surprise à cela puisqu’ils ne s’étaient jamais croisés auparavant. Certes, A’Shaan l’avait déjà observé à plusieurs reprises, mais jamais il n’avait été jusqu’à établir le contact avec le Padawan. La plupart du temps, étant parti en mission en dehors du Temple, il faisait parvenir des rapports sur le Félacatian par ses pairs. Il ne s’étonnait donc pas que Solal ignore tout de lui, même son existence. Il avait était très peu présent au Temple depuis son accession au rang de Chevalier, et nombre de jeunes élèves ne l’avaient donc jamais vu ou croisé.

« Oui, d’un certain côté je vais te procurer des soins. On peut dire cela ainsi. »

Il restait assez évasif dans sa réponse. A’Shaan ne voulait pas encore révéler la raison de leur présence au Centre d’entrainement, mais il ne voulait pas non plus que Solal ressente une nouvelle déception en ce disant que c’était un Maître de plus qui passait sans vouloir de lui pour élève. Ne dire que le strict minimum, laisser entrevoir plusieurs possibilités pouvaient amener Solal à prendre confiance en lui, et ressentir un espoir qui l’avait apparemment souvent déçu depuis son admission au Temple.

« Moi aussi j’ai été amené ici étant petit. Mais peut-être pas aussi jeune que toi. On m’a amené sur Ondéron quand j’avais onze ans, ce qui est assez tardif pour un Jedi. Mais comme d’autres, et comme toi, l’adaptation a été assez difficile. Nous sommes des êtres à part, toi et moi. De part notre nature et de notre voie tracée dans la Force. Nous devons la remercier pour ce qu’elle nous a apporté… Et ce qu’elle nous apportera. »

Son jeune compagnon s’assit pendant qu’il parlait. A’Shaan parlait d’un ton doux, qui se voulait instructeur. Solal avait encore beaucoup à apprendre, que ce soit de la Force ou même de la vie dans son ensemble. Et pour cela, A’Shaan avait besoin de mieux le connaitre.

« Mais, et toi ? Quand es-tu arrivé parmi les Jedi ? Tu as également parlé de soins. Pourrais-tu m’en dire plus, pour que je sois plus à-même de t’aider lorsque la situation l’exigera. Bien sûr, on m’a informé de tes soucis, mais je pense que c’est plus à toi qu’aux autres de me transmettre ton ressenti. »

Il entrait là dans la sphère privée du jeune félidé. Mais c’était un excellent moyen de mieux le connaitre, de connaitre ses problèmes et donc de trouver certaines solutions, ou du moins des hypothèses, pour l’aider de son mieux. Et si Solal répondait sincèrement, A’Shaan n’aurait pas de doutes sur l’instauration d’une confiance réciproque.

Par politesse et par respect pour l’épreuve qu’il faisait passer à Solal, A’Shaan ne l’interrompit pas lorsqu’il lui raconta son enfance, son arrivée au Temple et les raisons des soins qui lui étaient procurés depuis cette époque. Il écouta attentivement, analysant chaque phrase, passant chaque élément en revue afin d’être sûr de comprendre parfaitement le petit Jedi et ses souffrances. Son discours était prononcé calmement même devant un inconnu comme lui. Mais ce qui frappait le plus A’Shaan était la maturité du Padawan. Il parlait de sa vie et de ses soucis avec un certain détachement, comme s’il était résigné sur son sort et s’était accommodé de cela. En somme, Solal était peut-être autant – sinon plus – avancé dans la Force qu’A’Shaan ne l’était lui-même. Car le petit était sûrement plus en phase avec lui-même que beaucoup de Jedi au sein de la galaxie. Puisqu’il baignait dans le domaine médical depuis son enfance, Solal avait appris à se détacher plus facilement que n’importe quel autre apprenti de son âge. Son handicap constituait donc à la fois une force et une faiblesse.

A’Shaan prit bonne note de tous les symptômes et crises décrites par le jeune Padawan. Celui-ci les avait acceptés et menait finalement une vie tout à fait normale, si l’on omettait le fait qu’il ne pouvait pas prendre sa forme bipède. Il semblait cependant que cet aspect ne le dérangeait pas outre-mesure à présent. Comme il le disait si bien, c’était ainsi ou le risque de mourir. Certes, cela ralentissait sa formation, mais A’Shaan avait bon espoir de trouver des parades à cet handicap, et pourquoi pas une voie vers la guérison. Les voies de la Force sont impénétrables après tout…

Ca et là, A’Shaan donnait un signe de tête, ou tout autre mouvement pour montrer qu’il était bien attentif aux paroles de son compagnon bien qu’il garde le silence. Cela ne semblait pas gêner Solal, et c’était tant mieux. Il n’était pas du genre à prendre la parole s’il n’en voyait pas l’utilité, et pour le moment, il se concentrait sur les informations qu’on lui fournissait. Mais le Félacatian était de toute évidence de nature curieuse et ne put s’empêcher de lui poser des questions. Sans pouvoir le montrer, cela faisait sourire A’Shaan, qui répondit d’une voix enjouée.

« Oh non, ne t’en fais pas pour moi, mes bandages ne couvrent pas d’horribles blessures de guerre. J’ai bien parcouru la galaxie pendant des années, mais pas au point d’avoir récolté autant de bandes. Non, celles-ci sont propres à la culture des Tuskens. Mon peuple les utilise pour que personne ne puisse voir notre corps, pas une seule parcelle de peau ne doit être visible sinon dans l’intimité de notre tente. »

Son esprit s’évada quelques instants de longues années en arrière, sur Tatooine. Là où tout finit, et où tout commença. Mais ces souvenirs se faisaient bien lointains et bien flous. C’était une vie qu’il avait quitté et qu’il ne retrouverait jamais. Cependant, il s’accrochait aux valeurs et aux traditions des siens malgré tout. Pour ne pas oublier qui il était. D’où il venait.

« Ainsi donc, jeune Solal, ne t’attend pas à voir un jour mon visage. »

Il se releva afin de pouvoir détendre ses jambes qui commençaient à s’engourdir sous lui. Il fit quelques pas pour se dégourdir puis se retourna vers Solal pour lui répondre une nouvelle fois.

«Maître Shnissan va bien, n’aies crainte. Il n’est simplement pas présent aujourd’hui, ni lui ni un autre, car je tenais à te rencontrer seul. Juste toi et moi, afin que personne ne puisse intervenir en parlant en ton nom. Tu as fait preuve de sincérité, Solal. Face à un inconnu étrange qui plus est. En vérité, je m’occuperai de tes soins parce que, si tu le désires, je m’occuperai de toi… »

La phrase resta en suspens quelques instants qui purent ressembler à une éternité.

« … Comme Padawan. »

Solal avait répondu aux attentes d’A’Shaan, qui n’étaient pas des plus difficiles certes, mais qui avaient au moins l’avantage d’établir un lien de confiance. Il préférait une telle voie qu’une relation forcée avec un élève qui ne méritait pas un tel honneur car trop sûr de soi ou voulant faire cavalier seul sans tenir compte des conseils de ses aînés. Solal était, en outre, un élève au potentiel très intéressant car il présentait des caractéristiques qui lui étaient propres et que l’on ne retrouvait chez aucun autre Jedi. Et il rappelait à A’Shaan ce qu’il était quelques années auparavant…

« Si tu l’acceptes, tu deviendras mon élève et je te présenterai au Conseil. Je t’apprendrai les voies de la Force et, peut-être t’amènera-t-elle à devenir un jour un Chevalier Jedi. »

L’absence presque totale de réaction de la part de Solal laissa A’Shaan relativement perplexe. Généralement, les néo-Padawans accueillaient la nouvelle avec une joie non dissimulée et expressive, parfois avec un peu trop d’excentricité d’ailleurs. A l’inverse, Solal donnait plutôt l’impression de se résigner au rôle qu’il allait tenir dans les années à venir. S’il n’avait pas mieux cerné la psychologie de son nouvel élève, A’Shaan se serait presque offusqué d’une telle attitude. Mais il savait que la nouvelle laissait le jeune Félacatian sans voix plus que tout autre chose, et la surprise pouvait se lire dans ses yeux. A’Shaan ne doutait pas de son choix, mais il pouvait comprendre la réaction de son Padawan, qui offrait certainement moins de certitudes qu’un autre de ses camarades qui serait en pleine possession de ses moyens physiques.

Solal se fit bien plus expressif quelques instants plus tard, sûrement une fois l’information parfaitement digérée. Une petite cabriole suivie d’un cri de joie ravirent A’Shaan plus que de simples remerciements. Dans sa spontanéité, Solal prouvait qu’il était heureux de sa nouvelle situation, et certainement fier aussi. Cependant, il reprit rapidement ses esprits et retrouva le calme qui était le sien et qui ne l’avait pas quitté depuis son arrivée au Centre d’entrainement. A’Shaan se rendit compte que ce changement n’avait pas seulement rapport avec l’attitude posée du Padawan. Autre chose le travaillait en son fort intérieur. Quelque chose de plus personnel, qui se confrontait à sa joie nouvelle.

Reprenant sa position assise, Solal prit le temps de raconter ce qui le troublait tant. A’Shaan quant à lui s’accroupit de nouveau afin de pouvoir regarder son Padawan directement dans les yeux à travers son masque. Il comprit bien vite la situation dans laquelle ce dernier se trouvait, et le dilemme auquel il était confronté. C’était une situation difficile à gérer pour un élève aussi jeune, mais A’Shaan avait confiance en son choix et en Solal. Tous deux trouveraient les mots pour s’adresser aux personnes concernées, il en était certain.

« Je comprends ton trouble, Solal, mais il se situe seulement dans la vision que tu as de toi vis-à-vis des tes camarades. Le fait de parler d’un Maître et de le désirer ne fait pas d’eux des élèves prioritaires par rapport à d’autres. Tu as été aussi patient qu’eux, et l’humilité dont tu fais preuve t’honore bien plus qu’un autre qui deviendrait impatient. »

A’Shaan avait à l’esprit de nombreux cas de Padawans ayant perdu patience dans l’attente d’un Maître. S’ils se trouvaient être des élèves souvent très doués et offrant un potentiel énorme, ils n’en étaient pas moins imprévisibles et peu ouverts aux remarques de leurs pairs. Estimant qu’ils avaient suffisamment perdu de temps comme cela, ils brûlaient les étapes pour arriver au plus vite à la fin de leur formation, ce qui les mettait en danger, tant eux-mêmes que les autres qu’ils côtoyaient. Car en plus de se risquer à l’attrait du Côté Obscur, ils mettaient en danger leur propre vie. Finalement, il se trouvait que ces Padawans apprenaient finalement moins bien et moins vite les voies des Jedi qu’un autre qui restait attentif et concerné de bout en bout.

« Je ne sais pas ce qui est prévu pour tes camarades, mais il était écrit quelque part dans la Force que nous allions nous rencontrer. Quelle en sera l’issue, je ne peux le dire. Mais saches que tu n’as pas à te sentir coupable de quoi que ce soit. La Force nous a réunis, et c’est elle aussi qui décidera de l’avenir des Jedi… De tous les Jedi, y compris tes amis. Et ni toi, ni moi, n'y pouvons rien. »

Cependant, A’Shaan ne se sentait pas le droit de le forcer à accepter sa proposition. Cela l’attristerait forcément, mais il finirait par trouver un autre élève qui attirerait son attention autant que Solal l’avait fait. Mais cela prendrait très sûrement un temps certain.

« Bien entendu, tu es libre de choisir ta voie et donc de refuser de m’avoir pour Maître. Je ne suis qu’un Chevalier, et même en devenant ton Maître, ton libre-arbitre t’appartiendra toujours. »

Il espérait malgré tout que Solal écoute ce qu’il désirait vraiment lui, et non pas ce qu’il voulait pour les autres.

Solal écouta A'Shaan, ses mots étaient comme du miel sur ses plaies. Au début cela le brûlait, mais ensuite, tout n'était que douceur. Ainsi, l'initié n'avait pas à se sentir coupable de désirer ce bonheur pour lui? Le petit félidé peina à trouver des mots pour les sensations qui l'envahissaient, d'ailleurs il garda sa bouche close. La notion d'amis était si importante pour lui, il avait tellement peur de perdre ses copains. Bien entendu, Solal se disait qu'à leur place, il n'aurait pas laissé tomber l'heureux élu mais le Félacatian était toujours plus exigeant avec sa propre personne que les autres. Enfin, comment réagir d'une autre façon? De toutes manières maître Saa ne choisirait pas l'un d'eux même si lui se désistait, ce n'était pas ainsi que les duos se formaient selon le Tusken et finalement c'était plutôt logique. A bien y regarder, Solal comprenait petit à petit que leur rencontre n'était en effet pas hasardeuse, et que leur future collaboration non plus. Tous deux étaient si étranges, si marginaux, pourtant ils souhaitaient s'intégrer, appartenir à la grande famille des Jedis et le petit garçon voulait devenir un chevalier... Et surtout, avec ce Tusken en qui il avait confiance.

-D'accord. Oui c'est d'accord.

Fit-il très calmement, de prime abord, comme d'habitude avant que son regard ne s'illumine. A grande peine certes, mais tout de même cette fois, Solal se retint de sauter partout de joie. L'énigme était résolue, et bien que pesait dans son coeur un brin d'inquiétude concernant ses amis, le félidé était heureux. Il ne s'attendait pas du tout à ce que cette journée banale, cette convocation des plus inattendue mais somme toute normale transforment radicalement son avenir. Bien entendu, tout n'était pas gagné; Solal devait encore faire beaucoup de chemin, il devait travailler dur pour prouver à maître Saa qu'il n'avait pas à regretter son choix et tenter de devenir chevalier. Néanmoins, le Félacatian avait conscience qu'il avait enfin une place de Padawan, et donc tous les outils en main pour faire ses preuves. Cela le remplissait de joie, car sa résignation précédente l'avait réellement pesé, plus qu'il ne l'avait imaginé jusqu'ici. Solal se demandait même comment il avait pu supporter cette idée de ne pas avancer plus, de ne pas avoir le droit de montrer ce dont il était capable.

Maintenant si le petit garçon échouait, ce serait de sa faute, il ne pourrait plus s'en prendre qu'à soi-même. Cependant cette constatation ne le faisait pas stresser outre mesure. Avoir un maître, avoir cette chance de se détester si on ratait était un privilège. Au moins Solal ne serait plus frustré dans ses efforts, coupé en plein élan. Il était désormais Padawan. C'était trop beau pour être vrai, et il se prit à songer que cette trop belle réalité pourrait aussi exister pour ses amis. Si lui avait été choisi malgré ses nombreuses différences, rien ne les scotchait eux dans une résignation immobile. Solal se promis de leur présenter la chose ainsi, pour qu'ils ne restent pas engoncés dans leurs tristes certitudes à son instar comme lui, avant sa rencontre avec maître Saa.

-Alors je suis votre Padawan maintenant-répéta-t-il éberlué. Puis tâchant de se reprendre pour ne pas avoir l'air d'un parfait idiot, il tenta d'afficher un air sérieux sur son visage animal, avec bien des difficultés d'ailleurs. La génétique l'ayant dotée de sourcils et d'une capacité à sourire, il ne pouvait effacer cette expression de béatitude stupide accrochée à ses babines.- Je... Bon je reste calme, qu'est-ce que je dois faire maintenant... Maître? Je dois préparer des affaires? Travailler sur des exercices tout de suite? Tout ce que vous voulez, je suis à votre service maintenant.

Fit-il en bombant involontairement le torse, les pattes collées les unes aux autres, dressé fièrement sur ses 4 appuis dans une attitude quasi militaire. Il éprouvait tant de reconnaissance à l'égard du Tusken, tant pour l'avoir choisi que l'avoir réveillé de sa torpeur qu'il était prêt à partir au bout du monde avec ce dernier.