Coda Jago
Coda Jago
Messages : 20
Eclats Kyber : 115
C’était donc comme ça que vivaient les friqués ? Dans des jardins artificiels dissimulés derrière des murs hauts de plusieurs mètres, avec un air pur et filtré à respirer ? Quelle vie. De sa vie, Coda n’avait jamais vu un truc pareil, et pour cause. À ce genre d’événements, dans ce genre de lieux, avec ce genre de personnes, les gars comme lui se faisait tirer dessus à vue. Impossible que la crasse de leurs chaussures ne vienne ternir les couleurs vives des dallages des palaces.

Mais que faisait-il là, alors ?

Simple explication. Le destin, parfois, après s’être foutu de la gueule d’une personne pendant vingt-cinq ans, souffrait d’un petit accès de complaisance, et s’autorisait à lui filer un petit coup de bol, juste cette fois. Et c’est totalement par hasard que Coda avait un jour eu la surprise de shooter dans un comlink abandonné dans un caniveau. Comlink qui, après être passé entre ses mains experte de bidouilleur, s’était avéré relié au réseau d’une agence de sécurité haut de gamme. Agence qui, par le plus grand des hasard, avait été recrutée afin d’assurer la garde d’un événement prestigieux : le mariage entre Malyna Vaselina, la fille d’un haut industriel de Nar Shaddaa, et Sylvain du Drift, un aristocrate de la bordure intérieure. Sans savoir qu’ils étaient espionnés par les oreilles bien fripouilles d’un carambouilleur des bas fonds, les chefs transmettaient leurs ordres pour l’événement à venir, détaillant leur plan de la journée avec précision. Combien de membres de la sécurité seraient sur place, où seraient-ils placés, où seraient les caméras, comment se feraient les rondes, les relèves… Absolument tout.

Une mine d’or d’informations. Des possibilités par centaines. Un sacré paquet de fric à se faire. En résumé, une occasion à ne pas laisser passer.

Le jour J, Coda et son acolyte Brekk avaient sauté sur des moto-speeder et traversé une dizaine de districts pour arriver à leur destination. Pour l’occasion, ils avaient revêtus leurs plus beaux atours, ce qui signifiait simplement qu’ils portaient leurs vêtements qui avaient le moins de trous. Coda avait même eu la chance -décidément- de tomber la veille sur un ivrogne dans le quartier nocturne, qui s’était écroulé dans le caniveau, et qu’il avait pu dépouiller d’un blouson en cuir qui avait l’air presque neuf, une fois qu’il eu frotté les taches d’alcool qui le parsemaient. Tenue très peu appropriée pour un mariage, mais était-ce vraiment important ? Personne ne le remarquait au milieu de tout ce monde.
Après un pierre-feuille-ciseaux avec Brekk, qui s’était soldé par accusations de tricheries et bagarre, c’est lui qui avait eu la chance d’être celui qui se mêlerait à la fête, tandis que Brekk ferait le guet à l’extérieur et serait prêt à démarrer le speeder au moindre signe. Le plan était parfait.
Coda avait utilisé un brouilleur pour interférer avec le comlink de l’un des agents situé à la porte, qui ne reçut jamais l’ordre de relève. S’en était suivi un moment de confusion entre les agents. À peine une minute, le temps de réaliser que l’un des comlink était défectueux, mais cela avait suffit à Coda, habitué à se faufiler un peu partout, à s’introduire à l’intérieur des murs. Et une fois à l’intérieur, personne n’aurait osé le questionner et remettre en cause la fiabilité de l’agence de sécurité, ou même la liste des invités.

Il y avait de toute façon plusieurs centaines de personnes présentes à l’événement. Le genre de mariage ou on invite toute la famille, mais aussi diverses personnalités qu’on n’a jamais croisé, juste parce que c’est la politesse, et pour se faire bien voir. Alors, Coda avait beau essuyer une quantité astronomique de regards de travers, personne ne songea même à l’arrêter pour lui demander ce qu’il foutait là, avec sa tignasse mal coiffée, ses godillots cradingues et son air curieux. Si on était du côté du marié, on se disait qu’il venait de chez la mariée, et inversement, ou que c’était le fils ou neveu ou cousin remué d’un invité important. On se contentait de salutations polies et à rallonges à son égard, auxquelles il répondait par un regard ahuri et une eeeeuh hésitant. Rapidement, le consensus parmi ceux qui l’avaient croisé était sans appel : il devait être un peu débile.

Et pour une fois, Coda s’en foutait royalement. Lui qui, d’habitude, perdait son sang froid en face de personnes venues des strates supérieures, il était cette fois trop occupé à profiter un maximum de la fête pour s’en soucier.
Déjà, il constatait qu’avoir de l’argent, ça rendait beau. Ou peut-être que ne pas en avoir rendait moche, tout simplement. Mais jamais il n’avait vu autant de genre propres, coiffés, maquillés, sur leur trente et un réunis dans une même pièce.
Ensuite, il découvrait la bouffe de luxe, et ça, ÇA, c’était quelque chose. Sur les grand buffets et sur les plateaux des serveurs, des ribambelles d’aliments que Coda n’avait jamais vu de sa vie semblaient l’appeler. La première chose qu’il engloutit fut un petit feuilleté de fromage aux épices qui l’envoya direct au septième ciel. Pour lui qui n’avait mangé toute sa vie que des bouillies, des galettes, des conserves bien trop vieilles ou des plats de bouiboui douteux, c’était sans conteste l’expérience la plus incroyable de sa vie. Alors qu’en vérité, c’était juste un feuilleté au fromage.

Son intercom grésilla, et la voix de Brekk vint interrompre son moment. « Crrr. Oh, gringo !  C’est comment ? T’as trouvé les vestiaires ? »  Quel chieur, celui là. « Chut, arrête de m’appeler. Je mange un truc trop bon. 
- Ramènes-en !
- Ta gueule. On va me griller ! » gronda-t-il, tout en surprenant le regard outré d’une petite vieille à quelques mètres de lui. Il toussota, et leva le petit four qu’il tenait à hauteur de son visage. « Hum, oui, il est bien grillé celui-là ! » dit-il, avant d’enfourner l’amuse-bouche d’un seul coup. Encore une fois, un tourbillon de saveurs inconnues vint lui envahir la bouche, et s’il n’avait pas fait preuve d’un minimum de contrôle, il en aurait pleuré.

Les minutes suivantes furent passées à essayer un maximum de nourriture nouvelle. Les vestiaires n’allaient pas s’envoler. D’ailleurs, c’était peut-être mieux d’attendre que l’assemblée soit trop occupée à danser et s’enivrer pour s’y faufiler et dévaliser les sacs. A condition qu’il tienne lui-même debout… Il découvrait que les champagnes -grands crus provenant de trois systèmes différents, d’après le serveur- étaient bien plus traîtres que les liqueurs de la rue. Les petites bulles dansantes montaient à la tête très vite, et rapidement, Coda se retrouva à rigoler assez fort à un trait d’humour sur Aduba-3 qu’il n’avait même pas compris. L’auteur de la blague, un type qu’il n’avait jamais vu, sembla assez fier de lui.

Malgré la bouffe incroyable, la musique était nulle et surtout, la conversation était chiante. Ça ne parlait que politique, et de commerce, et de gens qu’il ne connaissait pas d’un kopeck, mais qui semblaient intéressants, puisque tous les autres les connaissaient. Il avait même tenté de draguer quelques personnes, mais s’était rendu à l’évidence que ses talents de charmeur devaient être pas mal émoussés par l’alcool. Rapidement, Coda arriva à la conclusion que c’étaient tous des gros cons, de toute façon. Et la cerise sur le gâteau, ce fut cette drôle de coquille qu’il prit sur un plateau, remplie de quelque chose de mou et brillant. Imitant un grand gars portant quatre monocles, il porta la coquille à sa bouche et en aspira le contenu d’un coup.

Un jour, plus jeune, Coda avait commis la plus grosse erreur de sa vie en volant la moto-speeder d’un gars qui faisait deux fois sa taille, mais qui avait moitié moins de cerveau. La dérouillée qu’il s’était prise était rentrée dans l’histoire du quartier, une vraie légende. Pourtant, cette erreur lui sembla tout à coup bien dérisoire à côté de celle qu’il venait de commettre.
Le truc qu’il venait de manger était absolument répugnant. Ça avait le goût des plats du stand de bouillons que faisait Yovan avec les carcasses des poissons qu’il allait récupérer dans les poubelles des restaurants, ça sentait comme Raya, la vieille prostituée qui se lavait jamais et que tout le monde avait peur de croiser, sauf ceux en cas de dèche la plus extrême, ça avait la texture de la morve de bantha. Le haut le coeur qui secoua Coda lui dressa les cheveux sur la tête.
Un mec bien élevé aurait pris sur lui et avalé, ou alors aurait fait de rien n’était et aurait toussé dans une serviette pour se débarrasser de cette chose répugnante. Mais Coda n’était pas vraiment bien élevé. Il fit quelques pas, et incapable de subir plus longtemps, cracha l’huître sur le sol. Elle manqua de peu les pieds d’un pauvre invité qui n’avait rien demandé.

Soulagé d’être enfin délivré de cette torture, Coda s’essuya la bouche sur sa manche, avant de se souvenir d’où il était, et ce qu’il foutait là. Mierda. Si quelqu’un l’avait vu… et quelqu’un l’avait vu, c’était certain. Il fallait qu’il se sorte de ce merdier, et vite. Prenant son sourire le plus avenant, il se redressa et fit une ridicule courbette, tentant d’imiter les invités qu’il avait vu saluer plus tôt. « Très belle soirée, votre seigneurie ! Euh… vous savez où est le vestiaire ? » demanda-t-il d’une voix empâtée. Double mierda, qu’est-ce qu’il avait, à poser la question directement comme ça ? C’était le meilleur moyen de se faire attraper après. L’alcool. C’était l’alcool, abruti.
Damyn Celchu-Saro
Damyn Celchu-Saro
Messages : 112
Eclats Kyber : 62
-Bon, tu m’as promis, hein ! Aujourd’hui tu es mon cavalier, tu vas pas flirter avec des mecs, hein ?
-Oui, oui, j’ai promis… Mais… et si je rencontre l’homme de ma vie ?

Stayla leva les yeux au ciel.

-Genre tu vas rencontrer l’homme de ta vie au mariage de mon cousin au quatrième degré !

-Ben on sait jamais !
-Si c’est l’homme de ta vie, il pourra bien attendre la fin de la soirée, non ?
-Mais imagine que ce soit un prince en exil d’une autre Galaxie, et que justement demain on le rappelle dans sa Galaxie pour…
-Vous êtes arrivés à destination, retentit la voix du droïde chauffeur.
-Bien, retourne au garage de l’hôtel, et je te biperai quand on voudra repartir, déclara Stayla en rabattant son étole vert anis sur ses épaules. On va pas laisser le speeder traîner dans le coin !

Damyn la suivit hors du speeder et jeta un œil autour d’eux.

Ce n’était clairement pas un coin où il aurait voulu passer son temps libre. Il se dépêcha d’emboîter le pas à Stayla et de rentrer dans le grand complexe de réception premium.

Quand Stayla lui avait envoyé le faire-part en le suppliant de l’accompagner, il avait regardé rapidement les photos présentées sur le site holonet du complexe, qui ne montraient bien sûr que l’intérieur, luxueux, propre et protégé.
Il n’avait pas imaginé que l’extérieur serait si… différent.

-Madame, Monsieur, fit l’agent de sécurité qui contrôla leur faire-part.

Ils débouchèrent dans une grande cour à la chandrilienne, symétrique, avec allées sablées, fontaine étincelante et statues de transparacier. Quelques invités y traînaient leurs bijoux, mais la majorité des gens déjà arrivés étaient entrés dans la salle principale. Ils s'y engouffrèrent après avoir déposé veste et étole au vestiaire.

-Les mariés doivent encore être à la signature des contrats,
remarqua Stayla en parcourant la foule des yeux.
-Et t’étais pas invitée ?
-Ils veulent surtout pas que les gens connaissent le contrat de mariage et les petits arrangements foireux… Genre, sa dot !

Stayla partir d’un grand éclat de rire, que Damyn sentit plus crispé que sincère. Si son cousin au quatrième degré était dans le même genre de situation économique qu’elle, la dot de la mariée devait en effet être un enjeu important.

-Bon, allez Damyn ! Emmène-moi près du buffet. Tu es mon cavalier, tu dois veiller à mon bien être.

Elle fit une grimace et ajouta, plus bas :

-Pour une fois que tu es le plus masculin des deux.

Damyn ne trouvait pas ça très drôle. Il la conduisit néanmoins près du buffet, où ils tombèrent sur un couple qui connaissait la tante de Damyn. Sa tante Saro, des chantiers navals, pas sa tante Celchu, d’Alderaan.

Ils firent donc un brin de causette polie, avant d’être interrompus par l’arrivée tant attendue des mariés !

Damyn applaudit avec les autres, puis regarda le jeune couple se mêler directement à la foule.

-Y a pas de cérémonie ? D’échange de vœux ?

-On n’est pas sur Alderaan ici, Mymyn. On est sur Nar Shadaa. Après le contrat, on passe à la bouffe et à la picole.
-Je suis bien d’accord avec vous, Damyn, les traditions se perdent ! déclara la femme qui connaissait sa tante.

Il avait déjà oublié son nom.

-La jeunesse d’aujourd’hui n’a plus le sens de la famille, de l’histoire, de la culture…

Vue la gueule du marié, Damyn était prêt à parier que la mariée avait un grand sens de la famille et des traditions. Parce qu’à part, éventuellement, ses talents au pieu, ses titres de noblesse étaient sûrement la seule chose qui pouvait expliquer qu’une femme riche, saine d’esprit et de corps choisisse d’épouser ce genre de mec…

Damyn manœuvra adroitement pour mettre un groupe de rodiens endimanchés entre lui et la vieille réac, mais se rendit compte qu’il avait aussi perdu Stayla dans la bagarre. Après un coup d’œil aux alentours, il la repéra en grande conversation avec un beau falleen, dont les muscles saillaient sous sa tunique en soie.

Damyn soupira. Il y en avait au moins une qui ne perdait pas le nord…

Elle l’avait supplié de l’accompagner parce qu’elle ne voulait surtout pas que sa famille sache qu’elle était encore célibataire, alors qu’elle leur répétait depuis 2 ans qu’elle voyait quelqu’un…

Damyn avait accepté pour plusieurs raisons. D’abord, parce que même si Stayla était souvent chiante, c’était quand même une fille sympa et une amie. Il l’avait rencontré pendant ses études secondaires. Ses parents venaient de prendre un poste dans une ambassade sur Coruscant et avaient inscrit leurs deux filles à l’école la plus prestigieuse. Après leur diplôme, ils avaient tous deux pris des voies différentes, Damyn à l’Institut Républicain des Langues et Civilisations Galactiques, Stayla dans une quelconque école de commerce. Mais ils avaient gardé le contact, s’échangeant des services et allant boire des coups.
Donc raison n°1, on laisse pas une pote dans la galère avec sa famille sur le carreau.
Raison n°2, on ne refuse pas une occasion de faire la fête.
Et raison n°3, il fallait bien qu’il s’entraîne au huttese, non ?

C’était d’ailleurs la raison qu’il avait avancée auprès de Marssyia Grezell, sa cheffe, la directrice du Service de Surveillance et Neutralisation des Utilisateurices de la Force, dans l’espoir de se faire rembourser ses frais de séjour.

Bon, évidemment, Marssyia avait refusé.

-Si vraiment tu rapportes des informations sur le Refuge, les jedi ou sur quelque chose d’important, je reconsidérerai ta suggestion.

Mais bien sûr... Comme s’il allait croiser un jedi à ce genre de soirée…

Enfin bref. Au moins, il avait un peu pratiqué son huttese depuis leur arrivée, la veille en milieu d’après-midi, et avec un peu de chance, ils trouveraient un beau brun pour pratiquer certains champs lexicaux spécifiques avant de rentrer à l’hôtel.

En attendant, comme Stayla semblait en bonne voie avec le falleen, Damyn se rabattit sur le buffet.

Il croisa encore quelques personnes qui connaissait son oncle, sa grand-mère, ou sa sœur, et même quelques personnes qu’il connaissait vraiment directement.

-Et Hadrenan ? interrogea Leion d’Ardeen, avec qui il avait fait du solfège pendant 6 ans. Je l’ai pas vu ?
-On n’est plus ensemble, grogna Damyn, dont les traits s’étaient affaissés à la mention de son ex.
-Oh. Je… désolé…

Il avait essayé très fort de ne pas penser à Hadrenan. Mais tout ce qu’il savait de lui, près d’un an après leur rupture, c’était qu’il s’était installé quelque part dans l’espace hutt pour y bosser. Il pouvait être n’importe où, y compris sur Nar Shadaa. Il y avait sûrement plein de travail pour un informaticien de génie comme Hadrenan…

Damyn attrapa un troisième verre de mousseux chandrilien d’une main et une verrine orange de l’autre. Et maintenant, il avait l’air con, parce qu’il pouvait boire d’une seule main, mais pas manger le contenu de la verrine, malgré la cuiller en argent qui tanguait dangereusement au sommet de la verrine.

Il avala son verre, puis se dirigea vers l’une des dessertes pour se débarrasser du récipient vide.

Il y avait un petit attroupement, à quelques pas devant lui.

Damyn connaissait bien ce genre d’attroupement. Quelqu’un était en train de faire une scène, ou de se ridiculiser, et les invités l’observaient d’un air désapprobateur.

Damyn s’approcha du groupe, ne sachant trop lui-même s’il venait profiter du spectacle où simplement savoir ce qui se passait.

Pas de scène, de drame ou d’esclandre, visiblement.

Juste un type… bizarrement habillé. Enfin, plus exactement, pauvrement habillé.

-Il cherche le vestiaire… il y trouvera peut-être des vêtements décents… pouffa une petite gotal à côté de lui.

C’était peut-être le fait d’avoir été abandonné par Stayla, ou la vieille peau de tout à l’heure, ou le fait d’avoir pensé à Hadrenan. Mais tout cela ne le faisait pas rire.

Damyn savait ce que cela pouvait faire d’être involontairement le centre de l’attention dans ces soirées guindées. Il en avait déjà fait les frais. Petit, après son changement officiel de prénom. Plus récemment, quand on lui demandait des nouvelles de son « fiancé », qui était parti travailler pour des saletés de crapauds difformes…

-C’est par là, le vestiaire, déclara-t-il en s’avançant vers le type aux fringues bizarres.

Il fit un petit détour pour éviter un truc répugnant au sol, puis s’approcha précautionneusement de l’individu.

Bon, au moins, il ne mordait pas.

-Là-bas, répéta-t-il, en désignant la direction de la main.

Sentant les regards peser sur lui, et son interlocuteur mettre un peu  de temps à réagir, il risqua de poser deux doigts dans son dos – au pire, si le type avait des puces, Damyn pourrait toujours jeter ses vêtements de la soirée – pour le guider doucement dans la bonne direction.

Il entendit la cuillère de sa verrine heurter le sol dans un tintement aigu, mais refusa de se retourner n’imaginant que trop bien les regards qui pesaient sur lui et son… compagnon en guenilles.

Une petite pause à l’écart du bruit et des discussions lui ferait du bien, de toute façon. C’était peut-être le mousseux, ou Hadrenan, ou l’odeur du type à côté de lui, mais il sentait monter un début de mal de tête.
Gary Kovani
Gary Kovani
Messages : 341
Eclats Kyber : 588
Parfois je me dis que la vie est pareille à… Un jardin. On y récolte ce que l’on sème dit l’adage. Oui. Chaque décision, chaque péripétie est comme une poignée de graines lancée au vent. Certaines vous reviennent immédiatement à la gueule, tandis que d’autre trouvent un sol meuble où s’épanouir. Elles germent, poussent, se multiplies en buissons. Des souvenirs, inscrits dans les nœuds épais d’arbres souvent tortueux. Des musiques dissonantes jouées par les frondaisons lorsque se lève les bourraques du doutes et des interrogations intérieures. Il y pousse des ronces aussi, épineuses, acérées, qui lacèrent l’âme à chaque regard en arrière, à chaque pas de côté. On peut aussi se laisser guider, se laisser perdre, au milieu de tous ces chemins de traverse entrecroisés. Pour se laisser surprendre par la Destinée : cet avenir que vous réserve la somme de tous ces actes réalisés ou manqués.

Ceux qui planifient tout à l’avance déambulent peut-être un jardin bien entretenu, bordé d’allées albâtres ou chaque gravillon occupe une place précise, millimétrée. Le mien tient plus de la friche sauvage où poussent les conséquences de tous mes choix douteux. Un labyrinthe si dense que je ne serai jamais capable d’anticiper ce que l’avenir me réserve. La Force seule guide mes pas dans cette forêt inextricable. Aveugle et inconscient de ce qui m’attend à chaque détour.

Alors, lorsque je reçois une invitation pour le mariage de Sylvain de Drift, je me dis que ma vie vient encore de prendre une direction totalement inattendue… Je secoue la tête. Les souvenirs fluent et refluent. Une marée d’émotions contradictoires entremêlées en une maille si serrée que j’y noie. Une époque lointaine. Bordel, j’étais jeune. C’était… Avant Artorias. Une année peut-être ? Les détails me font défaut, perdus dans ce flou artistique laissé par ma décadence sur Nar Shaddaa. Il faudrait que je me replonge dans mes archives personnelles… Mais l’envie m’en manque. Au lieu de cela, je reste prostré sur le siège inconfortable de mon petit bureau, au-dessus du Dispensaire, les yeux virés sur le carton numérique dont l’écran souple affiche à tour de rôle les visages heureux des mariés, et tous les détails concernant la réception à venir. Sylvain de Drift…

Une tête brulée biberonnée aux histoires absurdes d’aventuriers téméraires. Fils unique d’une puissante famille d’aristocrates. Un clan ancestral dont les racines remontent aux premières heures de la République. Ils ont essaimé au fil des siècles leurs progénitures à tous les niveaux possibles : politique, commerce, industrie… Mais même les plus belles saga ont une chute. Les Drift d’aujourd’hui n’ont plus la fortune de ceux d’autrefois. Il ne leur reste qu’un prestige indécrottable de leur patronyme. Pour une génération ou deux encore.

Hmmm… Oui. C’est dans ce contexte houleux que j’ai connu Sire Sylvain. Il portait quoi comme titre déjà ? Vicomte de quelque chose… Je l’ai sur le bout de la langue, mais les syllabes refusent de s’extraire de mes neurones assaillis par les souvenirs éparses. Contre l’avis des patriarches du clan familial, il s’était mis en tête de faire le tour de la galaxie, de vivre des d’aventures de jeunesses inoubliables, de connaitre l’amour de toutes les manières possibles et imaginables. Même celles inimaginables. Un road trip galactique dédié à la débauche sous toutes ses formes. Comment y résister ?

Etrangement je me souviens de tous les détails de notre première rencontre. Sur Impératrice Têta. Dans un bouge insalubre paumé au milieu d'un quartier ouvrier de la seconde plus grand ville planétaire. Lorsqu’il est entré, toutes les têtes se sont tournées vers sa silhouette. Il portait un costume ajusté dont le prix dépassait de loin la somme des salaires annuels des travailleurs précaires réunis ce jour-là dans la salle commune. Un dandy aux atours oldshool, pantalon bouffant aux cuisses, bottes hautes, chemises boutonnées jusqu’à un foulard rouge sang noué comme une cravate. Je soupire. C’était après ma seconde tentative de suicide. Le mot est dur, râpeux, il laisse une traînée acide dans mon esprit. Mais comment qualifier autrement mes actes téméraires ? Ces missions dangereuses dans lesquelles je me précipitais, seul, sans soutien, sans l’approbation du Conseil de l’époque ? Une période sombre. La mort de mon Maitre me hantait encore. L’ombre grignotait lentement la lumière partout ou je portais mon regard. Et nous n’étions pas encore au fait de la résurgence de l’Empire. Un entre-deux instable. Un calme malsain avant la terrible tempête. J’aurais pu y laisser ma peau… Si je n’avais pas croisé le chemin du fils prodige. Sylvain m’a sauvé… Et en retour je l’ai sorti de plus d’un merdier improbable dans lequel il adorait se fourrer. Pour l'adrénaline et l'aventure.

Ce jour là, j’avais été à la fois séduit par son charisme naturel, cette espèce d’assurance à toute épreuve, comme si tout lui appartenait, les lieux comme les individus… Et dégoutté par sa silhouette disgracieuse. Un être obèse, planté sur deux poteaux osseux, ses joues bouffies crevassées par stigmates encore récents d’une MST quelconque, et dont il n’en avait rien à foutre. Des lèvres charnues, humides, affamées de vivre. Des yeux globuleux, bleus azurs, perdus sous un dense mono-sourcil broussailleux. Je me souviens exactement de ce que j’ai pensé à ce moment-ci : Voilà un type qui portait à merveille, avec une classe incroyable, les gènes consanguins lui ayant été imposés par tous ces mariages arrangés entre cousins d'antant, avides de préserver titres et fortunes.

Bref. Ce fut un coup de foudre. Mutuel. Pendant six mois, nous avons parcouru la bordure extérieure, nous avons exploré des jungles mortelles, affronté des gangs, volé des vaisseaux, parié des fortunes sur des courses de pods truquées, fait l’amour à des êtres si informes que nous ignorions leur sexe et leur mode de reproduction. Impossible de se remémorer toutes nos conneries. Nous étions rarement sobres. Cet enfoiré de première disposait de la fortune de papa pour assouvir ses moindres caprices. Il n’avait aucune limite. Six mois de pause. Une trêve salutaire, en retrait de l’Ordre Jedi. Qui m’a remis sur le droit chemin avant que n’éclate la sordide bataille d’Artorias. Car je suis ainsi. Lorsque je chute, il me faut toucher le fond, et pourrir quelque temps dans la fange la plus abjecte pour être capable de remonter la pente.

Sylvain de Drift. Putain de petit enfoiré friqué. Te voilà maqué maintenant ? Certainement une mariage arrangé. Sourire amer. Fini les conneries. C’est inévitable. Son destin à lui était tout tracé. Une autoroute goudronnée par ses aïeuls plutôt qu’un jardin. Ses petites escapades n’auront été que quelques années de liberté. Une épicurisme de l’extrême seulement destiné à retarder l’inévitable : la reprise des affaires familiales en déclin. Je n’arrive vraiment pas à l’imaginer… Marié…

Et le pire ? Bah c’est qu’il m’a invité. Oui. Il m’a invité ! Rare sont ceux qui connaissent mes talents de Jedi. Je les dissimule le plus souvent… Mais lui, il est au courant de tout. Je n’avais aucun secret pour lui. Garde du corps, chien de chasse, homme de main, amant, et confident. La liste de mes fonctions est longue et aussi fluctuante que les marées temporelles aux abord du disque d’accrétion d’un trou noir massif. Mais nous avons fini par nous séparer sur l’engueulade de trop, alors qu’il cherchait à monter une expédition pour cartographier une région inconnue de la galaxie. Il rêvait de donner son nom à un système solaire. C’était la folie de trop. J’ai lâché l’affaire. Son projet est tombé à l’eau et il ne m’a jamais pardonné… Jusqu’à aujourd’hui… Non, j’en doute :

« Alors Sylvain qu’as-tu vraiment en tête ? » Un gosse de riche dévergondé oui. Mais foutrement intelligent et calculateur. Il ne fait jamais rien sans raison. Même si les siennes dépassent l’entendement du commun des mortels. « Pourquoi m’inviter ? A ton mariage bordel ! Après tout ce temps ? Pour te remémorer nos aventures ? Pour parader ? Ou pour que je pourrisse l’ambiance et que tu puisses t’esquiver avec la dote ? » Il en serait bien capable l’enfoiré.

Le lendemain, fringué de mon plus beau costume : celui réquisitionné dans une benne à ordures du quartier huppé où ont lieu les festivités, je me présente devant le cordon de sécurité. Un gorille patibulaire m’accueille froidement. Si je n’avais pas levé immédiatement le carton numérique j’aurais été jeté au caniveau, comme tous ces piques assiettes opportunistes. L’imposant Nikto baisse ses lunettes de soleil, avise mon invitation de ses sourcils froncés, tout en la retournant dans tous les sens, comme si un éclat discret allait lui prouver qu’il s’agissait d’un faux. Mais non. Il hésite tout de même. Puis il hausse les épaules. Après tout il n’est pas payé pour réfléchir trop intensément. Seul un gars véritablement friqué peut se permettre de se pointer avec une tenue aussi médiocre à un mariage réunissant tout le gratin local, non ? Une évidence que j’enfonce d’un large sourire assuré. De ceux que lançait Sylvain en entrant dans chaque taverne, comme si le monde entier lui appartenait.

J’entre enfin. Je ne m’attarde pas dans la grande cour symétrique parfaitement agencée. Il y règne un tel ordre, avec ses allées froides où chaque trace de pas dans le sable tonne comme une insulte silencieuse envers l’architecte derrière cette création grandiloquente, que l’instinct pousse les invités à presser le pas pour entrer dans la salle de réception. Je n’y fais pas exception. La large porte percée de vitraux art nouveau, s’ouvre sur un vestibule à la fonction bien plus terre à terre. Ici une petite armée de gars en costumes de soubrette, sans le coté pervers, proposent aux convives de se débarrasser de leurs manteaux, sac et attributs encombrant n’ayant aucune fonction d’apparat ostentatoire pour la suite des festivités. Je secoue la tête.

« Rien à signaler m'sieur ! Je n’ai pas de manteau, et mes poches sont vides… » Je réponds au type qui m’accoste avec bien plus de politesse que la plupart des convives, en retournant les poches de ma veste pour lui prouver mes dire. Mierda. J’aurais peut-être dû venir avec un cadeau, ou un truc du genre non ? Raaah. Quel con. Bah. Je chiperai un truc si jamais ca devient vraiment nécessaire…

Perdu dans mes pensées, je manque de renverser un type. En fait non. Deux types. J’ouvre la bouche pour m’excuser en imaginant une formulation sarcastique ne déclenchant pas une crise diplomatique, lorsque je reconnais le premier de la bande. Impossible ! Je reste interdit de longues secondes, avant de parvenir à décocher un sourire amusé, mais néanmoins crispé :

« Et ben qui voilà… Ça, pour une surprise... » Je jette un coup d’œil en coin à son acolyte. Il a l’air bien plus dans le moule que nous, même s’il transpire de sa silhouette un agacement propre à ceux qui ne trouvent leur place au milieu de la foule. Il y a combien de milliards d’habitant sur celle Lune, hein !? Bien trop pour être comptés… C’est un coup du Destin, un message de la Force ! C’est certain ! Déjà mon échine s’électrise, comme après une savoureuse découverte. Mais aussitôt, je pige qu’un truc cloche : le gamin mal sapé ne devrait pas être là. Si j’insiste je vais griller sa couverture. Il n’a clairement rien à foutre ici. Ça pourrait être drôle de le faire expulser manu militairi par la sécurité… Mais quelque chose me pousse à entrer dans son jeu idiot. L’instinct. Ou juste la connerie : celle qui me pousse à jouer à des jeux stupides. Du coup j’invente un truc, pour détourner l’attention de ceux dont les regards se tournent vers nos deux silhouettes atypiques. Je tends la main à l’autre gars : « Désolé pour mon manque courtoisie. Revoir un vieil ami me fait perdre tout sens de la politesse ! Garibaldi Brukkenshnappel. Auto-entrepreneur. Je vais d’un point A, à un point B. J’achète, je vends des trucs. Import Export. Et tout le tintouin. C’est pas la folle ambiance ici non ? Ils ont déterré quel compositeur pour le mettre derrière le piano ? Dites-moi que la bouffe est meilleure que la musique… Il parait que c’est le chef Archibald aux commandes. Il en est à sa septième étoile… Même si franchement, entre nous, ces récompenses sont complètement pipotées dans l’espace Hutt, vous ne croyez pas ? »
Coda Jago
Coda Jago
Messages : 20
Eclats Kyber : 115
Ce qui devait être une simple mission d’infiltration et de fric-frac des plus commun -une banalité, en somme-, prenait une tournure plus vinaigrée que les galettes de Mama Pablos. L’huître avait laissé dans sa gorge un goût répugnant qui lui soulevait le coeur. Ça, et les vapeurs d’ivresse mêlées au stress de la situation.
Coda Se sentit minuscule sous les regards qui se plantaient sur lui. Minuscule et nul, comme la petite fripouille crasseuse qu’il était. Probablement que tous ces gens avaient plus de considération pour la saleté qu’ils traînaient sur leurs semelles que pour lui. C’était certain, même, et il le lui faisaient savoir. Chacun y allait de son petit commentaire, et chaque petit rire camouflé derrière les éventails parfumés venait chatouiller l’agacement de Coda.

« Il cherche le vestiaire… il y trouvera peut-être des vêtements décents… »

Tu crois pas si bien dire, ma grosse, pensa Coda avec un amère satisfaction. Il faudrait rester après, pour voir leurs têtes lorsqu’ils s’apercevront que leurs sacs à main hors de prix, leurs fourrures ridicules et leurs portefeuilles auront été dévalisés. Et par qui ? Par lui, l’espèce de petit guignol insignifiant dont ils s’étaient moqués.

Non, il ne faudrait pas rester. Fini les conneries. Il avait assez merdé comme ça en se faisant remarquer, désormais, rien d’autre ne comptait que sa mission à deux balles. Et premièrement, il fallait se faire oublier. Se recroquevillant légèrement sur lui-même, prenant un air honteux, Coda leva des yeux humides et plein de déférence sur l’assemblée. Il avait encore peut-être une chance de les convaincre qu’il était le quelconque valet d’une personnalité inventée et que c’était son premier jour. Il suffisait de faire partie du personnel pour que les riches vous oublient automatiquement. Mais alors qu’il allait improviser sa tirade larmoyante, un type, un seul parmi tous ces aristos, décida que c’était le jour de sa BA, et que Coda correspondait probablement parfaitement au profil des nécessiteux à qui il fallait faire la charité.

Une belle âme, un bon samaritain. Une andouille, comme on disait chez lui. N’empêche que Coda sauta sur l’occasion. Se faisant encore plus misérable qu’il ne l’était, si c’était même possible, il se laissa guider par son sauveur, l’échine basse et la démarche apeurée.
Il franchirent une ouverture masquée par d’épaisses tentures violettes en velours, et derrière eux, le brouhaha de la fête se transforma en murmure. Aussitôt, Coda redressa les épaules, releva le menton, et ses yeux perdirent leur air larmoyant, même si l’alcool les gardait légèrement embrumé. Un rire, moitié soulagé, moitié sarcastique, s’échappa de ses lèvres. Il s’en était sorti, vraiment ? Décidément, la chance avait décidé de l’aider, pour une fois. La chance, et le petit gars bizarre qui traînait toujours à côté de lui. Coda plissa les yeux et le détailla de haut en bas, sans gêne. Maigrichon, pas bien grand. Comme lui. Sauf que ça se voyait qu’il venait de la haute. Les sapes, bien sûr. Et puis un truc dans le regard que les gars comme celui-là n’arrivaient jamais vraiment à masquer. Une distance envers les gens comme lui. Alors qu’en vérité, Coda n’avait pas fait grand chose pour mériter d’être pauvre, à part ne pas avoir de chance. Au final, le petit type lui ressemblait beaucoup. Ça aurait pu être lui, à sa place, non ? Et ils auraient pu être potes, dans une autre vie.

Mais trêve de rêveries. Ce nouvel allié n’en était pas vraiment un. Il était même fort probable qu’il balance Coda à tous ses potes friqués dès que possible, le petit salaud. Mais quand même… « Merci, amigo. Ils étaient à deux doigts d’me bouffer. » lâcha-t-il, sourire aux lèvres. Il aurait pu tenter de l’intimider pour faire passer le message, pour une fois qu’il ne se trouvait pas face à quelqu’un qui faisait deux fois sa taille. Mais fallait croire que ça n’était pas dans ses gènes, de ne pas faire l’idiot. Il frotta ses cheveux déjà ébouriffés, parce que ça l’aidait à réfléchir, renifla un coup, parce que ça le détressait, et remonta son blouson trop grand sur ses épaules, parce que ça lui donnait de la contenance. « Bon, j’aurais bien aimé qu’on apprenne à se connaître, et tout. Mais j’ai des affaires à affairer, et puis j’pense qu’toi aussi faut que tu retournes avec ces clowns-… euh, ces gentes. Bref. J’t’en dois une, mais… oublie mon visage, juste au cas où. » Il le fixa dans les yeux, juste quelques secondes. « Chao ! » annonça-t-il brusquement avec un clin d’oeil, avant de se détourner vivement pour s’apprêter à filer… et de se retrouver nez-à-nez avec une silhouette massive qu’il faillit percuter. « Argh ! »

Les souvenirs remontèrent en flash dans son esprit. La Chureca et ses vapeurs toxiques, Brekk qui serre son moignon sanglant contre lui, une aero-benne hors de contrôle percutant un monstre à la face poissonneuse et livide. Il resta une seconde bouche bée, comme un crétin. « Mierda ! El Angel…
- Quoi ? Qui c’est qu’est-…» s’exclama Brekk dans son oreille. Coda coupa la communication aussi net, avant de lever les yeux vers le nouveau venu.

Il était foutu. Ce type savait qui il était, d’où il venait, et s’il avait deux crédits de jugeote -ce dont il ne doutait pas, malheureusement-, ce qu’il foutait là. Il fallait foutre le camp. Mais derrière lui, il y avait le gars qui l’avait aidé, et devant lui… El Angel, et quelques membres du personnel qui, probablement pour ne pas mourir d’ennui, venaient passer une tête pour voir ce qu’il se passait.
C’était la fin. Il ne pouvait pas faire grand chose à part griller sa couverture et dire à Brekk de sauver son cul en le laissant ici. On l’arrêterait, il finirait probablement comme proie dans une activité de riches qui consiste à chasser les pauvres, ou vendu au soixante-neuvième district comme esclave sexuel pour les vieux millionnaires. Une fin digne d’une craspouille des bas-fonds, diraient certains. Trop digne, même.

Pourtant, l’impensable. El Angel portait bien son nom. Enfin, son faux nom. L’un de ses faux noms. Coda retenait son souffle en observant ses deux acolytes improvisés se faire la conversation comme si de rien n’était. Et comme si lui n’était pas là, ce qui avait le don de le rendre fou. Coda n’avait aucune idée du charabia de l’ange, et manifestement les ouvreurs non plus. Un à un, ils se détournèrent, peut-être parce qu’ils s’en foutaient, et probablement parce qu’ils n’avaient pas envie de se faire prendre la main dans le sac à écouter les conversations.

Coda fronça les sourcils, s’agitant nerveusement. « Tu fous quoi ici ? » lâcha-t-il brusquement au milieu du flot de paroles, oubliant toute prudence, agacé de se sentir mis de côté. Il pointa un doigt accusateur sur El Angel. « Et t’avise pas de me mettre dehors, j’ai droit d’être ici ! Je suis venu avec… mon pote. Lui. » dit-il en désignant son précédent sauveur. « Et puis t’es encore moins net que moi. T’as combien d’identités secrètes ? Moi j’vais continuer à t’appeler El Angel, parce que Garitruc Krappenmachin c’est le nom le plus pourri que j’ai jamais entendu de ma v-… »
Coda s’interrompit brusquement en voyant une silhouette surgir derrière El Angel. Instinctivement, il recula de quelques pas vers l’autre gars pendant que le nouveau venu s’inclinait en direction d’El Angel.
« Mister K. Monsieur du Drift requiert votre présence dans ses appartements privés. Seul. » ajouta-t-il en posant ses yeux sur Coda et l’autre gars.
Du Drift ? Le marié ?

Intéressant.

Coda Releva le menton en direction de l’employé, dardant sur lui un regard plein de morgue. « Négatif. Sécurité privée. On a pour ordre de suivre Mister K où qu’il aille, moi et mon collègue. » déclara-t-il en désignant son partenaire improvisé. Coda soutint le regard de l’employé, qui finit par pousser un soupir agacé. « C’est cela, oui… Faites comme vous le devez. Les quartiers de Monsieur du Drift sont à l’étage, seconde porte à gauche. » dit-il avant de disparaître, non sans un dernier regard hautain.

Coda dévisagea El Angel. Décidément, ce type n’avait pas fini de le surprendre. « Du Drift, hein ? Tu connais le marié ? Et il te veut dans ses appartements privés, hé hé … » ricana-t-il, narquois. « C’est ton collègue ? Ton ami ? Ton amoureux ? Moi j’y toucherais pas, j’suis pas très regardant mais j’ai des limites quand même… » commença-t-il avant de s’interrompre. Ça n’était pas le moment de fâcher son alibi.
Nerveux, il observa tour à tour ses deux acolytes. S’introduire chez le du Drift… Occasion en or, ou véritable piège ? Il valait peut-être mieux s’en tenir au plan de base, tout compte fait… Mais ceux qui ne prenaient pas de risques restaient tout en bas, et lui il voulait s’élever. « Bon, on y va. tu viens ? » demanda-t-il au premier gars, d’un ton qui ne laissait pas vraiment le choix.
Damyn Celchu-Saro
Damyn Celchu-Saro
Messages : 112
Eclats Kyber : 62
Damyn fut un peu interloqué par la remarque du type qui cherchait les vestiaires. Il ne s’était pas attendu à ce qu’il lui parle. Pas à ce qu’il dise cela, en tout cas…
Après un petit temps de latence, Damyn s’arrêta et regarda l’autre humain. Il s’agitait. Nerveux peut-être. Ou mal à l’aise dans un endroit où il n’était vraisemblablement pas à sa place. Ou bien il avait vraiment des puces, finalement.

Damyn écouta sa petite tirade, et constata qu’il avait besoin d’un petit temps entre la perception et la réaction. Il aurait peut-être dû manger plus que deux feuilletés entre ses trois cocktails.

Damyn ne parvint donc à ouvrir la bouche pour répondre que quand son interlocuteur eut déjà tourné les talons.
Mais heureusement pour le jeune humain, - qui se sentait un peu vexé d’être lâché comme ça par celui à qui il venait de prêter main forte -, son interlocuteur se heurta à un grand type jaune.

Un grand type jaune qu’il semblait connaître.

Damyn, mu plus par 25 ans de réflexes polis que par des neurones un peu ralentis par deux géonosiens tassés et un hyper-spatial, serra la main qui lui était tendue.

Le noorien se présenta comme Monsieur Garibaldi Brukkenshnappel – peut-être y avait-il un lien avec les Brukkenbrock von Shnapfel de Vandelhelm. Mais l’autre l’avait appelé quelque chose comme Hell Angel. Damyn n’était pas sûr du début, il n’avait pas entendu de herf aspiré – mais c’était bien connu que cette lettre était souvent ignorée des classes populaires de plusieurs planètes. Et Damyn était sur d’avoir entendu la racine huttese « angelô », qui désignait un messager, ou une sorte de créature mystique.

Damyn écoutait donc avec intérêt, parce que, d’après son expérience, qui disait « truc mystique » disait généralement « Force ».

Même si, clairement, le noorien n’avait pas du tout l’air d’un jedi. Mais Damyn avait appris qu’il existait plein de sensitifs hors de l’Ordre jedi, il préférait donc être attentif.

-Damyn Celchu-Saro, traducteur et interprète,
répondit-il finalement.

Ce qui, techniquement, était vrai. Il n’avait pas besoin de leur dire qu’il était traducteur et interprète pour le BSR, n’est-ce pas ?

-La cuisine hutt, c’est comme la grammaire huttese, faut pas trop regarder à la structure, ça manque de règles…


Il fit un petit geste pour évoquer ces horribles subordonnées libres semies-infinitives qui le hérissaient.  Ses mains ne faisaient pas exactement les gestes qu'il avait prévus.

-Quant au pianiste, quelqu’un devrait lui expliquer que les harmonies hapiennes, on peut éventuellement s’y risquer avec des cordes pincées, mais pas avec des cordes tapées. Parce que là c’est pas de là polyphonie, mais plus de la cacosonie… cacopho…

Karabast, c’était quoi déjà le mot ?

Damyn regarda les deux autres, qui visiblement, donc, se connaissaient, mais il y avait clairement anguille de Rishi sous roche.

D’abord, le surnom bizarre – il fallait vraiment qu’il mette les bouchées doubles en huttese -, puis les fringues du noorien, élégantes, mais… fripées. Et, pas exactement ajustées pour lui. Comme s’il avait perdu 15 kilos depuis l’essayage. Et gagné 5 centimètres...

Et puis surtout…

-Euh,
hasarda Damyn en s’entendant qualifier de « pote » par un type qu’il avait rencontré quelque chose comme 8 minutes plus tôt.

Il y avait donc bien une histoire d’identités secrètes, mais la situation était encore plus complexe que ce que Damyn avait d’abord cru, puisque l’humain semblait méfiant, et avait même pris Damyn comme alibi ?

Les neurones alcoolisés de Damyn patinaient sévère quand ils furent interrompus par un employé, et visiblement pas un simple serveur. Si Damyn en jugeait par ses boutons de manchettes et sa collerette, il s’agissait plutôt d’un sous-majordome. Il s’adressait à Brukkenshnappel – même si l’initiale « K » allait plutôt dans le sens du nom que le type du vestiaire avait l’air de connaître, Krappentruk. (même si dans certaines cultures, les noms avaient des préfixes familiaux ou honorifiques qu'on pouvait omettre)

Damyn n’eut même pas le temps de s’indigner du regard que lui jeta l’employé, l’autre humain avait déjà répondu… encore une fois en impliquant Damyn.

Mais il n’allait pas s’en plaindre ! Il n’avait pas apprécié la façon dont l’employé les avait toisés, et cette histoire avait l’air très intéressante. Plus intéressante que de traîner près du buffet à expliquer comment sa sœur avait été promue si jeune et comment Hadrenan s’était barré.

-Nous ne le quitterons pas d’une semelle, ajouta-t-il de son meilleur accent corellien, en redressant le buste et en carrant les épaules, protocole Senth-42, convention de Theed.

Ce que Damyn trouvait très drôle parce que la Convention de Theed, de 21 412, concernait l’unification des systèmes de mesures galactiques, et que « Senth 42 » était le paragraphe qui concernait les pauses caf et pipi dans le règlement intérieur du BSR.
Quant à l’accent corellien, il l’avait toujours trouvé impressionnant. Mais c’était peut-être juste parce qu’il lui évoquait toujours sa grand-mère.

Après le départ de l’employé méprisant, Damyn observa le noorien en silence. L’autre humain avait posé les questions les plus urgentes. Il aurait bien aimé savoir quelques autres choses – comment les deux lascars s’étaient connus, quels étaient leurs véritables noms (l’un en avait trop, l’autre pas du tout), pourquoi ils faisaient semblant de le connaître ?

Mais cette dernière question risquait de leur rappeler qu’il n’y avait effectivement aucune raison que Damyn se retrouve dans cette conversation, et franchement, maintenant, la curiosité de Damyn était piquée !

-Je te suis, camarade, répondit Damyn, pas complètement sûr de la façon dont il devait s’adresser à son compagnon improvisé.

Il se dirigea donc vers la porte qui menait aux ascenseurs, d’un pas le plus détaché possible. En son for intérieur, cependant, son esprit allait à cent à l’heure. Quand ils repassèrent devant les portes de la salle principale, il jeta un coup d’œil, voir s’il repérait Stayla, ou quiconque susceptible de le connaître et de le voir avec ces deux… individus.

Mais les gens regardaient le buffet, la piste de danse ou leur verre, et pas du tout les coursives de service.

Dans quoi était-il en train de s’engager ? Est-ce qu’ils faisaient quelque chose de mal ? D’illégal ? Visiblement, « K » avait le droit d’être là. Est-ce que le marié et lui étaient secrètement des mafieux et que cette invitation à le rejoindre était un moyen pour l’éliminer discrètement ? Le noorien ne semblait pas nerveux, mais un gangster ne devait pas avoir souvent l’air nerveux...

Le stress le faisait toujours marcher vite, il atteignit donc l’ascenseur le premier, et pressa le bouton « monter ».
Une fois dans l’ascenseur, il observa ses deux… complices ?

Au fond, qu’est-ce qu’il risquait ? De se fâcher avec les mariés ? Stayla lui ferait la tête, mais il avait vu pire.
De se faire jeter du mariage ? La planète regorgeait d’endroits qui avaient l’air intéressants pour tuer le temps avant son vol de retour.
Autant satisfaire sa curiosité…

Damyn décida de se tourner vers « Mister K ».

-Garibaldi Brukkenshnappel… Quel nom… intéressant. Un rapport avec les Brukkenbrock von Shnapfel ? Je ne crois pas avoir vu de membres de la famille à la fête ?

Il essayait d’avoir l’air en même temps rusé, sûr de lui et un peu intimidant, mais son effet fut un peu raté quand il voulut s’appuyer sur le mur, mais le maqua de quelques centimètres (les cocktails n’aidaient pas à bien apprécier les distances) et s’affala contre la paroi vitrée avec un couinement clairement pas très impressionnant.

Il sortit le dernier de l’ascenseur et emboîta le pas aux deux autres, les joues un peu rosées.

La seconde porte à gauche ressemblait à toutes les autres. Marbre policé, poignée plaquée en aurodium. Damyn déchiffra l’inscription en huttese, qui désignait les quartiers comme la suite nuptiale.

Ce n’était certainement pas dans cette compagnie qu’ils se serait attendu à rentrer dans cet espace à la fois intime et central dans un mariage.

-Vieux frère ! s’exclama une voix grave quand ils pénétrèrent dans la suite. Je suis si heureux que tu sois venu, malgré tout !

Sylvain de Drift se tenait devant eux, dans son élégant costume presque aussi grand qu’un housse de fathier.

-Je voulais te présenter quelqu’un, mais je vois que tu as aussi des gens à me présenter…

Il détailla les deux jeunes humains des pieds à la tête, d’un regard qui fit frissonner Damyn.

Dans quoi s’était-il fourré ? Il était venu en touriste, et il se tenait devant le marié lui-même, dans la suite nuptiale, dans ce qui avait l'air d'être des retrouvailles importantes...
Gary Kovani
Gary Kovani
Messages : 341
Eclats Kyber : 588
Je soupire, secoue la tête, et réponds d’un ton las :

« Ce que Monsieur de Drift veut, Monsieur de Drift l’obtient toujours… » Sauf la fois ou je l’ai laissé tomber au dernier moment. Depuis silence radio. Jusqu’à il y a deux jours. Il est évident que son invitation cache quelque chose. Il n’a s’agit ni de nostalgie ni de réconciliations. Je m’attends à tout, et surtout au pire. Puis tout se déroule vite, beaucoup trop vite.

Coda décide soudainement de me coller aux basques, alors que son instinct de survie, clairement atrophié par l’appart du gain, devrait le pousser à profiter de la diversion pour nous faire faux-bord. Car je doute que son ami en soit vraiment un. Trop bien sapé, trop sérieux, trop de mots compliqués en une seule phrase. Clairement pas du genre de ses fréquentations. Il n’a pas l’allure, non plus, d’une victime d’escroquerie. Mais ce qui me surprend le plus, c’est que Damyn décide, à son tour, de se prendre au jeu. Pourquoi ? Qu’y gagne-t-il ? S’esquiver à ses devoirs de personne bien née ? Peut-être. Peut-être pas. D’autant que la succession d’imbroglio concernant mon patronyme et mes surnoms aurait dû le pousser à la suspicion. Piètre entrée. Honteuse même. Un être normalement constitué, soucieux de préserver sa réputation, et de ne pas s’enfoncer dans l’inconnu, aurait dû tourner prestement les talons, pour retourner parler de musique et manger des petits fours. Alors pourquoi ? Fatidique question. Lui aussi cache quelque chose… Tu parles d’un trio…

Mais qui suis-je pour refuser l’aide d’âmes envoyées par la Force elle-même ? Comment expliquer autrement ce concours de circonstances. Je souris :

« Rien à voir avec les Schnapfel… » Enfin un élan de sincérité ! « Je n’ai pas cette chance d’être membre d’une éminente famille. Je… » Je me fige. L’autre, aviné, embrasse maladroitement une paroi vitrée. Je lève un sourcil interrogateur en l’aidant par réflexe à conserver son équilibre. Peut-être que je me pose trop de questions : c’est juste une type complètement bourré qui ne mesure pas où il est en train de mettre le pied. Les deux pieds. La gueule de bois risque d’avoir un drôle de gout.

Je jette un regard interrogatif à Coda. Façon de lui dire : tes fréquentations sont de pire en pire ! Mais je garde le silence. La boule noueuse dans mon estomac, qui joue au Huttball avec mes intestins dévore tous les mots qui pourrait vouloir s’extraire de ma gorge serrée. De Drift… Que prépares-tu… Bordel, j’ai un mauvais présentiment.

C’est presque comme un robot que je me laisse entrainer dans l’ascenseur, les couloirs. Que les portes anonymes de l’hôtel luxueux défilent jusqu’à la suite nuptiale. Et lorsque la double porte s’ouvre, c’est un Sylvain en costume parfaitement taillé qui nous accueille. Il n’a pas pris une ride. Toujours aussi laid, mais toujours aussi impressionnant. Je retombe immédiatement sous son charme. Fait chier. Je parviens à esquiver un sourire timide. Ma main tremble. Comme celle d’une pucelle avant sa nuit de noce.

« Sylvain… » Je bute sur les mots. Peu de personne dans cette galaxie peuvent se targuer d’inhiber mon bagou acrobatique. De vieux souvenirs que je pensais oubliés remontent des entrailles de ma mémoire chaotique. Notre histoire date de tant d’année… Ils sont si flous qu’ils s’apparentent plutôt à des rêves à ébréchés par la rude réalité. Mais des détails attirent mon attention. Quelque chose cloche. Son ton trop familier, son sourire trop large. Ses intonations trop enjouées qui n’ont nullement fléchies avec les années. Comme s’il jouait un rôle, et cherchait à singer celui qu’il était, alors que nos destins s’entre-mêlaient, sans soucis du lendemain.

Est-il stressé par le mariage ? Oui. Mais non. C’est autre chose. Je le sens. L’œillade intriguée, un peu trop prégnante qu’il pose sur mes deux compairs me le confirme. Il espérait une entrevue en tête à tête. Un frétillement infime de paupières trahit de son agacement, son hésitation.

« Moi aussi je suis heureux de te revoir, surtout en un si bel événement. Je te présente deux associés. » Ehonté mensonge. Ici, entre les quatre murs couverts de velours, j’aurais pu aisément le dénoncer pour m’en défaire… Mais l’idée de me retrouver seul avec Sylvain me pousse à camper le jeu improbable quand lequel nous nous sommes enfermés.

« Toi ? Des associés ? Sérieux ? » Rire nerveux. Il me connait aussi bien que je le connais. Il flaire l’arnaque, mais il n’en dit rien. Il a plus qu’à perdre que moi assurément. L’heure est plus grave que je l’estimais. Je continue comme si je n’avais rien remarqué :

« Oui... Associés *slash* Gardes du corps *slash* objets sexuels…»
« Il n’est pas un peu trop jeune pour ça, celui-là... » répond-il tac-o-tac avec une pointe d’envie dans la voix en désignant Coda. A moins que ce ne soit de la jalousie. Il a toujours été très possessifs. Je hausse les épaules :
« Ça dépend du système. Ici, ça passe… De toute façon on ne connait pas vraiment son âge. Il a été élevé par une meute de chiens sauvages des bas-fonds. D’où ses manières et son hygiène douteuse. Une longue histoire… Il n’a pas vraiment de nom. Il suffit de le siffler. C’est mon meilleur limier. Il connait le coin comme sa poche. Et il a un sacré flair ! Planque une pièce d’or sous dix-sept matelas bien moelleux, il la trouvera avant même de s’être avachi dessus… Et l’autre… Bah… C’est Damyn. Interprète, traducteur. Un expert en langue… » Le sous-entendu graveleux lui arrache enfin un grincement amusé. « Faut pas se fier à son apparence austère, ni à sa silhouette malingre. Il est du genre à mettre l’ambiance partout où il passe. Et je peux t’assurer qu’il passe partout… »
« Arrête de te foutre de ma gueule. Je connais très bien la liste de mes invités. » répondit-il enfin, les yeux rivés sur Damyn sourcils froncés. Des questions silencieuses illuminent ses iris… Mais il les balaie d’un revers de main mental en décidant d’aller se resservir une verre du brandy corellien qui s’évente tranquillement dans une carafe en cristal bleu irisé. Elle trône sur un buffet dans le petit salon. Son large dos nous invite à le suivre. Pendant qu’il se sert. Lui et uniquement lui, je me pose sur le canapé confortable.

« Ton histoire est la plus stupide que j’ai entendu depuis des années… Mais elle a au moins le mérite de me faire marrer. Schlagend’as. » Un petit surnom qui pourrait se traduire par petite glace aux noix de pécan. Pas franchement très flatteur. « Ça ne nous rajeunit pas hein ? » Il soupire. La chape de plomb qui pèse sur ses épaules voûtées retombe lourdement. « Je te fais confiance… J’imagine que tu ramènerais à deux inconnus croisés dans les vestiaires pour des retrouvailles entre vieux amis… » Surveillait-il les vidéo de surveillance ? Guettait-il désespérément mon arrivée ? Mon inquiétude redouble. Cette histoire pue de plus en plus. Il récupère un datapad posé à côté de la carafe, et me le jette. L’appareil traverse la pièce en sifflant. Je le réceptionne avec agilité. Il n’est pas verrouillé. Dessus s’affiche le visage d’une très belle femme. Sa future épouse. Malyna Vaselina. Sacré patronyme.

« Je te présente ma femme. Enfin, future femme si on est tatillon. Encore quelques heures de liberté… Et après fini, corde au cou haha… » Ses traits d’affaissent. Son regard devient soudain plus dur. Terrifiant presque. « Mate la vidéo que j’ai laissé bien en évidence sur le bureau d’accueil. »

Intrigué, je presse sur l’écran tactile. De mon index ganté. Aussitôt une scène sordide s’affiche. Qualité médiocre, très sombre. Mais on devine clairement un Sylvain de Drift, nu comme un ver, dans les bras de trois hommes. Des Escort-boy à la plastique parfaite. Je grimace, et détourne les yeux. J’ai ma part de défauts, de toc, mais le voyeurisme n’en fait pas parti. Je la coupe aussitôt, ne cherchant même pas à savoir si mes deux associés ont eu le temps de mater par-dessus mon épaule.

« Tu comprends maintenant… » Oui…
« On cherche à te faire chanter. » Soupire théâtral.
« Ce foutu mariage est juste un arrangement de plus organisé par mon paternel. Je vais être franc : je n’ai plus un rond. On est au bord de la faillite familiale. C’est l’accord de la dernière chance. La réputation des De Drift dans le milieu des affaires contre la fortune des Vaselina. Mais… Bref. Visiblement ça dérange quelqu’un. La vidéo était accompagnée d’un message audio. »
« Ça date de quand ? »
« Le chantage ? Il y a trois jours. Le contenu de la vidéo : quatre ou cinq. Je ne me souviens plus très bien. Ce devait être mon ultime écart avant d’enfiler le costume du mari intègre fidèle. » Je n’en crois pas un mot. « Et comme t’es le meilleur détective que je puisse encore me payer en tout discrétion… » Je suis surtout le seul qui accepte de bosser gratuitement pour ses beaux yeux ouais.
« Et alors ? Pourquoi tu ne laisses pas couler ? Depuis quand tu t’inquiètes de ta réputation ? »
« Depuis que j’ai un contrat de mariage au cul mon vieux. Si je déconne les De Drift perdent tout. » Une révélation qui disculpe la famille proche de la mariée : ils auraient tout intérêt à faire sortir les images après les échanges de vœux plutôt que de lui mettre la pression pour annuler la cérémonie.
« Du coup, tu attends quoi de moi… Enfin de nous… Exactement. »
« Vous me retrouvez le salaud qui est à l’origine de ça. Le reste j’en fais mon affaire. Vous avez encore » il avise a montre hors de prix. « Trois heures. » Impossible ! Est-il désespéré à ce point ?!
« J’imagine que t’as des pistes… »
« Oui et non. Toutes les infos sont sur le datapad. Tu peux le garder. » Il me confie une copie de ses ébats. Il est comme un animal aculé : prêt à accepter tous les risques pour espérer trouver une échappatoire. « Je n’ai mis personne d’autre au parfum. La vidéo a été… prise dans la suite 7012. Ici même dans cet hôtel. Oui, j’y crèche depuis un mois maintenant, pour tout préparer. Mes gars ont passé la chambre au peigne fin, ils n’ont rien trouvé… Y’a la voix, aussi, sur le message de menace audio : déformée par un logiciel… Mais l’accent… Il est étrange, il me dit quelque chose, mais je ne sais quoi… J’ai demandé au directeur, sous un prétexte de sécurité, de couper l’hôtel du réseau holonet local. Si cette enflure veut mettre ses menaces à exécution : c’est-à-dire projeter l’image au moment où je prononcerais mes vœux, il doit être dans les murs. Il est parti nous. »
« Ok. Moi je marche… Mais mes amis ne bossent pas gratuitement… »
« Gary ! » Il avale son verre cul sec. « Si vous me le chopez et sauvez mon mariage, tu auras tout ce que tu veux. C’est mieux comme ça ?! » Difficile de savoir s’il tiendra sa promesse… Mais qui ne tente rien n’a rien, non ? Je me tourne vers Coda :
« C’est toi le limier. Qu’est-ce que ta petite truffe pense de tout ça ? Tu veux renifler quoi en premier ? »
Coda Jago
Coda Jago
Messages : 20
Eclats Kyber : 115
Une fois dans l’ascenseur, une vague d’ennui submergea Coda lorsqu’il entendit le petit type -Damyn Machin-Chose, ou un truc du genre- tenter de faire la conversation à El Angel. Et comme pour compléter l’équation et prouver qu’il n’y avait pas que l’exception qui confirmait la règle, la seule chose que ce petit riche semblait savoir évoquer, c’était les autres petits riches, avec tous leurs petits arbres généalogiques de riches, reliés par des petites branches richissimes qui faisaient qu’ils formaient tous, en somme, une gigantesque famille consanguine. Et riche. Mais consanguine avant tout. Et El Angel qui s’y mettait, lui aussi…

Heureusement, le petit type eut le bon ton de détendre l’atmosphère en se ridiculisant proprement, et Coda éclata d’un rire peu charitable en contemplant le rouge qui montait aux joues de Damyn. Dans un sens, il avait envie de lui dire que c’était bien fait pour lui, que l’univers s’équilibrait et que c’était le karma pour avoir été riche. Dans un autre, sa propre capacité à se retrouver cul par dessus tête à tout bout de champ l’enjoignait à fermer sa gueule. Il adressa néanmoins un haussement d’épaules à mister K, l’air de dire « j’en sais rien moi, ne me pose pas de questions ». Cette rencontre n’avait, après tout, été qu’un hasard. Quitte à choisir un protecteur, Coda n’aurait pas choisi ce gars. Il aurait pris quelqu’un de plus grand, et de plus musclé. Pas une crevette encore plus frêle que lui, qui s’embrouillait la langue et les pattes.

Mais rapidement, la loufoquerie de leur trio se retrouva recalée au second, voire troisième, voire dixième plan dans sa tête. Car autour de lui, tout brillait, et son oeil ne savait plus où se poser. Il y avait, dans ce couloirs, des bibelots que tous les salaires du neuvième district combinés ne pourraient jamais payer. Des trucs dont l’inutilité frôlait l’indécence, comparé à ce qu’ils devaient valoir. Chandeliers feuillés d’or sans lumières, objets imbriqués faits de métaux qui sentaient la thune à plein nez… Coda, légèrement en retrait par rapport aux deux autres, qui cherchaient la bonne porte, glissa dans sa poche un gros oeuf fait d’une matière inconnue, mais dont les entrelacs qui couvraient la coquille étaient si fins qu’ils se distinguaient à peine, avant de tirer sur sa veste et de finalement franchir la porte où attendait le mystérieux Sylvain du Drift.

Si Coda n’avait pas été habitué à voir toutes sortes de mochetés se promener dans les rues des bas-fonds de la Chureca, il aurait eu un mouvement de recul devant l’individu qui les attendait. Ou au mieux, une grimace de dégoût. L’homme -si on pouvait dire ça- vue de près, était encore plus répugnant que lorsqu’il l’avait brièvement aperçu lors de la réception, saluant ses convives. Il n’était qu’angles osseux et boudins adipeux qui se chevauchaient les uns les autres. Il ressemblait à l’un de ces tableaux qu’il avait vu une fois, une antiquité apparemment, qui montrait un homme fait de fruits. Archibaldi ? Arcomboldo ? Les lèvres de Coda se pincèrent, mais il resta bien droit sur ses jambes, déterminé à jouer son rôle de garde du corps bien peu convainquant jusqu’au bout. N’empêche qu’il avait un petit goût de vomi dans la gorge, et que s’il s’écoutait, il irait éclabousser la moquette d’une petite galette bien sentie, histoire de faire passer le malaise.

Malgré tout, il ne pu s’empêcher de remarquer le trémolo de la voix d’El Angel, et un sourcil curieux et amusé se leva malgré lui sur son front. C’était quoi, ce bafouillage ? On aurait dit lui quand il était gosse et amoureux, et qu’il regardait ceux qui, à l’époque, devaient être l’amour de sa vie, tandis qu’il articulait faiblement des « T-tu-tu v-veuxsortirvecmoi? ». Touchant chez un préado goûtant à peine aux affres de l’amour. Préoccupant chez un noorien quadra face à un personnage plus gélatineux qu’organique. C’était quoi, l’embrouille ? Coda jeta un regard à Damyn, un appel à l’aide. Lui aussi, se sentait soudainement un peu mal à l’aise ?

Pourtant, Coda parvint à maintenir son attitude plus ou moins nonchalante. Même quand El Angel, perdant manifestement ses moyens sous la pression, le présenta comme une petite friandise appétissante, et que le Sylvain le regarda comme tel. S’il n’avait pas subit ce regard des centaines de fois déjà, dans les oeillades concupiscentes de ceux qui descendaient les artères du district à la recherche d’un mignon à acheter pour réchauffer leurs draps, il aurait flanché. Il savait ce que sa bouille imberbe évoquait chez certains, il avait vu la façon dont des yeux de toutes formes et de toutes couleurs venaient sonder son corps trop fin dans ses guenilles trop grandes, et des langues qui venaient baver sur des mentons à la seule idée de ce qu’elles pourraient toucher. Ça, jusqu’à ce qu’un canon vrillé semi gyro-ramifié vienne se coller sur leur front, et qu’il se délestent en vitesse de leurs sapes, et de leurs crédits, et qu’ils repartent à poil, certes, mais seuls et honteux de s’être fait avoir par ce qu’ils pensaient n’être qu’un gamin dont ils pourraient profiter.
Sa main vint, par réflexe, appuyer la crosse de son arme dissimulée sous son trop grand blouson en cuir -finalement parfait pour ce genre de situation- mais retomba rapidement, accompagné d’un soupir bas lorsque l’attention du futur marié fut portée sur leur dernier compagnon d’infortune, lui aussi jeté au loup comme un agneau. Bien. Si le Sylvain pouvait jeter son dévolu plutôt sur Damyn, ça l’arrangeait. Lui n’était pas vraiment d’humeur.

Pourtant, De Drift se désintéressa bien vite de leurs petites personnes, pour se retourner vers El Angel, alias Krappenmachin, alias mister K., alias Schlagend’as, et les oreilles de Coda se tendirent au maximum. Il était difficile pour lui de rester ainsi immobile et silencieux. Il avait eu envie de lâcher une pique bien sentie à peu prêt à chaque fois qu’El Angel avait ouvert la bouche, mais pas un miracle qu’on n’aurait su expliqué, était parvenu à garder les lèvres closes. Cependant…

De Drift savait manifestement qu’ils s’étaient croisés dans les vestiaires, à moins qu’il ne s’agisse d’une coïncidence de la taille de la bordure extérieure. Ce qui voulait dire qu’il y avait probablement des caméras qui avaient échappé à sa vigilance, et qui l’avaient filmé. Une petite graine d’inquiétude se planta entre ses entrailles, mais les rouages de son cerveaux répondirent presque immédiatement. Dès qu’il serait hors de vue, il lui sera simple d’accéder aux systèmes de surveillances pour supprimer les bandes incriminantes.

Mais aussi… L’entrevue entre El Angel et De Drift n’était pas qu’un simple rendez-vous galant. C’était un appel au secours de la dernière chance. Une tentative désespérée d’étouffer dans l’oeuf un scandale sexuel aussi nauséabond que les relents qui s’élevaient de la Décharge. D’un coup d’oeil indiscret, Coda capta l’étendue du problème, et ne put retenir un sifflement lâché entre ses dents. « Eh bah. C’est là qu’elle est passée la fortune ? » murmura-t-il à l’intention de ses compatriotes, tout en sachant que ça n’était pas vraiment le moment de rigoler. De Drift, en tous cas, ne semblait pas l’avoir entendu et continuait sur sa lancée, accumulant les détails scabreux.

Mais eux, dans tout ça ?

Coda fronçait les sourcils, partagé. D’un côté, l’énigme était tentante. L’idée de se faire grassement récompensé aussi. De l’autre, il n’avait pas grand chose à faire de ce De Drift, et aurait préféré retourner se goinfrer au buffet et dévaliser les vestiaires en paix. Au moins, il y avait cent pour cent de chances de réussite avec ça, tandis que retrouver le maître chanteur du marié s’annonçait… compliqué.

Ce qui le décida, ce fut le « Gary ! » lancé par De Drift. Ainsi, on savait désormais le véritable nom d’El Angel ! Il faudrait qu’il le dise à Brekk, que El Angel avait un nom très simple, tout sauf impressionnant. Gary, comme le gars qui venait faire la maintenance du droïde de la blanchisserie. Donc, quand Gary lui tendit le datapad, Coda se jeta dessus comme un chien affamé sur un os. D’un geste vif, il s’empara de l’objet et le tourna dans tous les sens, avant d’aller s’asseoir en tailleur contre l’un des murs et commencer son inspection.

De sa poche, il tira son petit appareil scarabée, une espèce de mini tablette bidouillée de laquelle sortaient de nombreux câbles rouges et verts qui évoquaient les pattes d’un insecte. Après quelques secondes à les examiner, Coda en choisit un, qu’il vint brancher au datapad, et commença à pianoter sur l’appareil.

Le monde disparut autour de lui. De Drift, Gary, Damyn au nom imprononçable, tout cela n’avait plus vraiment d’importance face au verrou qui lui faisait face et qui n’attendait plus qu’une chose : être brisé. « J’vais essayer d’extraire les métadonnées de la vidéo, pour savoir quand elle a été prise, et avec quel appareil. Puis d’où elle a été envoyée. Y’a pas de caméra dans les chambres, donc celle là a forcément été installée par quelqu’un qui avait accès à la chambre. Soit quelqu’un qui travaille ici, soit quelqu’un qu’a piraté leur système de sécurité pourri pour obtenir un accès. Leur réseau c’est un gruyère, j’pourrais entrer en deux secondes si j’voulais. » déclara-t-il avant de relever la tête. « C’est pas moi, hein, là je donne juste l’info. Bon. Si c’est le système, y’a des chances pour qu’ils aient laissé des traces, donc j’pourrai les trouver. Si c’est le personnel, faudra interroger tout l’monde, vous avez d’la chance qu’ils aient mis tout le monde sur le pont aujourd’hui. J’vous dis pas comment j’le sais. » termina-t-il en ricanant, avant de retourner à son scarabée.
Il échangea le câble branché avec un autre, et repris son pianotage. « La vidéo a été prise il y a quatre jours, à 1h48 du matin, avec une caméra à lentille optique nanoréduite Narkon modèle V-58. Un truc de pro, ça coûte une blinde. » lâcha-t-il avec un petit sifflement. « Celui qui veut te faire tomber a les moyens d’le faire correctement. » continua-t-il à l’adresse de De Drift. Il continua à pianoter. « Un appareil qui pourrait être une caméra comme ça s’est connectée au réseau de l’hôtel il y a sept jour, et elle est restée jusqu’au lendemain de la prise de la vidéo. Si je compare les données qui ont cliqué… » Il s’écoula un petit moment pendant lequel Coda changea encore une fois de câble sur son appareil. « …j’peux dire que la vidéo a été envoyée d’une des lunes de Muunilinst. »
- C’est tout ? Vous ne pouvez pas en obtenir plus ? » demanda De Drift, l’air impatient, et Coda fit une grimace agacée. « C’est bien les riches ça. Et que j’veux ci, et que j’veux ça, et maintenant, et tout d’suite. Sois d’jà bien content qu’on t’aide. » rétorqua-t-il d’un air mauvais, avant de se rappeler qu’il s’était quand même tapé l’incruste au mariage de ce type. « Enfin, on va pas s’prendre la tête pour ça. J’pourrai pas aller plus loin que ça, ça demanderait plus que trois heures. Par contre, j’peux me connecter au réseau des caméras du couloir pour voir qui est entré ici. 
- Pourquoi ne pas demander directement à la sécurité de visionner les caméras, plutôt que de se compliquer la vie à agir à prendre des chemins détournés ?
- On se complique pas la vie pour le fun. Y’a des chances pour que la sécurité soit dans l’coup aussi, voilà pourquoi on va pas les voir. 
- Impossible, j’ai choisi ce lieu car je connais personnellement leur chef de la sécurité, c’est un ancien… camarade de classe estudiantine. Je lui fait entièrement confiance.
- Ben vous devriez pas. »
Coda et De Drift se regardèrent en chien de faïence pendant quelques secondes, refusant de céder. Puis finalement, Coda se détourna avec un grognement agacé pour se rapprocher des deux autres. « Tu d’vrais mieux choisir tes fréquentations, El Angel. J’aime pas ce type. » murmura-t-il en regardant De Drift en coin, qui était retourné faire le niveau de son verre. « Et tiens, l’expert en langues. Amuse toi, j’ai tout ce qu’il me faut. » déclara-t-il en tendant le datapad à Damyn avant de se détourner et de recommencer ses manipulations sur son datapad scarabée.

Il ne lui fallut que quelques minutes pour accéder au réseau des caméras du couloir, et à trouver celle qui pointait directement sur la suite 7012. Les derniers jours défilèrent sur l’écran en accéléré, au fil des entrées et sorties. On y voyait De Drift, bien sûr, mais aussi un nombre impressionnant d’adonis qui ne restaient que pour quelques heures, la future mariée une fois seulement, et un enchaînement de femmes de chambres et de valets poussant des chariots. Jusqu’à ce que… « Là. » déclara Coda pour lui-même. Sur l’image, on y voyait une jeune femme. Coda, lui, ne la connaissait pas. Mais quelqu’un ici, la connaissait très bien.

Le regard de Coda se dirigea vers Damyn. Le type avait été sympa, pour l’instant. Mais maintenant qu’on allait s’en prendre au gratin, le resterait-il ? Coda s’approcha du jeune traducteur. « J’ai du nouveau. » chuchota-t-il à Damyn. Il prétendit observer quelque chose sur la vidéo du datapad pour se rapprocher encore plus, trop pour être à l’aise et lui chuchoter à l’oreille. « Alors, Monsieur le traducteur, tu caches bien ton jeu. T’as cru que tu pourrais te cacher derrière ton nom, ou ta fortune, ou je sais pas quoi qui t’rend plus important qu’nous autre ? Mais pas ici. Ici ça te sauvera pas. T’es v’nu avec elle, non ? » murmura-t-il en glissant son propre datapad sous le nez de Damyn, sur lequel on pouvait clairement apercevoir le visage de la jeune femme que Damyn accompagnait à la soirée, sur l’image figée alors qu’elle s’apprêtait à entrer dans la suite. « T’es dedans jusqu’aux os, mon gars, j’aimerais pas être à ta place. Mais…»

« Qu’est-ce que vous fabriquez ? Et ces caméras, alors ? » lança soudainement Du Drift depuis l’autre bout de la pièce. La boisson lui colorait les joues. « Rien à signaler, boss. » lança Coda d’une voix forte en s’écartant de Damyn en lui faisant un clin d'oeil. « Que le ballet habituel. Faut chercher une autre piste. » continua-t-il en fixant Damyn d’un air entendu. Pour l’instant, il avait décidé de ne pas jeter le jeune homme aux fauves, parce que Du Drift lui déplaisait particulièrement. Et parce qu’en se débrouillant bien, il pourrait avoir le beurre, et l’argent du beurre, et la crémière, et tout le reste. Il leva discrètement le pouce en direction de Gary et Damyn. Les événement prenaient une tournure inattendue et particulièrement drôle. « Alors, cette voix. C’est pas facile à entendre mais j’dirais que c’est un homme. Non ? »
.
Damyn Celchu-Saro
Damyn Celchu-Saro
Messages : 112
Eclats Kyber : 62
Damyn ne se sentait vraiment pas à l’aise. Il aurait dû filer quand le noorien était entré en scène. Là, il se sentait vraiment… de trop… De Drift prenait beaucoup d’espace, et pas seulement à cause de sa corpulence. Même le noorien aux mille noms semblait… hésitant.

Damyn détourna les yeux, gêné. Il avait en même temps l’impression d’empiéter sur une scène bien trop intime et personnelle, et l’impression d’être un mynock insignifiant qu’on allait bientôt essayer de dézinguer.

Du coin de l’œil, il sentit le regard du jeune humain dont il ne connaissait pas le nom. Il avait l’air aussi gêné que lui, et Damyn se surprit à faire un pas dans sa direction.

Il inspira profondément et déglutit, pour essayer de calmer sa respiration, mais réussit à avaler sa propre salive de travers, se tourna vers le mur le plus proche pour essayer de dissimuler au maximum sa toux ridicule.

Il se retournait enfin vers les autres, qu’en Mister K, les présenta.

« Oui... Associés *slash* Gardes du corps *slash* objets sexuels…»
« Il n’est pas un peu trop jeune pour ça, celui-là... »

Damyn sentit le sang affluer à ses joues.
Comment ça, « trop jeune celui-là » ? Parce qu’il était vieux et grabataire, lui, c’est ça ?
Il observa l’autre humain, irrité. Il n’était pas si jeune que ça ! Il devait avoir quoi… vingt, vingt-et-un ans ? Damyn n’était pas beaucoup plus vieux ! 3… Euh… 5 ans de plus…

Damyn tourna son attention vers Mister K. Est-ce que ce qu’il disait était vrai ? Élevé par une meute de chiens ? Comme Rohon, dans les holocomics que lisait sa sœur ? Ça expliquerait beaucoup de choses… Bon, par contre, on voyait que c’était des chiens des rues qui n’avaient pas grand-chose à manger, parce qu’il n’avait pas vraiment le même gabarit que Rohon…

Il dévisageait le jeune humain avec un intérêt renouvelé, quand Mister K enfonça le clou avec un sous-entendu grivois. Damyn se sentit rougir jusqu’à la racine des cheveux.

Pourtant, c’était un sous-entendu qu’il avait lui-même souvent fait ! Des dizaines, peut-être des centaines de fois !

Mais, en fait de sous-entendu salaces, Damyn préférait les faire que les subir. Il était suffisamment jeune, encore, et assez « malingre », comme disait Mister K, pour savoir très bien ce que cela pouvait faire d’être réifier. Et s’il n’avait rien, dans certaines circonstances, contre le fait d’être un peu « manipulé » par une main habile, quand il était debout et habillé, il préférait être traité comme un sujet que comme un objet.

Damyn soutint le regard de Drift, les sourcils froncés et le menton bien haut. S’il connaissait la liste des invités, il devait connaître son nom. Mais savait-il des choses sur lui, Damyn ? C’était plutôt rare, les gens qui allaient au-delà de son double patronyme. Mais Sylvain de Drift n’était pas le premier venu, pas besoin d’être un jedi pour s’en rendre compte.
Et s’il savait pour le SSNUF ?

De Drift finit par se diriger vers le petit salon limitrophe.

Mister K le suivit et s’installa sur un canapé.

Damyn hésita. Socialement, il était toujours plus facile de s’éclipser au moment d’une césure de la discussion.
En fait, il avait déjà tourné le visage et un quart de pied droit vers la porte quand…

Rencontrés dans les vestiaires ? Comment savait-il ça ? Que savait-il d’autres ?

Damyn se redit compte qu’il avait inconsciemment fait trois pas vers le petit salon. Il franchit le reste de la distance et essaya de croiser les yeux du Rohon demi-format, mais celui-ci semblait en pleine réflexion.

Damyn secoua la tête. Il n’avait aucune raison de s’inquiéter ! A part quelques mensonges sur son niveau d’intimité avec les deux lascars, il n’avait rien à se reprocher. Et De Drift ne l’agresserait pas. Pas en sachant qui il était. Qui était sa famille. C’est les femmes de chambre et les valets qu’on viole dans les hôtels de luxe. Pas les neveux de sénateurs.

Damyn suivit des yeux le vol du datapad jusqu'aux mains de Mister K. Il s’approcha légèrement et se posta derrière le canapé, afin de voir l’écran. Personne ne tenta de l’en empêcher, même s’il vit les yeux de De Drift se poser furtivement sur lui.

-Oh, lâcha Damyn, la bouche subitement sèche.

Il ricana bêtement à la remarque du mini Rohon.

Le noorien coupa la vidéo avant que Damyn ait eu le temps de voir autre chose que deux sculpturales tablettes de caccofeuille et une magnifique paire de fesses.
Mais il n’avait pas vraiment besoin des commentaires de Mister K pour comprendre de quoi il s’agissait. Cette fois, il n’avait aucun doute : De Drift ne savait pas qu’il bossait pour le SSNUF, sinon il ne l’aurait jamais laissé voir cette vidéo.

-Trois heures ? répéta Damyn, ébahi.

Ce type devait vraiment être en plein dans la mélasse… Il n’aurait pas pu s’y prendre plus tôt pour…

-Mais l’accent… Il est étrange, il me dit quelque chose, mais...

Damyn sursauta. Il se tourna vers de Drift, puis vers le datapad.

Il sentait un embryon de sourire étirer ses lèvres, et son cœur battre un peu plus vite.

Pendant que bébé Rohon s’emparait du datapad, Damyn réfléchissait.

L’argent ne l’intéressait pas vraiment… Même si pour l’instant son salaire au BSR n’était pas mirobolant, il n’avait qu’un sourire à faire à Papy Saro pour avoir 3 nouveaux speeders, il n’avait aucune vraie dépense régulière à part les charges de son appart et la bouffe. Sans compter les divers héritages qu’il toucherait un jour.
Non, tout l’or des Vaselina ne l’intéressait pas. Pas plus que la réputation des De Drift.

« Tout ce que tu veux », avait dit de Drift. Bien sûr, il s’adressait à Mister K – ou Gary, ou quel que soit son nom. Mais un service rendu est un service rendu, et en trois mois au BSR, Damyn avait eu beaucoup d’exemples de ce qu’une dette de ce type pouvait représenter.
Il ne se passait pas une semaine, au boulot, sans que Marssyia, Lun ou Junak débloque une enquête d’un « Je connais quelqu’un qui saura nous dire ça. Il m’en doit justement une... » décontracté.

Damyn s’imagina, devant le bureau de Marssyia, déclarer à son tour « De Drift ? J’en fais mon affaire… Il ne pourra pas me refuser ça... »

-J’aimerais bien écouter le message audio. Les accents, ça me connaît…

Il réfléchit un instant. De Drift avait dit qu’il devait être encore présent.

-Il me faudra aussi la liste des invités, avec le plus d’infos possibles.
-Quels genres d’informations ?
-Tout ce que vous avez… Domiciliation bancaire, mention dans l’almanach de Botha, profil MyGalaxy…

Que demandait Lun déjà ?

-… numéro RSBN, éventuelle inscription au RGCCG, dossiers SHP…

Il fit une petite pause, pour l’effet.

-Bien sûr, ces données sont parfois difficiles à recueillir pour un simple particulier…
-J’ai connu votre oncle, Damyn, vous savez ?

Damyn perdit de sa superbe.

-Grey ?
-Alec.
-Oh.

Ça n’était pas très étonnant, au fond.

-Enfin, "connu"... Nous avions des connaissances communes. Je le croisais parfois, aux Tours d’azurs. Avant que cela ferme, bien sûr...


Damyn se rappelait les disputes, les cris de sa mère. Il se rappelait surtout les sommes que sa grand-mère Saro avait dû débourser pour que le nom de son fils n’apparaisse dans aucun journal quand le scandale avait touché certains des clients de ce club privé.

-Voici la liste, avec toutes les informations que j’ai rassemblées sur mes invités.
-Merci, fit Damyn d’une voix beaucoup moins assurée.

Est-ce que De Drift essayait de l'intimider ?

Mini-Rohon semblait avoir obtenu les premiers résultats et de Drift tourna son attention vers lui.

Il parcourut la liste des yeux, en essayant d’écouter vaguement ce qui se disait à côté. Il s’arrêta sur le nom de Stayla, et le sien, juste à côté.
Quelles informations pouvait-on trouver sur lui ? Qui pourrait bien chercher des informations sur lui ? Il y avait eu Marssyia, bien sûr, mais elle avait les moyens du BSR.
De Drift ? S’orn ?
Hadrenan ?
Comme si, lui même, il n’avait pas utilisé les dossiers du BSR pour stalker son ex…

- Et tiens, l’expert en langues. Amuse toi, j’ai tout ce qu’il me faut.
-Merci.

Il fit les trois pas qui le séparaient du Rohon version XS -il aurait bien aimé demandé son nom, mais ils étaient censés se connaître, même si personne n’était dupe. Et puis… Ce serait un peu la honte, aussi...

Il lança une première fois le message audio :

-Si vous voulez éviter que cette petite holovid tombe entre les mains de Mademoiselle Vaselina ou de ses richissimes parents, vous devez renoncer au Fathier d’Iridonia. Vous avez jusqu’au mariage, 1800, heure locale. Sinon...

-C’est quoi, le fathier d’Iridonia ? interrogea-t-il presque machinalement.

Il était déjà concentré sur son travail.

Très tôt, Marssyia lui avait fait faire ce genre d’exercices. Trouver le maximum possible d’informations à partir d’une vidéo de quelques secondes, puis à partir d’un simple audio.

Et là, il avait non seulement un audio, mais du texte !

Et il était bien d’accord avec De Drift, c’était un accent bizarre.
« Si tu trouves quelque chose bizarre, lui avait expliqué Marssyia, soit tu es trop jeune et inexpérimenté pour le reconnaître, soit c’est effectivement bizarre, et sûrement pas naturel. Dans le doute, part du principe que c’est la première hypothèse. »
Sauf que là, ce n’était pas un domaine où il était inexpérimenté.

Mais ça n’empêchait pas d’être méthodique.
Il fit une copie du message et l’envoya via un canal sécurisé (Junak serait si fière de lui) sur son propre datapad. Il jeta un coup d’œil au demi-Rohon. Hors de question de relier mécaniquement SON datapad perso à celui que leur avait remis De Drift. Sortez couverts. Toujours.

Puis il s’attaqua à l’analyse.
Il commença par écouter une quinzaine de fois le message brut pour bien identifier ses caractéristiques phonologiques, prosodiques et toniques. La base.

Il passa ensuite le message au filtre de distorsion que lui avait ait téléchargé Lun.
« Tu en as un au boulot, gamin, je sais. Mais Marssyia te l’a bien dit. Quand tu es en vacances, t’es quand même au boulot. Sois toujours prêt. »
Il avait déjà utilisé le filtre plusieurs fois, curieux de voir se que cachaient les distorsions utilisées par les créateurs de telle ou telle holonovela. C’était la première fois qu’il l’utilisait pour de vrai. Avec un enjeu.

Il identifia deux bruits de fond, qui ne lui évoquèrent rien du tout.
Pas de modifications des données précédemment identifiées.

Il ouvrit ensuite un logiciel de prise de notes tactiles, et réécouta une nouvelle fois le message une demie-douzaine de fois, prenant des notes selon la méthode du Dr Ki-Ver-Nu.

Il recroisa mentalement les données d’anatomie buccale et laryngée ainsi obtenues à ses précédentes remarques.

Il s’accorda un instant de pause et de satisfaction personnelle.

Puis il reprit la liste des invités, à la recherche des profils correspondant à ses analyses.

Il se sentait comme un Mon Calamari dans l’eau. C’était exactement le genre de boulot que Lun lui confiait sans arrêt. Faire des listes de suspects, rangés par ordre de suspicion, avec critères intégrés.

Il excluait immédiatement certains invités– avec des crocs pareils, impossible de produire ce son là !

Pour d’autres, il fallait un peu plus réfléchir. Cette zabrak avait pour langue maternelle le zabraki, ce qui la disqualifiait a priori niveau cadence phonémique, mais elle avait étudié dans un collège sur Ord Mantell, ce qui pouvait avoir donner lieu à une prononciation du basique marquée par…

-J’ai du nouveau. 
-Hum…

Machinalement, Damyn secoua la tête pour indiquer qu’il n’avait pas le temps de…

- Alors, Monsieur le traducteur, tu caches bien ton jeu.
-Qu… Quoi ? glapit Damyn.

Il n’avait pas remarqué que l’humain s’était autant rapproché.

Damyn n’eut pas le temps de demander ce qui se passait, ni de protester contre l’invasion de son espace personnel, ni de s’offusquer de pareilles accusations gratuites.

Il se retrouva face à face avec Stayla.
Le visage de Stayla, tourné vers lui par dessus son épaule gauche, l’air un peu inquiet, un peu méfiant, un peu concentré.
Il reconnaissait la veste qu’elle portait. Elle mettait toujours la même paire de chaussures avec.

Il reconnaissait aussi la porte devant laquelle elle se tenait.
Il l’avait lui-même franchie quelques minutes plus tôt.

-Mais qu… murmura-t-il en essayant d’attraper le datapad.
-T’es dedans jusqu’aux os, mon gars, j’aimerais pas être à ta place. Mais…

Mini-Kohon se détourna de lui pour répondre à De Drift. Puis il planta de nouveau ses yeux dans ceux de Damyn.

Celui-ci se sentait complètement perdu. A quoi jouait-il ? Il l’accusait très impoliment, puis mentait -il n’y avait pas d’autres mots, non ?- à De Drift…

Est-ce qu’il voulait le faire chanter ? Après tout, Damyn avait sûrement plus de crédits sur son compte en banque en ce moment même que De Drift. Mais… Il n’avait rien fait !

Mais que faisait Stayla devant cette porte ?
Est-ce qu’elle et son cousin…

Damyn chassa cette idée de son esprit.

Elle avait des problèmes d’argent, en ce moment, sa famille n’était pas…

Damyn eut un frisson en se rappelant son rire amer en parlant de la dot de la mariée. Est-ce qu’elle...

Damyn compara mentalement le profil de son amie à ce qu’il avait identifié de la voix du message. Rien de concluant, mais rien d’excluant.

Sans compter que la voix du message pouvait ne pas être celle de la voix de la personne qui avait organisé tout ça.

Damyn sursauta quand le jeune humain reprit la parole. A quoi jouait-il ? Il avait bien repéré Stayla. Pourquoi n’avoir rien dit aux autres ? Pourquoi insister sur l’hypothèse d’une voix masculine ?

-Et bien… murmura-t-il, en sentant une goutte de transpiration perler sur sa tempe. Il y a d’importantes variations d’une espèce à l’autre… La hauteur et le timbre peuvent être variables, y compris d’un individu à l’autre, et le sexe chromosomique n’est pas forcément un indice d’identification probant…

Il était bien placé pour le savoir…

-Je… J’ai repéré 7 profils qui…

Qu’avait fichu Stayla ? Si elle avait besoin d’argent, elle pouvait trouver d’autres moyens, non ?

-...qui pourraient correspondre à la voix du message…


Et l’autre, là, qui le fixait toujours, il lui voulait quoi ? Finalement, c’était lui qui l’avait entraîné dans toute cette histoire…

-… vous pouvez…

Il fallait qu’il parle à Stayla. Il ne devait rien à De Drift. Il n’avait qu’à assumer sa vie sexuelle !

-Nous pourrions…

Il y avait sûrement une très bonne explication à la présence de Stayla dans ce couloir aux heures où la caméra avait été installée… ou retirée, il ne se rappelait plus.
Et si ce n’était pas le cas…

Il travaillait pour la République, les crimes de l’espace hutt ne le concernaient pas…

Mais la plupart des invités présents ce soir gravitaient aussi dans les hautes sphère des mondes de la République…

Et cette histoire de fathier d’Iridonia… Pourquoi faisait-on chanter De Drift ?

-Nous pourrions commencer par les interroger discrètement… Je…

Il n’avait pas vu de « Gary » sur la liste des invités. Par contre, il y avait beaucoup de K quelque chose et de quelque chose K.

-Vous pouvez vous charger du premier nom de ma liste, fit-il au noorien. Je prendrai le deuxième. Et… Euh…

Il se tourna vers le 3° larron, dont il ne connaissait toujours pas le nom.

-Tu peux venir avec moi si tu veux.

Avec lui aussi, il aimerait avoir une petite conversation privée.

-Je vous transmets ma liste… J’ai indiqué les critères qui me semblent… correspondre avec les caractéristiques du message audio. Timbre, langue maternelle collant avec la prosodie et l’accent tonique…

Il se tourna vers Mister K.

-Il y a aussi un petit bruit de fonds… Une sorte de tintement… et un vrombissement. Moteur, ou quelque chose comme ça…

Il inspira profondément. Dans trois heures, tout serait fini, non ? songea-t-il pour se rassurer.
Gary Kovani
Gary Kovani
Messages : 341
Eclats Kyber : 588
Je secoue la tête lentement, imperceptiblement. Trop de précipitation. Aucune prise de recul… Rah… Ces jeunes… Bordel, je me sens vieux d’un coup. Moi et mes méthodes « à l’ancienne », si éloignée de celles employées par mes associés de circonstance, yeux rivés sur leurs écrans, oreillettes enfoncés dans leurs conduits auditifs. Je réprime un sourire amusé. Comment ne pas s’émerveiller face à autant d’énergie ? Je remercie silencieusement la Force d’avoir placé ces deux âmes sur mon chemin…

Cependant, je doute de leurs actions précipitées. Mon instinct de détective, affuté avec les années, sature d’amertume le fond de ma gorge. J’ai le sentiment intime que nous passons à coté de quelque chose d’important… Mais comme un rêve au petit matin, cette sensation s’évanouie rapidement lorsque je tente de m’y accrocher. Seule solution : lâcher prise, et laisser mon subconscient activer des arcanes synaptiques enfuies au plus profond de mon cerveau, qui sauront, à un moment ou un autre, faire ressurgir l’intangible.

Je profite donc que toute l’attention de Sylvain soit accaparée par mes acolytes, pour me glisser furtivement derrière lui. Mon bassin frôle sa silhouette fessue. Mes bottes glissent silencieusement sur l’épaisse moquette. Respiration retenue, je le contourne. Il ne remarque même pas ma présence. Car je… m’insignifie. Même le plus commun des mortels est sensible à la présence d’autrui dans son environnement proche : bruit imperceptible, chaleur, odeur, sensation d’être observé. Mais lorsque je muselle l’aura dont me dote la Force, je deviens aussi remarquable qu’un insecte. Je m’éclipse temporairement des pensées qui tapissent la lisière de la conscience.

Je le contourne donc. Puis glisse entre un fauteuil et le large sofa, pour m’adosser à la cloison, non loin de la carafe de brandy hors de prix. Ses effluves boisées titilles mon odorats. Mes glandes salivaires s’affolent. Lentement, mes doigts caressent sensuellement un verre vide, alors que j’imagine déjà l’effet de la boisson dévalant mon œsophage. Mais je refuse de céder aux pulsions. Pas ici, pas maintenant. Certainement pas en présence de Sylvain. J’observer le trio. D’ici j’ai le recul nécessaire pour apprécier toute la scène, et analyser en temps réel leurs réactions. Car il y a les mots, les actes. Mais il y a aussi les pensées, le plus souvent trahies par un langage non verbales subtile. Coda a trouvé quelque chose. Mais pour une raison que j’ignore, il ne partage ses secrets avec notre hôte. De son côté, Damyn se révèle être d’une efficacité terrifiante… Ses conclusions forcent au respect…

Mais quelque chose cloche toujours. Je le sens. Au plus profond de mes tripes. Je ferme les yeux, et laisse quelques instant ma conscience s’échapper de mon enveloppe charnelle. Elle se repend dans toutes les directions, et m’offre un panorama kaléidoscopique d’émotions et de sensations entremêlées de signaux bien plus physiques. Un magma dans lequel je m’enfonce tête la première, convaincu que mon malaise provient de quelque chose d’à peine perceptible, que je ne parviens à saisir consciemment. Il y a la peur suintante de Sylvain. L’excitation de Coda. Les doutes de Damyn soudain très mal à l’aise. Des tempêtes neurochimiques grondent sous les cranes. Je m’enfonce encore. Je ressens le picotement des signaux électriques, qui cheminent depuis les interrupteurs jusqu’aux plafonniers mordorés, au travers des cloison recouvertes de papier-peints épurés. Des grésillements infimes, qui doivent leur écho dans la Force qu’à l’excitation des particules soumises à leurs champs électromagnétiques.

Soudain je me fige. Je détecte un signal au-dessus de la tête. Plus faible que les autres encore. Je rouvre les yeux pour les braquer sur une discrète bouche d’aération, où circule l’air climatisé, purifié subtilement parfumé d’anis et de cannelle. Aucun dispositif électronique ne devrait se trouver là-haut… Pourtant…

Je suis arraché de mes pensées par la proposition de Damyn. J’acquise, et rétorque :

« Excellent travail. Très bon plan. Interrogeons tous les suspects, les uns après les autres, puis confrontons leurs versions. Nous trouverons probablement des incohérences en recoupant nos informations… »

Je laisse l’humain achever d’énoncer son plan d’actions. Pendant ce temps, j’attrape une chaise à l’assise moelleuse, et la pose contre le mur, sous la bouche d’aération. Puis je reprends, tout en montant dessus :

« Je me pose la même question mon associé, Sylvain. C’est quoi cette histoire de Fathier d’Iridonia ? » Une question à laquelle notre hôte se dérobe déjà depuis plusieurs minutes. « Si celui que nous recherchons en parle, c’est que c’est important… » Je fouille dans ma veste élimée, pour retrouver mon couteau multifonction. Je l’ai planqué dans une doublure pour passer la sécurité. D’un geste vif, je déchire une couture pour le récupérer et entreprend de dévisser l’aération, sous les yeux ronds de mes interlocuteurs. Lorsque Sylvain ouvre sa large gueule pour faire part, je le devine, de ses doutes, je lui intime l’ordre de se taire en posant mon index libre sur mes lèvres sèches. Je le rabaisse pour l’interroger à nouveau :

« Sylvain ? Le Fathier D’Iridonia ?! » Je le relance, pour le forcer à sortir de cette torpeur interrogative dans laquelle il s’est muré. Il secoue la tête, reprend ses esprits, puis répond enfin :

« C’est juste un vaisseau. Un vaisseau de course. J’ai racheté son écurie l’année dernière. Le plus rapide de la galaxie qu’on m’avait dit ! Il devait concourir à la célèbre course de Kessel cette année… Mais il enchaîne les problèmes technique depuis… J’avais parié tout ce qu’il me restait dessus… »

Enfin, précautionnèrent, pour ne pas gérer de bruits parasite, je retire la grille et plonge la main dans l’orifice. Mes doigts se referment délicatement sur un petit micro. Un cylindre sombre d’à peine deux millimètres de diamètres. Je redescends de mon perchoir, toujours l’index sur la bouche, avant de reprendre :

« C’est une piste intéressante. On devrait orienter nos investigations sur des personnes en lien avec le milieu des courses stellaires, ou les paris sportifs. » Je pose le micro sur la table-bar, à coté de la carafe. « Bien. Suivons le plan. Damyn, tu m’envoies les noms. Sylvain, tu vas rejoindre tes invités, il ne faut surtout pas éveiller les soupçons de notre indésirable ami… » Enfin, je retourne un épais verre en cristal, et le place par-dessus l’appareil électronique. Ainsi confiné, il est devenu inopérant…

« C’est bon. On peut parler à présent. » Il pourrait y avoir d’autres micro… Mais j’en doute. C’est déjà un exploit en soit d’être parvenu à en dissimuler un ici. « On a un très gros problème… » Mon regard se rive naturellement sur le petit cylindre sombre. « Le ou les personnes à qui nous avons affaire sont de véritables pro. Il pourrait même s’agir d’une organisation gouvernementale… » Renseignements Républicains, impériaux ? Société de sécurité et d’espionnage privée ? Tout est devenu possible « On parle d’une entité en mesure de savoir exactement quelle chambre occuperait Sylvain, quand et surtout pourquoi. Donc des personnes capables passer la sécurité de l’hôtel, de glaner les données garanties discrètes de l’un des agence d’escort les plus select de l’espace Hutt… Bordel Sylvain, tu t’es fourré dans quoi encore ? Ça n’a rien à voir avec mon vaisseau de course… Tout ce message n’est qu’un leurre pour nous conduire sur une fausse piste, et nous faire perdre le peu de temps qu’il nous reste. »

J’inspire, expire…

« Mais nous allons devoir jouer leur jeu. Pour le moment. Ils doivent croire qu’on a mordu à l’hameçon. Etant qu’ils en seront convaincu, ils garderont la garde baissée, et ne tenterons rien de plus pour nous arrêter. » C’est un début de plan non ? « Donc on va faire ce qu’ils attendent de nous. Allons interroger les gens de cette liste… L’un d’eux a probablement été payé pour envoyer ce message, il pourrait nous donner quelques miettes d’informations sur les commanditaires, peut-être… Peut-être pas… Mais avant cela, Sylvain, il va falloir être plus précis. Beaucoup plus précis… Dans quoi est-ce que tu trempes cette fois ?! Ils se sont donné un mal de chien pour te forcer à annuler ton mariage ! S’ils en avaient après ta réputation, ils auraient déjà diffusé les images. C’est comme s’ils cherchaient à préserver la mariée, et sa puissante famille… Il va falloir que tu parles ! » Le mobile ! Il nous faut un vrai mobile ! Sans cela, l’enquête piétinera jusqu’à l’heure fatidique.

« Ces personnes savaient comment tu allais réagir. Que tu ne ferais pas appel aux autorités. Que tu tenterais de résoudre ça en sous-main. Ils savent qui nous sommes à présent, ils vont garder un œil sur nous pendant toute la durée de la réception. On est juste au milieu d’une énorme gueule de loup mon vieil ami… » C’est la dernière fois que j’accepte une invitation pour un mariage, bordel ! « Coda, continue à fouiller les images de la vidéosurveillance pendant qu’on commence les interrogatoires. Il ne faut pas s’arrêter aux évidences. Nous sommes encerclées de fausses pistes qu’il va falloir démêler avant de décider comment agir. Ce sont souvent les choses les plus insignifiantes qui ont le plus d’importance… Comme le balais du personnel de chambre, ou d’entretien… Si tu vois où je veux en venir… » Moyens et opportunité. Après le mobile, vient les moyens et l'opportunité. Trouver les trois revient à mettre la main sur le ou les coupables.
Coda Jago
Coda Jago
Messages : 20
Eclats Kyber : 115
Une organisation gouvernementale.
Coda sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque, alors qu’une sueur froide lui couvrait la peau. Comment ça, une organisation gouvernementale ? Pour la première fois depuis le début de cette étrange expédition, Coda réalisa que tout cela n’était pas qu’un simple jeu de piste dans lequel il s’était jeté par ennui et dont les protagonistes hauts en couleur le sortaient de sa vie monotone. Il y avait des enjeux. De lourds enjeux.

Gouvernementale… Coda déglutit bruyamment, avec l’impression que tout le monde pouvait sentir sa soudaine nervosité. Impossible que les puissants s’intéressent à un petit rat comme lui, n’est-ce pas ? Il n’avait rien à craindre. Il était passé entre les mailles du filet pendant vingt-cinq ans. La base, pour les petit gars d’en bas. On entendait le signal au bout de la rue et on évacuait rapidement les drogues dans les toilettes, on planquait les armes sous les dalles de lino branlantes d’une cantina abandonnée, on lançait des oeillades aguicheuses et des roucoulements moqueurs aux patrouilles qui envahissaient les baraques à la recherche de contrebande. Coda ne pouvait pas être mêlé à tout ça… Mierda, il n’avait même pas de papiers, rien qu’un tiroir remplis de faux IDs, au cas où. Il était un cafard du système, invisible sous les radars, il ne pouvait pas perdre cette couverture maintenant. Et s’il devait se trouver un faux nom ? Cado Joga ? Non, pas fou. El Diablo, pourquoi pas, El Angel n’avait pas le monopole du style. Mouais…

Non. C’était idiot de penser à ça. Il ne craignait pas grand chose dans cette histoire. C’était De Drift qui allait prendre, et puis voilà. Il faudrait qu’il reste avec le petit intello, ça avait l’air d’être quelqu’un d’important, malgré son air d’étudiant en retour de soirée. Ou riche, tout du moins. Peut-être que s’il s’arrangeait pour se faire apprécier, il pourrait se trouver à l’abri. Non, impossible, c’était son amie qu’on voyait sur la vidéo. Elle y était mêlée, elle aussi. Et les invités ? Il devait bien y avoir quelqu’un d’influent là dedans qui avait un goût pour les petits gars bruns au physique de fragile et derrière qui il pourrait se planquer. Ça ne serait pas la première fois qu’il se retrouverait à faire le tapin pour les riches pour s’en sortir, même s’il préférait ne pas en arriver là. Voire De Drift lui-même. Parfois, la meilleure planque était juste sous le nez de l’ennemi, aussi répugnante qu’elle soit. Le futur marié n’avait pas l’air contre, et Coda était à peu près sûr qu’il jetterait à la poubelle son fameux costume d’époux intègre fidèle au premier clin d’oeil.

Grimaçant malgré lui, Coda réalisa soudain ce qui était en train de se tramer en face de lui. Comment ça, il devait continuer à regarder la vidéo-surveillance pendant que les deux autres s’occupaient de la partie amusante ? Pourquoi voulaient-ils le laisser derrière, se demanda-t-il en sentant une pointe de panique l’envahir. Avaient-ils conclu une alliance qu’il n’avait pas pu saisir ? Les mots incompréhensibles du jeune humain étaient-ils un message codé entre eux ? Il n’avait rien compris à son discours, mais peut-être était-ce fait exprès ? Pourtant il lui avait proposé de l’accompagner un peu plus tôt. Coda, pour la première fois de sa vie, ne comprenait rien à ce qui se profilait. Sa réflexion, pourtant d’habitude assez fluide, se trouvait tâchée par un brutal instinct qui lui intimait de chercher une issue au plus vite. « Quoi ? Non, moi je veux venir avec vous ! » s’exclama-t-il vivement, comme un gosse à qui on refusait un dernier tour de manège. Il y avait la déception de se retrouver à regarder encore et encore ce couloir vide, ou la vidéo de chantage de De Drift, qui, après un ou deux visionnages, devrait perdre de son intérêt. Mais il y avait aussi un petit pincement au coeur à l’idée de se retrouver seul derrière. Il n’avait pas très envie d’être celui qui devrait se sacrifier pour arracher des infos à De Drift.

« Gary a raison. Tous les trois, vous attirez trop l’attention. Si en plus de cela vous deviez commencer à poser des questions, il y a peu de chance que mes invités acceptent de répondre à l’objet sexuel de ce cher Gary. Non, tu vas rester ici. » intervint De Drift d’un ton catégorique. Coda resta interdit, dévisageant son hôte, puis se tournant vers Damyn et El Angel, les regardant tour à tour, comme attendant une intervention de leur part.

Comme rien ne venait, Coda croisa les bras et fronça les sourcils. « Ok, boss. Mais je préviens, faudra vous faire pardonner. » grogna-t-il d’un air mauvais. Sa main vint frotter l’arrière de son crâne dans un geste automatique traduisant sa nervosité. Il contemplait son datapad-scarabée, hésitant, avant de finalement le fourrer dans les mains de Damyn. « Tiens. J’te le confie. Surtout, garde le allumé. » ordonna-t-il en soutenant le regard du jeune homme, avant de lâcher son trésor à regret. Il n’avait encore jamais osé prêter son datapad à qui que ce soit. C’était comme un bout de lui-même qu’il regardait franchir la porte du luxueux salon.

Resté seul avec De Drift, Coda toisa son hôte avant de se laisser tomber sur l’un des canapés moelleux, les mains croisées derrière la tête et les pieds posés sur la table basse où traînait encore le verre à moitié bu de De Drift. Il pouvait sentir sur lui le regard globuleux du marié qui le parcourait des pieds à la tête, et un frisson lui parcourut le corps. « C’est pas la peine de m’surveiller comme ça. J’suis un bon toutou, dressé pour obéir, déclara Coda avec un sourire narquois.
- Je n’ai jamais osé prétendre le contraire. Gary a toujours eu l’oeil pour les belles choses. Un homme de goût…
- Ouais, j’vois ça… » répondit Coda en risquant une œillade circonspecte en direction de De Drift. Ce dernier éclata de rire. « Je dois reconnaître que les années n’ont pas été tendres avec moi. Mais pas besoin d’une plastique de rêve quand on a l’argent. J’imagine que tu dois le savoir… » roucoula De Drift en s’asseyant sur le canapé à son tour. Il sortit de la poche de son veston un paquet de cigarettes qui avait dû voir de meilleurs jours. Il en tira une, avant de tendre le paquet vers Coda. « Tu fumes ? À moins que tu ne sois un spécimen rare, sans vices, demanda-t-il avec un sourire en coin.
- Un vrai p’tit ange, répondit Coda en prenant une cigarette.
- Tant mieux. »
Coda glissa la cigarette entre ses lèvres en observant De Drift sortir de son veston une pochette d’allumettes marquée du logo d’un bar du district Gam, le Sunfire Ball. Un coin bien connu pour ses soirées dansantes, et pour être la plaque tournante du Sueño Azul, la drogue qui faisait fureur chez les moins de vingt ans des quartiers pauvres.
Coda souffla du nez. Un type comme De Drift buvait sa liqueur dans des verres en cristal, mais allumait ses clopes avec des allumettes de bars mal famés des districts populaires.

Coda observa De Drift à travers la fumée de sa cigarette, puis suivi du regard le geste de son hôte, qui alla récupérer son verre sur la table basse. Les doigts jaunis de De Drift lâchèrent la pochette d’allumettes juste à côté du datapad dernier cri où était encore figée l’image de son auguste fessier flasque. Sur le haut de l’appareil, la diode indiquant que les canaux d’enregistrements audio étaient ouverts brillait d’un éclat vert, mais De Drift n’avait rien remarqué. Ça n’était pas le genre de type à se préoccuper de comprendre comment pouvaient fonctionner ce genre de machines. Ni à imaginer qu’un petit gars maigrichon au huttese haché et aux fringues rapiécées puisse installer à son insu un logiciel espion sur son datapad. Où à envisager que toute leur conversation puisse être au même moment enregistrée et recrachée par les haut-parleurs du datapad-scarabée qui se trouvait ailleurs, entre les mains de deux complices qui, Coda l’espéraient, n’étaient pas assez idiot pour avoir éteint l’appareil malgré ses conseils.

De Drift s’était à nouveau affalé dans le canapé, jambes croisées, son menton dans sa main, dans une posture qu’il devait penser détendue, avenante… engageante. « Et donc, tu conn-...
- Le Fathier d’Iridonia n’est pas un vaisseau. C’est le nom d’un club du neuvième district. » interrompit Coda avec un sourire, les yeux levés vers les volutes de fumées qui s’étalaient au plafond.
Un silence choqué suivit sa déclaration. Puis De Drift se redressa et laissa échapper un éclat de rire nerveux. « Qu’est-ce que tu racontes ? Tu as trop bu, non ? Il paraît que fumer juste après avoir bu peut accélérer les effets de l’alcool.
- Un club privé, très sélect, tenu par un zabrak. Planqué derrière une façade de prêteur sur gage, impossible de savoir qu’il est là si on y est pas d’jà entré. »
De Drift darda sur Coda un regard interloqué, et ce dernier quitta ses volutes pour le regarder à son tour, imperturbable. « Un club où viennent les riches qu’ont pas envie que ça se sache qu’ils aiment… certains trucs. » continua Coda.

De Drift devint livide. La main qui tenait son verre trembla légèrement, tandis que son front se couvrait d’une pellicule de sueur moite. « Bon sang… Comment-…? » balbutia-t-il, les yeux exorbités. Coda laissa échapper un petit rire. « T’inquiète pas, amigo. Ta couverture est pas grillée. L’orphelinat où j’ai grandi était pas bien loin. Ça arrivait souvent qu’la patronne nous envoie là bas pour qu’on s’assoit sur les genoux des vieux, c’genre de choses. Qu’on les laisse nous r’garder, si tu vois c’que j’veux dire, et je sais qu’tu vois. En échange, elle s’mettait bien quelques crédits en poche en plus à la fin du mois. Y paraît qu’c’est l’gratin qui s’rencontre là bas. Des gens de bien haut, des chefs d’entreprises, des baronnes, des friqués quoi. Pour nous, c’était juste des vieux. »
De Drift resta interdit quelques secondes, avant de tirer de sa poche un large mouchoir de soie blanc et de s’éponger le front avec. Il déglutit plusieurs fois d'affilée, posa son verre sur la table avant de finalement le reprendre et le vider d’une traite. Coda observa son manège sans bouger, jusqu’à ce que finalement, De Drift se passe une main sur le visage. « Pas moi…
- Hein ? J’entends rien.
- Pas moi ! Je n’ai jamais mis les pieds là-bas, je le jure ! C’est trop… Je ne vais pas jusque là.
- Ah bon ? Ben comment tu connais alors, et pourquoi on t’fait chanter avec ? » demanda Coda.

De Drift resta silencieux, un regard perçant accroché à Coda. Il n’y avait plus la moindre trace de suffisance ou de désir dans ses yeux. Rien qu’une détermination sauvage, teintée de panique. Les yeux d’une proie acculée. Finalement, il poussa un long soupir. « Je connais quelqu’un-… Personne ne doit savoir, s’interrompit-il en attrapant le bras de Coda.
- J’dirai rien. Vous avez pas un rond pour que j’vous fasse chanter de toute façon, et ça risque pas d’s’arranger si j’commence à gazouiller. Alors ? »
De Drift lâcha Coda et se recula à nouveau, reprenant son souffle. Les doigts qu’il crispait sur son verre étaient devenus blancs. « J’ai un fils. Personne ne le sait, et même moi je n’ai appris son existence que l’année dernière. C’est arrivé… il y a longtemps. J’étais jeune, fou amoureux et ivre d’aventure, de pouvoir. Je n’avais qu’une idée en tête, goûter à tous les plaisirs que le monde pouvait m’offrir. Je te passe les détails.
- Gracias.
- Bref, le destin ne m'a pas laissé en paix. Deux ans après ce foutu road-trip, je reçois un message, gravé sur une disquette hors d’âge, un de ces trucs qu’on ne trouve plus qu’au fin fond de la bordure extérieure. Un ramassis de conneries larmoyantes qui me parlaient d’un rejeton que j’aurais engendré, un jour que j’aurais participé à une soirée particulière. Bien entendu, je n’ai aucun souvenir d’une telle soirée. J’étais sous l’influence d’un bon nombre de substances, et je ne saurais me rappeler du visage, ou encore moins du nom de toutes les femelles fécondables que j’ai pu croiser. Le message me demandait de l’argent et bien entendu, j’ai cru à un canular qui visait à m’escroquer. J’ai détruit la disquette, payé une grosse somme le messager qui me l’avait apportée, et oublié cette histoire… » De Drift alluma une nouvelle cigarette. « Jusqu’à l’année dernière. Je rentrais d’une soirée sur Coruscant, lorsque mon chauffeur, une nouvelle recrue que je voyais pour la première fois, m’a tenu en otage dans son véhicule, m’empêchant de rentrer chez moi. Il a affirmé être mon fils. J’ai cru à une plaisanterie, jusqu’à ce qu’il me mette les résultats d’un test ADN sous le nez. J’ai été obligé de me rendre à l’évidence. Il disait vrai. »

De Drift soupira longuement, avant de se lever pour aller remplir à nouveau son verre. Pendant presque une minute, on entendit rien d’autre que les cliquetis du cristal et des glaçons qui s’entrechoquaient. De Drift descendit le contenu de son verre une première fois, avant de se resservir et de revenir vers Coda, qui n’avait pas bougé d’un pouce. « S’en est ensuivi l’heure la plus terrifiante de ma vie, et j’ai pourtant voyagé dans bon nombre de territoires hostiles. Cet individu… mon fils, s’est lancé dans une course folle à travers la ville, arme en main. Il filait comme un dément en vociférant un bon nombre d’abominations. La mort de sa mère, ce qu’il avait dû faire pour s’en sortir. La misère et la violence dans laquelle il avait grandi, les horreurs qu’il avait dû commettre, tout ça à cause de moi. De toi, de toi, de TOI ! hurlait-t-il comme un damné. Je me tenais sur la banquette arrière, paralysé par la peur alors que je voyais d’autres véhicules nous frôler à contre-sens dans un concert de klaxons. J’ai cru, pour la seule et unique fois de ma vie, que j’allais mourir. »

De Drift marqua une pause. « Puis, il m’a menacé. Il m’a dit qu’il révélerait au monde son existence et ce que je lui avait fait subir malgré moi. Je ne pouvais tolérer ça. Je ne pouvais infliger cette honte à ma famille déjà fragilisée par les événements économiques récents, et je ne pouvais pas non plus prendre le risque de me voir déshérité. C’est donc là que j’ai fait la plus grosse erreur. Je l’ai payé pour qu’il se taise. Cela a fonctionné pendant un temps, puis il est revenu. Et encore. Et encore. A chaque fois, les sommes que je lui versait étaient de plus en plus colossales. J’ai dû détourner les fonds de la famille pour faire face à ses demandes, et j’ai tout perdu. J’ai fait appel à un détective privé pour enquêter sur lui. J’ai découvert ses comptes et étudié ses transactions. Hôtels de luxes, vaisseaux-croisières dernier cri… il ne se refusait rien. Et au milieu de tous ça, des virements colossaux à un établissement que je ne connaissais pas… le Fathier d’Iridonia. J’ai mené ma propre enquête, et découvert de quoi il s’agissait. J’ai vu… des bandes vidéos que je n’aurais jamais voulu voir. Mon… fils, s’adonnant à ce genre d’activités. Si cela s’apprend… L'établissement m'a offert de me vendre ces photos pour une somme exorbitante que je n’ai pas. Ce mariage est ma dernière chance de l’obtenir. Mais j’ai été imprudent. »

Un silence de plomb régnait dans la pièce. Coda sentait son estomac se soulever à cette histoire. Quelle ordure. Qui avait engendré une autre ordure. Son poing se serrait à l’idée que quelque part, peut-être en ce moment même à quelques districts d’ici, le fils de De Drift s’adonnait à ses passions ignobles pendant que son père cherchait un moyen de le couvrir. Pourtant, il ne pouvait empêcher les rouages de son cerveau de tourner à plein régime. « Quelqu’un t’a doublé. Quelqu’un d’autre sait, hein ?
- Oui. Sur certaines des bandes vidéos, on ne voit pas que mon fils. On voit également d’autres personnes. Des personnalités en vogue, des politiciens… Mon idiot de fils s’est dit que cela pouvait-être une bonne idée de tenter de les faire chanter eux aussi. Lui voudrait que je puisse récupérer ces vidéos pour lui, afin d’avoir un véritable moyen de pression. Mais ceux qu’il a contactés ne se sont pas laissés faire. Ils lui ont fait croire qu’ils étaient à sa botte, mais ce sont de véritables requins, bien plus intelligents que lui. Ils ont vu clair dans son jeu, et ils savent très bien comment m’empêcher d’avoir accès à ces images : en m’empêchant d’avoir accès à la fortune des Vaselina par le sabotage de ce mariage. »

Coda regardait De Drift, sidéré. Gary avait raison. Parmi ces personnes, il y avait probablement des membres de grandes organisations gouvernementales. Des groupuscules qui avaient les moyens de faire chanter de Drift, d’accéder à sa chambre d’hôtel, et prêts à tout pour empêcher ce mariage. À tout…
Coda se leva brusquement. « Espèce d’enfoiré… » balbutia-t-il en fixant sur De Drift un regard affolé. « Tu savais qu’ils feraient n’importe quoi pour empêcher ça ce mariage, et t’as quand même demandé à El Angel-… Gary de t’aider à les déjouer ! Tu les as envoyés dans la gueule du loup ! Tu m’as foutu d’dans moi aussi ! Hiro de puta… » grinça Coda en attrapant De Drift par le col… avant de le relâcher brusquement. Mierda… il n’avait pas le temps. En face de lui, De Drift se massait la gorge. « Je… J’ai confiance en Gary. C’est le seul à pouvoir me sortir de ce foutoir. J’ai expliqué la situation à mon fils, et-…
- Ton fils ?! Il est ici ?
- Oui, bien sûr, quand-
- J’y crois pas… quel con ! »
Coda se tenait la tête à deux mains, choqué par l’imprudence de De Drift. Mierda, mierda… Il fallait retrouver El Angel et Damyn avant qu’ils ne tombent sur l’un des invités qui fréquentaient le Fathier… Si on découvrait qu’ils cherchaient à sauver ce mariage, c’en était fini d’eux. A moins que le fils de De Drift ne se fasse attraper par des hommes de main en premier et que la fête dégénère en affrontements. El Angel… Damyn… Les deux étaient en danger.

D’un bond, Coda sauta par-dessus le canapé pour se précipiter vers la porte, sans un regard pour De Drift qui s’asseyait à nouveau, pantelant. Il réactiva son comlink, et aussitôt, la voix de Brekk qui fredonnait une chanson paillarde résonna à son oreille. « Brekk ! Prépare toi, va p’tet falloir qu’on s’évacue d’là vite fait !
- Hein ? T’as foutu quoi encore ?
- Juste… on s’en fout, magne toi !
- Ok ! »
L’oreillette bipa, alors que Coda parcourait les couloirs à vive allure. Merde, ce que cet endroit était grand… Il arriva finalement devant l’ascenseur, qu’il appela en appuyant frénétiquement sur le bouton. C’était long, trop long… Tant pis. Poussant une porte de service, il s’attela à descendre les escaliers quatre à quatre pour rejoindre la pièce principale de la réception. Et enfin, il les vit, mêlés à la foule, en pleine discussion. Il se précipita à leur rencontre, bousculant sur son chemin plusieurs groupes qui s’écartaient avec des exclamations outrées. « Pardon ! Pardon ! Cassez vous, putain, laissez moi passer ! » grognait-il, avant de finalement débouler devant le duo, en nage et à bout de souffle. « Vous-… euh… »

Coda leva les yeux vers la troisième personne avec qui El Angel et Damyn s’entretenaient. Ami ? Ennemi ? Il n’était même pas sûr que ses deux complices aient pu entendre toute la discussion avec De Drift. Dans le doute, mieux valait ne pas attiser les soupçons concernant une quelconque enquête sur une opération secrète de sabotage. Coda se redressa, sourcils froncés, affichant sur sa face un air colérique. Il pointa un doigt accusateur vers Gary. « J’le savais ! J’ai à peine le dos tourné que tu me remplaces ! Et par lui, en plus. T’aurais au moins pu choisir une grande blonde, j’aurais pu comprendre, mais là ! » ragea-t-il, avant de se tourner vers la troisième personne. « Vous vous rendez compte ? Il m’traîne jusque là pour qu’j’fasse joli à son bras, tout ça pour m’envoyer chercher à boire et batifoler dans mon dos avec le premier venu ! Pire qu’un chien ! Mais on va s’expliquer, j’vais pas laisser passer ça ! » lâcha-t-il en attrapant El Angel et Damyn par le col et en les traînant en arrière. Était-il arrivé à temps ? Ou en avaient-ils déjà trop dit ?
Damyn Celchu-Saro
Damyn Celchu-Saro
Messages : 112
Eclats Kyber : 62
Damyn réprima du mieux qu’il put un sourire de fierté quand Mister K qualifiant son travail « d’excellent ». Bon, peut-être aussi celui de Môssieur « Je suis tellement jeune »…

Damyn jeta un coup d’œil à Coda, espérant toujours comprendre ce qui avait poussé le jeune humain à agir comme il l’avait fait…

Damyn fronça les sourcils, essayant de se rappeler ce que son dernier date lui avait raconté sur le Kessel… Aucun souvenir d’un Fathier d’Iridonia ou d’un quoi que ce soit d’Iridonia dans cette course… Bon, l’abus de Géonosiens frappés y était sans doute pour beaucoup… D’ailleurs, il était incapable de se rappeler comment il était rentré chez lui ce soir-là…

Que faisait Mister K ? Il avait passé le bras dans le plafond et maintenant il posait un truc sur la table en face de lui.
Pourvu que ce ne soit pas un bébé mynock mort…

Oh ! songea Damyn. Un micro !

Il se repassa la dernière heure demie heure dans sa tête, essayant de se rappeler s’il avait pu dire quoi que ce soit d’incriminant ou de gênant…

Une organisation gouvernementale ?

Damyn sentit son cœur rater un battement.

Mais non… il serait au courant si…

Marssyia savait qu’il venait à ce mariage… Ou… Non… Lun lui aurait dit !

Damyn écoutait Mister K, en essayant de se rassurer. Il y avait très peu de chance que le BSR soit derrière tout ça. Mais la possibilité que ce soit autre chose n’était pas vraiment rassurante… Les Hutts ? L’Empire ? Les Jedi ? Ou… Autre chose encore ?

Damyn regarda le micro enfermé dans un verre piscine. Le truc était tout petit, et on ne voyait rien à travers les motifs d’inspiration mandalorienne… Il s’approcha pour l’observer. Peut-être qu’il pourrait reconnaître le style, ou… euh… le quelque chose qui caractérisait les micros d’espionnage…

Damyn recula quand Mister K parla de "jouer le jeu" des maîtres chanteurs, effrayé que le micro puisse soudain enregistrer son regard scrutateur…

Il essaya de prendre un air dégagé, mais sa main le démangeait d’attraper son comlink qu’il avait glissé dans sa poche. Un message à Marssyia… Mieux, un message à Lun…

Il hocha la tête quand Mister K reprit sur la question des interrogatoires. C’était lui qui avait suggéré l’idée, il se sentait responsable. Et puis, interagir avec ses comparses le distrayait de son comlink.

« Ils savent qui nous sommes à présent »…

Damyn frissonna de nouveau. Il se résonna en songeant que même si l’Empire, ou les Hutt, ou les jedi étaient derrière tout ça, tout ce qu’ils verraient, c’était un neveu de sénateur qui mettait son nez là où ça ne le regardait pas. Même un Hutt n’allait pas faire assassiner le petit fils des chantiers Saro ?

Il se tourna vers Coda en l’entendant protester. Il pouvait comprendre qu’il n’ait pas envie de rester seul avec de Drift, des micros jedio-império-hutt et le poids de ce chantage au-dessus de la tête…

Mais, effectivement, des trois, il était celui qui attirerait le plus l’attention en bas… Il avait d’ailleurs déjà attiré l’attention des invités…

Damyn sentit une pointe de culpabilité en se remémorant les rires des gens. Coda n’avait rien dit pour Stayla, peut-être que…

Damyn avait dû tergiverser trop longtemps, Coda s’était résigné. Damyn était soulagé, mais aussi il se sentait un peu coupable…

Il n’eut pas le temps de faire plus d’introspection, Coda lui confia son datapad, avec un regard bien trop intense pour un truc aussi en retard sur les dernières mises à jour…

Il garda l’antiquité en main mais sortit son propre datapad pour envoyer la liste à Mister K. Il hésita, puis ouvrit la conversation de ses messages personnels avec Lun. Il fixa un instant le dernier message de la conversation (« J’aime pas les holo-films bith… trop philosophiques et tout le monde meurt à la fin »), mais Mister K attendait déjà à côté de la porte ouverte. Il le suivit hors de la chambre avec un certain soulagement. C’était sûrement une impression, mais l’air semblait plus respirable dans le couloir.

Il arrêta son comparse juste avant d’atteindre l’ascenseur :

-Vous croyez vraiment qu’une organisation gouvernementale pourrait être derrière tout ça ? Je… il y a déjà eu des scandales chez les Saro, je n’ai pas envie d’être le suivant…


La méthode de l’agent du BSR planqué derrière le gosse de riche. Ce ne serait pas la première fois qu’il l’utiliserait…

Il tenait toujours le datapad de Coda entre les mains. L’humain avait dit de le laisser allumé… est-ce que ?

Damyn coula un regard méfiant à Mister K, et extirpa de sa poche intérieure une holo-oreillette sans fil dernier cri.

-Je vais réécouter le message,
mentit-il en connectant l’oreillette au datapad de Coda.

Il ne savait pas trop pourquoi il mentait à Mister K. Il n’était même pas sûr d’avoir bien interprété le regard de Coda. Mais après son silence sur Stayla… Bah, il serait toujours temps de mettre Mister K au courant, si besoin…

Damyn glissa l’oreillette dans son oreille, et la voix de Coda lui emplit le tympan :

-impossible de savoir qu’il est là si on y est pas d’jà entré. Un club où viennent les riches qu’ont pas envie que ça se sache qu’ils aiment… certains trucs.

La voix de De Drift retentit à son tour, et Damyn comprit qu’il entendait la conversation qui avait lieu au même moment dans la suite qu’ils venaient de quitter. Était-ce un moyen pour Coda de se protéger, si jamais De Drift voulait lui faire du mal ?

Damyn essaya de se concentrer sur la conversation qu’il avait prise en plein milieu, mais l’ascenseur était arrivé au rez-de-chaussée, et combien de temps faisait l’enregistrement qu’il était censé être en train d’écouter, déjà ?

Damyn sentait monter en lui une vague de dégoût à l’écoute de la discussion dans son oreillette, mais Mister K se dirigeait déjà vers le premier nom de la liste, une devaronienne en grande robe à paillettes argentées, avec un décolleté très faux et une étole de fourrure très vraie.

Damyn fit deux pas, puis se décida à sortir son propre datapad. Mister K pouvait bien commencer les "interrogatoires" sans lui. Il était sûr qu'il trouverait sûrement plus de trucs à dire à la dévaronienne sans Damyn...

Il fixa un instant l’écran sans le voir, concentré sur la voix de Drift. Damyn avait raté des bouts, mais visiblement De Drift avait de sacrés problèmes de relationnels avec son fils…

Damyn vit soudain le visage de son propre père, l’honorable professeur Celchu, et il se rappela son expression quand il avait appris pour Alec… La déception, l'incompréhension, le dégout...

Damyn pianota rapidement sur son datapad. Il ne voulait pas tremper dans ce genre de saloperies.
Un message en apparence innocent, détaché. De quoi s'assurer qu'il ne risquait rien de trop grave. Ou qu'au moins le BSR viendrait à sa rescousse ?

« Au fait, je suis à un mariage sur Nar Shaddaa. De Drift-Vaselina. Je te rapporte quelque chose ? »

Message innocent.

Mais si Lun savait quelque chose sur cette histoire de Fathier d’Iridonia, de chantage peut-être gouvernemental ou autre, il préviendrait Damyn. Ou il préviendrait quelqu'un qu'il fallait sauver Damyn...

Il n'allait quand même pas laisser Damyn dans une situation dangereuse ! Si ? Il lui avait rapporté des gâteaux et des confiseries à chaque fois qu’il était parti en vacances ou en week-end. Et pas de la camelote de 300°niveau !

Damyn rangea datapads et oreillette. Il trouverait bien le moyen de vérifier de temps à autres que Coda allait bien.

Il rejoignit enfin Mister K, qui s’éloignait justement de la dévaronienne.

-Euh… Ensuite il y a un certain… Côme Merlim… Un genre de dilapideur professionnel.

Damyn reprit rapidement la liste des invités pour chercher à quoi ressemblait ce Merlim. En le cherchant dans la foule, il aperçut le vert anis de la robe de Stayla. Il eut un pincement de cœur en repensant aux images que lui avait montrées Coda. D’ailleurs, son amie n’était plus en discussion avec son beau falleen, mais avec une jeune tholotienne élégante, dont le visage ne lui était pas inconnu…

Merlim était un peu plus loin, seul au buffet. Il avait des yeux très... magnétiques...

-Monsieur Merlim ? fit Damyn avec son plus beau sourire.

Mister K avait géré la première « suspecte » pendant que Damyn avait le nez fourré dans son datapad, il avait bien l’intention de montrer à son comparse qu’il était capable de faire parler les gens, lui aussi !

-Je n’étais pas sûr de vous reconnaître ! Ma Tante Yulia m’a si souvent parlé de votre collection de Ka-Arano-Bah !

(Merci les informations glanées sur l’holonet et merci Tata pour les heures passées en galeries d’art )

-Yulia...
-Yulia Celchu… D’Alderaan. Vous serez à sa soirée de Life Day ? Je suis Damyn Celchu-Saro, son neveu…
-Oh ! Yulia Celchu ! La femme du sénateur ! Je… Je ne sais pas si je serai invité au gala de votre tante…

Il fit un grand sourire hypocrite à Damyn, et dévisagea Mister K. Il inspecta brièvement sa tenue, puis reporta son attention sur Damyn.

-Vous êtes invités par le marié ou la mariée ? continua Damyn, qui essayait de combiner les questions que ses parents lui avaient appris à poser à un mariage pour être poli et les questions que Marssyia lui avait appris à poser en interrogatoire pour trouver des jedi.
-Disons que... je connais un peu le marié… Et vous ?
-Nous sommes plutôt du côté du marié, nous aussi… déclara-t-il d’un air entendu.

Mieux valait être en relation avec des nobles fauchés qu’avec des nouveaux riches, non ? C’est-à-dire, quand on est pas fauché soi-même, bien sûr !

-Mais, je suis surtout ici pour les cocktails !

Il fit un grand sourire à ses deux vis-à-vis, et fut un peu déçu qu’aucun d’entre eux ne se précipite pour lui en offrir un. Même si, au fond, il valait mieux qu’il n’augmente pas son taux d’alcoolémie.

-Cela dit, je devrais sûrement passer aux softs, si je ne veux pas commencer à faire du pied au premier venu, non ?


Son comlink vibra dans sa poche. Et si c’était Lun ?
Et comment allait Coda ? Si seulement il n’avait pas été si malpoli de regarder son datapad en pleine conversation !

-Vous… euh...vous la connaissez bien ? La mariée je veux dire ?

-Comme je vous l’ai dit, je connais plutôt le marié…

Ah oui, il l’avait déjà dit effectivement… C’était dur les interrogatoires sans Marssyia, et aussi sans Junak pour donner des coups aux interrogés…

Un serveur passa et Damyn attrapa machinalement un amuse-bouche.

-J’ai entendu dire qu’elle s’intéressait beaucoup aux courses spatiales ? A moins que ce soit le marié ?

Damyn prit un air pensif et se tourna légèrement vers Mister K. Se faisant, il croisa soudain le regard de Stayla. Elle semblait très pâle, les sourcils froncés. En fait, elle ne le regardait pas vraiment lui. Plutôt… Merlim ? Ou Mister K ?

Damyn reporta son attention sur la conversation dont il avait perdu le fil.

Il s’apprêtait à rebondir habilement dans la conversation, quand un brouhaha indigné retentit derrière lui. Damyn résistait à l'envie de se retourner pour voir ce qui causait cet esclandre, quand Coda déboucha soudain.

Il marqua un moment de silence. Du coin de l’œil, Damyn vit la tholotienne chuchoter quelque chose à l’oreille de Stayla.

Et soudain, Coda leur joua la grande scène du 2. Ou du 3, ou du 4 ou du 2,7, ou quel que soit le nombre d’actes dans les comédies en huttese.

Et il fallait reconnaître que le jeune humain était plutôt crédible.

Damyn vira au rouge brique, se rappelant que ce monsieur Merlim connaissait sa tante (ou en tout cas aurait bien aimé la connaître), et qu’il se ferait une joie de raconter comment le neveu du sénateur d’Alderaan avait piqué le sugar Daddy d’un gamin de Nar Shaddaa…

Bon, il y avait aussi la possibilité que Monsieur Merlim soit le type qui avait envoyé le message à De Drift, et dans ce cas, les ragots seraient sûrement sa dernière priorité.

-Mais lâche-moi ! s’exclama Damyn quand il furent un peu à l’écart de la foule. Qu’est-ce qui s’est passé ? ajouta-t-il plus bas. Où est de Drift ? Tu… tu as du nouveau ?

Il essaya de faire passer dans son regard l’idée qu’il avait un peu entendu la conversation, mais pas tout non plus, mais c’était un truc assez difficile à exprimer juste avec les yeux…

-Lâche-moi, espèce de malotrus ! Tu vas salir ma veste ! ajouta-t-il à voix bien haute pour donner le change à tous les regards braqués sur eux.

Il fit un pas en arrière, en rajustant avec affectation ses vêtements. Et c'est là que cela lui revint. La tholotienne. C'était l'ancienne secrétaire d'Oyo, la self-made woman de la traite des blanches, et qui travaillait maintenant pour la guère plus recommandable Glinda la Hutt. On rencontrait vraiment n'importe qui dans ce genre de mariage... Qu'est-ce que Stayla fichait avec elle ?
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
skin made by
© jawn