Coda Jago
# Relax, gringo [PV Gary] - Lun 6 Nov 2023 - 0:25
« Une mauvaise idée, je l’avais dit, je le dis toujours, tu m’écoutes jamais et après on se retrouve dans la mer-
- Ta gueule ! »
Coda fit la moue, mais il la ferma, sa gueule. Même si rester silencieux le rendait nerveux, et qu’il aurait préféré brailler haut et fort qu’il avait rien demandé à personne, que c’était Brekk qui l’avait traîné ici de force, qu’il en avait assez de ces conneries et qu’il aimerait simplement rentrer chez lui s’il vous plaît, merci bien. Brekk lui jeta un regard noir, comme s’il pouvait lire ses pensées, et Coda haussa les épaules avant de se remettre en route silencieusement. Bien sûr qu’il avait été partant pour venir, même si l’idée venait de Brekk. Et bien sûr que maintenant, il râlait, rejetant la faute sur son camarade. Ses doigts se serrèrent sur le blaster léger qu’il portait dans la main droite, sa mauvaise main, mais la gauche était occupée à porter un gros sac en toile cirée qui produisait un son de ferraille à chaque mouvement, faisant grimacer les deux personnages.
Il fallait faire vite. Il fallait faire discrètement.
Le gang de Y’tar Ggatar avait attaqué la planque du cartel de Blanche dans la matinée, et avaient laissé derrière eux le cadavre fumante d’un bâtiment effondré et de ses occupants massacrés. On n’avait rien pris, seulement exécuté sommairement tout ce qui bougeait, histoire de faire passer le message. Ce qui voulait dire que dans quelques heures à peine, lorsque les derniers tirs de blaster auraient cessés, les ferrailleurs, les pilleurs et les opportunistes viendraient envahir les lieux, comme des fourmis sur une carcasse toute fraîche. Et ils tomberaient sur… rien du tout. Car Coda et Brekk auraient déjà nettoyé les lieux.
Cependant, maintenant qu’ils étaient dedans jusqu’au cou, Coda et Brekk faisaient nettement moins les malins. Être les premiers sur les lieux en profitant de leurs statures de gringalets pour se faufiler alors même que les combats faisaient rage dans les étages supérieurs, idée de génie. Se retrouver coincés à l’intérieur du bâtiment après que l’entrée se soit écroulée derrière eux, parce que Coda avait, selon ses dires, à peine touché un mortier portatif à détonation différée, tout en alertant au passage la moitié des troupes présentes sur les lieux, idée un peu plus discutable.
Mais on ne prenait pas les deux gars au dépourvu. Coda et Brekk avait la chance, ou la malchance, selon comment on regardait, de n’être que deux résidus de troufions des bas fonds, dont les tignasses crasseuses et les frusques sombres faisaient qu’en regardant de loin, on pouvait facilement les confondre avec les tas de débris et détritus qui jonchaient le champ de bataille. Ils en avaient largement joué, ramassant au passages de nombreuses ordures qui, une fois passées entre les mains expertes de Coda, deviendraient de véritables trésors. Un bras mécanique aux circuits grillés, hop, dans le sac. Un droïde Jika 28-b, c’est fou, on en faisait plus depuis l’an 21.540, une rareté. Hop. Et là…
Coda frappa frénétiquement le bras de Brekk, lui désignant une caisse éventrée, coincée sous un morceau de mur écroulé. « Brekk ! Là ! » chuchota-t-il en trépignant comme un gosse. « On a pas l’temps, Coda, faut qu’on dégage d’ici. L’passage qui mène à la décharge est juste là ! Allez, vi-… » Mais les yeux de Brekk s’agrandirent sous la surprise, et il vint saisir l’une des capsules qui gisaient sur le sol. « On dirait du plasma mais… bien plus concentré. C’est ça qu’ils trafiquaient ? Tu te rends compte de ce que ça vaut ?
- Merde… Prends tout, vite !
- Vide le sac. Je t’avait dit que c’était une bonne idée, j’ai l’habitude des coups comme ça. Tu devrais sortir de ta tute à grillons plus souvent, les guerres de gang, c’est la mine d’or. Et maintenant...
- Et maintenant, gamin, tu te retournes et tu poses ça par terre, doucement ! »
Le sang de Coda gela dans ses veines, et sa bouche s’assécha immédiatement. L’ordre, crachoté en huttese, ne laissait aucun doute quant aux intentions de l’individus qui se trouvait dans leur dos. Lentement, Coda se redressa, n’osant pas quitter Brekk du regard. « Doucement… On a rien fait d’mal, on est pas d’ici. On veut pas d’ennuis… » articula-t-il difficilement, malgré son coeur tambourinant dans sa poitrine. Il fixait toujours Brekk, puis ses yeux se posèrent brièvement sur l’arme qu’il tenait à la main, avant de revenir sur son ami. Brekk secoua très légèrement la tête. Non. Et Coda cligna des yeux. Si.
En moins d’une seconde, il pivota sur lui même et leva la main qui tenait son blaster. La droite, sa mauvaise main. Et il tira.
Le tir orange n’atteignit pas l’individu. Dans une seconde qui sembla durer des heures, il passa largement à gauche de sa tête repoussante, pour aller ricocher sur une poutre chromée qui gisait tranquillement, appuyée contre un morceau de mur écroulé. Puis il revint, brûlant au passage la veste de Coda, et se précipita sur la caisse de capsules de plasma.
Le hurlement de terreur de Brekk fut noyé dans l’explosion qui suivit. Les pieds de Coda décollèrent du sol, l’air s’expulsa se ses poumons, et il sentit sa frange grésiller sous le souffle chaud qui le renversa et l’expédia rouler bouler à quelques mètres de là. Oreilles sifflantes, les poumons remplis de poussière, il n’entendait plus que des grincements, des grondements, et pas loin, Brekk qui pleurait en appelant quelqu’un, sa mère, son père, ou peu importe qui. Et ça tremblait.
Coda réunit ses forces dans ses jambes flageolantes, et se dirigea vers le son. Ses yeux brûlés par le plâtre reconnurent à peine la silhouette de Brekk qui se tordait sur le sol. « Brekk ! Lève toi, ça s’écroule, faut qu’on se tire ! » hurla Coda par dessus le vacarme. Il saisit son ami par la taille, le releva tant bien que mal et passa l’un de ses bras autour de ses épaules. C’était chaud, ça sentait comme les clé rouillées, ça lui coulait dessus, et Coda se rendit compte qu’à côté de son oreille, là où il y aurait dû y avoir la main de Brekk, il n’y avait qu’un moignon ruisselant.
« Argh.. Sal.. Revenez… » L’individu se relevait, toussant et crachant. Il leva un bras et porta son poignet à sa bouche. « Près de l’évacuation nord… renforts… voleurs… »
Coda n’entendit pas la suite. Brekk avait raison, le passage vers la décharge était juste là, et sans réfléchir, il se laissa tomber dedans, emportant avec lui Brekk et son sac de toile cirée, ou s’entrechoquaient les capsules.
La chute lui sembla durer des heures, bien qu’en vérité, elle ne dut se faire que de quelques secondes de cahots brutaux et de chocs incompréhensibles. Et l’atterrissage, quant à lui, fut tout aussi désagréable. Coda s’écrasa sur un amoncellements de détritus et de gravats diverses et variés, au moelleux relatif. Pour parfaire le tableau, il sentit le corps de Brekk qui vint s’étaler sur lui, brisant les derniers espoirs de sa colonne vertébrale. Mais il n’avait pas le temps de s’apitoyer sur son sort. « Brekk ! » D’un bond, il se remit sur ses pieds et se précipita sur Brekk, dont le bras n’était plus qu’une bouillie informe d’où dépassait un os qui semblait bien trop blanc et bien trop peu aligné avec le reste de son anatomie. Le jeune homme respirait vite et fort, pâle comme un fantôme et luisant de sueur. Il se vidait de son sang, et c’était la faute de Coda.
Coda tomba à genoux, l’estomac brusquement serré, ses yeux écarquillés se remplissant de larmes amères, le goût de la bile lui envahissant la langue. Brekk haletait. « T’avise pas… de me gerber dessus… connard… Ravale… s’il faut… » Et Coda, plein de bonne volonté, obéit pour une fois. Il essuya son nez morveux et ses yeux embués, avant de détacher sa ceinture. « Tu… fais quoi… C’est pas… l’m’moment d’te bran-…
- Ferme la, j’ai vu Mago faire ça un milliard de fois. Fais confiance. »
D’un geste mal assuré, sans vraiment savoir ce qu’il faisait, il tenta d’enrouler la ceinture autour du bras de Brekk, mais le simili-cuir abimé glissait sur le sang et les chairs écrasées, arrachant des cris de douleurs au blessé à chaque nouvel essai. Et le front de Coda devenait de plus en plus moite. « Arrête de bouger… » grognait-il à Brekk, qui ne bougeait pas du tout.
Mais alors qu’il s’acharnait sur le bras de son ami, un ricanement lui fit relever la tête. A quelques mètres de là, leur poursuivant s’approchait, triomphant, crachotant dans sa radio et pointant vers eux son arme. Comment les avait-ils suivi ? Dans le tunnel d’évacuation ? Par un autre passage connu de lui seul ? Coda se redressa d’un bond, coeur battant. Il n’avait pas l’allure d’un combattant, loin de là, et encore moins après sa descente forcée jusqu’à la décharge. Pourtant, il enjamba Brekk et leva son blaster vers l’arrivant. De la bonne main cette fois. L’autre continua à avancer. « Allez, fini de courir. Donne moi les capsules si tu veux que je te laisse une chance de sauver ton ami. » annonça-t-il avec un sourire mauvais.
Et pourquoi pas ? se dit Coda. Il s’en foutait royalement de ces capsules, en vérité. Mais il savait que l’autre ne les laisserait jamais partir, qu’il les descendrait à la seconde où il lui céderait le sac. Alors il tient bon, affermissant sa prise, tentant de masquer les tremblements de sa main. « Bouge plus. Si tu m’tires dessus, mon pote tire sur le reste de tes capsules et adieu le butin. Et si tu lui tire dessus, j’te descends. Et j’tire plus vite que toi, j’étais dans l’Armée des Gachettes du treizième district. » mentit-il, espérant que le nom du gang des tireurs d’élite fasse réagir l’ennemi, assez pour qu’il oublie son malheureux tir de laser, quelques minutes plus tôt.
Et à ces mots, l’autre se figea soudainement, et perdit son sourire. Vraiment ? Ça fonctionnait ? Coda déglutit avec difficulté, riant nerveusement. « Eh ouais mon gars. Un joli p’tit trou pile entre tes yeux, pour te faire tout beau pour ta maman. » railla-t-il en détaillant le visage effrayé de son opposant. Il était si impressionnant que ça ? Faut dire qu’à bien regarder, le gars n’était pas bien grand, et pas bien costaud. Et qu’en plus, il avait l’air malade. Ses yeux exorbités lui sortaient presque du visage, et ses lèvres tremblaient violemment, à tel point que Coda en ressentit presque de l’inquiétude. « P-pose juste ton arme. » bégaya-t-il, terrifié par l’attitude du gars, qui fixait un point au dessus de son épaule, la bave aux lèvres. « El… El Angel sin rosto… » murmura-t-il, les mains agitées de violents tremblements. « Coda, derrière toi ! » hurla Brekk. Et Coda se retourna d’un bond.
L’ange derrière lui n’avait pas de visage.
- Ta gueule ! »
Coda fit la moue, mais il la ferma, sa gueule. Même si rester silencieux le rendait nerveux, et qu’il aurait préféré brailler haut et fort qu’il avait rien demandé à personne, que c’était Brekk qui l’avait traîné ici de force, qu’il en avait assez de ces conneries et qu’il aimerait simplement rentrer chez lui s’il vous plaît, merci bien. Brekk lui jeta un regard noir, comme s’il pouvait lire ses pensées, et Coda haussa les épaules avant de se remettre en route silencieusement. Bien sûr qu’il avait été partant pour venir, même si l’idée venait de Brekk. Et bien sûr que maintenant, il râlait, rejetant la faute sur son camarade. Ses doigts se serrèrent sur le blaster léger qu’il portait dans la main droite, sa mauvaise main, mais la gauche était occupée à porter un gros sac en toile cirée qui produisait un son de ferraille à chaque mouvement, faisant grimacer les deux personnages.
Il fallait faire vite. Il fallait faire discrètement.
Le gang de Y’tar Ggatar avait attaqué la planque du cartel de Blanche dans la matinée, et avaient laissé derrière eux le cadavre fumante d’un bâtiment effondré et de ses occupants massacrés. On n’avait rien pris, seulement exécuté sommairement tout ce qui bougeait, histoire de faire passer le message. Ce qui voulait dire que dans quelques heures à peine, lorsque les derniers tirs de blaster auraient cessés, les ferrailleurs, les pilleurs et les opportunistes viendraient envahir les lieux, comme des fourmis sur une carcasse toute fraîche. Et ils tomberaient sur… rien du tout. Car Coda et Brekk auraient déjà nettoyé les lieux.
Cependant, maintenant qu’ils étaient dedans jusqu’au cou, Coda et Brekk faisaient nettement moins les malins. Être les premiers sur les lieux en profitant de leurs statures de gringalets pour se faufiler alors même que les combats faisaient rage dans les étages supérieurs, idée de génie. Se retrouver coincés à l’intérieur du bâtiment après que l’entrée se soit écroulée derrière eux, parce que Coda avait, selon ses dires, à peine touché un mortier portatif à détonation différée, tout en alertant au passage la moitié des troupes présentes sur les lieux, idée un peu plus discutable.
Mais on ne prenait pas les deux gars au dépourvu. Coda et Brekk avait la chance, ou la malchance, selon comment on regardait, de n’être que deux résidus de troufions des bas fonds, dont les tignasses crasseuses et les frusques sombres faisaient qu’en regardant de loin, on pouvait facilement les confondre avec les tas de débris et détritus qui jonchaient le champ de bataille. Ils en avaient largement joué, ramassant au passages de nombreuses ordures qui, une fois passées entre les mains expertes de Coda, deviendraient de véritables trésors. Un bras mécanique aux circuits grillés, hop, dans le sac. Un droïde Jika 28-b, c’est fou, on en faisait plus depuis l’an 21.540, une rareté. Hop. Et là…
Coda frappa frénétiquement le bras de Brekk, lui désignant une caisse éventrée, coincée sous un morceau de mur écroulé. « Brekk ! Là ! » chuchota-t-il en trépignant comme un gosse. « On a pas l’temps, Coda, faut qu’on dégage d’ici. L’passage qui mène à la décharge est juste là ! Allez, vi-… » Mais les yeux de Brekk s’agrandirent sous la surprise, et il vint saisir l’une des capsules qui gisaient sur le sol. « On dirait du plasma mais… bien plus concentré. C’est ça qu’ils trafiquaient ? Tu te rends compte de ce que ça vaut ?
- Merde… Prends tout, vite !
- Vide le sac. Je t’avait dit que c’était une bonne idée, j’ai l’habitude des coups comme ça. Tu devrais sortir de ta tute à grillons plus souvent, les guerres de gang, c’est la mine d’or. Et maintenant...
- Et maintenant, gamin, tu te retournes et tu poses ça par terre, doucement ! »
Le sang de Coda gela dans ses veines, et sa bouche s’assécha immédiatement. L’ordre, crachoté en huttese, ne laissait aucun doute quant aux intentions de l’individus qui se trouvait dans leur dos. Lentement, Coda se redressa, n’osant pas quitter Brekk du regard. « Doucement… On a rien fait d’mal, on est pas d’ici. On veut pas d’ennuis… » articula-t-il difficilement, malgré son coeur tambourinant dans sa poitrine. Il fixait toujours Brekk, puis ses yeux se posèrent brièvement sur l’arme qu’il tenait à la main, avant de revenir sur son ami. Brekk secoua très légèrement la tête. Non. Et Coda cligna des yeux. Si.
En moins d’une seconde, il pivota sur lui même et leva la main qui tenait son blaster. La droite, sa mauvaise main. Et il tira.
Le tir orange n’atteignit pas l’individu. Dans une seconde qui sembla durer des heures, il passa largement à gauche de sa tête repoussante, pour aller ricocher sur une poutre chromée qui gisait tranquillement, appuyée contre un morceau de mur écroulé. Puis il revint, brûlant au passage la veste de Coda, et se précipita sur la caisse de capsules de plasma.
Le hurlement de terreur de Brekk fut noyé dans l’explosion qui suivit. Les pieds de Coda décollèrent du sol, l’air s’expulsa se ses poumons, et il sentit sa frange grésiller sous le souffle chaud qui le renversa et l’expédia rouler bouler à quelques mètres de là. Oreilles sifflantes, les poumons remplis de poussière, il n’entendait plus que des grincements, des grondements, et pas loin, Brekk qui pleurait en appelant quelqu’un, sa mère, son père, ou peu importe qui. Et ça tremblait.
Coda réunit ses forces dans ses jambes flageolantes, et se dirigea vers le son. Ses yeux brûlés par le plâtre reconnurent à peine la silhouette de Brekk qui se tordait sur le sol. « Brekk ! Lève toi, ça s’écroule, faut qu’on se tire ! » hurla Coda par dessus le vacarme. Il saisit son ami par la taille, le releva tant bien que mal et passa l’un de ses bras autour de ses épaules. C’était chaud, ça sentait comme les clé rouillées, ça lui coulait dessus, et Coda se rendit compte qu’à côté de son oreille, là où il y aurait dû y avoir la main de Brekk, il n’y avait qu’un moignon ruisselant.
« Argh.. Sal.. Revenez… » L’individu se relevait, toussant et crachant. Il leva un bras et porta son poignet à sa bouche. « Près de l’évacuation nord… renforts… voleurs… »
Coda n’entendit pas la suite. Brekk avait raison, le passage vers la décharge était juste là, et sans réfléchir, il se laissa tomber dedans, emportant avec lui Brekk et son sac de toile cirée, ou s’entrechoquaient les capsules.
La chute lui sembla durer des heures, bien qu’en vérité, elle ne dut se faire que de quelques secondes de cahots brutaux et de chocs incompréhensibles. Et l’atterrissage, quant à lui, fut tout aussi désagréable. Coda s’écrasa sur un amoncellements de détritus et de gravats diverses et variés, au moelleux relatif. Pour parfaire le tableau, il sentit le corps de Brekk qui vint s’étaler sur lui, brisant les derniers espoirs de sa colonne vertébrale. Mais il n’avait pas le temps de s’apitoyer sur son sort. « Brekk ! » D’un bond, il se remit sur ses pieds et se précipita sur Brekk, dont le bras n’était plus qu’une bouillie informe d’où dépassait un os qui semblait bien trop blanc et bien trop peu aligné avec le reste de son anatomie. Le jeune homme respirait vite et fort, pâle comme un fantôme et luisant de sueur. Il se vidait de son sang, et c’était la faute de Coda.
Coda tomba à genoux, l’estomac brusquement serré, ses yeux écarquillés se remplissant de larmes amères, le goût de la bile lui envahissant la langue. Brekk haletait. « T’avise pas… de me gerber dessus… connard… Ravale… s’il faut… » Et Coda, plein de bonne volonté, obéit pour une fois. Il essuya son nez morveux et ses yeux embués, avant de détacher sa ceinture. « Tu… fais quoi… C’est pas… l’m’moment d’te bran-…
- Ferme la, j’ai vu Mago faire ça un milliard de fois. Fais confiance. »
D’un geste mal assuré, sans vraiment savoir ce qu’il faisait, il tenta d’enrouler la ceinture autour du bras de Brekk, mais le simili-cuir abimé glissait sur le sang et les chairs écrasées, arrachant des cris de douleurs au blessé à chaque nouvel essai. Et le front de Coda devenait de plus en plus moite. « Arrête de bouger… » grognait-il à Brekk, qui ne bougeait pas du tout.
Mais alors qu’il s’acharnait sur le bras de son ami, un ricanement lui fit relever la tête. A quelques mètres de là, leur poursuivant s’approchait, triomphant, crachotant dans sa radio et pointant vers eux son arme. Comment les avait-ils suivi ? Dans le tunnel d’évacuation ? Par un autre passage connu de lui seul ? Coda se redressa d’un bond, coeur battant. Il n’avait pas l’allure d’un combattant, loin de là, et encore moins après sa descente forcée jusqu’à la décharge. Pourtant, il enjamba Brekk et leva son blaster vers l’arrivant. De la bonne main cette fois. L’autre continua à avancer. « Allez, fini de courir. Donne moi les capsules si tu veux que je te laisse une chance de sauver ton ami. » annonça-t-il avec un sourire mauvais.
Et pourquoi pas ? se dit Coda. Il s’en foutait royalement de ces capsules, en vérité. Mais il savait que l’autre ne les laisserait jamais partir, qu’il les descendrait à la seconde où il lui céderait le sac. Alors il tient bon, affermissant sa prise, tentant de masquer les tremblements de sa main. « Bouge plus. Si tu m’tires dessus, mon pote tire sur le reste de tes capsules et adieu le butin. Et si tu lui tire dessus, j’te descends. Et j’tire plus vite que toi, j’étais dans l’Armée des Gachettes du treizième district. » mentit-il, espérant que le nom du gang des tireurs d’élite fasse réagir l’ennemi, assez pour qu’il oublie son malheureux tir de laser, quelques minutes plus tôt.
Et à ces mots, l’autre se figea soudainement, et perdit son sourire. Vraiment ? Ça fonctionnait ? Coda déglutit avec difficulté, riant nerveusement. « Eh ouais mon gars. Un joli p’tit trou pile entre tes yeux, pour te faire tout beau pour ta maman. » railla-t-il en détaillant le visage effrayé de son opposant. Il était si impressionnant que ça ? Faut dire qu’à bien regarder, le gars n’était pas bien grand, et pas bien costaud. Et qu’en plus, il avait l’air malade. Ses yeux exorbités lui sortaient presque du visage, et ses lèvres tremblaient violemment, à tel point que Coda en ressentit presque de l’inquiétude. « P-pose juste ton arme. » bégaya-t-il, terrifié par l’attitude du gars, qui fixait un point au dessus de son épaule, la bave aux lèvres. « El… El Angel sin rosto… » murmura-t-il, les mains agitées de violents tremblements. « Coda, derrière toi ! » hurla Brekk. Et Coda se retourna d’un bond.
L’ange derrière lui n’avait pas de visage.
Gary Kovani
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Mar 7 Nov 2023 - 0:34
Lorsque mon regard, derrière le tissu, se pose sur le panorama, une pensée éclipse toutes les autres. Nar Shaddaa n’est pas une simple lune habitée, un énième repère de contrebandiers… Ce monde est un foutu mille-feuilles dont chaque strate s’enfonce un peu plus dans la misère et la crasse. Chaque fois que l’on pense toucher enfin le fond, on trouve une passerelle, une échelle, une glissière, qui permet d’accéder à un nouveau niveau. Toujours plus bas, toujours plus… Asqueroso, comme dises les gens du coin. Je secoue la tête. Le décor suffit à me salir les rétines, pas besoin de me souiller l’esprit avec ces pensées.
Le quatorzième discrit se love entre les impressionnants piliers, de plus de cent mètres de diamètre, qui soutiennent la titanesque giga-usine de droïdes militaires : Jika Tech Company. Ses ateliers d’assemblages, entrepôts de stockages, bureaux administratifs, occupent plus d’une centaine de kilomètre carrés. La superficie d’une capitale planétaire sur la plupart des mondes de la bordure extérieure. L’air, sous ses fondations, y est suffoquant, stagnant. Un parfum acre, fragrance savante : sueur, crasse, humidité croupie, métal surchauffé. Presque irrespirable. Les génératrices ultra-haute tension qui alimentent l’usine, tutoient les toits des immeubles assemblées de bric et de brocs. Il en résulte un bourdonnement permanent, des émissions électro-magnétiques bien au-dessus des seuils recommandés sur la plupart des mondes habités, et une chaleur accablante. Une fournaise qui donne un avant-gout de ce qu’est l’enfer dans la plupart des religions pessimistes.
Mais contrairement à ce que la logique laisserait présager, ce district grouille de vie. Âmes miséreuses, jetés des niveaux supérieurs. Égarés sans attaches. Ferrailleurs opportunistes. Gangs insignifiants qui s’entre-dévorent pour le contrôle de quelques pâtés d’immeubles brinquebalants. Un ballet apocalyptique qui s’articule autour d’un seul et unique point névralgique : la Décharge. La Chureca. Une montagne de détritus, recrachés par Jika. Des rejets industriels vomis en un flot ininterrompu par un immense tuyau d’évacuation. El Culo Les rebuts des uns font les fortunes des autres. Ou pas. Les fluides usagés, les pièces défectueuses, les carcasses de droïdes obsolètes sont le cœur de cette économie souterraine. Tout ce qui peut être sauvé est récolté, trié, nettoyé, rafistolé, pour être écoulé sur les marchés miteux des niveaux supérieurs. Evidemment, la concurrence est rude. Premier arrivé, premier servi. C’est pour cette raison que les ferrailleurs et les gangs se livrent une guerre sans fin.
Une explosion m’arrache soudainement à mon errance mentale. Je reporte mon attention sur le panache de fumée qui caresse le ciel de métal. Aucune lumière naturelle ne le traverse. Les gens ici vivent à la lueur vacillante, jaune pisse, des néons des seconde main. Son origine : un immeuble éventré dont la façade zébrée de fissures menace de s’effondrer. Je me redresse, et fonce dans sa direction. D’un bond, je franchis un gouffre encore deux édifices. Le toit suivant, en tôles ondulées dévorées par la rouille est rendu glissant par l’humidité stagnante. Le métal crisse sous mes bottes. Sensation étrange : mélange de peur et d’excitation. C’est comme traverser à grande foulée un lac gelé, dont la surface fragile menace de céder à chaque impulsion. Grisant.
J’aime la saleté, la crasse. Je ne me sens jamais plus vivant qu’ici, dans les tréfonds galactiques. Ce quartier est devenu ma nouvelle demeure. Mon terrain de jeu et d’expérimentation. Depuis l’installation d’une poignée de Jedi dans la clinique de Jesaelle, proto-dispensaire Jedi, je traîne ma vieille carcasse dans tous les recoins du secteur. J’observe, derrière la fine cagoule qui épouse mes traits. Le fin tissu recouvre intégralement mon visage. Je me déplace tel un fantôme. De toit en toit, de ruelle sombre en ruelle sombre. J’écoute aussi. Les rumeurs. Et, parfois, j’agis. Je me suis mis en tête d’affaiblir les gangs miteux qui pullulent dans les environs. Pour la sécurité des Jedi que j’ai ramené ici. Pour offrir un peu de sérénité aux locaux. Mais sans faire trop de vagues, de peur d’attirer l’attention d’un trop gros poisson. Je fonde depuis les hauteurs sur mes cibles. Armé d'un pied-de-biche et d'un pistolet blaster. Une ombre parmi les ombres. Je suis le cauchemare des bandits. L’espoir des habitants qui n’ont autre endroit où vivre. Je suis…
« El… El Angel sin rosto… »
Je suis accueilli par une salve de lasers. Rouge sang, qui me frôle la tête. Réflexe classique des petits caïds : tire d’abord, cours après, mais surtout ne réfléchis pas trop. J’esquive d’un rapide bond de côté. Agilité décuplée par la Force. D’une main je lance mon pied-de-biche feintant de manquer ma cible. L’autre plonge dans mon holster pour se saisir de la crosse du pistolet blaster. Je dégaine en un éclair.
« Si tu t’avises de bouger solo un dedo, mi compadre, si tu ne veux pas finir en passoire. Comprendido ? »
Le gamin se fige. Ouais, il n’a pas plus d’une vingtaine d’années. La saleté incrusté dans ses replis de peau fausse la maturité de ses traits encore juvéniles. Il tremble, hésite. Ces gosses des rues ont été éduqués à la dure. Il n’envisage pas d’autre méthodes que de frapper avant d’être frappé. Un membre des Y’tar Ggatar d’après son blouson miteux affublé d’un écusson bleu nuit représentant un ciel étoilé. Ici, dans les bas-fonds, plus d’un serait prêt à tuer père et mère pour seulement contempler une étoile.
Ma diversion fonctionne. Le malfrat n’a d’yeux que pour le canon de mon arme, braqué sur sa silhouette trop chétive pour son pantalon baggy souillé d’huile et de sang. Il a déjà oublié mon pied-de-biche, qui tournoie sur lui-même, en décrivant un large arc de cercle. Façon boomerang. Lorsque son sifflement aigue lui fait vivement tourner la tête, c’est déjà trop tard. La barre incurvée, en acier brut s’écrase dans son dos. Craquement sinistre. Ses jambes se dérobent, il tombe en avant, face contre béton. Son étincelle de vie vacille dans la trame de la Force. Mais elle ne meurt pas. Le coup lui a rompu la moelle épinière. La paraplégie lui offrira une chance de se repentir. Tel est le châtiment d’El Angel sin rosto. L'arme, insensible à la misère de ce monde, continue sur sa lancée, à peine déviée. A l’issue de sa trajectoire parfaitement circulaire, je l’attrape au vol, de ma seule main libre. Je vous dis pas les heures d'entrainement... Je mérite bien de me la péter un peu non ?
Déjà des claquements de bottes tonnent dans le conduit s’échappant de l’édifice en ruines. Je baisse les yeux sur les deux autres protagonistes. Deux gamins eux aussi. Mais ils sont différents. Ils ne portent ni tatouages ni emblèmes d'un gang. L’un deux est salement amoché. La cagoule dissimule mon rictus pessimiste.
« Ton pote est encore capable courir, mi amigo ? » Nul ne sait quelle volonté se dissimule sous une carcasse agonisante. J’ai déjà vu des êtres mortellement blessés continuer à se battre pendant de très longues minutes. « Je vais essayer de vous offrir quelques secondes d’avance… Salir ! » Déjà, deux silhouettes émergent. Je tire dans le tas. Les lasers mortels s’écrasent contre la façade, juste au-dessus de leurs têtes, déclenchant une avalanche de poussière et de gravats. Je tue rarement de sang-froid mes ennemis. Je préfères les briser, les estropier. Sadique ? Non. Le salut se trouve souvent dans la reconstruction du corps et de l'esprit. J'en sais quelque chose...
Le quatorzième discrit se love entre les impressionnants piliers, de plus de cent mètres de diamètre, qui soutiennent la titanesque giga-usine de droïdes militaires : Jika Tech Company. Ses ateliers d’assemblages, entrepôts de stockages, bureaux administratifs, occupent plus d’une centaine de kilomètre carrés. La superficie d’une capitale planétaire sur la plupart des mondes de la bordure extérieure. L’air, sous ses fondations, y est suffoquant, stagnant. Un parfum acre, fragrance savante : sueur, crasse, humidité croupie, métal surchauffé. Presque irrespirable. Les génératrices ultra-haute tension qui alimentent l’usine, tutoient les toits des immeubles assemblées de bric et de brocs. Il en résulte un bourdonnement permanent, des émissions électro-magnétiques bien au-dessus des seuils recommandés sur la plupart des mondes habités, et une chaleur accablante. Une fournaise qui donne un avant-gout de ce qu’est l’enfer dans la plupart des religions pessimistes.
Mais contrairement à ce que la logique laisserait présager, ce district grouille de vie. Âmes miséreuses, jetés des niveaux supérieurs. Égarés sans attaches. Ferrailleurs opportunistes. Gangs insignifiants qui s’entre-dévorent pour le contrôle de quelques pâtés d’immeubles brinquebalants. Un ballet apocalyptique qui s’articule autour d’un seul et unique point névralgique : la Décharge. La Chureca. Une montagne de détritus, recrachés par Jika. Des rejets industriels vomis en un flot ininterrompu par un immense tuyau d’évacuation. El Culo Les rebuts des uns font les fortunes des autres. Ou pas. Les fluides usagés, les pièces défectueuses, les carcasses de droïdes obsolètes sont le cœur de cette économie souterraine. Tout ce qui peut être sauvé est récolté, trié, nettoyé, rafistolé, pour être écoulé sur les marchés miteux des niveaux supérieurs. Evidemment, la concurrence est rude. Premier arrivé, premier servi. C’est pour cette raison que les ferrailleurs et les gangs se livrent une guerre sans fin.
Une explosion m’arrache soudainement à mon errance mentale. Je reporte mon attention sur le panache de fumée qui caresse le ciel de métal. Aucune lumière naturelle ne le traverse. Les gens ici vivent à la lueur vacillante, jaune pisse, des néons des seconde main. Son origine : un immeuble éventré dont la façade zébrée de fissures menace de s’effondrer. Je me redresse, et fonce dans sa direction. D’un bond, je franchis un gouffre encore deux édifices. Le toit suivant, en tôles ondulées dévorées par la rouille est rendu glissant par l’humidité stagnante. Le métal crisse sous mes bottes. Sensation étrange : mélange de peur et d’excitation. C’est comme traverser à grande foulée un lac gelé, dont la surface fragile menace de céder à chaque impulsion. Grisant.
J’aime la saleté, la crasse. Je ne me sens jamais plus vivant qu’ici, dans les tréfonds galactiques. Ce quartier est devenu ma nouvelle demeure. Mon terrain de jeu et d’expérimentation. Depuis l’installation d’une poignée de Jedi dans la clinique de Jesaelle, proto-dispensaire Jedi, je traîne ma vieille carcasse dans tous les recoins du secteur. J’observe, derrière la fine cagoule qui épouse mes traits. Le fin tissu recouvre intégralement mon visage. Je me déplace tel un fantôme. De toit en toit, de ruelle sombre en ruelle sombre. J’écoute aussi. Les rumeurs. Et, parfois, j’agis. Je me suis mis en tête d’affaiblir les gangs miteux qui pullulent dans les environs. Pour la sécurité des Jedi que j’ai ramené ici. Pour offrir un peu de sérénité aux locaux. Mais sans faire trop de vagues, de peur d’attirer l’attention d’un trop gros poisson. Je fonde depuis les hauteurs sur mes cibles. Armé d'un pied-de-biche et d'un pistolet blaster. Une ombre parmi les ombres. Je suis le cauchemare des bandits. L’espoir des habitants qui n’ont autre endroit où vivre. Je suis…
« El… El Angel sin rosto… »
Je suis accueilli par une salve de lasers. Rouge sang, qui me frôle la tête. Réflexe classique des petits caïds : tire d’abord, cours après, mais surtout ne réfléchis pas trop. J’esquive d’un rapide bond de côté. Agilité décuplée par la Force. D’une main je lance mon pied-de-biche feintant de manquer ma cible. L’autre plonge dans mon holster pour se saisir de la crosse du pistolet blaster. Je dégaine en un éclair.
« Si tu t’avises de bouger solo un dedo, mi compadre, si tu ne veux pas finir en passoire. Comprendido ? »
Le gamin se fige. Ouais, il n’a pas plus d’une vingtaine d’années. La saleté incrusté dans ses replis de peau fausse la maturité de ses traits encore juvéniles. Il tremble, hésite. Ces gosses des rues ont été éduqués à la dure. Il n’envisage pas d’autre méthodes que de frapper avant d’être frappé. Un membre des Y’tar Ggatar d’après son blouson miteux affublé d’un écusson bleu nuit représentant un ciel étoilé. Ici, dans les bas-fonds, plus d’un serait prêt à tuer père et mère pour seulement contempler une étoile.
Ma diversion fonctionne. Le malfrat n’a d’yeux que pour le canon de mon arme, braqué sur sa silhouette trop chétive pour son pantalon baggy souillé d’huile et de sang. Il a déjà oublié mon pied-de-biche, qui tournoie sur lui-même, en décrivant un large arc de cercle. Façon boomerang. Lorsque son sifflement aigue lui fait vivement tourner la tête, c’est déjà trop tard. La barre incurvée, en acier brut s’écrase dans son dos. Craquement sinistre. Ses jambes se dérobent, il tombe en avant, face contre béton. Son étincelle de vie vacille dans la trame de la Force. Mais elle ne meurt pas. Le coup lui a rompu la moelle épinière. La paraplégie lui offrira une chance de se repentir. Tel est le châtiment d’El Angel sin rosto. L'arme, insensible à la misère de ce monde, continue sur sa lancée, à peine déviée. A l’issue de sa trajectoire parfaitement circulaire, je l’attrape au vol, de ma seule main libre. Je vous dis pas les heures d'entrainement... Je mérite bien de me la péter un peu non ?
Déjà des claquements de bottes tonnent dans le conduit s’échappant de l’édifice en ruines. Je baisse les yeux sur les deux autres protagonistes. Deux gamins eux aussi. Mais ils sont différents. Ils ne portent ni tatouages ni emblèmes d'un gang. L’un deux est salement amoché. La cagoule dissimule mon rictus pessimiste.
« Ton pote est encore capable courir, mi amigo ? » Nul ne sait quelle volonté se dissimule sous une carcasse agonisante. J’ai déjà vu des êtres mortellement blessés continuer à se battre pendant de très longues minutes. « Je vais essayer de vous offrir quelques secondes d’avance… Salir ! » Déjà, deux silhouettes émergent. Je tire dans le tas. Les lasers mortels s’écrasent contre la façade, juste au-dessus de leurs têtes, déclenchant une avalanche de poussière et de gravats. Je tue rarement de sang-froid mes ennemis. Je préfères les briser, les estropier. Sadique ? Non. Le salut se trouve souvent dans la reconstruction du corps et de l'esprit. J'en sais quelque chose...
Coda Jago
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Mar 7 Nov 2023 - 22:55
L’air se chargea soudainement de décharges brûlantes et aléatoires, qui filèrent autour de Coda sans le toucher. Mais il n’y fit pas attention, trop occupé qu’il était de voir sa vie défiler devant ses pauvres yeux écarquillés. Si les tirs ne le tuaient pas, la créature qui lui faisait face s’en chargerait assurément. A première vue, difficile de savoir à quel camp il appartenait. Pas à Y’tar, vu comme l’autre tentait de le canarder. L’un des hommes de Blanche ? Non, ceux de Blanche ne cachaient jamais leur visage. Ils tuaient sans hésitation, en contemplant leurs victimes dans les yeux. Mais alors, d’où venait l’homme ? Et surtout, à quelle sauce allait-il les zigouiller ? Tir de blaster parfaitement calé ? Lame fourbe entre les côtes ? Tabassage en règle à coup de poings d’acier ? Lorsque l’individu lança son pied de biche en manquant sa cible d’un bon mètre, Coda se sentit presque rassuré. C’était peut-être juste un nul, en fait. Comme lui.
Cependant, Coda n’osait pas faire de bruit, et il avait presque envie de hurler à Brekk de la fermer, de prendre sur lui et d’arrêter de gémir comme un gosse. Il lui semblait qu’on n’entendait que ça, et les lointains fracas de déchets qui venaient encombrer un peu plus la décharge. Une goutte de sueur lui glissa le long du visage, traçant un sillon sur sa joue creuse et sale, tandis qu’il attendait, quasi immobile. Quoi, exactement ? Aucune idée. Que l’un des deux protagonistes qui se regardaient en chien de faïence fasse enfin quelque chose. Ça se jouerait à rien. A celui qui appuierait sur sa gâchette le plus rapidement, à celui qui viserait le moins mal. Quoique… Ce que le nouveau venu tenait entre ses doigts, ça n’était pas les blaster de bric et de broc que les gars du coin récupéraient et entouraient de bande adhésive en espérant que le coup parte du bon côté. Non, c’était de la qualité, quelque chose qui sortait des usines de là-haut, au moins. Un modèle haut de gamme, un-
CRAC !
Le violence du coup fut telle que pendant une seconde, on eut l’impression que les yeux du voyou allaient sortir de leurs orbites. Coda bondit en arrière avec un glapissement alors que le type s’écroulait au sol, inerte, une tâche sombre s’élargissant déjà dans son dos. Mort ? Coda n’en savait foutrement rien, et honnêtement, il s’en foutait carrément. Il était trop occupé à finalement rendre le maigre contenu de son estomac, qui vint s’écraser au milieux des ordures encore moins ragoûtantes. Comment était-ce possible ? Il avait vu la barre de fer manquer son coup et puis… et puis il n’y avait plus fait attention, trop concentré sur les canons des blasters qui se regardaient dans l’oeil. Lui aussi, s’il avait été à la place de l’autre, il serait…
Coda réprima un nouveau haut-le-coeur en voyant l’individu masqué s’approcher de lui et Brekk et il se raidit, conscient que sa chétive silhouette ne serait pas de grande protection contre l’ange, qui lui semblait immense. Mais il ne pouvait pas abandonner Brekk, on n’abandonnait pas l’un ses siens. En tous cas, lui n’abandonnait pas. Coda voulu crier à l’inconnu de reculer, mais les mots étaient figés dans sa gorge irritée. Il se contenta de lever devant lui son ridicule blaster bricolé… avant de l’abaisser en entendant les mots de la silhouette sans visage. Ami ? Allié ? Non, on n’avait pas d’alliés ici. Temporairement non-hostile, alors. Peut-être. Coda hocha finalement la tête au bout de quelques secondes, le regard farouche.
Un crétin, voilà tout. Uno tonto, comme on disait dans le coin. Il allait faire le héros, retenir les autres pour que Coda et Brekk puisse s’enfuir ? Perfecto. On allait pas cracher sur l’occasion. Sans demander son reste, Coda s’accroupit pour relever Brekk et passer à nouveau son bras autour de ses épaules, indifférents à ses protestations. « J’peux pas… Laisse moi, tire toi… Non, porte moi, ramène moi… à la maison, me laisse pas… crever ici. » balbutia Brekk, le visage couvert de sang, de morve et de larmes. « Tu te fous de moi ou quoi ? J’vais pas te porter, connard. Bouge tes pieds, t’as pas besoin de ta main pour marcher, non ? » rétorqua Coda d’un ton dur, mais dont le trémolo sous-jacent trahissait l’angoisse. Du coin de l’oeil, il aperçut l’inconnu qui levait à nouveau son arme en direction du tunnel, et les silhouettes qui en émergeaient. Cette vision semblait redonner un coup de pep’s à Brekk, dont les jambes semblèrent soudainement fonctionner un nouveau. Et, clopin-clopant, ils séloignèrent, sans même imaginer pouvoir remercier el Angel sin rosto.
Ne pas y penser. L’homme allait mourir, de toute façon, écrasé sous les débris. Mais eux allaient vivre, et c’était tout ce qui comptait.
« Allez ! » Le sol trembla sous leur pied, et ils manquèrent de perdre l’équilibre. « On y est presque. » Mètre après mètre, la sortie se rapprochait. Une grande porte grise et chromée, qui donnaient sur les quais d’embarquement des véhicules de transports de débris. « Là ! » La main de Coda s’écrasa sur le bouton du panneau de contrôle de la porte, et l’air chargé de poussière s’illumina brusquement. Les yeux gigantesques des gyrophares de la porte s’activèrent, et leur regard enflammé parcoururent la salle, signalant à tous les travailleurs de faire attention à l’ouverture de la porte, et indiquant par la même occasion toutes les âmes du coin qu’ici, un sale gosse et son ami tentaient de s’enfuir. « Mierda ! » gémit Brekk. « Ce truc peut pas… s’ouvrir plus vite ? »
Insensible à ses prières, le panneau de la lourde porte se soulevait lentement. Derrière eux, les exclamations s’élevaient de toutes parts. On vit des silhouettes détaler à toute vitesse à travers la décharge, comme des surmulots sur des sacs poubelles. Nombreux étaient ceux qui vivotaient dans le coin, creusant des terriers entre deux plaques de tôles, coiffés de cônes de signalisation ou de passoires usées. Mais il n’y avait pas qu’eux. Dévalant les pentes d’ordures, se faufilant à travers les collines de gravats, les blousons floqués d’étoiles convergeaient tous vers deux points précis. A gauche, ceux qui couraient vers le tunnel d’acheminement des déchets. A droite, ceux qui cherchaient à atteindre la porte de sortie.
Coda poussa un juron, trépignant. Quarante centimètre, quarante-cinq… Pas le temps d’attendre. Sans ménagement, il fit rouler Brekk à travers l’ouverture avant d’y ramper à son tour, déchirant sa veste déjà élimée au passage, s’écorchant la paume des mains sur le béton usé. Ils avaient peu de temps.
Le calme qui régnait sur les quais d’embarquement contrastait étrangement avec le vacarme de la décharge. D’énormes tapis roulants, censé faire transiter les déchets les plus gros brillaient sous les néons froids qui s’allumaient les uns après les autres. Il y en avait des dizaines, certains filant vers les profondeurs de la ville, s’enfonçant dans des tunnels obscurs qui ne réémergeraient que dieu sait où, d’autre s’élevant vers le ciel, vers les quartiers plus huppés, ou plus corrompus, selon de quel côté on se trouvait. Les véhicules utilitaires en chargement dormaient tranquillement, garés sagement le long du mur. La zone n’était pas en activité aujourd’hui, une chance inouie. Mais elle ne resterait pas très longtemps calme.
Traînant toujours Brekk, Coda s’approcha de l’une des consoles de chargement où un véhicule était branché, et l’observa attentivement. Un simple panneau peu sécurisé. Une bête carte d’identification permettait de le mettre en route pour libérer l’une des aero-bennes. Bien entendu, Coda ne possédait pas de carte d’identification. Mais il avait mieux.
D’un coup de main habile, il ouvrit la sacoche qu’il portait à la taille, et en extirpa un drôle de petit appareil, orné d’un écran et de nombreux fils rouges et verts qui en sortaient de toutes part et qui lui donnaient l’air d’un étrange scarabée électronique. Armant son autre main d’un tournevis automatique de sa fabrication, il dévissa d’un geste expert le panneau de la console pour accéder à ses entrailles. Triffouillant dans les câbles et les cartes de la console, Coda sentit la pression qui l’habitait s’envoler. Il savait exactement quoi faire. L’une des pattes de son appareil insecte vint se connecter directement à la carte mère de la console, et l’écran s’illumina. « Allez… allez, dépêche toi… » supplia Coda, alors que l’écran s’habillait d’un pourcentage clignotant. Et enfin…
« OUI ! »
Le grésillement de l’énergie, la lumière crue et brute des phares de l’aero-benne qui se soulevait au dessus du sol. « Allez ! » cria-t-il à Brekk, à qui la perspective de survie avait redonné un peu de force. Malaisément, les deux clampins se hissèrent jusqu’à la cabine de conduite et s’installèrent sur les sièges. Derrière la porte qui continuait sa lente ouverture, on entendait les hurlements -peur ? colère ? envie d’en découdre ?- des poursuivants, ainsi qu’un vrai ramdam qui évoquait la destruction partielle des lieux.
Mais une fois dans la cabine, Coda sentit son coeur s’arrêter. Il n’avait jamais piloté un tel véhicule, et il n’avait pas vraiment sûr d’avoir un programme adéquat dans son scarabée… ni le temps d’en télécharger. « Tu fous quoi, démarre ! » hurla Brekk et fixant la porte des yeux, de plus en plus agité malgré son moignon sanguinolent. « Je sais pas conduire ça ! » rétorqua Coda sur le même ton, poussant manettes et boutons au hasard. L’aero-benne poussa un rugissement grinçant et se mit à trembler, avant de bondir brusquement en avant et de s’arrêter tout aussi net, projetant Coda et Brekk contre le tableau de bord. « Coño, tu vas nous tuer !
- Ta gueule ! Laisse moi me concentrer » hurla Coda en retour.
L'ouverture de la porte était presque assez grande. Déjà, une première silhouette se penchait en dessous pour la franchir. Sans plus réfléchir, Coda poussa l’une des manettes au maximum et le véhicule se lança à pleine vitesse en direction de la porte, fauchant le premier venu aussi facilement qu’une poupée de chiffon. Le corps du pauvre type vint heurter le pare brise plexiglacé avec force, laissant sur la vitre une marque de sang grumeleuse, qui évoquait une crotte de pigeon géante. Brekk cria. « Redémarre ! » Mais Coda contemplait la tache à travers les mèches collées de sueur qui lui pendaient sur le front. Merde. Merde, merde et mierda de merde.
Et les autres, qui arrivaient…
Cependant, Coda n’osait pas faire de bruit, et il avait presque envie de hurler à Brekk de la fermer, de prendre sur lui et d’arrêter de gémir comme un gosse. Il lui semblait qu’on n’entendait que ça, et les lointains fracas de déchets qui venaient encombrer un peu plus la décharge. Une goutte de sueur lui glissa le long du visage, traçant un sillon sur sa joue creuse et sale, tandis qu’il attendait, quasi immobile. Quoi, exactement ? Aucune idée. Que l’un des deux protagonistes qui se regardaient en chien de faïence fasse enfin quelque chose. Ça se jouerait à rien. A celui qui appuierait sur sa gâchette le plus rapidement, à celui qui viserait le moins mal. Quoique… Ce que le nouveau venu tenait entre ses doigts, ça n’était pas les blaster de bric et de broc que les gars du coin récupéraient et entouraient de bande adhésive en espérant que le coup parte du bon côté. Non, c’était de la qualité, quelque chose qui sortait des usines de là-haut, au moins. Un modèle haut de gamme, un-
CRAC !
Le violence du coup fut telle que pendant une seconde, on eut l’impression que les yeux du voyou allaient sortir de leurs orbites. Coda bondit en arrière avec un glapissement alors que le type s’écroulait au sol, inerte, une tâche sombre s’élargissant déjà dans son dos. Mort ? Coda n’en savait foutrement rien, et honnêtement, il s’en foutait carrément. Il était trop occupé à finalement rendre le maigre contenu de son estomac, qui vint s’écraser au milieux des ordures encore moins ragoûtantes. Comment était-ce possible ? Il avait vu la barre de fer manquer son coup et puis… et puis il n’y avait plus fait attention, trop concentré sur les canons des blasters qui se regardaient dans l’oeil. Lui aussi, s’il avait été à la place de l’autre, il serait…
Coda réprima un nouveau haut-le-coeur en voyant l’individu masqué s’approcher de lui et Brekk et il se raidit, conscient que sa chétive silhouette ne serait pas de grande protection contre l’ange, qui lui semblait immense. Mais il ne pouvait pas abandonner Brekk, on n’abandonnait pas l’un ses siens. En tous cas, lui n’abandonnait pas. Coda voulu crier à l’inconnu de reculer, mais les mots étaient figés dans sa gorge irritée. Il se contenta de lever devant lui son ridicule blaster bricolé… avant de l’abaisser en entendant les mots de la silhouette sans visage. Ami ? Allié ? Non, on n’avait pas d’alliés ici. Temporairement non-hostile, alors. Peut-être. Coda hocha finalement la tête au bout de quelques secondes, le regard farouche.
Un crétin, voilà tout. Uno tonto, comme on disait dans le coin. Il allait faire le héros, retenir les autres pour que Coda et Brekk puisse s’enfuir ? Perfecto. On allait pas cracher sur l’occasion. Sans demander son reste, Coda s’accroupit pour relever Brekk et passer à nouveau son bras autour de ses épaules, indifférents à ses protestations. « J’peux pas… Laisse moi, tire toi… Non, porte moi, ramène moi… à la maison, me laisse pas… crever ici. » balbutia Brekk, le visage couvert de sang, de morve et de larmes. « Tu te fous de moi ou quoi ? J’vais pas te porter, connard. Bouge tes pieds, t’as pas besoin de ta main pour marcher, non ? » rétorqua Coda d’un ton dur, mais dont le trémolo sous-jacent trahissait l’angoisse. Du coin de l’oeil, il aperçut l’inconnu qui levait à nouveau son arme en direction du tunnel, et les silhouettes qui en émergeaient. Cette vision semblait redonner un coup de pep’s à Brekk, dont les jambes semblèrent soudainement fonctionner un nouveau. Et, clopin-clopant, ils séloignèrent, sans même imaginer pouvoir remercier el Angel sin rosto.
Ne pas y penser. L’homme allait mourir, de toute façon, écrasé sous les débris. Mais eux allaient vivre, et c’était tout ce qui comptait.
« Allez ! » Le sol trembla sous leur pied, et ils manquèrent de perdre l’équilibre. « On y est presque. » Mètre après mètre, la sortie se rapprochait. Une grande porte grise et chromée, qui donnaient sur les quais d’embarquement des véhicules de transports de débris. « Là ! » La main de Coda s’écrasa sur le bouton du panneau de contrôle de la porte, et l’air chargé de poussière s’illumina brusquement. Les yeux gigantesques des gyrophares de la porte s’activèrent, et leur regard enflammé parcoururent la salle, signalant à tous les travailleurs de faire attention à l’ouverture de la porte, et indiquant par la même occasion toutes les âmes du coin qu’ici, un sale gosse et son ami tentaient de s’enfuir. « Mierda ! » gémit Brekk. « Ce truc peut pas… s’ouvrir plus vite ? »
Insensible à ses prières, le panneau de la lourde porte se soulevait lentement. Derrière eux, les exclamations s’élevaient de toutes parts. On vit des silhouettes détaler à toute vitesse à travers la décharge, comme des surmulots sur des sacs poubelles. Nombreux étaient ceux qui vivotaient dans le coin, creusant des terriers entre deux plaques de tôles, coiffés de cônes de signalisation ou de passoires usées. Mais il n’y avait pas qu’eux. Dévalant les pentes d’ordures, se faufilant à travers les collines de gravats, les blousons floqués d’étoiles convergeaient tous vers deux points précis. A gauche, ceux qui couraient vers le tunnel d’acheminement des déchets. A droite, ceux qui cherchaient à atteindre la porte de sortie.
Coda poussa un juron, trépignant. Quarante centimètre, quarante-cinq… Pas le temps d’attendre. Sans ménagement, il fit rouler Brekk à travers l’ouverture avant d’y ramper à son tour, déchirant sa veste déjà élimée au passage, s’écorchant la paume des mains sur le béton usé. Ils avaient peu de temps.
Le calme qui régnait sur les quais d’embarquement contrastait étrangement avec le vacarme de la décharge. D’énormes tapis roulants, censé faire transiter les déchets les plus gros brillaient sous les néons froids qui s’allumaient les uns après les autres. Il y en avait des dizaines, certains filant vers les profondeurs de la ville, s’enfonçant dans des tunnels obscurs qui ne réémergeraient que dieu sait où, d’autre s’élevant vers le ciel, vers les quartiers plus huppés, ou plus corrompus, selon de quel côté on se trouvait. Les véhicules utilitaires en chargement dormaient tranquillement, garés sagement le long du mur. La zone n’était pas en activité aujourd’hui, une chance inouie. Mais elle ne resterait pas très longtemps calme.
Traînant toujours Brekk, Coda s’approcha de l’une des consoles de chargement où un véhicule était branché, et l’observa attentivement. Un simple panneau peu sécurisé. Une bête carte d’identification permettait de le mettre en route pour libérer l’une des aero-bennes. Bien entendu, Coda ne possédait pas de carte d’identification. Mais il avait mieux.
D’un coup de main habile, il ouvrit la sacoche qu’il portait à la taille, et en extirpa un drôle de petit appareil, orné d’un écran et de nombreux fils rouges et verts qui en sortaient de toutes part et qui lui donnaient l’air d’un étrange scarabée électronique. Armant son autre main d’un tournevis automatique de sa fabrication, il dévissa d’un geste expert le panneau de la console pour accéder à ses entrailles. Triffouillant dans les câbles et les cartes de la console, Coda sentit la pression qui l’habitait s’envoler. Il savait exactement quoi faire. L’une des pattes de son appareil insecte vint se connecter directement à la carte mère de la console, et l’écran s’illumina. « Allez… allez, dépêche toi… » supplia Coda, alors que l’écran s’habillait d’un pourcentage clignotant. Et enfin…
« OUI ! »
Le grésillement de l’énergie, la lumière crue et brute des phares de l’aero-benne qui se soulevait au dessus du sol. « Allez ! » cria-t-il à Brekk, à qui la perspective de survie avait redonné un peu de force. Malaisément, les deux clampins se hissèrent jusqu’à la cabine de conduite et s’installèrent sur les sièges. Derrière la porte qui continuait sa lente ouverture, on entendait les hurlements -peur ? colère ? envie d’en découdre ?- des poursuivants, ainsi qu’un vrai ramdam qui évoquait la destruction partielle des lieux.
Mais une fois dans la cabine, Coda sentit son coeur s’arrêter. Il n’avait jamais piloté un tel véhicule, et il n’avait pas vraiment sûr d’avoir un programme adéquat dans son scarabée… ni le temps d’en télécharger. « Tu fous quoi, démarre ! » hurla Brekk et fixant la porte des yeux, de plus en plus agité malgré son moignon sanguinolent. « Je sais pas conduire ça ! » rétorqua Coda sur le même ton, poussant manettes et boutons au hasard. L’aero-benne poussa un rugissement grinçant et se mit à trembler, avant de bondir brusquement en avant et de s’arrêter tout aussi net, projetant Coda et Brekk contre le tableau de bord. « Coño, tu vas nous tuer !
- Ta gueule ! Laisse moi me concentrer » hurla Coda en retour.
L'ouverture de la porte était presque assez grande. Déjà, une première silhouette se penchait en dessous pour la franchir. Sans plus réfléchir, Coda poussa l’une des manettes au maximum et le véhicule se lança à pleine vitesse en direction de la porte, fauchant le premier venu aussi facilement qu’une poupée de chiffon. Le corps du pauvre type vint heurter le pare brise plexiglacé avec force, laissant sur la vitre une marque de sang grumeleuse, qui évoquait une crotte de pigeon géante. Brekk cria. « Redémarre ! » Mais Coda contemplait la tache à travers les mèches collées de sueur qui lui pendaient sur le front. Merde. Merde, merde et mierda de merde.
Et les autres, qui arrivaient…
Gary Kovani
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Mar 14 Nov 2023 - 0:39
Je me pose des questions donc je suis, car exister c’est douter, car la certitude conduit au trépas. Ainsi avait parlé un vieux philosophe Jedi dont la longue histoire galactique a dévoré le nom. « Qui suis-je ? » « Ou vais-je ? » « Quel est le but de ma vie ? » : ces interrogations existentielles sont multiples… Mais l’une d’elle sort véritablement du lot. Un simple mot : « Pourquoi ? ». La question maitresse, clé de voute de la pensée, et donc de l’existence.
Pourquoi ?
Un seul mot à l’intérieur duquel se loge toute la sagesse galactique. Il nous pousse à chercher les causes des effets. Il nous incite à lire en nous même, à comprendre autant nos motivations que celles des autres. Il nous permet d’apposer une logique implacable sur ce qui ne semble être qu’un coup du sort. Lorsque l’on se demande pourquoi, la fatalité de dissipe. Une image s’invite dans mon esprit : un lac, un matin d’hiver, sur Ondéron. A la saison la plus froide, dans les hautes latitudes, l’onde s’habille de napes de brouillard. L’horizon disparait… Jusqu’à ce que le vent se lève, qu’il éparpille les gouttelettes d’eaux en suspension.
Ce vent, c’est le Pourquoi. Il chasse les doutes, les peut-être, les incertitudes, les préjugés, les suppositions hasardeuses. Il ouvre l’horizon et nous offre la compréhension nécessaire pour avancer dans la bonne direction. Celle que la Force nous destine.
Alors que j’esquive une nouvelle salve de lasers, en me réfugiant derrière un bloc de béton tombé du plafond craquelé je me demande : pourquoi ? L’un des rayons mortels frôle ma cagoule. L’odeur âcre de l’ozone surchauffé me pique les narines à travers le tissu. Je me love entre les tiges d’aciers rouillées qui jadis maillaient la dalle en béton armé. Elles s’en échappent, tordues comme le mycélium d’un champignon ventru, violemment déchiqueté par l’énergie pure des blasters.
Pourquoi ai-je volé au secours de ces deux inconnus, au péril de ma propre vie ?
La question tonne entre mes tempes, bien plus que les déflagrations. Je ne suis pas un combattant de première ligne. Je ne l’ai jamais été et je ne le serai jamais. Usuellement, je ne saute pas dans la mêlée. J’observe et agis sous le couvert des ombres, fondant sur mes cibles comme oiseau de proie. Attaques chirurgicales… Mais pas cette fois. Pourquoi ?
Simplement parce que je fais confiance à la Force. Elle me lance des signaux que le commun des mortels ne peut lire. Elle s’invite dans mon esprit, me souffle des images, des intuitions. J’ai simplement… Senti que je devais intervenir. Alors j’ai agi. Et si je suis à présent sous le feu nourri d’une dizaine de gamins des rues paumés, c’est parce que la Force l’a voulu. Je suis à ma place. Cette pensée me revigore.
Je rengaine mon blaster, repasse le pied-de-biche à ma ceinture. Pendant quelques secondes, je plonge au plus profond mon âme, yeux mi-clos, pour faire taire le vacarme : les tirs ininterrompus, le plafond qui s’effondre, l’alarme assourdissante qui trahit l’ouverture incroyablement lente de la lourde porte blindée du fond. Mon maigre couvert m’offre un répit d’une poignée de secondes… Je puise dans la Force… Et plaque mes deux paumes gantées sur le sol. Onde Télékinétique. La vibration soulève un épais nuage de poussières. Je bondis. Le déferlement de laser cède place à une cacophonie de toux. Je fonde sur la silhouette la plus proche. Elle n’a pas le temps de réagir. Mon pied-de-biche disloque sur ses genoux. Elle s’effondre. Quelqu’un hurle quelque chose. Mais je suis déjà sur la cible suivante. Elle se retourne. Mon arme s’écrase sur le coin de son crâne.
Alors, je le repère : le chef de la bande. Max Cullighan. Un gringalet roux, au visage de fouine. Regard de tueur qui suffit à mettre au pas des types deux fois plus hauts et larges que lui. Leader sanguinaire, réputé pour découper ses ennemis à la tronçonneuse avant de jeter les morceaux à ses chiens. Je déteste les chiens. Nos regards se croisent. Le foulard qui dévire ses traits dissimule son rictus carnassier. Il lève son arme, j’en fais autant. Les canons de nos blasters se touchent presque, moins de trois mètres nous séparent. Le temps se fige, index crispé sur les détentes. Si l’un la presse, l’autre en fera autant…
La scène dure de longues secondes. Peut-être une trentaine. La poussière retombe. Le gang au complet volte-face pour me braquer de leurs armes. Max souris. Un sourire pervers que je devine aux plissures de ses yeux sombres.
« T’es foutu, bastardo. Lâche ton arme, sinon mes potes et moi on te fait sauter el cerebro… » Evidemment, si j’esquisse le moindre geste, ils passeront à l’acte, que j’obtempère ou non. Alors non. Je ne bouge pas d’un pouce. Ils sont une bonne dizaine, mais je suis confiant.
« Relax, gringo. » La haine dévore encore un peu plus ces traits. Ce sobriquet le renvoie aux insultes que sa tignasse carotte devait lui valoir avant qu’il ne prenne le contrôle du gang. « Si je tire t’es mort. Si tes potes tirent, t’es mort. Quoi que tu fasses t’es mort. Et si tu meurs, je meurs aussi. » C’est ce qu’on appelle une impasse corellienne ? « Mais tu vois, c’est toi le plus mal barré. Parce que… Si l’un de tes gars décide que l’heure est venue de prendre ta place… Bah il a juste à te tirer dessus. Là, maintenant. » Ses yeux s’arrondissent, comme deux grosses billes noires. Et oui… Il n’y avait même pas pensé, aveuglé par son orgueil. Probablement qu’il a tiré lui-même dans le dos de son prédécesseur pour accéder au trône. Il dégaine aussitôt son second blaster, jusqu’alors fourré dans son pantalon. Il décrit de larges arcs de cercle pour menacer ses propres sous-fifres.
« Baissez vos armes ! AHORA ! C’est entre el angel sin rosto et moi… Déposez les au sol d’ailleurs. Ça évitera les faux mouvements, hein… » Je peux sentir l’hésitation transpirer d’au moins deux esprits opportunistes. Mais finalement, ils obtempèrent tous. De l’autre coté du tissu opaque, je souris à mon tour. Satisfait, Max Cullighan reporte toute son attention sur moi. « Alors, bastardo. Tu proposes quoi hein ? On dirait qu’on commence à manquer d’options… » Je secoue la tête :
« Simple mi amigo : tu baisses ton arme, tu te casses, et tu ne remets jamais los pies dans le quartier… » Il crache à mes pieds :
« Même pas en rêve, bastardo. Ma patience a des… »
Soudain un terrible hurlement nous coupe la chique. Je volte-face pour braquer l’énorme silhouette qui s’extirpe d’un tas de décombres. Je suis pratiquement épaule contre épaule avec Max. La peur a gagné son esprit. Je ne suis plus la cible de ses sombres pensées.
La Blanche nous fait face.
Le gang éponyme est dirigé par une énorme Besalisk Albinos. Elle fait deux fois ma taille, trois fois ma largeur. Ses quatre bras son chacun aussi épais que mon torse. Le siens est criblé de cratères noircis. Des tirs de blasters encore fumants. N’importe quelle créature mortelle aurait succombé. Mais pas elle. Son regard fou plonge Y’tar Ggatar dans la plus irrépressible des terreurs. Et je n’en suis pas loin moi non plus.
« On remet ça à plus tard, mi amigo ? »
« Si mi amigo… »
Il ne faut pas me le dire deux fois. Je range mon flingue et détale au pas de course. La Blanche charge. Deux Ggatar tentent vainement de récupérer leurs blasters au sol. Ils sont fauchés net, broyés entre ses bras comme des poupées en plastoïde recyclé. Les autres, plus malins, prennent leurs jambes à leur cou. L’unique issue, la lourde porte blindée, est à moitié ouverte maintenant. La porte la plus lente de l’histoire de la galaxie ! La faute à ses servomoteurs hors d’âge, très certainement. Je suis aux premières loges lorsque que premier de la bande, plus rapide, le plus malchanceux également, se penche pour sortir avant d’être fauché par une aéro-benne hors de contrôle. Il achève sa misérable vie comme un insecte sur le parebrise d’un speeder de course. Les essuies-glaces automatiques étalent son sang sur le parebrise en de longues trainées poisseuses. Erk. Mais pas le temps au sentimentalisme. Je bondis. J’atterris dans la benne chargée de détritus en tout genre. Je frappe du poing le toit de la cabine :
« Dégage de là ! Vite ! La locura blancha arrive ! »
Elle jaillit du bâtiment la seconde suivante du bâtiment, folle de rage, l’écume aux lèvres, après avoir arraché la porte blindée comme s’il s’agissait d’une misérable cloison en carton. Avec un peu de bol, elle va laisser tomber, non ? Non.
Pourquoi ?
Un seul mot à l’intérieur duquel se loge toute la sagesse galactique. Il nous pousse à chercher les causes des effets. Il nous incite à lire en nous même, à comprendre autant nos motivations que celles des autres. Il nous permet d’apposer une logique implacable sur ce qui ne semble être qu’un coup du sort. Lorsque l’on se demande pourquoi, la fatalité de dissipe. Une image s’invite dans mon esprit : un lac, un matin d’hiver, sur Ondéron. A la saison la plus froide, dans les hautes latitudes, l’onde s’habille de napes de brouillard. L’horizon disparait… Jusqu’à ce que le vent se lève, qu’il éparpille les gouttelettes d’eaux en suspension.
Ce vent, c’est le Pourquoi. Il chasse les doutes, les peut-être, les incertitudes, les préjugés, les suppositions hasardeuses. Il ouvre l’horizon et nous offre la compréhension nécessaire pour avancer dans la bonne direction. Celle que la Force nous destine.
Alors que j’esquive une nouvelle salve de lasers, en me réfugiant derrière un bloc de béton tombé du plafond craquelé je me demande : pourquoi ? L’un des rayons mortels frôle ma cagoule. L’odeur âcre de l’ozone surchauffé me pique les narines à travers le tissu. Je me love entre les tiges d’aciers rouillées qui jadis maillaient la dalle en béton armé. Elles s’en échappent, tordues comme le mycélium d’un champignon ventru, violemment déchiqueté par l’énergie pure des blasters.
Pourquoi ai-je volé au secours de ces deux inconnus, au péril de ma propre vie ?
La question tonne entre mes tempes, bien plus que les déflagrations. Je ne suis pas un combattant de première ligne. Je ne l’ai jamais été et je ne le serai jamais. Usuellement, je ne saute pas dans la mêlée. J’observe et agis sous le couvert des ombres, fondant sur mes cibles comme oiseau de proie. Attaques chirurgicales… Mais pas cette fois. Pourquoi ?
Simplement parce que je fais confiance à la Force. Elle me lance des signaux que le commun des mortels ne peut lire. Elle s’invite dans mon esprit, me souffle des images, des intuitions. J’ai simplement… Senti que je devais intervenir. Alors j’ai agi. Et si je suis à présent sous le feu nourri d’une dizaine de gamins des rues paumés, c’est parce que la Force l’a voulu. Je suis à ma place. Cette pensée me revigore.
Je rengaine mon blaster, repasse le pied-de-biche à ma ceinture. Pendant quelques secondes, je plonge au plus profond mon âme, yeux mi-clos, pour faire taire le vacarme : les tirs ininterrompus, le plafond qui s’effondre, l’alarme assourdissante qui trahit l’ouverture incroyablement lente de la lourde porte blindée du fond. Mon maigre couvert m’offre un répit d’une poignée de secondes… Je puise dans la Force… Et plaque mes deux paumes gantées sur le sol. Onde Télékinétique. La vibration soulève un épais nuage de poussières. Je bondis. Le déferlement de laser cède place à une cacophonie de toux. Je fonde sur la silhouette la plus proche. Elle n’a pas le temps de réagir. Mon pied-de-biche disloque sur ses genoux. Elle s’effondre. Quelqu’un hurle quelque chose. Mais je suis déjà sur la cible suivante. Elle se retourne. Mon arme s’écrase sur le coin de son crâne.
Alors, je le repère : le chef de la bande. Max Cullighan. Un gringalet roux, au visage de fouine. Regard de tueur qui suffit à mettre au pas des types deux fois plus hauts et larges que lui. Leader sanguinaire, réputé pour découper ses ennemis à la tronçonneuse avant de jeter les morceaux à ses chiens. Je déteste les chiens. Nos regards se croisent. Le foulard qui dévire ses traits dissimule son rictus carnassier. Il lève son arme, j’en fais autant. Les canons de nos blasters se touchent presque, moins de trois mètres nous séparent. Le temps se fige, index crispé sur les détentes. Si l’un la presse, l’autre en fera autant…
La scène dure de longues secondes. Peut-être une trentaine. La poussière retombe. Le gang au complet volte-face pour me braquer de leurs armes. Max souris. Un sourire pervers que je devine aux plissures de ses yeux sombres.
« T’es foutu, bastardo. Lâche ton arme, sinon mes potes et moi on te fait sauter el cerebro… » Evidemment, si j’esquisse le moindre geste, ils passeront à l’acte, que j’obtempère ou non. Alors non. Je ne bouge pas d’un pouce. Ils sont une bonne dizaine, mais je suis confiant.
« Relax, gringo. » La haine dévore encore un peu plus ces traits. Ce sobriquet le renvoie aux insultes que sa tignasse carotte devait lui valoir avant qu’il ne prenne le contrôle du gang. « Si je tire t’es mort. Si tes potes tirent, t’es mort. Quoi que tu fasses t’es mort. Et si tu meurs, je meurs aussi. » C’est ce qu’on appelle une impasse corellienne ? « Mais tu vois, c’est toi le plus mal barré. Parce que… Si l’un de tes gars décide que l’heure est venue de prendre ta place… Bah il a juste à te tirer dessus. Là, maintenant. » Ses yeux s’arrondissent, comme deux grosses billes noires. Et oui… Il n’y avait même pas pensé, aveuglé par son orgueil. Probablement qu’il a tiré lui-même dans le dos de son prédécesseur pour accéder au trône. Il dégaine aussitôt son second blaster, jusqu’alors fourré dans son pantalon. Il décrit de larges arcs de cercle pour menacer ses propres sous-fifres.
« Baissez vos armes ! AHORA ! C’est entre el angel sin rosto et moi… Déposez les au sol d’ailleurs. Ça évitera les faux mouvements, hein… » Je peux sentir l’hésitation transpirer d’au moins deux esprits opportunistes. Mais finalement, ils obtempèrent tous. De l’autre coté du tissu opaque, je souris à mon tour. Satisfait, Max Cullighan reporte toute son attention sur moi. « Alors, bastardo. Tu proposes quoi hein ? On dirait qu’on commence à manquer d’options… » Je secoue la tête :
« Simple mi amigo : tu baisses ton arme, tu te casses, et tu ne remets jamais los pies dans le quartier… » Il crache à mes pieds :
« Même pas en rêve, bastardo. Ma patience a des… »
Soudain un terrible hurlement nous coupe la chique. Je volte-face pour braquer l’énorme silhouette qui s’extirpe d’un tas de décombres. Je suis pratiquement épaule contre épaule avec Max. La peur a gagné son esprit. Je ne suis plus la cible de ses sombres pensées.
La Blanche nous fait face.
Le gang éponyme est dirigé par une énorme Besalisk Albinos. Elle fait deux fois ma taille, trois fois ma largeur. Ses quatre bras son chacun aussi épais que mon torse. Le siens est criblé de cratères noircis. Des tirs de blasters encore fumants. N’importe quelle créature mortelle aurait succombé. Mais pas elle. Son regard fou plonge Y’tar Ggatar dans la plus irrépressible des terreurs. Et je n’en suis pas loin moi non plus.
« On remet ça à plus tard, mi amigo ? »
« Si mi amigo… »
Il ne faut pas me le dire deux fois. Je range mon flingue et détale au pas de course. La Blanche charge. Deux Ggatar tentent vainement de récupérer leurs blasters au sol. Ils sont fauchés net, broyés entre ses bras comme des poupées en plastoïde recyclé. Les autres, plus malins, prennent leurs jambes à leur cou. L’unique issue, la lourde porte blindée, est à moitié ouverte maintenant. La porte la plus lente de l’histoire de la galaxie ! La faute à ses servomoteurs hors d’âge, très certainement. Je suis aux premières loges lorsque que premier de la bande, plus rapide, le plus malchanceux également, se penche pour sortir avant d’être fauché par une aéro-benne hors de contrôle. Il achève sa misérable vie comme un insecte sur le parebrise d’un speeder de course. Les essuies-glaces automatiques étalent son sang sur le parebrise en de longues trainées poisseuses. Erk. Mais pas le temps au sentimentalisme. Je bondis. J’atterris dans la benne chargée de détritus en tout genre. Je frappe du poing le toit de la cabine :
« Dégage de là ! Vite ! La locura blancha arrive ! »
Elle jaillit du bâtiment la seconde suivante du bâtiment, folle de rage, l’écume aux lèvres, après avoir arraché la porte blindée comme s’il s’agissait d’une misérable cloison en carton. Avec un peu de bol, elle va laisser tomber, non ? Non.
Coda Jago
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Mer 15 Nov 2023 - 12:12
BRRRRRR-
L’aero-benne ronflait comme un vieux poney qui tente de se relever pour la dernière fois, renâclant, tremblotant de toute sa rouille et de tous ses embrayages usés. Coda poussait les manettes, alternant entre insultes et supplications à l’adresse de la bête, tout en jetant de temps en temps des coups d’oeil angoissés à la porte. Un nouveau personnage se faufilait sous la porte, puis un autre. L’ange. Qui bondit sur le toit de l’aero-benne sous les cris paniqués de Brekk. « La… la porte ! »
Une formidable détonation fit trembler la porte, et l’acier couina et grinça en se déformant sous le choc. Quelque chose, derrière, n’avait pas le temps d’attendre. Quelque chose d’énorme, manifestement.
REEEEEEEEUH !
Avec un rugissement de tonnerre, l’engin se remit en marche au moment où le blindage de la porte cédait dans une longue plainte, et où une monstrueuse silhouette lancée à pleine vitesse émergeait de l’ouverture. La benne propulsait son lourd habitacle, lentement d’abord, puis accélérant au fur et à mesure que l’inertie lui lâchait la bride. Renversant encore deux pauvres bougres qui n’eurent par le temps de se jeter sur le côté, l’aero-benne fila vers les tunnels à pleine vitesse, s’engouffrant dans les conduits obscurs et laissant derrière elle le chaos des combats.
Le véhicule oscillait dangereusement sous la conduite hasardeuse de Coda. Jamais il n’avait encore pris le contrôle de quelque chose d’aussi lourd, ancien et, disons le, franchement pourri. Emportée par sa vitesse, l’aero-benne se heurtait aux murs à chaque virage, rebondissant dans des crissements d’agonie, malmenant ses occupants qui se trouvaient projetés dans tous les sens pour aller se cogner sur les portes et le toit. Ils étaient saufs, mais Coda ne ralentissait pas pour autant. Plus vite ils sortiraient de ces tunnels, plus vite ils seraient en sécurité. Au moins, ils avaient à leur manière aidé l’inconnu à échapper à l’enfer de la décharge. Un service pour un service, diraient certains.
A grand coups de volant et d’accélérations brutales, Coda se fraya un chemin dans les tunnels, choisissant ses directions au hasard, tentant d’apercevoir la clarté dans les ténèbres. La peur lui serrait la gorge. Brekk, lui, se retourna pour observer à travers la vitre arrière l’inconnu qui se dépêtrait dans les ordures. « Eh ! L’passager clandestin ! Accroche toi, on va vite sortir de là. » lança-t-il, camarade. Aussi bas dans les profondeurs du district, on devenait vite copains. Mais fallait pas non plus trop s’attacher. « C’était quoi c’truc qui a enfoncé la porte ? demanda Coda en ralentissant un peu l’allure folle qu’ils avaient eu jusqu’à présent.
- J’sais pas, mais c’était carrément moche.
- Et ça voulait carrément not’ cul.
- Et ça l’a presque eu.
- C’est qui le gars derrière ?
- J’sais pas, mais il était pas des gangs. T’as vu comment il a fait revenir le pied de biche ? »
Coda jeta à son tour un coup d’oeil à l’arrière. Avec un peu de chance, il s’agissait d’un des mecs de là haut. Un baron, un richissime, un fils à papa qui s’ennuyait et qui descendait de temps en temps en bas pour casser de la gueule aux prolos pour se sentir important et satisfaire les pulsions cruelles de son esprit de consanguin. Ce qui voulait dire qu’en l’amenant au bon endroit, aux bonnes personnes, on pouvait se faire… « …un max ! Imagine il est recherché et y’a une prime ? Ou alors une rançon. » baragouinait Brekk, qui pensait à la même chose que Coda. Pas étonnant, en vérité. Ils venaient de la même fange, avaient développé les mêmes techniques de survie, suivaient les même schémas de pensées opportunistes et pas forcément honnêtes. Coda prit la direction d’un tunnel plus éclairé, où un gros panneau indiquait la sortie. « Déjà on sort d’ici, et ensuite… »
Sa phrase s’étrangla dans un cri d’horreur alors que derrière Brekk, une silhouette blanche surgissait par la fenêtre. La Blanche ! Comment les avait-elle suivis ? Dans un réflexe, Coda donna un brusque coup d’accélérateur et tourna le volant de l’aero-benne. La machine fit un bond sur le côté, mais la créature tenait bon. Les quatre doigts musclés de sa main ivoire s’enfonçaient dans la tôle comme dans du beurre, et d’un mouvement sec, elle arracha le plafond de la cabine aussi facilement qu’un pansement, avant de faire éclater le pare-brise d’un coup de poing et de venir attraper Brekk par le col.
Au même instant, ils émergèrent enfin à l’air libre -si on pouvait appeler ça air. L’aero-benne déboula à toute bringue au milieu du traffic, envoyant valser une moto-speeder et percutant tout ce qu’elle pouvait percuter au passage. Dans un concert de klaxons, Coda tenta d’éviter un maximum de véhicules, mais la maniabilitée de la benne, déséquilibrée par l’énorme Blanche qui se suspendait à la porte, laissait à désirer. « Lâche le ! » hurlait-il en boucle, comme si la grosse allait obéir. Elle ne répondit que par un flot d’injures entrecoupé de rires. « Arrête la benne tout de suite, cara de mierda, où j’arrache la tête de ton petit copain. Petites raclures de voleur, vous allez me rendre tout de suite ce qui m’appartient ! » menaça la Blanche, postillonnant sur le pauvre Brekk qu’elle étranglait dans une clé de bras professionnelle. « On a rien volé, zorra ! On est même pas avec Ggatar !
- J’vais vous arracher la langue et vous la fourrer dans le cul, et j’vais-… »
On ne sut jamais ce que la Blancha allait faire. L’aero-benne lancée à pleine vitesse et maniée par les mains tout sauf expertes de Coda percuta soudainement quelque chose. Un mur ? Un transporteur lourd ? Aucune idée. On entendit juste le bruit du métal qui grinçait, des câbles qui éclataient sous le choc et d’os qui se brisaient -mais ceux de qui ?
La benne tourbillonna sur elle-même, dans une succession de tonneaux, et soudain Coda s’envola. la dernière chose qu’il vit fut le regard hagard de la Blanche. Puis le noir.
L’aero-benne ronflait comme un vieux poney qui tente de se relever pour la dernière fois, renâclant, tremblotant de toute sa rouille et de tous ses embrayages usés. Coda poussait les manettes, alternant entre insultes et supplications à l’adresse de la bête, tout en jetant de temps en temps des coups d’oeil angoissés à la porte. Un nouveau personnage se faufilait sous la porte, puis un autre. L’ange. Qui bondit sur le toit de l’aero-benne sous les cris paniqués de Brekk. « La… la porte ! »
Une formidable détonation fit trembler la porte, et l’acier couina et grinça en se déformant sous le choc. Quelque chose, derrière, n’avait pas le temps d’attendre. Quelque chose d’énorme, manifestement.
REEEEEEEEUH !
Avec un rugissement de tonnerre, l’engin se remit en marche au moment où le blindage de la porte cédait dans une longue plainte, et où une monstrueuse silhouette lancée à pleine vitesse émergeait de l’ouverture. La benne propulsait son lourd habitacle, lentement d’abord, puis accélérant au fur et à mesure que l’inertie lui lâchait la bride. Renversant encore deux pauvres bougres qui n’eurent par le temps de se jeter sur le côté, l’aero-benne fila vers les tunnels à pleine vitesse, s’engouffrant dans les conduits obscurs et laissant derrière elle le chaos des combats.
Le véhicule oscillait dangereusement sous la conduite hasardeuse de Coda. Jamais il n’avait encore pris le contrôle de quelque chose d’aussi lourd, ancien et, disons le, franchement pourri. Emportée par sa vitesse, l’aero-benne se heurtait aux murs à chaque virage, rebondissant dans des crissements d’agonie, malmenant ses occupants qui se trouvaient projetés dans tous les sens pour aller se cogner sur les portes et le toit. Ils étaient saufs, mais Coda ne ralentissait pas pour autant. Plus vite ils sortiraient de ces tunnels, plus vite ils seraient en sécurité. Au moins, ils avaient à leur manière aidé l’inconnu à échapper à l’enfer de la décharge. Un service pour un service, diraient certains.
A grand coups de volant et d’accélérations brutales, Coda se fraya un chemin dans les tunnels, choisissant ses directions au hasard, tentant d’apercevoir la clarté dans les ténèbres. La peur lui serrait la gorge. Brekk, lui, se retourna pour observer à travers la vitre arrière l’inconnu qui se dépêtrait dans les ordures. « Eh ! L’passager clandestin ! Accroche toi, on va vite sortir de là. » lança-t-il, camarade. Aussi bas dans les profondeurs du district, on devenait vite copains. Mais fallait pas non plus trop s’attacher. « C’était quoi c’truc qui a enfoncé la porte ? demanda Coda en ralentissant un peu l’allure folle qu’ils avaient eu jusqu’à présent.
- J’sais pas, mais c’était carrément moche.
- Et ça voulait carrément not’ cul.
- Et ça l’a presque eu.
- C’est qui le gars derrière ?
- J’sais pas, mais il était pas des gangs. T’as vu comment il a fait revenir le pied de biche ? »
Coda jeta à son tour un coup d’oeil à l’arrière. Avec un peu de chance, il s’agissait d’un des mecs de là haut. Un baron, un richissime, un fils à papa qui s’ennuyait et qui descendait de temps en temps en bas pour casser de la gueule aux prolos pour se sentir important et satisfaire les pulsions cruelles de son esprit de consanguin. Ce qui voulait dire qu’en l’amenant au bon endroit, aux bonnes personnes, on pouvait se faire… « …un max ! Imagine il est recherché et y’a une prime ? Ou alors une rançon. » baragouinait Brekk, qui pensait à la même chose que Coda. Pas étonnant, en vérité. Ils venaient de la même fange, avaient développé les mêmes techniques de survie, suivaient les même schémas de pensées opportunistes et pas forcément honnêtes. Coda prit la direction d’un tunnel plus éclairé, où un gros panneau indiquait la sortie. « Déjà on sort d’ici, et ensuite… »
Sa phrase s’étrangla dans un cri d’horreur alors que derrière Brekk, une silhouette blanche surgissait par la fenêtre. La Blanche ! Comment les avait-elle suivis ? Dans un réflexe, Coda donna un brusque coup d’accélérateur et tourna le volant de l’aero-benne. La machine fit un bond sur le côté, mais la créature tenait bon. Les quatre doigts musclés de sa main ivoire s’enfonçaient dans la tôle comme dans du beurre, et d’un mouvement sec, elle arracha le plafond de la cabine aussi facilement qu’un pansement, avant de faire éclater le pare-brise d’un coup de poing et de venir attraper Brekk par le col.
Au même instant, ils émergèrent enfin à l’air libre -si on pouvait appeler ça air. L’aero-benne déboula à toute bringue au milieu du traffic, envoyant valser une moto-speeder et percutant tout ce qu’elle pouvait percuter au passage. Dans un concert de klaxons, Coda tenta d’éviter un maximum de véhicules, mais la maniabilitée de la benne, déséquilibrée par l’énorme Blanche qui se suspendait à la porte, laissait à désirer. « Lâche le ! » hurlait-il en boucle, comme si la grosse allait obéir. Elle ne répondit que par un flot d’injures entrecoupé de rires. « Arrête la benne tout de suite, cara de mierda, où j’arrache la tête de ton petit copain. Petites raclures de voleur, vous allez me rendre tout de suite ce qui m’appartient ! » menaça la Blanche, postillonnant sur le pauvre Brekk qu’elle étranglait dans une clé de bras professionnelle. « On a rien volé, zorra ! On est même pas avec Ggatar !
- J’vais vous arracher la langue et vous la fourrer dans le cul, et j’vais-… »
On ne sut jamais ce que la Blancha allait faire. L’aero-benne lancée à pleine vitesse et maniée par les mains tout sauf expertes de Coda percuta soudainement quelque chose. Un mur ? Un transporteur lourd ? Aucune idée. On entendit juste le bruit du métal qui grinçait, des câbles qui éclataient sous le choc et d’os qui se brisaient -mais ceux de qui ?
La benne tourbillonna sur elle-même, dans une succession de tonneaux, et soudain Coda s’envola. la dernière chose qu’il vit fut le regard hagard de la Blanche. Puis le noir.
Gary Kovani
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Jeu 23 Nov 2023 - 0:12
La vie n’est qu’une longue succession de choix douteux. Pourquoi douteux ? Parce qu’on n’a jamais la certitude du résultat, d’avoir pris la bonne ou la mauvaise décision. Ceux qui prétendent le contraire sont soit des menteurs, soit des inconscients dont l’existence s’achèvera bien assez tôt. Car aucun choix n’est anodin. Salade tomate oignon ? Sauter dans le vide pour espérer échapper à une meute de chiens enragés ? Qui peut prédire les conséquences ? Une indigestion peut être aussi fatale qu’une chute mortelle.
Alors oui, on croit pouvoir jouer avec les statistique. Ersatz de calculs mentaux, plus intuitif que mathématiques. On se masque derrière de fausses certitudes, apprivoisée à grand coup de « qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? ». On fantasme les issues possibles, et on opte pour le moindre maux. Foutaises.
La vie n’est qu’une somme de conséquences, résultantes de ces choix douteux, avec laquelle il faut continuer de vivre. Alors… Lorsque je me retrouve dans une situation cocasse, tendue, ou potentiellement mortelle, je ne suis pas de ceux qui s’apitoient sur leur sort, qui crient au scandale, à la malchance, qui insultent la destinée. Non. J’y suis parce que j’ai voulu y être. Point. J’assume. Je… Merde, c’est quoi ce goût rance ?
Je reprends conscience dans un soubresaut. Haut-le-cœur. Un vide insondable occupe mon esprit, alors que je bataille pour sortir la tête des sacs poubelles éventrés. Je gis mollement sous une montagne de déchets alimentaires en décomposition. Une migraine infernale tambourine à mes tempes. Mon estomac se noue et se dénoue, affolé par la terrible fragrance. Je remercie la Force d’avoir eu l’idée absurde de déambuler avec une chaussette enfilée sur la tronche pour dissimuler mon identité. Le tissu est imbibé de sucs aigres, méphitiques… Mais il a su stopper les déchets aux frontières de mes lèvres emmitouflées. Je secoue la tête, par réflexe, pour me débarrasser de l’épluchure d’Agabonga ventousée sur ma joue. Je regrette aussitôt ce geste. La migraine redouble d’intensité, tandis qu’une terrible douleur me vrille la nuque. Bordel. J’ai mal partout. Je suis passé sous un camion ou bien ?
Quelques flashs jaillissent. Fragments de ma mémoire cadenassée par le choc post-traumatique. Les échanges de feu. L’aérobenne. La Blanche. Je me souviens. Vaguement. Comme s’il s’agissait d’un rêve. Ils défilent pêle-mêle, avec un manque de réalisme accablant. Flous. Si je m’y attarde, que je tente d’en saisir les détails, ils s’évaporent. Exactement comme un songe, à l’éveil. Le tunnel. Les néons au plafond qui défilent. De plus en plus vite, jusqu’à former une ligne lumineuse continue. La Bésalisk albinos a sauté sur une moto-speeder pour nous rattraper, son énorme cul posé sur la petite selle. Une image parasite s’invite à mes pensées déjà confuse. Celle d’un abricot posé sur une tête d’épingle. Je frisonne. Quoi d’autre ?
La course-poursuite, la tentative d’abordage échoué. Et le choc. A l’issue d’une série de tonneaux si violents que j’éprouve soudain une infinie compassion pour ces vêtements jetés en pâture à un tambour de machine à laver. Je me palpe, incrédule de m’en être sorti sans me briser tous les os. Je me relève, en titubant…
Dans mon dos la carcasse de notre camion crache une épaisse fumée sombre, qui monte péniblement vers les sommets, alourdie par trop de composés volatiles. La châssis flambe. Des flammes discrètes, bleutées, mais incroyablement exothermiques. Elles irradient, à des dizaines de mètres à la ronde. J’arrache ma cagoule, pour respirer à nouveau. Mais je manque d’étouffer à cause des fumées toxiques. Plusieurs bidons éventrés dégueulent de produits chimiques douteux. Ils étaient planqués sous les sacs plastiques anonymes. Il ne faut surtout pas rester là !
Dans ma retraite précipitée, je bute sur quelque chose, et manque de me casser la gueule sur… Un bras. Epais, crayeux. Un membre arrachés dont l’extrémité sanguinolente n’est plus qu’un amas de chairs déchiquetés, muscles réduits en lambeaux fibreux. L’un des membres de La Blanche. Mais je ne vois nulle part le reste de son corps. Je me rappelle des autres protagonistes.
« Y’a quelqu’un ? »
Ma voix me semble étrangère. Trop aigue. Effet des gaz ingérés ? Peut-être. Ou alors suis-je encore sonné, l’ouïe détraquée par les secousses. Quelque chose bouge… Je m’y précipite. Mais je me fige aussitôt.
Une horde de rat-womps, sans poils, m’encerclent. Ils me crachent dessus, m’invectivent de cris suraigus. Je suis l’ultime rempart qui les sépare d’un festin bien plus appétissant que ces ordures ménagères. Le membre encore tiède. Je m’écarte rapidement, sans les quitter des yeux. Il ne faut jamais les quitter des yeux. L’arc de cercle intimidant qu’ils forment me force à me rapprocher de nouveau de la benne incandescente. Vers la chaleur suffoquante… Vers le bord de la plateforme qui s’achève en un précipice vertigineux vers les profondeurs obscurs et sauvages de la lune des contrebandiers.
« C’est pas passé loin… » Je souffle ces mots, pour moi-même, alors que les bestioles affamées se détournent de ma silhouette pour se jeter sur l’avant-bras. « Elles attaquent toujours les oreilles, les yeux et le nez en premier. » J’ai déjà croisé des mendiants grignotés par les rat-womp. Ce n’est vraiment pas beau à voir. Ces saletés ne tuent pas leurs cibles, en général, elles ont compris que c’était le meilleur moyen de conserver la viande sans qu’elle se faisande trop vite…
C’est à ce moment que je le découvre. Le jeune homme qui conduisait la benne. Le fou, l’inconscient. Il respire encore. Je me penche au-dessus de lui. Ses paupières sont ouvertes. Il est lui aussi en état de choc. Je lui tends le bras :
« Necesito una mano ? » Je ricane, nerveusement. « Promets-moi de ne jamais te remettre derrière un volant, mi amigo… » Qu’il soit un honnête ferrailleur, un opportuniste cambrioleur, ou une simple personne passée au mauvais endroit au mauvais moment, ne me fait ni chaud ni froid. J’ai fait le choix de l’aider, je l’assume jusqu’à bout. Quelque soit l’issue de cette histoire. Mais où est l’autre ?
« Il est où ton compadre ? Sa main était déjà dans un sale état… » Sous nos pieds, la plateforme grince. Une plinthe longue et grave, suivi d’une série de craquements à vous filer la chair de poule. C’est mauvais signe. « Faut le retrouver vite et se tirer d’ici… Le secteur est mal entretenu… Tu peux marcher ? Je connais un dispensaire... Mais faut retourner dans la Chureca. » Je soupire. Nous ne sommes pas passé loin de la catastrophe quand on y repense. Deux tonneaux de plus et nous plongions dans le vide. Le tunnel suburbain nous à conduit droit dans un secteur industriel désaffecté. Même les gangs ne trainent pas dans le coin, il n’y a rien à en tirer. Il n’y a que de grands entrepôts vide à perte de vue. Nous avons échoué sur une vieille plateforme logistique, un quai de chargement pour les barges atmosphériques… Et comme le je le craignais, l’excès de poids risque de la fracturer à tout moment. Sourire crispé. Plus haut, en aval de la pente d’acier dégringolée, le flux de véhicule est incessant. Un axe fréquenté… Mais personne ne s’arrêtera pour nous sortir de là… J’ironise, pour détendre l’atmosphère plutôt apocalyptique, en désignant la benne dévorée par les flammes :
« Imagine si y avait eu un truc explosif là-dedans… »
Il faut toujours voir le verre à moitié plein non ? Quelque chose bouge soudain dans l'habitacle broyé de l'aérobenne...
Alors oui, on croit pouvoir jouer avec les statistique. Ersatz de calculs mentaux, plus intuitif que mathématiques. On se masque derrière de fausses certitudes, apprivoisée à grand coup de « qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? ». On fantasme les issues possibles, et on opte pour le moindre maux. Foutaises.
La vie n’est qu’une somme de conséquences, résultantes de ces choix douteux, avec laquelle il faut continuer de vivre. Alors… Lorsque je me retrouve dans une situation cocasse, tendue, ou potentiellement mortelle, je ne suis pas de ceux qui s’apitoient sur leur sort, qui crient au scandale, à la malchance, qui insultent la destinée. Non. J’y suis parce que j’ai voulu y être. Point. J’assume. Je… Merde, c’est quoi ce goût rance ?
Je reprends conscience dans un soubresaut. Haut-le-cœur. Un vide insondable occupe mon esprit, alors que je bataille pour sortir la tête des sacs poubelles éventrés. Je gis mollement sous une montagne de déchets alimentaires en décomposition. Une migraine infernale tambourine à mes tempes. Mon estomac se noue et se dénoue, affolé par la terrible fragrance. Je remercie la Force d’avoir eu l’idée absurde de déambuler avec une chaussette enfilée sur la tronche pour dissimuler mon identité. Le tissu est imbibé de sucs aigres, méphitiques… Mais il a su stopper les déchets aux frontières de mes lèvres emmitouflées. Je secoue la tête, par réflexe, pour me débarrasser de l’épluchure d’Agabonga ventousée sur ma joue. Je regrette aussitôt ce geste. La migraine redouble d’intensité, tandis qu’une terrible douleur me vrille la nuque. Bordel. J’ai mal partout. Je suis passé sous un camion ou bien ?
Quelques flashs jaillissent. Fragments de ma mémoire cadenassée par le choc post-traumatique. Les échanges de feu. L’aérobenne. La Blanche. Je me souviens. Vaguement. Comme s’il s’agissait d’un rêve. Ils défilent pêle-mêle, avec un manque de réalisme accablant. Flous. Si je m’y attarde, que je tente d’en saisir les détails, ils s’évaporent. Exactement comme un songe, à l’éveil. Le tunnel. Les néons au plafond qui défilent. De plus en plus vite, jusqu’à former une ligne lumineuse continue. La Bésalisk albinos a sauté sur une moto-speeder pour nous rattraper, son énorme cul posé sur la petite selle. Une image parasite s’invite à mes pensées déjà confuse. Celle d’un abricot posé sur une tête d’épingle. Je frisonne. Quoi d’autre ?
La course-poursuite, la tentative d’abordage échoué. Et le choc. A l’issue d’une série de tonneaux si violents que j’éprouve soudain une infinie compassion pour ces vêtements jetés en pâture à un tambour de machine à laver. Je me palpe, incrédule de m’en être sorti sans me briser tous les os. Je me relève, en titubant…
Dans mon dos la carcasse de notre camion crache une épaisse fumée sombre, qui monte péniblement vers les sommets, alourdie par trop de composés volatiles. La châssis flambe. Des flammes discrètes, bleutées, mais incroyablement exothermiques. Elles irradient, à des dizaines de mètres à la ronde. J’arrache ma cagoule, pour respirer à nouveau. Mais je manque d’étouffer à cause des fumées toxiques. Plusieurs bidons éventrés dégueulent de produits chimiques douteux. Ils étaient planqués sous les sacs plastiques anonymes. Il ne faut surtout pas rester là !
Dans ma retraite précipitée, je bute sur quelque chose, et manque de me casser la gueule sur… Un bras. Epais, crayeux. Un membre arrachés dont l’extrémité sanguinolente n’est plus qu’un amas de chairs déchiquetés, muscles réduits en lambeaux fibreux. L’un des membres de La Blanche. Mais je ne vois nulle part le reste de son corps. Je me rappelle des autres protagonistes.
« Y’a quelqu’un ? »
Ma voix me semble étrangère. Trop aigue. Effet des gaz ingérés ? Peut-être. Ou alors suis-je encore sonné, l’ouïe détraquée par les secousses. Quelque chose bouge… Je m’y précipite. Mais je me fige aussitôt.
Une horde de rat-womps, sans poils, m’encerclent. Ils me crachent dessus, m’invectivent de cris suraigus. Je suis l’ultime rempart qui les sépare d’un festin bien plus appétissant que ces ordures ménagères. Le membre encore tiède. Je m’écarte rapidement, sans les quitter des yeux. Il ne faut jamais les quitter des yeux. L’arc de cercle intimidant qu’ils forment me force à me rapprocher de nouveau de la benne incandescente. Vers la chaleur suffoquante… Vers le bord de la plateforme qui s’achève en un précipice vertigineux vers les profondeurs obscurs et sauvages de la lune des contrebandiers.
« C’est pas passé loin… » Je souffle ces mots, pour moi-même, alors que les bestioles affamées se détournent de ma silhouette pour se jeter sur l’avant-bras. « Elles attaquent toujours les oreilles, les yeux et le nez en premier. » J’ai déjà croisé des mendiants grignotés par les rat-womp. Ce n’est vraiment pas beau à voir. Ces saletés ne tuent pas leurs cibles, en général, elles ont compris que c’était le meilleur moyen de conserver la viande sans qu’elle se faisande trop vite…
C’est à ce moment que je le découvre. Le jeune homme qui conduisait la benne. Le fou, l’inconscient. Il respire encore. Je me penche au-dessus de lui. Ses paupières sont ouvertes. Il est lui aussi en état de choc. Je lui tends le bras :
« Necesito una mano ? » Je ricane, nerveusement. « Promets-moi de ne jamais te remettre derrière un volant, mi amigo… » Qu’il soit un honnête ferrailleur, un opportuniste cambrioleur, ou une simple personne passée au mauvais endroit au mauvais moment, ne me fait ni chaud ni froid. J’ai fait le choix de l’aider, je l’assume jusqu’à bout. Quelque soit l’issue de cette histoire. Mais où est l’autre ?
« Il est où ton compadre ? Sa main était déjà dans un sale état… » Sous nos pieds, la plateforme grince. Une plinthe longue et grave, suivi d’une série de craquements à vous filer la chair de poule. C’est mauvais signe. « Faut le retrouver vite et se tirer d’ici… Le secteur est mal entretenu… Tu peux marcher ? Je connais un dispensaire... Mais faut retourner dans la Chureca. » Je soupire. Nous ne sommes pas passé loin de la catastrophe quand on y repense. Deux tonneaux de plus et nous plongions dans le vide. Le tunnel suburbain nous à conduit droit dans un secteur industriel désaffecté. Même les gangs ne trainent pas dans le coin, il n’y a rien à en tirer. Il n’y a que de grands entrepôts vide à perte de vue. Nous avons échoué sur une vieille plateforme logistique, un quai de chargement pour les barges atmosphériques… Et comme le je le craignais, l’excès de poids risque de la fracturer à tout moment. Sourire crispé. Plus haut, en aval de la pente d’acier dégringolée, le flux de véhicule est incessant. Un axe fréquenté… Mais personne ne s’arrêtera pour nous sortir de là… J’ironise, pour détendre l’atmosphère plutôt apocalyptique, en désignant la benne dévorée par les flammes :
« Imagine si y avait eu un truc explosif là-dedans… »
Il faut toujours voir le verre à moitié plein non ? Quelque chose bouge soudain dans l'habitacle broyé de l'aérobenne...
Coda Jago
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Mer 29 Nov 2023 - 18:43
On serait bien à rester là, allongé par terre à regarder les vapeurs orangées du ciel jusqu’à ce que mort s’en suive. Les grincements de la plate-forme et les grondements du trafic non loin avaient presque un air de berceuse. Et il faisait chaud, délicieusement chaud… un poil trop chaud, même. Comme à côté d’un four rôtissant une belle couenne. C’était ça, l’odeur ?
Coda revint brusquement à la réalité en voyant la grande silhouette sombre de l’ange qui se penchait vers lui. Un ange ? Pas vraiment, au final. Juste… un type. Le visage aussi crado que le sien, recouvert de poussière et de suie. Coda se passa une main sur le front pour éponger la sueur… non, le sang qui lui coulait sur les yeux. A ce moment seulement, il compris qu’il s’était salement amoché la tête. Une bosse de la taille d’un bel oeuf poussait sous ses doigts. « Aïe… » grogna-t-il en attrapant le bras que son sauveur lui tendait. Au point où il en était, il n’était pas sûr que tenter de faire une distinction entre ami et ennemi soit vraiment pertinent.
Tenir debout, c’était une autre paire de manches. Coda sentait ses jambes molles vaciller sous lui, et maintenant que son contact avec le sol ne se résumais plus qu’à deux pauvres petites semelles de chaussures, sa tête lui semblait anormalement lourde, et menaçait de le faire plonger en avant. Il s’appuya de tout son poids sur l’ange, espérant que la grande silhouette le maintiendrai debout. « On est où ? T’es qui ? » balbutia-t-il avec difficulté. S’il n’avait pas déjà tout gerbé quelques minutes plus tôt, les chaussures de l’ange y auraient eu droit. « Brekk… » Son regard se posa sur la carcasse fumante du véhicule, une véritable bouillie de métal et d’ordures de laquelle coulait un épais liquide noir, semblable à de la mélasse. Aucun signe de son compagnon ferrailleur. Coda se sentit bizarrement vide, et s’il n’avait pas eu l’ange auquel se raccrocher, il se serait probablement écrasé au sol.
Pourtant, il se força à respirer profondément, à fermer les paupières pour se remettre les yeux en face des trous, et à se planter sur ses pieds. « Je peux marcher… je crois. Mais Brekk… » Il n’osa pas aller plus loin. L’idée qu’il avait peut-être tué son camarade lui traversa brièvement l’esprit, lui retournant encore l’estomac. Et pour la première fois de sa vie, il ne rit pas au trait d’humour qu’on lui envoyait. « Au moins, on serait sortis de ce cauchemar. » répondit-il, les idées noires.
Mais au même moment, un mouvement dans les débris de la benne attira son attention. Il se détendit comme un ressort pour se précipiter vers l’habitacle. « Brekk ! » cria-t-il, indifférent à la plateforme qui grinçait de manière inquiétante sous ses pieds. Un bras émergea, au bout duquel il manquait une main. Coda s’y accrocha et tira de toutes ses forces pour faire émerger le pauvre Brekk, dans un était pitoyable. « J’ai le sac… on se tire ! » beugla-t-il, alors que la plateforme commençait à s’affaisser.
Mais alors qu’ils retournaient vers l’ange en boitillant, une main blanche se saisit soudain du sac. Une tête répugnante apparut, comme un monstre émerge de la terre. « Lâche ça ! À moi ! » hurlait la tête, se cramponnant au sac que Brekk et Coda refusaient de lâcher. Et au terme d’une énième traction, les deux comparses arrachèrent finalement le sac à l’étreinte de la Blanche.
La plateforme cria une dernière fois. C’était maintenant ou jamais. Coda piqua le sprint de sa vie, suivi de près par Brekk. Il adressa de grands signes à l’ange pour lui dire de se mettre à courir, bordel, s’il voulait sauver son cul. A la seconde même où Coda se jetait sur la terre ferme, la plateforme s’écroula dans un bruit d’enfer. Débris de métal et ordures disparurent en un clin d’oeil, aspirés par le vide, accompagnés par le corps tourbillonnant et hurlant de la Blanche, s’évanouissant dans les ténèbres.
Le souffle court, les mains cramponnées à Brekk et au sac, Coda éclata soudainement de rire. Une réaction nerveuse, incontrôlable, alors qu’on venait de frôler la mort. Brekk le rejoignit rapidement dans son hilarité, non sans clamer son indignation entre deux éclats de rire. « Arrête de te marrer, coño, j’ai perdu une main je te rappelle ! » lâcha-t-il en donnant un coup de son poing restant dans l’épaule de Coda. « Tout c’que tu sais faire c’est te branler, et t’as pas besoin d’tes deux mains pour ça, abruti !
- Ah ouais ? Bah j’ai besoin des deux quand j’suis avec ta m-…
- La ferme ! El Angel a dit qu’il connaissait un dispensaire. Faut qu’on le suive.
- J’ai pas confiance. T’as vu comment il a tué le gars de Ggatar ?
- T’as plus d’main, t’as plus d’choix. Et il nous a sauvé j’te rappelle. Il m’a appelé amigo, c’est bien non ?
- Ouais… »
Brekk adressa un regard méfiant à l’ange, qui en fait n’en était pas un. Puis, il finit par hocher la tête, avant de se remettre sur ses pieds. Son moignon de main avait cessé de pisser le sang, mais semblait toujours dans un sale état. Il serrait les dents, et ça se voyait. Coda se redressa à son tour avec difficulté. Sa cheville était gonflée et lui faisait un mal de chien, sans parler de la bosse qu’il avait à la tête. Il leva un regard farouche vers El Angel. « Ok, on vient avec toi, amigo. On a un raccourci pour la Chureca, mais c’est pas très propre. Faut passer par les conduits d’évacuation des déchets ménagers. Y’en a a chaque immeuble du secteur, et ça glisse tout seul jusqu’en bas. » dit-il en pointant du doigt le bâtiment le plus proche. On voyait le panneau métallique qui protégeait l’ouverture du conduit, assez large pour laisser passer un humain moyen. « Je passe en premier pour voir si la voie est libre. Et je prends le sac. » ajouta-t-il à l’attention de Brekk.
Resserrant la bandoulière autour de son épaule, il se dirigea en boitillant vers le conduit, fit basculer le panneau et contempla l’obscurité. Quand il était gamin, jouer à glisser dans les conduits représentait le summum des défis entre gosses. Rien de bien dangereux, tant qu’on restait bien droit. Quelques secondes de toboggan dans le noir nauséabond, avant de déboucher dans la lumière de la Chureca, pour atterrir sur le moelleux des sacs poubelles éventrés dans un vol plané somptueux. On en ressortait couverts d’épluchures, de liquides visqueux et d’autres choses répugnantes, mais on s’était bien marrés. Le seul accident notable, ça avait été quand Lulu Lekipu avait eu le malheur de glisser en même temps qu’une matrone s’était débarrassée de plusieurs litres de lait bleu qui avait tourné. Il ne s’était jamais vraiment débarrassé de l’odeur, d’où son surnom.
Coda prit une grande inspiration avant de retenir sa respiration, et leva le pouce en direction de ses désormais deux acolytes, avant de s’engouffrer dans le tunnel.
La glissade commença. Les épaules de Coda heurtaient les bords du tunnel à chaque coude, et il espéra que la carrure bien plus large de l’ange ne serait pas un problème. S’il se retrouvait coincé au milieu des conduits, personne ne viendrait le chercher. Probablement que sa famille et ses amis arpenterait tous les coins des bas districts à sa recherche, sans même penser qu’il puisse tout simplement se trouver dans les tuyaux où ils reversaient leurs ordures. Et ça, c’était si le gars avait des gens qui pensaient à lui. C’était qui, ce type ? Et c’était quoi, ce dispensaire qu’il avait évoqué ? Coda n’avait jamais entendu parler d’un dispensaire, mais après tous, peu de fou furieux avaient l’envie et les moyens de venir accomplir des actions humanitaires jusque dans ce trou à rat. Il n’y avait rien à sauver par ici, qu’un ramassis de pauvres, et de drogués, et de prostituées, et de criminels. Il ne savait pas très bien dans quelle catégorie se placer.
Ces interrogations lui tinrent compagnie dans le noir du tunnel, jusqu’à ce qu’il déboule dans la lumière tamisée de la Chureca. Vol plané, calculé, puis atterrissage dans les ordures, comme prévu. Coda regarda à droite, à gauche. Pas signe d'âme qui vive. Puis, il se remit debout, épousseta inutilement ses vêtements déjà trop sales, et se mit en quête d’un objet qu’il pourrait lancer. Il trouva une pomme de terre pétrifiée par le temps, qu’il envoya de toutes ses force contre la paroi du tunnel.
Le bruit de l’impact de répercuta en écho dans le tunnel. Il remonterait jusqu’à la surface pour indiquer que tout était ok, en bas. Coda ne s’inquiétait pas, Brekk connaissait le signal. Il n’avait plus qu’à attendre.
Gary Kovani
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Jeu 14 Déc 2023 - 0:06
Tout se passe excessivement vite. J’ai seulement le temps de bredouiller un : « Moi ? J’suis juste un type qui se soucie de son quartier… », avant que tout dérape. Encore. C’est la loi des séries : les merdes sont toujours vendues en paquet de douze. Comme les œufs. Qui suis-je ? La question tourne en boucle, alors que mes pas précipités s’imbriquent dans ceux de mes acolytes d’infortune. Je parviens in extremis à sauter de la plateforme suspendue. Elle s’ébroue une ultime fois, avant de sombrer dans les abymes dans un grincement d’acier à vous démonter les dents. Elle entraine avec elle l’incendie, les déchets, la benne défoncée, et la carcasse mutilée de La Blanche dont les hurlements terrifiés rebondissent sur les hautes façades rouillées en de multiples échos funestes. Je frisonne. Terrible fin. Mierda, ça aurait pu être nous. Mais la Force a d’autre plan pour notre trio improbable il faut croire.
Je recule encore de quelques pas, pour prendre mes distances avec les deux gamins en pleine crise de nerfs. Je les observe. Ils n’ont rien de ces mômes enrôlés dans les gangs pour qui la violence est la réponse à toutes les situations. Non. Ils me font penser à ces pickpockets opportunistes que l’on trouve dans les niveaux supérieurs. Ces gamins intelligents, à qui la vie n’offre aucun cadeau, mais qui se débrouillent toujours pour tirer le meilleur parti de chaque occasion. Ils sont l’essence même de Nar Shaddaa. Nés à l’ombre des hautes tours, élevés dans la crasse et la fange jetée des niveaux supérieurs. Ils vivent au jour le jour, sachant que n’importe lequel chaque lendemain peut être le dernier. Une vie difficile, risquée, qui forge le caractère et élimine les moins débrouillards. Une terrible sélection naturelle, ou la chance compte bien plus que la génétique.
« Ok les chooms, je vous suis. » Je n’ai pas mieux à proposer. Le district industriel désaffecté n’est pas vraiment touristique. Il n’y traine que les fantômes des contaminés, ceux dont l’esprit et le corps sont si déformés par les rejets chimiques qu’ils déambulent comme des coquilles vides, bavantes et gémissantes. Quelques rares espèces galactiques prolifèrent ici. Mais elles sont du genre à dévorer la chair humaine : ça change des rats et des insectes. Bref, mieux vaut ne pas trainer dans le quartier, nos exploits ont peut-être attirés des pairs d’yeux multiples. Par chance nous avons échoué à sa périphérie, en contrebas du tunnel de la voie rapide qui permet de traverser ce no-mans-land à vive allure. Impossible de revenir exactement sur nos pas. La masse informe d’un énorme bloc d’habitations nous barre la route, posé là comme un rempart suintant d’huile et d’humidité. Les immeubles sont si proches les uns des autres qu’il est impossible de se faufiler entre. Il n’existe ni escalier de secours pour descendre ou gravir les façades gris terne, ni fenêtres par lesquelles s’introduire. Le plan de l’ébouriffé me parait le moins risqué, et le plus rapide, pour regagner la relative sécurité de la Décharge. Je peux me vanter d’avoir passé des années sur Nar Shaddaa, mais jamais je n’aurais l’aisance de ces gamins pour dégoter les raccourcis qui relient tous les recoins de cette lune, jusqu’au ciel, de l’autre côté de l’épais nuage de pollution qui nous plonge toute la journée dans une pénombre tamisée. Le conduit me semble étroit, mais j’y passe. A condition qu’il ne rétrécisse pas d’un coup au milieu. Bah c’est peu probable : sinon les ordures s’accumuleraient dans les goulets d’étranglements, et tous les parasites affamés se seraient déjà approprié les lieux. On ne rigole pas avec la vermine sur Nar Shaddaa. Question de survie.
J’opine du chef et laisse le pote de Brekk prendre les devants. Il a l’air de savoir ce qu’il fait. Il disparait dans le tunnel étroit, emporté par la gravité, sur la surface que les déchets ont lubrifiée. Je me tourne vers le manchot :
« Vous savez que y’a une chance sur trois que ce toboggan improvisé se jette directement dans le vide ? » La géologie de Nar Shaddaa est particulière. Elle défie toutes les lois naturelles. Ici, la traditionnelle tectonique des plaques est remplacée par le mouvement des mégastructures imbriquées les unes dans les autres, qui vibrent, se rétreignent ou se dilatent en fonction des variations de température. Leurs craquements sinistres remontent des abysses urbaines dès que la fraicheur nocturne s’installe. Régulièrement, les conduites éclatent, les tunnels se rompent, des districts entiers se fissurent. Mais tout fini par être reconstruit et repeuplé, d’une manière ou d’une autre. Le gamin m’avise d’un œil douteux. Il ne me fait pas confiance. Il se méfie. Son regard dur s’illumine d’un éclat de dédain. Evidemment qu’il le sait. Il pense que je le prends pour un con. Je lève les deux mains, paume offertes en pâturage à ses susceptibilités : « J’dis ça j’dis rien ! Vous savez mieux que moi où ça débouche ! » Mes demi-excuses n’éteignent pas l’incendie dans ses pupilles. Mais il garde les lèvres serrées. Probablement que le pied-de-biche passé à ma ceinture lui intime l’ordre de rester coolos ramollos.
Soudain un tambourinement remonte des entrailles de l’édifice. Brekk réagit aussitôt. Il avance pour se jeter dans le conduit à son tour. Mais je l’arrête en lui barrant la route de mon bras tendu.
« T’es sûr que c’est lui ? » Ça pourrait être n’importe quoi. Un rat, une ménagère qui vient de vider le contenu de sa poubelle. Il en est convaincu. J’ignore pourquoi. Mais je lui fais confiance. Ces deux-là se connaissent de longue date. « Je passe d’abord mi amigo. Si tu m’entends hurler, c’est que c’était pas lui. » Je ricane. En vérité je m’inquiète pour le gamin. Il est tout pâle. Il a perdu beaucoup de sang. Il ne doit sa survie qu’à un garrot improvisé avec une vieille chaussette trouée. Je préfère être en bas pour le réceptionner. La chute risque d’être rude : ces conduits ont été conçus pour évacuer les déchets le plus rapidement possible, ce qui justifie des pentes raides. Il grogne, désapprouve, mais me laisse faire. Je ne lui laisse pas vraiment le choix.
Je me lance. Pieds en avant, dos plaqué contre le chrome dégueulasse, bras en croix sur la poitrine. Pour glisser, ça glisse. Rapidement, je rentre la tête entre les épaules pour ma protéger des chocs… Mais après plusieurs frayeurs, et avoir récolté une myriade de bleus, je débouche enfin dans la Décharge. Je reconnais le coin. C’est le niveau le plus bas. Au moins je ne suis pas resté coincé… Il va falloir qu’on trouver un moyen pour rejoindre le dispensaire, situé plus haut. Mais ça devrait le faire. Sauf que rapidement, une odeur d’ozone et de chair carbonisée m’attaque les narines. Je tourne vivement la tête. Quelque chose tombe du niveau supérieur. Un corps. Criblé de tirs de blaster. Un Ggatar. Ses membres désarticulés m’arrachent un frisson. Je lève les yeux. Là-haut résonnent l’écho d’une escarmouche.
« Je sais pas si on y est pour quelque chose… Mais faut croire que la guerre entre les Ggatar et La Blanche est ouverte. » Ca doit tirer dans tous les coins de la Décharge. Je grimace. « On va devoir passer entre les lasers. » Mais il y a plus urgent. « Tu fais comment pour donner le signal à ton pote ? Il va croire que je suis resté coincé. »
Je recule encore de quelques pas, pour prendre mes distances avec les deux gamins en pleine crise de nerfs. Je les observe. Ils n’ont rien de ces mômes enrôlés dans les gangs pour qui la violence est la réponse à toutes les situations. Non. Ils me font penser à ces pickpockets opportunistes que l’on trouve dans les niveaux supérieurs. Ces gamins intelligents, à qui la vie n’offre aucun cadeau, mais qui se débrouillent toujours pour tirer le meilleur parti de chaque occasion. Ils sont l’essence même de Nar Shaddaa. Nés à l’ombre des hautes tours, élevés dans la crasse et la fange jetée des niveaux supérieurs. Ils vivent au jour le jour, sachant que n’importe lequel chaque lendemain peut être le dernier. Une vie difficile, risquée, qui forge le caractère et élimine les moins débrouillards. Une terrible sélection naturelle, ou la chance compte bien plus que la génétique.
« Ok les chooms, je vous suis. » Je n’ai pas mieux à proposer. Le district industriel désaffecté n’est pas vraiment touristique. Il n’y traine que les fantômes des contaminés, ceux dont l’esprit et le corps sont si déformés par les rejets chimiques qu’ils déambulent comme des coquilles vides, bavantes et gémissantes. Quelques rares espèces galactiques prolifèrent ici. Mais elles sont du genre à dévorer la chair humaine : ça change des rats et des insectes. Bref, mieux vaut ne pas trainer dans le quartier, nos exploits ont peut-être attirés des pairs d’yeux multiples. Par chance nous avons échoué à sa périphérie, en contrebas du tunnel de la voie rapide qui permet de traverser ce no-mans-land à vive allure. Impossible de revenir exactement sur nos pas. La masse informe d’un énorme bloc d’habitations nous barre la route, posé là comme un rempart suintant d’huile et d’humidité. Les immeubles sont si proches les uns des autres qu’il est impossible de se faufiler entre. Il n’existe ni escalier de secours pour descendre ou gravir les façades gris terne, ni fenêtres par lesquelles s’introduire. Le plan de l’ébouriffé me parait le moins risqué, et le plus rapide, pour regagner la relative sécurité de la Décharge. Je peux me vanter d’avoir passé des années sur Nar Shaddaa, mais jamais je n’aurais l’aisance de ces gamins pour dégoter les raccourcis qui relient tous les recoins de cette lune, jusqu’au ciel, de l’autre côté de l’épais nuage de pollution qui nous plonge toute la journée dans une pénombre tamisée. Le conduit me semble étroit, mais j’y passe. A condition qu’il ne rétrécisse pas d’un coup au milieu. Bah c’est peu probable : sinon les ordures s’accumuleraient dans les goulets d’étranglements, et tous les parasites affamés se seraient déjà approprié les lieux. On ne rigole pas avec la vermine sur Nar Shaddaa. Question de survie.
J’opine du chef et laisse le pote de Brekk prendre les devants. Il a l’air de savoir ce qu’il fait. Il disparait dans le tunnel étroit, emporté par la gravité, sur la surface que les déchets ont lubrifiée. Je me tourne vers le manchot :
« Vous savez que y’a une chance sur trois que ce toboggan improvisé se jette directement dans le vide ? » La géologie de Nar Shaddaa est particulière. Elle défie toutes les lois naturelles. Ici, la traditionnelle tectonique des plaques est remplacée par le mouvement des mégastructures imbriquées les unes dans les autres, qui vibrent, se rétreignent ou se dilatent en fonction des variations de température. Leurs craquements sinistres remontent des abysses urbaines dès que la fraicheur nocturne s’installe. Régulièrement, les conduites éclatent, les tunnels se rompent, des districts entiers se fissurent. Mais tout fini par être reconstruit et repeuplé, d’une manière ou d’une autre. Le gamin m’avise d’un œil douteux. Il ne me fait pas confiance. Il se méfie. Son regard dur s’illumine d’un éclat de dédain. Evidemment qu’il le sait. Il pense que je le prends pour un con. Je lève les deux mains, paume offertes en pâturage à ses susceptibilités : « J’dis ça j’dis rien ! Vous savez mieux que moi où ça débouche ! » Mes demi-excuses n’éteignent pas l’incendie dans ses pupilles. Mais il garde les lèvres serrées. Probablement que le pied-de-biche passé à ma ceinture lui intime l’ordre de rester coolos ramollos.
Soudain un tambourinement remonte des entrailles de l’édifice. Brekk réagit aussitôt. Il avance pour se jeter dans le conduit à son tour. Mais je l’arrête en lui barrant la route de mon bras tendu.
« T’es sûr que c’est lui ? » Ça pourrait être n’importe quoi. Un rat, une ménagère qui vient de vider le contenu de sa poubelle. Il en est convaincu. J’ignore pourquoi. Mais je lui fais confiance. Ces deux-là se connaissent de longue date. « Je passe d’abord mi amigo. Si tu m’entends hurler, c’est que c’était pas lui. » Je ricane. En vérité je m’inquiète pour le gamin. Il est tout pâle. Il a perdu beaucoup de sang. Il ne doit sa survie qu’à un garrot improvisé avec une vieille chaussette trouée. Je préfère être en bas pour le réceptionner. La chute risque d’être rude : ces conduits ont été conçus pour évacuer les déchets le plus rapidement possible, ce qui justifie des pentes raides. Il grogne, désapprouve, mais me laisse faire. Je ne lui laisse pas vraiment le choix.
Je me lance. Pieds en avant, dos plaqué contre le chrome dégueulasse, bras en croix sur la poitrine. Pour glisser, ça glisse. Rapidement, je rentre la tête entre les épaules pour ma protéger des chocs… Mais après plusieurs frayeurs, et avoir récolté une myriade de bleus, je débouche enfin dans la Décharge. Je reconnais le coin. C’est le niveau le plus bas. Au moins je ne suis pas resté coincé… Il va falloir qu’on trouver un moyen pour rejoindre le dispensaire, situé plus haut. Mais ça devrait le faire. Sauf que rapidement, une odeur d’ozone et de chair carbonisée m’attaque les narines. Je tourne vivement la tête. Quelque chose tombe du niveau supérieur. Un corps. Criblé de tirs de blaster. Un Ggatar. Ses membres désarticulés m’arrachent un frisson. Je lève les yeux. Là-haut résonnent l’écho d’une escarmouche.
« Je sais pas si on y est pour quelque chose… Mais faut croire que la guerre entre les Ggatar et La Blanche est ouverte. » Ca doit tirer dans tous les coins de la Décharge. Je grimace. « On va devoir passer entre les lasers. » Mais il y a plus urgent. « Tu fais comment pour donner le signal à ton pote ? Il va croire que je suis resté coincé. »
Coda Jago
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Lun 18 Déc 2023 - 22:49
L’écho de la pomme de terre s’évanouit rapidement, laissant l’ouverture du tunnel béante et trop silencieuse. Un frisson parcourut le dos de Coda, et malgré lui, il se frotta les bras et rentra la tête entre les épaules. A force de vivre au jour le jour, on développait certains réflexes. Un genre de sixième sens qui prévenaient de l’arrivée des emmerdes. Pourtant, tout était calme dans la Chureca, en dehors des éclats de bruits habituels, signifiant l’arrivée des ordures évacuées. Et d’autre chose, plus haut. Une bagarre ? Coda leva le nez, mais on ne distinguait rien dans la purée de pois habituelle qui masquait les niveaux supérieurs. Seulement, parfois quelques flashs lumineux, qui pouvaient être des tirs de blasters autant que des lampes torches de resquilleurs.
Le déboulage soudain de l’ange à travers le tunnel interrompit la réflexion de Coda. Parfait, il n’était pas resté coincé au milieu du tunnel. Non pas que le gaillard se fasse remarquer par son embonpoint, mais il arrivait que certains se bloquent de travers au milieu du tuyau à force de trop gigoter. Coda soupira de soulagement, avant de soudainement glapir de terreur. Entre lui et l’ange, un corps. Un gamin, les iris tournés vers l’absence de ciel, qui ne devait même pas avoir son âge, et dont Coda ne parvenait pas à détourner les yeux. Ce n’était pas la première fois qu’il voyait un corps mort, loin de là. On trouvait toutes sortes de carcasses dans les grandes rues de la ville. Détroussages un peu trop brutaux, maladies, addictions et gangs laissaient dans leur sillage leur quota de victimes. Mais on ne s’y habituait jamais vraiment. Et il y avait quelque chose de particulièrement triste dans la façon dont ce type était tombé jusque là. Il serait enseveli à jamais. Peut-être que quelqu’un, quelque part un jour, lèverait un verre en son honneur, mais il finirait oublié de tous, comme tous les autres.
Coda frissonna à nouveau. En vérité, il avait du mal à arrêter le tremblement de ses membres. Ce qui ne devait être qu’une simple récupération de routine s’était transformé en véritable cauchemar, par le simple fait d’avoir été au mauvais endroit, au mauvais moment. Tout ça pour ce sac qu’il portait à l’épaule. Ce sac et son précieux contenu. « J’veux juste rentrer… » murmura Coda en contemplant le visage blanc du cadavre à ses pieds, imaginant le sien à sa place. « J’sais pas me battre, Brekk non plus. On est pas des bagarreurs, on cherchait juste de quoi s’faire un peu d’argent. » ajouta-t-il, ignorant la question de l’ange. « P’tet qu’on pourrait attendre ici qu’ça s’calme ? C’est loin ton dispensaire ? »
Au même moment, l’écho d’une glissade se répercuta dans le tunnel, et quelques secondes plus tard, Brekk déboula à son tour à l’air libre, atterrissant en plein sur l’ange. « OUARGH ! » fit-il en rebondissant contre le dos solide de l’homme et en tombant sur le sol comme une paquet de chiffon. Il se redressa vivement, des épluchures plein les cheveux. « C’est bon, j’ai rien ! Tout va biennaaaAAH ! C’est quoi ça ?! » hurla-t-il en reculant précipitamment à la vue du cadavre. « Boucle la. » lui intima Coda, cette fois sans aucune plaisanterie dans le ton. Le visage de Brekk se recomposa rapidement, toute désinvolture ayant soudainement quitté ses traits. Il se releva silencieusement avant de s’approcher en jetant des coups d’oeil autour de lui. « Coda, c’est quoi l’plan ?
- J’sais pas. » répondit Coda, l’air hésitant. Pouvait-on vraiment faire confiance à l’inconnu ? Avait-on le choix ? Il était fort, lui, assez pour se frayer un chemin à travers la bataille. Coda hésita encore quelques secondes, avant de hocher la tête. On ferait confiance. Ici, on survivait beaucoup par l’instinct, et là tout de suite, l’instinct conseillait d’accepter l’inconnu. « D’accord. El Angel, on te fait confiance. Et si jamais on claque, t’embête pas à ramener nos corps à nos madres. On en a pas.
- Mama Pablos, p’tet qu’elle serait triste un peu.
- … Ouais. P’tet. » déclara Coda, les lèvres serrées, le front couvert d’une sueur froide. Il ferma les yeux et se concentra pour faire apparaître dans son esprit le plan de la Chureca. Il la connaissait par coeur, comme beaucoup d’autres ici. Mais cette fois, ils n’avaient pas le droit à l’erreur. « Ok, j’ai un plan. Écoute bien, el Angel. Toi aussi Brekk, c’pas le moment d’faire le con. » Il avança sa main gantée et commença à tracer un schéma dans l’épaisse couche de poussière qui recouvrait une plaque de tôle abandonnée là depuis des années. « On est tout au fond de la Chureca, el Culo. Dans c’coin, on a les ordures du bloc B du vingt-troisième, mais là un peu plus loin, c’était là qu’les déchets du district industriel atterrissaient, avant qu’il soit contaminé. Y’a plein d’truc, et surtout des vieilles carcasses de droïdes qu’ont fini par errer là avant d’plus avoir de batterie. Si on en récupère un en pas trop mauvais état, j’peux le bricoler et l’charger avec ça. » Il tapota le sac qu’il portait toujours. « C’du plasma non raffiné. Trop puissant pour des droïdes de base, si j’en surcharge un et que j’le programme pour avancer tout droit le plus vite possible, il va y arriver pendant quelques secondes avant d’exploser d’un trop-plein d’énergie. Ça peut créer une diversion et nous permettre d’traverser sans risque pour atteindre l’escalier de service. Là, y’aura plus qu’à monter pour rejoindre la surface. » Coda ponctua sa phrase d’un point final, fortement appuyé de son index dans la poussière. C’était un peu fou, comme plan. Pas grande chance que ça fonctionne, mais c’était la meilleure idée qu’il avait pour l’instant. Il se redressa. « Ça vous va ? » demanda-t-il. Brekk hocha la tête, par automatisme. Quand Coda avait un plan, mieux valait le suivre. Mais el Angel, serait-il aussi coopératif ? « À toi d’voir si t’as une meilleure idée. Mais j’pense pas. » déclara-t-il avec assurance. « Ça s’voit qu’t’es pas d’ici. Enfin, pas d’ici ici. Du fond du trou. Tu dis ton quartier, mais... Tu viens d’en haut ? J’aimerais bien aller voir, un jour. » Brekk hocha la tête, comme une brebis suit les préceptes de son pasteur. Pourtant, Coda avait jamais été très bon dans le rôle du chef. Mais avant, il y avait eu Mago, et depuis qu’il avait disparu, c’était vers lui qu’on s’était tourné. Enfin, pas tous, mais les plus fidèles, comme Brekk. Un Jago, c’était un Jago, point. Coda se détourna pour commencer à avancer, avant de finalement se retourner. « Au fait, moi c’est Coda, et lui c’est Brekk. Bienvenue. » ajouta-t-il avant de reprendre sa route, son acolyte sur ses talons.
Il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre la zone d’évacuation du district désaffecté. Ici, l’air était d’une immobilité glaçante. Une couche de poussière recouvrait les monticules de débris métalliques, comme un voile d’endeuillée, intouchée depuis des années. Ici, une tête de droïde arrachée, vidée de ses circuits, pointait vers le plafond ses yeux de verre globuleux et éteints. Un peu plus loin, les pièces détachées de son corps démembré avaient été jetées à la vas vite sur des piles de câbles rongés par la rouille. Derrière lui, Coda entendit Brekk allumer sa torche, et un rayon jaune pisse balaya l’air surchargé de la poussière qu’ils avaient dérangés de leur pas. Parfois, il éclairait un corps vaguement humanoïde, et ils sursautaient tous deux avant de se rendre compte de leur erreur. La lumière tremblotante dérangea une bande de rats rongeurs de métal, qui sifflèrent dans leur direction, leurs petits yeux brillants de haine, avant de détaler sous les décombres. « Là. » murmura soudain Coda, en désignant du doigt une forme inanimée. Un droïde de transport de matériel médical, habitué à se déplacé sur les champs de bataille. On lui avait ôté la moitié des plaques de protection le recouvrant, mais en dehors de cela, il semblait dans un état correct. « Aide moi. » ordonna-t-il, plus qu’il ne demanda à el Angel. Le droïde était trop lourd pour lui seul, et avec sa main manquante, Brekk ne serait d’aucune utilité.
Ils transportèrent péniblement le droïde à travers le champ désolé de ces anciennes merveilles technologiques. De plus en plus proche, on entendait les hurlements et les tirs, derrière les collines de déchets. Et bientôt, ils butèrent sur le premier corps. Une bouillie sanglante, on ne pouvait même plus distinguer son allégeance. Coda retint sa respiration en poussant le droïde. On y était presque. « Discret, maint’nant. » dit Coda, comme s’ils n’avançaient pas dans un silence religieux depuis plusieurs minutes, déjà. On distinguait désormais des mots et des phrases dans les hurlements qui se lançaient sur le champ de bataille. Entre insultes, quolibets et prières, certains appelaient leur maman d’une voix déchirée. « Là. Derrière ce conteneur, on va se mettre là. Quand on aura lancé le droïde, ça sera ligne droite jusqu’à la porte rouge, là bas. Derrière, c’est l’escalier. » annonça Coda. D’une poussée, il fit franchir les derniers mètres au droïde, avant de s’agenouiller à côté, et de sortir son datapad modifié. Rapidement, il le brancha au robot, qui s’éclaira faiblement. Coda pianota avec frénésie sur l’écran, ses doigts tremblant tellement qu’il devait sans cesse effacer quelques lignes pour les réécrire correctement. Mais au bout d’une minute, il poussa un soupir de victoire. « C’est bon. Maintenant… » Il sortit de sa poche un outil multifonctions, et dévissa promptement une petite trappe à l’arrière du droïde. D’un habile coup de tournevis, il fit sauter la pile vide du droïde, pour la remplacer par l’une de celle qu’il venait de tirer du sac. Puis, il referma soigneusement la trappe, et pianota à nouveau sur son datapad. « Et voilà. Y’a plus qu’à attendre. Y’a pas de signal, dès que vous l’pouvez, courez. » déclara-t-il, avant d’appuyer sur la touche « entrée ».
Le robot se redressa brusquement, comme un ressort. Ses roues entourées de chenilles s’activèrent brusquement avec un sifflement aigu, bien plus vite qu’elles ne devraient. Le droïde bondit en avant et d’élança à pleine vitesse droit vers le conflit, rebondissant sur le sol inégal. « ATTENTION. INTERVENTION MÉDICALE EN COURS. WARNING. PLEASE CLEAR THE WAY. ADVERTENCIA. NO DETENGA EL PROCEDIMIENTO MÉDICO. » Le droïde fonçait à toute bringue, sa le bruit de sa sirène métallique rebondissant contre les murs, assourdissant. Pendant un instant, le temps se stoppa. Les tirs de blaster s’arrêtèrent, et on osa passer une tête hors de sa cachette pour jeter un oeil.
Puis le droïde explosa.
« A terre ! » hurla Coda en se jetant à plat sur le sol, tandis que le souffle de l’explosion lui rasait le crâne. Puis, tout fut noir. Ou plutôt, gris. Un épais nuage de fumée âcre avait envahi la zone. « Maintenant ! »
Coda se releva, tirant sur le bras de Brekk pour le remettre debout, et s’élança à pleine balle dans la direction présumée de la porte de service. Autour de lui, tout n’était qu’un brouillard nauséabond, qui le fit tousser et qui lui fit monter les larmes aux yeux. Il ne voyait plus ni amis, ni ennemis. Juste quelques silhouettes déboussolées qui titubaient. Puis, le premier tir de laser qui vint s’échouer à ses pieds. Et un second. Et un troisième.
La diversion n’avait pas suffit. Les hommes de la Blanche et les Ggatar tiraient à l’aveuglette, espérant toucher quelque chose avant d’être touchés eux-même. Coda zigzaga entre les tirs, avant de se jeter derrière la carcasse d’un véhicule abandonné. Où était Brekk ? Et el Angel ? Il n’avait aucune vision sur eux. Son blaster à la main, il se risqua à jeter un oeil en direction de l’explosion, avant d’être accueilli par un tir qui vint brûler le métal juste à côté de son crâne. Il serra son arme contre lui, le souffle court. La porte était si proche, et pourtant si loin. En tapant un sprint, il pouvait encore l’atteindre… avec une chance inouïe. Les probabilités qu’il se fasse canarder en route étaient bien plus hautes. « El Angel ! Brekk ! » hurla-t-il, recroquevillé derrière son bien maigre abri. La fumée commençait à se dissiper, mais aucune trace des deux autres. Était-il seul, désormais ?
Gary Kovani
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Jeu 18 Jan 2024 - 22:57
Il y a bien longtemps, sur une planète lointaine, très lointaine,
Je me recroqueville lorsque les ronces acérées, dans lesquelles je me suis lové au mépris de la survie de mon treillis, vomissent l’imposante silhouette. Xzintia se campe devant moi, massive, les avant-bras griffés jusqu’au sang. L’épicanthix, ancienne membre des forces spéciales Républicaines, me domine de son deux mètre trente et des poussières devenues anecdotiques. Sa tenue de combat moulante, couleur Jungle Ondéronienne – c’est-à-dire un amas chaotiques de nuances grises, marrons et vertes – exacerbe les courbes rigide de son impressionnante musculature. Elle me décoche un sourire carnassier avant de braquer son flingue factice sur ma poitrine. Elle presse la détente. Mon plastron vibre.
« T’es mort Kovani. » Je lui réponds d’un regard penaud de padawan intimidé. Xzinta a traumatisé une génération entière de Jedi avec ses cours de survie dans la nature sauvage et hostile d’Ondéron. « Ne jamais rester statique. C’est la première règle, tu te souviens ? Il faut toujours bouger… »
« Mais… » L’espace d’un instant, je puise dans ce qu’il me reste de courage pour lui répondre : « Si je m’étais mis à courir, vous m’auriez tiré dessus. »
« Ah oui ? Et je viens de faire quoi là ? » Elle rengaine son arme, et me tend un bras aussi large mon tronc pour m’aider à me relever. « C’est un biais dont tu dois te défaire, jeune Jedi. Ce sont les proies qui se cachent, et elles finissent toujours dévorées. N’importe quel pisteur saura retrouver ta trace, quel que soit l’endroit où tu te crois en sécurité. Si tu te caches, si tu restes immobile, tu ne finiras par mourir. Point barre. Il n’y a pas de discussion. Si tu veux survivre, tu n’as qu’une seule option : toujours te déplacer. Avance, brouille les pistes, et si l’autre ne te lâche pas les basques, arrête-toi seulement lorsque tu trouveras un terrain qui t’avantage pour lui faire face. Reçu ? »
« Oui Madame. » Son regard s’assombrit
« C’est Colonel. » Vieilles habitudes militaires qui m’échappent. Elle a quitté le service actif depuis une décennie. Mais les Jedi du Temple l’affublent toujours respectueusement de son grade. Elle s’y accroche, comme si ce titre à lui seul définissait sa véritable personne. J’obtempère presque mécaniquement :
« Oui Colonel. »
« Bien. Retourne au camp de base. J’ai encore deux des tes petits camarades à retrouver… Eux au moins ont écouté les leçons. Ça va être une belle partie de chasse… »
Retour au présent, La Chureca
Je lève les deux mains, résigné :
« Moi ça me va. » Le plan est tordu, dangereux, hasardeux. Mais je n’ai pas mieux à proposer pour enfoncer la ligne de front marquée par les échanges de tirs entre les deux gangs à présent en guerre ouverte. Une situation qui ne se calmera pas avant plusieurs jours. Lorsque l’un des deux camps aura exterminé l’autre. Les jeunes enrôlés qui composent la majeure partie des effectifs n’ont pas grand-chose à perdre, ici-bas, à part leur vie de misère qui ne pèse pas bien lourd dans la balance de leurs motivation. Ils n’ont aucun avenir, en dehors de ces groupes, ou dans un autre quartier. Alors ils combattent jusqu’à la mort. Pour leur survie. Ils ne s’arrêteront pas d’eux même. « L’important c’est qu’on bouge rapidement. Dès qu’ils auront remarqué notre présence, chaque camp pensera qu’on appartient à l’autre… Et ils nous canarderont sans discontinuer. » Je dis souvent que la meilleure des défense n’est pas l’attaque, mais la diversion. Ce petit gars, Coda donc – présentations malingres induites par l’urgence pyrotechnique - partage mon état d’esprit. Il va droit au but. Une attitude que je respecte.
« Tu peux m’appeler El Angel, ouais. » Je suis convaincu qu’il aurait continué à m’appeler ainsi, même si je lui avais donné mon véritable nom. Mais pour des questions de sécurité, autant pour les Jedi que le dispensaire, je préfère rester encore quelques temps cachés derrière ce pseudonyme anonyme. « T’as l’air bien connaitre le coin. Je te suis. » Je ne pipe mot, mais l’état de son pote m’inquiète chaque instant un peu plus. Il fait le mariole, grand sourire, mais je peux lire au fond de ses yeux la douleur et la détresse. Il ne l’avouera jamais, surtout devant moi, un inconnu : mais il a peur. On prétend que ceux qui n’ont rien à perdre ne craignent pas la mort. C’est faux. L’instinct de survie ne se dicte pas. La peur meurt avec l’espoir. Lorsqu’on se résigne et que l’on accepte, au plus profond de son être, que tout est perdu. Ce qui n’est pas encore le cas : le plan de Coda, aussi foireux soit-il, nous offre un mince espoir de nous en tirer. « Ouais, je ne suis pas né dans le coin. Mais j’ai passé plus de temps dans les tréfonds qu’au sommet des mégatours. La panorama est peut-être plus sympa, mais la faune est tout aussi sauvage, derrière les vernis. Je préfère trainer ici. Moins de faux-semblants. » Je réponds machinalement, vexé, me sentant malgré moi mis en porte-à-faux. Je ne suis pas un enfant des rues, et je ne le serai jamais. Je le déteste, l’espace d’une fraction de seconde, pour cette vérité crue qu’il me balance au visage, avec un implacable pragmatisme. Mais aussitôt je ferme mon clapet et chasse les pensées sombres. Focus sur l’instant présent. Justifier mes choix de vie ne nous sera d’aucune utilité… Je capitule.
Après quelques minutes de marche, ponctuées d’acrobaties, nous gagnons la zone d’évacuation des déchets du district industriel. Déchet : un euphémisme pour décrire les amas de tôles et de composants dévorés par les intempéries, émiettés par les années, pulvérisés par le piétinement de générations de pilleurs opportunistes. Tout comme la roche et les coquillages subissent les assauts des vagues, jusqu’à devenir du sable fin, ici les rejets industriels sont retournés à la poussière primordiale : d’infimes molécules déchiquetées qui s’élèvent à chacun de nos pas. Je porte le tissu de mon col à ma bouche. Un silence morbide nous entoure, seulement fracturé par le crissement de nos pas sur les cartes électroniques éventrées. Au-dessus de nos têtes, au niveau supérieur, quelques claquements de bottes, suivi de détonations assourdies par l’épaisseur des fondations, attestent encore des combats qui se poursuivent. Ils sont encore loin. Mais pas pour longtemps. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’un fuyard tente sa chance de ce côté-ci de la décharge, et nous croise sur son chemin, blaster au clair, tout comme ses poursuivants.
La Force m’offre bien des dons. Dont celui ne pas seulement voir au travers de mes yeux. La pénombre de plus en plus dense n’entrave en rien ma capacité à anticiper les imprévus. Au loin, quelques points lumineux virevoltent dans les nappes évanescentes de poussières. Des lucioles, perturbées par les infimes fluctuations d’air induites par notre présence. Ou bien s’agit-il de vieux droïdes défoncés qui claudiquent sans but, en attendant l’inévitable décès de leurs batteries. La vie s’accroche où elle peut : c’est-à-dire partout, même dans les lieux les moins propice à sa prolifération. Lorsque Brekk dégaine sa lampe torche, elles disparaissent. Peut-être se sent-il plus rassuré par la tiède clarté jaune pisse. Mais, en contrepartie, la lumière crue joue avec les volutes qui filtrent les ombres portées des monticules brinquebalants. Elle fait naitre de notre imaginaire des silhouettes fantomatiques, monstrueuses. Chaque forme étendue au sol, carcasse mutilées de droïdes, ressemble à un cadavre endormi, le flanc perforé par un tir : la prophétie de notre avenir proche si le plan de Coda ne fonctionne pas.
« Droïde de transport médical. Modèle ASK-7 » Je siffle entre mes dents serrées. « Je n’en ai pas vu en activité depuis plus de deux décennies. » Ce ne me rajeunit pas… Mais j’imagine ce que antiquités technologiques sont encore d’actualité dans les bas-fonds. J’aide Coda à le soulever. Il pèse un Hutt mort l’enfoiré. Une rapide inspection confirme le diagnostique du jeune pilleur. Les servomoteurs ont l’air intact. Une fois dégagé du monticule, aucun fluide douteux ne s’échappe de son pectoral arraché. Certes ses composants ont vieilli prématurément… Mais sauf dégâts internes invisibles, ou bug logiciel, il devrait accomplir son ultime mission avec brio. « Laisse-moi le tronc, et prend les jambes. »
Le périple retour s’avère aussi pénible physiquement que psychologiquement. Le poids du droïde nous impose un rythme lent, parsemé de trébuchements hasardeux. Chaque pas nous rapproche de l’épicentre du champ de bataille, un coin sans intérêt de la décharge qu’aucun des deux gangs ne veut céder à l’autre. Les détonations, qui se réverbère en échos multiples nous assourdissent progressivement. Aucun de nous n’ose ouvrir la bouche, comme si notre silence de façade nous préservait d’une mort prématurée et fortuite. J’inspire longuement, puise en la Force pour étendre bien au-delà des frontières de mon enveloppe charnelle mes sens décuplés. Les vies fauchées laissent un sillon frigide dans sa trame invisible. Je frisonne. Lors que le premier corps, défiguré, nous force à dévier de notre périlleuse trajectoire, nous réalisons que nous sommes proche du but. Il n’y a plus de marche arrière possible. Un seul talus nous sépare à présent des âmes belliqueuses. Je dépose enfin la carcasse et laisse Coda s’activer dessus. J’ai déjà mon pied de biche en main, prêt à fondre sur le moindre importun. A cet instant je ne parie pas sur le jeune homme. Mais je suis heureux de me tromper. Le robot médical est rapidement remis en fonction. Il s’élance dans la mêlée. L’instant se fige en un tableau morbide et surréaliste, et s’achève en apothéose : d’une terrible explosion. Je me jette au sol, sur l’injonction réflexe de Coda. Des shrapnel arrachés à la décharge par la déflagration fusent dans toutes les directions. L’onde de choc me sonne, m’assourdit. Tympans qui sifflent. Mais ma conscience du danger reste intacte. Tel un ressort soudainement libéré de sa pression, je bondis.
L’explosion a soufflé un véritable mur de poussières. Un brouillard de particules qui occultent la vision à plus de deux mètres… Mais même un telle barrière ne suffit à stopper les belligérants. La sidération évincée, les festivités reprennent. Redoublent même. Faute de cibles visibles, les deux gangs tirent dans toutes les directions, craignant d’être débordés par une manœuvre adverse. Juste devant moi, Brekk trébuche sur un cadavre. Je l’attrape par l’aisselle et l’emporte dans mon élan. Nous perdons l’équilibre. Alors je me laisse entrainer, avec lui, le long de la pente douce, espérant me placer sous les lignes de tirs lasers qui déchirent les volutes vaporeuses de leurs trainées luminescentes au-dessus de nos têtes. Nous avons perdu Coda. Je me relève, le cherche du regard, lorsque soudain mon échine se hérisse. Je volte-face, pied-de-biche levé comme un sabre. J’intercepte le premier tir d’un geste réflexe. Le rayon mortel s’écrase sur la tête de mon arme, qui vire au rouge. L’Energie dissipée me roussie la moitié du visage. « Mets-toi à couvert Brekk ! » Mon bras bouge avec une célérité contre-nature. Je pare un second tir, puis un troisième. Ce dernier arrache la tête fendu du pied-de-biche, déjà à demi liquéfiée par la chaleur cumulée. Une silhouette se dessine dans le brouillard. Une masse sombre vaguement humaine. Sans réfléchir, je jette dessus le cadavre encore chaud de mon arme. Elle fend l’air en sifflant. Bruit mat de la chair meurtrie. L’ombre s’effondre, dans un silence surréaliste. « On bouge ! D’autres arrivent ! »
Les Ggatar abandonnent leurs positions. Ils se replient pêle-mêle droit dans notre direction. « Là ! » Je désigne d’un index furieux l’extrémité fracturé d’une vieille canalisation depuis longtemps asséchée. Je pousse dans le dos de Brekk pour le projeter à l’intérieur. « Ne bouge surtout pas ! Toi tu te planques, moi je m’occupe de ces connards. » Je l’abandonne aussitôt. S’en suit une pluie de lasers. Quelques cris étouffés. Des lueurs qui dansent dans la semi-pénombre. Lorsque les poussières retombent, je tends un bras amical à un Brekk qui ne cherche plus à cacher sa peur. Un laser m’a déchiré l’épaule, ma combinaison est bardée de sang. Derrière, dix mètres plus haut sur le monticule, sept cadavres gisent dans des positions impossibles. « Coda est plus haut ! Faut pas rester dans le coin ! La gars de la Blanche vont sortir de leur trou maintenant que les tirs ont cessés ! » Comment je le sais ? La Force chuchote à mes oreilles.
Je le tire à moi, et le lance, au pas de cours, dans la direction d’une structure rouillée, brinquebalante, munie d’une vieille échelle corrodée qui n’inspire aucune confiance. Il y a environ cinq mètre à monter, dans l’ombre d’une citerne éventrée, abandonnée là par El Culo. Je ne préfère pas imaginer les produits chimiques potentiellement mortels qui en ruissèlent avec l’humidité.
C’est une main amicale, enfin, qui nous accueille là-haut. Celle de Coda. J’ignore comment il est parvenu à passer entre les mailles du repli mouvementé des Ggatar. J’ai perdu sa trace lors du combat éclair. Le jeune a de la ressource, et un mental à l’épreuve des péripéties d’une vie de misère. Je le gratifie d’une claque dans le dos.
« Bien joué mi amigo. T’es un pro des circuits. Je saurais m’en souvenir si on se recroise un de ces jours. » Un rapide état des lieux m’inspire une once d’espoir. « On dirait que les Ggatar ont quitté le secteur. Soit les pieds devant, soit la queue entre les jambes… » Et, bien entendu, les gars de la Blanche leur colle aux fesses, comme des morpions sur l’entrejambe d’un gamoréen. Tel l’orage qui s’éloigne, les échos des tirs nous parviennent de plus en plus tardivement après les lumières crues des lasers. Je détourne le regard de la scène de guerre urbaine, pour me concentrer sur mon environnement immédiat. Je ne perçois aucune menace. Les combats ont fait fuir les badauds et les curieux. Aucun être de plus de deux neurones ne se terre à moins de trois cents mètres à la ronde. Mes épaules s’affaissent légèrement. La pression retombe. Une descente hormonal qui laisse Brekk dans un état second, le regard vide, visage livide, membres tremblants. Le type tire sur ses ultimes ressources depuis quelques temps déjà. Il va tourner de l’œil dans peu de temps. Et si cela arrive, je doute de ses chances de survie.
« C’est bon, je sais où on est. La cantina de Mama Mariquita est au bout de la ruelle là. » Une twi’lek, fripée jusqu’à l’os, qui doit son surnom aux multiples tâches de vieillesse qui parsème sa peau carmine. Elle fait les meilleurs tapas de tout le secteur. A condition de pas être trop regardant sur l’origine des matières protéinées. A l’heure de pointe, alors que le ferrailleurs ont l’estomac qui grogne, il faut s’armer de patience pour obtenir ce graal culinaire. « Le dispensaire est à la périphérie du district. On y sera dans moins de cinq minutes. » Cette fois je ne fais plus dans la dentelle. J’attrape Brekk et le passe par-dessus mon épaule, comme un sac poubelle en piteux état. Il ne résiste même pas. Dans mon dos, ses fluides vitaux tièdes barbouillent déjà ma combinaison. « J’espère que t’as encore des jambes, mi compañero, parce qu’on n’a plus une seconde à perdre si tu veux que ton colega s’en tire. Essaye de le maintenir éveillé… Faut pas qu’il ferme les yeux. »
S’en suit un sprint époumonnant au milieu des rues désertées par ses habitants prudents. Ils n’en sont pas à leur première guerre de gang. Contrairement à l’adage que l’on m’a enseigné plus jeune : dans ce cas, il vaut mieux se barricader, pour éviter les quiproquo et les tirs perdus. Chose promise, chose due : cinq minutes plus tard, nous émergeons d’une coursive branlante sur une petite place circulaire, dont le centre est encombré par le treillage rouillé sans valeur d’une ancienne sculpture en permabéton. Bien malin serait celui capable de nous dire ce qu’elle commémorait jadis. Elle marque la limite administrative de La Chureca : une frontière invisible dont tout le monde s’en branle en vérité. Sur la gauche s’élève un petit immeuble qui aurait été totalement anonyme sans le néon vert fluo au-dessus de la porte, indiquant l’entrée de la clinique de Jesaëlle. Je m’y engouffre. Mais je dois aussitôt ralentir. L’escalier menant à la salle d’attente au premier demi-palier, est déjà noir de monde. La plupart serrent, visages déformés par la douleur, les morsures calcinées des lasers d’Energie pure. Quelqu’uns portent les marques distinctives de La Blanche, ou des Ggatar… Mais la majorité sont seulement de parfais innocents, coincés entre les échanges d’amabilité laser. Personne ne bronche. Il y a une règle d’or ici : les affaires des gangs restent à l’extérieur. L’établissent est sous la protection de la Brandida. Un groupe mafieux bien mieux organiser que les petits gangs des rues, qui domine le quartier d’à côté El Agujero : un district construit dans la cuvette du cratère laissé dans les fondations artificielles des bas-fonds par un accident incident industriel dévastateur. La légende local prétend que la déchirure en son centre, le trou sans fond, mène jusqu’au sol de la planète, des kilomètres sous le béton et l’acier, d’où personne ne revient jamais. La Brandida en abuse régulièrement pour se débarrasser de ceux qui ne respectent pas ses règles strictes…
Mais là, immédiatement, c’est Korgan Kessel qui assure la sécurité. Un colosse, ancien membre des Typhon, une escouade des Forces Spéciales Républicaines. Une machine à tuer aux formes vaguement humaines, tant l’acier se mêle aux chairs là ou son corps meurtri a été réparé par des prothèses. Jesaëlle et lui forment un couple étrangement fonctionnel. Il aurait renié l’armée Républicaine aux premières heures de l’exode pour la sauver et l’exfiltrer. Rien que cette histoire lui vaut mon respect, malgré l’aversion que je porte usuellement pour les types de son acabit : des bidasses sans cervelles conditionnés comme des chiens d’attaques.
Je me glisse entre les silhouettes recroquevillées sur les marches, sous le regard sombre de Korgan. La salle d’attente déborde de monde. A l’intérieur, je crois voir, l’espace d’un fugace instant, la silhouette de Jesaëlle, joli brin de Zélosienne, qui s’éclipse aussitôt dans la salle d’auscultation.
« C’est toi qu’a encore foutu ta merde ? » Korgan m’invective sans ménagement en guise de formule de bienvenue. Pour une fois ce n’est pas moi non.
« Détrompe-toi, cette fois je… »
« J’m’en branle. Fait la queue, comme tout le monde. »
« Le gamin va y passer. Non. Je monte à l’étage. »
Il grogne mais me laisse passer. C’est là-haut que se planque les locaux discrets de l’annexe du Bureau de Recherche des Jedi Disparus. Presque tout l’étage est occupé par un immense arbre qui pousse entre les niveaux éventrés d’où ploquent périodiquement de grosses gouttes d’humidité. Un arbre sensible à la Force qu’élève Jesaëlle pour protéger sa serre médicale des contaminations environnementales. Ses racines s’enfoncent dans les intersites laissés par le ruissellement dans les fondations du quartier. J’ignore comment il parvient à survivre, sans terre ferme, sans humus. Une prouesse. Bref. Je le tourne et entre dans l’unique pièce viable : une petit studio de quinze mètre carrés préservé des infiltrations, et presque correctement isolé du brouhaha incessant de la rue en contrebas.
D’un mouvement de l’avant-bras, je dégage une table couverte de cartes du secteurs, et allonge Brekk dessus. Et ordonne aussitôt à mon acolyte du BRJD, une caamasi intimidée :
« Va chercher Murielle ! » Une Jedi du MedCorps qui assiste Jesaëlle depuis trois semaines. « Tu lui dis que c’est une urgence… De ma part, go ! » Elle obtempère sans un mot, en détourant le regard du moignon sanguinolent. « Si t’es au courant des antécédents médicaux de ton pote, c’est le moment de cracher le morceau. »
Je me recroqueville lorsque les ronces acérées, dans lesquelles je me suis lové au mépris de la survie de mon treillis, vomissent l’imposante silhouette. Xzintia se campe devant moi, massive, les avant-bras griffés jusqu’au sang. L’épicanthix, ancienne membre des forces spéciales Républicaines, me domine de son deux mètre trente et des poussières devenues anecdotiques. Sa tenue de combat moulante, couleur Jungle Ondéronienne – c’est-à-dire un amas chaotiques de nuances grises, marrons et vertes – exacerbe les courbes rigide de son impressionnante musculature. Elle me décoche un sourire carnassier avant de braquer son flingue factice sur ma poitrine. Elle presse la détente. Mon plastron vibre.
« T’es mort Kovani. » Je lui réponds d’un regard penaud de padawan intimidé. Xzinta a traumatisé une génération entière de Jedi avec ses cours de survie dans la nature sauvage et hostile d’Ondéron. « Ne jamais rester statique. C’est la première règle, tu te souviens ? Il faut toujours bouger… »
« Mais… » L’espace d’un instant, je puise dans ce qu’il me reste de courage pour lui répondre : « Si je m’étais mis à courir, vous m’auriez tiré dessus. »
« Ah oui ? Et je viens de faire quoi là ? » Elle rengaine son arme, et me tend un bras aussi large mon tronc pour m’aider à me relever. « C’est un biais dont tu dois te défaire, jeune Jedi. Ce sont les proies qui se cachent, et elles finissent toujours dévorées. N’importe quel pisteur saura retrouver ta trace, quel que soit l’endroit où tu te crois en sécurité. Si tu te caches, si tu restes immobile, tu ne finiras par mourir. Point barre. Il n’y a pas de discussion. Si tu veux survivre, tu n’as qu’une seule option : toujours te déplacer. Avance, brouille les pistes, et si l’autre ne te lâche pas les basques, arrête-toi seulement lorsque tu trouveras un terrain qui t’avantage pour lui faire face. Reçu ? »
« Oui Madame. » Son regard s’assombrit
« C’est Colonel. » Vieilles habitudes militaires qui m’échappent. Elle a quitté le service actif depuis une décennie. Mais les Jedi du Temple l’affublent toujours respectueusement de son grade. Elle s’y accroche, comme si ce titre à lui seul définissait sa véritable personne. J’obtempère presque mécaniquement :
« Oui Colonel. »
« Bien. Retourne au camp de base. J’ai encore deux des tes petits camarades à retrouver… Eux au moins ont écouté les leçons. Ça va être une belle partie de chasse… »
****
Retour au présent, La Chureca
Je lève les deux mains, résigné :
« Moi ça me va. » Le plan est tordu, dangereux, hasardeux. Mais je n’ai pas mieux à proposer pour enfoncer la ligne de front marquée par les échanges de tirs entre les deux gangs à présent en guerre ouverte. Une situation qui ne se calmera pas avant plusieurs jours. Lorsque l’un des deux camps aura exterminé l’autre. Les jeunes enrôlés qui composent la majeure partie des effectifs n’ont pas grand-chose à perdre, ici-bas, à part leur vie de misère qui ne pèse pas bien lourd dans la balance de leurs motivation. Ils n’ont aucun avenir, en dehors de ces groupes, ou dans un autre quartier. Alors ils combattent jusqu’à la mort. Pour leur survie. Ils ne s’arrêteront pas d’eux même. « L’important c’est qu’on bouge rapidement. Dès qu’ils auront remarqué notre présence, chaque camp pensera qu’on appartient à l’autre… Et ils nous canarderont sans discontinuer. » Je dis souvent que la meilleure des défense n’est pas l’attaque, mais la diversion. Ce petit gars, Coda donc – présentations malingres induites par l’urgence pyrotechnique - partage mon état d’esprit. Il va droit au but. Une attitude que je respecte.
« Tu peux m’appeler El Angel, ouais. » Je suis convaincu qu’il aurait continué à m’appeler ainsi, même si je lui avais donné mon véritable nom. Mais pour des questions de sécurité, autant pour les Jedi que le dispensaire, je préfère rester encore quelques temps cachés derrière ce pseudonyme anonyme. « T’as l’air bien connaitre le coin. Je te suis. » Je ne pipe mot, mais l’état de son pote m’inquiète chaque instant un peu plus. Il fait le mariole, grand sourire, mais je peux lire au fond de ses yeux la douleur et la détresse. Il ne l’avouera jamais, surtout devant moi, un inconnu : mais il a peur. On prétend que ceux qui n’ont rien à perdre ne craignent pas la mort. C’est faux. L’instinct de survie ne se dicte pas. La peur meurt avec l’espoir. Lorsqu’on se résigne et que l’on accepte, au plus profond de son être, que tout est perdu. Ce qui n’est pas encore le cas : le plan de Coda, aussi foireux soit-il, nous offre un mince espoir de nous en tirer. « Ouais, je ne suis pas né dans le coin. Mais j’ai passé plus de temps dans les tréfonds qu’au sommet des mégatours. La panorama est peut-être plus sympa, mais la faune est tout aussi sauvage, derrière les vernis. Je préfère trainer ici. Moins de faux-semblants. » Je réponds machinalement, vexé, me sentant malgré moi mis en porte-à-faux. Je ne suis pas un enfant des rues, et je ne le serai jamais. Je le déteste, l’espace d’une fraction de seconde, pour cette vérité crue qu’il me balance au visage, avec un implacable pragmatisme. Mais aussitôt je ferme mon clapet et chasse les pensées sombres. Focus sur l’instant présent. Justifier mes choix de vie ne nous sera d’aucune utilité… Je capitule.
Après quelques minutes de marche, ponctuées d’acrobaties, nous gagnons la zone d’évacuation des déchets du district industriel. Déchet : un euphémisme pour décrire les amas de tôles et de composants dévorés par les intempéries, émiettés par les années, pulvérisés par le piétinement de générations de pilleurs opportunistes. Tout comme la roche et les coquillages subissent les assauts des vagues, jusqu’à devenir du sable fin, ici les rejets industriels sont retournés à la poussière primordiale : d’infimes molécules déchiquetées qui s’élèvent à chacun de nos pas. Je porte le tissu de mon col à ma bouche. Un silence morbide nous entoure, seulement fracturé par le crissement de nos pas sur les cartes électroniques éventrées. Au-dessus de nos têtes, au niveau supérieur, quelques claquements de bottes, suivi de détonations assourdies par l’épaisseur des fondations, attestent encore des combats qui se poursuivent. Ils sont encore loin. Mais pas pour longtemps. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’un fuyard tente sa chance de ce côté-ci de la décharge, et nous croise sur son chemin, blaster au clair, tout comme ses poursuivants.
La Force m’offre bien des dons. Dont celui ne pas seulement voir au travers de mes yeux. La pénombre de plus en plus dense n’entrave en rien ma capacité à anticiper les imprévus. Au loin, quelques points lumineux virevoltent dans les nappes évanescentes de poussières. Des lucioles, perturbées par les infimes fluctuations d’air induites par notre présence. Ou bien s’agit-il de vieux droïdes défoncés qui claudiquent sans but, en attendant l’inévitable décès de leurs batteries. La vie s’accroche où elle peut : c’est-à-dire partout, même dans les lieux les moins propice à sa prolifération. Lorsque Brekk dégaine sa lampe torche, elles disparaissent. Peut-être se sent-il plus rassuré par la tiède clarté jaune pisse. Mais, en contrepartie, la lumière crue joue avec les volutes qui filtrent les ombres portées des monticules brinquebalants. Elle fait naitre de notre imaginaire des silhouettes fantomatiques, monstrueuses. Chaque forme étendue au sol, carcasse mutilées de droïdes, ressemble à un cadavre endormi, le flanc perforé par un tir : la prophétie de notre avenir proche si le plan de Coda ne fonctionne pas.
« Droïde de transport médical. Modèle ASK-7 » Je siffle entre mes dents serrées. « Je n’en ai pas vu en activité depuis plus de deux décennies. » Ce ne me rajeunit pas… Mais j’imagine ce que antiquités technologiques sont encore d’actualité dans les bas-fonds. J’aide Coda à le soulever. Il pèse un Hutt mort l’enfoiré. Une rapide inspection confirme le diagnostique du jeune pilleur. Les servomoteurs ont l’air intact. Une fois dégagé du monticule, aucun fluide douteux ne s’échappe de son pectoral arraché. Certes ses composants ont vieilli prématurément… Mais sauf dégâts internes invisibles, ou bug logiciel, il devrait accomplir son ultime mission avec brio. « Laisse-moi le tronc, et prend les jambes. »
Le périple retour s’avère aussi pénible physiquement que psychologiquement. Le poids du droïde nous impose un rythme lent, parsemé de trébuchements hasardeux. Chaque pas nous rapproche de l’épicentre du champ de bataille, un coin sans intérêt de la décharge qu’aucun des deux gangs ne veut céder à l’autre. Les détonations, qui se réverbère en échos multiples nous assourdissent progressivement. Aucun de nous n’ose ouvrir la bouche, comme si notre silence de façade nous préservait d’une mort prématurée et fortuite. J’inspire longuement, puise en la Force pour étendre bien au-delà des frontières de mon enveloppe charnelle mes sens décuplés. Les vies fauchées laissent un sillon frigide dans sa trame invisible. Je frisonne. Lors que le premier corps, défiguré, nous force à dévier de notre périlleuse trajectoire, nous réalisons que nous sommes proche du but. Il n’y a plus de marche arrière possible. Un seul talus nous sépare à présent des âmes belliqueuses. Je dépose enfin la carcasse et laisse Coda s’activer dessus. J’ai déjà mon pied de biche en main, prêt à fondre sur le moindre importun. A cet instant je ne parie pas sur le jeune homme. Mais je suis heureux de me tromper. Le robot médical est rapidement remis en fonction. Il s’élance dans la mêlée. L’instant se fige en un tableau morbide et surréaliste, et s’achève en apothéose : d’une terrible explosion. Je me jette au sol, sur l’injonction réflexe de Coda. Des shrapnel arrachés à la décharge par la déflagration fusent dans toutes les directions. L’onde de choc me sonne, m’assourdit. Tympans qui sifflent. Mais ma conscience du danger reste intacte. Tel un ressort soudainement libéré de sa pression, je bondis.
L’explosion a soufflé un véritable mur de poussières. Un brouillard de particules qui occultent la vision à plus de deux mètres… Mais même un telle barrière ne suffit à stopper les belligérants. La sidération évincée, les festivités reprennent. Redoublent même. Faute de cibles visibles, les deux gangs tirent dans toutes les directions, craignant d’être débordés par une manœuvre adverse. Juste devant moi, Brekk trébuche sur un cadavre. Je l’attrape par l’aisselle et l’emporte dans mon élan. Nous perdons l’équilibre. Alors je me laisse entrainer, avec lui, le long de la pente douce, espérant me placer sous les lignes de tirs lasers qui déchirent les volutes vaporeuses de leurs trainées luminescentes au-dessus de nos têtes. Nous avons perdu Coda. Je me relève, le cherche du regard, lorsque soudain mon échine se hérisse. Je volte-face, pied-de-biche levé comme un sabre. J’intercepte le premier tir d’un geste réflexe. Le rayon mortel s’écrase sur la tête de mon arme, qui vire au rouge. L’Energie dissipée me roussie la moitié du visage. « Mets-toi à couvert Brekk ! » Mon bras bouge avec une célérité contre-nature. Je pare un second tir, puis un troisième. Ce dernier arrache la tête fendu du pied-de-biche, déjà à demi liquéfiée par la chaleur cumulée. Une silhouette se dessine dans le brouillard. Une masse sombre vaguement humaine. Sans réfléchir, je jette dessus le cadavre encore chaud de mon arme. Elle fend l’air en sifflant. Bruit mat de la chair meurtrie. L’ombre s’effondre, dans un silence surréaliste. « On bouge ! D’autres arrivent ! »
Les Ggatar abandonnent leurs positions. Ils se replient pêle-mêle droit dans notre direction. « Là ! » Je désigne d’un index furieux l’extrémité fracturé d’une vieille canalisation depuis longtemps asséchée. Je pousse dans le dos de Brekk pour le projeter à l’intérieur. « Ne bouge surtout pas ! Toi tu te planques, moi je m’occupe de ces connards. » Je l’abandonne aussitôt. S’en suit une pluie de lasers. Quelques cris étouffés. Des lueurs qui dansent dans la semi-pénombre. Lorsque les poussières retombent, je tends un bras amical à un Brekk qui ne cherche plus à cacher sa peur. Un laser m’a déchiré l’épaule, ma combinaison est bardée de sang. Derrière, dix mètres plus haut sur le monticule, sept cadavres gisent dans des positions impossibles. « Coda est plus haut ! Faut pas rester dans le coin ! La gars de la Blanche vont sortir de leur trou maintenant que les tirs ont cessés ! » Comment je le sais ? La Force chuchote à mes oreilles.
Je le tire à moi, et le lance, au pas de cours, dans la direction d’une structure rouillée, brinquebalante, munie d’une vieille échelle corrodée qui n’inspire aucune confiance. Il y a environ cinq mètre à monter, dans l’ombre d’une citerne éventrée, abandonnée là par El Culo. Je ne préfère pas imaginer les produits chimiques potentiellement mortels qui en ruissèlent avec l’humidité.
C’est une main amicale, enfin, qui nous accueille là-haut. Celle de Coda. J’ignore comment il est parvenu à passer entre les mailles du repli mouvementé des Ggatar. J’ai perdu sa trace lors du combat éclair. Le jeune a de la ressource, et un mental à l’épreuve des péripéties d’une vie de misère. Je le gratifie d’une claque dans le dos.
« Bien joué mi amigo. T’es un pro des circuits. Je saurais m’en souvenir si on se recroise un de ces jours. » Un rapide état des lieux m’inspire une once d’espoir. « On dirait que les Ggatar ont quitté le secteur. Soit les pieds devant, soit la queue entre les jambes… » Et, bien entendu, les gars de la Blanche leur colle aux fesses, comme des morpions sur l’entrejambe d’un gamoréen. Tel l’orage qui s’éloigne, les échos des tirs nous parviennent de plus en plus tardivement après les lumières crues des lasers. Je détourne le regard de la scène de guerre urbaine, pour me concentrer sur mon environnement immédiat. Je ne perçois aucune menace. Les combats ont fait fuir les badauds et les curieux. Aucun être de plus de deux neurones ne se terre à moins de trois cents mètres à la ronde. Mes épaules s’affaissent légèrement. La pression retombe. Une descente hormonal qui laisse Brekk dans un état second, le regard vide, visage livide, membres tremblants. Le type tire sur ses ultimes ressources depuis quelques temps déjà. Il va tourner de l’œil dans peu de temps. Et si cela arrive, je doute de ses chances de survie.
« C’est bon, je sais où on est. La cantina de Mama Mariquita est au bout de la ruelle là. » Une twi’lek, fripée jusqu’à l’os, qui doit son surnom aux multiples tâches de vieillesse qui parsème sa peau carmine. Elle fait les meilleurs tapas de tout le secteur. A condition de pas être trop regardant sur l’origine des matières protéinées. A l’heure de pointe, alors que le ferrailleurs ont l’estomac qui grogne, il faut s’armer de patience pour obtenir ce graal culinaire. « Le dispensaire est à la périphérie du district. On y sera dans moins de cinq minutes. » Cette fois je ne fais plus dans la dentelle. J’attrape Brekk et le passe par-dessus mon épaule, comme un sac poubelle en piteux état. Il ne résiste même pas. Dans mon dos, ses fluides vitaux tièdes barbouillent déjà ma combinaison. « J’espère que t’as encore des jambes, mi compañero, parce qu’on n’a plus une seconde à perdre si tu veux que ton colega s’en tire. Essaye de le maintenir éveillé… Faut pas qu’il ferme les yeux. »
S’en suit un sprint époumonnant au milieu des rues désertées par ses habitants prudents. Ils n’en sont pas à leur première guerre de gang. Contrairement à l’adage que l’on m’a enseigné plus jeune : dans ce cas, il vaut mieux se barricader, pour éviter les quiproquo et les tirs perdus. Chose promise, chose due : cinq minutes plus tard, nous émergeons d’une coursive branlante sur une petite place circulaire, dont le centre est encombré par le treillage rouillé sans valeur d’une ancienne sculpture en permabéton. Bien malin serait celui capable de nous dire ce qu’elle commémorait jadis. Elle marque la limite administrative de La Chureca : une frontière invisible dont tout le monde s’en branle en vérité. Sur la gauche s’élève un petit immeuble qui aurait été totalement anonyme sans le néon vert fluo au-dessus de la porte, indiquant l’entrée de la clinique de Jesaëlle. Je m’y engouffre. Mais je dois aussitôt ralentir. L’escalier menant à la salle d’attente au premier demi-palier, est déjà noir de monde. La plupart serrent, visages déformés par la douleur, les morsures calcinées des lasers d’Energie pure. Quelqu’uns portent les marques distinctives de La Blanche, ou des Ggatar… Mais la majorité sont seulement de parfais innocents, coincés entre les échanges d’amabilité laser. Personne ne bronche. Il y a une règle d’or ici : les affaires des gangs restent à l’extérieur. L’établissent est sous la protection de la Brandida. Un groupe mafieux bien mieux organiser que les petits gangs des rues, qui domine le quartier d’à côté El Agujero : un district construit dans la cuvette du cratère laissé dans les fondations artificielles des bas-fonds par un accident incident industriel dévastateur. La légende local prétend que la déchirure en son centre, le trou sans fond, mène jusqu’au sol de la planète, des kilomètres sous le béton et l’acier, d’où personne ne revient jamais. La Brandida en abuse régulièrement pour se débarrasser de ceux qui ne respectent pas ses règles strictes…
Mais là, immédiatement, c’est Korgan Kessel qui assure la sécurité. Un colosse, ancien membre des Typhon, une escouade des Forces Spéciales Républicaines. Une machine à tuer aux formes vaguement humaines, tant l’acier se mêle aux chairs là ou son corps meurtri a été réparé par des prothèses. Jesaëlle et lui forment un couple étrangement fonctionnel. Il aurait renié l’armée Républicaine aux premières heures de l’exode pour la sauver et l’exfiltrer. Rien que cette histoire lui vaut mon respect, malgré l’aversion que je porte usuellement pour les types de son acabit : des bidasses sans cervelles conditionnés comme des chiens d’attaques.
Je me glisse entre les silhouettes recroquevillées sur les marches, sous le regard sombre de Korgan. La salle d’attente déborde de monde. A l’intérieur, je crois voir, l’espace d’un fugace instant, la silhouette de Jesaëlle, joli brin de Zélosienne, qui s’éclipse aussitôt dans la salle d’auscultation.
« C’est toi qu’a encore foutu ta merde ? » Korgan m’invective sans ménagement en guise de formule de bienvenue. Pour une fois ce n’est pas moi non.
« Détrompe-toi, cette fois je… »
« J’m’en branle. Fait la queue, comme tout le monde. »
« Le gamin va y passer. Non. Je monte à l’étage. »
Il grogne mais me laisse passer. C’est là-haut que se planque les locaux discrets de l’annexe du Bureau de Recherche des Jedi Disparus. Presque tout l’étage est occupé par un immense arbre qui pousse entre les niveaux éventrés d’où ploquent périodiquement de grosses gouttes d’humidité. Un arbre sensible à la Force qu’élève Jesaëlle pour protéger sa serre médicale des contaminations environnementales. Ses racines s’enfoncent dans les intersites laissés par le ruissellement dans les fondations du quartier. J’ignore comment il parvient à survivre, sans terre ferme, sans humus. Une prouesse. Bref. Je le tourne et entre dans l’unique pièce viable : une petit studio de quinze mètre carrés préservé des infiltrations, et presque correctement isolé du brouhaha incessant de la rue en contrebas.
D’un mouvement de l’avant-bras, je dégage une table couverte de cartes du secteurs, et allonge Brekk dessus. Et ordonne aussitôt à mon acolyte du BRJD, une caamasi intimidée :
« Va chercher Murielle ! » Une Jedi du MedCorps qui assiste Jesaëlle depuis trois semaines. « Tu lui dis que c’est une urgence… De ma part, go ! » Elle obtempère sans un mot, en détourant le regard du moignon sanguinolent. « Si t’es au courant des antécédents médicaux de ton pote, c’est le moment de cracher le morceau. »
Coda Jago
# Re: Relax, gringo [PV Gary] - Ven 1 Mar 2024 - 13:32
Seul. Complètement seul.
Ses cris ne récoltait rien de plus que l’écho grinçant des plaques de tôles qui venaient se tordre sous les impacts des projectiles brûlants. Coda se recroquevilla sur le sol, ramenant ses jambes contre lui pour rester à couvert. Réfléchir, il devait réfléchir, mais son esprit n’était plus qu’un zootrope furieux qui déversait derrière ses paupières des images terrifiantes qu’il pensait avoir oubliées. Des visages couverts de sang, de poussière, de sourires mauvais ou bienveillants. Non loin, une explosion secoua le sol et Coda se couvrit la tête de ses bras. Il allait crever ici, alors qu’il avait promis au souvenir de Mago qu’il attendrait son retour sagement, sans mourir.
Un tir de blaster plia l’aluminium de la carrosserie du speedobus qui l’abritait. Coda se jeta en avant, tentant une roulade qui échoua lamentablement et qui ne lui servit qu’à déchirer sa cuisse sur l’arête coupante d’une plaque métallique. Coda ne sentit même pas la douleur, seulement la chaleur d’un ruissèlement tandis qu’il se remettait sur pied, porté par une vague d’adrénaline. Trébuchant à travers les débris, plié en deux, le visage caché derrière ses bras levés, Coda courait d’une démarche de poulet sans tête. Son corps oscillait à droite, puis à gauche, avant de finalement plonger en avant et de heurter de tout son poids la porte de service, qui céda sans difficulté.
Coda se rattrapa de justesse à la rampe de l’escalier de service rouillé, avant de projeter son corps brinquebalant vers les étages dans un concert de crissement de métal qui n’annonçait rien de bon. Par les étroites fenêtres couvertes de crasse, son oeil captait parfois un éclair orangé ou une explosion de métal et de thermoplexi, de temps en temps accompagnée d’un corps inerte.
Et soudain, deux silhouettes qui semblaient minuscules et bien trop lentes au milieu de cet enfer. Brekk. El Angel. Cramponnés à une vieille échelle comme à leur salut, filant vers le niveau supérieur.
Coda déboucha à l’air libre -si on pouvait appeler ça l’air libre- ses yeux brûlés par la poussière et les vapeurs qui empuantaient la Chureca. Sur sa face, la saleté faisait comme un masque de guerre et pourtant, il courait comme un lapin, se jetant à plat ventre pour tendre les bras au duo qui s’échappait de l’enfer. Dans son coeur, la panique diminuait comme le bruit des tirs, au loin. Ils étaient sauvés.
Presque.
Brekk avait des airs de fantôme. Son visage livide détonnait avec force sur la cape noire d’El Angel, mais le plus flippant, c’était sa tête qui ballotait au rythme des grandes enjambées de leur bienfaiteur. Coda contemplait son cou maigre avec horreur, terrifié à l’idée de le voir tout à coup se briser sous le choc, comme l’articulation fragile d’une marionnette. De temps en temps, il venait poser sa main sous la tête de son ami pour la soutenir, lorsqu’il fallait descendre un escalier inégal, ou traverser en courant les axes rapides en esquivant les chauffeurs maladroits, tout en se demandant ce qui pouvait bien motiver El Angel à leur venir en aide ainsi.
Coda ne croyait pas en la bienveillance du hasard. Le hasard était une vraie pute, il faisait s’écrouler des immeubles sur la tête de familles entières, il faisait disparaître des grands frères, il faisait perdre une main à des pauvres gars qui n’avaient rien demandé. Il ne mettait pas sur la route de deux petites âmes paumées un justicier masqué aux réflexes surhumains, qui avait l’air de connaître le coin comme sa poche, et qui connaissait comme de par hasard un dispensaire qui pouvait leur sauver la vie. « T’inquiète pas Brekk. J’les laisserai pas t’prendre un rein. » clama-t-il haut et fort sur un ton de défi, alors qu’ils pénétraient dans la clinique.
Pourtant, ce ne furent pas les masques froids de chirurgiens mafieux prêts à les délester de tous leurs organes qui les accueillirent, mais des faciès marqués par la souffrances, des membres arrachés, des visages brûlés et des plaintes incessantes qui descendaient des étages. Instinctivement, Coda se rapprocha d’El Angel, comme un gosse intimidé cherchant la sécurité derrière son vieux padre. Les gueules cassées se tournaient vers eux, dans un mélange de peine et de colère de se voir ainsi doublées. Coda détournait la tête pour ne croiser aucun regard, jusqu’à ce qu’il aperçoive Rebaba, une ferrailleuse bien connue du quartier, qui restait jolie malgré le fait qu’il lui manquait une dent. Assise à même le sol, adossée à un mur, elle serrait son ventre de ses deux mains couvertes de sang, immobile. Coda n’eut même pas le temps de se demander s’il était trop tard pour elle qu’il fut propulsé en avant, lancé tête la première dans un enfer rapidement désinfecté.
Mais Coda s’en foutait. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était de fixer la tête blonde de Brekk en regardant la vie la quitter petit à petit, bouche bée et impuissant. Ce n’était pas la première fois qu’il verrait un camarade mourir. Il se rappelait les râles humides des enfants qui crevaient les uns après les autres lors de l’épidémie de pneumogrise qui avait touché l’orphelinat quand il avait douze ans, la panique à l’usine d’armement lorsque son collègue, un gamin de seize ans à peine plus vieux que lui s’était fait rouler dessus par une unité mobile transportant des plaques métalliques et que ses poumons avaient éclaté avec un bruit gargouillant. Sans compter les innombrables connaissances qui un jour partaient les pieds devant pour diverses raisons, vieillesse, maladie, accidents… Sur Nar Shaddaa, on pondait à grande vitesse des tripotées de gamins qui tombaient comme des mouches. Les inconnus crevés, on ne les voyait même plus.
Mais Brekk, c’était différent. C’était son meilleur ami depuis qu’ils s’étaient battus à coups de barre de fer quand ils avaient neuf ans pour une barre énergétique Chalomp’yum, et que Coda, au prix d’une côte cassée, avait fait sauter trois dents au faciès de poupon du blondin. Finalement, on avait partagé le Chalomp’yum. Brekk l’avait dévoré, le visage crispé par la douleur et au mépris du sang qui lui coulait de la bouche. Ils avaient survécu à tout, et maintenant, il allait passer l’arme à gauche allongé sur un vieux bureau. Coda déglutit. « C’est un costaud. un jour il s’est fait mordre par un rat-puce, et il s’est coupé l’bout du doigt pour pas avoir la rage. Ça va qu’c’était la même main… Aussi il a eu la pneumogrise comme tout l’monde à l’orphelinat, y’a longtemps. Et puis la classique, il a la gale, la teigne, et tout le touti des pauvres, héhé. » ricana-t-il, avant de se reprendre. « Non, c’est pas vrai la dernière partie. Mais la dernière fois que le médecin d’en haut a fait une descente chez nous pour faire ses tests, il a dit qu’on manquait tous de lumière et de vitamines. Moi j’dis, la lumière et les vitamines, c’est pas ça qui paie le loyer, tu vois c’que je veux dire. »
Au même moment, la porte s’ouvrit pour laisser passer une haute silhouette masculine. « Murielle arrive, c’est quoi ce bordel ?! » cria le grand gars, le visage déformé par une plaque en plexiglas couverte de buée. « J’étais sûr que c’était toi, faut toujours que ça soit toi ! » beugla le type en direction d’El Angel. « Tu nous ramènes tous les chiens écrasés du coin ? Tu crois que j’ai que ça à faire ? »
Coda se redressait, blanc comme un linge, poings serrés. « T’es qui fils de pute ? » cracha-t-il. « El Angel a failli crever en bas pour sauver mon pote, toi t’es tranquille ici !
- C’est qui ce gueulard ? Il va me contaminer tout le coin, faites le sortir d’ici ! »
De la porte jaillit le colosse à moitié mécanique qui leur avait barré le passage un peu plus tôt. « C’est quoi ce boucan ? On vous entend d’en bas, la ferme.
- Emmène moi ça dehors !
- Touche moi et j’te fais sauter ce qu’il t’reste de tête, cabrón. Tu t’es déjà fait élargir le fion par une volée de tirs ? Parce que j’peux te montrer c’que ça faaaAAAARGH ! »
Le colosse n’en avait rien à foutre. Il souleva Coda comme s’il ne pesait pas plus lourd qu’un chiot nouveau nez et le coinça sur son épaules. « Lâche moi, tu puta madre ! J’vais t’tuer ! J’vais-… Non ! Brekk ! Brekk ! El Angel ! » hurla-t-il en se débattant de toutes ses forces. Mais moins d’une seconde plus tard, la porte se claquait et l’espèce de vigile jetait Coda sur le sol comme un paquet de linge sale. « Maintenant, boucle la ! T’es dans un hôpital ici, me force pas à te flanquer une raclée.
- Mais je-
- FERME TA GUEULE ! Tu comprends pas quand on te parle ? Faut qu’on te sédate le cul pour que tu te taise ? »
Vexé, Coda se recroquevilla contre le mur auquel il était adossé. Il ouvrit une dernière fois la bouche, mais l’index sans pitié que le colosse lui agitait sous le nez était sans appel, et il finit par la refermer d’un air boudeur.
L’heure suivante s’écoula dans une attente douloureuse. Coda avait bien tenté de se faufiler dans la salle dès que quelqu’un en ouvrait la porte, mais le regard d’acier du videur qui venait de temps en temps passer une tête dans le couloir l’enjoignait à rester à sa place. Il finit par s’asseoir contre le mur, les jambes tendues devant lui. La caamasi qui s’était trouvée plus tôt dans la salle était bien venue à un moment, armée de son datapad et de son zozotement prononcé, pour lui poser quelques questions. Quel est votre nom ? Votre âge ? Où est-ce que vous habitez ? Vous faites quoi dans la vie ? Vous devez voir un médecin. Vous avez faim ? Coda avait gardé les lèvres closes et les yeux fixés sur elle, jusqu’à ce qu’elle finisse par s’éloignée avec un soupir, vaincue.
Et les secondes passaient, et les paupières se Coda s’alourdissaient. Il sentait les douleurs sourdes qui lui parcouraient le corps, là où il était tombé, s’était cogné… Il remonta le col de son blouson et croisa les bras, bien décidé à rester réveillé pour attendre des nouvelles de Brekk.
Il n’entendit même pas la porte qui s’ouvrait en face de lui. Les soignants enjambèrent simplement son corps endormi sur le sol, et il ne se réveilla pas aux sons de leurs pas. Ce fut une poussée sur son épaule qui le sortit brutalement du pays des rêves. Avec un sursaut, il se redressa, regardant autour de lui d’un air ahuri. « Qu-quoi ? Je suis où ? » bulbutia-t-il d’un air confus. Puis, tout lui revint en tête comme un flash douloureux. « Où ils sont ? »
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