Stolas Ayindale
Stolas Ayindale
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▲▼ RETOURS DE FLAMMES ▲▼

Feat. Dalla Tellura


Nar Haaska : l'endroit idéal pour aller se faire voir. C'est ce que doivent se dire un nombre assez impressionnant de ces cloportes, songe Ayindale en regardant la foule grouiller dans les ruelles tordues en contre bas. Contrairement aux blocs rutilants de la surface de Nar Shaddaa, ici, pas d'éclairage aux néons, et encore moins d'enseignes clinquantes. Le Shadowport porte bien son nom : tout en nuances de gris, de verdâtre et d'ombres.

Le motel miteux dans lequel les tundites ont élu domicile aux frais de Klasgow n'a rien d'un palace. Mais il fait l'affaire : l'endroit est sans doute suffisamment dangereux en lui-même pour que loger dans une vieille arrière boutique ne donne pas envie de poser davantage de questions que nécessaire. Le pirate a déjà fait parler de lui, à peine posé sur l'un des docks. Les semaines ont passé depuis leur arrivée fracassante sur l'un des nombreux ports de contrebande de cette plaque tournante de la Bordure, mais pourtant, le flibustier de l'espace n'a toujours pas mis la main sur ce , ou ceux ?, qu'il est venu trouver dans ce cloaque.

Stolas s'en moque. Il n'est pas la pour la piraterie, quoique... Elle est sans doute plus lucrative que les recherches sur les courants de Force. L'écumeur d'antan a suffisamment fort à faire avec ses vieux démons pour laisser le sephi et ses ombres bizarres à leurs propres occupations.

La petite cuillère tourne indéfiniment dans une tasse maintenant froide, mais le regard éclatant du sorcier n'a pas quitté la silhouette noire. Elle serpente avec habileté dans la masse affreuse des malfrats qui s'affairent là-dehors.

- Ce bougre a vraiment du temps à perdre.

Sa voix sombre tombe dans le vide de la pièce. Puis, la bruit d'un sas qui s'ouvre et se ferme : on entre. L'oreille allongée d'Ayindale capte un juron. Le jeune acolyte Findis avance à petits pas dans la pièce :

-Maître ! Maître ! Z'allez êt' content ! Je l'ai trouvé !

-Tcht ! Est-ce qu'on a idée de trouver avant de chercher ?! Vous n'avez rien cherché et maintenant, vous prétendez m'avoir trouvé ? Imbécile.

-M-mais... Non, c'est vrai, je l'ai trouvé. Le Thé !

Et il brandit... une théière aux motifs résolument démodés, même chez les Hutt. A l'intérieur, le léger crissement des feuilles séchées témoigne de sa victoire.

-Et c'est MAINTENANT que vous le dites ?!

Le jeune se recroqueville avec un air coupable.

-Donnez-moi ça.

La main rapace du maître s'empare de l'objet et son œil flamboyant l'examine sous toutes les coutures.

-Une piètre contrefaçon. On vous vendrait du synthétissu pour le prix d'un cuir de Bantha, mon jeune ami !

Et d'un claquement de doigts, la précieuse théière et son contenu explosent en un nuage de poussière de plâtre et de débris calcinés. L'acolyte ouvre la bouche, la referme : à quoi bon ? L'ancien n'est pas de bonne humeur, il n'y a pas grand chose à y faire... Il renonce à comprendre.

- Il faut demander à cette tenancière de mieux tenir ce taudis... Et d'apporter quelques touches. Des ailes de papillons nécrophages, pour changer un peu des têtes de chiens Kath empaillées ? Plus coloré, tout de même.

Findis acquiesce d'un air grave. Après tout, il a encore tellement à apprendre, il ne va tout de même pas s'offusquer de quelques feuilles de Thé Mei-mei. Même s'il n'en retrouvera probablement pas. Même s'il lui a fallu risquer sa peau pour aller les chercher. Et même si elles auraient pu trois fois payer leur séjour... Hem.

- Qu'est-ce que vous faites encore là, acolyte ?! Vous admirez le paysage, peut-être ? Maître Askar n'a pas toute l'éternité pour finir son scrutateur : utilisez donc vos dix doigts pour quelque chose d'utile !

-Oh ! Oui oui ! J'y vais tout de suite, bien sûr !

Le jeune acolyte sourit et ressort de la pièce aussi vite qu'il y est entré. Il est content. Il n'aura pas à repriser sa robe, cette fois ! A peine a-t-il disparu qu'un tremblement ébranle l'étage. Un pas lourd secoue les quelques marches qui séparent le second étage du premier.

-NON ! Findis ! Pas de beurre avant midi, je vous l'ai déjà dit !

Son poing miroite d'une aura étrange, quand un individu qui ne ressemble en rien à son jeune acolyte franchit le pas de la porte de la chambre. Zoar Klasgow, équipé de pied en cap et trempé de pluie, dégouline avec lassitude sur les vieilles moquettes. Le sephi interrompt son geste en paraissant vaguement le reconnaître. Mais ses yeux cernés de noir brillent encore de colère.

-Bordel, Ayindale, fermez-la un peu, c'est moi ! C'est pas comme si je réveillais pas la moitié d'cet hôtel en montant les escaliers !

L'immense colosse, le visage meurtri par ses longues années de batailles, se cherche un siège des yeux. Stolas émet une note de rire en le voyant se courber sur une chaise bien trop petite pour lui. Le comique de la scène semble lui faire instantanément oublier le pourquoi de son courroux des trois secondes précédentes.

-Réveillez qui vous voulez en montant ce que vous voulez, capitaine, tant que vous ne perturbez pas mes pensées, je tolèrerai bien cette excentricité de votre part...

Zoar laisse passer un lourd soupir. Ce type est prodigieusement fatiguant, quand il s'y met. L’œil clair du pirate se retourne et tente de jauger l'état du sephi. Stolas lorgne dans le fond de sa tasse avec mauvaise humeur.

- J'ai un tuyau. J'suis plutôt refait. C'est encore mieux que ce que j'pensais, en fin de compte.

- Je ne vois pas en quoi un tuyau nous serait nécessaire. Sauf si vous faites dans la plomberie pour vous payer ce genre de sortie !

La cuillère tinte sur le sol. Zoar grogne.

- Mais non, un tuyau, une info ! J'ai enfin réussi à piocher au bon endroit.

Klasgow a dégainé son petit favori. La lame du vibro-couteau étincelle sous la lueur du néon qui trône au plafond. Elle en a coupé, des gorges sèches, celle-là. Elle risque de reprendre du service plus tôt que prévu.

-Je suis sûr que pas mal de ses petits "associés"... seront trèèèèèès intéressés de savoir comment cette petite merde a réussi à dégotter les fonds sur lesquels il est assis. Il s'attend sans doute pas à revoir son bon vieux Zory'. Oh que non, le couillon... Depuis l'temps, sans doute qu'il me croit raide. On va s'marrer...

- Mmmais oui, mais oui. Allez un peu jouer ailleurs, j'ai du travail !

Ses dents blanches contrastent sur sa peau de jais. Le sourire carnassier, Klasgow commence doucement à se monter le petit scénario : d'abord, il va faire sa petite enquête sur les habitudes de l'oiseau. Pour l'instant, il n'a qu'une adresse... c'est un peu court. Ensuite ? Ah, ensuite... Il faudra se montrer plus subtil, plus malin. L’appâter, lui donner envie de sortir de sa petite planque de magouilleur du dimanche. Il arrête de fil de sa pensée : et pourquoi pas utiliser sa femme ? D'après ce que ce bougre de Domto savait, son gros poisson s'était entiché d'une très jolie "danseuse" twi'lekk. Un grand classique. Ces mecs-là n'avait rien de plus presser que de se payer leurs fantasmes d'ados dès qu'ils en avaient les moyens. A peine la fortune arrivée, ils la jetaient déjà par les fenêtres en couvrant leurs nouvelles poules de tout ce que leur système planétaire faisait de plus onéreux ! Restez juste à vérifier à quel point la donzelle pouvait se montrer influençable. Zoar coule un regard conspirateur sur la silhouette décharnée du sorcier qui semble absorbé dans une série de considérations inintelligibles :

-Dites-moi, Ayindale ? Si vos belles études avancent bien... J'me disais. J'ai un nouveau travail pour vous.

S'il y en a bien un qui peut retourner la cervelle de cette petite parvenue, c'est bien ce magicien siphonné, conclut mentalement Klasgow. Mais le sephi balaye la phrase de la main d'un air altier, et le ton de sa voix se rafraîchit considérablement.

-Je ne suis pas votre domestique, Klasgow. Allez donc vous trouver un mercenaire !

- Certes, certes. j'ai pas dit l'contraire ! Y a rien d'vexant, là : c'est un vrai contrat, que même un chasseur de prime refuserait pas !

La face cadavérique du sorcier lui fait brusquement face, et la fureur qui déforme ses traits juvéniles le met instantanément mal à l'aise. Bordel, ce qu'il déteste ça ! Cette vision a quelque chose de malsain qu'il ne parvient pas à identifier, et c'est sans doute pire qu'une scène de violence. Là, au moins, on sait pourquoi on aime pas ça.

Ai-je l'air d'un chasseur de prime, Zoar ? M'avez-vous...bien...regardé ?!

Zoar réprime un mouvement de recul. Il a beau s'être fait à cette présence imprévisible, Ayindale exalte malgré lui ce parfum de danger imminent de bouilloire prête à exploser. On ne sait jamais ni où ni quand, ni quoi ni comment. On sait jusque que, lorsque ça arrivera, les dégâts seront toujours démesurés par rapport au contexte initial. Mais, songe le pirate avec un brin de fatalité, c'est bien la raison pour laquelle il s'est tenu à son marché : c'est parce que ce type est dangereux qu'il est utile.

-Ah-hem, non. Non, c'est pas c'que j'ai dit.

Ils se toisent, et Zoar s'apprête à bondir hors de portée du grand malade qui lui barre la route. On est jamais trop prudent.

-J'vous ai laissé à vos travaux tout'l'a semaine, Stolas ! J'ai payé cette putain d'chambre sans faire d'histoire. Alors, vous pouvez bien faire ça, merde ! J'vous d'mande pas de prendre cette ville d'assaut, juste de m'aider à "convaincre" une petite personne de nous aider ... Et puis, si tout se passe bien, je pourrais enfin me débarrasser d'une petite ordure ! Voilà tout ! Allez... J'sais qu'derrière votre allure de petit revêche, z'êtes un grand magnanime ! Un gars altruiste, j'le sais bien !

Le compliment semble le rendre confus une brève seconde. Zoar ne laisse pas le temps à cet esprit éparpillé de se retourner, il faut enfoncer le clou.

- Dès qu'on aura mis la main sur ce connard, j'vous le laisse. Je croyais que vot'collègue et vous cherchiez un cobaye ou deux pour tester votre... euh... scrutatruc ? Eh bah je vous le livre gratuit : faites-en des paillettes ou de la poudre de chaux, c'que vous voulez. Papy Klasgow s'en contrefout ! J'veux juste le faire disparaître de cet Univers, c'est bien tout c'que j'demande ! Vous sauriez faire ça, non ?

- De la poudre de chaux ?

Temps mort. Klasgow doute de son coup, quand soudain, le visage du sorcier s'illumine.

-MAIS C'EST UNE EXCELLENTE IDÉE !

Un soupir de soulagement lui échappe. On va y arriver !

- Alors .. euh... Ça vous dit qu'on aille faire un saut à Dubrava ? On rapporte not'colis ici et vous aurez vot'sac de chaux. Ok ?



Dalla Tellura
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Deux semaines plus tard, Route Commerciale de Triellus, navette StarSpeeder 201


Dalla jeta un regard ulcéré à la vieille Mohsenienne assise à côté d’elle, qui commentait en continu l’holojournal qu’elle était en train de lire.

-Ohlala quand même ! Jena Vox ! Ça c’était quelqu’un !

Dalla décroisa ses jambes – le bout de se botte alla frotter contre le siège devant elle.

-Nous au moins sur Aduba, on…

Dalla recroisa ses jambes dans l’autre sens, le bout de sa botte droite, cette fois, venant glisser contre le siège de devant presque exactement au même endroit que sa botte gauche quelques instants plus tôt. Et que sa botte droite, une dizaine de minutes plus tôt.

Elle commençait à sérieusement regretter de ne pas avoir contacté Kebko. Mais c’était une demande expresse de Nassa.

-Hun ! Ils ont encore augmenté le prix du nysillin !

Dalla se leva -il était peut-être plus précis de dire qu’elle bondit de son siège. Sa voisine lui tapait plus que sérieusement sur les nerfs, et elle voulait revoir encore une fois le message de sa sœur. Elle se dirigea vers le refresher de bord et s’isola à l’intérieur. Elle ignora les sanitaires au niveau d’hygiène assez déplorable et sortit son comlink. Elle sélectionna l’un de ses derniers messages reçus, la communication de Nassa d’il y a trois jours.

Comme les quarante-sept fois précédentes, le buste, les lekkus et la tête de Nassa apparurent. Dalla finissait presque à s’habituer à la teinte bleutée que l’hologramme donnait à la peau de sa sœur.
Ce à quoi elle ne s’habituait pas, en revanche, c’était à l’air inquiet, aux grandes cernes sous les yeux de sa sœur, et à l’inquiétante tâche violacée sur sa mâchoire gauche. Ça avait intérêt à ne pas être l’œuvre de son mynock de mari !

« Dall’ ! Je ne sais plus trop quoi faire, alors je t’appelle, parce que tu auras peut-être quoi faire, toi, avec tous tes…. Tes trucs, là, que vous faites, vous les … jedi.

Elle avait prononcé ce dernier mot en chuchotant. C’était vrai que Dalla avait demandé à sa sœur de ne pas trop faire publicité de son retour dans l’Ordre Jedi, mais elle doutait que quelqu’un espionne Nassa dans -de ce que Dalla supposait vue la tenue de sa sœur – sa propre chambre.

-Ca a commencé il y a… quoi… sept jours… huit jours…

L’hologramme tourna légèrement la tête, l’air pensif. Les perles qui ornaient le lekku gauche de Nassa scintillèrent brièvement, accrochant sûrement une quelconque source de lumière dans la pièce où elle se trouvait.

-Gred était tout chiffonné, mais il n’a as voulu me dire ce qui n’allait pas. Tu sais comment sont les hommes !

Dalla leva les yeux au ciel. Elle savait surtout comment étaient les hommes comme Gredeon Erisko. Orgueilleux, égoïstes, toxiques et cupides.

-Puis j’ai commencé à avoir l’impression qu’on me suivait, Dalla !

C’est à ce moment, comme Dalla avait fini par le remarquer au douzième ou treizième visionnage, que Nassa avait un imperceptible mouvement de tête vers sa droite. Dalla estimait qu’elle devait avoir entendu son mari rentrer chez eux, puisqu’elle s’était ensuite rapprochée de l’holoprojecteur et que le ton de sa voix avait légèrement baissé.

-J’ai vraiment peur, Dalla ! Je pense qu’il y a de la magie, comme ta Force, là ! L’autre jour, quand j’allais au club, j’ai vu…
-Mon beau rubis étincelant ?
-Oui mon targon ?

Dalla détestait la voix que prenait sa sœur quand elle parlait à son mari.

-Qu’est-ce que tu as… [quelques mots incompréhensibles, assourdis par la distance et, très vraisemblablement, une porte] J-35 de cuisiner ?
-Une émincée de champignons au calarantrum.

L’autre voix devenait indistincte. Nassa restait aux aguets un instants, puis retournait son attention vers l’holoprojecteur.

-Je suis vraiment inquiète, Dalla. Surtout pour Gred…


Comme si Dalla en avait quelque chose à faire !

-J’ai fait ma petite enquête, j’ai eu une petite discussion avec LF49-3, son droïde assistant. Il a récemment eu plusieurs communications avec des gens sur Nar Haaska… Y compris à la prison centrale de Nar Haaska… Tu sais qu’il est originaire de cette planète… Je… J’ai peur Dalla. Hier, un homme a arrêté mon speeder à un carrefour. Il m’a appelé par mon nom ! Il était… Oh Dalla ! Il était terrifiant !

On frappa à la porte du refresher.
-Un instant ! grommela Dalla.

-… que Gred me cache quelque chose, et je n’ose même plus sortir seule ! J’ai besoin de ton aide ! Au secours, Dalla, tu es mon seul espoir !

Elle tourna la tête vers la gauche.

-Il est sorti du jacuzzi, je dois te laisser. Je t’en prie, aide-moi. Et surtout, ne dit rien à Kebko ! Il a suffisamment d’ennui comme ça !

Dalla n’avait aucune idée que leur demi-frère avait des ennuis, mais d’accord. Elle n’avait pas appelé Kebko.

Elle avait troqué sa bure pour ses vieilles fringues de garagiste, et pris la première navette publique pour Dubrava.

Elle avait aussi tenté de rappeler Nassa une bonne trentaine de fois. En vain. Personne ne répondait, ni Nassa, ni Gredeon, ni aucun de leur cinq ou sept droïdes…

Et Dalla se sentait de plus en plus nerveuse.

Elle avait réussi à joindre Alyria Peperton, l’une des dernières filles qu’elle connaissait à leur ancienne appartement, à Nassa et elle. Alyria avait fait une partie de pazaak avec Nassa et d’autres filles quatre jours plus tôt. Elle ne l’avait pas revue depuis, ce qui était parfaitement normal, puisque depuis son mariage, Nassa fréquentait de plus en plus les quartiers huppés et les gens de la bonne société.

Dalla rangea son comlink et sortit du refresher.

-Eh bah quand même ! maugréa un gotal, son enfant dans les bras.

Dalla retourna s’asseoir à sa place et attendit avec impatience l’arrivée su StarSpeeder sur Dubrova. Elle essaya de méditer, mais les remarques incessantes de sa voisine n’aidaient pas son esprit inquiet à s’apaiser.

Ils arrivèrent enfin sur Dubrava, et Dalla fila hors de la navette. Son pantalon renforcé au genou et son blouson en faux cuir de nerf n’attiraient pas trop l’attention, et elle se fraya un passage jusqu’aux services de sécurité. Les gardes examinèrent le contenu de son sac -un peu de linge propre, quelques rations, des lingettes à bacta et quelques sachets de thé) et sa ceinture multi-poche. Son sabre laser y reposait, séparé en deux morceaux facilement assemblables en cas de besoin, qui passaient inaperçus au milieu des outils et des pièces détachées qui encombraient ses poches.

Elle avait vraiment bien fait, lors de sa mission pour Ilum, de retravailler la construction de son sabre. C’était pratique quand il fallait aller quelque part incognito.

Finalement, la seule chose qui attira l’attention des gardes fut sa petite vibrolame.

-Qu’est-ce qu’on fait avec ça dans ses affaires, ma p’tite dame ?
-C’est justement à force d’entendre des « ma petite dame » et des remarques sur les twi’leks et toutes leurs jolies paires que j’ai décidé de me promener avec ça, répliqua Dalla.

Le kiffar sembla alors remarquer qu’il faisait quelques pouces de moins que Dalla, et s’écarta prudemment.

La jedi prit ensuite un train vers le nouveau quartier des affaires où Nassa et Gredeon s’étaient installés après leur mariage.

Dalla sonna en bas de leur résidence.
Rien.
Elle tenta une nouvelle fois d’appeler Nassa.
Rien.
Elle réussit finalement à attirer l’attention du droïde concierge. Elle parvint à le convaincre qu’elle était bien la sœur de Nassa Erisko et il la laissa entrer dans la résidence.
Elle resta cependant désespérément coincée devant la porte de l’appartement des Erisko.

-Kriff ! souffla Dalla, le front appuyé contre la porte.

Elle avait parcouru la moitié de l’espace hutt, elle n’allait pas se laisser décourager par une porte.
Mais elle pouvait quand même peut-être trouver d’autres moyens d’entrer chez sa sœur qu’en détruisant la porte à coup de sabre laser.

Elle reprit son comlink et composa le numéro du garage de Kark.

-Garage Banda, réparations en tout genre, que puis-je pour vous ?  retentit la voix de l’ugnaught.
-Kark ? C’est Dalla. Je suis désolée de t’embêter. J’ai besoin d’un coup de main. C’est pour Nassa…
-Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?
-Tu m’as bien dit que tu savais crocheter les portes, non ?

Mons d’une heure plus tard, Kark était là, avec tous ses outils de crochetage. Dalla savait qu’il les utilisait habituellement pour des opérations militantes contre les sièges sociaux des grosses entreprises commerciales et financières du coin. Mais, somme toute, la porte de l’appartement de Gredeon Erisko n’était pas si différente.

Dalla s’agenouilla à côté de son ancien employeur (qui, lui, pouvait rester debout pour travailler sur la serrure magnétique) pour observer ce qu’il faisait. Elle ne serait peut-être pas sur Dubrava, la prochaine fois qu’elle aurait à crocheter une porte, il pourrait lui être utile d’apprendre à le faire seule.

Avec un petit déclic dont le son fut très doux aux oreilles de Dalla, la porte s’ouvrit.

L’appartement était visiblement immense. Et visiblement vide aussi.

-Ils sont en vacances ?
-Aucune idée. Nass m’a envoyé ça.

Dalla montra le message à Kark, et partit en exploration dans l’appartement pendant qu’il le regardait.

Rien à signaler dans les pièces communes. La vaisselle était propre et rangée, la baignoire sèche, les tapis immaculés.

L’état de la chambre à coucher principale était quelque peu différent.

Dalla ne s’attarda ni sur le rouge criard des tentures, ni sur le clinquant des boiseries, ni sur le miroir en forme de cœur au plafond du lit à baldaquin huttsize.
Elle ramassa avec précaution le coffret à bijoux, renversé par terre, au pied de la coiffeuse.

Un des rideaux était déchiré.

-Violence conjugale ou enlèvement ? interrogea Kark en la rejoignant dans la pièce.

Dalla haussa les épaules, perplexe.

-S’il a touché un seul de ses lekkus…

Elle sortit d’un pas rapide de la chambre et se dirigea vers ce qu’elle estimait être le bureau de Gredeon.
C’était une penderie.
La porte suivante était bien celle du bureau de son beau-frère.

En franchissant le seuil, Dalla fut parcourue d’un frisson.

-J’ai un mauvais pressentiment, murmura-t-elle.

A première vue, le bureau semblait dans un état parfaitement normal.

-Tu m’as pas dit qu’ils avaient quinze droïdes ?
-Six. Mais, dans le lot, il y en a un qui est au travail de Gredeon, un qui reste dans le speeder, et un qu’ils laissent sur la terrasse pour surveiller le niveau hydrographique des fleurs kubari.
-Ça en laisse trois qui devraient être ici.
-Ils sont peut-être… partis en vacances en emmenant les droïdes ?

Kark lui offrit un sourire indulgent.

-Je vais essayer de la rappeler. On sait jamais.

Kark ne commenta pas.
Personne ne décrocha.

-Oh ! Kriff !

Dalla fit quelques pas, en rond dans la pièce, puis s’obligea à inspirer et expirer calmement plusieurs fois.

-Si elle était morte, tu le saurais, non ?
-Oui…
-Alors inutile de paniquer pour l’instant. Que te dit la Force ?
-C’est pas comme ça que ça marche…

Dalla se laissa tomber sur le fauteuil qui trônait en face du grand bureau en marbre chandriléen.

-On aurait dû contacter Kebko…
-Qu’est-ce qu’il aurait bien pu faire ?
-Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire.
-Tu es une jedi….
-Ça ne me rend pas infaillible.
-Non, mais... Vous avez quand même réussi à gagner une guerre contre des kriffus Mandaloriens…

Dalla soupira. Elle passa une main sur le datapad à l’écran fissuré posé en face d’elle.

-Je suppose qu’il ne s’allume pas ?
-Ce serait trop facile… Mais on doit pouvoir exploiter ses données… On trouvera peut-être des infos. Si c’est lié à Gredeon et et à Nar Haaska…
-Tu sais craquer  ça ? Parce que moi, non.
-Moi non plus, mais… Je connais quelqu’un qui saura.
-Quelqu’un de fiable ?
-Un jedi.
-Ah…
-J’espère simplement qu’ils ne sont pas trop occupés au BRJD…

Dalla sortit son comlink. Elle craignit un instant que la communication n’aboutisse pas, puis la voix de Rubee retentit :

-Dalla ?
-Salut, Rubee… Tu es très occupé ?
-Ben, comme toujours. Pourquoi ?
-J’aurais besoin d’un petit service.
-Petit genre Vassk t’a encore refilé toutes ces copies ou…
-Petit genre ma sœur jumelle a disparu après m’avoir envoyé un message d’appel à l’aide.

Silence.

-Je sais que je devrais m’occuper d’affaire personnelle quand…
-Je t'écoute.

Dalla sourit, la gorge un peu nouée.

-Le datapad de son mari est cassé, mais je pense qu’il y aura peut-être des infos dessus…

Elle espérait aussi, déjà, que ce soit bien le datapad principal de Gredeon, et pas un vieil appareil qu’il avait laissé traîner là.

-Tu as ton datapad ?
-Oui.
-Tu as un câble de connexion ?
-Oui.
-Ok, je vais voir ce que je peux faire pour toi. Ça va peut-être prendre un peu de temps.
-Merci, Rubee.
-J’t’en prie, schtroumpfette !

C’était sa seule piste…
Stolas Ayindale
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Feat. Dalla Tellura


Le problème, c’est qu’il n’avait jamais eu la patience pour ces petits jeux d’enquête. Son truc à lui, c’est l’action, la tactique, le vol spatial. Mais pas les casse-tête, ni le pistage à la dérobée. Alors, il lui faut trouver les bonnes personnes. Et les bonnes personnes, ça se paye. Cher, en général.

Mais que valent quelques crédits républicains contre une bonne tranche de tarte à la vengeance ? C’est un sacrifice auquel il consent volontiers. Il tire négligemment sur son cigare. Un bon, cette fois, acheté tout frais la veille sur l’une des petites places de cet astroport de province. C’est plutôt propre, pour la Bordure, si on sait faire abstraction des quelques bidonvilles où s’entassent des réfugiés sans le sou.

Dans l’espace Hutt, les planètes comme Dubrova font figure à la fois d’exception, et de règles. Il y a bien des millénaires que les hutt n’ont plus disposé d’armées régulières capables d’abattre des mondes. Mais ? Mais les cartels de ces limaces stellaires ont préféré les armées de l’ombre. Des ligues entières de mercenaires, de petites mains plus ou moins loyales dont la diversité n’a d’égale que l’absence de morale.

Klasgow sait que son accord de principe avec le lieutenant local ne tiendra que le temps de reconstituer les troupes. Le temps donc de remplacer les types éclatés au sol par sa bande à lui. Combien de temps cela lui prendra ? La Force le sait ! Mais le vieux pirate n’a pas l’intention de rester pour le savoir. D’ailleurs, il n’a jamais eu l’intention de rester. Désormais, il sait où chercher, et quoi chercher. Le Radeau n’a pas quitté le quai 12. Non, c’est un transport autrement plus discret qui a mené sa fine équipe à bon port, moyennant quelques petits arrangements : un transport de contrebande à destination d'un entrepôt au nord de Canaal, l'un des seuls continents de Dubrava qui ne soit pas envahi de marécages.

Gredeon Erisko est un type assez particulier. Une sous-espèce hybride de crétin croisé mollusque vivant dans de préférence dans les beaux quartiers des mondes miséreux où la main d’œuvre coûte que dalle.

La personne qu’attend Klasgow finit par se montrer. Un homme brun, parfaitement quelconque, si bien que le colosse ne l’aurait jamais regardé s’il ne l’avait pas reconnu. L’indic, c’est un ancien taulard, reconverti dans le trafic d’infos. Discret, efficace. Zoar a eu son nom sur Haaska, pour la bagatelle de trois mois de dur labeur à piller des épaves.

Sans un mot, la main de l’homme inconnu effleure celle du pirate. Et y laisse un minuscule datacube. Zoar, toujours anonyme derrière ses énormes lunettes à vision augmentée qui lui donnent un vague air d’agent de sécurité, fait glissé le petit engin dans l’emplacement de son holocom. L’instant d’après, l’hologramme très net d’une magnifique Twi’lekk s’anime dans sa paume.

- Bonjour, Nassa Erisko. Ravi d’te rencontrer. J’suis sûr qu’on va très bien s’entendre, toi et moi…

Il sourit tout seul. Quel bel enculé, cet Erisko. Combien il s’en est tapé, des comme ça, avant d’arriver comme une fleur et de lui raconter qu’elle était toute sa vie, à cette pauvre nana ? Il a beau être un salopard, Zoar a toujours détesté l’abus de faiblesse. Piraterie oblige : on s’attaque aux adversaires de sa taille. Mais Erisko n’a jamais été de taille à grand-chose. Une vraie petite merde comme il les déteste.

La twi’lekk n’est qu’une victime collatérale de cette histoire, c’est bien dommage. Mais il en faudra bien plus pour l’apitoyer. Du reste, il lui faut encore parvenir à compter sur la coopération d’un certain magocrate forcené, lequel soupçonne Zoar, aura à peu près une chance sur quinze d’être bien luné lorsqu’il faudra faire preuve d’un minimum de subtilité. Et encore, si les planètes sont alignées. Le plan est encore bancal, il le sait : il faut encore y travailler.

Il termine sa pause et écrase le reste des cendres au sol. Maintenant, la suite.



_________________________



Gredeon grommelle dans sa barbe au sujet de cette putain de twi’lekk qui allait finir par avoir sa peau, et se laisse choir comme un tas au fond de son ample sofa. Heureusement qu’il lui avait demandé de le prévenir à chaque fois qu’elle sortait ! Leur insouciante était terminée, et le négociant qu’il est se balade à présent avec une épée de damoclès invisible au-dessus du crâne… Alors, si dans son immense bonté, la princesse Tellura pouvait éviter d’aller se taper un Sabaac dans un coin de ruelle avec de sales copines de cabaret, il lui en serait reconnaissant ! Mais non ! Il avait dû la sonner au moins à trois reprises pour qu’elle daigne le tenir informée de ses faits et gestes !

Un gros soupir lui échappe. Et dire que deux jours avant, il rayonnait : une toute nouvelle commande, en provenance d’Eriadu ! Inespérée ! C’était le signal que son petit trafic prenait de l’ampleur, et qu’il pourrait bientôt s’attaquer à des marchés plus ambitieux. Tout lui souriait ! Et soudain…

Gredeon grimace, incapable de se contenir. Zoar Klasgow fait partie des noms qu’il a jeté aux flammes depuis longtemps. C’était une affaire réglée. Une histoire révolue depuis perpète. Il a continué sa vie, a quitté la misère, s’est taillé un nom, une réputation, un fond de commerce qu’on lui envie ! Il est l’exemple du type qui réussit, un vrai winner de la Bordure ! Mais, maintenant, de vieilles ombres rances ont décidé d’attendre leur heure pour venir lui pourrir l’existence !

Comment a-t-il pu soudain refaire surface ? Après si longtemps ? Pourquoi ? Il avait pourtant eu la certitude que toute la flotte avait été mise en déroute. Il avait fait des pieds et des mains pour disparaître avec l’argent, pour que jamais l’un des partisans de Klasgow ne puisse remonter jusqu’à sa petite personne. Il avait fui Nar Haaska, il avait passé une année entière dans les boyaux glauques de Nar Shaddaa à travailler sa nouvelle identité…
Pas suffisamment.

A l’époque, il n’était rien qu’un jeune gredin vindicatif. Avait-il vraiment cru pouvoir la faire à l’envers à une vieille carne comme Klasgow et ne jamais s’en mordre les doigts ? Il se flagelle d’avoir été si naïf. Sauf qu’il est bien trop tard pour avoir des regrets. Il faut agir, s’assurer que ce trou de balle ne puisse jamais faire le lien entre sa personne actuelle et le lascar qui a déserté l’Aile Noire plus de vingt ans plus tôt. Lui, un vendu ? Non : un opportuniste pragmatique. Les Hutt ont toujours été d’excellents payeurs pour ceux qui leur rendent service, et Erisko n’a jamais eu à regretter son choix.

Il habite aujourd’hui l’une de ces suites de luxe que même les mondes républicains pourraient lui envier, mange des plats digne d’un restaurant quatre fois par jour, et baise avec l’un des filles les mieux gaulée de toute la Bordure. Lui pète dans la soie, tandis que chacun de ces crevards d’écumeur de l’espace doit chèrement gagner chaque pauvre pinte qu’il se paye au bar ! Quelle ironie !

Ce simple constat suffit à apaiser sa nervosité.

Oui, même si Klasgow est de retour à Nar Haaska, il peut toujours courir pour rattraper le grand Gredeon ! L’homme d’affaire en costume tourne son regard auto-satisfait vers l’immense miroir à holoafficheur dynamique de son sublime salon de grand bourgeois. Une manière très élégante de s’admirer - un peu de narcissisme n’a jamais fait de mal – tout en vérifiant qu’il reste des yaourts dans le réfrigérateur. Par réflexe, il vérifie que chacune de ses mèches gominées est en place. Une drôle d’impression se dégage de son reflet, et Gredeon plisse les yeux. Mmmh, étrange.


Gredeon se regarde dans le miroir, et le miroir regarde Gredeon.



Attends… quoi ?!



Son sourire se tord en une grimace de terreur. Au centre du reflet parfait, deux yeux le fixent.

Gredeon bondit. Lorsque ses yeux se posent à nouveau au centre du miroir, il ne rencontre que son propre reflet.

-Gred’ ? Qu’est-ce que… Gred ?!

Nassa, les bras chargés d’un plateau de nourriture, contemple son mari en train de démonter entièrement le miroir du salon.

- Mais… ?! Mais qu’est-ce que tu fais, trésor ?!

- Hein ? Oh ! Euh, rien ! Rien, ahahah ! Pas de panique ! C’est juste… le module d’affichage. L’hologramme se mettait à tressauter, je voulais voir s’il n’y avait pas un… un…

Gredeon n’a jamais été technicien de rien du tout.

-Un… truc, euh, circuit machin. Rien de grave.

En effet, il n’y a… rien. Pas la moindre ouverture, pas la moindre caméra-espion. Sous le regard inquiet de Nassa, Erisko se démène pour tenter de remonter l’énorme bazar que sa paranoïa l’a poussé à mettre dans le salon.

La jeune danseuse laisse son plateau dans le salon et se réfugie quelques minutes dans la chambre. Après avoir pris soin de fermer la porte, elle lâche un souffle lourd. D’un geste, elle retire sa grande robe de bain et la jette sur le fauteuil, pour venir s’allonger paresseusement sur le lit capable d’accueillir six personnes comme elle. La grande classe ! Et puis elle l’aime bien, ce miroir au plafond. C’est mignon, les cœurs !

Elle se remémore sa journée et tout ce qui n’allait pas. Ses digiclefs égarées. Le droïde qui fait des siennes. Ce speeder qu’il va falloir faire passer au contrôles alors qu’elle en a besoin. Une suite d’ennuis sans fin… Mais pas que. A plusieurs reprise, elle est certaine d’avoir surpris le même type bizarre sur son chemin. C’est drôle, d’habitude elle n’y fait pas vraiment attention. Mais cette fois, elle s’est sentie traquée. Une impression appuyée, comme si quelqu’un, quelque part, essayait de la prévenir d’un danger imminent.

Elle sourit faiblement à son reflet fatigué. Quelque chose ne tourne pas rond, en ce moment, dans sa petite vie tranquille. Elle ne sait pas quoi, mais elle déteste ça. Gredeon n’est plus le même… Oh, il n’a jamais été parfait, mais là… Pfff. La lethan se laisse aller à sa morosité, pour décompresser et éviter un commentaire malheureux.


Nassa plonge son regard malheureux dans le miroir, et les deux yeux du miroir regardent Nassa.


Un sursaut d'horreur l'empêche de respirer. Elle... elle a rêvé ?! Qu'est-ce que c'était ?!

Elle connaît cette sensation : quand elle était petite… sa sœur… Il y avait toujours cette sensation très étrange dans l’air quand Dalla utilisait la Force. Nassa fixe le miroir au plafond, terrifiée. Doit-elle bouger ? Appeler Gredeon ? Non… Il va la prendre pour une folle. Il va encore se moquer.

Elle parvient à se redresser, et le temps qu’elle cherche ce qu’elle vient de voir… Il n’ y a plus rien. Simplement une sensation affreuse au creux de son ventre : quelqu’un m’observe. Il y a quelqu'un ! Dedans...? Dehors...? Aucune idée, mais la sensation est oppressante.
Elle n’en dort pas de la nuit.



_________________________

Le lendemain, Gredeon insiste absolument pour la déposer lui-même en ville. Il n’en a cette fois que pour une petite heure. Il la dépose chez son tailleur préféré, elle fait son essayage, et il passe la reprendre. Nassa acquiesce, ravie : les vêtements, elle adore. Toujours plus intéressant que ses rencontres « commerciales » dans des endroits douteux… Ils se mettent d’accord, et Nassa peut sentir sa nervosité. Il est fébrile, inquiet. Elle n’ose pas lui dire, pour Dalla. Peut-être ne comprendrait-il pas à quel point elle fait confiance à sa sœur. Il prendrait ça pour une sorte de défiance… Alors elle ne dit rien.

Son comlink en poche, pistée par son mari comme par les caméras du centre-ville, Nassa Erisko ne risque rien. Gredeon ne la quitte pas des yeux, jusqu’à ce que son speeder ait disparu à l’angle : lui-même a fort à faire. Il jette un œil au mouchard qu’il a implanté dans le petit appareil de sa belle. Il ne veut pas qu'elle s'effraie de le voir aussi précautionneux. Elle ne comprendrait pas... Belle, Nassa l'est, mais, intelligente ? Ahah... Le vieux fond misogyne d'Erisko ne parvient pas à escalader cette paroi-là.

Nassa commence donc à remonter l’avenue de sa démarche de mannequin en direction de la boutique. Elle connaît par cœur, aucun risque de se tromper ! Ce n’est de toute façon pas bien loin, et… A quelques pas, Nassa avise un petit Loth-cat tout noir.

-Miaou.

Elle en a vu plusieurs fois, dans les soirées mondaines : incroyable le nombre de vieilles peaux qui adorent se balader avec ces fauves miniatures entre les bras ! Elle en a toujours voulu un… Celui-ci a l’air apeuré et tout seul : il miaule pour attirer son attention.

- Oh ! Mais que tu es mignooon ! Tu viens me voir ? Petit petit petit !

Nassa n’y peut rien : la bouille de ce genre de petite créature a quelque chose d’irrésistible. Ses grands yeux d’ambre contrastent avec son pelage sombre, et l’animal se met à sauter un peu partout devant elle. Mais dès que Nassa tente de se pencher, il fuit. Pour se poster quelques mètres plus loin.

-N’ait pas peur, minou ! Je veux juste te caresser ! Minou-minou !

Pour sûr, si Nassa avait eu quelques connaissances en biologie, elle aurait remarqué quelques légers soucis sur ce petit spécimen. De même que le très léger miroitement de l’air qui l’entoure. Nassa se laisse convaincre par l’attitude intrigante du sauvageon, joueuse. Après quelques pas sur le trottoir, l’animal s’engouffre par la porte béante d’une boutique : « Bric-à-Brac d’Eric Arrac – tout ce dont vous avez besoin ». Aucune importance, elle n’a pas vraiment l’intention d’acheter, de toute façon.

Mais à l’intérieur, pas de Loth-cat.

Intriguée, Nassa furette entre les rangées de babioles. C’est assez poussiéreux, pas sûr que la clientèle soit au rendez-vous. Elle appelle, discrètement, du moins l’espère-t-elle. Mais en lieu et place du fauve, elle tombe nez à nez avec un jeune adolescent aux longs cheveux roux et à l’allure exotique. Il écarquille les yeux en la voyant si près : à quelques centimètres près, ils se heurtaient de front.

- Oh ! D-désolée , je vous avais pas vu !

-Ah ! Non, c'est moi ! J'regardais pas... où j'allais !  Mes excuses.

-Je... J'ai suivi votre, votre ? Loth-cat, le petit minet tout noir ! Il est entré par là, je crois !

- Le Loth-cat ? Ahaha ! Oui oui ! Le… !  C’est… c’est moi ! Que vous…

Non ! Non non non, ce n’est pas ce qu’il faut dire. Pris par surprise, il n’a pas eu le temps de préparer sa sortie. Findis déglutit. C’est quoi la réplique ? Bonjour mademoiselle, ayez l’air aimable ?

-Je veux dire… Non ! Je ne suis pas un Loth-cat ! Pas du tout ! Non ! Je veux dire… Je… Euh… Je sais miauler !

Il met ses mains en porte-voix et produit un miaulement très convaincant. Nassa hausse un sourcil… puis, devant le comique de sa tentative, explose de rire.

- Ahah ! Je vois ! Bien joué, jeune homme. Vous attirez beaucoup de clients, avec cette… technique ?

Elle lui sert un sourire entendu : elle a beau n’être qu’une danseuse, elle n’est pas née de la dernière pluie. Vu le genre de brocante, il doit se démener pour pousser les gens à entrer. La concurrence est rude, dans cette petite banlieue ! Sans aucun doute un étudiant embauché pour une misère, pense-t-elle en le regardant. Il n’a pas l’air bien gras et un peu paumé. Elle aussi, elle a connu ça. Il est plutôt drôle, avec sa mine un peu effrayée. Et le trait de khôl qui maquille le contour allongé de ses yeux d’ambre lui donne… un regard de chat.

-Ma tech…nique ?

Ah, ça, sûr qu’elle y est la technique ! La plus belle illusion qu’il n’ait jamais réussi à produire ! Mais, bien évidemment, il n’y avait guère que cette twi’lekk pour le voir… Findis soupire intérieurement. Tant d’efforts, pour si peu de reconnaissance : il ne peut même pas jouer les fiers-à-bras devant elle et voir l’admiration dans ses beaux yeux fardés. Enfin, admiration… il hésite. Est-ce qu’elle ne hurlerait pas plutôt de peur en le voyant subitement disparaître derrière une image scintillante du Loth-cat ?

-Bah oui, enfin ! Me prenez pas pour une idiote ! Je l’ai bien vu ! Vous laissez votre petite boule de poil tourner dans la rue pour vous amener des clients ! Comment vous avez réussi à lui apprendre ce tour ?

Le jeune sorcier s’agit d’un rire nerveux.

-Oh ! Ahah, ça ? Ben, en fait… c’est assez facile… ! Il suffit d’avoir quelques friandises, et de… voilà ! …

Elle est vraiment très très près, là. Il n’a jamais vu de twi’lekk d’aussi près. De femme non plus – enfin, sauf si Tsozneika peut compter, avec son immense balafre... Toute son enfance sur Tund, à vivre en ermite parmi les mystiques, les danseuses, n’ont jamais été que quelques holo douteuses briguées dans  les consoles des cadavres de vaisseaux. Là, c’est… très différent. Elle le regarde avec son grand sourire, ses bijoux étincelants et son… décolleté… qui n’en… finit… pas…

NON, pas par là. Les yeux, regarde-la dans les yeux !

Le jeune homme s’empourpre jusqu’aux oreilles et semble se décomposer sur pieds. La twi’lekk remarque son embarras et glousse. Il a l’air si naïf, si impressionnable… Le pauvre !

-Euuuh… Si vous…v-voulez… J-je… J’peux vous le montrer ! Le…Le Loth-cat ! Je veux dire… derrière ! Il doit être derrière, dans le stock ! Avec… avec les autres !

Oui, voilà, c’est bien mieux. Avec les autres. Nassa fait un " O " surpris de ses lèvres badigeonnées de gloss mauve.

- Oh ! Tu en as d’autres ?! C’est trop chou !

- Oui, ahah ! Oui oui, on est… euh, j’en ai… toute une famille !

- Je veux les voir ! Je peux les caresser ?

L’initié tousse.

-O-oui, si vous voulez.

Que l’Unité lui vienne en aide, jamais un exercice ne lui aura paru si long ! Respirant à grand peine, il tourne les talons et se hâte de la conduire par la porte du fond.

Une heure passe, et Gredeon revient comme convenu, là où il a déposé sa belle. La balise mouchard n’a pas bougée. Mais ?

Aucune trace de Nassa. Ni chez son tailleur, ni sur les caméras des trottoirs, ni chez le vieux Eric Arrac, qui n'a jamais eu le moindre Loth-cat. D'ailleurs, il est allergique.


_________________________


Les heures passent, rien ne vient. Erisko tourne en rond dans sa pièce à vivre : le comlink ne répond pas, et personne dans son entourage n’a vu Nassa. Et ses copines ? Non plus ! Il perd définitivement sa trace sur ce foutu trottoir du centre-ville. Un endroit où les témoins devraient se compter par dizaine ! Comment a-t-elle pu se volatiliser ? Si on l’avait enlevée, quelqu’un aurait forcément vu quelque chose, l’aurait entendu hurler ! Mais non. Aucun indice, rien que le vide.

Le regard cerné et transit d’inquiétude de Gredeon se retrouve face au grand miroir à holoaffichage du salon. Plongé dans la pénombre, son reflet apparaît, entouré de son mobilier familier. Il est fatigué, harassé même.

Gredeon regarde le miroir, et au milieu du miroir, deux yeux cernés de noir regardent Gredeon.

-NON !! ASSEZ ! ASSEZ !! ALLEZ-VOUS EN !! SORTEZ DE CHEZ MOI !!!

Pris de panique, l’homme se saisit du premier objet à sa portée et le balance de toutes ses forces. Malheureusement pour lui, son choix de décoration s’est porté sur un miroir Me&Me&Delux, renforcé aux fibres de simili-beskar et résistant à tous les chocs ! Il avait d’ailleurs commenté ce très bon choix durant plus de dix minutes lors de sa dernière soirée privée… Au bord de la crise de nerfs, Erisko scrute l’endroit où il voit l’apparition. Il en est maintenant persuadé : c’est un trucage de la dalle holographique. Un satané montage fait pour le faire passer pour un dingue !

Le doigt tremblant d’Erisko pointe le regard inconnu avec rage :

-Où est-elle ?! Qui vous envoie ?! C’est vous qui l’avez ?! J’vous jure que vous allez le regretter ! J’ai des contacts haut placés, ici ! Des gens qui me doivent des services !! J’ai les moyens de vous retrouver !! Dites-moi où elle est !!

Les yeux le fixent avec une intensité surnaturelle. C’est presque… hypnotisant. La sensation de faire face à un être vivant est terrible. L’intelligence froide que l’humain y lit le glace jusqu’au sang. Comme si soudain, toute sa propre maison bardée de gadgets hors de prix se mettait à lui sourire avec le plus grand mépris. Ainsi donc, voici tout du grand Gredeon Erisko. Quelle déception.

Le regard se ferme alors, avec ce qu’Erisko jure prendre pour un fantôme de rire, et semble se fondre dans le néant.
Merde, mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? Comment peut-on faire ça avec un hologramme ?! Il n’y connaît rien en informatique, mais l’effet est tout simplement saisissant. Ça n’augure rien de bon : si quelqu’un a eu les moyens de pirater ce miroir… alors, peut-être que la totalité de son appartement est piégé ? Une sueur froide lui glisse le long du dos.

Dans le silence assourdissant de l’appartement, son comlink sonne. Numéro inconnu. Il hésite, il transpire de nervosité et de colère. Enfin, il se décide : il décroche. Le visage de sa femme apparaît alors.

-Nassa ?! NASSA !!

-Gred’ ! Hey, ça va ?

-Mais comment ça, si ça va ?! MAIS TU ES OU, NOM D’UN CARGO ?! ça fait des heures que je te cherche !!

-Oh mon cristal de Soleil, je suis tellement désolée !! Je n’ai pas eu tes appels ! Je... j'étais tellement occupée !

- Occupée ?! Où es-tu ? Avec qui ?

-Je suis…

Brouillage. Gredeon tique.

- Je suis… oh ! Non, pas encore ! J’ai déjà beaucoup trop bu !

Elle se met à rire et chasse une mouche imaginaire.

-Je crois qu’j’suis un peu ivre… J’suis vraiment désolée chouchou… Je m’suis un peu laissée emballer, hihihi… !

Son visage souriant envahit la totalité du champ. Impossible de voir où elle se trouve.

-Nassa, arrête de rire comme une conne et DIS-MOI OU TU ES !!

Elle secoue la tête.

-Bah deviiiiine !

-Quoi ?! Tu te fous de moi ?! Je vais pas m’amuser à te courir après dans toute la ville !! Tu devrais être rentrée depuis au moins cinq heures !!

-Ooooh, déjà ?! Pie d'Bantha, j’me suis même pas rendu coohohohohompte ! Ohoh ! Alleeez, rejoins-nous mon Gred’ ! Viens t’amuser ! Tu sais, j’trouve que depuis quelques temps, t’es tout tristoune, je voudrais qu’on puisse s’éclater à nouveau tous les deux…

Elle semble chercher quelque chose, puis lui envoie un baiser par holo :

-On est au 23 du Palais Boo-Ba, aux sous-sols dans le casinooo ! Tu nous rejoins ? J'vais encore gagneeer !

-Nassa…!

Elle le provoque encore, puis elle coupe d’elle-même la communication, laissant son mari en proie à un quart d’heure de pure colère contre cette petite catin de danseuse qui n’écoute jamais ce qu’il lui dit. Rarement il s’est senti aussi humilié et en colère. Au casino... Putain de foutu Sabacc... Puis, un détail sonne dans un coin de sa tête de négociant.

Chouchou. Gredeon a soudain une illumination terrible : jamais Nassa ne l’appelle comme ça ! Cet holo… est faux.

C’est un piège.

Sa paranoïa des dernières semaines refait surface. Son regard tombe sur C3DU-PR0 PR-3, son superbe robot ménager tout neuf encore sous garantie. Les trilles du droïde l’aide à réfléchir : il a presque honte de ce qu’il s’apprête à faire. Presque.

Si Nassa est perdue, si la maison est piégée, si ses propres communications sont espionnées, ça ne peut vouloir dire qu’une chose : il est beaucoup trop tard. Il ne lui reste plus qu’à faire ce qu’il sait faire le mieux.

Fuir. Disparaître. Avec la caisse.


_________________________


- Alors, le spectacle vous a plu ? Vous êtes satisfait ?

Le ton doucereux est semblable à une craie rayant un vieux tableau. Au centre de la pièce, Nassa Erisko perd brusquement tous ses atours de star pour redevenir Stolas Ayindale. L'air autour du tundite miroite encore des effets de son pouvoir tandis qu'il darde sur Klasgow un regard mauvais.

- Sans déconner ? C'était excellent ! Voyez quand vous voulez ! Vous devriez jouer sur scène, Ayindale ! Vous vous feriez un pognon, avec vos petits tours de passe-passe ...

- La ferme ! Je vous interdis de m'insulter !

Il part dans des élucubrations furieuses qui font fuir les quelques sbires au loin. La véritable Nassa, en larmes, se terre autant qu'elle le peut sur la chaise à laquelle la brute de tout à l'heure l'a ligotée. La scène à laquelle elle vient d'assister a de quoi rendre fou n'importe qui. Elle avait jadis entendu parler de certaines espèces exotiques capables de prendre une autre apparence. Mais tout ça... c'était des films ! Des histoires ! Jamais de la vie elle n'aurait cru que ces choses-là puisse exister...

Seulement, la silhouette qui remplace maintenant la sienne n'a rien d'un monstre de film. C'est... un humain, ou... une humaine, ou... quelque chose d'approchant. Elle ne sait pas trop, avec sa longue robe et le tissu qui le recouvre. Ce grand échalas utilise la Force : elle a reconnu la sensation. Quand ils la lui ont apporté, elle a senti. Elle se demande si cela a à voir avec le fait que Dalla soit sa sœur... Tous ces phénomènes inexplicables la laissent en prise avec une peur panique qu'elle n'a pas appris à gérer.

Dans un coin de sa tête, en silence, Nassa ramasse ses pensées et les tourne vers le seul espoir qu'il lui reste. Dalla. Dalla ! Oh, sœurette, comme je m'en veux. De ne pas t'avoir écouté...! Qu'est-ce que je suis allée me fourrer dans un tel merdier !

-Pleurez pas madame , lui souffle doucement la voix du jeune roux quelque part sur sa droite, y vous veut pas d'mal... C'est votre mari qui l'intéresse...

Nassa couine dans son bâillon : oh, celui-là... Si elle pouvait lui griffer le visage, elle le ferait ! Salopard ! Traître ! Petite merde ! Elle l'a suivie toute confiante, lui avec sa figure de jeune premier tout timide... Tu parles. Il l'a livré en pâture à cette cabale de malades ! Elle a cru qu'ils allaient la tuer.

Jamais elle n'a eu aussi peur... Pourtant, sa jeunesse l'avait mise au jus des dangers de la galaxie. Elle qui s'était inquiétée pour Gred'. C'était pour elle, qu'elle aurait dû s'inquiéter... Quelle idiote ! Un maigre espoir lui laisse pourtant un peu d'air : de ce qu'elle a compris, ces truands n'ont toujours pas mis la main sur son mari. Tant qu'il court, elle leur sert d'appât. Il viendra, il va rameuter ses propres hommes, aller chercher du renfort... Dalla et Gredeon vont s'allier pour l'arracher aux griffes de ces minables ! Oui, il faut qu'elle y croit !

Son résonnement muet cesse lorsque l'énorme humain à la peau sombre s'intéresse de nouveau à elle.

- Maintenant, ma jolie, on va voir si ton salaud de petit mari chéri en a quelque chose à foutre de ta mimine... M'est d'avis qu'on va pas être déçus ! M'en veut pas. J'ai rien contre toi. T'es juste une pauv'fille qu'a choisi le mauvais gars.

Il a presque bonne mine, avec ses dents parfaitement ajustées. Nassa le fusille du regard. L'illusionniste qui a volé son apparence sort alors de l'ombre, et Nassa se pétrifie sur place en reconnaissant les deux yeux cernés de noir.

Le regard dans le miroir !




Dalla Tellura
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Rubee lui avait dicté des branchements à faire avec son datapad, lui avait envoyé des programmes et des fichiers et des trucs à mettre sur son datapad.

Et maintenant, elle attendait.

-Il a dit que ça pouvait prendre du temps, rappela Kark en revenant dans le bureau après un énième tour de l’appartement.

Dalla soupira.

-Il commence à se faire tard. Tu as pris une chambre d’hôtel ? Je ne sais pas toi, mais j’ai des rendez-vous tôt demain matin et encore quelques pièces à regarder ce soir… A moins que tu aies décidé de dormir ici…

Dalla détourna à contrecœur ses yeux des deux datapads entourés de fils.

-Je suis désolée, je ne vais pas te retenir plus longtemps. Tu as déjà pris tellement de temps pour moi, je te remercie infiniment !

Petit coup d’œil aux datapads…

-Je ne vais pas dormir ici, non. Ça me semble… une mauvaise idée… pour plein de raisons…
-Il y a toujours un canapé convertible au fond de mon garage…
-Je t’embête pas ?
-Jamais !

Avant de partir, Dalla passa dans la chambre de Nassa prendre quelques affaires de sa sœur, au cas où. Kark lui avait promis de ne pas lâcher les datapads des yeux en attendant.

Puis l’ugnaught l’aida à tout transporter sans défaire les câblages jusqu’au speeder avec lequel il était venu.

A sa grande honte, Dalla piqua du nez sur le trajet. Heureusement, son dodelinage de tête ne défit aucun branchement.

Ils arrivèrent aux garage de Kark. Dalla jeta un œil aux fenêtres de l’appartement où sa sœur et elle avaient vécu pendant cinq années.

Puis, pendant que Kark préparait de quoi manger, elle fit les quelques réparations de pièces détachées qu’il devait faire pour le lendemain.

Son datapad resta obstinément silencieux, jusqu’à une heure avancée de la nuit.

Dalla se réveilla en sursaut, se rendant compte qu’elle avait dû s’endormir à un moment. S’endormir et très mal dormir, vues les douleurs dans ses mâchoires et ses épaules, endolories et crispées

-Dalla ? J’ai réussi à récupérer quelques données
.
-Lesquelles ?
-Alors… C’était visiblement bien le datapad personnel de ton beauf. Communications privées, comptes en banques persos sur d’autres planètes, abonnements à quelques services… enfin... tu vois…
-Tu as découvert des trucs utiles ?
-Ta sœur est vachement bien fout…
-RUBEE !
-Ok, je plaisante ! J’ai même pas regardé les photos qu’elle lui a envoyées, je t’assure !
-Hum.
-J’ai repéré de l’activité très récente dans ses comptes. Y a eu plusieurs rentrées d’argent, des sommes relativement modiques par rapport à d’habitude. Par contre leur provenance était à peine cachées, j’ai eu aucun mal à remonter à la source de ces entrées : de la revente d’occasion et du recel au marché noir. Il a vendu des trucs hier à Cash um Aurodium Dubra, Droïdexpress : occasions et réparation…
-Ça explique où sont passés leurs droïdes…
-Il a aussi loué un appartement pour trois semaines…
-Où ça ?
-Sur Dressel.
-…
-Dalla ?
-Le sale fis de sith !
-J’ai l’impression qu’il n’a pas encore quitté Dubrava. Il a retiré une somme d’argent ce matin et une autre ce soir, dans un quartier miteux de la ville. En regardant autour du distributeur où il a pris du fric, j’ai trouvé une gargote où une chambre a été retenue pour cette nuit au nom de « Hereon Grisko »… En recherchant ce nom-là, j’ai trouvé pas mal de résultats qui m’ont confirmé que ça devait être un nom d’emprunt (extrêmement subtile) qu’il empruntait parfois. Je te passe dans quelles circonstances… Bref, il a déjà retenu une chambre dans un motel du même quartier pour la nuit précédente.
-Une chambre… pour deux ?
-Une chambre seule, Dalla. Les deux nuits.

Dalla lâcha un juron qu’elle avait appris de sa sœur.

-Je suis désolée, Dalla. Pas de trace de ta sœur.
-T’as déjà trouvé beaucoup de choses ! Merci !
-Pour Nar Haaska tu m'avais dit de regarder, j’ai vu que depuis plusieurs semaines, il avait eu plein d’échanges avec des gens sur cette planète. Enfin… Pas toujours des échanges. Il a cherché à contacter des gens sur Nar Haaska, qui lui ont rarement répondu…
-Nassa m’avait dit.
-OK…

Rubee fit une pause. Dalla sentait le sang battre dans ses tempes et ses lekkus.

-J’ai mis quelques alertes dans me programmes, si j’ai du nouveau pour ta sœur, son mec ou « Hereon Grisko », je te dis. Mais là…
-Je me doute que tu as beaucoup de boulot. Tu as déjà pris du temps pour moi, je te suis éternellement redevable !
-A charge de revanche ! Le BRJD trouvera bien à t’employer ! Je t’envoie l’adresse de son motel et de l’appart sur Dressel, au cas où.
-Merci.
-Que la Force soit avec toi !
-Que la Force soi avec toi !

Dalla se rhabilla à la hâte, l’esprit en ébullition. Où était Nassa ? Pourquoi Gredeon quittait-il la planète comme cela ? En laissant presque toutes ses possessions, son appartement derrière lui ?

Dalla décida de partir seule. Elle se sentait déjà coupable d’avoir pris de temps à Rubee et Kark, elle allait continuer seule.
Elle laissa un petit mot à son ancien employeur, ainsi que quelques crédits pour le dédommager du speeder qu’elle empruntait.

Puis elle fila pour l’adresse que lui avait envoyée Rubee.

Elle n’avait jamais mis les pieds dans ce quartier de la ville. Pas le genre d’endroit où on récupérait des pièces détachées de speeder achetées légalement, et encore moins le genre d’endroit où on donnait des cours de bith, de mathématiques avancées ou d’histoire des mondes du Noyau…

Elle sentit une nouvelle bouffée de culpabilité en garant le speeder de Kark dans un quartier aussi… mal famé, mais la rage contre Gredeon et la crainte pour Nassa chassèrent vite cette sensation.

Elle fit une courte pause devant l’immeuble où -elle l’espérait- se trouvait Gredeon. Elle le sonda des yeux, et avec la Force. Façade miteuse, néons pour moitié HS, draps et vêtements rapiécés qui pendaient aux fenêtres. Des vagues de peur, d’animosité, d’amertume en émanaient. Mais aussi des ondes de plaisir, de joie et de soulagement.

Elle pressa le bouton de la porte d’entrée en carrant les épaules.

-On est complet ! l’accueillit une voix aiguë.

Le corps d’où était sortie la voix était celui d’un tout petit aleena (ou d’une aleena, elle n’en vait pas la moindre idée), posé.e sur une chaise derrière un bureau bien trop grand.

-Je cherche quelqu’un, répliqua Dalla. Un humain.
-Ah ah ! s’esclaffa l’aleena. Je sais pas si t’as remarqué ma grande, mais les humains, c’est pas ça qui manque dans cette galaxie !
-Il se fait appeler Hedeon Grisko.
-Connais pas.


Dalla s’approcha de l’aleena à grandes enjambées, et posa ses mains de part et d’autres du bureau. Elle avait laissé son blouson chez Kark, et ses biceps étaient bien visibles dans la lumière blafarde de la pièce.
Pas très jedi, comme technique, mais honnêtement, elle trouvait toujours ça mieux que le mind trick.

-3° étage, quatrième porte à gauche.
-Merci.

Dalla monta les trois étages quatre à quatre et s’arrêta devant la porte qu’on lui avait indiquée.

-Gredeon ! tonna-t-elle en toquant trois grands coups.
-Qui êtes-vous ? Y a personne de c’nom là ici !
-C’est Dalla.

Dalla sentit plus qu’elle n’entendit le silence se faire dans la pièce.

-T’as intérêt à m’ouvrir ! Si Nass…

La porte s’entrebâilla et Dalla la poussa tout grand pour entrer.

Gredeon lui sembla plus petit que dans ses souvenirs. C’était sûrement l’air hagard et terrifié, les vêtements chics mais froissés et le décor insalubre.

-Où est-elle ?
-Je te jure…
-Qu’est-ce que tu as fait ? Où est ma sœur ?

Gredeon sortit un blaster de sous la couverture qui ornait le matelas défoncé et le braqua sur Dalla.
La twi’lek soupira profondément, et mit à profit des années d’entraînement au sabre pour désarmer son beau-frère. Ils faisaient la même taille, mais elle était plus musclée, plus rapide et visiblement plus habituée à se battre.

Quand le blaster se retrouva dans les mains de la twi’lek, Gredeon recula brusquement jusqu’au mur, les bras en bouclier devant lui.

-Dalla ! On est de la même famille, maintenant ! Tu vas pas…
-Où est ma sœur ?

Gredeon baissa les bras. Dalla passa le blaster dans sa ceinture.

-Je lui ai rien fait, je t’assure !
-Elle n’a répondu à aucun de mes messages, votre appartement est vide…
-Tu es allée là-bas ?

Il jeta un regard paniqué derrière Dalla, comme s’il s’attendait à voir un rancor surgir de derrière sa belle-sœur.

-Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que tu as foutu sur Nar Haaska ? OU EST MA SŒUR ?
-Laisse tomber Dalla, tu n’as aucune idée de ce qui se passe, ça te dépasse, ça nous dépasse. Y a pu rien à faire pour Nassa, j’en suis aussi désolé que toi !

Dalla sentit sa patience céder. Depuis qu’elle avait atterri sur Dubrava, elle se sentait de plus en plus oppressée, comme si un étau se refermait sur sa poitrine. Et elle était pratiquement sûre que c’était sur sa sœur que se refermait en fait -métaphoriquement ou non- cet étau.

Et avant qu’elle en ait complètement pris la décision, Gredeon était plaqué contre le mur, les pieds à quelques pouces du sol, la main droite de Dalla agrippant le col de sa chemise hors de prix, son poing gauche, serré, à quelques centimètres du nez de l’humain.

-Ils l’ont enlevée ! Je sais pas qui c’est ! C’est pas de ma faute !
-Je suis sûre que tu sais qui c’est !

Gredeon grimaça.

-Lâche moi ! j’étouffe ! Je te dirai tout ce qu…

Dalla le lâcha et il s’affala par terre.

-Tout va bien ? interrogea une petite voix.

Une tête humanoïde pointait à travers la porte depuis le couloir. Leur vacarme avait dû alerter les voisins.

-Tout va bien, déclara Dalla en se rapprochant de la porte. Je règle quelques problèmes familiaux avec mon beau-frère…

L’humanoïde regarda Dalla, Gredeon, toujours affalé par terre, une nouvelle fois Dalla, puis battit en retraite. Dalla referma la porte.

-Je t’écoute Gredeon.
-Comment tu… Je…
-Je t’écoute Gredeon…
-D’accord ! D’accord ! Voilà… C’est… Autrefois, avant de rencontrer Nassa, avant de venir ici, je… j’ai un peu travaillé avec un type nommé Zoar Klasgow.

Le nom ne disait rien à Dalla. Mais si c’était un petit malfrat escroc comme Gredeon, cela n’avait rien d’étonnant.

-C’était sur Nar Haaska. Mais je… enfin, j’ai décidé de changer un peu d’air ? Je suis venu m’installer ici et… disons qu’il n’a pas trop… apprécié que… enfin… la façon dont nous avons mis un terme à notre collaboration….

-Tu l’as arnaqué, OK. Il veut se venger, donc ?
-C’était il y a des années ! Je ne pensait pas qu’il… Je croyait qu’il était mort !
-Visiblement non… Que tu te mettes dans le bantha poodoo, honnêtement, j’en ai rien à faire, mais que tu aies entraîné ma sœur dans…
-Je voulais pas ! Je t’assure ! J’aime Nassa ! Je n’aurais jamais...
-Tu l’as abandonnée ! Tu t’apprêtais à te barrer pour Dressel !
-Tu comprends pas, Dalla ! On peut plus rie faire pour elle ! Ça nous dépasse ! Klasgow, il a… je sais pas s’il est vraiment mort et que c’est un fantôme, ou si… Y avait quelqu’un dans le miroir ! Dalla, c’était pas normal ce que j’ai vu ! C’était sûrement un de ces trucs magiques, là, avec…
-Avec la Force, tu veux dire ? interrogea Dalla en plongeant les deux mains dans les poches de sa ceinture.
-Oui ! Un truc de la Force ! Ça nous dépasse ça, on peut rien contre…

Sa voix se brisa quand Dalla eut assemblé les deux objets qu’elle avait pris dans ses poches, et que la lame de son sabre laser illumina la pièce.

-...contre les jedi ?
-Dank farrik !

Gredeon l’observa, les yeux écarquillés. Dalla le fixa en retour, le cœur battant. Cet étau, qu’elle ressentait depuis son arrivée sur Dubrava, était-il lié à un utilisateur ou une utilisatrice de la Force ? Ce Klasgow était-il allié avec un sith ?
Ou… quelqu’un du Refuge ?

-Tu es une jedi… finit par murmurer Gredeon.
-Oui. J’avais demandé à Nassa de ne rien dire à personne… Avec la Diaspora, nous…
-TU ES UNE JEDI !
-Chut ! Nous devons être discrets !

Gredeon s’immobilisa, les yeux exorbités.

-Nous ?

Dalla éteignit son sabre.

-Oui, nous. Je VAIS retrouver ma sœur, et TU vas m’y aider. A toi de décider si tu vas le faire parce que tu aimes ta femme et que tu n’es pas le dernier des mynocks, ou si tu le fais pour éviter que je te découpe en rondelles.

Gredeon déglutit.

-J’aime Nassa.
-Bien. Alors dis-moi tout ce que tu sais.

Gredeon lui raconta tout ce qui s’était passé depuis deux semaines, ou en tout cas lui raconta tout ce qu’il voulait qu’elle pense qu’il s’était passé durant ces deux semaines.
Ils finirent par s’asseoir, chacun à une extrémité du lit.

-Comment tu sais que ce n’était pas elle ?
-C’est ma femme ! Je la connais quand même ! Dès le début de la conversation, j’ai senti qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. C’est des petites choses, tu sais… Des détails qui pourraient sembler anodins à n’importe qui. Mais moi…

Dalla souleva une arcade sourcilière, mais lui accorda le bénéfice du doute.

-Et elle t’a dit – enfin la personne t’a dit qu’elle était au 23 du Palais Bantha ?
-23 du palais Boo-Ba ! C’est un casino.
-Un casino, répéta Dalla.
-Mais c’est un piège, je te dis !
-Oui, c’est très vraisemblablement un piège. Mais… tu as une autre piste ?

Gredeon la fixa avec un mélange de stupéfaction et de terreur.

-Tu veux filer tête baissée dans un piège de quelqu’un qui vit dans les miroirs ?
-Je veux retrouver ma sœur.
-Eh bien, ce qu’on peut faire, c’est que toi, tu y vas, et moi je reste ici pour…
-Tu viens avec moi.
-Mais je…

Dalla n’eut qu’à rapprocher la main de l’endroit où elle avait suspendu son sabre à sa ceinture pour que Gredeon se taise.

-Je vais voir si je peux tirer des infos de cette communication que tu as reçue. Pendant ce temps, on va se diriger vers le casino. Il doit encore être ouvert, à cette heure-ci ?
-Il ne ferme jamais.
-Tu as un speeder ?
-Je les ai tous vendus, pour…

Il eut la décence de rougir.

-J’en ai loué un. A un ami, donc pas question de l’abîmer ! Tu vas le conduire, le temps que je fasse mes recherches.

Elle se leva.

-Tu… Tu veux partir maintenant ?
-Plus tôt j’aurai retrouvé Nassa, mieux ce sera !
-Tu peux au moins me rendre mon blaster ?
-Si j’estime que je peux te faire confiance, je te le rendrai. En attendant, passe devant.

L’aleena ne fit aucun commentaire en les voyant passer. Dalla lui souhaita une bonne fin de nuit.

Elle conduisit Gredeon jusqu’au speeder de Kark, qui, Force soit louée, était toujours en un seul morceau.

Elle s’installa à l’arrière du speeder, d’où elle pouvait mieux surveiller Gredeon tout en consultant les données que lui avaient envoyées Rubee. Elle pourrait peut-être trouver de qui venait cette communication que Gredeon avait reçu d’une soi-disant Nassa. De qui, ou, au moins, de où.
Stolas Ayindale
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▲▼ RETOURS DE FLAMMES ▲▼

Feat. Dalla Tellura


~~ Eeeet quaaaand je voooiiiis l'amourrreeeuuh dans tes yyyyeeeeeeuuuuuuuuuuuuux !

C'êêêêest touuuuteeeuuh mââaaaaa vie qui s'illuuuuumineeeeeeeeeeuuuuuh !

Aaaaah mooooon dooouux , qu'eeeest-cee que

je t'aaaaaaaiiiiiiiiiimeeeeeeeeeeeeuuuuuuuuuh !! ~~


La voix chevrotante de la chanteuse , portée par les vieux amplificateurs stéréos, porte dans tout le hall. adossé dans un coin, Sven sent ses dents crisser les unes contre les autres. Comment peut-on chanter aussi faux ? C'est dingue ! Faites que ce supplice s'arrête, quelqu'un... Pitié... Il n'a jamais été un fana des artistes prisés des Hutt, mais là... C'est au-dessus de ses forces.
S'il avait la force et le bagou d'un Klasgow, pour sûr qu'il se serait planté sur scène avec un magistral "LA FERME" et quelques coups de fusil blaster pour faire bonne mesure. Mais non, il faut qu'il reste là, bien sage, à attendre que l'autre enfoiré se pointe. La souffrance la plus pure se loge parfois dans des lieux inattendus.

Avec mauvaise humeur, il jette un œil à la grande porte : personne. Combien de temps, qu'ils sont là, plantés comme des navets, à attendre ? Aucune idée ! Mais le type ne vient pas. Sans doute ne viendra-t-il jamais.

Les gros bras du casino ont reçu leur petite commission comme prévue : tout ça pour qu'ils se taisent et ne fassent pas d'histoire quand la clique de pirates jettera son dévolu sur dos du petit blondinet. Les serveuses et serveurs du soir circulent entre les tables, leur jettent parfois des regards interrogateurs ou inquiets. Mais pour l'instant, rien n'indique qu'ils sont autre chose que des mafieux au rabais à peine suffisamment bien fringués pour ne pas se faire jeter dehors pour "tenue inappropriée". Fallait bien ça pour se cale un nœud papillon par-dessus le col de sa vieille armure légère des Rasoirs Sanglants, pleine d'estafilades et de traces de tirs jamais nettoyées.

Autour d'eux, la petite soirée bat son plein sans anicroche. Oh, on est loin du vaste des grands casinos de Nar Shaddaa ! Ici, c'est plutôt Craignos-City. Pas de quoi se pavaner. Mais bon, Sven préfère largement être posté là, à reluquer des nanas et à parier mentalement sur les mises des gogos qu'à tenir compagnie aux autres cinglés. Et au moins, ici, le patron viendra pas lui déglinguer la mâchoire parce qu'il a ramené sa grande gueule une fois de trop...


_________________________


Au fond du complexe désert de l'ancien entrepôt de Gredeon, le tout premier, celui qu'il avait délaissé au profit de locaux plus grands, plus neufs, et dont l'adresse était encore la seule connue par quelques zélotes sur Nar Haaska, Nassa fait de son mieux. De-ci delà, d'énormes cuves de bacta vides font office de décors. Dans le bâtiment où les pirates ont planté leur base d'opération ephémère, un duel de regards s'est engagé dans le hagard de stockage.

Zoar regarde Nassa et Nassa regarde Zoar.

Puis Zoar consulte machinalement l'heure de sa petite sonde portative. Erisko met beaucoup trop de temps à se montrer. Le colosse soupire : échec. C'est un échec. La lourdeur de ses pensées doit se lire sur son visage, parce que la twi'lekk recommence à chouiner. Bon, faut dire qu'il n'est pas franchement avenant, comme gaillard. On a fait plus présentable... Mais il ne l'a pas touchée. Pas encore.

Il avait bien espéré que ça ne serait pas utile : quand on a navigué dans ce qui se fait de pire toute sa vie, on en a un peu ras le bol, des têtes arrachées et des corps mutilés. Les petites pâquerettes et les parfums d’ambiance, c'est bien aussi. De temps en temps. Mais il doute que la jeune femme qu'il a maintenue ligotée sur cette chaise durant toute une nuit soit d'accord avec ça.

Alors bien sûr, il aurait pu s'énerver. Tout le monde a le droit à sa mauvaise journée de temps à autre. Il aurait pu la défigurer, lui arracher les ongles un par un, lui couper la langue, la jeter en pâture aux morts de faim de sa clique, lui redécorer les fesses au fer rouge... L'imagination des gueux de son genre n'avait aucune limite. L'avantage de naître au milieu de la pègre galactique, quoi. Mais est-ce qu'elle lui aurait donné ce qu'il voulait ? Non. Ou du moins, pas avec la précision dont il avait besoin. Il faut trouver autre chose. Une technique imparable, un truc où le mensonge n'a pas sa place, un truc rapide et efficace. Ce serait sympa d'avoir un appareil comme ça. Pour aller fouiller dans la tête des gens et en tirer des...

Attends un peu.

Mais pourquoi n'y a t-il pas pensé plus tôt ? Ce foutu magicien doit bien savoir faire ça, avec la ribambelle de choses qu'il a été capable de lui sortir ces derniers mois... Ils vont bien finir par trouver la faille. Par faire sortir le Gredeon du bois. Il se lève brusquement et lance à l'un des types qui montent la garde dans la salle :

-Tu la surveilles. Tout le temps. Et si elle veut pisser, c'est attachée derrière le buisson à côté d'la porte, nulle part ailleurs. Ok ?

Le rattataki aux tatouages acquiesce avec un sourire inquiétant. Pas invité la pluie, celui-là, pense le capitaine, mais efficace quand il faut taper. On lui en demande pas plus...
Klasgow monte les escaliers qui mènent aux anciens bureaux. Dans un coin, son navigateur et son copilote sont en communication avec son équipe de récupération. Si quelque chose bouge, ils sont aux premières loges. Mais, visiblement, ils n'ont rien pour lui.

Zoar inspire. Allez, la partie d'échecs commence : jamais sûr de ce qu'on va trouver. Il toque à la porte, comme l'aurait fait un petit commis propre sur lui.

-Entrez !

Lui répond la voix revêche de la femme. Il appuie sur l'interrupteur et les battants s'ouvrent. Il devine à son air d'éternelle camée qu'elle n'a pas dû utiliser ses yeux pour le voir.

Dans la grande pièce, où se sont entassés durant des années de vieux ordinateurs et tout le nécessaire pour mener comme il faut une bonne petite entreprise pas très nette, la clique de sorciers a littéralement nidifié pour leur séjour. Ces ermites ont le sens du confort : avec le bric à brac improbable du lieu, ils ont réussi à se fabriquer lits, bureaux, et même, croit-il comprendre, une sorte de coin cuisine : l'un des radiateurs des serveurs sert à faire chauffer l'une des vieilles bouilloires qu'il leur avait dégoté. Le tout avec un sens artistique dont il n'aurait pas été capable.

Son regard surpris passe d'un personnage à l'autre et finit par tomber sur le profil énigmatique d'Ayindale. Le maître de cette absurde cérémonie est avachi dans l'ancien fauteuil du directeur, dans une position d'une totale décomplexion. Assis en travers, une jambe passée par-dessus l'accoudoir, le sephi se lime les ongles avec une minutie qui confine à la chirurgie. Rien ne semble jamais pouvoir détourner cet esprit malade des choses les plus triviales... son lâcher-prise a quelque chose de fascinant.

-Que nous vaut votre visite, capitaine ? Avez-vous obtenu de Dubrava ce que vous en attendiez ?

Officieusement, le ton de sa voix glisse un "pouvons-nous espérer lever les voiles" que le pirate s'empresse de balayer par un silence. Klasgow s'avance au milieu d'eux avec précaution. L'un des vieux adeptes est en train de dessiner il ne sait quoi au sol et par principe, il va éviter d'y mettre les pieds. On sait jamais. Le second a fabriqué une tapette à mouche avec les restes d'une grille d'aération et s'amuse à éclater toutes celles qui passent à sa portée. Le plus jeune, comme à son habitude, se débrouille comme il peut pour faire chauffer sa pauvre bouilloire : Klasgow comprend avec un éclair de surprise qu'il utilise... ses mains.

Pas de doute, on est bel et bien chez les cinglés. C'est presque rassurant : son petit monde ne change pas, même au beau milieu du bousin. Arrivé à proximité du trône improvisé, Zoar se racle la gorge.

-Euh... Si j'vous dérange pas trop...

- Précisez ce que vous entendez par "TROP", capitaine. Tout le monde le sait, trop de trop tue le trop ! Il n'y a que trop de trop dans un trop de trop.

-Euuuuuuuuuh.. Ouu-nnnn-oui... Enfin, si vous voulez... C'est pas le sujet, là.

Ce grand fadet a toujours le chic pour débarquer au pire moment, s'agace Stolas. Il épie d'un œil critique l'angle qu'il vient de donner à l'ongle de son index : trop court. Son nez se froisse avec un dédain très adolescent. Il balaye d'un geste plein d'une grâce très féminine les mèches sombres qui se sont rabattue sur son visage :

- Vous avez vu l'état de ces rideaux ? Voyez l'indécence de ce logement. Comment voulez-vous que mes confrères puissent travailler dans des conditions décentes s'ils n'ont que des fenêtres ? Et pourquoi pas des portes donnant sur rien, tant que nous y sommes ? Autant compter sur l'administration de cette planète. Et arrêtez d'ouvrir la bouche lorsque je vous parle, vous avez l'air d'un parfait crétin.

Le capitaine pirate se concentre sur sa respiration pour ne pas hurler de frustration.

-Ecoutez, j'ai une twi'lekk en bas qui aurait bien besoin d'un peu d'aide pour nous dire où est passé son mari, ok ?

- Mais qu'ai-je à faire de vos histoires de twi'lekk ?! Je me contrefiche de vos twi'lekk Klasgow !! Vous êtes ici au sein d'un ordre mystique ! Pas au milieu d'un cabaret !! Allez donc mettre à l'épreuve votre vertu où vous voulez, mais ne mêlez pas vos affaires privées à celles de Tund ! C'est inconvenant !!

Oh non, me dis pas qu'il a déjà oublié, ce con ? Il était en bas y a pas une demi heure. Zoar comprend qu'il va falloir se tarter les dix huit premières personnalités du sorcier avant d'accéder à la bonne. La seule qui soit perméable aux vrais résonnements. Dans son dos, il croit entendre les deux autres mages en robe se payer sa tronche.

-C'est pas MA twi'lekk, Ayindale ! C'est LA twi'lekk, bordel ! Celle qui doit nous amener Gredeon Erisko ! Me dites pas que vous remettez pas  ?! Vous aviez son apparence y a pas une heure ! Le tournage de l'holo, vous vous en souvenez ?!

Le regard brillant dans l'obscurité s'arrondit. Les lèvres sombres de la face blême du tundite formule quelques mots inaudibles. Il cherche quelque chose des yeux, et paraît abasourdi :

- J'étais une twi'lekk ? Moi ?

-Mais oui ! Et une très jolie !

- J'ai été une très jolie twi'lekk ? Vous dites ? Vous en êtes sûr ?

-Ah bah oui ! Un peu que j'en suis sûr, j'étais là !

- Par la trame de l'Univers, voilà qui est fort curieux. Pourquoi aurais-je été une ... qu'est-ce que vous dites ?

Il reverra cette conversation en rêve et se mouillera de rire. Mais là, tout de suite, il a pas du tout envie d'en rire. Ce manège, quatre fois par jour, ça vous tue n'importe qui. L’œil droit du sorcier rejoint brièvement son œil gauche et lorsque ses pupilles s'ajustent de nouveau sur la figure de Zoar, le pirate comprend que la bascule a eu lieu. L'air autour d'Ayindale se met à miroiter et il recule par précaution. Et...

- Vous m'avez demandé, à MOI, de devenir une... UNE TWI'LEKK ?! ICI ?! VOUS VOUS ÊTES RINCÉ L’ŒIL COMME LE VISQUEUX PERVERS QUE VOUS ÊTES ?! ESPÈCE DE MISÉRABLE MÉCRÉANT !! COMMENT AVEZ-VOUS PU ? C'EST UN SCANDALE !

-RaaAAAAAH MAIS NON !! C'était une mise en scène ! C'était notre plan, c'était né-cé-ssaire ! Vous saisissez ?!

Mais apparemment, pour Stolas, ce n'est pas du tout un argument. Il faut un grand geste rageur, et dans son élan, se casse la figure de son perchoir. Immédiatement, deux de ses condisciples accourent pour l'aider à se relever.

Zoar lui, n'a pas pu s'empêcher d'éclater de rire. Ce taré devrait vraiment faire du théâtre.

- Merci, merci, je vais bien. Je ne suis pas en sucre, tout de même...

Fait-il à l'adresse de Findis qui se confond en babillages affolés dans cette langue que Klasgow ne comprend pas. Stolas se redresse et se débat avec les pans de sa robe pour reprendre une apparence digne.


De quoi parlait-il, déjà ? Il hésite. Peut-être de la nécessité de trouver davantage de cristaux de sel. Non. De la qualité de l'atmosphère ? Oui ? Non. Il devait faire une chose importante, hier. Mais nous sommes déjà... mh, demain ? Non ! Comment savoir, dans cette obscurité ? Peut-être. Compte tenu de la gravité de cette planète, inutile d'espérer économiser du carburant. Rien d'extraordinaire à ce que les gens d'ici soient tous des incroyants. Logique. Mais l'Unité pourvoit à tout en tout temps, ils n'auront donc qu'à se fier à elle pour trouver ce dont ils ont besoin... A moins que ce malfrat de pirate veuille encore trouver quelqu'un d'autre. Mais que voulait-il ? Une chanteuse, ou quelque chose d'approchant. Il n'a rien contre les chanteuses, que du contraire, c'est assez plaisant. Surtout si elles ont du goût. Mariner ? Mais non, pas du thé, enfin. Quoi que ? AH ! Voilà ! C'était ça.

- Eh bien quoi ? Pourquoi m'avez-vous donc fait descendre, capitaine ? Maintenant que je suis debout, j'aimerai savoir avant de me rasseoir.

-Si c'est possible, j'aurais besoin d'un coup de main... de magie, ce que vous voulez, pour faire un peu parler notre invitée du jour. Là-bas en bas.

Quelle perte de temps... Abyssale.

- Allez lui tirer les vers du nez, mais en douceur, m'voyez ? Gentiment, l'air de rien. Avec ... je sais pas, un petit tour d'hypnose sympa ? Entrer dans la têtes des twi'lekk, vous savez faire, dans votre communauté de cingl... de magiciens ?


_________________________


Elle va attendre que l'autre gros soit parti. Elle va demander à aller aux toilettes. la brute va devoir l'accompagner jusque derrière la porte. Et lorsqu'il passera le seuil, ZLAM, d'un puissant coup d'épaule puis de tête, elle lui démontera la figure par surprise. Assommé, il tombera à ses pieds. Elle en profitera pour sectionner son lien avec le vibro-couteau qu'il a à la ceinture, elle se libèrera, arrachera ce bâillon et courra comme une folle pour quitter cet endroit de malheur... Libre !

Nassa ne retient plus ses larmes, pleurer a un puissant effet anesthésiant. Elle laisse filer son petit holofilm de super héroïne dans le néant qui lui fait face. Elle n'est pas un super soldat, elle n'aurait même pas la force de lui coller une giffle assez forte pour lui faire une marque. Et au vu de sa musculature et de ses réflexes, il aurait cent fois le temps de l'ouvrir en deux avant qu'elle ne puisse le neutraliser... Non, Nassa, reste sur cette chaise. La vie est trop précieuse pour la gâcher d'une façon si stupide...

Le chef met du temps à revenir. Malgré elle, la danseuse ne peut empêcher son esprit affolé de galoper dans l'imaginaire.

Elle sent la présence des personnes en robe avant même qu'ils passent la porte. Son regard terrifié les passe en revue. Combien sont-ils, là-dedans ? Elle n'en a vu que trois tout à l'heure, mais apparemment elle avait pas toute la grappe.

Et qui sont-ils, ensuite ? Ils dissimulent la plupart du temps leur visage et s'enroulent dans ces grandes robes bizarres. Elle a déjà vu des Sith dans les holojournaux : pas tout à fait le même style... Ceux-là ressemblent davantage à des pèlerins de la Bordure. Mais le simple fait qu'ils soient avec les pirates suffit à en faire des Sith aux yeux rougis de Nassa. Comment des Jedi pourraient-ils se compromettre de la sorte ? Impensable ! Les Jedi sont tous les moines vertueux pleins d'empathie qui viennent en aide, pas des connards profiteurs qui enlèvent des gens comme elle pour faire chanter des gens comme Gredeon !

Et comment une danseuse comme Nassa pourrait imaginer qu'il existe une myriade d'autres voies que ces deux-là ? Ce n'est pas du tout ce qu'on lui a appris. Et puis, elle s'en fiche. S'ils tentent seulement de lever le petit doigt sur elle, elle hurle, elle mord, et Dalla finira le reste ! Enfin, s'il en reste ?

-Chère Nassa, comme tu peux le constater - et j'suis vraaaaiment désolé pour toi - ton cher Erisko a visiblement pas eu la bonté de venir s'occuper de te délivrer. Oups ! Comme quoi, toi et moi, on s'ressemble plus qu'on en a l'air ! Tous les deux, on s'aperçoit qu'on connaît pas les gens qu'on côtoie. Moi aussi, j'ai fait l'erreur de croire ton petite Gredeon chéri d'amour... Et je l'ai regretté. Et tu sais quoi ? Eh bah c'est exactement ce qui t'arrive aujourd'hui.

Même perdue comme elle l'est, Nassa ne reste pas insensible à ce drôle de discours. Elle s'attendait à des menaces, une tentative d'intimidation... Même une drague bien lourde comme les salauds de son genre en ont pris l'habitude dans les cloaques qu'ils fréquentent... Mais ça ?

- Alors, toi et moi, on a peut-être quelques questions à poser, tu crois pas ? A Gredeon-chéri ? Non ? Mais pour avoir les réponses, va déjà falloir le faire venir. Et ça, c'est avec toi qu'on va pouvoir y arriver... Comme j'ai pas l'impression de t'faire marrer, j'ai invité une personne un peu plus... subtile. Tu vois. Oh, fais pas cette tête, mon ami ci-présent va se faire un plaisir d'être d'un tact et d'une subtilité bien plus grande que moi ! Tu vas rien sentir, t'inquiète pas...

Cette grande gueule n'a vraiment aucun savoir-vivre, aucun sens de l'hospitalité. Ayindale est perturbé par la détresse qui émane de la prisonnière : mais que lui a-t-il donc fait, à cette pauvresse, pour la plonger dans un tel désarroi ?! Elle n'a pourtant pas l'air d'avoir ingéré des vers de cerveau. Peut-être que si, en fin de compte ? Impossible d'en être certain.

- Enfin, capitaine ! s'exclame Stolas en regardant le visage trempé de larmes de Nassa, Vous ne voyez pas que cette jeune personne est complètement déshydratée ?! Elle va tomber en poussière sous vos yeux et vous la laisser souffrir de la sorte ?!

Le grand maître qu'il est sait reconnaître un être de bonne condition lorsqu'il en voit un : la tenue, légère certes, mais de facture appréciable, et les nombreux bijoux, font état du fait que cette danseuse n'est pas une esclave. Que devait-il lui faire, déjà ? Certainement pas la laisser agoniser comme ça sur une chaise. Pour qui ce maudit pirate l'a-t-il pris ?! Quel mufle sans dignité. Aucune classe, aucun panache. Faut-il toujours que son sens de l'à-propos sauve la mise de ce malheureux échoué par hasard. Lamentable.

- Findis ! Allez donc lui chercher une tasse de thé pour cette demoiselle !

Quoi ? Nassa bat des cils, interloquée. Klasgow laisse sa large paume s'écraser contre sa face consternée.

Le jeune adolescent manque de se prendre les pieds dans sa robe en dévalant les escaliers, la bouilloire dans une main et une tasse ébréchée dans l'autre. D'un claquement de doigt, Ayindale arrache le bâillon qui muselle Nassa et désigne d'un élégant geste de la main le fabuleux trophée brandit par l'acolyte.

- Buvez, ma chère. Cela ne peut vous faire que le plus grand bien.

Il lui sourit, et son visage émacié sans sexe et sans âge pétrifie la twi'lekk un bref instant. Ses yeux vont de la tasse à Ayindale et d'Ayindale à la tasse. C'est n'importe quoi, elle ne comprend plus rien. Les yeux dans le miroir la toisent maintenant avec une pointe de surprise et un pressant sentiment d'urgente lui fait comprendre qu'elle doit prendre cette tasse très vite. Cherche pas, fais pas la maline, prend cette foutue tasse, Nassa. Tu te poseras des questions plus tard.

Avec un rictus qu'elle tente de rendre poli, les yeux encore pleins de larmes, elle passe un doigt tremblant dans la minuscule anse de la tasse comme elle le peut avec ses deux mains liées. Aucun mot ne parvient à passer la barrière de ses lèvres scellées.

- Que faites-vous donc ainsi fagotée sur ce siège, ma douce amie ? Ce n'est pas une façon d'aborder des négociations, convenez-en !

Malgré toute l'amabilité dont il fait preuve, avec toute l’invraisemblance que cela comporte, rien ni dans son apparence ni dans sa présence n'incite Nassa à accepter quoi que ce soit de sa part.D'ailleurs... elle est sensée dire quoi...? Merci ? M...monsieur ? Madame ? Aucune foutre idée ! Dès qu'elle pense avoir la réponse, un détail vient contrecarrer ses efforts.

Il émane de sa personne quelque chose que la danseuse ne saurait pas décrire... C'est... comme une sorte de tension dans l'air, mais complètement aléatoire, qui va, qui vient, dans tous les sens. Iel a l'air... parfaitement vivant, et presque mort tant sa peau est de plâtre. Femme et homme, sans qu'aucun ne soit plus évident. Aimable et pourtant absolu dans toutes ses manières. Une sorte de paradoxe intangible, et c'est franchement dérangeant pour une femme aussi pragmatique qu'elle. C'est plus simple, d'habitude ! Beaucoup plus simple !

Non, elle ne va pas tenter d'apitoyer quelqu'un comme ça en se rendant toute mielleuse comme elle le fait si bien : le remède a toute les chances d'être bien pire que le mal... Elle aurait pu, pourtant... Un peu ? Pour voir ? Non. Autant s'en tenir au rôle qu'elle s'est donnée, et ne pas se laisser berner par l'ennemi :  fille effarouchée que tout le monde martyrise mais qui ne cèdera pas. C'est un rôle qu'elle maîtrise assez bien, qui passe plutôt pas mal à l'holographie.

- N-Ne me touchez pas...! Je vous préviens...

Sa voix sonne trop aiguë, trop éraillée. Elle n'a rien bu depuis trop longtemps. Effectivement.

- Si jamais vous me faites du mal, ma sœur vous le fera payer !

Klasgow marque un temps d'arrêt. Ah ? Tiens. Bizarre, on lui a pas parler d'une sœur. Ayindale agite ses mains comme il sait si bien le faire :

- Du mal ? Ne soyez pas ridicule, enfin. Nous sommes des érudits, des scientifiques ! Pas des... tortionnaires ou je ne sais quel adjectif abjecte. Les seuls qui ont à nous craindre sont ceux qui tiennent à nous nuire, et vous ne semblez pas en faire partie. N'est-ce pas ?

Mais... Iel essaye d'inverser les rôles, là, ou quoi ? Quel culot ! Ses lekkus tremblent plus qu'ils ne le devraient : ressaisis-toi Nassa, ne te fais pas avoir.

-J-je tomberai pas dans le piège ! Non ! Vous êtes avec eux ! Avec ces types ! Vous travaillez pour eux ! Faites très attention : ma sœur est une Jedi ! Vous m'entendez ?! Si jamais elle apprend ce que vous m'avez fait, vous allez regretter de ne pas m'avoir laissée tranquille !

Voilà ! Là, c'est dit ! Elle a hésité, mais finalement, la tête du vieux pirate vaut mille. Ah, il fait moins le malin, le gros lourdingue ! Nassa retient un sourire vicieux. L'étrange personnage au regard maquillé se retourne avec un intérêt soudain. Nassa réprime un frisson : est-ce qu'elle a fait une bêtise, là ? Euh...

- Une Jedi ? Dites-vous ? Vraiment ? Mais quelle coïncidence étonnante ! Voilà plusieurs millénaires que nos ressortissants n'avaient eu à rencontrer un représentant de cet Ordre.

-En effet, maître Ayindale, La dernière fois, si l'on en croit les Chroniques, c'était en...euh... en ?

-En l'an 412 après la Grande Guerre, il me semble. Vous devriez relire vos classiques, frère Askar.

-Est-ce vrai ? Un vrai Jidaï ? Comme dans les légendes des registres la Tour ?

-J'ai vu un Jedi, une fois.  C'était sur Nal Hutta. Rien de transcendant, j'en ai bien peur. Une personne imbue d'elle-même et sans grand esprit... Ne soyez pas trop optimistes, mes chers frères.

-Pourrons-nous lui présenter certaines de nos visions ? J'ai oui-dire qu'ils avaient de grands prophètes en leur sein !

Hein ? Mais... quoi ?

Stolas lève un index catégorique :

- Suffit ! Nous verrons cela en temps utile ! Ah, mais avant ! Il faut absolument l'inviter à dîner.

- Oh bordel, arrêtez avec vos conneries... Personne n'invitera personne à dîner ici ! Et aucun Jedi ne viendra ici ! C'est hors de question !

- Je me contrefiche de votre avis , Klasgow ! Je n'ai pas l'intention de me plier à vos manières répugnantes sous prétexte que vous n'êtes pas capable de reconnaître un hôte de marque lorsque vous en avez un !

Nassa se décompose. Mais... non ! Non ! NON. Non non non, là, ils sont sensés faire "Oh !" "Ah !", ouvrir grands leurs yeux et arborer des expressions de panique et de peur ! Se confondre en excuses ! S’aplatir devant elle ! La libérer sur-le-champs en la suppliant de ne jamais rien dire !

Pas se mettre à sourire comme si elle leur avait proposer de partir en promenade champêtre un beau soir de printemps !! Mais ils sortent d'où, ceux-là ?!

Mais où je suis tombée... Oh Dalla... Au milieu des déblatérations sans fin auxquelles elle ne comprend plus rien, elle baisse le nez et réalise qu'elle tient toujours la petite tasse fumante. De dépit, Nassa y trempe les lèvres. Mh.

Oh ! La vache, mais c'est que c'est super bon, ce truc, en fait !


- Bon. Et si on discutait plus sérieusement ? Ta sœur, c'est bien. Mais c'est ton mari que je veux. Tu veux partir ? Soit. Mais d'abord, tu me dis où s'est taillé le vieux Gredeon Erisko.


_________________________

Au beau milieu de la banlieue brumeuse longée par les marécages, Gredeon conduit, pied au plancher. Il jette des coups d’œil nerveux dans les rétroviseurs, où apparaît le visage concentré de Dalla. Il a l'impression d'être en taule, surveillé par un maton armé d'une matraque. Une matraque laser.

Eh merde. Merde ! C'est le seul mot qui tourne en boucle dans sa tête, à présent. Comment a-t-elle fait pour débarquer si vite ? Il n'en sait rien, pas plus qu'il n'a compris comment Nassa avait pu se faire enlever sans laisser de trace. Quelle famille de dingues... Qu'est-ce qu'il était allé s'enticher d'une twi'lekk ? Comme s'il n'y avait pas assez d'humaines dans cette galaxie !

Nouveau coup d’œil.

Il devrait être soulagé. Devrait... Après tout  elle veut aider. Ils veulent toujours aider, ces moines guerriers armés de bâtons lumineux ! Toujours ! Mais il n'est pas dupe. Il sait que cette sœur bizarre l'a toujours détesté. Il le lui a bien rendu. Sans doute pense-t-elle qu'il n'est qu'un raté. Elle a tort, mais il ne va pas perdre son temps à l'en persuader. Les Jedi, disait-on par ici, avaient le don de vous apporter plus d'ennuis que de bonheur. Et maintenant qu'ils sont personna non grata au sein de l'espace républicain... impossible d'espérer se refaire une santé avec cette Dalla sur les talons. Tôt où tard, il devra s'en débarrasser... Mais comment ? Quand ? Aucune idée. Pour l'instant, c'est inenvisageable sans dommages.

Et puis, reste Klasgow.

Peut-être avait-elle une chance d'en remontrer au vieux pirate. Mais ce renard de l'espace n'est pas un petit loubard comme on en trouve dans les astroports... Gredeon est bien placé pour le savoir. Près de quarante ans de piraterie en ont fait un loup du vide plus retord que sa carrure de videur ne le laisse présager... Un tueur aussi malin que cruel qui n'hésite pas à s'allier avec ce que la galaxie fait de pire. D'ailleurs, il ne serait même pas surpris s'il avait réussi à passer un accord avec l'Empire. Rien que d'y penser, il risque d'en faire des cauchemars : ces types-là sont tous dingues. De vrais malades. S'il a des Sith avec lui, qu'est-ce qu'ils vont lui faire ? Une cascade d'horreurs lui dégouline soudain dans le crâne.

Survivre. Il lui faut trouver un plan B au cas où la Jedi ne s'en sortirai pas. En attendant, elle le surveille comme s'il allait...quoi ? Les planter dans le décors ? Comme s'il allait, lui, se mettre en danger pour elle. Ridicule.  Ces Jedi se prennent vraiment pour l'axe de rotation de la galaxie.

-On arrive. C'est là-bas.

Et pour le prouver, il pointe de sa main gauche l'autre côté de l'avenue. Sur la façade d'un immeuble qui a connu des jours meilleurs, un énorme néon holographique se trémousse au-dessus d'un grand porche et annonce fièrement "Palais Boo - Ba ". En plus petit, on peut lire en lettres métalliques " Boogan Bastringue - L’incontournable du jeu ! "

Gredeon essaye de repérer d'éventuels trainards. Mais dans la marée de speeder et autres transports personnels amarrés sur les aires autour du casino, impossible de deviner qui est quoi. Parfait pour une embuscade. Un endroit à ne pas fréquenter, surtout quand on a des tueurs à gages aux fesses. Et en un sens, Gredeon le sait, il n'en est pas loin.

- J'espère que tu sais vraiment ce que tu fais, Dalla...

Parce que lui, sais parfaitement qu'il fait ce qu'il ne faudrait surtout pas faire : aller se jeter directement dans un piège taillé sur-mesure pour être mortel. Impossible de savoir qui ou quoi l'attend au coin de la rue. Mais il en est certain : le gros poisson n'est qu'en seconde ligne. Vieille ruse de bandit : toujours attendre de voir de quoi l'adversaire est capable avant de déployer l'artillerie lourde.

Parce que dès que ma tête va apparaître là-bas, c'est quitte ou double...
Pour un casino, c'est logique, en fin de compte.



Dalla Tellura
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Dalla avait enfin compris -enfin, elle l’espérait-, le fonctionnement du programme que lui avait conseillé Rubee, quand Gredeon lui indiqua qu’ils approchaient du casino.

Elle fixa les grands néons criards. Ce n’était pas Coruscant, bien sûr, mais les lumières, la foule, l’agitation… tout cela lui rappelait suffisamment la planète capitale pour qu’elle se sente à l’aise. Plus que dans le motel paumé où elle avait récupéré Gredeon.

Elle fixa une dernière fois son datapad, où s’affichaient les informations concernant l’appel qu’avait reçu Gredeon de la prétendue Nassa. Le programme de Rubee devrait être capable de déblayer plusieurs niveaux d’encryptage du truc. Mais cela risquait de rendre du temps. Elle lança la procédure, et rangea son datapad dans la poche arrière de son pantalon.

Elle reporta son attention sur son beau-frère et ses remarques -indéniablement pertinentes.

-C’est pour ça que je vais y aller toute seule. Toi, tu restes là.

Il eut une esquisse de sourire, qu’il essaya de dissimuler.

-Et pour m’assurer que tu seras toujours là quand je reviendrai…

Elle sortit d’une de ses poches un objet qu’elle fut bien contente d’avoir emmener depuis le Temple.

-Je vais t’accrocher ici.


Elle passa l’un des bracelets de menottes qu’elle venait de sortir dans la portière du speeder.

-Droitier ou gaucher ?
-Gaucher.

Dalla était prête à parier qu’il mentait. Encore.

-Alors donne moi ta main droite.

Elle accrocha le deuxième bracelet à la main droite de l’humain.

-QUOI ? MAIS ?
-Tu peux toujours m’appeler avec ton comm si tu as le moindre problème.
-Tu vas me laisser là, seul, menotté, alors que…

Dalla sauta hors du speeder sans l’écouter, et ouvrit le capot.

-Ça, dit-elle en retirant d’une main le polarisateur d’énergie, c’est pour éviter que tu files avec le speeder de mon ami.

Et elle se dirigea vers le casino, en tournant le dos à un Gredeon ulcéré et plus que nerveux.

Dalla prit soin de glisser son sabre laser dans une poche intérieure de son blouson. Pas très pratique, mais suffisamment discret pour l’instant.

L’assurance que la jedi avait ressentie dans la rue s’évanouit quand elle entra dans le Boo-Ba.
Elle avait toujours détesté les foules, les lumières fortes, la musique forte, et les personnes éméchées. Jackpot !
Ce qui était assez paradoxal, pour un casino…

Elle essaya néanmoins d’adopter un air assuré. Elle se fixa une feuille de route, histoire d’avoir quelque chose à faire. Premièrement, aller s’accouder au bar.

Une fois accoudée, elle put, de façon plus naturelle (encore une fois, elle l’espérait, en tout cas), observer les alentours et les clients du casino. Plus d’hommes que de femmes, et la plupart des femmes étaient accompagnées, alors qu’il y avait de nombreux hommes seuls. Typiques. Les serveuses étaient bien moins habillées que la plupart des serveurs. Typique aussi.

Malheureusement, néanmoins, contrairement à Gredeon, elle ne connaissait ni ce Klasgow, ni les gens qui travaillaient pour lui, ni la pègre de l’espace hutt, ni même le fonctionnement d’une pègre. Ce n’était peut-être pas une si bonne idée que cela, d’entrer seule pour faire un repérage…

-Dalla ?

Dalla sursauta et se retourna dans la direction d’où venait la voix.

-Klem ?

La jeune twi’lek verte, qui devait travailler au casino comme serveuse (ou comme escort, ou comme n’importe quel métier pour lesquels les hutts avaient tendance à recruter de jolies twi’leks) lui sourit.

-Je croyais que tu avais quitté la planète ?

Si Klem n’avait jamais fait partie des colocataires des jumelles Tellura, elle avait été une collègue de Nassa pendant plusieurs années, et Dalla l’avait rencontrée à de nombreuses soirées et goûter à l’appart.

-Je… oui… Je suis revenue parce que…


Une idée lui traversa l’esprit.

-C’est à propos de Nassa. Fais comme si de rien n’était. Euh… Comme si on se connaissait pas, que j’étais une cliente comme une autre.

Klem lui offrit un sourire charmeur, et posa la main sur son avant bras.
Ce n’était pas exactement ce que Dalla avait en tête, mais…

Il arriva alors ce qui devait fatalement arrivé, dans un endroit rempli de mâles éméchés, quand deux femmes twi’leks se touchaient : un concert de sifflement réunit les clients qui les entouraient.

Dalla sentit le sang affluer à ses joues et ses lekkus, et elle alpagua le siffleur le plus proche, un rodien affalé au bar.

-Qu’est-ce que t’as à nous fixer ? T’as jamais vu deux meufs parler ensemble ?
-Tu me payes un verre ? proposa Klem, d’un ton apaisant.

Dalla grogna un assentiment.

-Un chandrilléen, avec deux glaçons, pour moi ! C’est  le moins cher de nos cocktails décents, précisa-t-elle à Dalla à voix basse. Et toi ?
-Un thé glacé. Je conduis après, ajouta-t-elle, en espérant que le fait de ne pas commander de boisson alcoolisée paraîtrait moins suspect ainsi.

Le temps que leur boissons arrivent, l’attention autour d’elles s’était un peu dissipée, même si Dalla remarquait de temps à autre des petits regards appuyés dans leur direction.

-Qu’est-ce qu’il y a avec Nassa ?
-Elle a disparue. Je cherche à la retrouver.
-Et son mec ? Le plein aux as ?

Dalla hésita un instant. Jusqu’à quel point pouvait-elle se fier à Klem ? Elle ne la connaissait qu’à peine. Avec un soupir, elle décida de de se fier à la solidarité féminine qu’elle avait si souvent vue entre filles exploitées par l’industrie du divertissement.

-C’est à cause de lui qu’elle a disparu. Je l’ai… convaincu… de m’aider à la retrouver. Pour l’instant, notre seule piste nous a menés ici… Tu ne serais au courant de rien de… bizarre ?
-Chérie, on est au Boo-ba ! C’est le pas bizarre qui est bizarre, ici !

Elle partir d’un grand éclat de rire, faisant onduler ses lekkus, le tout sans décoller sa main du bras de Dalla. Après ce grand éclat de rire, elle se pencha un peu vers Dalla, en faisant glisser sa main le long du biceps de la jedi jusqu’à son épaule.

-Le casino abrite souvent des activités un peu… encore moins légales que ce qu’on fait d’habitude. Pamno bosse à la sécurité, tu veux que je lui demande s’il a entendu ou vu quelque chose ce soir ?
-Pamno ?
-Tu peux lui faire confiance ! s’exclama-t-elle en se décollant du bar avec un lent balancement de hanches.

Elle tira le bras de Dalla pour l’attirer vers elle. Puis elle passa son bras sous celui de Dalla, et lui murmura à l’oreille :

-C’est mon fiancé !

Dalla ne fit aucune remarque sur le fait qu’elle n’étais pas sûre de faire confiance aux fiancés de filles à qui elle  n’était déjà pas sûre de faire confiance. Elle suivit Klem vers le grand escalier double qui montait à l’étage du casino. Dalla sentit le poids des regards qui les accompagnaient. Tant pis pour la discrétion. Mais au moins, tout le monde devait la prendre pour l’une des rares clientes féminines venues s’amuser seule au casino et profiter des différents services qu’offraient ses étages.

Arrivées en haut de l’escalier, Klem laissa Dalla pousser la double porte en verre dépoli. Une fois les portes refermées, Klem lâcha le bras de Dalla et ouvrit une petite porte à l’écriteau «interdit, sauf personnel autorisé ».
Dalla jeta un rapide coup d’œil autour d’elle, il ne semblait y avoir personne, puis elle suivit Klem.

La petite pièce était assez sombre, en comparaison avec les lumières blafardes de la salle principale. En fait, tout l’éclairage venait des deux douzaines d’écrans rassemblés sur le mur opposé à la porte. Un twi’lek, vert lui aussi, était assis dans un fauteuil en face des écrans.

-Pamno ?
-Klem ? Qu’est-ce que ?
-Bonjour, fit Dalla.
-Je te présente Dalla, c’est une vieille amie.

Dalla n’avait pas le souvenir qu’elles aient été si proches, mais si cela pouvait aider ce Pamno à lui donner des informations, elle n’allait pas se plaindre.

Pamno la regarda de haut en bas. Il se demandait peut-être comment Klem avait rencontré Dalla. Elle n’avait pas vraiment le profil du groupe d’amies que Nassa et les filles fréquentaient d’habitude.

-OK. Pourquoi tu l’as amenée là ?
-C’est la sœur de Nassa. Tu te rappelles, ma pote, qui m’a envoyé ces dragées, après son mariage ? Bref. Elle voudrait savoir quels sont les arrangements de ce soir.

A la façon dont Klem avait prononcé le mot « arrangement », Dalla n’avait aucun doute que ce mot avait une signification particulière pour les employés, qu’il désignait un fonctionnement ou un service spécifique du casino.

Pamno sembla réfléchir quelques instants. Il dévisagea longuement Dalla, puis finit par se retourner vers ses écrans.

-La table 3 doit faire perdre suffisamment de crédit à la muun habillée en bleu pour qu’elle soit obligée d’accepter la proposition de Dubro Steel Industries. La ministre Aurika fait suivre son mari par trois privés et son amant par deux. C’est marrant, parce qu’ils sont à la même table de sabacc. Y a deux mecs en planque à l’entrée qui en attendent un troisième depuis hier matin. Et la police s’apprête à arrêter Ludmina Aryoti, quand elle essaiera d’échanger sa fausse tiare de gemmes Corusca contre des jetons à la banque. Ça, c’est ce que Gigi ma dit quand j’ai pris mon poste. Y a p’t’êt des trucs qu’il m’a pas dit.
-Merci, Pamno. Dalla, ça te parle ?
-Je peux voir où sont les deux mecs en planque ?
-Ils sont… Ah bah… attends… je les vois plus… ils sont peut-être… Ah ! Y en a un là, près de la sortie de secours… L’autre…
-Il est peut-allé aux toilettes, suggéra Klem.
-Peut-être, fit Dalla sans conviction.

Elle regarda son datapad. Le programme de Rubee avait fini de décrypter les données de l’appel. Elle enregistra les coordonnées dont l’appel était censé émaner. Elle nota avec soulagement que l’appel provenait de Dubrava, et pas d’une autre planète.

-Aucune importance. Merci pour votre aide.

Elle sortit de sa poche une grosse pile de crédits. Elle en donna un tiers à Pamno, un tiers à Klem.

-Klem tu veux bien rester hors de la salle encore quelques temps… histoire que…
-Que tout le monde pense que tu es encore avec moi à prendre du bon temps ?
-Euh, oui, c’est ça… murmura Dalla, les joues vraisemblablement d’un joli violet.

Elle tendit le dernier tiers de crédit devant elle.

-Ce serait possible de gêner les deux types en planque ? Les perturber, quoi qu’ils fassent ?
-Je mets Antony sur le coup ! déclara joyeusement Klem en attrapant les crédits.
-Par où je peux sortir discrètement ?
-Viens, je vais te montrer la « sortie du bon père de famille » !

Six minutes plus tard, Dalla était dehors, sans avoir croisé âme qui vive, en dehors d’un droïde de nettoyage.

-Encore merci Klem !
-Je t’en prie ! Va sauver ta sœur !

Klem lui claqua deux grosses bises sur chaque joue, avant de disparaître à l’intérieur du casino.
Restait à espérer que ni Klem, ni Pamno ni cet Antony ne la trahisse...

Dalla entreprit de retourner au speeder, en suivant sa balise de localisation sur son datapad.

En arrivant au speeder, elle fut presque étonnée de voir que Gredeon était encore là. Il était penché en avant à traficoter quelque chose, mais se releva prestement dès qu’il la vit.

-Tu connais cet endroit ? interrogea Dalla en lui montrant les coordonnées récupérées par le programme de Rubee.
-C’est pas très précis… T’as pas une carte ?

Dalla s’assit sur le siège passager, à côté de Gredeon, et entra les coordonnées dans la carte de Dubrava.

-Oh l’enfoiré ! s’exclama Gredeon.
-Quoi ?
-C’est chez moi ça !
-Quoi ?
-C’est mon entrepôt ! Mon premier, quand je suis arrivé !
-Du coup, tu sais où c’est ?
-Oui, oui…
-Et… tu aurais les plans du bâtiments ?


Une heure environ plus tard, Dalla s’avança en silence vers l’ancien entrepôt de son beau-frère, la main fermement serrée sur le col dudit beau-frère.

-Là. La trappe en haut à gauche. Ça mène à une petite courtine. C’est par là qu’on surveillait l’état des cuves.

-Alors vas-y. Tu entres par là. Moi j’entre par l’entrée normale. Rappelle-toi que je peux sentir ta présence dans la Force. Si je te sens t’éloigner, je te fais exploser les poumons.

C’était, bien sûr, du bluff, mais si ça pouvait dissuader Gredeon de partir en douce…
Ce qui n’était pas du bluff, en revanche, c’était le traceur qu’elle avait fixé dans la poignée du blaster de Gredeon, avant de lui rendre.

Elle aide Gredeon à monter jusqu’à la trappe.

Avant de la traverser, il se retourne vers elle.

-Tu me laisses pas, hein ? Tu rentres aussi là-dedans ?
-Deux minutes après toi, comme convenu.

L’humain finit par pousser la trappe, à contre-cœur. Les gonds grincent légèrement, les faisant grimacer tous les deux.
Dalla avait envisagé de barricader la trappe, pour éviter que Gredeon s’enfuie par là, mais ce sera peut-être leur seule voie de sortie à elles aussi, bientôt.
Dalla se contente donc de se diriger vers la porte principale, le plus silencieusement possible. Elle glisse son sabre dans sa manche droite et sa vibro-lame dans sa botte gauche.

Elle sonde le bâtiment. Elle sent vaguement la présence de Nassa. Mais, comme quand ils sont arrivés, tout est troublé par une autre présence. Et même plusieurs autres présences. Dalla frissonne. Que va-t-elle faire si plusieurs sith sont là, à l’étage, à l’attendre.

Elle tente de se rassurer, en se disant que Kark et Rubee savent où elle est. Si jamais elle ne devait pas revenir, l’Ordre jedi saurait qu’il était arrivé quelque chose, et elle faisait confiance aux siens pour empêcher les sith présents sur Dubrava de continuer leurs exactions.

Elle se console aussi en se disant que personne, pour l’instant, à l’intérieur de cet entrepôt, ne sait qu’une jedi est impliquée. Elle a l’effet de surprise pour elle.
Il va falloir en tirer profit.
Stolas Ayindale
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▲▼ RETOURS DE FLAMMES ▲▼

Feat. Dalla Tellura


Nassa regarde sa tasse vide avec horreur. Que t'es bête ma fille... à tous les coups il y avait de la drogue dedans ! L'idée la fait de nouveau paniquer. C'était si tentant... et puis elle avait tellement soif... Mais les secondes passe et elle ne sent rien. Pas le moindre petit arrière goût amer, pas la moindre soudaine somnolence. Bizarre. La jeune twi'lekk contemple le fond de la petite tasse encore et encore. C'est la semaine des surprises, rien n'est ce qu'il paraît être, tout est à l'envers. Va falloir s'y faire, ma pauvre.

Quand elle redresse le museau, elle se retrouve nez à nez avec Klasgow.

- Alors ? Y a rien qui te revient ? Mh ?

De quoi lui parle-t-il déjà ? Elle a une absence. Nassa essaye de décrypter son air renfrogné. Est-ce qu'il est vraiment du genre à se montrer violent ? Vu le nombre de cicatrices qu'il porte, ce n'est pas un enfant de cœur, c'est certain. Mais de là à la maltraiter elle ? La pauvre fille ? Ce serait tellement inégal... Tellement...

- T'as pas la moindre idée où il peut être, à cette heure ? Tu vois bien qu'si not'plan avait fonctionné, il s'rait déjà là ton corniaud, hein ? Alors ? Il a pas une petite planque ? Un autre appart' ? Un bon copain chez qui loger ? Mh ?

Par l'une des vieilles vitres de l'entrepôt, elle avise la nuit noire qui décore le ciel. Depuis combien de temps est-elle enfermée ici ? Elle ne sait pas. Tout est flou. Et Gredeon qui ne vient pas. Et Dalla... Où est-elle ? A-t-elle seulement eu son message ? Tellement de questions, si peu de réponses. Un mal de crâne se profile.

-Je...

Une diversion, n'importe quoi. Le temps de réfléchir. Elle avise le personnage énigmatique en train de faire elle ne sait pas quoi dans le dos du pirate. Elle a la vague impression qu'iel se parle à iel même, ou quelque chose du genre. Nassa tente le tout pour le tout : petit raclement de gorge, coup d’œil intéressé au pirate.

- Je revoudrais bien une tasse de... euh... thé ? C'était... c'était vraiment très bon.

C'était bien du thé, hein ? Elle finit par en douter. Zoar écarquille les yeux. Il rêve. Cette nana est véritablement en train de prendre ses aises, là ? Il lui vient une soudaine envie de lui retourner la figure, à cette peinturlurée des beaux quartiers.

- Ah bah oui... Et pis aussi des p'tits gâteaux pendant qu'on y...

Oh mais bien sûr ! Excellente idée ! ...FINDIS ! Une autre tasse ! Dépêchez-vous un peu.

Klasgow secoue la tête. Ce foutu thé de merde. Mais qu'est-ce qu'ils ont tous avec ça ? C'est insipide et beaucoup trop sucré. Rien ne vaut un bon rhum. Un truc de brigand, quoi. Pas un truc de...

Le jeune initié, toujours aussi zélé, repart chercher la théière avec une mine atterrée. Nassa ne se l'avoue qu'à moitié, mais voir cet avorton se précipiter comme un dératé dans tous les sens porte un petit parfum de vengeance qui ne lui déplaît pas. Encore un peu et elle y prendrait goût... Bien fait pour ta gueule, petit con. Malgré son rimel délavé par les larmes et ses traits fatigués, elle parvient à adresser ce qu'elle espère être un sourire à la créature qu'elle a identifié comme le "maître" de l'autre jeune roux. Avec un peu de chance, elle peut peut-être tirer son épingle du jeu...

- Merci ! Vous êtes vraiment adorable ! Fait-elle en récupérant une nouvelle tasse pleine.

Klasgow s'étouffe. Cet aliéné, adorable ? Parle pas trop vite, ma jolie. Attends un peu de voir le dos des cartes postales. Bon, en même temps, elle a pas l'air fine, attachée à sa chaise, la robe de travers, la tasse au bout des doigts, en train d'essayer de boire. Mais le compliment a au moins l'avantage de maintenir le sorcier de bonne humeur. Il se met à rire, de ce rire absolument insupportable qui oscille entre le timbre cristallin d'un castrat et le râle rauque d'un asthmatique. Les ongles du capitaine s'enfoncent méchamment dans la doublure de son pantalon commando.

C'est une variété rare, qu'il n'est pas aisé de trouver par ici, même en contrebande, voyez-vous. Êtes-vous une amatrice ?

- Euh... Non... Mais...

- Oui oui oui... C'est super, vous papotez bien tous les deux, mais ON AVANCE PAS ! Alors quand vous aurez fini avec vos tasses et vos théières, on pourra p'tet s'y mettre !

- Tchhh, quelle insolence...inconséquente. Cessez de vous comporter comme un rustre de l'espace, Zoar ! Nous ne sommes pas aux pièces, après tout... Asseyez-vous donc.

- J'm'assois si ça m'chante, et non, on a clairement pas toute la nuit ! A l'heure qu'il est, Erisko est peut-être déjà dans une navette, bordel de... !!!

Zoar sent brusquement un étau glacial se refermer sur lui. Ses membres cessent soudain de lui obéir, et il se retrouve dans la même position que Nassa, vissé à sa propre chaise, propulsé en arrière et écarté de la scène. La main levée, Stolas le contourne, le regard dangereux. Toute trace de son rire a disparu, et un soupçon de dégoût méprisant décore ses lèvres sombres.

- J'ai dit : assis.

L'ordre claque avec toute la froideur du monde. Les hommes de Klasgow ont bondit, suivi par les tundites. Tout le monde échange des regards, le temps se fige. Le pirate grogne de fureur, mais la poigne invisible qui le maintient en place semble indifférente à sa force. Furieux, il se tait, incapable de prévoir ce qu'Ayindale a en tête. Lequel, en réalité, s'est déjà retourné vers Nassa avec un rictus vorace. Tiens, elle a plus du tout l'air d'apprécier l'hospitalité de la pièce, la donzelle.


_________________________


Tandis que Dalla disparaît à l'intérieur du Casino, Gredeon en jure un sac. Des menottes ! Mais depuis quand les Jedi se baladent avec des menottes !! La seule du coin qui est assez tordue pour avoir ça sur elle, il faut qu'il en hérite ! Quelle journée de merde... Une idée tout à fait scandaleuse lui traverse l'esprit. Oui, ok, il aime bien ça, mais pas dans ce contexte-là, en fait... Non... Attends, elle avait pas ça dans sa poche pour...? Le jeune entrepreneur arrête sa pensée juste avant le bord du précipice. Non, les Jedi ne font pas ce genre de choses, voyons. C'est ridicule.

Furtivement, il capte son reflet dans l'un des nombreux rétroviseurs. Et en plus, il ne ressemble plus à rien ! Dire que ce coiffeur lui avait coûté un bras. Bref, Gredeon passe l'une des pires soirées depuis très longtemps. Après plusieurs minutes à grommeler et à soupirer, à moitié affalé sur la banquette, une idée germe dans son esprit.

S'il ne peut pas s'enfuir, il peut au moins tenter de piquer quelques trucs utiles. Voyons voir. Son regard inspecte avec minutie l'intérieur du speeder. Mouais. Peut-être que...

-Tu cherches quelque chose ?

Il manque de s’assommer en se relevant. Et. Merde.

_________________________


L'air s'est raréfié. Nassa dévisage la paire d'yeux avec un mélange de confusion et de peur. Tout allait très bien. Ils prenaient le thé, c'était presque convivial, et... La grande silhouette écarlate s'avance vers elle en se frottant pensivement les mains. Elle remarqua alors qu'au travers de ses mèches sombres coupées aux mâchoires, deux longues oreilles en pointes dépassent. Une seconde, elle réfléchit à toute vitesse. C'est quoi, ça, comme espèce déjà ? Depuis tout à l'heure, elle agit comme si elle s'adressait à des congénères... Mais peut-être fait-elle fausse route.

- Aimez-vous les promenades au clair de lune ?

Pardon ? Nassa cligne des yeux. C'est quoi ça ? Une... Une tentative de drague ? Une nouvelle lubie bizarre ? Elle bredouille, empêtrée dans sa surprise.

-J-J'apprécie parfois... oui...mais p-pourquoi ?!

- Parce que nous allons en faire une... rien que vous, et moi.

Deux mains se lève de part et d'autres de sa tête et sa respiration se bloque par réflexe. Lorsque les paumes d'Ayindale touchent ses tempes, Nassa sent toute sa personne se raidir, paralysée. Qu'est-ce qu'il fabrique ?! Son regard est rivé dans le sien et elle ne parvient plus à en dévier. C'est magnétique, et brûlant. Presque douloureux. Ses pieds semblent se dissoudre. Puis ses mains. Nassa lâche un cri : non, les balades, en général, elles ressemblent pas à ça !!

Stolas la fixe avec une telle intensité que quelqu'un d'autre que lui en aurait sans doute eu la migraine. Mais ce qu'il trouve le fascine. Elle a les iris presque de la même teinte que sa peau : carmins. Elle est terrifiée, mais ça ne va pas durer. Le temps, simplement, qu'il parvienne à trouver le bout du fil. Là.

Il sent qu'il tient quelque chose. Son esprit met un peu de temps à s’acclimater à cet environnement : la twi'lekk n'est pas du genre à s'occuper de trier son univers mental. C'est le foutoir, par ici. Elle rayonne au travers de la trame de l'Unité tout un fourbis de sentiments, de pensées brouillonnent totalement désordonnées. Il le sait, cette technique est exigeante, prend du temps. Mais il sait ce qu'il cherche.

Agréable. Bucolique, peut-être ? Sensation de bonheur. Nervosité... oui ? Inquiétude. Fébrilité, voilà ! C'est ça !

C'est un peu nouveau. Les dernières fois où ils ont déployé ce savoir-faire, c'était plutôt pour aller pêcher des choses particulièrement... désagréables. Mais le mécanisme demeure identique. L'intention, elle, diffère. Stolas dirige donc sa propre intention à la façon d'un compas de marine.

Sans en avoir conscience, comme lors d'un sommeil agité, Nassa entre dans un tableau qu'elle connaît. Le décors d'un théâtre qu'elle avait elle-même tenu à organiser. Oh oui ! Oui, quel jour superbe ! Et quelle tragédie déjà écrite.

Ayindale sourit : parfait. Allons-y.
Dans l'esprit statufié de Nassa, au travers de la Force, doucement, la scène prend vie.

- Dalla ! Dalla !

Nassa se met à courir. Elle est à peine essoufflée, dans cette magnifique robe étincelante à la mode dubravane ! Ah ! Elle est là ! Toujours un peu à l'écart. Mais elle a fait l'effort de venir, et Nassa lui en est reconnaissante. Enfin une main sûre et secourable dans cette marée de choses stressantes et déconcertantes ! Elle avait tout fait pour faire bonne figure, oui. Mais derrière le mascara et les paillettes, Nassa se sentait dépassée, minée... épuisée. Le plus beau jour de sa vie semblait être une course sans fin au milieu d'un parterre d'invités indifférents à sa détresse.

-Gredeon ?

-Oui, mon talisman d'aurodium ?

-Je te présente... je te présente Dalla ! Ma sœur jumelle.

-Dalla... Ah oui, Nassa m'a beaucoup parlé de toi. C'est un véritable plaisir de te rencontrer !

Dalla souffle une réponse qui résonne en échos étranges. Nassa sourit, Gredeon sourit. Le visage de Dalla s'imprime puissamment dans l'air, alors que l'illusion s'effrite autour d'eux. Nassa cligne des yeux. Devant elle, pas de parterre de fleurs. Pas de Gedeon, ni de Dalla. Qu'est-ce qu'il s'est passé, au juste ? Elle allait... c'était... c'était son mariage !

-..............Meh ?

La Promenade des Souvenirs, en réalité, n'avait rien d'une balade de santé, et la jeune twi'lekk se sent brusquement vidée de ses forces. Le sol sous ses pieds reprend consistance, le bel après-midi s'est évanoui dans l'air. La gravité lui paraît pénible, maintenant. Elle lève le nez et découvre le visage blême du sorcier en contemplation sur ce qu'elle tient. Ses mains sont toujours suspendues en l'air, comme s'il avait soudainement été interrompu : c'est peut-être le cas. Quelque chose semble le déranger. C'est ce plis sur son front, tandis que ses yeux d'un vermeil incandescent remontent vers elle. ses lèvres s’entrouvrent et il déclame avec le souffle d'une inquiète déception :

- Vous n'avez pas fini votre tasse.

Un silence pesant s'empare d'eux Nassa reste interloquée, déboussolée. La tasse... la... ah ! Euh, oui. Sa main se referme machinalement sur l'anse minuscule. Cette nuit lui semble soudain d'une longueur interminable : s'est-elle endormie ? Pourquoi a-t-elle rêvée de son mariage ? Elle en est à émettre un son de pure hésitation inarticulée, quand le silence vole soudain en éclat :

-Chef ! Chef ! On a... On a un PROBLÈME.

Les majuscules font décidément mal aux oreilles.


_________________________


Alors qu'il s'est presque endormi sur son clavier, le bip d'un comlink le tire de son demi-sommeil. C'est Sven. L'intel pirate se redresse brusquement et manque d'embarquer son matériel d'un coup  de pied.

-Hey ! Ici Sven ! Sven à QG, vous m'recevez ?

-A Sven, ici QG ! Alors ? Vous l'avez ?

-Euuh... Nan. Nan, en fait, on a un gros souci les gars...

-Comment ça ? Accouche, allez !

-En fait... On fait exactement comme prévu. On en pouvait plus d'attendre... Mais y a eu du cafardage !  L'un des types de la sécu' a entendu sa meuf causer à une autre, et, et... Putain, j'y crois toujours pas ! Il nous est passé sous l'nez c'cafard !

-Quoi ?! Mais vas-y, qu'est-ce que tu racontes ? Comment vous avez pu le rater s'il est venu ?

-Faut prév'nir l'capt'ain ! Erisko est pas seul : y a une nana chelou, genre baroudeuse, qui s'radine avec ! Une twi'lekk, baraquée, veste en cuir. L'genre chasseuse de prime : on a choppé la nana qui avait laissé filer l'aut'nana... la chasseuse, enfin, qu'a l'air de... et... enfin, apparemment elles se connaissaient et...

-Sven ! Putain, c'est urgent ton truc ? Abrège bordel, on y est pour la nuit ! C'est quoi le problème avec la fille engagé par Erisko ?!

-D'ce que j'ai compris, c'est... la sœur d'la meuf à Erisko et... ils se dirigent droit ici.

Woah. Tu parles d'une belle embrouille. Alors là, il fallait dire qu'il ne l'avait pas vue venir ! Sans prendre la peine de couper sa correspondance, le pirate laisse le poste à son collègue et bondit par les escaliers. Il stoppe néanmoins net à deux pas de la porte qu'il vient de franchir comme une tornade : la scène a de quoi surprendre.

Klasgow, planté le cul sur une chaise, contemple d'un air totalement blasé le grand type en robe en train de... de prendre le thé avec la fille. Enfin, c'est ce qu'il croit comprendre ? Les autres, en chien de faïence, les entourent en un large cercle circonspect. Il en a vu, des scènes, bizarres, mais celle-ci est vraiment dans son top dix.

- Non... Mais finissez, hein, je... je peux repasser tout à l'h...

-Ayindale ! Espèce de malade ! Vous vous êtes suffisamment amusé avec elle, relâchez-moi bordel ! Calv', balance ! Qu'est-ce qui se passe ?! C'est quoi la tuile ?!

-Euh... Eh bien en fait, ils ont trouvé Gredeon Erisko.

Un "AH" extatique généralisé retentit.

-...Mais en fait, ils l'ont pas.

Un second Ah, consterné.

-Il est en train de se diriger directement ici... et il est pas seul, il est...

Nouvelle exclamation.

-Avec une twi'lekk. Une twi'...

-DALLA !!

Nassa a presque réussi à se décoller de la chaise en prenant tout le monde par surprise. Les yeux pleins d'espoir, elle réalise qu'elle a un peu trop marqué son enthousiasme. Stolas la dévisage avec un sourcil levé.

Comment ? Que dites-vous ? Les invités sont déjà ici et personne n'est prêt ?!

Il semble réellement et profondément stupéfait. Ce n'était pourtant pas bien compliqué ! Une table, des chaises, une décoration - au moins sommaire, ils ne sont pas des sauvages ! - mais non ! Même cela, ces pirates sont incapables de le concevoir. A-t-il vraiment fait le bon choix, en remettant leur mission entre les mains d'une telle bande d'aigrefins sans subtilité ? Voilà qu'il en doute. La colère lui monte au nez plus rapidement que la marée sur une plage. Son esprit en déséquilibre permanent n'en finit pas de se retourner dans un élan de pure fureur :

Par l'Unité, vous n'êtes vraiment qu'une bande de bons à rien ! Il faut tout faire soi-même dans ce cloaque !! FINDIS !!!

L'adolescent couine de surprise. Sa robe tournoie furieusement à ses pieds alors qu'il se détourne de la prisonnière pour foncer vers les rangs de ses acolytes avec le bras levé. Quelques secondes plus tard, Zoar sent l'étreinte de Force disparaître comme par enchantement. Avec un rugissement de rage, il se lève et manque d'expédier la chaise sur le premier venu.

_________________________

Tout est calme. Très calme. Trop calme. Et il déteste ça !

A pas feutrés, Erisko s'est risqué jusque par la coursive. Il a suivi de mémoire ce chemin qu'il connaît si bien. Rien en vue. Il a bien cru voir de ci de là quelques objets dérangés, mais pas âme qui vive. Il aurait dû au moins apercevoir une ombre, quelque chose... Il tente d'apaiser sa respiration. L'endroit, plongé dans le noir, est autrement plus effrayant que dans ses souvenirs. Et surtout... il s'en dégage quelque chose de profondément dérangeant. Gredeon garde son arme levée au niveau de son visage, passe les alentours au peigne fin. Cette sensation lui en rappelle une autre.

La hantise de ses souvenirs se croise doucement avec la scène qu'il vit au présent. Le miroir. Le regard. Ils savaient tout. Comment ? Son esprit n'avait toujours pas résolu cette énigme. Le petit malfrat devenu grand actionnaire n'entend plus que son propre cœur au milieu de la solitude. Il déglutit. On l'observe. On l'épie...

-Je n'ai pas peur. Je n'ai pas peur. Je...

Soudain, le noir. Dans un fracas terrible, quelque chose lui tombe sur la tête, et il n'y voit plus rien. Une paire de bras, non, deux, non... trois ? Il ne sait plus, il hurle, se débat, mais il est trop tard. Le son de sa voix est totalement étouffé et il se sent soulevé du sol. Son blaster ! Où est ?! Oh non... Ses mains agrippent désespérément le sac synthétique qu'on lui plaque sur la figure, mais il ne parvient pas à s'en débarrasser.

Il n'aurait jamais dû écouter cette... C'est foutu, c'est fini ! Il va y laisser sa peau ! Son cri se mue en sanglot alors qu'on l'emporte il ne sait où. Ses forces diminuent vite, et bientôt, il se contente de demander qu'on l'achève vite. Lui qui ne peut même pas se prévaloir d'avoir des dizaines d'enfants.


_________________________


Au dehors, c'est le silence. Seuls les bruits lointains de la ville viennent troubler le vide pesant qui plane dans l'air. Quelques grincements sinistres, quelques rumeurs. Et puis, le vent frais des heures nocturnes. Où sont donc ces troupes de coupe-jarrets ? Impossible à dire : on perçoit une agitation à travers la Force. Impossible de rentrer discrètement dans ce hangar : rien que de bouger les portes fera immédiatement un bruit monstrueux.

Et au  beau milieu de l'immense pièce désormais vide, toujours les deux fesses sur sa chaise, une tasse à la main : Nassa.

Elle n'ose plus bouger. Plus depuis que l'énorme capitaine lui a gueulé de " rester ici sans bouger sinon ". Sinon... elle ne veut pas savoir, de toute façon cette soirée n'a plus ni queue ni tête. Voilà plus de dix minutes maintenant qu'elle se cramponne à sa tasse dans la pénombre, presque assommée par la fatigue et l'incongruité de la situation.
Elle a regardé tout ce monde se mettre en branle-bas de combat dans un désordre innommable et puis... plus rien. La clique de sorcier a suivi son meneur à l'étage pour... euh... chercher une table ? Elle n'a rien compris aux grandes déclarations amphigouriques totalement dénuées de sens du grand personnage aux oreilles pointues. Mais apparemment, le groupe s'est divisé. Les pirates se sont dispersés, armes à la main. Nassa respire profondément, anxieuse de par la tournure des choses.

-M'zelle Erisko, en attendant, mieux, vous...Euh...

Nassa avise l'acolyte qui vient vers elle en transportant quelque chose. Mais, à ce moment précis, la porte s'ouvre, et Findis pâlit. Pourquoi faut-il toujours que ce soit aux apprentis de faire l'accueil ? Hein ? Pourquoi ?




Dalla Tellura
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-Elle m’a aussi parlé de toi, et y a deux ou trucs que j’ai moyennement apprécié…

C’était la toute première phrase qu’elle ait dite à Gredeon, lors de leur première rencontre, le jour du mariage de Nassa.

Pourquoi pensait-elle à cela maintenant ?

Elle se rappelait l’horrible robe rose bonbon que Nassa l’avait obligée à porter, comme toutes les autres demoiselles d’honneur. Avec, en plus, d’impraticables chaussures à talons, et l’interdiction de porter ses habituelles brassières qui lui maintenaient correctement la poitrine en place.
Et, bien sûr, il n’y avait aucune poche à ces fichues frusques.

Elle avait l’air ridicule. Gauche, trébuchante sur ses échasses (elle avait dû s’appuyer sur Nassa pendant qu’elle la conduisait jusqu’au droïde officiant), ses gros bras sortants des minuscules bretelles en satin…

Les robes de demoiselles d’honneur étaient hideuses. Ruusa assurait que c’était pour que Nassa paraisse plus belle encore, dans sa robe immaculée, couverte de perles et de dentelles, les lekkus enguirlandés de diamants.
Il n’y avait que Laleeni à qui la robe allait. Elle mettait en valeur la blancheur de ses tentacules crâniens, et s’harmonisait avec les petites perles qu’elle avait posé sur ses écailles frontales pour l’occasion.
Laleeni qu’elle n’avait pas revue depuis trois mois. Trois mois à l’époque. Aujourd’hui, cela devait faire…

Dalla secoua la tête. Ce n’était vraiment pas le moment. Les deux minutes devaient être passées, il était temps d’entrer.

Elle sonda une dernière fois le bâtiment à travers la Force. C’était comme passer sa main à l’aveuglette sur un tissu. Certains lieux avaient une trame dense, riche, brodée ou surbrodée par leurs habitants, qui travaillaient à embellir le monde. Mais d’autres, comme ce hangar devant lequel elle se tenait, avaient une trame lâche, desserrée par les accrocs du temps et des gens. Elle sentait par endroit la présence d’une personne, comme une perle cousue, ou simplement posée sur l’étoffe. Certaines perles étaient douces au toucher, comme du transparacier, fraîches et apaisantes, quand on y passait les doigts. Larna était de celles-là, autrefois, avant que la République ne la tue. D’autres perles, en revanche, étaient des pierres aux arêtes affûtées, sur lesquelles on s’égratignaient les doigts. Il y avait les sith, bien sûr, mais aussi toutes ces personnes cruelles, mauvaises, qui parfois brillaient de mille feux au soleil de la société. Mais leur contact, quand on les effleuraient sur la trame de la Force, ne trompait pas. Et parfois, ces perles tranchantes entaillaient aussi la trame du monde. Alors, les autres perles pouvaient tomber dans ces entailles, et plus aucune main ne pouvaient les sentir sur le tissu du monde. Seules, certaines perles, intimement cousues à la Force, jedi, sith, ou toute autre créature favorisée par son taux de midichloriens, laissaient une trace, un écho, quelques fils, témoins de leur ancienne présence, que leurs semblables pouvaient deviner, quand ils étaient suffisamment attentifs, quand ils savaient ou chercher.
Mais Dalla devait être prudente. Car ces perles, qui étaient cousues et non posées sur l’étoffe du monde, pouvaient savoir quand une main parcourait la toile autour d’elles, sentir les infimes ondulations causées par le passage des doigts sur le tissu.

Or l’effet de surprise était sa meilleure arme. Elle avait senti la présence d’autres utilisateurs de la Force. Elle devait leur laisser croire qu’elle n’était qu’une mécanicienne. Les laisser la sous-estimer pour mettre toutes les chances de son côté.

Elle fut tirée de sa semie-transe par une déchirure dans l’étoffe du hangar. Si sa main droite était occupée à chercher la perle rouge et précieuse de sa sœur, sa main gauche restait à l’affût de la pierre en toc de Gredeon, de peur qu’elle roule au loin.

Mais il était visiblement arrivé quelque chose à Gredeon. Cet imbécile avait dû se faire prendre. Super.

Dalla s’avança à grandes enjambées vers la porte principale, qui s’ouvrit à grand renfort de grincement.

Elle était dans une sorte de loge. Sans refermer la première entrée, elle avança vers une deuxième porte, en face d’elle, qu’elle poussa fermement. Elle avait hésité un instant à utiliser la Force pour écarter les deux battants, cela faisait toujours son petit effet. Mais elle avait décidé de faire profil bas. Pour l’instant, en tout cas.

Elle déboucha dans une grande pièce vide. Aimantée par la Force, elle se tourna vers sa gauche.

-Dalla !

La jedi sentit une profonde vague de soulagement la submerger des pieds à la tête. Nassa était là. Elle était vivante, visiblement en un seul morceau, elle parlait (elle criait même), ses propos étaient articulés et cohérents…

Dalla fut interrompue dans son élan sororal par un bredouillement.

Elle se tourna vers l’origine dudit bredouillement.

-Bonjour Madame.

Dalla dévisagea le… gamin ?

Un humanoïde, au pelage roux, engoncé dans une grande robe pas toute jeune, une énorme boite dans les bras. Pas vraiment ce à quoi elle s’était attendue.

-Bonjour, répondit Dalla par automatisme, parce que c’était une fille polie.
-Il m’a fait croire que c’était un loth-cat, Dalla ! Il est avec les autres ! Ne te fie pas à lui !

Le faux loth-cat devint aussi rouge que ses cheveux.

-Je suis désolé, M’zelle, je vous voulais pas de mal, c’est le Maître, il m’a dit de…


Voilà qui confirmait les soupçons de Dalla. Le « Maître ». Des Sith, ou de faux jedi.
Le garçon faisait trois têtes de moins qu’elle, et vraisemblablement la moitié de son poids, boite incluse, mais elle sentait que c’est un utilisateur de la Force. Elle n’allait pas se risquer à sonder la Force pour évaluer son niveau de maîtrise. Si elle était plus experte que lui, tant mieux. Sinon, inutile qu’il l’identifie comme jedi.

Dalla fit un nouveau pas pour se rapprocher de sa sœur.

-J’suis désolé Madame, faut que vous atten…

Sa voix se noya dans sa gorge sous le regard de Dalla. La twi’lek rejoignit sa sœur en quelques enjambées, et lui passa tendrement une main sur le lekku. Elle avait d’énormes cernes, ses vêtements étaient crasseux et fripés, ses joues portaient les traces de pleurs assez récents, mais elle semblait dans un état plutôt bon vues les circonstances.
Dalla sortit sa vibro-lame de sa botte et trancha les liens de sa sœur.
En se penchant pour lui libérer les pieds, le nez de Dalla se retrouva tout près d’une tasse posée en équilibre précaire sur une caisse à côté de la prisonnière. Presque deux décennies de consommation intense de thé avaient développé le palais et le nez de Dalla. La partie de son cerveau qui gérait les papilles gustatives fut immédiatement mise en alerte par les délicieuses effluves qui se dégageaient de la tasse. Mei-mei ? Chandrilien ? Kopi ? Elle aurait eu du mal à dire. Mais de toute façon, elle avait bien d’autres priorités !

Elle aida donc sa sœur à se relever. Nassa lui tomba dans les bras en pleurant.

Dalla était à deux doigts de s’écrouler aussi de soulagement, mais elle sentait toujours la présence du gringalet derrière elles.

Sans lâcher Nassa qui sanglotait sur son épaule, Dalla se tourna vers lui. Elle essayait de réfléchir très vite. Son instinct lui disait de partir, de s’enfuir, tant qu’il n’avait que ce gamin dans la pièce. Emmener Nassa, prendre le speeder, déguerpir. Il serait toujours temps, une fois Nassa à l’abri, d’avertir l’Ordre jedi, de revenir s’occuper du gamin et de son Maître…

Mais il y avait Gredeon. Gredeon qu’elle détestait, Gredeon qui avait mis Nassa dans cette situation et était prêt à l’abandonner, Gredeon qu’elle avait traîné dans ce hangar…

Comme si elle lisait dans ses pensées (ce que, somme toute, elle a effectivement fait pendant les 24 premiers mois de leur vie), Nassa releva la tête et s’écria :

-Où est Gred ?

Dalla se figea un instant. Elle eut un mouvement instinctif vers le gamin.

-Oh, euh… bafouilla-t-il. Je ne sais pas où est Gr… je veux dire Monsieur Erisko, mon…
-Ne bouge pas, l’humain ! s’exclama Dalla, même si elle n’était pas complètement sûre que ce soit un humain.

Elle baissa la voix et murmura à l'oreille de sa sœur :

-Il est entré dans le bâtiment juste avant moi. Je ne sais pas ce que... Je crois qu'ils l'ont...

Le gringalet essaya de lever les bras en signe d’apaisement, mais il tenait toujours son énorme boite. Alors il la posa.

-Y a quoi là-dedans ?
-Ca ? Oh, euh… mon Maître veut… enfin… Je me suis dit que peut-être que Mademoiselle Erisko…
-C’est Madame Erisko, corrigea Nassa en se tournant vers lui, toujours accrochée au bras de Dalla.
-Pardon, je euh… C’est du sav… Si vous voulez v… savon…

Nassa bondit vers la boite, Dalla fronça les sourcils et le gringalet recula d’un pas.

-De l’huile de pépin de jogan, du savon au lait de thala… Beurk, c’est du savon pour peau grasse…

Nassa furetait dans la boite, le gamin fixait Dalla avec des yeux comme des soucoupes.

Dank farrik, c’est le kriffoir, ici !

Alors qu’elle portait une main à sa tempe, où elle sentait monter un certain mal de tête, la porte derrière le gringalet s’ouvrit, et trois personnes entrèrent. L’une d’entre elles portait la même robe que le gringalet. Les deux autres étaient de toute évidence des vauriens.

-Ah, ça doit être la jedi, remarqua l’un de ces derniers, le plus grand des deux.

QUOI ? Comment peut-il le savoir ?

Ils devaient être plus forts que ce qu’elle craignait, ils avaient dû détecter sa présence dans la Force. Elle avait eu la main trop leste sur le tissu de la Force…

-Dame Tellura, déclara la personne en robe. Une femme visiblement. Mon Maître vous invite, ainsi que votre sœur, à venir prendre le thé avec lui.

Le… QUOI ?

La tasse de thé sur la caisse se rappela à la mémoire de Dalla.
Mais la voix de sa sœur se rappela aussi à ses oreilles :

-Où est Gredeon ? Qu’avez-vous fait de mon mari ?

Dalla se sentait complètement déboussolée. Dans quel pétrin Nassa était-elle allée se fourrer ?
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▲▼ RETOURS DE FLAMMES ▲▼

Feat. Dalla Tellura


_________________________

Dans le silence, Erisko n'entend plus que ses propres battements de cœur. Voilà, au fond, à quoi avait rimé sa vie, durant des années. La peur. Il s'était juré que c'en était fini, qu'enfin libre des jougs de la pauvreté et de la violence, il allait pouvoir, lui aussi, se tailler une place au soleil. Il y était parvenu. Enfin... presque. Encore quelques années, et il aurait été à l'abri d'éventuelles représailles de clients mécontents, avec ses savantes manigances et les bons appuis. Mais quelqu'un en a décidé autrement.

-Mmmmmmmmmh.

Oh non.

Sous le sac, Gredeon rapetisse à vue d’œil. Cette voix... Il la reconnaitrait même à un kilomètre. Il aurait payé si cher... si cher ! Pour ne jamais plus avoir à l'entendre !

-Je sens...

Un bruit de reniflement ostensible. Grotesque. Puis, quelques ombres de rires mauvais.

-Je seeeeens... je sens la chair de GREDEON.

Partout, dans la pièce, des éclats de rires hilares. Par la Force, pourquoi n'avait-il pas eu la présence d'esprit d'aller au toilette avant de partir ? Jamais de toute son existence, Erisko ne s'était senti si vulnérable, si démuni. C'est drôle. Jadis, il aurait été de l'autre côté. Avec eux, avec cette sale bande de Malraas affamés. Mais aujourd'hui, il en a bien conscience, il n'est plus rien pour eux. Pire : il représente ce que toutes les bandes de pirates exècrent : les vendus, les traîtres. Une brève seconde, sa pensée va à Dalla.

Les chances qu'elle lui vienne en aide sont de plus en plus maigre au fur et à mesure que les secondes s’égrainent avec une lenteur atroce. Il peut presque sentir la jubilation extatique de son ancien capitaine même les yeux fermés. Il a par réflexe rabattu ses jambes contre lui, mais sans son arme, sans aucune aide, et surtout, sans même savoir où il est... si seulement j'avais pris des cours d'autodéfense. Tu parles : un gabarit comme Klasgow peut en remontrer à un Wookie, alors lui ? Gredeon le sait, il ne fait pas un pli. Sa seule porte de sortie aurait été la négociation, mais que peut-il proposer de plus alléchant au vieux renard que sa propre tête ? Il le sait aussi, peu de gens dans cette galaxie sont aussi rancuniers qu'un pirate. A part les Hutt, et encore... Eux, ne font pas le sale boulot eux-mêmes. Klasgow, lui, si.

_________________________

"Ils sont deux" avait marmonné la vieille sorcière avec cet air éternellement arraché, "et l'un d'eux marche au travers de la Force avec l'empreinte d'une jeune sagesse". Ouais ouais, blablabla. Klasgow avait eu l'air dubitatif, sur l'instant, mais vu qu'il ne disposait plus de ses sondes, restées sur le Radeau, il avait dû se contenter des artifices de la Force. En laquelle il n'avait pas cru durant plus de vingt-ans, jusqu'à ce qu'elle entre en collision avec lui sous la forme d'un jeune Jedi trop porté sur le sauvetage de paysans en détresse. C'était son fond de commerce, à l'époque ! Une bien belle époque, oui !

En y songeant, Zoar ne peut s'empêcher de repasser la dernière partie, rocambolesque, de sa longue vie.

Et dire qu'il avait manqué de l'étrangler. Il devait bien avouer, à son orgueil défendant, que ces sorciers savent y faire : sans leurs illusions, sa bande n'aurait sans doute jamais pu aller si loin. En l’occurrence, jamais ils n'auraient pu tendre un piège si probant à cette petite merde. Des ombres dans le noir : Ayindale et ses acolytes les avaient drapés d'il ne savait trop quoi. Pour un esprit aussi rationnel que le sien, toutes ces cabales mystérieuses c'était du baratin. Sauf quand il en constatait lui-même les effets : les illusions des tundites avaient cette particularité d'être totalement visibles, et par tous, lorsqu'elles entraient en action.

Et les pirates avaient tour à tour pris l'aspect, au choix, d'un siège de bureau, d'une armoire, d'un ordinateur, d'une table... Quel sang-froid ne lui avait-il fallu pour maîtriser son fou rire. Zoar n'en revient d'ailleurs toujours pas. Cet Ayindale a une imagination sans limite : c'est à croire que ses méditations d'un autre monde lui donne accès à une dimension supplémentaires où vont se loger toutes les bizarreries possibles. C'est amusant ! Mais bigrement inquiétant, parfois.

Son regard d'un bleu intense se baisse sur la figure encapuchonnée et immobilisée de Gredeon Erisko. Un large soupir d'aise lui échappe : enfin. Tout ça, pour cette sombre merde.

- Ah, mon p'tit GREDEON. Tu m'en auras fait voir, du pays !

Le gamin tremble à chaque fois qu'il prononce ce nom avec la voracité d'un Nexus.

-Mais cette fois, c'est fini. Terminus ! Tout le monde descend ! Tu n'iras plus nulle part.

Dans sa main, le poids de son arme fétiche lui sert de focus. Une amarre nécessaire contre la bouffée de haine et de rage qu'il sent poindre, et qui risque à tout instant de le pousser au gâchis.

-Tu...T-t-tu...Tu ne p...

-Tu. Tu. Tututut-tut-tu...!

Nouveau fou rire. Le capitaine rit avec eux. Oui, il est vraiment d'humeur joviale !  On le serait à moins : quelle traque stupide. Il aurait au moins voulu un petit combat, un quelque chose, avec celui qui avait presque eu sa peau. Mais non, et en réalité, Zoar le comprend : telle est sa tragédie à lui. Foudroyé par un moins que rien. Lui, qui s'est vanté d'avoir pris des ports entiers aux Hutt, a été pris au piège par un... minable.

-Non. Tas rien à nous dire, Gred. Te fatigues pas ! On sait déjà tout c'qui a à savoir sur ton cas !

Il s'avance sur sa proie. Son pas lourd est bientôt la seule chose que peut encore entendre Erisko : tout le monde a fait silence. L'heure n'est plus au moqueries, mais à l'art éternel et subtil de la vengeance. L'énorme main de Klasgow empoigne alors le sac et le visage rougit d'Erisko apparaît dans les lueurs criardes des néons des sorties de secours. D'un geste expert, le vieux pirate découpe une large mèche de cheveux blonds dans la coiffure impeccable du négociant, et s'en fait un gris-gris qu'il noue à son armure.

-Ce serait ballot que ta chère et tendre apprenne qu'en plus de l'avoir laissée tombée comme une vieille chaussette pas lavée, t'as pas été foutu de te défendre tout seul. Hein ? Mais ta nana elle y est pour rien, Gred. Et elle est certainement bien moins con qu'toi. Et rien qu'pour ça, j'vais lui épargner le spectacle. On va faire ça comme au bon vieux temps : entre toi, et nous.

Il se tourne alors vers le reste de son groupe. Il ne les a pas choisi au hasard : chaque tête ci-présente a perdu un camarade proche lors de la dernière débâcle. Chacun et chacune, ici, a un prix à faire payer, et compte bien signer son crime personnellement.

- Il paraît que tu voulais être riche ? Dis-moi, c'est bien pour ça qu't'as fait tout ça, hein ? Eh ben c'est ton jour de chance. Riche, tu vas l'être.

Dans son dos, une petite femme défigurée par une large brûlure apporte un sac visiblement bien chargé. D'un geste magistral, elle laisse choir son lourd butin sur le sol : des peggat. Une monnaie d'or Hutt qui faisait les beaux jours de toute la pègre. Il devait y en avoir pour un joli paquet. Gredeon ne comprend pas : qu'est-ce que toutes ces piécettes étincelantes ont à voir avec lui ? Avec, elle porte dans son autre main un petit mécanisme métallique. Le genre d'objet totalement incongru dans un tel décors, mais il s'en souvient. Pourquoi ? Mystère : la seule fois où il en a vu un, c'était chez... Chez son dentiste. Un ouvre-bouche.

- Mais bien mort aussi, tu vas l'être.

Alors, dans un éclair de lucidité étrange, il comprend.


_________________________

A plus d'une paire de couloirs de là, dans le hangar désormais vidé des pirates, Nassa ne sait plus trop ce qu'elle doit faire. Faire, ou croire, ou devoir faire ou/et croire. La venue de Dalla est providentielle ! Mais l'espace d'une seconde, ses craintes prennent forme. Gredon n'est pas à ses côtés. Bizarre. Mais peu importe, le visage si bleu de sa sœur est une réjouissance suffisante au milieu de cette nuit qui n'en finit plus.

Épuisée, mais libre, elle enroule son bras contre celui, musclé, de sa jumelle. Elles sont à la fois si semblables et si différentes ! A peine relève-t-elle le nez lorsque les ombres aux vestures carmines entrent discrètement. Elle les avait presque oubliés, ceux-là ! Et elle ne sait toujours pas quoi en penser. Sauf que cette fois, Nassa en est certaine, Dalla sera son talisman contre leurs ruses déloyales. Pas vrai, sœurette ? Semble raconter son regard fatigué au massacra ruiné par des heures de larmes.

- Où est Gredeon ? Qu’avez-vous fait de mon mari ?

Oui, oui son mari ! Vous savez, celui pour lequel vous m'avez tous enlevée, bande de frappadingues ! pense-t-elle avec énervement sans avoir la force de le rugir.

-Nous n'en avons pas la moindre idée ! chante la voix du vieil homme avec jovialité.

-Mais cela n'a guère d'importance, car vous êtes les invitées. Au néant les retardataires !

-Nous n'avons guère eu l'occasion de rencontrer d'autres érudits de l'Unité depuis des lustres. Pardonnez cette curiosité un peu intrusive !

-Si vous voulez bien nous suivre, cette pièce ne se prête guère à une conversation entre bonnes gens.

Sans plus d'explication, les sorciers de Tund se replient en bon ordre par l'escalier de l'autre côté, laissant Dalla et Nassa seules dans la pénombre.

-Après, c'est vrai qu'il est super bon, leur thé.

Note Nassa après une trop longue minute de silence absent. Elle tire doucement sur le bras de sa sœur : quoi qu'elles décident de faire, rester ici ne leur apportera plus rien, désormais.

-Dalla, ces gens utilisent la Force. C'est... c'est pas normal, je veux dire. Normalement, il n'y a que les Jedi...? Enfin, je veux dire, légalement ?

Toujours compliqué, ces histoires de Force. Elle apparaît toujours comme une profonde injustice, et un sale moyen de tricher à toutes sortes de jeu, y compris celui du destin. Mais maintenant, il paraît clair qu'on les attend.


A l'étage, Ayindale se complet dans la préparation méticuleuse d'une étrange décoration de table.

-Maître Ayindale, les... les invitées sont là.

Enfin, "là" est peut-être un bien grand mot. Findis jette un œil nerveux par dessus son épaule et ne les voit toujours pas dans l'escalier. Pour un peu, ce serait malpoli.Surtout avec un maître de cérémonie aussi... compliqué. Lequel ne manque pas de le faire sursauter en sortant subitement de sa méditative torpeur :

- AH ! EXCELLENT !

Ses cervicales manquent de faire un tour complet tandis que le reste de son corps ne suit pas. Qu'avait-il prévu ? Hm. Il se passe un doigt pensif sur les lèvres. Les possibilités sont infinies. Il devrait tout d'abord leur demander de se présenter, après tout. Combien sont-elles ? Il hésite : ne confond-t-il pas avec une autre rencontre ? Diplomatique ? Non. Au siècle dernier. Personne ne vient jamais sur Tund, de toute façon. Rien ne vaut l'isolationnisme quand on tient à ses propres secrets. Mais non : il était question de partager des considérations autrement métaphysique ! Oui, ça y est. Un Jedi ! Le Jedi que voulait tenir à distance Klasgow. Rectification, pense Stolas dans un élan de lucidité : la Jedi, c'est une femme. Semble-t-il. Une twi'lekk ! Ah oui, oui, le souvenir lui revient avec une netteté troublante : les sensations renvoyées par l'esprit déboussolé de Nassa. La silhouette d'une grande twi'lekk bleue à l'allure martiale se dessine quelque part. Sous les yeux attentifs et inquiets de son acolyte, Ayindale fait lentement le tour de sa table improvisée, son index pensif tapotant machinalement sur sa lèvre inférieure.

- Je me suis longtemps demandé qui étaient ces fameux "Jiddaï". Ainsi, la réponse vient finalement à moi. Radical, n'est-ce pas ? Au fond, n'est-ce pas l'éclatante preuve que notre vérité est l'unique qui vaille ? Qui pourrait nous dénier la prévalence de l'exploration de la réalité sous-jacente en la présence d'une démonstration si parfaite ?

Stolas sourit dans le vide. Findis réprime un frisson : c'est toujours déstabilisant. On ne sait jamais à qui le sorcier parle... ni ce qu'il voit vraiment. Il semble toujours plus ou moins perdu entre deux mondes. En l’occurrence, la focale de son regard se perd entre eux, et il serait bien en peine de savoir qui ou quoi Ayindale scrute avec tant de flamboyante intensité en cet instant. Son visage aux traits encore juvénile ferait presque oublier quelle longue vie a déjà été la sienne : celle d'un timide errant d'abord, celle d'un érudit passionné ensuite... celle d'un impitoyable meneur, finalement. Brûlé, sans aucun doute, à la flamme de ses propres guerres intérieures comme extérieures. Mais la fascinante grâce féminine qui se dégage de sa démarche fascine le jeune . Stolas prend conscience du trouble de son jeune élève. Il le toise d'un air plein de cynique complaisance.

- Pensez-vous, Findis, qu'un sujet aussi trivial que la famille et les amis soit de trop pour une prise de contact aussi rare que celle-ci ?

-Oh non, maître. Je pense même qu'elle... - coup d'oeil nerveux à l'escalier - elle sera contente de parler de sa famille ! Qui du coup, pourra répondre.

- Bien, soit. Mais par précaution, trouvons autre chose. Je ne supporte pas la vexation.

Retournant d'un pas nonchalant à la place d'honneur qu'il s'est auto-attribuée, le sephi contemple avec un regard critique son ouvrage. Certes, rien de ce qu'il aurait pu offrir sur Tund, mais tout de même : l'imagination a compensé en partie leur criant manque de moyens. Les quelques tasses qu'il ont réussi à conserver, même dépareillées et inégales, forment un ensemble d'une admirable géométrie sur la table, qui s'avère être une armoire renversée, idéale dans sa longueur pour tous les accueillir. Les rideaux qui trainaient ont été découpés avec précision pour former de beaux losanges qui ornent désormais l'armoire en un parfait chemin de table, et les quelques serviettes de bain récupérées dans les anciens vestiaires tiennent lieu de dessous de table. Les accessoires de chimie du laboratoire de l'entrepôt font office de cuillère et bien sûr, la bouilloire trône au beau milieu de ce délicieux tableau digne des plus sophistiqués rituels. Un délicat fumet s'en dégage. Stolas a également cru du meilleur effet de déposer dans l'un des angles la lampe très design trouvée sur l'ancien bureau du sieur Erisko. En temps normal, il l'aurait trouvée d'une laideur affligeante, mais actuellement, il lui concède une vertu décorative appréciable, avec cette lueur tamisée dont la couleur change au gré des minutes.

Stolas s'immobilise. Les mouvements dans l'immensité fluide de l'Unité précède toujours le déplacement des corps, et il sent plus qu'il ne voit le cortège de ses frères et sœurs revenir à eux bien avant que ceux-ci n'apparaissent. Raide comme un automate, il fait volte-face et se retrouve en vis-à-vis de deux twi'lekk, appairées comme l'une de ces curieuses paires de lunettes, dont l'un des verres est bleu, et l'autre, rouge.

- Vous êtes en retard.         MAIS QU'IMPORTE ! Votre présence parmi nous est une surprise des plus plaisantes ! Nous n'attendions pas si érudite présence en un tel taudis. 

Il s'avance aux devants d'elle, les mains jointes par les ongles, le visage à découvert. Elle est grande, bien bâtie, impressionnante. Il a beau la dépasser d'une bonne tête, elle est autrement plus charpentée que lui, si sec et si maigre. De ses mèches sombres qui encadrent sévèrement ses traits énigmatiques, seules ses oreilles dépassant allègrement. Ses longs yeux aux iris incandescentes sont largement cernés d'un trait noir qui en renforcent de beaucoup l'intensité. Tout le reste, jusqu'à ses mains, est recouvert par la riche et complexe robe écarlate. Son intérêt pour les nouvelles venues est soudain total, vif, encombrant. Impossible d'y couper.

- Vous lui ressemblez. Vous êtes DALLA TELLURA. Oui. Je reconnais... ce visage. 

Il dévisage la grande twi'lekk bleue sans pudeur, intrigué, absorbé même, souriant de toutes ses dents. Son aura, désormais presque palpable, irradie sa chanson incohérente autour d'eux tous. Des considérations les plus amènes côtoient les plus crues. La noirceur de son passé fait écho aux grandes considérations altruistes du Codex de l'Unité dans la cacophonie de ses pensées. Rien ne semble bien stable, comme une bascule que l'on tente en vain d'équilibrer. Pour les tundites, ce contact est désormais trop habituel pour qu'ils en remarquent l'étrangeté.

- Pardonnez ma curiosité. L'Unité fait raisonner votre présence d'une manière... 

Il ne sait trop quel qualificatif utiliser, tant c'est inhabituel pour lui : une aura d'une stabilité singulière et encore en plein développement. Son sourire se craquelle en un rictus gêné :

- ...Très particulière. 

Le mot sonne bizarrement. Sa présence, physique, et au-delà, est encombrante, lourde, impérieuse. A l'image de son caractère impossible. Mais il attend, le regard étincelant de curiosité, qu'elle brise ce voile d'inconnu tendu entre eux. c'est toujours exaltant, les rencontres ! Comment est-elle ? Que dira--elle ? Ah, mystère.

-Maître Ayindale... Je suggère que nous les fassions s’asseoir. Elles doivent avoir mal aux pieds. souffle le vieux sorcier  à l'oreille de Stolas d'un air préoccupé.

L’œil gauche du sephi cligne indépendamment de son œil droit, et vice versa, le temps d'une brève perplexité.

- Ah. En effet, c'est fort gênant. Asseyons-nous donc !

Nul doute qu'ils avaient des dizaines, non, des centaines ! De question à lui poser.

_________________________


Dix ans à imaginer ce qu'il pourrait lui faire. C'est long, dix ans... Mais cela donne matière à réflexion. Bien sûr, il aurait pu se contenter de ce qui lui viendrait sur le moment. Un peu comme un artiste, au talent ! Sauf qu'il n'est pas comme ça. Zoar Klasgow est un prédateur, un combattant et un meneur émérite qui n'a jamais laissé le hasard frapper pour lui !

Le balancer dans le vide. L'éventrer. Le pendre. Le noyer. Le jeter dans une fosse à Rancor. Ou dans un Sarlacc... Demander à Ayindale de le brûler vif aurait été du plus bel effet. Mais, après mûre réflexion, durant toutes ces années de galère, Zoar en est finalement parvenu à la conclusion qu'une vengeance ne trouve de sens que si l'on y lie une certaine symbolique. C'est par appât du gain qu'Erisko a vendu ses frères d'armes. C'est donc, en toute logique, ce gain qui le tuera. Le pirate n'a pas le sens de la mise en scène du sorcier, mais il a néanmoins su en apprendre quelques petites choses. D'ailleurs, c'est à lui qu'il doit cette idée tout simplement adorable.

Allons, mon cher Klasgow, vous manquez cruellement d'originalité. Vous pensez que votre victime comprendra la portée de ce que vous lui reprochez en vous contentant de l'éviscérer ? Il aurait tout aussi bien pu finir comme cela au milieu d'un vulgaire guet-apens. Non.

Les plus grands crimes sont à la hauteur des plus grandes fins ! Voyez. Lorsque l'un des généraux qui se voulait habile voulut contourner l'obstacle que représentait notre jungle pour atteindre le Temple, il fallut apporter une réponse adéquate à une tentative singulière : il tentait de mener sa troupe d'alien courts et trapus par le bras d'une rivière. Lorsqu'il s'avéra que nous tenions de trop l'autre rive, cet étranger sans jugeote tenta d'en détourner le cours pour noyer nos installations. Il ne parvint qu'à perdre une grande partie des siens et nos frères n'eurent pas grand mal à mettre la main sur le reste...

Lorsque les survivants furent capturés, nous nous assurâmes qu'il puisse comprendre l'étendue de leur erreur en leur infligeant une mort aussi marquante qu'efficace. Nous les enfermâmes dans l'une des fosses au sous-sol : elles disposaient d'un réseau d'alimentation d'eau qui en temps normal assurent la propreté des lieux. La fosse se remplit à raison d'un litre toute les heures. Leur agonie dura plus de trente jours et fut suffisante pour que leurs âmes gardent à jamais le souvenir d'une telle erreur.

Quel rapport avec votre Erisko, me direz vous ? Faites de même : donnez-lui la mort qui sied à son crime. S'il a pêché par l'argent, c'est donc l'argent qui le tuera. On coulait jadis l'or des rois bafoués sur la tête des usurpateurs pour leur octroyer généreusement la couronne qu'ils réclamaient tant. Je suggère à votre habile pensée de conspirateur de trouver une variante à ce supplice.


C'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd.

La main puissante de la pirate lui cale l'appareil entre les dents après lui avoir forcé les mâchoires avec un vigoureux bras de levier. Gredeon se retrouva donc la bouche grande ouverte, terrifié, ligoté à genoux devant une file indienne de pirates. Incapable de prononcer un mot cohérent dans une telle position, il en est réduit à produire tout un tas de vocalise désespérée.

Avec une lenteur et une application manifeste, l'un des hommes se mit à passer les petites pièces à la flamme du chalumeau qu'il avait jusque-là garder à sa ceinture, entre son couteau et son blaster. Dans l'ombre, le morceau de métal luit faiblement. Klasgow l'attrape entre ses doigts gantés, et la violente chaleur fait crépiter le cuir épais de son gant.

- Allez, mon cher Erisko. C'est l'heure de ramasser ton prix. Le prix à payer pour ta traitrise. Pas la peine de me demander pardon. Tu sais très bien qu'il n'y en a pas.

Il s'avance, et, sans dévier une seconde son regard de celui de Gredeon, laisse tomber la pièce chauffée à blanc dans son bec grand ouvert. Le maintien sans pitié lorsqu’il se cabre de douleur. A voté !


-Attention en vous servant, M'zelle Erisko. C'est chaud.

- Est-il donc vrai que vous êtes... Jiddaï ?



Dalla Tellura
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Dalla se sentait de plus en plus mal à l’aise. Elle sentait la peur autour d’elle. Elle ne pouvait que supposer que cela venait de Gredeon, que son esprit continuait à traquer.

La réponse du vieil homme ne fit qu'augmenter son malaise, de même que le regard affolé de Nassa.

Dalla eut donc quelques difficultés à se concentrer sur les remarques qui fusèrent ensuite sur elle.

Son cerveau enregistra vaguement les mots « invitées », « érudits de l’Unité » et « nous suivre ».

Puis les nouveaux arrivés quittèrent simplement la pièce. Dalla resta figée quelques secondes, complètement dépassée par les événements.

Nassa dit quelque chose. Puis elle tira sur la main de sa sœur, la ramenant à un niveau de conscience plus précise de la réalité :

-Dalla, ces gens utilisent la Force. C'est... c'est pas normal, je veux dire. Normalement, il n'y a que les Jedi...? Enfin, je veux dire, légalement ?

Dalla eut un rire amer.

-Légalement, je suis recherchée dans la moitié de la Galaxie… La République nous a mis hors la loi. Dans l’Empire, les sith ne sont pas seulement légaux, ce sont eux qui dirigent. Enfin certains et certaines. Quant à ici, dans l’espace hutt…

Elle secoua la tête.

-Et Gred ? demanda Nassa sans se laisser perturber par l’amertume de sa sœur.
-Il est forcément ici. Mais j’ai… un mauvais pressentiment.
-Un quoi ?
-Un… enfin… je… pense qu’il est dans une mauvaise posture.
-Tu penses avec la Force ?
-On peut dire ça comme ça.
-Il faut le retrouver ! Celui qui a dit qu’il ne savait pas où il était, c’est juste un sous-fifre. C’est normal qu’il sache rien ! Faut demander au grand, qui fait peur. Ou à l’autre, là, le sorcier en chef. Celui des miroirs.

Encore cette histoire de miroir… Dalla aurait bien demandé plus d’éclaircissements, mais son sentiment de malaise et d’urgence croissait à chaque seconde. Elle avait entraîné Gredeon ici, et même si elle le méprisait au plus haut point, elle se sentait un peu responsable de lui. Ne serait-ce que vis-à-vis de Nassa.

-On va poser la question à leur chef. On va le retrouver. Mais…

Elle retint le bras de sa sœur, qui avait déjà fait quelques pas vers la porte par où étaient partis leurs « hôtes ».

-La priorité, c’est de rester en vie, toutes les deux. Je ne sais pas ce dont ces types sont capables, et… Ma priorité, c’est toi. D’accord, Nassa ?
-Je ne m’en fais pas. J’ai confiance en toi, Dalla !

Dalla sentit son rythme cardiaque accélérer encore. Zéro pression donc. Aucun risque. Son beau-frère ne risquait pas de mourir dans d’atroces souffrances, ni sa sœur d’être déçue par elle…
Elle suivit Nassa dans un escalier poussiéreux, encombré de cartons et d’emballages vides.

Dalla inspira profondément avant d‘entrer dans la salle où, elle le sentait, de nombreux utilisateurs de la Force se tenaient. Elle carra les épaules, prépara son sabre, prête à le dégainer, puisqu’elle n’avait plus de raison de le cacher.

Faire forte impression, exiger des explications sur la situation de Gredeon…

Toutes ces pensées s’effacèrent instantanément de son esprit quand elle se trouva face à celui qui ne pouvait être que le chef de cette bande bizarre.
Ou celle. Difficile à dire.

Son aura, sa présence dans la force était lourde, étouffante, et braquée sur les jumelles. Dalla se sentait la poitrine oppressée. Elle aurait sûrement reculé d’un pas ou deux, si Nassa ne l’avait pas tenue par le bras, l’ancrant au sol.

Dalla frissonna des pied aux lekkus quand le… la… iel prononça son nom.

Tout était trouble en iel. Dalla aurait été incapable de lui donner un âge. Les lignes de son corps se perdaient dans sa robe écarlate. Iel était incontestablement plus grand.e que Dalla, mais tout son corps semblait aussi très… fragile. Friable, presque.

Le peu de sang-froid qui lui restait tenta de se concentrer sur ses paroles.

-L’Unité,
répéta-t-elle à mi voix.

Maintenant, elle sentait toute l’aura de cette personne concentrée sur elle. Iel avait prononcé son nom. Iel la sondait, de ses yeux et de la Force.

L’intervention du vieil homme détourna un bref instant l’attention de… « Maître Ayindale ».
La pression qui pesait sur Dalla, sans disparaître complètement, s’allégea, et la twi’lek inspira par réflexe une grande goulée d’air.

-C’est quoi cette… table ? interrogea Nassa en s’asseyant sur une chaise.

Dalla porta son attention sur la… euh, l’armoire posée en plein milieu de la pièce.

Nassa grommela quelques choses à propos de ses genoux en gigotant sur son siège. Elle finit par s’installer en biais, l’extérieur de la cuisse gauche frottant contre le bord de la table de fortune. Dalla nota dans un coin de sa tête que sa sœur avait eu la présence d’esprit de se mettre dos à Dalla, de façon à limiter leurs possibles angles morts.

Dalla s’assit à son tour, à gauche de sa sœur. Le vieil homme était assis à sa gauche à elle, juste avant l’angle de l’armoire. Cet.te Ayindale, installé.e en bout de « table », était donc en diagonale directe de Dalla.

La jeune jedi s’installa maladroitement, en écartant maladroitement les genoux, qui vinrent cogner contre l’armoire, faut d’espace sous le plateau de la table pour caser ses jambes. Elle finit par imiter Nassa et se mettre de biais, en miroir de sa sœur.

Elle essaya de se rappeler ce à quoi elle pensait avant de… rencontrer Ayindale. Mais son esprit restait bloqué sur le présent, sur cette assemblée de fortune.

Le gamin de tout à l’heure – l’une des personnes en robe rouge l’appela Findis – s’affairait autour de la table, agitant la bouilloire.

-Vous auriez du sucre ? demanda Nassa, imperturbable.

Elle tripotait d’un air sceptique l’ustensile qui trônait à côté de sa délicate soucoupe de porcelaine.

Findis disparut quelques secondes dans une pièce adjacente.

Dalla observa la table dressée devant elle. Sa main caressa machinalement le chemin de table sous sa tasse. N’importe quoi pour éviter de croiser le regard d’Ayindale. Son cerveau n’enregistrait cependant pas tout ce qu’elle voyait. Elle essayait de dépatouiller ce que cette bande d’encapuchonnés racontait.

Ce n’étaient évidemment pas des jedi, mais elle avait l’impression que ce n’étaient pas non plus des sith. Sûrement une sorte de secte obscure. Mais leur chef.fe était visiblement très puissant.e. Si elle n’avait jamais entendu parler d’eux, c’était sûrement qu’ils étaient soient très discrets (pas l’hypothèse qu’elle privilégiait vue leur façon de se comporter avec elle), soit originaires d’un coin reculé de la Galaxie.

Dalla réfléchit un instant au terme employé par Ayindale. « Jiddaï ». Elle se rappelait avoir souvent lu, dans des ouvrages d’histoire ancienne ou de philosophie de la Force, des orthographes étranges du mot jedi. Elle avait longtemps pensé qu’il s’agissait de graphies anciennes, de la même façon que la planète Alderaan était parfois désignée sous le nom «Aldorande » dans certains vieux textes d’influence mandalorienne. Les langues évoluaient, elle était bien placée pour le savoir, elle qui avait suivi deux ans un séminaire de linguistique comparée à l’Institut Républicain des Langues et Civilisations Galactiques (IReLCiG), pour son DU de huttese.
Mais il n'y avait pas que les langues qui évoluaient. L'Ordre lui-même, tout sclérosé et figé dans son temps qu'il puisse paraître à certains, avait lui aussi évolué. Et il n'avait pas toujours existé. D'autres choses avaient existé avant lui. Des choses dont il s'était inspiré, et d'autres qu'il avait rejetées...

Elle s’apprêtait à lui demander d’où iel connaissait ce mot, quand Nassa porta sa tasse à ses lèvres, avec un petit signe de tête à Findis.

Dalla ressentit soudainement une horrible douleur à la bouche, une douleur incandescente.

Elle se leva d’un bond, donnant au passage un grand coup de genou dans l’armoire. Elle entendit quelques bruits de chute. Sa main était plaquée contre sa bouche.

Elle savait, pourtant, que ce n’était pas vraiment sa bouche qui avait été brûlée. Elle avait ressenti la brûlure par la Force.

Elle sentait aussi, confusément, que la douleur ne venait pas de Nassa, qui la regardait maintenant avec des yeux grands comme des soucoupes.

-Tu t’es brûlée, Dalla ?

D’une façon ou d’une autre, cette douleur venait d’Erisko. Elle en était sûre. Était-ce les restes du lien qu’elle avait établi avec lui pour le surveiller ? Était-ce lié à leur lien commun avec Nassa ? Ou bien Erisko, acculé par ses assaillants, avait-il pensé à sa belle-sœur jedi, comme au seul espoir qui lui restait peut-être ?

Dalla se tourna vers Ayindale, bien décidée à ne pas se laisser intimider par ellui.

-Je suis venue chercher ma sœur ET mon beau-frère, déclara-t-elle en carrant instinctivement les épaules. Où est-il ? Où est Gredeon Erisko ?

Elle jeta un regard circulaire aux acolytes d’Ayindale.

-Vous semblez curieux à propos des jedi, ajouta-t-elle en insistant sur le dernier mot. Je suis prête à vous parler de la Force, des midi-chloriens, de l’Ordre millénaire, de nos Temples d’Ondéron et de Coruscant, de notre code, de nos prophéties, des cristaux kybers, de l’empire sith et du Côté Obscur, de la voie des jedi gris et du Refuge…

Elle essayait de trouver tous les mots susceptibles d’éveiller leur intérêt. Leur curiosité était peut-être sa seule carte à jouer. Elle était prête à tout miser dessus.

-Mais je ne dirai rien tant que je ne saurai pas où est mon beau-frère.

Une part d’elle, hantée par un mauvais pressentiment, l’avait empêchée de dire « Tant que je ne verrais pas mon beau-frère, sain et sauf devant mes yeux ».

Elle était presque sûre qu’il n’était plus sain et sauf. Elle n’était même pas sûre qu’il soit encore vivant.

Tout ce qu’elle sentait, c’était cet arrière-goût dans sa bouche. Cette sensation de douleur, de brûlure, de désespoir.
Ce goût de sang, de peur. Ce goût presque… métallique.
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▲▼ RETOURS DE FLAMMES ▲▼

Feat. Dalla Tellura


Parfois, la vie vous offre d’étranges sensations.

Stolas avait eu cette attente irréaliste d’un jeune enfant devant le somptueux paquet que l’on dépose au pied d’un arbre décoré, sur certains mondes. Une expectative aux yeux emplis d’une curiosité féline, prête à laisser courir tous les émois bruts de décoffrage qu’un présent longuement espéré pouvait provoquer dans un esprit juvénile. Un Jiddaï, pensez-vous ! De ces adeptes d’un tout autre genre, les tundites n’ont guère que leurs registres historiques pour en témoigner. Ils sont les Mythosaures de Tund, des êtres dont on peine à croire l’existence : jadis, en un temps que la génération d’aujourd’hui a oublié, il y eut des visites diplomatiques de cet Ordre étrange sur Tund. Mais les siècles ont passé depuis. Alors, quand Dalla Tellura entre en scène, quand sa silhouette de contrebandière de théâtre pénètre son champ de vision élargi par l’inexplicable prescience qu’octroie la fusion avec l’Unité.

Leur gémellité est une évidence : excepté la teinte de leur peau, les deux twi’lekk qui entrent dans leur masure improvisée sont identiques. Les mêmes visages, au maquillage près. Les mêmes lèvres ourlées et les mêmes yeux au regard méfiant. Une troublante symétrie s’installe. Liée, elles le sont, et pour Ayindale, il ne s’agit pas d’un simple constat de beau parleur de troquet. Elles partagent un lien ténu, mais si brillant devant l’œil de son esprit, qu’il ne pourrait l’ignorer même volontairement.

Le sectateur qu’il est devenu attendait sans doute bien trop de cette inconnu. Fatalement, comme toujours avec un être aussi absolu, la déception est de mise...

- C’est quoi cette… table ?

Elles ne retiennent de tous ses efforts, de toute sa diligence, même dans un contexte si délicat... qu’une incongruité qui l’étonne ? Le sourire du sephi s’efface.

Le silence accueille la remarque. Tous les visages se tournent d’un même mouvement lent et hésitant vers Stolas. Leur maître de cérémonie s’est figé dans une attitude de confusion visible. Comment ça “c’est quoi” ? songe-t-il avec dix humeurs différentes à la fois. Est-elle stupide ? Aveugle ? Il préfère éviter de croire qu’elle peut être aussi irrévérencieuse après avoir été si élégamment invitée. Les rustres de cette trempe ne méritent pas leur temps précieux.

Je vous demande PARDON ?

Nassa bat des cils nerveusement devant le changement d'attitude aussi vif qu'imprévisible.

-Je... Non, c'est juste que... C'est drôle ?

Les visages lui renvoient tour à tour des expressions surprises, catastrophées, blasées, intriguées. En désespoir de cause, Nassa se tasse contre sa sœur. Là, au moins, c'est sûr et prévisible.

- Il n'est pas très poli de commenter ce que d'humbles voyageurs peuvent parvenir à se procurer dans de telles circonstances.

-Nous avons fait de notre mieux, oui oui.

Les adeptes tentent visiblement de faire bifurquer l'attention du sephi vers une autre cible : on ne sait jamais trop ni quand ni comment la personnalité de l'imprévisible sorcier peut se métamorphoser. Une sorte d'accord tacite entre le plus ancien et les plus jeunes veut qu'ils parviennent à disperser parfois suffisamment tôt son attention trop soutenue pleine d'émotions trop contradictoires pour l'empêcher... d'exploser. L’instant de tension initiale se fond dans la bonhommie retrouvée lorsque les deux jeunes femmes, visiblement menée davantage par la fatigue et la lassitude de Nassa que par la réelle envie de Dalla, finissent par prendre place sur les sièges qu’on leur avait réservés. Quelques questions lus ou moins indiscrètes pleuvent sur les deux invitées, qui en toute fatalité, sont devenues le centre de toutes les attentions. On les sert et on les considère, ce qui, pour Ayindale, constitue bien la marque d'une véritable bienséance.

Mais malgré tout leur soin, auquel la première semble un tant soit peu réceptive, la seconde, la Jedi, elle... semble au contraire comme portée ailleurs. A l'écoute de bien autre chose que le discours un peu décousu de ses hôtes du moment.

- Je suis venue chercher ma sœur ET mon beau-frère. Où est-il ? Où est Gredeon Erisko ?

La voilà qui montre une posture voulue intimidante : tout le monde, autour de la table, se raidit. On a certes l'habitude des pirates, mais pas des Jedi. A travers la continuité invisible qui les entoure comme un vêtement moelleux, l'agitation palpable de la jeune Jedi n'échappe pas aux sorciers. Pas davantage à Stolas qui, ne sachant encore quel sens donner à cette attitude qui lui déplaît déjà, laisse ses cheveux retomber le long de ses pommettes saillantes en basculant sa tête en avant.

- Vous semblez curieux à propos des jedi.

Personne ne moufte. La twi’lekk est lancée, et ne s’arrête pas en si bon chemin. La cuillière du sephi tinte discrètement à l'intérieur de sa propre tasse.

- Je suis prête à vous parler de la Force, des midi-chloriens, de l’Ordre millénaire, de nos Temples d’Ondéron et de Coruscant, de notre code, de nos prophéties, des cristaux kybers, de l’empire sith et du Côté Obscur, de la voie des jedi gris et du Refuge…

Les mots teintent bizarrement. L’esprit alambiqué d’Ayindale s’empare de ses paroles avec une voracité pleine d’une sorte d’animosité incohérente : quoi les temples ? Quoi les Quoi les empires et les refuges ? Mais de quoi parle-t-elle ? Qu’y a-t-il dans ce grand dehors qu’il a quitté cinquante ans plutôt qui mériterait ce genre de chantage à peine déguisé ? Son eprit va et vient dangereusement de l'un à l'autre comme l'immense balancier d'une horloge. Sa curiosité et son ego s'affronte violemment dans une danse secrète où seule son aura étrange trahit ce tiraillement.

- Mais je ne dirai rien tant que je ne saurai pas où est mon beau-frère.

Son nez pointu se plisse, ses yeux cernés de noir ne sont plus que deux fentes brillant dans la demi-obscurité. Exiger. Exiger ! Exiger ! Mais qui sont-ils, pour exiger ?! Tous ces inconnus, dont elles font partie, qui s’imaginent qu’il s’est incarné en ce monde pour les servir ! Ah ! Le visage de la poupée de cendre se fend d’un masque de colère que n’aurait pas renié une reine hapienne.

- Pah ! Parce que vous vous imaginez que je me soucie de cet avorton infâme que vous nommez un “beau-frère” ?! Par les siècles ! J’ai déjà suffisamment affaire à supporter les brigands qui nous entourent pour avoir à y ajouter une personne aussi futile que celui-là !

Le mouvement de sa main traduit le fond de sa pensée au sujet du dénommé Erisko. De tout ce que cet individu en réalité insignifiant pour eux comme pour la galaxie leur avait coûté d’efforts et de travail... Trois jours et trois nuits nécessaires à l’établissement de ce que l’on aurait superstitieusement nommé un “enchantement” sur l’immense surface réfléchissante qui décorait leur ignoble salon. Dans le seul but de pouvoir “connaître” ce couple si mal assorti pour pouvoir procéder de la meilleure façon possible sur une planète où Klasgow plus encore que les sorciers ne pouvaient se permettre la joie d’un abordage en règles.

- Puisque vous n’avez visiblement que faire de notre hospitalité, pourquoi nous donnerions nous la peine de vous retenir davantage ?!

- Maître, je pense qu’elles sont simplement... inquiètes ? Tente de tempérer sobrement Findis d’une petite voix presque inaudible.

Finalement, ils n’avaient pas découvert autant qu’ils ne l’avaient escompté. Mais Stolas, doté de cet esprit si vieux pour un visage si jeune, avait vu ce qu’il y avait à voir : l’âme grise d’un péon si imbu de lui-même qu’il en vivait dans un monde artificiellement bâti autour de sa maigre personne. Et qui, le jour venu, s’était effondré en emportant sa compagne avec lui. Zoar avait été satisfait de son tour de passe-passe, même si le sephi gageait qu’il n’y avait rien compris. Seul comptait le résultat, pour lui. Comme si un hors-la-loi de sa trempe pouvait seulement comprendre toute la subtilité d’une telle œuvre ? Ayindale n’avait pas même tenté de l’y sensibiliser, c’était peine perdue.

La réflexion avait toujours constitué une source formidable de méditation. La lumière infléchie sur elle-même, comme une boucle, renvoyée indéfiniment. Mettez un miroir face à un miroir et, dit-on, ouvrez un portail vers d’autres dimensions. Imagination ou vérité complexe ? Stolas avait passé de nombreuses années à explorer cette frontière ténue. L'imagination est une faculté mentale comme toute autre, mais plus encore, celle qui fait le pont entre un rêve intangible et une réalité manifestée. Plus le temps passe, et plus il se veut devenir celui qui des dimensions inachevée précipite les canevas invisibles dans cette crue réalité... Par la Force, ou par le simple surin de sa farouche volonté.

Si le sorcier qu’il est peut se montrer sadique, sa véritable identité, rongée par une armée de dents invisibles au contact de notions qui défient et le temps et l’espace, demeure celle d’un mystique. Et un mystique ne saurait se satisfaire de la vision étriquée et bassement intéressée d’un Gredeon Erisko. Alors, les divers fragments de sa personnalité éparse l’ont définitivement rangé dans la case “nuisance” quelque part dans le labyrinthe du pays des merveilles. Une boîte étanche de laquelle le peu de connaissances au sujet de l’homme qu’il fut ne pourrait ressortir.

- Notre présence ici stipulait de livrer cet Erisko à la justice interne de la piraterie, dont il fut, de ce que l’on nous en a confié, un membre à part entière toute sa jeunesse durant.

Stolas tend une main crochue vers la théière et se sert largement tout en ménageant la théâtralité naturelle que son espèce intègre dans ses paroles et ses manières.

- Nous avons rempli notre part de marché avec celui qui nous sert de capitaine. Erisko était un... moyen... de nous acheter les bons services, rien d’autre. Sa vie, contre celles de tant d’autres : je ne suis pas dans la confidentialité des détails.

Sa voix rauque se fait reptilienne et sombre sur ce dernier mot auquel il confie l’élégance de tous les sous-entendus. Sa main gauche occupée par la tasse, il laisse la droite esquisser de grands gestes vagues vers le fond de la pièce,  où s'entassaient des meubles couverts de poussière. On y avait visiblement fouillé.

- Allez donc le chercher si c’est la seule chose qui vous importe !

On peut sentir tout le mépris que cette idée lui tient. Et peu de chose sont aussi monolithiques qu'un Stolas vexé.e.

- Mais ne comptez pas sur nous pour vous servir de guide ! j’ai mieux à faire, et mes comparses ci-présent de même. Trouvez-le donc vous-même, s'il vous tient tant à cœur !  

Et puis quoi encore ?! Rarement le sentiment de vexation, de jalousie même, s'était fait si vif dans ses tripes desséchées par l'égoïsme. Elle lui préfère cet avorton, alors qu'il n'est rien. Indifférent au regard désolé de Findis, qui aurait rêvé de savoir ce qu'était un midichlorien, Stolas rabat le pan de sa robe avec une fureur mal contenue et se désintéresse d’elle avec l’élégante bouderie d’un enfant roi. Cela lui apprendra, à faire preuve d’un peu de savoir-vivre dans cette région... Quel ramassis de péons sans envergure... Vivement qu’ils atteignent leur destination et remplisse leur office. Tund va bientôt finir par lui manquer, à ce rythme.

Mais à peine a-t-il refermé la bouche qu’une clameur sauvage secoue la vieille bâtisse. Un concert de rugissement au rythme presque militaire, où les voix masculines aux tessitures basses se mêlent aux féminines aux aigus prononcés sur un même tempo.

Le Roi est mort, vive le Roi.

Les tundites lèvent le nez de leurs tasses, surpris. Stolas darde un regard torve vers Dalla, un sourcil levé :

- Sois dit en passant... M’est d’avis que vous n’aurez guère loin à chercher.  



____________________



Le dernier pirate exige son dû, et dans un sursaut où sa vie se débat avec fureur, Gredeon rugit son impuissance noyée par la douleur. Son esprit se délite et il n'y voit plus. Il n'entend plus, ni ne sent plus, pris dans les diapositives si réalistes de sa vie qui défile.

Son enfance, comme petit gredin d'une fratrie où personne n'avait le temps pour lui. Un numéro, une bouche à nourrir. Sa rage de vouloir devenir quelqu'un, de sortir de cet anonymat qui menaçait d'en faire une victime à chaque instant. Plus tard, ses vaines tentatives d'entrer au service des Hutt dans les casinos. La mort de son père, qu'il avait toujours détesté. Sa mère, seule, plongée dans la tourmente et la misère, qu'il avait laissée derrière lui avec tous ses frères et sœurs... pour prendre le large. Le large ! Ses premiers pas en tant que voleur, puis mercenaire.

Et Kalsgow. Un concours de circonstances comme seule la Bordure savait en faire. Cette vaste et terrible région trop éloignée et trop tumultueuses pour que jamais une loi pérenne ne s'y instaure sur le long terme. Il l'avait pris sous son aile, comme un vieux roublard entend former un jeune coq. Et lui, avait voulu aller plus vite, plus loin. Peut-être trop vite ? Trop loin ? Il avait empoché l'argent du Hutt sans se poser la moindre question de morale ou de loyauté, trop habitué à tracer sa route malgré les autres pour se soucier de l'instinct de revanche que certains pouvaient avoir.

Sa nouvelle vie avait enfin eu le goût qui lui plaisait. Il s'était débrouillé ! Issus d'un milieu défavorisé mais ô combien compétitif, il n'avait eu aucun mal à repérer les plus forts et les plus faibles, à apprendre sur le tard et à mettre à profit son bagout inimitable. Les opportunistes aux dents longues s'étaient reconnus en lui, et il n'avait eu qu'à attendre la moindre faille, la moindre main tendue pour la mordre jusqu'au sang. Petit à petit, l'anonyme était devenu un nom qu'on se murmurait dans les soirées. Quelle gloire.

Nassa avait été cette cerise qu'il avait toujours voulu sur son gâteau. Plus jeune, il avait collectionné les aventures sans se soucier d'une vie rangée. Mais l'âge adulte venant, l'idée de pouvoir rentrer dans le moule avait fait son chemin. Paraître un homme d'affaires n'est pas une simple question de beaux pantalons : une femme aussi fabuleusement belle que Nassa Tellura, éduquée aux arts raffinés de la danse et de la séduction, ne pouvait que faire des envieux... et lui ouvrir les quelques dernières portes que le célibat lui avait laissée closes.

Restait que malgré toute son habileté de maquignon, malgré tout le prodigieux tour de force qu'il était parvenu à produire en se hissant si haut, en partant de si bas... la chute était à l'image de l'ascention, tandis qu'il avait eu le malheur de croire l'ombre de Klasgow et de ses sbires noyées dans les volutes de l'espace.

Qui maintenant le torturait sans pitié pour finalement ne même pas l'achever proprement... Quelle vie. Quelle mort...

Sa dernière pensée, presque en sursaut, alla à Dalla. Au fond, il n'avait jamais rien su d'elle. Un mélange de confusion, de rancune inexprimée, et... de désespoir, peut-être un peu.

La porte du vieux bâtiment désaffecté s'ouvre, et le cortège funeste s'élance dans le froid de la nuit au milieu de la cours. Le corps de Gredeon Erisko resté ficelé à sa chaise leur sert d'effroyable totem : ils sont redevenus la tribu impitoyable qui écumait les ports, la farandole patibulaire et cauchemardesque qui entendait ne vivre ni de dieux ni de lois ! Ceux qui ont voulu s'en prendre à leur terrible famille ont péri, et leur dernière victime est présentée au reste de la troupe.

Les sorciers sont absents. Normal, songe Zoar, ils sont avec la twi'lekk. Mais il s'en moque : une paix nouvelle l'habite. Toute la souffrance qu'il a pu infliger n'y est pour rien : le simple fait d'avoir pu mener sa quête à bien lui sert de récompense. Comme une traque qui touche finalement à son but. La simple et triviale satisfaction d'avoir réussi à clore un chapitre entier de sa vie. Un sourire cruel lui barre le visage. Oh, la mort d'Erisko ne marque pas pour autant la fin de sa cabale. Il y a toujours quelqu'un derrière : celui qui a payé.

Mais celui-ci, loin d'être insaisissable, est avant tout  et surtout un gros bonnet. Une limace. Un morceau de fange sur patte. Il faudra bien plus qu'un simple chausse-trappe et une twi'lekk pour le faire sortir de son trou... Mais chaque chose en son temps : ce soir, c'est la fête. Autour de leur icône mortuaire, figée jusque dans ses traits, les pirates se rassemblent. Chacun le contemple avec toute la palette des émotions les plus sombres, les plus basses : on se souvient des jours où il a fallu manger des racines, où enterrer ses morts dans la jungle fut impossible, où dériver dans le vide sans la moindre carte laissait les rations à leur niveau le plus bas, faisant craindre la disette et... les solutions les plus extrêmes.

Ce visage marqué par la souffrance, pailleté d'un or dont il ne profitera jamais, leur sert d'exutoire à toutes leurs vieilles blessures. Honte ! Honte ! Ils crient et chantent. Mais Erisko mérite-t-il qu'on le blâme ? Mérite-il que même mort, on ne lui offre pas la dignité de la paix ? Gloire aux vainqueur, mort aux vaincus, dit une maxime pirate. Pour eux, la question ne s'est jamais posée.

Klasgow, campé en leader charismatique, lève ses blasters et tire en l'air. Les tirs de ses hommes lui répondent.

MES AMIS ! L’Aile Noire a eu sa vengeance !

-AOUH !

-Le traître a perdu ! La chasse... est terminée ! Une nouvelle ère s’offre à nous !

-AOUH !

-Désormais, nos morts sont en paix. Nos années de quête, couronnée de victoire ! Que cet exemple résonne dans nos têtes et dans nos cœurs, pour servir nos ambitions !

-AOUH !

-Bientôt, nous reprendrons la route. Bientôt... nos vieux ennemis trembleront à nouveau devant nous ! Et plus jamais... PLUS JAMAIS ! ON NE RIRA DE NOUS !!

-OOOUUUAAAAAAAAAAAIIIIIIIIIIIIIIS !

Un bruit de porte discret s'infiltre au milieu du brouhaha qui déchire à présent le silence de l'immense cours intérieure de l'exploitation abandonnée. Un tel raffut doit bien s'entendre jusqu'aux abords de la ville...



Dalla Tellura
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Dalla avait l’impression de marcher sur des œufs de Kiros. Nassa ne semblait pas vraiment consciente de la tension qui égnait dans la pièce, et encore moins de l’aura qui émanait de cet.te Ayindale.

-Je vous demande PARDON ?

Du moins elle n’en avait pas eu conscience jusque là.

-Votre table est très… impressionnante, tenta maladroitement Dalla.

Et elle était plutôt sincère. Il y avait quelque chose dans l’agencement des ustensiles qui lui semblait assez… satisfaisant. Régulier, équilibré.

Si seulement il n’y avait pas eu une telle chape de chanlon dans la Force…

La bouche encore râpeuse de cette étrange brûlure qu’elle avait ressentie, Dalla se demanda un instant si elle n’aurait pas mieux fait de se taire. Les traits d’Ayindale devinrent terrifiants, et Dalla ressentit une vague d’émotions diverses la percuter.

Ces « brigands » ne sont-ils pas vos associés ?
songea Dalla, mais quelque chose dans le ton et les gestes d’Ayindale empêchait ses neurones d’entrer en connexion avec sa bouche. Elle eut, en revanche, un très léger mouvement de recul quand iel agita la main avec… dédain ? Colère ? Lassitude ? Tant d’émotions semblaient émerger de cette étrange personne que Dalla avait du mal à y voir clair. Déjà que lire les émotions des gens sans la Force n’était pas son point fort…

Elle ne sut pas non plus quoi répondre quand Ayindale leur proposa de… partir ? Juste… comme cela ? Sans menace, sans rançon, sans coup, sans bagarre ?

Et pourquoi ressentait-elle, vaguement, au fond d’elle, une sorte de… déception ?

-Inquiètes ? murmura Dalla, non je…
-Votre hospitalité ! s’écria Nassa ? Vous m’avez enlevée ! Vous m’avez ligotée ! Vous m’av…

Dalla leva la main vers sa sœur, les lekku s’agitant instinctivement dans les méandres d’un « tais-toi » en ryl. Elle n’avait pourtant pas l’habitude de communiquer avec ses lekku. Elle ne le faisait jamais au Temple, et même à l’appart de Dubrava, les jumelles faisaient généralement en sorte de parler en basic, de façon à ne pas donner l’impression à leurs camarades non twi’leks d’être exclues.

-Dalla ! Ils m’ont séquestrée, ils m’ont…


Les larmes atteignirent ses yeux et sa gorge se noua, l’empêcha de finir sa phrase. L’épuisement semblait commencer à avoir raison de ses nerfs.

-La justice ? bredouilla Nassa.

La liaison entre le cerveau et la bouche de Dalla sembla rétablie par cette dernière intervention de sa sœur.

-Comment pouvez-vous parler de justice ? Que connaissent des pirates à la justice ? C’est tout au plus de la vengeance ! Vous… Les sordides arrangements que vous avez contractés avec ces pirates ne nous concernent pas ! Vous ne pouvez pas vous dédouaner derrière eux ! Vous avez joué votre rôle dans toutes cette histoire ! Vous êtes partie prenante dans tout ça ! Ne jouez pas les victimes épuisées ! Vous êtes aussi responsables qu’eux de ce qui se passe ! Ma sœur n’est pour rien dans ce dont vous parlez ! Elle a tout à fait le droit de vous reprocher ce que vous lui avez fait subir.

-Et à Gred.

Dalla hésita un instant.

-Et à Gred, Dalla ! Il a peut-être fait des erreurs quand il était jeune. Il n’a pas eu une enfance facile, tu sais ! Il ne voulait jamais en parler, mais je l’ai bien compris !

Dalla était tiraillée entre le souvenir de Gredeon cherchant à s’enfuir, abandonnant son épouse, et le souvenir de cette sensation de brûlure, de désespoir, qu’elle venait d’éprouver.

-Il avait arrêté les mauvais coups ! Il s’était rangé ! On était heureux !

Ça, Dalla en doutait. Elle se rappelait des yeux de sa sœur, dans l’holomessage qu’elle lui avait envoyé. L’inquiétude dans son regard et ses gestes. L’ombre suspecte sur sa mâchoire…

Dalla fit un pas en avant, ce qui interrompit la diatribe de sa sœur.

-Nous allons, le chercher, oui, et il sera confié à la Justice, la vraie !

Celle des hutts ? souffla une petite voix dans sa tête.

-Et tous ceux qui s’en sont pris à nous aussi, continua-t-elle en ignorant la petite voix.

Et soudain, elle prit conscience de ce qu’elle avait éprouvé tout à l’heure, et qu’elle éprouvait de nouveau.
Elle n’était pas déçue, elle était vexée.

Elle n’eut cependant pas le temps de faire le travail d’introspection qui s’imposait, ni les réflexions métaphysiques qui avaient surgi à propose de la légitimité relative de la justice dans l’espace hutt et de ses alternatives, car une effrayante litanie s’éleva, se répercutant jusqu’au fond de ses os.

-Qu’est-ce que c’est ? fit Nassa en plantant ses ongles dans l’avant bras de sa sœur.

Dalla ne parvenait pas à quitter du regard les yeux d’Ayindale. Mais le contact se rompit quand Nassa la tira vers la porte.

Il fallut une bonne dizaines de pas mécaniques à Dalla pour émerger de l’état de stupeur dans lequel l’avait plongée la clameur.

Ce n’était plus un mauvais pressentiment. Ce n’était plus la sensation de la douleur et du désespoir.

Elle sentait la mort, la haine, la cruauté, la jubilation sinistre, la vengeance achevée, l’animalité du groupe, où chaque individu est poussé à franchir ses limites morales par la simple présence des autres.

Nassa menait toujours le chemin, sans lâcher le poignet de sa sœur.
Dalla entendait un pas derrière elle, celui du gamin, Findis, lui semblait-elle.

Quelques coups de blaster se joignirent aux cris. Nassa trébucha, mais retrouva son équilibre en s’appuyant sur le bras de sa sœur.

Puis, toujours guidée par les cris, elle poussa une porte en duracier un peu rouillé, qui les fit émerger dans une sorte de cour intérieure.

L’air frais et humide de la nuit les frappa de plein fouet, et elles s’immobilisèrent devant le spectacle sinistre qu’éclairaient quelques lampadaires encore en état de fonctionnement.

Une troupe d’individus aux traits déformés par une joie funèbre acclamait un être immense, les traits rudes accentués par les ombres crues de la cour. Il tenait un blaster à la main, encore pointé vers le ciel.

Au-dessus de la masse des pirates – c’était forcément les pirates dont parlait Ayindale - , tanguait une silhouette amorphe.

Dalla sentit son estomac se tordre. Gredeon Erisko, ou ce qu’il en restait, le visage mangé par un amas métallique, les chairs brûlées, une partie de la mâchoire dénudée en un rictus sinistre de tête de mort.

Dalla ferma les yeux, inspira une grande goulée d’air frais, puis tourna la tête vers sa sœur.
Elle devait être dans un état de choc avancé. Voir le cadavre de son mari, aussi lugubrement mis en scène, et dans un tel état de…

Nassa était effectivement figée, les yeux exorbités, mais ce n’était pas l’horreur, l’angoisse ou la nausée qui déformait ses traits.
Mais la colère.

-Comment osez-vous ! s’écria-t-elle, sa petite voix assourdie par les hurlements des pirates.

Dalla sentait qu'elle était elle-même à deux doigts de rendre les lamtas que Kark l'avait forcée à avaler quelques heures plus tôt.
Le spectacle du cadavre de Gredeon, pour qui elle n'éprouvait que du mépris et du ressentiment, lui retournait l'estomac, alors qu'elle avait participé à des batailles, vu des charniers, causé, elle-même, des blessures à des agents de l'Empire.
Dalla préférait ne pas penser à ce que sa soeur avait vécu pour ne pas se sentir malade à la vue du cadavre brûlé vif de son propre mari.

Nassa s’avança soudain à grandes et lentes enjambées entre les pirates, qui surpris, commencèrent à s’écarter pour la laisser passer.

Le tumulte s’apaisa, la voix de Nassa était tout à fait audible quand elle reprit la parole :

-Bande de sauvage ! Rancors sans âmes! Que lui avez vous fait ?

Avec un temps de retard, Dalla se précipita vers sa sœur. Mais les pirates avaient resserré les rangs, et ils ne s’écartèrent pas devant Dalla.
Ils lui tournaient même le dos, leurs regards fixés sur Nassa, qui continuait à hurler :

-Pour qui vous prenez vous pour prendre la vie d’un homme ? De mon homme ?

Dalla essaya de forcer les pirates à lui laisser le passage, mais ils étaient nombreux, armés, et galvanisés par l’ambiance du moment.

Seule retentissait la voix de Nassa. Dalla sentait sa rage et son désespoir à travers la Force. Ce n’était pas tant l’amour qui l’animait qu’un sentiment aigu d’un injustice. Elle avait bataillé pour avoir cette vie confortable. Dalla sentait autant qu’elle se rappelait les humiliations qu’avaient vécues sa sœur, les violences, les agressions, les coups, parfois. Comme toutes les filles de cette profession.

Nassa s’était tue, le souffle court, les yeux pleins de larmes. Dalla ne voyait pas le visage des pirates, et, aveuglée par les forts sentiments de sa sœur, était incapable de sonder leur état d’esprit. Elle espérait de tout son cœur qu’ils avaient été touchés par le désespoir et la fragilité de Nassa, les joues brillantes de larmes, les épaules et les lekku dénudés luisant faiblement sous l’éclat des lampadaires. Dalla la trouvait très digne de pitié et de sympathie, mais elle était évidemment partiale. Les pirates se régalaient peut-être simplement du spectacle de sa détresse, avant de lui faire subir un sort aussi cruel qu’à son mari.

Dalla se résolut à sortir son sabre. Elle était bien contente de l’avoir déjà assemblé avant de venir.

Elle sentit son calme revenir quand le manche de son sabre vint se loger au creux de sa paume, épousant parfaitement le relief de sa main. Depuis qu’elle avait fait des ajustements, après son retour d’Ilum, elle sentait un vrai équilibre avec son sabre.

Elle l'alluma, et sa lueur verte perça l’obscurité autour d’elle.
Stolas Ayindale
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▲▼ RETOURS DE FLAMMES ▲▼

Feat. Dalla Tellura

Elles sont parties. Ce simple constat plonge Ayindale dans un état de stupeur affligée.

Incroyable ! Non mais ! Comment ?! Quel toupet ! Quel scandale ! Il avait tant attendu d’elles que, fatale imperfection du réel, la chute était d’autant plus rude. Pas une seule fois il ne lui traverse l'esprit que sa propre attitude puisse être à l’origine d'une telle décision.

Malpolies, égoïstes, manipulatrices... Elles l'avaient méprisé du haut de leur imbécile jeunesse et de leurs jugements à l'emporte pièce. Foutaises ! Toutes les voix de sa tête hurlent à l’unisson au milieu du silence dont l’entoure à présent sa compagnie de magiciens perplexes. Personne ne veut s'avancer à savoir ce qu'il convient de faire : les rattraper ? Rester ? Trop habitués à considérer le sephi comme leur meneur de fait, les magiciens attendent de lui qu'il reprenne les choses en main. Ce que Stolas semble momentanément incapable de faire, empêtré dans son ulcération stupéfaite.

Ce curieux discours sur la vengeance avait eu un effet inattendu : une brève seconde, le sorcier s’était revu, enfant, dans l’un des salons mal rangés où son mentor et lui-même avaient fugacement séjourné, dans les entrailles d’un monde dont il avait oublié le nom.


Une sorte d'antichambre pour les visites à l'un de ces gros Hutt qui se prennent pour des potentats d'une autre époque, vautrés dans une opulences qui achèvent de les séparer du reste de leur monde. Pleine d'odeurs rances et de fumées froides, la pièce était décorée par une foultitudes d'objets disparates dont il ignorait totalement l'usage. La petite chose malingre et blême qu'il était alors n'intéressait personne, en dehors du petit groupe de tundites. On ne lui prêtait aucune attention. La quinzaine à peine - pour un sephi la pleine jeunesse - sa troublante androgynie en avait fait l'intriguant parfait pour dénicher quelque rapine sans risque.  Mais la créature qui l'avait cette fois surpris n'avait fait montre ni d'agressivité, ni de surprise en l'observant. Avachie dans un coin, silencieuse, il ne l'avait pas vue.

Il se souvint confusément de la peur qu'il avait ressenti, de la honte de s'être fait surprendre. Mais de la culpabilité ? Pas la moindre : qui aurait repéré la disparition de ces quelques statuettes pleines de poussière ? Personne, elles ne servaient visiblement pas. Mais celle qui l'avait surpris n'avait pas non plus tenté de lui faire lâcher son butin. Elle s'était contenté d'un regard à six yeux, plein d'une sagesse trop vaste pour un si petit corps.

" Oh, ne me regarde pas comme ça, petite chose. Si tu as décidé de risquer le courroux d'un Hutt pour une si maigre pitance, libre à toi. Il y avait sans doute meilleure prise à faire, dans ce taudis ! Ne compte pas sur moi pour te foudroyer d'une justice que je ne connais que de nom. Ici bas, nous ne sommes que le résultat de nos actions : si l'intelligence au-delà de ce monde veut se faire justice, eh bien, elle le fera. Tu seras conscient ce jour-là de l'intérêt de gagner soit-même les choses que l'on a. Sinon ? Eh bien, ma jeune amie, va ! Va ! Prends-donc ! Tu es acquittée par la volonté du monde et aucun Hutt n'ira s'y opposer. Moi, je n'ai rien vu : pour si peu, j'estime que tu ne vaux pas d'être pendue. Bonne chance ! "



Bonne chance. La vision de son propre passé accapare Stolas, à tel point que son visage inexpressif et son regard vide terminent de plonger les plus proches de lui dans l’inquiétude :

-Maître Ayindale ?

Le sephi bat des cils, stoïque. Où est-il, déjà ? Oui, dans ce trou à rats womps sur Dubrava. Pourquoi y sont-ils ? Mh. Le visage inquiet de l’adepte s’étonne de son étrange mutisme. D’ordinaire, il aurait sans nul doute éructé une suite ininterrompue de malédictions dont il aurait été seul à comprendre la portée. Mais rien de tout ça : le sorcier est resté figé, le regard planté vers l’entrée, là où Dalla et Nassa s’étaient précipitées quelques minutes plus tôt.

-Oui ! Bien. J’imagine que nous n’apprendrons rien de cette grande représentante de son Ordre... Nous ne sommes certes pas grand chose pour de telles personnes...!

Le sarcasme secoue sa voix éraillée avec une telle acidité qu’autour de la table, on réprime discrètement un frisson. Il n’est pas dans un bon jour... Pour certaines et certains, en effet, on le serait à moins : voilà tout leur patient travail sans objet. Mais ce sont les aléas, les tundites sont des gens fort pragmatiques. Leur vie d’ermite ne leur en laisse guère le choix. Alors, ils vont de l’avant, délaissant leur curiosité au sujet des Jiddaï et de la Force au profit de buts moins ésotériques et plus triviaux : se remettre en route.

Dubrava n’était rien de plus qu’une escale pour eux, un détour obligé inclus dans un accord dont il n’existe en réalité aucun document écrit. Les sorciers savent Ayindale suffisamment avisé pour ne pas jouer volontairement sur la corde raide, mais aussi, que viendra fatalement le temps de ne passer d’une trop grande dépendance vis à vis d’individus extérieurs à leur communauté très fermée.

Stolas, plongé dans cet entre-monde qu’il fréquente finalement bien plus que sa propre vie quotidienne, se laisse happer par les ondes cinglantes des sensations et sentiments qui ont envahi les lieux. L’étoile singulière de la présence de Dalla Tellura lui sert de boussole : elle progresse de plus en plus loin dans le bâtiment, guidée par l’origine des tumultes qu’elle doit bien ressentir presque aussi intensément que lui.

Toujours avachi sur son simulacre de trône, le roi sans couronne de cette assemblée silencieuse la regarde courir par ses yeux invisibles. Où croit-elle aller dans une telle précipitation ? Pensez-t-elle sauver encore quoi que ce soit ? Crier vengeance ? La voix raisonnable de l’ancien Stolas, encore lucide sur sa propre condition, esquisse quelque part, loin du réel, un discret sourire plein d’une infinie lassitude. Les êtres conscients sont bien tous les mêmes...

- Maître ? Et si la situation dégénère ? Que faisons-nous ? Ne risquent-elles pas d'être blessées ?

Mh ? Qui donc ? Interroge soudain le regard rêveur d'Ayindale, sorti de sa réflexion. La jointures de ses sourcils se marque d'une griffe sévère, et son regard se fait clair comme une eau limpide :

-Dites-moi, Findis... Vous est-il déjà arrivé de contempler longuement un souvenir, et d'y trouver une troublante réponse à de cinglantes questions ?

Findis hésite.

- Euh... Je ne sais pas. Je crois qu'une fois, j'ai retrouvé une théière égarée grâce à un rêve, oui.



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Elle fait à peine une tête de moins que lui, mais n’a clairement rien à voir avec sa brindille de sœur. Elle pourrait même faire une adversaire de valeur, s’il ne savait pas les Jedi si prompt à user de stratagèmes. Il est bien placé pour le savoir, avec cette bande de doux dingues sur les talons : la Force est une sacrée alliée quand elle travaille pour vous, une vraie saleté quand elle vous barre la route. Pas question de se laisser emmerder après autant de temps à chercher la sortie.

- Pour qui vous prenez vous pour prendre la vie d’un homme ? De mon homme ?

-J’me prends pour le gars à qui ton homme a piqué sans frémir dix ans d'sa vie... et celles de types bien plus braves que lui. Mais tu devrais l'savoir, maintenant qu'on t'a mise au jus, nan ?

La sœur Jedi fait alors le geste que tout un chacun était en phase d’attendre d’un vrai Jedi : dégainer son sabre laser.

Un geste fluide et plein d’une calme assurance que Zoar interprète comme le résultat d’une longue habitude. Après tout, il est de notoriété publique que l’Ordre Jedi prend ses ouailles au berceau... Qu’attendre de plus d’une telle nana ? Malgré tout, Klasgow ne peut s’empêcher d’être surpris de la voir si vainement vindicative. Les très rares Jedi qu’il a pu croiser n’ont jamais tenté de se venger. La plupart se contentaient de sortir des tirades toutes faites pour essayer de les convaincre de s'envoyer eux-même en taule pour leurs actes affreux.

Ben voyons.

Il hausse les épaules, visiblement peu impressionné par la splendide démonstration. Pas du genre à se démonter même face à un Sith : c’est bien le problème des hors-la-loi. Trop habitué à la violence pour qu’elle puisse encore les faire sourciller. Et il n'a pas l'intention de laisser une amoureuse éplorée lui gâcher une joie attendue pendant plus de dix longues années.
Malgré tout, Zoar n'est pas le dernier des imbéciles. Il sait qu'en tant que meneur, il sera nécessairement la première cible. Ce qui, selon le point de vue, peut s'avérer soit un inconvénient, soit un avantage. C'est un meneur, et un grand spécialiste des abordages : il sait où et quand il faut frapper. Si ses adversaires du moment ne manquent certainement pas de cran, elles font en revanche preuve d'une très grande négligence en terme d'évaluation des risques. Il suffit d'un premier échange de tirs pour permettre à la troupe de les encercler tout à fait :

-J’sais qui tu es, Tellura. Pas la peine de nous sortir le grand jeu : même une Jedi peut pas la faire à vingt types à la fois sans se faire très mal. Si j’étais toi, je m’estimerai déjà bien d’avoir sorti ma p’tite sœur chérie d’un tel merdier sans qu'il lui manque un œil, et j’demand’rai rien d’plus. Mais si tu tiens à démontrer à la galaxie entière qu't’es prête à faire de belles conneries juste pour la gloire... ça peut s’arranger.

Il reste immobile, calculateur. Les mains sur les hanches, à quelques centimètres à peines de ses blasters, Klasgow Le long du large cercle des pirates, tout le monde est à l'affût du moindre mouvement. Dans le silence qui s'est abattu dans la cours, le vrombissement de la lame bleue paraît d'autant plus puissant. Devant la mine courroucée de Nassa, il lève un sourcil.

-Si c'est lui qu'tu veux récupérer, ma  belle, t'inquiète pas. On te le laisse. Mais j'te préviens : t'en tirera pas un assez bon prix pour te racheter un droïde.

Quelques rires ponctuent sa phrase. Zoar lui-même se serait laissé aller à un sourire en coin s'il n'avait pas d'abord aperçu la porte à cinq petits mètres derrière le dos de Nassa s'ouvrir.


________________________________


Dans un calme souverain, la clique des robes rouges se radine au meilleur moment. Le pirate jubile intérieurement. Oh, il se doute bien que l'autre empaffé va sans aucun doute lui demander ce qu'il a fabriqué avec Erisko. Si seulement il pouvait se munir d'une barrette de mémoire un tant soit peu stable, celui-là... Mais si défaire une Jedi à coup de blaster et de vibrolames était à sa mesure, le faire avec l'aide de tels manipulateurs de cette Force fait changer le défi de catégorie.

-Tiens ! Vous tombez très bien, la compagnie ! Je crois que votre si précieuse invitée a décidé d'écourter son séjour ... Mais apparemment, elle tient absolument à se montrer désagréable avant de partir. J'ai rien contre, mais peut-être qu'avec quelques démonstrations de vot'part, ça pourrait dénouer l'affaire ?

Stolas ne bouge pas. Impérial, son visage n'affiche qu'une expression de sombre dédain. Il découpe chaque élément de la scène devant lui avec une visible irritation. Autant d'indices que Zoar, à cette distance, interprète à l'envers. Mais quand il s'en rend compte, il est trop tard.

-Assez ! Vous avez eu ce que vous souhaitiez, imbécile ! Je me moque de vos envies de bataille. Nous avons été suffisamment retardés par votre manège.

D'un seul geste synchrone, les sorciers lèvent leurs mains et un mot unique vibre à travers la Force.

ႶႰ Ⴟ ჄႩ

L'air devient poisseux. Lourd. Une discrète sensation de vertige. La réalité, du sol sous les pieds aux petits éclats des étoiles, ondule comme sous le coup d'un ricochet. Le murmure porte une information qui n'est pas destiné aux oreilles. Un message que seule la Force paraît comprendre. Un frisson parcourt l'échine du colosse. Rarement il s'est senti aussi mal. Il en faut pourtant beaucoup pour l'ébranler...

ႶႰ Ⴟ ჄႩ

Ce n'est pas la Jedi qu'Ayindale fixe comme un rapace, mais lui. Malgré sa surprise, Klasgow n'a pas quitté Dalla et sa lame des yeux, persuadé que quelque chose s'est produit sans qu'il n'en soit informé. Quelque chose de pas net. L'a-t-elle embobiné ? La Force sait si ce sorcier peut être instable. Il faut que ça s'arrête :

-C'est quoi ce cirque ? Qu'est-ce que vous faites ?!

Mais le regard qu'il croise n'est pas celui auquel il s'attend. Celui-ci brille de l'intelligence froide qu'il apprécie tant en d'autres circonstances... Ce qui ne peut signifier qu'une seule chose : ce n'est ni la colère, ni le jeu, ni même la confusion qui guide le geste du tundite. Merde ! Pourquoi faut-il que ce type déraille toujours au pire moment ?! Sa réaction est incompréhensible pour Klasgow, qui enrage.

ႶႰ Ⴟ ჄႩ

Mais le mantra résonne encore, le pouvoir combiné des sectateurs se propage dans l'air comme un poison invisible. Les pirates fuient dans tous les sens, hurlent, sont soudain pris de sueurs froides, de tremblements, d'hallucinations. Impuissant, le vieux loup de l'Aile Noire voit sa meute hirsute être saisie d'une terreur incontrôlable.. Le spectacle est aussi déstabilisant qu'impressionnant. Comprenne qui pourra.

-AYINDALE !!! MAIS QU'EST-CE QUE VOUS BRANLEZ ?! ARRÊTEZ ÇA !!

Zoar sent alors sa propre assurance faillir. Stolas le transperce d'une intention tranchante, inflexible. Autant supplier un mur. Klasgow est pris au dépourvu. Ce corps fragile et décharné vibre d'une chose si terrible qu'il peine à comprendre ce qu'il voit, ou croit voir. Est-il en train d'halluciner, lui aussi ?! Où ce sorcier trouve-t-il une telle volonté ?

ႶႰ Ⴟ ჄႩ

Au final, le connaît-il vraiment, ce grand malade ? Que sait-il de sa véritable nature ? Il n'a fait qu'entrapercevoir les fragments d'une personnalité déchiquetée. Que se produit-il quand l'individu qu'il est parvient à redevenir cohérent ? Il l'a si souvent sous-estimé que ça ne pouvait que mal finir. L'idée lui provoque soudain un sentiment de peur abyssal.

ႶႰ Ⴟ ჄႩ

La silhouette pointue du sephi s'allonge, noire, visqueuse. Ses cheveux semblent se solidifier en une couronne de cornes acérées et son visage se déforme. Les yeux incandescents se fendent et une créature inconnue émerge du corps qu'il croyait connaître. Son tronc serpentin s'allonge, gigantesque et décoré d'épines. Il se pare d'un milliers de bras aux griffes incohérentes. Un œil unique plein d'une folle rage s'ouvre sur la tête aux mâchoires cauchemardesques, qui laissent un son d’outre-tombe clamer :

ႶႰ Ⴟ ჄႩ

Zoar ouvre la bouche sans pouvoir produire le moindre son. Son instinct animal réagit sans qu'il puisse avoir la moindre chance de le contrer par l'exercice normal de la raison. La peur l'empoisonne. Il devient fou, hurle, se met à tirer en l'air en direction de ce que ses yeux lui font voir, et court, court, court ! Loin, sans pouvoir s'arrêter.

Bientôt, Dalla, sa lame toujours en défense devant son corps et celui de sa sœur, se retrouve de nouveau seule en compagnie du totem morbide abandonné. Du rang qui s'est extrait de l'ombre du mur, la face blême d'Ayindale se découpe sur le noir de la nuit. Les bras croisés sur la poitrine, le sephi gratifie les deux sœurs d'un regard infiniment dur, en dissonance avec son visage aux traits lisses et encore enfantins.

-C'est donc cela, le 'grand courage' des guerriers Jiddaï ? Inconsciente bravade que la vôtre, qui aurait pu à toutes deux vous coûter la vie.

Sa voix, différente, trancha l'air entre eux aussi sûrement que la lame bleue ne l'aurait fait :

-Votre tirade sur la vengeance, Jiddaï, n'était pas dénuée de sens, je le concède.

Venant de lui, la déclaration interpelle. Les yeux de Findis trahissent sa surprise : pardon ? Ayindale, concédé avoir eu tort ?! Le monde allait s'écrouler dans cinq minutes. Mais... non. Rien de tel ne se produit.

-Mais votre vision du monde est naïve. Ou hypocrite, je ne sais. La justice telle que vous la concevez n'existe pas : seule l'Unité peut se prévaloir de savoir ce qu'est réellement la justice. Et ceci est en dehors de nos limites de consciences mortelles. Il n'y a que les cours et les juges pour s'imaginer pouvoir se substituer à  la suprême conscience de la nature... Regardez-vous. Cette main armée qui est la vôtre ne cherche pas davantage la justice que celle de ce mercenaire qui vous répugne. Seule la mauvaise foi pourrait vous conduire à le nier. Vous étiez prêtes à exercer pour vous seules le couperet d'une équité tout à fait personnelle sur la vie de ces ères dont vous ne savez rien... Dans vos accusations, ne vous retranchez pas derrière l'argument de l'exercice d'une volonté supérieure. Celle-ci sait s'exercer d'elle-même, sans intermédiaires.

La main squelettique se tend vers la forme sombre de la dépouille de feu Gredeon, toujours ligotée à sa chaise.

-Puisque vous veniez le réclamer : récupérez donc le corps de ce malheureux... Et retournez-vous en dans vos foyers : vous n'obtiendrez rien de plus ici aujourd'hui.

Il reste immobile, statue de craie dans l'obscurité, où les seules éclairages sont ceux, défaillants, des façades de l'ancienne usine, et celui, éclatant, de la lame Jedi. La lueur verte donne à sa peau un aspect plus étrange encore. Dans son dos, les tundites ont remis leurs châles et leurs masques, de retour dans leur énigmatique anonymat.

Comme une procession d'un culte bizarre, les sorciers se détournent de la scène, en prenant le chemin de l'imposant portail qui verrouille l'entrée du site désaffecté. Puis, quelques pas plus loin, comme des ombres, disparaissent un par un entre deux voiles invisibles. Stolas garde son regard maquillé braqué sur celui de la jeune twi'lekk, où mille et un mondes étranges le projettent dans les bribes de pensées qui semblent flotter quelque part dans les ondulations de l'Unité autour d'elle. Il y aurait tant à dire, tant de questions. Mais déjà il perd le fil de son présent.

-Bonne chance.

Avec le même détachement, il se met à son tour en mouvement pour fermer la marche. L'air miroite autour de lui et l'instant d'après, Stolas Aiyndale a fusionné avec la nuit.



Dalla Tellura
Dalla Tellura
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Dalla avait souvent eu l’occasion de constater qu’une lame de sabre laser allumée, quelle que soit sa couleur, produisait un fort effet.
Il était cependant vrai que la plupart de temps, ce n’était pas sa lame à elle qui produisait le plus d’effet. Elle avait rarement eu à combattre seule, et dans ces rares cas, elle n’avait jamais dégainé la première. Sa formation, jusqu’à la Diaspora Jedi, avait été celle d’une jedi consulaire, comme en témoignait l’éclat vert de son sabre.

Aujourd’hui, elle était seule à brandir un sabre, et elle vit l’attention des pirates se tourner peu à peu vers elle. Elle sentit le poids de leur regard sur sa lame.

C’était pourtant son intention. Détourner leur attention de Nassa. Leur signifier qu’elle n’était pas qu’une frêle danseuse sans défense, qu’il y aurait un prix à payer s’ils lui faisaient du mal.

Elle s’était attendue à ce qu’ils la regardent. A ce qu’ils aient peur, à ce qu’ils cherchent à l’attaquer.

Mais pas à… cette animosité tranquille.

Dalla sentit son sang se glacer en entendant les paroles du géant.

« Pour la gloire ? »
Comment ça pour la gloire ? Elle n’ag…

Nassa avait fait un nouveau pas vers le cadavre de son mari, et la porte derrière elles s’ouvrit soudain.

« Maître » Ayindale se tenait de nouveau devant elle, entouré de sa secte encapuchonnée.

Dalla renforça sa prise sur son sabre, pour empêcher sa main de trembler. Parce que le géant balafré avait raison. Elle ne pouvait pas affronter tous ces pirates en même temps. Elle n’avait jamais été une experte du combat au sabre, même si elle avait fait d’indéniables progrès depuis son adolescence.
Quant à affronter Ayindale et sa clique…

Dalla sentit la Force onduler autour d’elle, tanguer, brûler, glisser. Et pourtant. C’était… C’était comme si la Force était différente. Déguisée.

La voix du chef des pirates l’aida à se reconcentrer sur son environnement. Parce que même si, bien sûr, elle sentait la Force, aussi étrange qu’elle lui apparaisse, vibrer autour d’elle, elle se rendit compte que cette onde ne faisait que passer autour d’elle.

Nassa était maintenant à genoux auprès de Gredeon. Les pirates reculaient, s’éloignaient, paniquaient. Leur chef hurlait.
Dalla s’agrippait à son sabre, incapable de regarder Ayindale.
Elle sentait, dans un recoin de sa conscience du monde, en périphérie de sa perception de la Force, qu’il se passait quelque chose qu’elle ne comprenait pas. Qu’elle n’avait jamais vu.
Elle qu’elle ne reverrait plus jamais, espérait-elle.

Elle se concentrait sur l’éclat de kyber, vibrant dans le manche de son sabre. C’était comme un rayon tracteur, comme un pont stabilisateur hydraulique, qui la maintenait en place, lui évitant de se laisser balayer par cette étrange ondulation de Force.
Une ancre magnétique, qui lui permettait de ne pas perdre pied, de se rapprocher de Nassa.

Puis la vague s’arrêta. Peu à peu, lentement. Comme une mer qui se retire. Dalla entendait encore en écho ce son étrange, articulé pourtant, qu’elle avait entendu, sans s’en rendre compte, pendant tout ce temps.

Dalla n’osa tourner la tête vers Ayindale que quand elle le sentit sur le point de parler.

Tous les pirates étaient partis.
Nassa était écroulée, secouée de sanglots, l’épaule contre son genou.

Ayindale parlait. Dalla écoutait, incapable de parler, incapable de bouger. Elle arrivait tout juste à s’empêcher de trembler. La jointure de ses articulations étaient presque blanche.

Le silence tomba dans la cour de l’entrepôt quand il eut fini de parler. Seul le vrombissement de la lame de Dalla résonnait.

-Je vous hais ! déclara soudain Nassa.

Elle s’était tournée vers Ayindale. Elle était accrochée à la jambe de Dalla qui sentait la pression de chacun de ses doigts sur son mollet.

Comment réussissait-elle à parler ? Dalla se sentait encore presque… nauséeuse de ce qui venait de se passer. De ce torrent de Force.

Les mots d’Ayindale résonnaient en elle, se mêlant à l’écho de cet étrange son, ce murmure puissant, cette… invocation qui avait, elle en était sûre maintenant, créé cette ondulation de Force.

Dalla avait du mal à rassembler ces idées.

Les silhouettes encapuchonnées s’éloignaient une à une. Leur chef avait toujours les yeux fixés sur Dalla, qui sentait le poids de ce regard faire ployer le peu de maîtrise qu’elle avait encore sur ses bras et ses jambes.

-Je protège ma sœur, murmura-t-elle.

Ou peut-être l’avait-elle seulement pensé ?

En tout cas, Ayindale finit par se détourner et s’éloigner à son tour. Et disparaître.

La lampe de l’un des réverbères rendit soudain l’âme dans un petit chuintement et Nassa sursauta.

Dalla décolla sa main gauche du manche de son sabre et en éteignit la lame. Elle regarda ses mains, qui tremblaient maintenant furieusement.

Elle se laissa tomber à terre, à côté de l’endroit où Nassa était elle-même assise quelques instants plus tôt. Mais la jeune veuve s’était rapprochée du cadavre de son mari, qu’elle étreignait en sanglotant.

Les mots d’Ayindale résonnaient encore dans sa tête. L’étrange invocation avait disparue, mais pas les paroles qu’il avait prononcées.

Naïve. Hypocrite. Se substituer à la nature. Mauvaise foi. Équité personnelle.

Mais c’était faux ! Elle le savait ! Elle valait mieux que ces pirates ! Elle n’avait sorti son sabre que pour protéger Nassa. Par pour attaquer. Pas pour tuer. Pour protéger sa sœur. Pour protéger une jeune femme innocente.

Elle repensait à cette étrange impression, sur Ilum, dans la grotte. Elle…

Elle avait besoin de méditer.

Mais avant, elles devaient sortir de là.

Elles étaient seules, dans un entrepôt désaffecté, avec le cadavre de Gredeon.

Deux femmes, deux twi’leks. La veuve, qui héritait – ou qui aurait hérité si Gredeon n’avait pas tout bazardé avant d’essayer de partir -, et la jedi en fuite.

Elles devaient vite évacuer les lieux.

-Nassa.

Sa sœur était toujours écroulée sur le cadavre de son mari. La tête sur ses genoux. La scène oscillait entre le pathétique, le scabreux et le morbide.

Au prix d’un gros effort, Dalla parvint à se relever. Elle s’approcha de sa sœur.

-Nassa, répéta-t-elle en posant une main sur l’épaule de sa sœur.

Celle-ci se retourna et lui jeta un regard farouche.

-Il faut qu’on s’en aille, Nassa. Les cris des pirates ont dû attirer l’attention, si on nous trouve ici, avec…

Les deux sœurs se tournèrent ensemble vers le cadavre.

Nassa se redressa.

-Il faut qu’on se tire.

Dalla ne put qu’admirer la vitesse à laquelle sa sœur avait retrouvé son sang froid.

-Aide-moi à récupérer l’or.
-Quoi ?
-L’or ! Il en est couvert ! C’est de l’or fondu ! Ça vaut un paquet !
-Tu… que… quoi ?

Nassa regardait de tout côté. Son regard s’arrêta sur la hanche de sa sœur.

-Ton sabre… Ça peut tout couper ces trucs-là, non ?
-Je…

Nassa avait toujours été un esprit pratique, ce qui était bien utiile quand il s’agissait de boucler les fins de mois, mais là...

-Dalla ! J’ai besoin de ce fric ! J’ai tout perdu, Dalla !

La voix de Nassa se brisa sur la dernière syllabe et Dalla sortit son sabre.

Nassa récupérait religieusement tous les morceaux, tous les fragments, toutes les scories.

Cela ne devait pas faire tant de crédits que cela, finalement.
Mais c’était toujours mieux que rien.

Soudain, un bruit retentit à l’extérieur de l’entrepôt.

-C’était rien, déclara Nassa. Un clochard, ou un tooka errant.
-Il faut qu’on se tire, Nassa.

La twi’lek regarda une dernière fois le corps de son mari.

-La police te le rendra après enquête. Tu pourras l’enterrer, le garder dans une jarre, ce que tu veux… Tirons-nous, maintenant.

Nassa resta silencieuse tout le trajet, les mains serrées contre les poches où elle avait stocké les morceaux d’or.

Kark, bien sûr, les attendait. Il laissa sa chambre à Nassa.

-Alors ? interrogea l’ugnaught quand ils furent tous les deux seuls dans le garage.
-Il est mort. Je ne sais pas qui c’était. Il… Ils maîtrisaient la Force.
-Des sith ?
-Non, des… je ne sais pas. Je n’avais jamais vu ça…

Dalla frissonna.

-Tu crois qu’ils vont…
-Non…

Elle ferma les yeux.

-Ils sont… Je crois qu’ils ont déjà quitté la planète.

Il hocha la tête.

-Qu’est-ce que tu vas faire ?
-Il faut que je prévienne le conseil.
-Et elle ?


Nassa, évidemment, ne voulait pas venir sur Tatooine.

-Qu’est-ce que j’irais faire là-bas ?
-Je dois y retourner. L’Ordre…
-Retourne avec tes jedi. Vous êtes tous les mêmes… Donneurs de leçon, moralisateurs… Mais quand il faut vraiment faire quelque chose pour les autres…
-J’ai fait ce que j’ai pu, Nassa. Tu es en vie, c’est déjà…
-Tu as abandonné Gredeon.
-C’est… je…
-Tu n’as rien fait pour lui !
-J’ai fait ce que j’ai pu.
-Il est mort ! C’est bien la preuve que tu n’en n’as pas fait assez !
-Je…
-Tu es une jedi ! Tu aurais dû pouvoir le sauver !
-Ce n’est pas…
-De toute façon, tu l’as toujours détesté…
-C’était un connard ! Il voulait partir en t’abandonnant ! Il t…
-C’est de mon mari que tu parles, Dalla !
-J’ai fait ce que j’ai pu pour le…
-Tu mens !


-Il va falloir que j’y aille. Tu es sûr que ça ne t’embête pas qu’elle reste ici ? Elle ne veut pas demander aux filles de l’appart…
-Ça ne m’embête pas. Et elle ne restera pas longtemps. Tu le sais.

Dalla soupira.

-Elle veut aller sur Nar Shaddaa.
-C’est ridicule. Elle a toujours voulu aller sur Nar Shaddaa. Gamine, déjà. C’est dangereux, Nar Shaddaa !
-Elle a déjà été enlevée, séquestrée, retenue prisonnière par des pirates, torturée par des utilisateurs de le Force… Je ne vois pas ce qi pourrait lui arriver de pire sur Nar Shaddaa…
-Si. Tu sais très bien ce qui pourrait lui arriver de pire.

Kark soupira.

-C’est une adulte, Dalla. Tu ne peux pas l’obliger à agir comme tu le voudrais.
-Je veux juste la protéger.
-Tu ne peux pas la protéger d’elle-même.


Tatooine, Temple jedi, salle du Conseil



Maître Licht et Maître Jiljoo’Blankuna échangèrent un regard.

-L’Unité ?
-Je pense que c’est comme cela qu’ils désignaient la Force. Vous aviez déjà entendu cette expression ?
-Nous avons perdu beaucoup de nos archives avec la Diaspora, murmura Maître Pulos.
-Et beaucoup de nos érudits ont… disparus.

Tués, ou emprisonnés par la République.

-Ma… d’après mes sources, ils auraient mentionné la planète Tund, continua Dalla.

Maître Licht et Maître Jiljoo’Blankuna échangèrent un nouveau regard, et Dalla n’aurait su dire si cela leur évoquait quelque chose, ou si cela ne leur évoquait rien du tout.
Elle ne savait pas quelle hypothèse elle trouvait la plus effrayante.

-Tu as bien fait de nous raconter tout cela, chevalière Tellura, déclara Maître Ruvq. Il va nous falloir rester vigilants.
-Il faudrait peut-être… se renseigner ? hasarda Dalla.

Maître Ruvq soupira. Maître Pulos eut un petit grognement.

-Vous portez-vous volontaire, chevalière Tellura ?
-Je… euh… je peux fouiller nos archives, et demander à Maître…
-Vous les avez vus, l’interrompit Maître Jiljoo’Blankuna. Vous les avez rencontrés, leur avez parlé, les avez sentis dans la Force. Vous êtes la plus à même de les retrouver.
-Bien sûr, les conseils et avis de notre bibliothécaire seront utiles, ajouta Maître Licht. Mais nous avons aussi besoin que vous fassiez votre enquête sur le terrain.
-Vous avez parler d’un certain… Klasgow je crois ? Celui-là sera peut-être plus facile à retrouver. Je suis sûr que le BRJD acceptera de vous prêter main forte.
-Tund est proche de l’empire, mais vous pouvez aussi décider de vous y rendre pour enquêter.
-Nous vous faisons confiance pour agir au mieux.

Cela sonnait comme une congédiation. Le conseil avait beaucoup à faire, et peu de temps.

-Je… Je… Excusez-moi, Maîtres, mais… Je ne suis chevalière que depuis quelques mois. Je manque d’expérience… Je… C’est une très lourde tâche. Ces gens sont très puissants, et je ne sais pas si, toute seule, je…
-Si vous avez peur de ne pas pouvoir mener seule cette mission à bien, vous pouvez prendre un apprenti, pour vous assister dans cette tâche.

Ce n’était pas du tout la réponse à laquelle s’attendait Dalla.

-Je…
-Nous manquons cruellement de Maîtres pour nos initiés. Nous ne pouvons qu’inciter les chevaliers à prendre des plus jeunes sous leur aile. Tu as justement déjà une bonne expérience avec les apprentis. Tu pourrais même prendre plusieurs padawans.
-Bien sûr ! Nous conseillons généralement de prendre des apprentis d’âges différents, pour créer des rapports de tutorat plutôt que de rivalité entre eux, mais chaque jedi est libre d’agir comme il l’entend.
-Prendre un apprenti ? Je… Encore une fois, je viens à peine d’accéder au rang de chevalière, je ne me sens pas…
-Si tu as peur de ne pas être encore assez expérimentée pour former intégralement un apprenti, tu peux aussi prendre un apprenti qui a déjà commencé sa formation.
-Beaucoup de padawans ont perdu leur maîtres, pendant la Diaspora, ou après.
-Comme vous, d’ailleurs…

Les Maîtres se turent un instant.

Dalla pensait à Larna. A Kark, aussi, qui l’avait prise sous son aile après la mort de la Kel Dor.

-Vous êtes une bonne pédagogue, chevalière Tellura. Nous vous faisons confiance pour mener vos futurs apprentis vers le rang de jedi.
-Et pour mener cette mission à bien.
-Que la Force soit avec toi, chevalière.
-Que la Force soit avec vous, Maîtres, répondit machinalement Dalla.

Et elle se retrouva dehors.
Avec encore plus de doutes, encore plus de questions, encore moins de certitudes.

Etait-il vraiment raisonnable de prendre un apprenti alors qu’elle n’avait elle-même aucune idée de ce qu’elle devait faire ?

Hypocrisie. Mauvaise foi. Vision personnelle de l’équité et de la justice.

Elle savait que c’était faux. Elle savait qu’elle n’avait pas sorti sa lame pour la gloire. Pourtant, c’était l’impression qu’elle avait donné.
Qu’est-ce que cela voulait dire d’elle ?
Qu’est-ce que cela voulait dire d’eux, de leur Ordre, et de ce qu'ils étaient devenus ?
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