Oola Cha'kin
Oola Cha'kin
Messages : 32
Eclats Kyber : 120

Une pluie drue s'abattait sur les tôles, faisant retentir le métal sous le clapotis régulier. Malgré la nuit avancée et le voile gris que formaient les gouttes   dans la rue, la chaussée était illuminée par les néons fluorescents des devantures de commerce et de publicités criardes. Les quelques rares passants ne s'attardaient pas ; ils se hâtaient, les mains dans les poches, ou bien couraient en se protégeant la tête de quelque sac plastique.

A l'angle de la rue, une silhouette frêle et longiligne apparut : vêtue d'une combinaison imperméable, une twi'lek juchée sur des bottes noires à talons marchait à vive allure, les bras croisés et la tête rentrée dans les épaules pour essayer vainement de ne pas trop subir la froideur des gouttes qui s'insinuaient dans son cou. Ses lekkus se balançaient au rythme de ses pas, enroulés de rubans de cuir sombre qui durcissait le visage de la jeune femme. De loin, on aurait cru une femme mûre et sûre d'elle.

De près, cependant, elle avait encore les traits d'une adolescente trop chargée de maquillage : elle s'était dessiné des sourcils au feutre noir et ses lèvres étaient barbouillées d'un rouge vif. L'humidité avait fait couler son mascara, si bien que le tour de ses yeux était devenu tout noir lorsqu'elle les darda sur le numéro qui s'affichait à côté d'une porte jouxtant une vitrine vantant les mérites des nouveaux moteurs d'hyperpropulseurs J-X40.

- 24...

La jeune femme poursuivit son chemin en s'élançant de nouveau sur son rythme rapide. Ses talons claquaient sur le trottoir, et ils retentirent jusqu'à être couverts par le grondement d'un speeder qui passait au-dessus de l'immeuble voisin.

- 22 ! Oola souffla avec espoir.

Elle se hâta de se réfugier sous l'auvent mécanique, et quand elle fut enfin à l'abri de la pluie, se passa les mains sur son visage dans l'espoir vain de l'assécher quelque peu. Sa peau rose luisait toujours pourtant quand elle se pencha pour observer la rue, de part et d'autre, avec inquiétude : une moto-speeder passa à toute vitesse, et un droïde désactivé tenait tristement debout à côté d'une poubelle ; à part cela, l'endroit était complètement désert et Oola en parut soulagée.  
Elle s'intéressa aussitôt à l'intercom. Elle suivit du bout d'un index une série de chiffres et de lettres en basic à demi effacés par l'usure, et finalement enfonça un bouton gris en retenant son souffle.

Il ne se passa rien d'autre que l'allumage d'une petite diode verte. Oola haussa ses faux sourcils, et décida d'approcher sa bouche de la petite grille métallique qui jouxtait la série de boutons sur le panneau de commande.

- Hum. Monsieur... Bonjour ? C'est, hum, c'est l'Horloger qui m'envoie. Pour la facture.

L'Horloger n'existait pas, bien évidemment, ni la moindre facture : c'était une phrase code pour signifier qu'elle était une cliente souhaitant obtenir des documents d'identification.
Oola avait volé et revendu un certain paquet de petites babioles appartenant à Naskosh pour dénicher cette information. De la personne qu'elle allait rencontrer, elle ne savait rien. Cette idée lui faisait une boule au ventre, mais elle tâcha de l'ignorer. Il était trop tard pour faire demi-tour de toute façon. Oola jeta un nouveau regard par-dessus son épaule, mais la rue était désormais déserte. L'intercom à côté de la porte grésilla, et la twi'lek soupira. Elle tapota l'appareil du bout de l'index, sans ménagement.

- Hé ! Ca marche ce truc ?

Kzzzrf.

- BONJOUR. C'EST L'HORLOGER QUI M'ENVOIE POUR LA FACTURE, elle répéta d'une voix plus forte. Y'A QUELQU'UN ?

Il fallait juste espérer que la personne au bout du fil, s'il y en avait une, ne tînt pas trop à la discrétion des visiteurs de son repaire.
Coda Jago
Coda Jago
Messages : 20
Eclats Kyber : 115
« Rachu’ ! »

Coda avait crié sans même relever sa tête penchée sur son établi. Sa main gauche, celle qui ne tenait pas son fer à souder, fila sur son bureau pour écarter quelques bricoles et faire apparaître un appareil orné d’un gros bouton gris sur lequel il appuya. Aussitôt, un crachotement radio résonna dans la pièce, et Coda sut que dehors, il pleuvait. Quelques secondes s’écoulèrent, avant qu’une voix féminine ne finisse par s’élever. « Rashuuuu’ ! La porte ! » brailla à nouveau Coda, relevant cette fois sa tête couverte d’énormes binocles à loupes de précision qui lui donnaient l’air d’un insecte aux yeux gigantesques.  Ses paupière papillonnèrent dans la lumière et son oreille se tendit, mais il n’entendit rien d’autre que le bruit de l’intercom qui continuait à crépiter.

Le dénommé Rashu’ devait être sorti, estimé Coda, ce qui allait devoir le forcer à se lever, et à aller voir lui-même ce qui attendait à la porte. Alors qu’il était à deux doigts de parvenir à réparer le circuit du droïde de maintenance qui empêchait son logis de sombrer dans le chaos… Il n’avait pas vraiment le temps pour les visiteurs.

Le haut parleur de l’intercom explosa soudain, ou tout du moins, c’est l’impression que cela donna, alors qu’un puissant larsen déchira l’air silencieux, accompagné par ce qui semblait être un hurlement. Les mains plaquées sur les oreilles, Coda se jeta sur le bureau pour écraser du coude le bouton gris du haut parleur et faire taire les crissements. « Ça va, pas besoin de gueuler ! » beugla-t-il à son tour dans l’intercom, à moitié allongé sur sa table, le souffle court et l’esprit agacé. Les gens n’avaient-ils donc aucun respect pour la tranquillité des autres ? Il se coula néanmoins sur le sol en grommelant, le corps endolori par plusieurs heures resté immobile sur son tabouret de fortune peu confortable. « J’arrive. »

Engourdi, il se traîna à travers la pièce, écartant à grands coups de pieds et de bras les amas hétéroclites d’objets qui couvraient le col et toutes les surfaces planes accessibles -pas de jugement, le droïde de maintenance était en panne-, avant de finalement mettre la main sur l’écran portatif de l’intercom, qu’il alluma. L’image apparut, oscillante, et il frappa sur le côté de l’objet deux ou trois fois afin de récupérer la netteté et d’observer tranquillement qui venait à la porte. Il détailla la silhouette inconnue, fit le zoom dessus grâce à la caméra qui se trouvait au dessus de la porte. Il ne connaissait pas la twi’lek à la porte. Juste à la voir comme ça, il aurait pensé qu’elle était juste une énième prostituée commandée par Rachu’ ou n’importe lequel des autres gus qui bossaient à l’atelier, mais le signal qu’elle avait utilisé signifiait tout autre chose.

Grognant contre les emmerdeurs et les collègues absents, Coda se dirigea vers l’entrée. C’était qui cette folle qui hurlait dans la rue comme ça, sans se soucier de la discrétion ? Surtout que si elle ne lançait pas ça au hasard, c’était dans son intérêt de ne pas le crier sur tous les toits. Il arriva à l’entrée, un vestibule triste et dénudé, faiblement éclairé, et ouvrit le clapet qui masquait une petite ouverture carrée dans la porte, à peine plus grande qu’une carte de visite. Son oeil vaseux apparût au travers et détailla l’arrivante sans vergogne. « Pas de rendez-vous ? » questionna-t-il d’un air inquisiteur. « Prenez rendez-vous et revenez. » Et sur ces paroles, il referma le clapet brusquement. Ça lui apprendrait, tiens.

Cependant, Coda avait l’énorme défaut d’être abominablement curieux. Il fit volte-face et rouvrit le clapet, observant à nouveau la twi’lek. Elle avait l’air jeune, bien plus jeune que ce qu’il avait pensé à la base, loin du genre de clients qu’ils avaient habituellement. Que faisait-elle là, et comment avait-elle obtenu le code ? S’il y avait une fuite dans leur système, ils devraient le régler au plus vite. Sur une impulsion, Coda appuya sur le bouton qui ouvrait la porte et passa sa tête par l’ouverture. Il observa à droite, à gauche et se rassura en voyant la rue vide. Seule une vieille voisine les observait depuis sa fenêtre au troisième étage, l’air désapprobateur. « T’as d’quoi payer ? » demanda Coda, avant d’attraper la twi’lek par le bras et de l’attirer à l’intérieur avant que quelqu’un ne se pointe dans la rue et ne l’aperçoive. La porte se referma avec force, et les verrous s’actionnèrent les uns après les autres. « D’habitude, l’Horloger prévient lorsqu’il envoie quelqu’un. Par politesse. Mais bon, j’pense que je peux laisser couler et faire un effort, monnayant… monnaie. Et infos. Qu’est-ce que tu cherches exactement ? » déclara-t-il en fronçant les sourcils. Il ne fallait pas avoir l’air trop aimable, ou elle pourrait penser qu’il est du genre à tout laisser passer, même une inconnue dans un repaire de contrebandiers.
Oola Cha'kin
Oola Cha'kin
Messages : 32
Eclats Kyber : 120

- Mais...

Elle avait à peine eu le temps d'ouvrir la bouche que le clapet s'était refermé. Derrière Oola, la pluie poursuivait son aspersion méticuleuse et régulière, et masquait fraîchement les odeurs d'huile et de fumées habituelles pour le quartier. L'endroit paraissait bien hostile à Oola, subitement, mais contre toute attente la s'ouvrit et la twi'lek braqua sur l'hôte ses yeux électriques et determinés.

- Evidemment, persifla-t-elle en tendant le cou, comme un serpent aurait essayé de faire peur à sa proie. (Certes, sans guère de succès.)

Cela restait à vérifier, pour le nombre de crédits, mais elle n'avait pas eu l'idiotie de venir les mains dans les poches. Elle se laissa emporter à l'intérieur, non sans un regard noir pour le garçon humain malgré ses binocles immenses. A peine eut-il refermé la porte derrière elle qu'Oola se hâta de tirer pour récupérer son bras et d'une main précieuse, massa l'endroit où il l'avait saisie. Elle le toisa ensuite de pied en cap, de longues secondes, comme si elle avait besoin de temps pour prendre une décision. Il devait être aussi âgé qu'elle, peut-être un petit peu plus. Elle cligna un moment des yeux, le temps de s'habituer à la froideur de l'éclairage des lieux. Malgré une brève moue, elle consentit néanmoins à donner quelques informations.

- Je suis pas passée par les canaux habituels, j'ai volé l'info,
dit-elle du bout des lèvres mais en détournant le regard, l'air détaché. J'connais pas ton Horloger, j'pensais même pas qu'il existait.

Tandis que ses yeux azur s'étaient mis à détailler le hall d'entrée, gris et froid, avec des traces d'humidité dans les coins, Oola fronça le nez, gênée par les odeurs peu agréables du lieu. Elle haussa brièvement les sourcils, lèvres pincées comme si elle avait décidé de ne pas émettre de jugement, à défaut d'y penser  fort. Quand elle s'intéressa de nouveau à son interlocuteur, elle ouvrait le col de sa combinaison, mais pour mieux en tirer un foulard clair qu'elle dénoua rapidement, dévoilant sa gorge violine. De quelques gestes rapides, elle utilisa le foulard pour sécher ses lekkus, non sans gratifier le garçon d'un regard circonspect.

- Je viens pour des faux-papiers. Il paraît qu'il s'en fabrique ici et des bons. J'en ai besoin au-jour-d'hui.

Oola avait séparé les dernières syllabes pour marteler ses exigences avec aplomb, avant de détourner le regard pour contempler la cage d'escaliers quelques mètres plus loin. Là aussi, l'hygiène laissait à désirer. Elle tâcha d'en faire abstraction - il y avait plus urgent, notamment sa combinaison qui avait désagréablement pris l'eau, jusqu'à dégouliner dans ses bottines. Elle soupira en croisant les bras sur sa poitrine.

- Mais j'en dirai pas plus avant de voir ce que cette info vaut vraiment et à quoi ressemble une de ces ID falsifiées.

Nouveau regard vers la tête d'insecte. Le garçon n'était pas beaucoup plus grand qu'elle, et malgré l'air idiot que lui donnait ses binocles, elle lui trouva une posture nonchalante, assurée. Beaucoup trop détendue face à la cliente mystérieuse qu'elle était, jugea-t-elle aussitôt. Alors elle décroisa les doigts pour appuyer sans ménagement un index violet sur sa poitrine.

- Ca veut dire que tu dois m'accompagner voir ton patron, grand benêt !
Coda Jago
Coda Jago
Messages : 20
Eclats Kyber : 115
Devant Coda, la twi’lek faisait des manières, visiblement peu convaincue par ce qu’elle voyait. Était-ce l’apparence débraillée du jeune homme qui la faisait douter, ou la propreté douteuse des lieux ? Coda se sentit vexé, comme s’il avait lui même pondu les plinthes rouillées et les fissures dans le plafond et qu’elle insultait ses créations de son regard dédaigneux. C’était quand même pas sa faute si le lieu tombait en ruine. Qu’est-ce qu’il y pouvait, si Rachu’ était trop pingre pour faire passer un coup de peinture fraiche ? Lui, il réparait le robot, point. Du moins il essayait.

Croisant les bras pour se donner de la contenance, Coda fixa sans vergogne la visiteuse qui gouttait sur son sol décrépit. Maquillée comme un speeder volé, l’air de ceux qui font semblant de savoir exactement comment ils se sont retrouvés là… Il l’avait prise pour une prostituée, mais il n’en était plus vraiment sûr. Elle lui faisait penser à… à lui, dans un sens, avec sa façon d’exiger des trucs comme si elle en avait parfaitement le droit. Elle voulait des faux papiers, et maintenant, comme une gamine richissime réclamant un poney. L’audace.
Coda réprima le petit sourire satisfait qui avait tendance à lui monter aux lèvres lorsqu’on complimentait son travail sans le vouloir. « T’es bien exigeante. Me semble que t’as plus besoin de moi que l’inverse, et que si t’es venue sans savoir à quoi t’attendre, c’est que t’as pas trop le choix. J’sais pas qui est ta source, mais généralement on fait pas trop de pubs aux faussaires pourris, alors… »
Elle avait raison, il faisait ici les meilleures documents contrefaits. Et les meilleurs dérivateurs de circuits prolongés. Et les meilleurs blasters DG-29 version légère. Coda en était persuadé, probablement parce qu’il n’avait jamais mis le nez au dehors de son district pour voir ce qu’on faisait ailleurs. Pour lui, le monde s’arrêtait au niveau du croisement de l’avenue où bossait son pote Faarii le serrurier et de la rue avec le stand de raviolis à emporter que tenait la vieille dont personne ne connaissait le nom, mais qui devait avoir au moins cent-mille ans, vu sa tronche.

Mais ça ne lui indiquait pas quoi faire de la visiteuse. Il savait qu’habituellement, ceux qui avaient l’air louches étaient expédiés à coups de pieds bien sentis jusque qu’au fond de la ruelle proche, où on les laissait se débrouiller pour rentrer chez eux après leur avoir fait les poches. Maaaais…
Le doigt qui s’enfonça dans sa poitrine lui fit l’effet d’une brûlure de cigarette, et il fit un bon en arrière en brandissant un vieux fer à souder rafistolé tout sauf menaçant en direction de l’inconnue, faute de mieux. « Wow, pas touche ! » beugla-t-il en agitant son simili d’arme. « On a pas élevé les cochons ensemble que j’sache ! »
Il renifla un coup, sans politesse, avant de froncer les sourcils en essayant de se souvenir de la dernière fois qu’on l’avait appelé benêt. Et cette idée le fit sourire. « L’patron… Oui, ça peut s’faire. Mais va par là, on va discuter. Voir ce qu’on peut faire. Et pas d’anicroche, ou j’t’embroche ! » finit-il par annoncer en rigolant à sa rime comme un gamin, tout en désignant l’escalier de son fer à souder. « Viens. »

Il ouvrit le chemin en descendant les marches deux à deux à toute vitesse pour débouler dans la pièce encombrée où il avait l’habitude de bidouiller. Il y régnait un bordel monstre. Les seuls espaces qui n’avaient pas l’air d’avoir disparus sous les amoncellements de pièces détachées, d’outils usés et de feuilles recouvertes de dessins bizarroïdes étaient l’établi qui trônait fièrement sous la seule fenêtre ridiculement petite et crasseuse de la pièce, et un vieux lit de camp aux couvertures usées et emmêlées. Même le sol était couvert de poussières et de tâches sombres et douteuses. Mais Coda semblait naviguer dans ce capharnaüm avec autant d’aisance qu’un poisson dans l’eau. Il donna un coup de pied dans un sac qui traînait, l’envoyant valser avec un bruit de ferraille dans un coin de la pièce, et se débarrassa de ses lunettes insectoïdes pour commencer à fouiller dans les piles d’objets qui encombraient les étagères et les tiroirs de l’établi. « Je t’es jamais vue. Tu viens d’où ? Prépare tes crédits, qu’on perde pas de temps. » déclara-t-il, passant du coq à l’âne aussi facilement qu’il envoyait voler divers objets à droite et à gauche. Il dégagea sans ménagement une boule métallique qui roula sur le sol avant de déployer de petites pattes mécaniques et se mettre à courir en zigzag avec un sifflement aigu. « WARNING ! WARNING ! WARN- » fit la boule avant de venir se cogner contre les chevilles de la twi’lek, et d’expirer dans un chuintement rouillé. Elle tomba inerte sur le sol en laissant échapper un petit nuage de fumée noir au moment où Coda se relevait avec une exclamation satisfaite, une vieille tablette d’où dépassaient plusieurs fils électriques entre les mains. « Ah, voilà. T’inquiète, elle est désamorcée. Mais touche à rien, on sait jamais. » annonça-t-il tranquillement en désignant la boule du menton.  Le jeune homme débarrassa son tabouret du bazar qu’il venait d’y mettre et se percha dessus comme un oiseau sur une cheminée, les jambes pendantes, s’installant confortablement sans proposer de siège à son hôte. « Alors ! Je vais avoir besoin de… attends. » Il recommença à fouiller ses tiroirs pendant presque une bonne minutes, avant de trouver un stylet. « Donc, j’disais. Me faut ton nom, pour… le registre. » mentit-il. Il n’avait pas besoin de nom, et en vérité, nombreux clients venaient ici pour ne pas avoir à le donner. Mais il était curieux, et il aimait savoir à qui il parlait. « En gros, je prends tes infos, et ensuite j’vois ce que je peux faire avec, vu ? Je mens pas, si tu veux ton document aujourd’hui, ça va coûter cher. Mais ici, c’est qualité, pas comme chez les Advozsec. T’es pas allée chez eux, hein ? Leur dis pas que j’ai dit ça, mais ils sont nuls. Bref. » Il frotta ses cheveux déjà ébouriffés, puis ses yeux avant de les reposer sur la fille. « Bon alors ton nom ? J’ai pas toute la journée. Tu veux boire un truc ? J’ai… de l’eau et… je sais plus. RASHU’ ! » hurla-t-il soudainement dans une petite radio, qui ne lui rendit qu’un crachouillement de statiques en réponse. Coda adressa un grand sourire à l’inconnue, comme si tout était normal. Et tout l’était, n’est-ce pas ?
Oola Cha'kin
Oola Cha'kin
Messages : 32
Eclats Kyber : 120

Aux réflexions de l'humain, la Twi'lek s'était contentée de répondre avec un regard assassin et en pinçant ses lèvres fines. L'eau qui dégoulinait de sa combinaison lui donnait piètre allure, et chacun de ses pas se soldait d'un shplouik ! qui trahissait que l'intérieur des bottes en simili-cuir avait lui aussi pris l'eau, mais Oola continuait de se mouvoir comme si elle avait descendu les marches du Coruscant Palace lui-même : le menton haut, le regard venimeux, et...

- 'tcha ! éternua-t-elle d'une petite voix en détournant la tête.

L'instant suivant,  ils pénétraient dans l'antre du faussaire et elle écarquilla les yeux en se figeant à l'entrée.

- Heu...

Elle observa, dépitée, les amoncellements d'objets en tous genre, les lampes-néons qui diffusaient leur lumière électrique sur des allées encombrées de morceaux de droïdes, de machines désossées et de cartons d'où dépassaient fils et et bouts de métal. Une carcasse de robot était affalée à quelques pas, et Oola posa sur lui un regard désabusé.

- Hé ben.

Ce fut son seul commentaire avant qu'elle osât tenter de marcher sur les traces du garçon pour le suivre, à une bonne distance, les coudes en l'air comme si cela avait pu l'aider à ne pas tâcher sa combinaison d'une trace de cambouis ou de rouille. Elle se figea avec un frisson quand la boule bruyante vînt percuter ses chevilles.

- Désamor... Parce que c'était censé exploser ?!


Elle aurait aimé s'emporter comme elle le faisait d'habitude - c'était à dire, avec forces de cris et de gesticulations - mais elle se retint avec violence : elle avait vraiment besoin de ces papiers et si l'endroit était caffi de bombes dont certaines n'étaient pas désamorcées, autant rester prudente. Elle se contenta donc de fustiger son hôte d'un froncement de sourcils menaçants avant de reprendre sa déambulation précautionneuse.

- Je viens du District 2B, de la Zone Inférieure.

Autant dire, à une bonne trotte d'ici. L'ennui avec le district 2B, c'était que Naskosh avait la main mise sur une bonne partie des commerçants, et que si Oola y avait été chercher ses fameux papiers, cela se serait su aussi vite qu'une mère bantha se rend compte qu'on a tondu sa progéniture. Récolter des informations d'un autre district avait été fastidieux, mais sûrement moins pénible que de se taper à pied toutes les passerelles pour atteindre les niveaux supérieurs de Nar Shaddaa et basculer dans le district voisin. Là encore, pourtant, elle avait l'impression de n'être pas allée assez loin. Comme pour se rassurer, elle jeta un regard par dessus son épaule. La porte s'était refermée sur la cage d'escalier, et un drôle de silence s'était installé, seulement empli des grésillements de quelques appareils en marche dans la pièce. Elle s'humecta les lèvres, avant de s'intéresser de nouveau à l'humain, arrivée à deux pas de lui. Il avait l'air d'un scientifique un peu fou avant l'heure. Elle leva un index entre eux, pour l'agiter de gauche à droite à hauteur de ses yeux farouches.

- Tt-tt-tt, fit-elle en claquant le bout de sa langue contre son palais. Pas si vite. Tu verras les crédits si je vois une ID correcte. Tu crois que je suis née de la dernière comète ?

Elle se détourna pour passer devant lui, prenant un peu plus d'aise pour déambuler dans la pièce, comme si elle avait pu mettre la main sur des documents d'identité laissés par hasard sous un tas de boulons. Le twi'lek observa les étranges amoncellements, se pencha parfois pour essayer de distinguer quelque chose entre un datapad à l'écran brisé et un chalumeau qui sentait encore le métal chauffé à blanc. Les odeurs lui rappelaient vaguement les entrepôts de l'astroport, qu'elle avait traversé quelques jours plus tôt.

- Je m'appelle Tyri, poursuivit-elle sans le regarder. Tyri'Gella. Et toi ?

Elle arrêta son cheminement devant une chose informe, recouverte d'un voile blanc. Du bout du pouce et de l'index, elle se saisit du linge pour le soulever tout doucement. Le tissu tâché se souleva, révélant ce qu'il dissimulait : une tête de droïde aux yeux de verre, globuleux, étrangement aliens.

- Ah !

Elle relâcha le tissu avec un cri de frayeur, recula dans une table qui trembla sous l'impact. Oola se rétablit néanmoins bien vite, non sans se rattraper maladroitement en enfonçant sa main dans une matière spongieuse et noire. Elle arracha ses doigts de la substance avec une grimace.

- Mais tu fous quoi dans ce bazar ? gronda-t-elle, furieuse, comme si Coda avait laissé cette chose gluante à cet endroit intentionnellement. C'est dé-gueu.
Coda Jago
Coda Jago
Messages : 20
Eclats Kyber : 115
Coda se sentit bien plus à son aise une fois enfermé dans la sécurité de son atelier, même si, objectivement, c’était loin d’être un endroit sûr. Il suffisait d’un faux mouvement pour se cogner, se couper, s’électrocuter, ou se faire tomber toute une pile de bric à brac brinquebalant sur la tête.  Ce qui allait finir par arriver, si la twi’lek continuait à gesticuler et à toucher à tout, et ça serait bien fait pour elle, pensa Coda. Ça lui apprendrait à faire la princesse, à se balader avec le nez plissé comme si tout ce qu’elle voyait la répugnait au plus haut point.
Mais Coda était un bon gars, peu enclin à se formaliser des regards méprisants d’inconnus qui débarquaient chez lui sans prévenir après avoir molesté son intercom. En vérité, il avait presque l’habitude. Combien de fois avait-il surpris le regard déçu de ceux qui venaient quérir les services de l’horloger, pour se rendre compte qu’ils n’avaient en face d’eux qu’un type qui avait l’air d’avoir à peine atteint l’âge adulte, qui vivait entouré de ce qu’ils voyaient plus comme des ordures qu’autre chose, et qui râlait à tout bout de champs, alternant marmonnement et exclamations sans queue ni tête. Beaucoup avaient finalement tourné les talons, prétextant un rendez-vous urgent au district le plus éloigné.

Alors Coda ne se formalisait ni de son air de pimbêche, ni de la suspicion dont elle faisait preuve à son égard. Comme s’il n’avait que ça à faire de créer de faux documents bâclés. « J’ai rien à te montrer. Je fais pas de faux documents pour les garder après. D’ailleurs, tu poses beaucoup de questions sur ces papiers, je trouve. T’es d’la milice ? » demanda-t-il d’un ton faussement soupçonneux. Bien sûr que non, elle n’était pas de la milice, la milice avait autre chose à foutre que de venir mettre son nez dans ce trou paumé. « Fais pas cette tête. Je fais tes papiers, et tu payes après, d’accord ? Comme ça si t’es pas convaincue, je recommence. Enfin, je sais que tu seras convaincue, mais bon si ça peut te rassurer. » dit-il en rebaissant sur ses yeux ses grosses lunettes d’insecte. « Et puis t’avises pas de partir sans payer. Tu pourras pas de toute façon, c’est moi qui contrôle les portes. Et j’ai dit touche à rien ! »
Il leva les yeux au ciel, et se pencha sur un datapad hors d’âge, commençant à pianoter. « Ça s’écrit comment, Tyri’Gella ? La vache, c’est super long comme nom ! Moi c’est Coda, tout simple, mais j’aime bien l’horloger. Ça sonne bien. » ajouta-t-il avec un sourire, sans lever les yeux. Ses doigts filaient sur le clavier du vieux datapad, un vieux modèle qu’on ne faisait plus depuis au moins vingt ans. Le truc ne faisait que planter, mais il avait à la fois l’avantage de passer pour un vieux machin sans intérêt, et celui d’être tellement obsolète qu’il était presque impossible de le pirater à distance. Indispensable pour un vaurien comme lui.

Il entendit soudain un cri, puis la table sur laquelle il se penchait se déroba brutalement. Il se redressa d’un coup, agacé. « Eh ! Fais gaffe ! J’ai dit de rien toucher et tu touches ! T’as cinq ans ou quoi ? C’est fou ça ! » s'exclama-t-il en enlevant à nouveau ses lunettes. Il observa les quelques objets qu’elle avait dérangés, et poussa un soupir exaspéré. « Comment ça dé-gueu ? C’est de la glue industrielle à action thermoactée, ça vaut une fortune. Et c’est moins dé-gueu qu’ton attitude. T’as d’la chance d’être tombée sur un type calme comme moi, et pas sur un autre qu’aurait pas hésité à te faire déguerpir à coups d’pieds dans l’cul. Souris ! » ajouta-t-il soudain brusquement en brandissant vers elle un petit scanner panoramique miniature. Il y eut un rayon qui balaya la tête de la sois-disant Tyri dans un flash, puis Coda éclata de rire. La grimace mi-furieuse, mi-dégoûtée qui s’affichait désormais sur l’écran du datapad valait de l’or. « Magnifique ! Avec ça, tu vas passer toutes les frontières sans problème, c’est sûr ! » dit-il en riant, tout en lui montrant le visage grimaçant. « De toute beauté ! T’en penses quoi, Tyri ? C’est pas du beau travail ? » demanda-t-il, hilare. Il était presque sûr que la twi’lek riposterait soit en hurlant, soit en faisant le plus de dégâts possible. Mais ça valait largement le coup, juste pour voir sa tête.
Oola Cha'kin
Oola Cha'kin
Messages : 32
Eclats Kyber : 120

- De la glu-quoi ?

FLASH.

- Hé !

Oola rua son visage vers l'appareil pour poser les yeux sur son portrait. Elle avait une lèvre à demi-soulevée qui trahissait son dégoût, lui faisait une narine deux fois plus grosse que l'autre et laissait apparaître une dent pas très bien alignée avec l'autre. Mais au-delà de ces désagréments compromettant fortement les canons galactiques de la beauté humanoïde fémiine, elle avait l'air idiote. Son visage passa du violet au fuschia.

- T'AS MEME PAS ATTENDU !

Elle saisit le scanner des deux mains et tira dessus. Au terme d'une longue lutte de quatre secondes et demie ponctuée d'un "gni !" rageur, Oola réussit à arracher l'appareil des mains de Coda.

Options. Poubelle. Supprimer ? Oui.

Elle lui retendit l'appareil, le souffle court.

- Refais-la, exigea-t-elle, le regard menaçant et la mine boudeuse.

Elle ne savait pas vraiment s'il n'avait pas moyen de récupérer le premier cliché, au fond. Mais il avait dit que si elle n'était pas satisfaite, il recommencerait. Alors, il referait sûrement un cliché. Oola s'efforça de conserver son regard de méchante pour le convaincre parfaitement. Coda n'avait pas l'air si effrayé, mais enfin il consentit à lever le scanner à hauteur d'yeux.

- NON ATTENDS J'SUIS PAS PRÊTE. T'as pas un miroir ? Evidemment que t'as pas un miroir.

Oola avait levé les mains en signe de panique. Elle virevolta sur elle-même, ses lekkus fouettant l'air, et, oubliant momentanément ses manières de femme indépendante, elle courut le long de la table à la manière d'un aqualish qui aurait eu les pieds entravés par des sables mouvants. Néanmoins, elle tira d'une pile d'objets une plaque en métal luisant, suffisamment poli pour qu'elle put y apercevoir son reflet. Oola la tint à la verticale devant elle pour s'ausculter. Elle s'humecta les lèvres, fit un bisou imaginaire à son reflet, finit par frotter au-dessus de ses yeux, d'un index, la courbe d'un sourcil, puis l'autre. Au bout d'un moment, elle poussa un soupir de dépit, et elle reposa la plaque en métal pour revenir auprès de Coda.

- Voilà. C'est bon, vas-y.

Mains sur les hanches, visage tourné aux trois quarts, menton légèrement vers le bas, yeux insolents vers le haut, bouche légèrement entrouverte, sensuelle. Elle se figea comme une caricature de photo d'holoporn.

FLASH.

Oola exhala un souffle en se détendant, comme si elle venait d'exécuter un numéro particulièrement physique. L'exercice avait eu le bénéfice de la calmer, et de la faire taire - pour quelques instants au moins. Le temps que Coda retournait sur son vieux datapad, la twi'lek croisa les bras et s'adossa au montant d'une étagère qui grinça dangereusement sous son poids. Elle se remit à regarder son environnement, la grimace de dégoût en moins. Après tout, ce n'était pas la première fois qu'elle voyait un désastre pareil. Nar Shaddaa ressemblait à ça, globalement : des tas de trucs inutiles entassés ici et là, et au milieu de ce fouillis, on trouvait parfois une ou deux perles.

- L'Horloger existe pas ? finit-elle par demander, déjà regagnée par l'ennui.

Ses yeux sévères étaient revenus se poser sur le dos du garçon. Il était beaucoup plus jeune, alors, que ce qu'elle avait imaginé.

- C'est nul, j'espérais rencontrer un type important. Genre, avec une capuche noire et une voix mystérieuse.

Oola se décolla de l'étagère pour s'éloigner, les bras toujours croisés. Mais elle revint subitement sur ses pas, pour venir scruter Coda de plus près. Comme celui-ci se redressait justement, le regard curieux de la twi'lek vint pratiquement se coller aux lunettes du garçon tandis qu'elle paraissait soudain examiner un insecte rare venu se poser sur le bord d'une fenêtre.

- Attends c'est toi qui fait tout ?

Elle paraissait en proie au doute. Ou à la surprise. Ou à l'admiration. Peut-être plusieurs de ces choses-là à la fois.

- Et tu vis là tout seul ?

Quelle drôle d'idée. Elle rentra son menton vers l'arrière, comme si elle s'était rendue compte que peut-être, elle le regardait maintenant de trop près. Elle ne lui trouvait rien d'absolument charmant : il était maigrichon, pas très grand, pas très musclé, et elle jugea qu'il avait un air un peu niais. Mais il ne devait pas être si idiot s'il faisait tout lui-même. Alors peut-être que c'était sa stratégie, songea-t-elle. Il jouait les imbéciles pour mieux cacher son commerce. C'était plutôt bien pensé. Elle haussa les épaules et se détourna.

- Moi qui croyais qu't'étais genre employé à faire le ménage derrière le fameux Horloger.

Oola enjamba une serpillère qui avait épongé une eau noire et avait séché sur place. Le tissu avait pris la forme douteuse d'un animal écrasé.

- Enfin j'aurais dû me douter, du coup, murmura-t-elle à voix basse en réprimant une nouvelle grimace.

Au bout de quelques pas, elle trouva un nouveau lieu qui lui parut plus adapté à la recevoir : un coin de table sur lequel vingt centimètres carrés étaient libres. Elle se retourna pour y hisser son séant d'un bref petit saut. La table tangua un peu, mais par miracle, rien n'en tomba sauf deux boulons qui roulèrent dans l'allée. Elle les suivit des yeux. Ils butèrent tous deux dans la serpillère. Puis son regard s'éleva pour étudier les gestes de son hôte. Ses mains pianotaient si vite sur le clavier qu'il paraissait né avec. Vu l'âge de la machine, ce n'était d'ailleurs pas impossible.

- Pourquoi tu t'envoles pas ? Avec l'argent que tu dois te faire, t'as sûrement de quoi te payer un billet aller-sans-retour. Pourquoi tu te casses pas de cette poubelle géante ?

Elle avait levé une main en un geste circulaire pour désigner autour d'elle, mais elle se raidit en la laissant retomber.

- J'parlais de Nar, pas de la benne à ordures dans laquelle tu vis spécifiquement, crut-elle bon de préciser, comme pour dissiper un froid.
Coda Jago
Coda Jago
Messages : 20
Eclats Kyber : 115
La réaction de la twi’lek avait été largement disproportionnée, et par conséquent prodigieusement amusante. Son attaque surprise beaucoup moins, surtout lorsqu’elle lui avait griffé les mains comme un chat sauvage pour lui arracher son précieux scanner. Et voilà qu’il se retrouvait à devoir contempler le portrait d’une gamine aux yeux aguicheurs et à la bouche lascive, au lieux du cliché bien plus réussi qu’il avait effectué plus tôt. « J’dis ça comme ça, mais t’as pas vraiment envie d’attirer l’attention sur ta photo quand tu fais des faux documents pour passer inaperçue. Ils vont avoir envie d’se souvenir de ton visage pour s’palucher plus tard. Mais c’est pas vraiment mon problème. » termina-t-il en appuyant sur valider. Quelques réglages à finir, et il serait payé et débarrassé de cette emmerdeuse, qui n’avait décidément aucun respect. « Qu’est-ce que tu t’en fous de qui tu rencontres, tant que t’as ce que tu veux. Si je te suffis pas tu peux aller ailleurs. » railla-t-il avant de se murer définitivement dans le silence pour finir son boulot, laissant la twi’lek se promener et toucher à tout si elle en avait envie, ne répondant à ses interrogations que par des grognements. Après tout, peut-être qu’avec un peu de chance elle finirait par mettre les doigts dans une prise.

Mais Coda ne put l’ignorer plus longtemps lorsqu’elle vint se coller à son nez, le forçant à relever la tête. Cette fille n’avait-elle donc aucune conscience de l’espace vital qu’il fallait laisser aux gens ? Elle apparut étrangement déformée dans ses lunettes, avec des yeux et un menton minuscule, et d’énormes gouffres en guise de narines. Charmant. Coda remonta ses lunettes sur son front, et la twi’lek reprit son apparence normale. Il se renversa sur sa chaise, étira ses jambes et fit rouler ses épaules pour les délasser. « Je sais pas à quoi tu t’attendais en venant ici. Tu voulais une secrétaire qui t’apporte un truc à boire et un magazine pour patienter ? Enfin, j’t’avais proposé de l’eau quand même. Au cas où t’as pas remarqué, c’est pas vraiment le quartier le mieux famé par ici. Donc oui, je fais tout. Mais j’suis pas tout seul, on est plein dans l’immeuble. » répondit-il, volontairement à côté de la plaque. La twi’lek commençait à poser un peu trop de questions à son goût. Il se demanda si les cartels recrutaient des adolescentes pour venir tester de potentiels collaborateurs. Si oui, il était dans une merde noire. Mais en même temps, l’air parfaitement répugné et dédaigneux qu’elle affichait était particulièrement convaincant. Mais après tout, elle était peut-être une très bonne actrice.

L’idée lui vint de glisser une petite erreur dans ses faux papiers, juste au cas où. Si elle était une fille lambda, cela n’aurait pas grande importance. Elle serait bloquée aux frontières et on lui demanderait de faire demi-tour, elle piquerait probablement une crise vu le personnage, et voilà.Pour lui, à partir du moment où elle mettait le pied hors de son atelier, ça ne le concernait plus. En revanche si elle travaillait bien pour un gang, il passerait pour un incompétent, et on lui ficherait la paix. Des faussaires, il y en avait à chaque coin de rue, ça n’était pas si compliqué d’en trouver un correct.
N’empêche que ça lui faisait mal au coeur de saloper le travail. Il avait pas l’habitude de mal faire son boulot, et faire un écart juste parce qu’une étrangère un peu trop bruyante lui filait des doutes… Que faire ?

Le datapad émit un petit bruit, et Coda se repencha dessus pour entrer ses dernières données. Mais il hésitait. Il se saisit de son stylet et commença à en mordiller le bout. Puis il se frotta les cheveux pour mieux réfléchir, avant d’observer à nouveau la visiteuse. Ses questions semblaient candides, même derrière leur ton insolent. « M’envoler pour aller où ? Où qu’j’aille, ça sera pareil. J’finirais par faire ce boulot, enterré dans les coins où personne d’autre veut être. Au moins ici y’a du travail, et pas de milice pour venir t’emmerder. Y’a que les clients comme toi qui cassent les couilles, et ça c’est partout pareil. » répondit-il en mordillant le stylet. Ses yeux balayèrent la pièce. « C’est vrai que c’est le bordel. Mais c’est mon bordel, je l’aime bien. Alors à moins que t’aies pour projet de t’installer ici pour ranger, j’pense que tu ferais mieux de pas trop faire la princesse, hein. » déclara-t-il avec un sourire amusé. « Après, si jamais tu décides de rester finalement, j’aurai bien besoin d’une femme de ménage. Pour nettoyer derrière l’Horloger, comme tu dis. »

Sur ces mots, Coda se redressa, et retira un petit module du datapad pour le faire glisser dans sa main. Une fausse clé ID, semblable en tous points à une vraie, qu’il envoya d’une pichenette vers la twi’lek. « Tiens, voilà. T’sais quoi, cadeau de la maison parce que tu m’as fait marrer, avec ton air de gamine trop précieuse. Va falloir t’endurcir un peu. Allez, maintenant casse toi d’là avant que j’t’évacue par le conduit à ordures. Et pense pas que j’menace à la légère, j’y ai fait passer des plus gros qu’toi. » gronda-t-il sur un ton faussement abrupt.

Mais à peine la twi’lek aurait eu elle le temps de faire trois pas que l’intercom buzza à nouveau, et que deux silhouettes s’affichèrent sur l’écran. « Merde… » murmura Coda. Il siffla alors, un sifflement sec et autoritaire pour attirer l’attention de la visiteuse. « Pas par là. » dit-il, une alerte dans la voix, avant d’appuyer sur le bouton de l’intercom. « J’ouvre. » annonça-t-il en faisant signe à la twi’lek de garder le silence. Puis, il se leva et l’attrapa par le bras pour la tirer en arrière. « Viens, grouille. » ordonna-t-il, avant d’ouvrir un placard dans le fond de la pièce, et de l’y fourrer sans ménagement, entre une pile de cartons débordant de câbles et de bidules métalliques et de vieilles vestes suspendues, qui avaient probablement connu de meilleurs jours. « Tu restes là, et tu la boucle, ok ? » dit-il, avant de lui claquer la porte du placard à la figure. En hâte, il plaça une vieille couverture sur une pile de caisses, shoota dans quelques trucs pour les envoyer dans les coins de la pièce, et enfin, ouvrit un tiroir de son bureau pour récupérer un blaster qui avait l’air d’être sur le point de tomber en miettes, pour le glisser sous son blouson.

À peine quelques secondes plus tard, les deux individus passèrent la porte de l’atelier, leurs visages dissimulés derrière des masques anti-UV en mauvais état. Des petites frappes, envoyées pour le sale boulot, estima Coda en un coup d’oeil. Le genre à avoir des problèmes d’égo et un besoin d’assoir son autorité mal placée. Pas très intelligents, généralement, mais ça les rendait presque aussi dangereux. Coda s’adossa sur le bord de son bureau, dans une posture nonchalante parfaitement travaillée. « Vous voulez quoi ? Touchez à rien. » demanda-t-il d’un ton sec, où perçait tout de même la prudence. Le premier gars se retourna vers lui, tandis que le second s’était mis à déambuler dans la pièce en observant les trucs et bidules qui s’amoncelaient. Un peu à la manière de la twi’lek quelques minutes plus tôt, sauf que cette fois, l’ambiance était clairement tendue. « On cherche Rashumarakkuralekki, déclara le premier, un arcona un peu petit et pourtant plus grand que Coda.
- J’sais pas qui c’est, mentit Coda, croisant les bras sur sa poitrine, levant le menton d’un air bravache, pour se faire passer pour plus grand. Ou plus exactement, pour un gamin voulant se faire passer plus grand.
- Te fous pas d’moi, le petit, si tu veux garder ta gueule d’ange intacte. Tu sais qui on est hein ? Sinon t’aurais pas ouvert, répondit l’arcona avec un sourire en coin.
- Ouais… avoua Coda à contrecoeur. Il avait été con sur ce coup là. Il n’avait pas eu le temps de réfléchir à cause de la twi’lek.
- Alors j’répète. Où est Rashumarakkuralekki ?
- Ah mais vous parlez d’Rashu’ ? J’avais pas compris tout d’suite, déclara-t-il d’un air idiot. J’crois il est pas là, j’vais appeler, attendez. RASHUUUUUUUUUUU’ ! hurla-t-il dans le couloir, arrachant une grimace à l’arconien. Ouais, j’dirais qu’il est pas là. Doit être au bordel ou ch’ais pas. J’étais un peu occupé, donc j’vais pas vous retenir. » termina-t-il en indiquant le couloir d’un geste d’invitation.

Pourtant, les deux hommes ne bougèrent pas d’un pouce devant son aimable invitation à foutre le camp, et Coda sentit une goutte de sueur lui couler le long de la nuque. Il faisait trop chaud, ici. L’arcona se tourna à nouveau vers lui, tandis que son acolyte continuait à faire le tour de la pièce, lentement. Coda évita soigneusement de le regarder, alors qu’il s’approchait du placard. En soit, lui ne risquait pas grand chose s’ils la trouvaient, mais il n’était pas particulièrement fan de l’idée de balancer une gamine twi’lek à deux chasseurs de dettes de Nar Shaddaa. On savait comment ça se finissait ces histoires. « Écoutez, j’bosse pas avec Rashu’, il m’loue juste le local. J’sais pas c’qu’il vous doit mais j’peux pas vous aider. 
- Oh, moi je crois que si. » déclara l’arcona avec un sourire mauvais.
Coda sentait son arme appuyée contre son flanc, brûlante, en ce demandant s’il parviendrait à zigouiller les deux assez vite avant de se faire descendre lui-même, alors qu’il n’était pas un combattant, encore moins un tueur. Et ensuite à mettre au point un plan assez réaliste pour se débarrasser d’eux et éviter les ennuis. Il faudrait faire porter le chapeau à Rashu’, et il n’avait pas de souci avec ça, cette ordure le méritait bien. Mais il y avait la fille dans le placard, comme témoin, et c’était une sacré emmerde. « J’aime pas me déplacer pour rien. On t’a déjà vu acheter à Bisby, et si t’es client de Bisby, c’est que t’as de quoi faire affaire. Tu dois bien avoir une planque quelque part sous ton bordel, susurra l’arcona en plissant les yeux.
- J’suis client d’rien du tout, j’fais des courses pour les autres des fois, pour dépanner. Ils m’filent un crédit ou deux pour pas avoir à bouger leur cul et pas s’faire voir et parce que j’cours vite. » répondit Coda, qui avait du mal à cacher sa nervosité au fur et à mesure que le type s’approchait du placard pour s’y intéresser. C’était un vieux casier, aux coins un peu rouillés, à la porte qui coinçait un peu. Le gars se saisit de la poignée et tira un peu, sans succès. « Ça sert à rien, c’truc est coincé depuis des années. Faites gaffe, vous allez tout faire tomber c’que y’a dessus ! » s’écria Coda, alors que le gars se mettait à secouer furieusement la poignée pour tenter de l’ouvrir.
Oola Cha'kin
Oola Cha'kin
Messages : 32
Eclats Kyber : 120

- Comment qu'tu sais que c'est partout pareil ? T'AS VECU AILLEURS ?

La question était presque une agression tant la twi'lek avait eu l'air de s'électriser en réagissant aux propos auparavant en apparence ignorés du garçon. Il fallait dire qu'autour d'Oola, dans le petit milieu de malfrats qu'entretenait Naskosh Klezz, pas grand monde quittait le système. Certes, on passait de Shaddaa à Hutta, parfois on tirait jusqu'à une autre lune, mais les seuls qui s'éloignaient du système Y'Toub étaient les mercenaires et sa mère lui avait toujours asséné de se garder de s'approcher d'eux. Il n'en était pas moins qu'Oola avait passé une partie de son adolescence à imaginer qu'un beau zabrak tomberait amoureux d'elle et l'enlèverait de cette lune maudite, mais ça n'était pas arrivé. On ne pouvait clairement pas compter sur eux.
Enfin, il y avait bien eu ce Bith qui lui avait offert des petits mots doux des jours durant, mais elle avait jugé que même s'il semblait financièrement aisé avec tous les gadgets qu'il promenait à sa ceinture, elle ne se serait certainement jamais fait à son visage semblable à un oeuf de blurrg.

Toujours était-il qu'elle n'obtînt pas de réponse de la part du faussaire, car à peine eut-elle refermé ses doigts sur la clé ID que l'intercomm buzza en la faisant sursauter, puis elle se trouva attirée vers le fond de la pièce.

- Hé ! Mais qu'est-ce que…

Poussée au fond d'un placard, Oola gonfla son visage d'un mécontentement qui l'empourpra, mais malgré ses gros yeux qui fusillaient à l'instant Coda du regard, elle n'émit plus un son et la porte se referma, la plongeant dans l'obscurité.




Aux bruits métalliques se succédèrent les tonalités d'une conversation. La voix de l'un des nouveaux arrivants avait une touche reptilienne, du genre qui n'inspirait rien à Oola, et il y avait aussi une odeur de poussière et d'huile de moteur qui lui faisait froncer le nez. Elle ne savait ce qui la rebutait le plus : les sons ou les odeurs. Comment Coda pouvait-il vivre dans un endroit pareil ?
Oola capta un bref instant des bribes de conversation, devina la comédie du garçon quand il éleva la voix. Elle leva les yeux vers un ciel qu'elle ne voyait pas, avant de soupirer. Par réflexe, elle leva une main à proximité de son visage pour ausculter l'état de sa manucure, mais l'obscurité était trop épaisse pour vraiment voir si Coda avait éraflé ses jolis ongles dans le processus qui avait consisté à la cacher dans un casier pour dissimuler elle ne savait quoi. Ce n'était pas ses affaires, jugeait-elle, et elle attendrait donc sagement que la situation se terminât d'elle-même.
D'ailleurs, ses yeux avaient commencé à s'habituer à l'obscurité et elle devinait maintenant les contours des objets qui l'entouraient : des vêtements suspendus, un carton remplis de câbles et un autre remplis de petits engins désossés et de pièces solitaires. Voilà donc ce qui devait dégager cette odeur désagréable, jugea-t-elle avant de relever le nez.

Les pas s'approchaient d'elle.

Son coeur se mit à battre un peu plus vite, un peu plus fort qu'elle ne l'avait prévu. Oola déglutit, passa en revue tout ce qu'elle pouvait raconter pour sauver la mise et n'avoir l'air de ne rien avoir à se reprocher. Mais quelle femme qui n'avait rien à se reprocher se cachait dans un placard ? Ca ne collerait pas. Et quel genre de garçon enfermait des twi'leks dans un casier en métal ?

Les pas s'approchèrent encore. Oola ourla silencieusement ses doigts sur le mécanisme intérieur de la porte et quand l'individu tira, elle résista de toutes ses forces.

Le casier grinça. Il tangua, mais Oola tenait bon tandis que Coda commentait l'inutilité de ce placard endommagé.

- Mmrrmh, grommela une deuxième voix gutturale, cette fois-ci toute proche. Et qui nous dit que ton ami Rashu n'est pas caché là-dedans, mmh ?

Oola n'entendit pas la réponse de Coda. Elle se cramponna plus encore, mais les rebords métalliques semblaient lui broyer les phalanges à mesure que de l'autre côté le type forçait.

- C'est quand même…
- Gnnnn…

Le malfrat cessa de tirer.

- Vous avez entendu ?

L'arcona haussa les épaules. Il s'était un peu plus rapproché de Coda, et son masque anti-UV usé se pencha vers le garçon, comme s'il avait été prêt à tout instant à déceler une faiblesse dans le visage de l'horloger. Les bruitages de ce casier étrange ne l'intéressaient guère.

- Ouvre, Krix.

Alors Krix reprit la poignée du casier et tira d'un coup sec.

Le métal échappa aux mains d'Oola et elle se retrouva subitement inondée de lumière. Un cri accueillit la vision d'un whiphid dont le faciès projetait vers l'avant. Si ce dernier fut surpris, la twi'lek n'en put rien savoir à cause du masque qu'il revêtait. Elle n'avait deviné sa race que grâce à ces grands membres recouverts d'une fourrure épaisse et longue et aux deux gros crochets qui apparaissaient sous le masque et faisaient office de dents inférieures.
Oola avala courageusement le dégoût que lui inspirait l'apparence de la créature pour s'exclamer, avec toute la candeur dont elle était capable.

- Ooooh ! Enfin ! Quelqu'un me libère ! Comme je vous suis reconnaissante !

Un sanglot dans la voix, elle se laissa choir entre les membres velus du whiphid qui resta étrangement silencieux en la réceptionnant. Il n'eut que le temps de jeter un coup d'oeil vers son camarade aussi étonnée que lui, que déjà Oola se redressait et se glissait hors des pattes du malfrat pour faire quelques pas, le dos de la main sur le front.

- Oh Seigneur ! Par les Lunes de Shaddaa ! Voilà des JOURS que je suis enfermée ici par ce terrible malfaiteur ! Je vais pouvoir enfin retrouver ma pauvre famille laissée seule et qui doit être terriblement inquiète, je ne cesserai de vanter vos mérites d'enquêteurs auprès des miens et je m'en vais d'ailleurs rapidement les...
- Han-han, sonna négativement la voix de l'arcona qui braqua son arme sur Oola tandis qu'elle se figeait à quelques pas de la sortie en grimaçant. Pas si vite. Tu reviens là.

La twi'lek décocha un regard excédé à l'Arcona, mais consentit néanmoins à rebrousser chemin. Le malfrat lui fit un signe du bout du canon pour l'inciter à rejoindre la proximité de Coda. Pendant ce temps, le whiphid la dévisageait, resté planté devant le placard.

- Krix, continue la fouille, tu veux ?
- Et pourquoi c'est pas moi qui les surveille et toi qui fouille, alors ?

L'arcona resta silencieux, mais à travers son masque on devina qu'il décocha un regard à son comparse.

- Tu l'auras plus tard si tu veux. La priorité est de trouver Rashumarakkuralekki.

Krix consentit à obéir et se remit à fouiller la pièce, tandis que l'arcona s'intéressa de nouveau à ses deux prisonniers qu'il tenait désormais en joue. Il agita le canon de son arme en direction de la twi'lek.

- Toi, tu l'as vu ?
- Qui ça ?
- ... Rashumarakkuralekki.
- Non, puis j'vois pas c'qu'un prêtre ferait ici.

Le visage de l'arcona sembla se tourner vers Coda, mais l'on ne pouvait lire l'expression de son visage dissimulé. Oola reprenait de toutes façons. Elle haussa les épaules.

- Ben quoi, tu parles pas Ryl ? J'ai rien à voir avec cet endroit, moi, j'suis entrée par erreur, on m'a leurrée et ce pauvre type m'a enfermée, décréta-t-elle, en désignant son voisin d'un pouce dédaigneux. Laissez-moi partir, maintenant !

Malgré le canon pointé vers elle, l'adolescente reprit le chemin de la sortie avec aplomb. L'arcona réagit aussitôt, mais pas envers elle, il leva plus haut le canon de son arme pour viser le visage de Coda.

- Si tu pars, je le bute.

Oola se figea malgré elle, et elle coula un regard vers l'horloger.

- Hum...
- Ah, alors ? Je croyais qu'il était ton malfaiteur ?

Krix était réapparu derrière elle, comme attiré par la situation.

- Mais... Mais oui, balbutia Oola, la voix incertaine.
- Elle ment, commenta Krix en revenant lentement vers eux, le pas lourd dont les griffes cliquetaient à chaque fois qu'il posait le pied au sol.
- Mais non !
- Alors il t'a enfermée, tu devrais vouloir que je lui troue la cervelle !
- Ah ah, rit-elle nerveusement, oui mais non. Je veux dire, il m'a enfermée par erreur. Parce qu'il est...

Silence gênant.
Oola porta son doigt à sa tempe en l'agitant légèrement.

- Il n'a pas toute sa tête. Et du coup il fait des petites bêtises comme ça des fois. Hein Coda ?
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
skin made by
© jawn