Kazorof
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- Arrêtez-le !

Bom. Bom. Bom. Bom.

- Mais arrêtez moi ce putain de chiss !

Les lourdes bottes continuent de marteler le sol avec une régularité impeccable, et Kazorof rabat d'un geste sa capuche sur le haut de son crâne avant de soudainement bifurquer dans une ruelle minuscule. Des deux mains, il s'appuie contre les caisses trempées qui sont entreposées là, passe par-dessus, bondit sur les suivantes avant de grimper d'un seul élan le grillage, pour atterrir brutalement de l'autre côté. Sa course effrénée reprend plus rapidement encore, et il ne se retourne que brièvement pour vérifier ses arrières.

Deux hommes seulement ont suivi, et un blaster braqué sur lui le fait prestement abaisser la tête pour éviter un tir. Le rougeoiement se reflète dans son regard un bref instant. De nouveau le voilà sur une énorme avenue, bondée celle-ci. Le chiss se faufile entre les hordes d'humanoïdes, les mains trainant ici et là avant de trouver très exactement ce qu'il cherche, sur une ceinture, et piètrement accrochée. Un passe de speeder. Kazorof fait mine de s'excuser pour la bousculade, en profite pour jeter un œil aux alentours. Y a tout un tas Phantom et de T-16, mais y a que trois speeders. C'est son jour de chance.

- Il est là ! Chopez le !
- Bordel.
- Kazorof ! T'es fini !

Deux tirs de blasters suffisent à disperser la foule, mais le chiss tente le tout pour le tout et pique un sprint en direction du premier vaisseau. Le passe fonctionne du premier coup. C'est son putain de jour de chance. Sans un regard en arrière, le voilà qui fend l'air à toute vitesse en direction du nord de la ville. Il a trois planques possibles. Dont une qu'il préfèrerait ne surtout pas cramer. Alors il tarde pas à pivoter très légèrement vers l'est, avisant immédiatement deux vaisseaux qui filent tout droit dans sa direction.

Une main demeure sur les commandes tandis que l'autre vient fouiller sous sa veste, pour en tirer une charge, qu'il balance sur le Z-95. Une fumée épaisse enveloppe l'habitacle assaillant, qui est forcé de ralentir avec brutalité. L'autre ARC-30, continue de le talonner. Deux types à bord. Dont un qui braque sur lui son blaster. Kazorof se décide à partir en voltige, poussant franchement son volant pour un départ à la vertical avant de virer de bord pour une plongée vertigineuse. Le speeder râle. Fort.

- Allez. Tiens le coup.

Ses directions brutales le font presque slalomer entre les hautes tours infernales qui semblent pour la plupart ne tenir sur presque sur rien, et au bout de peut-être une dizaine de minutes, il constate que l'ARC-30 n'est plus en visuel. Son pied ne relâche pas pour autant la pédale, jusqu'à ce que les voyants s'allument de partout pour indiquer des défaillances systèmes. L'atterrissage n'a rien de délicat. L'appareil se crash au milieu d'une place, sous le regard de populations pas franchement dérangées par le bordel, ou même les crachotements vaporeux que produit le speeder. Kazorof s'extirpe de là d'un seul saut avant de disparaitre dans un dédale de ruelles.

Son butin, précieusement accroché à sa ceinture, demeure intact.

- Bon bah maintenant j'sais que Drelgun me cherche aussi, il râle à moitié au milieu de l'obscurité.

Il manquait presque plus rien pour que l'équipement soit complet, et que le cambriolage soit lancé. Mais la mission commençait clairement à être de plus en plus complexe avec le monde qu'il avait au cul. C'est pas comme si y avait des milliers de chiss sur Nar Shaddaa.
Gary Kovani
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« Chagawa choca kiwaco kita ! »

Je lève les yeux au ciel. Ce foutu Toydarien élime ma patience déjà fanée par les années d'errance et de questions existentielles sans réponses... Non, je déconne. C'est juste que je suis crevé. Le décalage horaire et le changement de température entre Tatooine et Nar Shaddaa me tirent sur le ciboulot. Une équipe de lutin joue au Huttball derrière mes globes occulaires.

« Womgo ! T'es sérieux là ? Tu refuses de faire affaires parce que j'ai disparu de la circulation quelques temps ? »
« Ach'o vac'ho Ergmati doscata... »
« Oui je sais... »


Je soupire. Il n'a pas tord. Mais en même temps, je ne lui fais pas assez confiance pour lui révéler mon appartenance au Temple Jedi et justifier cette absence par la nécessité de gérer une priorité absolue du genre : « dérive totalitaire du pouvoir Républicain qui a contraint les Jedi à un exode massif sur un monde désertique. ».

« Mais tu rates une occasion unique ! Permet moi de te le redire ! Et je dis pas ça pour l’entourlouper... J'te jure. T'es le premier à qui j'ai pensé ! J'ai foncé directement chez toi... En souvenir du bon vieux... »
« Archo'cha ! »
« Hé ho... Exagère pas. Ces processeurs quasiment neufs. A peine utilisés. C'est universels ces trucs : droides, climatiseurs, sexbot, et j'en passe ! Tu vas tout écouler en quelques jours. Moi j'ai juste besoin d'un peu de cash pour... »
« Iégota ? Kadico cheka desmato ini ? »
« Oui oui, c'est réglo. Tout vient de Tatooine. »
« Ertina Jawa douki... »
« Les Jawa ? C'est des Jawa que t'as peur ? Peut-être bien que... Mais voler ces petits voleurs, ça compte vraiment, si ?! »
« Decota politica Delgun Kretta. Estaco chapada ! »


Je secoue la tête, dépité. Mon visage reflète le fond de ma pensée tant elle m'étreint. Peine perdue. Il me faudra trouver un autre receleur si je veux gratter les crédits nécessaires pour poursuivre mon enquête sous les radars. Pas question de devoir demander et rendre des comptes au Temple. Le Conseil n'a jamais compris ma manière de procéder, de me mettre au niveau de la faune locale, à coup de pots de vins et petits boulots douteux. Je volte-face et quitte la boutique sans un au-revoir. Qu'il aille se faire foutre. Il perds un bon client ! Ou pas !

Mes bottes claquent sur le duracier inoxydable et pourtant rouillé de la coursive extérieure, exposée aux vents atmosphériques chargées des relents viciés d'une artère bondée juste au dessous. L'ombre des immenses tours d'habitation dévore ma frêle silhouette. Elles m'écrasent. Elles découpent l'horizon comme une série de dents irrégulières depuis bien trop longtemps abandonnées aux acides alimentaires. Nar Shaddaa. La lune des contrebandier. Un euphémisme. La lune du crime plutôt. En orbite autour de Nal Hutta. Le soi-disant monde natal des Hutt, une boule ocre revêche que seules les obèse limace apprécient. Elle flotte au dessus de nos têtes, occultant presque tout le firmament, comme pour rappeler leur main mise implacable sur ce secteur galactique.

Des sombres pensées ? Ouais. Mais je n'ai rien d'autre en tête. Je manque d'options ! Il faut que je... Je sursaute, surpris par des tirs de blaster. Des cris. Un mouvement de foule. Rien de vraiment inhabituel dans le coin. Le quartier n'est pas célébré pour sa sérénité et son hospitalité. Mais curiosité oblige, je me penche par dessus la rambarde. Juste à temps pour apercevoir une gueule immanquable : un mec bleu et aux yeux rouge. Kazorof ! Il est poursuivit ! L'art subtile de se foutre dans les sales coups. Un véritable artiste en son genre. Malgré moi je souris. Peut-être que...

Je n'ai pas le temps de formuler la moindre pensée cohérente. Le Chiss bondit dans un speeder et démarre au quart de tour, au mépris des répulseurs qui hurlent à l'agonie en montant en température. Je secoue la tête, témoin impuissant d'une scène qui menace de virer au drame. Merde !

J'enjambe aussi sec rambarde et atterris dix mètres plus bas dans l'artère à présent vidée de la plupart de ses âmes. Seuls restent les fous et les suicidaires. Le choc est rude, mais ma chute ralenti par l’œuvre invisible de la Force me préserve de toutes blessures. Je fonce vers ma moto-speeder stationnée non loin. D'un bond, je l'enfourche et la démarre. Je presse sur la pédale jusqu'en butée.

Elle démarre en trombe. Elle gronde, siffle. Je dépasse le premier véhicule ennemi, planté dans la vitrine d'un resto-ramen miteux. Le conducteur peste en crachant ses poumons capitonnés de fumée caustique. Rapidement, je talonne le second. Un ARC-30 qui a connu des jours meilleurs. Mais suffisamment fringant pour mettre réellement en danger un Chiss lancé dans une série de pirouettes désespérées. Je préfère prendre de l'altitude, pour me placer au dessus, loin des regards suspicieux du co-pilote canardeur qui risque de tourner son canon dans ma direction au moindre doute. Ma modeste moto n'a rien d'une machine de guerre, un seul tir pourrait la foudroyer et m'envoyer plonger dans les tréfonds vertigineux qui séparent les mégastructures.

Mais, malgré la distance, j'ai plus d'un tour dans ma poche. Ou dans ma Force pour être exact. Je plisse des yeux, en appelle au monde invisible, trame de l'univers où Elle se dissimule. En toutes choses. Mes sens se focalisent sur le duo belliqueux. Je peux sentir leurs cœurs battre la chamade, leurs respiration erratiques... Le bourdonnement des moteurs. La chaleur des tuyères. Le flux électrique qui chemine du tableau de bord jusqu'à la propulsion... D'un geste imperceptible, j'attire à moi une nappe de câbles sagement bridée sous la carrelinge. Les colliers cèdent. Les gaines isolantes se déchirent... Et un arc électrique foudroie soudain le convecteur du moteur gauche. Surchauffe. Une épaisse fumée noire s'en échappe. Aussitôt l'appareil perd de l'altitude... Je reporte alors mon attention sur les commandes. J'ouvre la paume, et exerce une pression invisible dessus. Le pilote paniqué tente de redresser l'appareil en tirant le manche à lui... Mais en vain. L'ARC-30 plonge dans les ténèbres... Pour s'écraser une trentaine de niveaux plus bas, dans une gerbe d'étincelles impressionnantes. Les deux crapules sont vivantes... Mais bien sonnées... Et quand bien même elles reprendraient leurs esprits rapidement, il leur faudrait de longues heures pour remonter dans le labyrinthe de plate-formes et des coursives qui parcourent l'urbanisme chaotique de la Lune des Contrebandiers.

Autant dire qu'ils sont, pour le moment, hors course. D'autres volutes de fumées attirent mon attention. Je survole la place où Kazorof s'est abîmé... Et me pose à l'arrache dans une ruelle étroite, pour couper la route au Chiss. Je lui décoche un franc sourire. Un sourire en coin, un tantinet moqueur, quelque peu narquois... Mais clairement amusé.

« Alors Kami, toujours la gueule dans les embrouilles ?! Content de voir que certains trucs ne changent pas. »

Kami... Un surnom que je lui ai octroyé quelques années plus tôt, quand je bossais pour lui en échange de ma came. Une mauvaise période. J'étais au fond du trou. Sans le Chiss pour me maintenir à la surface, je me serais noyé dans les tréfonds opaques des bas-fonds. Évidemment sur Nar Shaddaa rien n'est gratuit... J'ai fais des trucs dont je ne suis pas fier pour payer cette dette... Mais il ne sert à rien de remuer le passé. Surtout lorsqu'il pue la merde.

Ce surnom part d'une boutade linguisitique. Une fois j'ai eu l'audace de l'appeler « Kaz' ». J'ai mangé son poing dans ma gueule. Depuis je le l'appelle Kami. En référence à ses manières de tête brûlée, de Kami Kaz'. J'ignore si le jeu de mot l'a séduit ou dépité... Mais j'ai pu l'utiliser quelques temps avant d'être ramené au bercail par mes frères Jedi sans m'attirer ses foudres. Alors... En souvenir du bon vieux temps, je remets le sobriquet à l'ordre du jour.

« Tu m'en dois une, Kami. T'as plus besoin de courir grâce à moi. »

En vérité c'est surtout moi qui lui en doit. Deux ou trois. Peut-être cinq. C'est flou. Toute cette période est lovée dans une brouillard dressé par ma mémoire pour m'empêcher de sombre dans la folie et les remords.

« Sinon quoi de neuf ? Je ne pensais pas te trouver dans le coin... Il s'est passé quoi ? Naskosh a grave merdé... Comment il a pu perdre pied dans le quartier ?! »

J'insiste sur le mot pied. Parce que Naskosh est un Hutt. Truculent non ? Mais je sens que le Chiss n'a pas vraiment le loisir de la causette, ou l'humeur à l'humour. J'ai mis hors course ses poursuivants, mais il pourrait y en avoir d'autres. Il le sait. Je le sais. Alors je la lui fais courte :

« J'ai besoin d'infos. J'ai pas un rond. On s'arrange comment cette fois ? »
Kazorof
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Les deux billes incandescentes sont tournées par réflexe, la posture défensive abandonnée aussitôt la gueule du noorien avisée, ce qui ne l'empêche pas de reprendre aussitôt sa route ; le pas pressé, son long manteau lui battant les talons, il n'accorde qu'un bref signe de tête à Kovani histoire de lui faire comprendre qu'il faudrait causer en marchant. Ils n'étaient clairement pas suffisamment enfoncés dans le cité pour qu'il abaisse sa garde.

- J'ai jamais semé ce putain d'ARC-30 alors.

Le grommellement est poussé contre les lèvres en lieu d'un véritable remerciement. Faut dire que ça lui avait semblé bien trop facile. Un vague rictus lui contracte le visage à la mention de Naskosh, les zygomatiques chatouillés par l'hilarité sous-jacente.

Il a une théorie sur le level comique de Gary Kovani. Une théorie qui tient sur un épais monticule d'opiacés enfilés à la chaîne sur le courant de plusieurs années, et qui lui ont cramé pas mal de neurones. Ça fait longtemps qu'il a arrêté d'y prêter attention. La plupart du temps, il le trouve même assez drôle.

- Kovani, Kovani, Kovani. Le chic pour bien tomber. T'sais bien qu'on peut toujours trouver à s'arranger.

La maison fait pas crédit à ceux qu'ont pas de crédits, mais y a toujours moyen d'y trouver son compte. Une dernière œillade pour guetter le nouvel embranchement, et les pas accélèrent un peu pour prendre la direction d'une série de garages sobrement alignés. Les déchets s'accumulent de part et d'autre de la ruelle, et se traine sur deux roues frémissantes un triste droïde un peu décharné.

- J'te dirais bien qu'je sais ce qui est arrivé à Naskosh, malheureusement ça impliquerait que j'ai quelque chose à y voir. Tu m'connais. Jamais j'me serais permis. Le truc a juste du se rappeler qu'il était fait pour ramper.

Une main soulève prestement le tout premier garage, et le vacarme du roulement métallique résonne jusqu'au bout de la ruelle. Le tas de ferraille qui obstrue l'endroit laisse à peine un corridor pour s'y faufiler, et sitôt que Gary est entré, Kazorof rabat le rideau de fer avec brutalité. L'espace n'est que faiblement éclairé par deux néons orangés, juchés sur les corniches, qui s'allongent jusqu'au mur du fond. Évoluant habilement au milieu de son bordel, le chiss ne s'arrête qu'au devant d'un bureau sale et usé semblant crouler sous un fatras de pièces électroniques minuscules. Une main écarte le tout de part et d'autre avant qu'il ne décroche le sac de sa ceinture pour le déposer brusquement.

- Brouilleurs républicains, ancien modèle, il énonce avec fierté. Un mois que j'ai ratissé la ville avant d'les trouver. T'peux être sûr que ceux là sont intraçables.

Un clin d'œil ponctue ses paroles tandis qu'il passe derrière pour se laisser tomber dans le siège, commencer à fouiller ses tiroirs, pour en tirer rapidement une bouteille longue au cul très large, à demi-entamée. Le liquide est d'un bleu enflammé, qui tire légèrement sur le vert.

- Revnog ?

Un verre est tiré d'une étagère branlante accrochée au mur derrière lui, et un autre du fond d'un autre tiroir, après une fouille d'encore une poignée de seconde. Kazorof les sert un peu distraitement en recommençant à parler.

- C'est quel genre d'info qu'tu cherches détective ? Le prix dépendra de l'effort que tu vas m'demander. Et de la merde dans laquelle tu vas fatalement me foutre.

Pour que Gary vienne le trouver, c'est que ça allait être juteux. À ce stade, Kazorof est certain de pouvoir pas mal profiter des services du noorien derrière. Pour mettre la main sur ce qui lui manque, il lui faut au moins ça. D'autant que même s'il lui fera jamais confiance, il sait que le type est une valeur sûre. Le genre de type qu'on regrette pas de pas avoir laissé au fond du trou. Parce que ce qu'on obtient quand on sauve la vie d'un type à répétition, c'est qu'il se sent vachement redevable.
Gary Kovani
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« Kami, att... »

Je me tais aussitôt. Un rapide pas de coté me dispense d'un coup d'épaule alors que le Chiss force le passage. Kami, bordel ! Je jette un regarde penaud à ma moto-speeder, abandonnée dans la ruelle, contre un tas d'ordure nauséabonde. Je secoue la tête. Inutile d'insister. Je ne suis pas en position de dicter l'attitude de mon ancien « ami ». Il ne l'a jamais été d'ailleurs. Nous sommes plus partenaire de services à bénéfices mutuels qu'autre chose. Seule la confiance du travail achevé cimente notre relation ténue. J'abandonne donc ma bécane pour le poursuivre, d'un pas rapide. Je doute de la retrouver en un seul morceau... Des ferrailleurs opportunistes ne manqueront pas de remarquer le véhicule abandonné sur le bas coté...

Mais au lieu de pester, même intérieurement, je me résigne et estime qu'il pourrait s'agir d'une forme de test. Peut-être cherche-t-il à juger de l'urgence et du sérieux de ma requête. Si c'est le cas, je ne lui laisse que peu de raison d'en douter... Mais cette attitude me révèle aussi que l'affaire est sérieuse. Ceux qui le poursuivent n'abdiqueront pas si facilement. Dans quelles emmerdes s'est-il encore fourré... Et moi je saute à deux pieds dedans. Quel est le plus fou : le fou, ou le fou qui le suit ?

« Chacun son domaine d'expertise... »

Je souffle ces mots armé d'un sourire en coin crispé. Au coté du Chiss, je reste toujours sur mes gardes, même si je m'efforce de paraître détendu et sûr de moi. Je ne l'ai pas vu depuis des années... Il pourrait avoir changé. Comme j'ai changé moi aussi, probablement... Étrange duo de circonstance, l'un spécialiste des coups foireux, l'autre passé maître dans l'art douteux de se retrouve au « bon » endroit, au « bon » moment. « Bon » dépendant largement du point du vue de l'interlocuteur.

Nos pas nous conduisent plus profondément dans la dédales de ruelles sordides. L'air est lourd, moite, balayé par une imperceptible brise tiède qui charrie les relents acres des déchets amoncelés contre les cloisons métalliques délabrées. Les rares ouvertures, porte, fenêtres, proches, sont clos, la plupart barricadées de planches ou de tôles. Il me revient en tête des scènes d'holofilms d'horreur oppressants ou les héros disparaissent les uns après les autres, emportés, dévorés, déchiquetés par des créatures cauchemardesques dissimulées dans les ombres de ce genre d'endroit morbide. Je chasse ces pensées parasites, pour ne pas perdre le fil de la conversation dont chaque mot augure une future coopération, ou tout l'inverse.

« Loin de moi l'idée d’insinuer quoi que ce soit d'aussi fourbe. Tu as toujours été d'une loyauté sans faille, pour cette bonne vieille limace sans foi ni loi.»

La drôle de tournure de sa phrase concernant les déboire du Hutt, sont presque un aveux. Mais je ne suis pas là pour remuer la pointe de ma vibrolame dans une bouse déjà sèche. D'autant que les détails de cette guerre de territoire ne m’intéressent nullement. Seule la situation présente m'importe : et pour des raisons très égoïstes. Il confirme les bribes de rumeurs captées depuis mon arrivée dans la quartier : Naskosh ne maîtrise plus rien. Mes anciennes relations sont donc soit six pieds sous le métal, soit disparues dans la nature. J'ai eu de la chance de tomber sur Kazarof. Peste. Malgré la successions de mauvaise nouvelles, je dénote une once d'espoir. Kami n'a pas perdu son sens de l'humour tranchant. Preuve que tout n'est pas si... dramatique. Il est sur un gros coup, je peux le sentir. Ce qui expliquerait son attitude alors que je refais surface après plusieurs années sans données de nouvelles : l'opportunisme a pris le dessus sur sa méfiance.

Les roulements usés et grippés du rideau métallique m'arrachent une grimace de douleur. Le grincement se répercute dans ma mâchoire jusqu'à jouer avec les racines de mes dents. Le chahut se réplique en échos multiples qui se fracassent sur les murs de la ruelle esseulée. Une série de grattement trahi la présence de quelques rongeurs. Mais à part cela, rien ne bouge. Un silence inquiétant leur succède. Je pénètre dans ce garage miteux pareil à un container abandonné avec sa marchandise depuis des millénaires. Mes claquements de bottes sont étouffés par l'épaisse couche de poussière qui s'est accumulée en l'absence d'activité. Une planque. On peut trouver bien des défauts chez le Chiss, mais l'impréparation n'en fait pas partie. Ses plans sont toujours accompagnés de solutions de secours et de possibilités de replis. Je suis certain qu'il dispose de dizaines de planques comme celle-ci sur toute la Lune des Contrebandiers.

Mais l'état de délabrement des lieux m'inspire un sentiment douteux. Cette planque ressemble plus à un échappatoire d'ultime recours. Le genre d'endroit que l'on fréquente quand toutes les autres options ont été réduites à néant. J'espère me tromper. Quoi qu'il en soit, il me faut user de toute mon attention pour esquiver les piles de détritus, les cartons empilés chaotiquement. Le Chiss lui déambule avec bien plus d'aisance, comme si ce bordel n'était, finalement, qu'une ligne de défense supplémentaire contre les intrus et dont il connaissant la disposition sur le bout des doigts. Impossible de mener un assaut contre un lieu aussi chargé, sans se prendre les pieds dans tout ce foutoir. Enfin nous débouchons dans un espace à peine moins encombré, où trône un vieux bureau vermoulu, dont les pieds ont été croqué par les rats. Je laisse Kazarof s'y installer, y déballer le contenu mystérieux de son sac. Je fronce des sourcils.

« Matériel militaire hautement sensible. Difficile à dégoter, même ici. »

J'oscille entre de l'admiration, et une soudaine méfiance. Maintenant que j'ai posé les yeux sur ces brouilleurs, je ne peux plus faire marche arrière. Le Chiss m'a attiré dans sa toile pour mieux me ferrer et m'interdire l'opportunité de revenir sur mes mots. Je n'ai de toute manière aucune autre option. Je soupire. Que prépare-t-il ?! Je n'ose même pas imaginer ce qu'il a dû faire ou payer pour récupérer pareil matériel. Je comprends mieux pourquoi il a des tueurs à ses trousses... Ainsi s'achèvent nos rêches préliminaires. D'un geste de la main, index et majeur tendu vers ma cible, j'use de la Force pour faire glisser au sol, à grand renforts de crissements insupportables, une grosse jante d'acier dépourvue de pneumatique. Les vestiges d'un tout-terrain n'ayant jamais été capable de déambuler dans les rues de cette Lune. Des pièces détachées ayant traversé la galaxie de receleur en receleur, datant probablement de la dernière guerre Mandalorienne. Elle achève sa course face au bureau. Je pose mon séant dessus, pour faire face au Chiss, yeux dans les yeux. Mon allure, avec ma veste en faux cuir élimé et mon pantalon aux poches multiples, dissimule ma nature de Jedi. Mais Kazorof a depuis longtemps percé mon secret, il n'y a aucun raison pour que je continue de jouer avec lui mon jeu habituel. Son regard rougeoyant prend des allures démoniaques dans cet environnement lugubre. Mais il en faut plus pour me démonter.

« Revnog ? Ca faisait longtemps. »

On doit déjà à notre future coopération, avant même d'en avoir évoqué les termes. Preuve, s'il en fallait une de plus, que nous sommes tous les deux aux abois.

« Je chercher une fille... »

Dis comme ça...

« Une Zélosienne. Yeux vert émeraudes. Rousse. Une Jedi. Elle a disparu peu après l'Exode. Cinq ans déjà... Mais j'ai un indic qui affirme avoir été témoin de son enlèvement, ici, dans le quartier, il y a trois semaines. Depuis l'indic a disparu. Il ne réponds plus à mes messages... »

J'exhibe un datapad, sur lequel s'affichent diverses informations, ainsi que plusieurs clichés de la jeune femme.

« Comme je te l'ai dit, j'ai pas un crédit en poche. Impossible de refourguer ma cargaison de vieux processeurs à un prix raisonnable, compte tenu du... contexte dans le quartier. Alors je ne vais pas tourner autour du pot, j'ai déjà perdu assez de temps. T'es l'unique option qu'il me reste. Ton prix sera le mien... »

Mes doigts glissent furtivement jusqu'à l'un des brouilleurs, que j'avise d'un regard suspicieux.

« Bref. Voilà. Quoi que tu prépares Kami, j'en suis. »

Pichenette de l'index sur le brouilleur. Il glisse sur le bois usé jusqu'aux mains du Chiss. Même s'il ne détient aucune information sérieuse, je ne doute pas qu'il saura me conduire vers les bonnes personnes. Des personnes qu'il me serait impossible d'approcher sans son réseau.

Au même instant, le bourdonnement d'un moteur de speeder fait vibrer le rideau d'acier. L'engin passe, au pas. Une première fois, puis une seconde... Je ne crois pas aux coïncidence. Le chat chercher le trou des rats que nous sommes à leurs yeux. Il finira par le trouver. Mais nous avons encore un peu de temps.
Kazorof
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Le sourire s'est tissé dès la mention d'une fille, pour ne faire que grandir devant l'évident désemparement de Kovani. À présent que les cartes adverses sont étalées sur la table, la mise ne peut qu'être emportée par Kazorof, en avantage certain. Le bourdonnement des réacteurs au dehors font tiquer les oreilles, mais le sang froid demeure. Il compte bien vingt minutes avant que l'urgence ne survienne, et la planque dispose de la structure idéale pour une évasion clandestine des plus immédiates - un sas, derrière l'encombrement minutieusement élaboré, qui les plongera dans les entrailles du quartier avant même que l'on puisse déceler la moindre trace de qui que ce soit dans les parages.

- Les zélosiens se font aussi rares que les chiss dans le coin, il observe simplement. Mais ils se fondent beaucoup mieux dans la masse. Il faudra une description plus précise de ta cible, mon ami. Son nom. Le dernier endroit où elle a été vu.

Rousse aux yeux verts, ce pourrait être n'importe quelle humaine venue s'encrasser sur cette lune. Il fallait espérer qu'elle soit blessée. Une plaie ouverte dont s'écoule de la putain de chlorophylle, ça attire forcément l'attention. Kazorof a toutefois déjà une bonne idée des portes devant lesquelles toquer pour lancer la chasse à l'information. D'un geste, il tire de son manteau un communicateur, sur lequel ses doigts pianotent avec rapidité, sans que l'appareil n'émette le moindre son. Cela faisait longtemps que le chiss avait installé de quoi étouffer les signaux intempestifs des engins qu'il pouvait trimballer sur lui, ne serait-ce que par souci de discrétion lorsqu'il évolue dans la cité.

- Tes processeurs, il reprend brutalement en rangeant l'outil pour se pencher vers son interlocuteur, feront partie de la transaction. Mais moi ce dont j'ai besoin surtout, c'est que tu me file un coup de main pour forcer les coffres de Drelgun.

Un clin d'œil a l'insolence de paraitre sur un visage mutin tandis que Kazarof se laisse de nouveau nonchalamment glisser vers le fond de son siège pour exposer, les deux mains enlaçant son cher brouilleur républicain dans un entrelacs de doigts bleutés :

- Tu vois, j'ai pratiquement tout ce qu'il me faut. Mais il me manque l'essentiel. Un scanographe, un dessicateur, une pompe à oscillation. Ou. Un partenaire doué de certains talents, et capable de jouer le rôle de ces trois objets, qui, j'te le cache pas, sont tous en possession de gens que j'ai pas tellement envie d'approcher.

Le bourdonnement de nouveau, survient, s'arrête non loin, et le chiss jette un regard distrait vers le portail en se redressant soudainement de son siège. Son verre est chopé d'une main, avalé d'une traite, et il fourre son brouilleur à l'intérieur de sa sacoche avant de faire un signe de tête dans la direction de Kovani.

- Alors, la force est avec moi, ou tu comptes tout garder pour toi ? Faut qu'on bouge.

La bandoulière est passée au-dessus de sa tête pour se rabattre sur une épaule, et activement il récupère un paquet de trucs dans ses étagères. Son blaster lui frappe la cuisse avec régularité. Ses mouvements sont aussi calmes que précipités ; l'habitude de prendre la tangente rapidement, mais avec efficacité.

- En temps normal j'aurais une équipe, tu pense bien, mais j'ai un peu trop de monde au cul depuis quelques mois. J'pensais me la jouer solo. Mais tu tombe vraiment à pic tu vois.

Des munitions viennent se fourrer dans l'interstice du blaster, et le pas rapide il entraine son camarade vers le fond, suivant un itinéraire bien précis entre les décombres. Bientôt, une trappe est soulevée tandis qu'au dehors des voix commencent à retentir. Inutile d'élaborer sur les raisons qui le poussent à venir chatouiller Drelgun alors qu'il a déjà Naskosh sur les talons. C'est pas pour rien que l'autre a décidé de l'appeler Kami. S'engouffrant à l'intérieur de la bouche d'aération, Kazorof s'active à rejoindre le second garage qu'il sait accolé à celui-ci, et dans lequel se trouve leur seule porte de sortie.

- Ça rappelle des bons souvenirs ça, hein Kovani ?

Ramper dans les tunnels sordides de Nar Shaddaa avec le noorien, même si probablement que lui s'en rappelle pas. Faut dire qu'il l'a trouvé plus d'une fois dans un putain de sale état.
Gary Kovani
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« Je peux te garantir qu’elle n’est pas du genre à se fondre dans la masse... Il ne faut pas se fier à son moue de gamine : elle a été membre des Forces Spéciales Républicaines. Dans une escouade d’élite. Le Temple n’est même pas au courant de la moitié de ses affectations. »

On peut aisément entendre de l’admiration poindre entre mes mots, lové dans mes intonations. Une Jedi atypique, peu encline à respecter à la lettre un Code devenu dogme au service d’un Conseil sclérosé par des centaines d’années d’immobilisme idéologique. Il en faudrait plus des comme elle. Ou comme moi. Oui, oui, comme moi. Enfin, sauf dans mes mauvais jours.

« Mais, oui, je te donnerai de plus amples détails lorsque le moment sera plus… »

Je laisse traîner l’ultime syllabe, alors le vrombissement sourd des répulseurs jouent avec la liqueur toute juste versée dans le minuscule verre à la propreté douteuse. Des ridules naissent et meurent au rythme imposé par les hautes fréquences. Je laisse ma conscience s'étirer, tout autour, appelant à la Force pour briser les limites imposées par la matière. Ils sont tout proches. Je peux sentir leurs cœurs battre, leurs esprits s'inquiéter d'un éventuel guet-apen. Ils sont quatre. Dont un chien. Foutus clébards.

« … opportun. »

Chaque seconde qui s’égrène nous rapproche inévitablement du dénouement peu heureux pour la tristement fine tôle d'acier qui nous sépare de nos poursuivants. Mais le Chiss fait preuve d'un sang-froid à toutes épreuves. Je détourne le regard pour sonder la semi-pénombre. Probablement qu'il dispose d'une échappatoire. C'est certain même.

Je laisse Kami m'expliciter son plan. Audacieux pourrais-je dire si j'étais un naïf optimiste. Mais mon pragmatisme un tantinet bougon me force, plutôt, à la qualifier de suicidaire. Malgré moi j'esquisse un sourire en coin. Kami Kaz' n'a vraiment pas changé. Je vais devoir m'improviser perceur de coffre. Rien que ça.

Je sursaute. Un déchirement d'acier me vrille les tympans. Ils viennent d'ouvrir, manu militari, un box voisin. Une question m'effleure l'esprit. Comment ont-ils pu remonter notre piste aussi rapidement ? Probablement qu'un troisième équipage surveillait la course-poursuite, plus loin, ou plus haut dans les airs, prêt à fondre sur le Chiss le moment voulu. J'imagine qu'ils n'ont eu aucun mal à retrouver ma bécane et à en déduire la localisation présumée de notre planque. Le chien aboie. Je réponds enfin :

« T'as bien conscience que, la dernière fois, c'était de la chance hein ? Tu veux vraiment retenter le coup ? Chez Drelgun en plus ?! »

Je secoue la tête, yeux fixés sur ses orbites carmines. On dit que le regard est une fenêtre ouverte vers l’âme… Mais je n’ai jamais été en mesure de déchiffrer celui de Kazorof. Peut-être tout simplement parce qu’il n’a pas d’âme. Je me suis déjà posté cette question plus d’une fois.

« Bon. J'imagine que ta décision est déjà prise, tu ne feras pas marche arrière ? Moi non plus donc. T'as toujours eu le chic pour motiver les troupes tu sais ? »

Je soupire. Cul-sec, je vide le petit shooter. La liqueur m’arrache une grimace alors que son feu purificateur dégringole lentement le long de mon œsophage avant de conquérir mon estomac. Bordel. C’est encore pire que dans mes souvenirs. Je me racle la gorge. Ma seule chance d'obtenir des informations fiables sur la disparition de Jezaëlle, c'est de réussir ce coup. C'est au pied du mur qu'on bondit le plus haut pour échapper aux Massiffs, n'est-ce pas ?

« Encore un truc qu'il va falloir que je cache aux Grands Maîtres... »

Le trait d’humour quitte mes lèvres, avant de mourir aussitôt, fauché dans sa prime jeunesse par l’imminence du danger. Cette fois, le speeder s'immobilise. Le chien grogne. Il a flairé notre piste.

« Oui faut qu’on bouge… Je te le confirme. Ils sont juste devant. »

Le Chiss est rapide, précis, déterminé. Il agit comme un acteur ayant répété des centaines de fois son rôle. J'ai à peine le temps de me relever, qu'il a déjà enfourné blaster et munitions dans son holster. Je lui emboîte le pas et me glisse dans le conduit d'aération. Il est étroit, crasseux. Devant nous dans la pénombre, des rongeurs agacés nous lancent des chicotements belliqueux avant de détaller.

« Le bon vieux temps ? Tu parles de celui ou je bouffais mon propre vomis en espérant qu'il y restait un peu de dope ? Ouais. Je t'avoue qu'avec l'odeur de ton cul juste sous mon nez, on s'y croirait presque.... Nostalgie, quand tu nous tiens... »

Dans nos dos, à une dizaine de mètres maintenant - oui, qu'est-ce qu'on peut ramper vite quand on a des tueurs aux fesses – la porte du garage vole en éclats, défoncé par le pare-choc du speeder devenu bélier de circonstance. Le molosse se précipite à l'intérieur, excité, prêt à nous déchiqueter...

« Merde ! Avance plus vite ! »

Les cris haineux des enflures qui lui collent à l'arrière-train se répercutent en de multiples échos dans l'espace clos. Le chien n'hésite pas, lui. Il fonce droit sur nous, et s'engouffre dans le conduit gueule ouverte, babines retroussées, crocs au clair... Un bon gros clébard, poils sombres et raz, court sur pattes, mais doté d'une musculature impressionnante. Sa tête disproportionnée semble avoir été greffée chirurgicalement à ce petit corps noueux.

Je me retourne, lui décoche un coup de pied rendu maladroit par la promiscuité. Mon talon s'écrase sur sa truffe. Il ne recule même pas. Au lieu de cela, il referme ses mâchoires dessus. Ses crocs traversent le cuir. Je lâche un râle de douleur. Aussitôt, une cascade d'émotions incontrôlables s'immiscent dans mon esprit. Tel un torrent en cru, déchaîné, qui menace d'emporter tout sur son passage, ma raison comme mes pensées. A travers la Force, ma psychométrie, se déchaîne. Folie, haine, douleur, haine, toujours plus de haine. Les émotions débridées du chien devenu fou de rage transpercent ma bulle malmenée par la douleur. Je hurle soudain, la bave à la commissure des lèvres... Et dans un ultime réflexe, je lève le bras pour balancer une vague de Force brute, débridée.

Le conduit explose.

Il s'effondre, s'éventre. Le choc arrache l'air de mes poumons. J’atterris durement sur quelque chose de flasque. Une lumière crue, blanche, m'attaque les rétines. Je roule sur le coté, haletant, mais de nouveau maître de mon esprit. Merde ! Où...

« BOGA DAWA KACHA ! »

Un énorme couperet fend les airs. A quelques centimètres seulement de mon visage. J'ai chuté sur une grosse pieuvre poisseuse, face à un gigantesque Besalisk bardé de cicatrices, borgne, crasseux, qui porte un tablier de cuisinier moucheté de sang et de graisse. D'un bond je suis sur mes jambes, je lève les mains en signe de reddition.

« Je vous assure, c'est un malentendu, je peux tout vous expli... »

Une ombre traverse mon champ de vision. Le couperet siffle à nouveau. Un coup vif, qui décapite le chien tout net. Le corps échoue sur le plan de travail, tandis que la tête roule et disparaît sous une étagère dont dépasse des tentacules grouillantes. Je déglutis.

« KOBA DECOTI BARDOULA ?! »

Mes yeux s’arrondissent. Je...

« Oui, oui... Vous pouvez garde le chien. J'allais justement vous le propos... »

Je serre les dents. En moins de dix seconde, la chien est dépecé, sa carcasse évidée et prête à être suspendu à une esse. Je recule lentement. Le colosse aux quatre bras est entièrement absorbé, il nous a déjà oublié... Je chuchote à Kami :

« Rappelle moi de rayer ce restaurant de mes préférences de recherche... »

Une série de gongs sonores me rappellent l'urgence. Je lève les yeux. Le plafond est défoncé. Feu le conduit d'aération s’achève en un toboggan cabossé juste au dessus de nos têtes. Les crissements ne laissent place à aucun doute : nos poursuivants n'ont pas abandonné.

« On ferait mieux de se tirer fissa. Après toi l'ami. Si je peux proposer un truc, Kami : la prochaine fois, on se tire avant de taper la discute. Et pas l'inverse. »

Du sang ruisselle de ma botte déchiquetée. Je serre les dents. Ce n'est pas le moment de faire sa chochotte. J'en ai vu d'autres ! Et connaissant Kami Kaz', ce n'est qu'un l'échauffement.
Kazorof
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Élite parmis les Forces Spéciales Républicaines. Kovani avait déjà son intérêt, à présent il avait toute son attention. On-ne-peut-plus satisfait de l'accord passé, Kazorof n'offre qu'un clin d'œil en réponse au camarade, ne rebondissant certainement pas sur cette dernière fois qui, s'il devait en répondre, n'était certainement jamais arrivée.

-- C'est bien pour ça que t'es là non ? Mon superbe charisme à toute épreuve.

Tout un art que de toujours se dégoter des petites mains, alors que la plupart ont juré de lui foutre des claques avec, si ce n'est de lui botter fort le cul. Le chiss avait trouvé la parade idéale à cet inconvénient : toujours avoir sur lui de quoi marchander. À la vengeance, très souvent, se substituait l'avidité. Quand ne se présentait pas directement les fruits de ses précédentes transactions. Celle de Kovani incluant la valeur même de sa vie, on peut parler de bénéfice brut comme on les compte rarement.

La fuite est aussi chaotique qu'il les aime, et la dernière réplique du noorien a le mérite d'étirer un sourire canaille sur les lèvres bleutées. Les yeux rougeoyants quittent la dépouille éviscérée du chien pour rencontrer ceux de Kovani :

-- Ce serait quand même vachement moins fun tu crois pas ?

L'action avait l'attrait de l'adrénaline et de l'incertitude sous un danger imminent, à lui brûler tous les nerfs et à faire dresser les poils derrière la nuque. Kazorof ne connaissait pas de chemin plus exaltant que celui-ci. La diplomatie ne faisait pas partie de ses gênes. Pas plus que l'ordre et la précaution. Lui, flamboyait dans l'imprévisible et le chaos. Ne prêtant pas davantage d'attention au Besalisk, de toute manière pleinement dédié à sa tâche, le chiss fait un signe de tête dans la direction de la porte. L'explosion du conduit a planté plusieurs échardes de ferraille à son cou, et sur le dos de sa main droite, mais il n'en laisse rien paraitre.

- Plan B. Bouge toi.

Le monte-charge n'était visiblement plus praticable, excluant l'itinéraire initialement prévu, et les expulsant directement au-dehors. De toute manière il n'était pas globalement pas emballé par les sous-terrains. Son blaster dégainé, Kazorof marque un court arrêt devant la porte de service, esquive un bith et son énorme plateau, file entre les tables en vitesse, ne se gênant pas pour bousculer ici et là les quelques âmes égarées du Béhémot Motel. Quelques œillades lui assurent que Kovani suit toujours, et un boucan terrible s'élève subitement des cuisines qu'ils viennent à peine de quitter. Le pas s'accélère, et plutôt que de rejoindre la ruelle, le chiss bifurque pour passer un rideau de perles, s'attirant immédiatement les regards courroucées des Twi-Lek entassées là sur leurs clients.

- Salut les filles, il balance nonchalamment sans ralentir le pas.

Toujours connaître le quartier. Règle numéro un de la survie sur Nar Shaddaa. La maîtresse des lieux porte immédiatement son attention sur lui, et la latence est de moins d'une seconde avant qu'elle ne soulève un large tapis de moquette écarlate pour dévoiler une trappe. D'une main frêle, l'anneau est soulevé, et un escalier s'enfonce clairement dans l'obscurité. Elle mouline avec les bras, pour les pousser à entrer, et Kazorof n'hésite pas un seul instant. Les ténèbres ne tardent pas à se refermer sur eux, mais le chiss sort de sa poche une sphère luminescente, qui projette leurs deux ombres sur les parois étroites.

- On traverse la ruelle, il explique brièvement à Kovani en lui jetant un regard. - On va rejoindre un garage de l'autre côté. C'est un dépôt de Phrik. Y a un accès pour grimper sur les toits. C'est pas franchement discret mais ils en ont pour un moment dans ce labyrinthe, alors ça nous laisse largement le temps. J'ai un vaisseau plus loin.

Enfin c'est une vieille connaissance qu'a un vaisseau plus loin. Mais une connaissance qu'a une dette. Pas de raison de les foutre dans la merde tant qu'elle est pas payée. Il se passe d'indiquer ce détail à Kovani, préférant lui faire signe d'avancer avec lui. Le couloir, très peu large, ne leur permet pas de marcher côte à côte, et monte légèrement sur une dizaine de mètres. Y a bien plusieurs virages à prendre, mais Kazorof connait l'endroit comme sa poche et n'hésite pas un seul instant aux carrefours rencontrés. Derrière eux, le vacarme d'explosions, quelques tirs de blaster, des gens qui s'époumonent mais dont les voix sont grandement étouffées.

- Impressionnant ta démonstration tout à l'heure. Si t'arrive pas à jouer le cambriolage avec subtilité tu pourras toujours tout faire exploser. Faudra qu'je pense à dégoter un chien enragé histoire de te motiver quoi.

Ses yeux glissent un instant sur la blessure du noorien. Faut espérer que le clebs l'était pas, enragé. Parce que y a des virus bien dégueulasses sur Nar Shaddaa qui se passent exactement comme ça. Au moins le type a l'air de pouvoir marcher. Ce serait bien qu'il tienne debout jusque chez Drelgun quoi.
Gary Kovani
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Ruelles crasseuses où se terrent des silhouettes difformes. Passerelles grignotées par la rouille qui gémissent d’agonie sous nos bottes. Lupanar miteux qui empeste le sexe débridé et l'alcool frelaté. Toitures poisseuses où les déjections des niveaux supérieurs ruissèlent en une multitude de rus méphitiques. Leurs relents m’irritent l’odorat. Chaque inspiration charrie tant de miasmes que l’odeur enrobe rapidement ma gorge asséchée par la course folle et le contre-coup de mes exploits involontaires.

Nar Shaddaa dans toute sa splendeur : celle des bas-fonds, des quartiers malfamés, là où tout un écosystème broyé par les ombres épaisses des hautes tours frigides survit, se reproduit et se bat pour le peu qu’il possède. Un Nar Shaddaa bien loin des circuits touristiques, des districts industriels et des secteurs résidentiels réservés aux privilégiés où la torpeur nocturne ne trouve aucune prise. Le Nar Shaddaa que j’affectionne, pour lequel mon âme brisée vibre. Où la nostalgie reflue et s’immisce dans ses craquelures béantes, me rappelant à ces jours où je sombrais toujours plus dans le puits sans fonds de mes vicissitudes. Malgré la douleur qui manque de m’arracher grognements à chacun de mes pas, je souris. L’air vicié me fouette le visage, comme au bon vieux temps. Une époque terrible que la raison m’ordonne de bannir de mes souvenirs... Mais qui pourtant m’attire comme la flamme conduit le papillon de nuit à un horrible trépas.

Bref. Je prends mon pied. Le bon, pas celui charcuté par les crocs acérés du chien galeux. Le sang dégouline de la plaie ouverte, suinte de mes chaussettes, et laisse derrière nous quelques empruntes cramoisies. Je grimace. La plaie n’a rien de dramatique, j’ai connu bien pire. Mais ici, la surinfection est inévitable. Une pensée qui occupe mon esprit, et m’intime l’ordre de me taire pour suivre, sans perdre la moindre seconde, mon acolyte lancé sur le sentier aérien. Coup d’œil inquiet par-dessus mon épaule. Nos poursuivants ne donnent plus signe de vie. Peut-être ont-ils été abandonnés... Ou bien ont-ils été ajouté au menu, après le pâté de tête de chien. Malfrats cuits au four, en croute de sel, bien épaisse, pour étouffer leurs hurlements d’agonie.

Le souffle me manque. La vague de Force, sauvage, instinctive, a sapé une grande partie de mon endurance maintenant malmenée par ma blessure. Mes pas deviennent plus lourds, plus hésitants. Ma respiration hasardeuse. Mon cœur frappe ma poitrine de l’intérieur, au risque de me broyer la cage thoracique. J’aurais bien marqué une petite pause, autant pour recouvrer mon souffle, que pour profiter de la vue magnifique sur les tréfonds. Mais Kami ne me laisse pas le choix. Il agit en être acculé, contraint de bruler les étapes de son plan avant que celui-ci ne se retourne contre lui.

J’ouvre la bouche, dans l’idée de sortir une connerie susceptible de lui faire lever le pied, quelques instants seulement. Peut-être quelque chose comme « Crasse, pute et malbouffe, comme au bon vieux temps… » mais un terrible frisson me hérisse soudain le duvet de l’échine. Une sueur froide qui glisse jusqu’à mes tripes nouées par un mauvais pressentiment. Une intuition née de la Force. Une ombre se meut à la limite de mon champ de vision. Je tourne soudainement la tête. Juste à temps pour apercevoir un speeder en mode stationnaire, qui remonte lentement des profondeurs vers notre position en surplomb. A son bord, juché sur de solides jambes, l’un de nos poursuivants nous pointent du canon de son blaster, tandis que son copain manœuvre le véhicule…

« Kami ! »

Cri réflexe. Je bondis en avant. Je m’écrase sur le Chiss et le plaque sur le toit, sans ménagement. La seconde suivante, un laser d’énergie pure, vert pomme, fauche l’air juste au-dessus de nos silhouettes ramassées. Il vaporise, dans une gerbe d’étincelles aveuglantes, sur le chapeau chromé d’une cheminée tubulaire. Les tôles humides, glissantes, ne nous offrent aucune prise. Notre esquive se transforme en une glissade incontrôlée vers l’abîme. Je passe un bras autour de la taille de Kaz’, le serre contre moi… Et alors que mes bottes frappent durement les vestiges de l’antique gouttière qui borde le toit de tôle, je bondis à nouveau. Cette fois usant de ma connexion dans la Force pour décupler l’énergie produite par mon impulsion. Le saut nous propulse dans les airs, par-dessus le speeder alors que son artilleur déclenche un véritable déluge pyrotechnique mortel. Nous atterrissons sans ménagement sur le toit de l’autre coté de la ravine artificielle. Roulé-boulé. Nous avons juste le temps de nous jeter derrière un couvert de fortune : un large pilier de permabéton brut qui soutient les fondations d’une mégastructure perdue dans les nuages de pollution bien loin au-dessus de nos têtes…

« J’espère que t’as programmé un itinéraire bis… Sinon on peut toujours tenter de rejoindre les docks, mon vaisseau est garé là-bas. »

Je pointe du menton une lointaine plateforme dégagée où stationnent les masses sombre entremêlées d’une dizaine de cargos décrépits. Trois cents mètres à vol d’oiseaux. Beaucoup plus en suivant les toits. Encore bien plus en zigzagant pour éviter de se faire déchiqueter par des tirs de blaster. Je grimace. Comme au bon vieux temps hein ?

« Tu te souviens d’Almoctar ? A trois ! Trois ! »

Je me jette hors du couvert. Bondis, roule. Le feu reprendre aussitôt, dans ma direction… Une diversion qui, si Kami a bonne mémoire, devrait lui permettre d’ajuster un tir précis, comme cette fois où pris en tenaille par les sbires d’Almoctar, j’avais joué le pigeon de foire pour qu’il ait le temps de dézinguer la moitié de la bande avant qu’ils puissent réagir. La suite nous la connaissons très bien. Trop bien même. J’espère que la conclusion sera différente cette fois.
Kazorof
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Almoctar. Un plan merdique dont ils avaient réchappé grace à une chance plus insolente qu’un hutt en poussée de croissance. Ceci dit les plans A à D - si on était honnête ça commençait gentiment à se rapatrier sur un plan E d’estropié - avaient chuté les uns après les autres tels des dominos foutrement bien alignés. Les docks devenaient fatalement une option non négligable, si ce n’est essentielle à leur survie. De décompte il n’y eu pas, comme lors de leur première fois. Un simple saut d’une urgence chaotique, et une à deux prières adressées à la sacro sainte Forces et à ses zillions de midichloriens.

Le blaster est à peine dégainé qu’il cumule les frappes dans des jets spontanés et sonores, invariablement mortels. L’un perfore même le canon de l’artilleur, qui s’ouvre comme une fleur, ses pétales d’acier noircis. Le propriétaire n’a pas le temps d’être décontenancé qu’il se ramasse un tir à la tête. Un second speeder gronde sur le flanc droit, et un troisième sur le gauche. Kazorof a tôt fait de capter qu’à ce rythme là, ils ont aucune chance. D’un bond, il s’extirpe à son tour de l’abri sommaire pour emboîter le pas au camarade, l’arme pointée vers l’ennemi pour leur balancer des salves en continue. C’est d’un même élan que chiss et noorien se jette au-derrière d’un second abri de fortune, cheminée de permabéton de laquelle s’échappe brutalement des volutes d’une vapeur brûlante.

-- Almoctar sur trois cent mètres ? On va pas tenir le coup Kovani. En plus le prends pas mal mais tu commence carrément à manquer de jus.

Les deux appareils sont en vol stationnaire, n’attendent qu’une chose. Qu’ils quittent leur planque. Ils ne peuvent s’approcher alors que le tube continue de cracher ses poumons dans les airs sans risquer de niquer leurs systèmes. Un élément qui ne jouera pas longtemps en leur faveur. Moins d’une minute au plus probable. D’une main, Kazorof récupère au fond de sa poche deux billes d’acier au contour familier et brillant, d’un vert saisissant. Ses dernières grenades magnétiques. Un long regard est échangé avant que brusquement il n’actionne les deux anneaux d’une pression du pouce, et ne les balance au-dessus de la cheminée.

Plan F donc. Parmi les plus foireux de la galaxie, probablement. Un Almoctar quelque peu plus saisissant.

-- Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, putain c’est jamais exact…

Élancé sur le toit suivant, c’est à la quatorzième seconde qu’une double détonation voient les deux vaisseaux subitement bifurquer et être tout bonnement happés à l’intérieur de l’explosion, qui ne manque pas poursuivre sa course à quelques mètres à peine de leurs talons. Le troisième speeder avait clairement pris suffisamment de distance pour échapper à l’onde magnétique, et les tirs de blaster leur pleuvent dessus. Par chance, ils sauraient pas viser un sarlacc dans un tunnel. Les docks ont l’air particulièrement loin. Ça aurait été trop facile d’avoir les trois, évidemment. Un coup d’œil vers les tours lui fait comprendre que d’autres vaisseaux ont décollés des rues principales, probablement pour se joindre au spectacle. L’antique décor décharné semble un piège près à se refermer sur eux.

-- Faut qu’on descende Kovani, on aura plus de chance au sol.

La première échelle métallique qui passe est aggrippée avec ferveur, et Kazorof se laisse presque tomber tout en bas. Ils seraient plus discret dans la jungle crasseuse de Nar Shaddaa que sur le labyrinthe à ciel ouvert de ses toits disgracieux. Le temps d’aider le camarade noorien à retomber sur ses pattes, et le speeder est arrivé au-dessus d’eux. Évidemment entre les tôles disparates, ils paraissent presque invisibles, et Kazorof ne laisse pas le temps à son vieil ami de reprendre son souffle qu’il l’entraine à sa suite. Son regard fou semble scanner la populace à mesure qu’ils s’avancent. Sa capuche a tôt fait d’être rabattu sur ses deux oreilles bleus, et son pas se calque bientôt sur celui d’un groupe de devaroniens. À moins de dix mètres, le speeder s’est posés, ses occupants, au nombre de trois, aussitôt jetés sur des motojets hybrides dont la ferraille n’était vraisemblablement pas du premier jour.

Leurs blasters eux, semblaient en parfait état de marche.
Gary Kovani
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« T’as pensé à te lancer en politique, Kami ? T’as un putain de don pour te faire des potes... »

Je peste à voix basse, un pas derrière la silhouette anonyme du Chiss, alors que nous collons dangereusement un groupe de Dévaroniens aux biceps dénudés aussi larges que mes deux cuisses. Le genre de bande qui déambule en roulant des mécaniques, monopolisant tout autant l’attention, que l’espace vital de ceux qu’ils croisent. Le genre de bande qui s’offusque du moindre contact, du moindre regard, pour justifier quelques distributions de mandales. Le genre de bande qui s’attaque toujours à plus faible et moins nombreux… L’espace d’un instant, je me demande même si ce n’est pas le nouveau splendide plan infaillible de mon vieil ami : déclencher une baston générale pour profiter du chaos. Mais je me trompe. Les loubards ne remarquent même pas notre présence, dissimulée dans leurs propres ombres. Faire profil bas est devenu une seconde nature pour nous deux.

Nous avons ralenti le pas, têtes enfoncées dans nos capuches, les mains dans les poches, l’échine courbée alors que nous avançons sans quitter des yeux nos bottes qui claquent sur le sol crasseux comme des métronomes détraqués, en fin de course. Une posture qui attirerait l'attention partout dans la galaxie. Sauf ici, sur la Lune des contrebandiers, où tout le monde cache quelque chose, où tout le monde baisse le regard pour éviter de provoquer le genre de bande que nous talonnons. Nous pouvons reprendre nos souffles, tout en trompant la vigilance de ceux qui, quelques mètres derrière nous, refusent toujours de nous lâcher la grappe. Mais qu’est-ce que Kaz’ a bien pu faire pour mériter pareil traitement ? Jusqu’où iront-ils ? Ils ont déjà perdu plusieurs speeders, au moins trois hommes. Sans parler du chien transformé en sushi. Cette chasse à l’homme mérite-t-elle vraiment pareille débauche de moyen ?

A demi perdu dans mes pensées, je manque de percuter une forme vaguement humaine. Un alien dont je suis incapable de définir l’espèce. Dans le bas-fond, la génétique a le sens de l’humour, et autorise les plus improbables hybridations. Il me lance un regard apeuré, avant de disparaitre dans une ruelle adjacente. Un détail m’intrigue, il me faut une poignée de seconde pour mettre le doigt dessus. Un sac. L’erreur de la nature portait, serré contre lui, le cadavre d’un sac plastique chargé de denrées alimentaires… On est quel jour déjà ?! Mais oui bien sûr, pourquoi je n’y ai pas pensé plus tôt ?! Je tape sur l’épaule du Chiss, et lui indique d’un signe de la tête de me suivre. Je bifurque aussitôt, sur ma droite, en accélérant le pas. Dans notre dos, l’agitation augmente, quelqu’un nous interpelle. Un moteur de motojet gronde… Pas de la première jeunesse. Il toussote. Mais c’est déjà trop tard pour espérer pour couper la chique.

La ruelle s'achève sur une place longiligne, qui s'étire presque à perte de vue. Un corridor étouffé par les ombres cauchemardesques des structures délabrées qui le dominent. Des centaines d’enseignes lumineuses suggestives nous agressent les rétines. Des vieux tubes fluorescents, flashy, qui grésillent et qui cillent sur des fréquences si élevées qu’ils nous refilent la nausée.

« C’est jour de marché Kami’ ! Jour de marché ! »

Sous les devantures usées, au milieu des allées étroites et bondées, des dizaines d’étales branlantes s’entassent sans aucune logique apparente. Un gars vend des fruits. Un autre qui propose de réparer des datapad, flanqué d’une gonzesse qui camelote des produits miracles pour bander. Un amas discontinu et difforme de tubulures piquées de rouille, tordues, toiles mitées, perforées, tâchées de substances douteuses. Les présentoirs dégorgent de morceaux de fruits poisseux, de légumes aussi poilus que des Wookies, de morceaux de viandes glanés dans les poubelles des sections supérieures. La foule est dense, compacte, épaules contre épaules. Les effluves animales, la crasse et la friture s'embrassent et forment une seule et unique fragrance si complexe qu’elle donne le tournis. Un melting-pot d’images improbables, d’odeurs indescriptibles, et de cris entre-mêlés de commerçants euphoriques beuglant jusqu’à s’en sectionner les cordes vocales. Un chaos total. Ils vantent à qui peut bien l’entendre, les qualités fantasmées de leurs produits, tout en injuriant copieusement ceux qui osent les contredire. Bien sûr, personne n’est dupe. Mais il faut bien se nourrir… Alors des pelletons entiers de badauds affamés se pressent autour d’eux, la plupart incapables de retrouver dans le fonds de leurs proches les quelques malheureux crédits nécessaires pour espérer finir la journée avec quelque chose d’à peine comestible dans l’estomac.

Parfois une main suspecte glisse. Là où elle n’en devrait pas : c’est-à-dire dans la poche d’un autre. Alors le ton monte, et les coups pleuvent rapidement. Il ne faut pas grand chose pour que ca déraille. Lorsqu’une silhouette malmenée tombe lourdement sur une étale, le temps que le propriétaire exhibe un fusil blaster et menace de tirer dans le tas, les enfants affamés, les rats-womps, et les désespérés se jettent sur les fruits écrasés au sol, dont la pulpe décolorée se mêle déjà aux flaques d’hydrocarbures, aux reflets arc-en-ciel.

Bref, un jour de marché comme tous les autres, ici, dans les tréfonds viciés et oubliés du ventre malade de Nar Shaddaa… Et il n’y a justement rien de mieux pour semer nos poursuivants. Leurs bécanes ne pourront jamais fendre la foule… Et même pour les truands de la pire espèce, il existe quelques règles immuables. Les places comme celles-ci sont des terrains neutres entre les gangs. Ici tout le monde a une mère, une sœur, une copine ou juste son chien qui fait quelques emplettes. Tirer dans le tas n’est même pas une option envisageable. Delgrun y perdrait le respect de la rue, et y gagnerait de nouvelles guerres de gangs. Je doute que Kaz’ justifie ce prix-là, quelque soient les emmerdes dans lesquelles il s’est fourré.

Je tapote discrètement l’épaule du Chiss et lui indique, d’un signe de la tête, de me suivre vers une allée plus étroite que les autres. Il nous faut jouer des coudes, mais en contrepartie nos silhouette disparaissent dans la foule. Je me penche à son oreille pour couvrir le brouhaha ambiant :

« On va faire une pause. Faut que je mange un truc. Toi tu cogites sur un moyen de sortir d’ici sans se faire capter. Les docks ne sont plus très loin, mais on est à deux ou trois niveaux en dessous, va falloir remonter. Ils vont nous sauter dessus avec leurs moto si on se rate. »

J’arrête aussitôt devant un stand de fruits avariés, éhontemment abandonnés à une nuée de coléoptères voraces, excités par les sucs acides. Ma main gantée hésite, se pose finalement sur la peau fripée de ce qui fut, un temps, peut-être immémorial, un cousin proche du melon d’eau. Mon index caresse à peine ma trouvaille qu’une voix caverneuse retenti, depuis l’ombre insondable de l’arrière-boutique :

« TU PAYES PAS, TU TOUCHES PAS MES MELONS ! »

Une maxime universelle, qui aurait pu être placardée sur presque tous les établissements de ce secteur. Ma seconde main plonge dans une de mes poches. La seconde d’après, une plaquette de crédit fend l’air jusqu’au vendeur patibulaire, avortant sa prochaine sentence avant même que son cerveau imbibé d’huile de moteur frelaté n’ait eu le temps de la concevoir. Il l’attrape au vol, avec une dextérité insoupçonnée. Un peu comme ces crapauds hideux capables de balancer leur langue à un mètre, avec une incroyable précision. L’affaire conclue, j’empoigne le fruit, un peu trop visqueux, un tantinet trop mou. Je le brise sans difficulté, d’une simple torsion. Le jus fermenté dégouline au sol, attirant alors la nuée de mouches. Je m'en fou plein les bottes. La morsure ne me lance presque plus. J'ignore si c'est bon signe. Mais chaque chose en son temps. Le kit médical de mon vaisseau saura me le dire.

« T’en veux un pas un bout ? T’es certain ? Tu ne sais pas ce que tu manques ? Le gout de l’authentique. Ce fruit a surement fait le tour de la galaxie de poubelle en poubelle ! »

Je ricane. Je ne le connais que trop bien. Le petit côté précieux de Kami m’a toujours énormément amusé. Un type qui vit dans la même crasse que les autres, mais qui fait tout pour se donner des airs de grand bonhomme. Comme s’il méritait mieux. Comme s’il valait mieux. Je croque à pleines dents dans la chair spongieuse. Le plus important : avaler avant que le gout vous donne envie de tout recracher. Une fois que c’est dedans, bah c’est dedans. Ça sortira d’une manière ou d’une autre… Mais au moins, ça permet de me redonner quelques forces… Avec la viande faut pas déconner… Mais les fruits, bah, ça passe, en général.

Pendant ce temps, nos assaillants, faussement discrets avec leurs mains planquées sous leurs vestes boursoufflées de la vague silhouettes de leurs armes, nous cherchent du regard. Ils s’activent, et se lancent des œillades et des signes étranges pour opérer une tentative d'encerclement. Les moto-jet prennent de l’altitude, pour admirer le tableau depuis le niveau supérieur. Leur manège ne passe pas inaperçu. La tension monte alors que quelques-uns lèvent les yeux, matent par-dessus leurs épaules. Les plus avisés auront tôt fait de quitter les lieux, malgré leur relative neutralité. Et plus la foule se clairsemera, plus il sera difficile de s’esquiver discrètement.

« Y’a bien un gars qui te doit un service, non ? A une époque y en avait dans tous les coins. T’as grillé toutes tes cartouches depuis que je suis parti ? Merde, je vais finir par croire que je te suis indispensable… Sinon t’auras pas d’autre choix que de me mater finir ce machin, et de me laisser tenter un tour de passe-passe. »

Le genre dont on ne peut jamais prévoir les conséquences. Les voix de la Force sont impénétrables. Même pour moi. Surtout pour moi.
Kazorof
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Le vent a tourné, certes chargé de flagrances peu reluisante, mais à leur sérieux avantage. On peut pas dire que Kazorof soit du genre friand de ces jours de marché. C'est tout le pêle-mêle immonde du système hutt qui vient s'agglutiner dans une poignée de ruelles étroites et crasseuses, à s'échanger des immondices de paluche à paluche, et à brailler dans un paquet de langues approximatives. Y a plus moyen d'en sortir vicié jusqu'à l'os que les poches pleines de crédits. Rien de tel que ça pour se rappeler toutes les raisons pour lesquelles il cherche à se barrer de l'endroit. Cela dit, faut saisir les opportunités tendues. Celle-ci est probablement une chance unique de perdre leurs poursuivants, en plus de leur permettre d'atteindre les docks.

- Le seul truc indispensable que j'connaisse est à ma ceinture, t'emballe pas, il réplique en zieutant à peine Kovani, une main tâtant son blaster.

Le bruit des crocs du noorien se plantant dans le melon d'eau à intervalle régulière lui froissait les oreilles. Fut un temps, Kazorof en avait un tas, d'alliés. À l'époque où il bossait pour Naskosh, il savait pouvoir compter sur eux sans le moindre problème. À présent qu'il avait viré mercenaire pour son propre compte et que la moitié de la ville savait sa tête à prix pour l'avoir mis à l'envers à deux gros barons des quartiers, il préférait faire profil bas. Les âmes perdues de ce système avait tôt fait retourner leur veste, pour peu que ça soit dans leurs propres intérêts. Le seul moyen d'avoir confiance en qui que ce soit était d'aligner les crédits. Pas qu'il en soit surchargé à cet instant.

- Laisse moi deviner, tu veux t'faire passer pour un vendeur de melons Kovani ?

Quelque soit le tour de passe-passe que le noorien avait en tête, il allait falloir que ça arrive vite : la foule commençait clairement à s'étaler de part et d'autre de la rue, s'extrayant de la zone aussi rapidement qu'eux-même y avaient débarqué. Y avait pas mille solutions. Soit ils suivaient le mouvement général et se séparaient en groupe de un histoire d'éviter de former la paire la plus visible de tout le marché. Soit ils tentaient un truc pour faire en sorte que la foule recommence à s'agglutiner. Pas bien compliqué d'attirer l'intégralité de la population en une seule fois dans un endroit pareil.

Le crâne toujours dissimulé sous sa large capuche, Kazorof s'écarta subitement de son point d'observation pour choper un gamin traînard dont les doigts charbonneux tentaient de pénétrer ses poches.

- Deux crédits si tu prétends que Abani vient de débarquer dans cette rue.
- Cinq et j'te dénonce pas aux types en motojet.
- Sliimoo. Va pour cinq.
- Ça fait sept en tout, j'sais compter.

Agacé, Kazorof claque la langue contre son palais et darde ses yeux incandescent sur le visage sévère de l'anzat.

- Cinq, et j'te coupe pas les tentacules avant de t'utiliser comme bouclier.

L'autre main a déjà sorti les plaquettes, qu'il fait brutalement tomber dans la poche du môme avant de le relâcher. Celui-ci prend ses jambes à son cou, et Kazorof reporte son attention sur Kovani.

- Si t'as fini d'bouffer, on devrait pouvoir profiter du mouvement de foule.

Abani était le bras droit de Brotto, une autre de ces grosses limaces qui menaient le business du système hutt. Sa présence un jour de marché ne signifiait jamais qu'une chose. Une pluie de crédit dans les ruelles. Brotto était toujours en demande de multiples services, et ne lésinait pas sur les sommes déversées en retour. Abani venait pour acheter, et il pouvait à peu près tout acheter, si tant est qu'on attirait suffisamment son attention. La meilleure cible des marchands comme des voleurs, et même des familles pressées de vendre la marmaille en trop qui représentaient un peu trop de bouches à nourrir au baraquement.

- J'dis pas non pour le tour de passe-passe, cela dit parce que la supercherie va pas durer longtemps.

Déjà la voix du gamin retentissait à quelques mètres, et des clameurs vinrent lui faire écho tandis que du monde se repointait un peu partout des ruelles adjacentes. Une véritable ruée vers l'or. La zone ne serait en quelques secondes plus que chaos, jusqu'à ce que quelqu'un ne comprenne que l'information était erronée. Avec un peu de chance, ça s'embrayerait sur une bagarre générale. Dans tous les cas, ils auraient plusieurs minutes de latence pour tenter une échappée belle jusqu'aux docks.
Gary Kovani
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« Moi ? Un marchand de melons ? » Je pouffe, recrachant dans l’élan sublime, une rafale de petits pépins sombres. « Alcharah » Un petit mot d’argot qu’on pourrait traduire par un catégorique, et vexé, No Way. « Zéro crédibilité. J’ai trop la classe pour ça. » Mon impertinence s’échoue sur les contreforts, bien plus sérieux, du énième plan débrouille de dernière minute du bon vieux Kami. Égal à lui-même : un puits sans fonds d'idées un peu trop rapidement mises en œuvre. Il interpelle un gamin des rues, négocie un petit service, puis le laisse repartir.

« T’as du bol d’être tombé sur un môme pas très futé. A sa place j'aurais flairé l'urgence, et demandé deux fois plus. » J’observe, la bouche toujours pleine, la frêle silhouette disparaître dans la foule, en direction de l’épicentre des activités commerçantes de la petite place prostrée entre les hautes structures d’aciers et de permabéton. Leurs ombres nous pressent vers les profondeurs, vers la misère. Elles nous cachent les niveaux plus huppés, à la lisière des nuages de pollution. « Une chance sur deux qu’il disparaisse avec tes crédits. Tu prends le pari ? » J’extirpe de ma poche, entre deux doigts gantés souillés de jus sirupeux, quelques plaquettes de crédits. Je vais perdre, je le sais. Mais je suis joueur, seulement pour voir la moue irritée du Chiss, et le fugace éclair du doute dans ses orbites rougeoyantes.

J’achève mon encas. Mes dents, babines retroussées, grignotent les derniers millimètres de chair orangée, corail diraient les puristes, râtèlent le ziste blanchâtre, ultime strate avant la peau mollassonne grêlée de piqures d’insectes et de points de moisissures opportunistes. Autour de nous, la rumeur court rapidement. Prend son essor. De bouche en oreilles, de tentacules en orifices – en tout bien tout honneur, n’allons pas nous faire des holofilm. Quelques syllabes prononcées à demi-mots, qui répètent, comme un écho, inlassablement le même nom : Abani. Le plan de Kami, fonctionne. Le gamin, loyal, a diffusé la fake-news, entrainant une réaction immédiate : les âmes avides de quelques crédits, c’est-à-dire tout le monde ou presque, refluent des ruelles adjacentes pour se masser au centre de la place. Le bal des moto-speeder au-dessus de nos têtes offre un réalisme saisissant à leurs fantasmes. N’importe qui pourrait croire à quelques sbires, sous-fifres patibulaires mais obéissants, envoyés par le bras droit de Brotto pour sécuriser la zone avant l’arrivée du pustulant Messi des bas-fonds, le ventripotent mécène des clodos, le lipidique bienfaiteur aux poches pleines. Autant de titre pompeux psalmodiés religieusement, et servilement, par la populace tant que les crédits sont au rendez-vous.

« Bien joué. Mais t'as juste eu de la chance.» Je lui refourgue les crédits mis en gage. « Mon tour de passe-passe ? Je ne suis pas sûr que tu as apprécier, mais puisque tu le réclames avec insistance… » Mastiquer active les zygomatiques, qui stimulent la circulation sanguine des tempes, et donc l’activité synaptique. Non, je n’ai pas trouvé de meilleure excuse bidon pour m’empiffrer de tout ce qui passe à ma portée. Surtout quand c’est sucré ou acidulé. Entre deux déglutitions, j’ai réfléchi au plan B. Enfin C. ou D ? j’ai arrêté de compter les revirements. Tant qu’on n’arrive pas au plan T. Je jette le fruit devenu coquille évidée de sa chair, et me tourne vers le vendeur. L’énorme Dowutin a été attiré hors de son antre sombre, une toile de tente mitée aux couleurs perdues depuis la dernière guerre mandalorienne, par l’appât de gain. Il hésite. Abandonner son étal dans le fol espoir de profiter des combines de Brotto ? Il capte que je l’observe, et me lance un regard mauvais, tout en m’invectivant :

« T’as un problème avec ma gueule ? »

Oui et non. Mais ce n’est pas le débat. Je lui réponds, sur un ton alarmiste, en laissant la Force s’immiscer entre mes intonations, transmuant mes mots en ordres pernicieux.

« Il y a un truc louche ! Tu n’aimes pas ça ! Range tes fruits, et tire-toi. Vite ! »

Il sursaute, yeux ronds. Il hésite encore une demi-seconde, doigt griffu qui se gratte un furoncle sur son triple menton huileux où s'extirpe deux protubérances osseuses. Plus loin, dans la foule, les premiers signes d’agitation se manifestent. Éclats de voix qui mettent en doute l’arrivée imminente d’Abani. Un élément qui donne du crédit à mes propos. Il me répond :

« Ouais, c’est truc louche. Putain j'aime pas ça ! J’me tire ! Dégage ! »

Je file un coup de coude à Kaz, pour lui intimer l’ordre silencieux de me suivre. Nous contournons l’échoppe. Derrière, un antique scooter répulsif affublé d’une remorque miteuse, attend que son propriétaire paniqué y balance en vrac ses melons et autres trouvailles à différents stades de putrescence. Je me jette dedans, la tête la première, comme un gosse dans une piscine de balles. La tôle ondulée qui sert de plateau à la charrette, poisse, dégage une odeur de macération qui prend à la gorge. Une cachette parfaite. Personne, à part nous, ne seraient assez fou, ou désespéré, pour se planquer là-dedans. Enfin, alors que nos deux silhouettes reposent en position fœtales sous l'amoncellement de fruits aux formes et aux couleurs variées, je ressors mon visage, et agite une main gantée en direction du Dowutin qui s’apprête à nous chasser à grand coup de barre à mine.

« Tu n’as rien vu. Il n’y a personne à l’arrière… »
« Je n’ai rien vu, il n’y a personne à l’arrière. »

Il repose son arme improvisée, puis, tel un zombie, traîne ses larges pieds jusqu’au scooter. Il monte dessus. L’appareil grince d’agonie. Il démarre après trois essais infructueux, puis quitte le sol péniblement, en crachotant. Il remonte vers le niveau supérieur. Où des badauds curieux observent la scène en contrebas : les faux espoirs se sont mués en cris frustrés rapidement étouffés par une bagarre générale.
Kazorof
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- Une chance sur deux qu'il fasse le taff, j'ai pas mieux comme pari, il rétorque du tac au tac.

L'existence du chiss n'était faite que de chaos, aussi ne fallait-il pas être tant surpris d'y voir surgir le museau d'impertinents pile ou face et de paris fort hasardeux. La galvanisation naissaient de ces poches d'aléatoire dans lesquelles il se plaisait à s'engouffrer. Les crédits délestés par Kovani lui font immédiatement de l'œil, et il affiche immédiatement un sourire carnassier. Il ne faut pas cinq minutes pour que le destin ne tranche en sa faveur. Les doigts bleutés récupèrent le butin sans une once d'hésitation, ni le moindre commentaire. Uniquement une œillade appuyée qui signifie probablement quelque chose comme va chier.

Le ventre sur pattes vraisemblablement rassasié, le tour de passe-passe se joue finalement, et Kazorof y prête une attention particulière. La force a quelque chose de fascinant, bien qu'il ne l'envie que rarement. Les affaires cosmiques ont une dimension un peu trop profonde à son goût, et il ne la préférera jamais à ses antiques blasters. Il hoche gravement la tête en réponse à l'injonction silencieuse de Kovani, captant plutôt rapidement où le type veut en venir. Bien meilleur plan que la fuite pure et dure ou le combat. La blessure du noorien n'en a pas terminé de coaguler, et l'odeur du sang ne tarde pas à se mêler à celle étouffante de fruits fermentés.

Entre autre chose.

Le chiss tire une grimace longue et étroite en s'infiltrant dans le bourrier, mais il est bien conscient que ce n'est pas le moment de jouer les tatillons. Il a vécu pire. C'est le lot de cette foutue planète et de tout son poisseux système que de constamment vous refoutre les narines dans la merde. Jusqu'à tant de plus pouvoir respirer.

- Au temps pour moi Kovani, t'es mieux en melon crevé qu'en marchand de melon. Tu pue la classe à plein nez, il articule au milieu du pot putride dans lequel ils sont enlisés.

N'empêche qu'on peut pas lui retirer son succès. Le bordel ambiant est étouffé par les parois qui les entoure, mais en dehors des cahots et de quelques coups probablement donnés par inadvertance à la remorque, personne ne semble faire attention à son contenu. Chiss et noorien, écrasé l'un contre l'autre au milieu d'un pêle-mêle à moitié pourri allègrement dispersés comme une gerbe de couleurs fadasses, sont transités sans encombre loin du cœur des bagarres, loin des motojets, et loin surtout, de ceux qui les chassent depuis déjà de longues minutes. Kaz sent un liquide poisseux lui couler contre la nuque et s'infiltrer sous sa tunique. Y a quelque chose d'humiliant dans cette prise de tangente, mais elle a le mérite de les rapprocher plutôt rapidement du but.

Les docks.

Il est complexe de s'extirper d'entre les melons abîmés, mais Kaz finit par réussir à aviser l'environnement, percevant au loin leurs poursuivants. Ils sont vraisemblablement persuadés de les trouver au milieu de la foule, et aucun ne regarde dans leur direction. Kaz joint l'index et le pouce pour signaler à Kovani qu'ils peuvent bouger, et de nouvelles gesticulations acrobatiques les voit parvenir à quitter la remorque dès l'arrêt de la moto à un embranchement, non sans s'être glorieusement couvert de plusieurs substances nauséabondes. Le Dowutin capte immédiatement l'allègement de sa remorque, mais avant qu'il ait eu le temps de prononcer un mot, Kaz lui balance un crédit. Le même crédit gagné précédemment avec Gary.

- Shag, chuba.

Probablement trop pressé de s'éloigner du marché, la marmule attrapa la plaquette avant de repartir sans plus leur adresser la moindre attention. Kaz s'engouffra dans le bâtiment adjacent, qui n'était autre qu'un passage vers les niveaux supérieurs.

- Ton vaisseau est rapide hein ? Il questionne en avançant prestement, ne se souciant guère de savoir si l'autre arrive à suivre.

Rapide, et solide, fallait-il espérer. Pour peu qu'on finisse de nouveau par les repérer. Bien qu'il espéra que la poursuite se termine bientôt. Ils avaient un business à entamer. Et un braquage à préparer.
Gary Kovani
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« Rapide ? Parce que t’as des exigences en plus ? Tsss… Ca sera toujours plus rapide que de quitter le secteur à pied… Ou alors t’as déjà la suite en tête ? » Je secoue la mienne, dépité, en levant les yeux vers l’épais smog pourfendu par ce que les locaux nomment poétiquement « gratte-brumasses ». Ces mégastructures qui tutoient le vide spatial, où vivent les nantis. Sacré Kami. A droïde offert, on ne regarde pas le servomoteur. Proverbe Jawa. Mais je ne préfère pas le lui sortir. J’imagine que tous ces contretemps ont mis des sérieux coups de pieds à ses plans initiaux. Tel est le Chiss : instigateur de stratagèmes millimétrés aux labyrinthiques variations improvisées dépendant du contexte et des détails sciemment omis pour se concentrer sur l’objectif.

Nous avons à peine semé nos poursuivants qu’il bloque déjà sur nos prochains mouvements. Mais non. Pas cette fois. Sur mon vaisseau, je dicte mon tempo. Proverbe de moi celui-là. Enfin je crois. Je l’ai peut-être entendu dans un oubliable et oublié holofilm de série B. « On se douche, on se change… Et on avise ensuite, à tête reposée. Parce qu’avec nos fringues là, ils vont nous sentir arriver à des kilomètres, adieu l’entrée discrète. » La patience n’a jamais été son fort, ni même le mien… Mais, là, je dois bien avouer que les relents acres des fruits pourris jouent avec les limites de ma tolérance pourtant élevée. Ils me piquent le nez, me retournent l’estomac jusqu’à la nausée. Presque autant que les bruits de sussions poisseuses de nos pas pressés sur les caillebotis rouillés sous lesquels cheminent d’épaisse conduites électriques grésillantes. Elles cohabitent avec une horde de rongeurs. Leurs concerts de couinements s’étouffent à notre passage, alors que leurs corps huileux se roulent en boules dans l’espoir de s’esquiver à nos regards. Ils ne savent à quels points ils sont le cadet de nos soucis.

« Y’a aucune chance que tes amis viennent fouiner dans le coin. Enfin sauf si on tombe sur quelqu'un qui nous identifie et passe le mot… »

Au pays des mafieux, les balances sont reines. Un dicton Nar Shaddien cette fois, en étroite concurrence avec l’antonyme interjection : Crève, balance ! Aussi, dès que nous pénétrons dans les larges couloirs mal éclairés des docks, par l’une de ses multiples entrées dérobées, nous freinons notre allure, au profit d’un semblant de discrétion. Il faudrait être sourd, aveugle et jouir d’un odorat agonissant pour nous louper. De part et d’autre se succèdent de hautes portes blindées numérotées. Celles ouvertes nous offrent une vue imprenable sur les box vides : rectangles de poutres et de cloisons d’acier piqué de rouille, donc le plafond monté sur vérins donne aux vaisseaux un accès direct vers les étoiles invisibles. Entre la pollution lumineuse et atmosphérique, plus personne ne lève le nez pour observer la voute céleste. Des flaques d’huiles de moteurs assez larges pour être qualifiées de mares ruissèlent jusqu’à des caniveaux qui les déversent, en grosses gouttes aux reflets arc-en-ciel, dans les niveaux inférieurs. Une mécanique des fluides propre à la lune des contrebandiers.

« J’ai le box 42. C’est... heu... Quelque part à droite. »

Ça et là le passage est obstrué par des amas de caisses qu’il nous faut contourner, parfois en rentrant le ventre jusqu’à friser l’asphyxie. Certaines ont clairement été pillées et abandonnées. Elles gisent, éventrées, éparpillés. D’autres attentent le retour de leur propriétaire pour être chargées. Le nombre d’entailles qui ornent les couvercles et atteste des tentatives de forçage est inversement proportionnel aux crédits déboursés pour graisser les pattes des vautours locaux. Officiellement, il y a un service qui assure la sécurité des biens et des personnes... Mais aucun agent sous-payé risquerait sa vie contre une bande de pillards. Ils se contentent d’observer lascivement au travers des quelques caméras encore opérationnelles, les autres ayant été dégradées depuis des lustres. Lorsque l’on stationne sur ce genre de plateforme, c’est justement parce que la discrétion et l’anonymat prime sur la sécurité…

A cette heure-ci de la journée, les docks sont désertés. Il est trop tôt pour croiser ceux qui cuvent encore, trop tard pour tomber sur ceux qui se sont esquivés avant que les premiers ne rappliquent. Un entre-deux calme, seulement brisé par quelques âmes esseulées et désespérées, qui préfèrent détourner le regard et s’engouffrer dans des couloirs adjacents plutôt que de risquer la mauvaise rencontre. Comme nous en fait.

Lorsque nous approchons enfin de notre destination, je me fige. Boule dans l’estomac. Je tends le bras pour stopper net Kaz, paume posée sur sa poitrine.

« Attend, y’a un truc qui cloche. »

Je le sens plus que je ne le vois. Je me plaque contre le mur, et glisse jusqu’au sas blindé. Mes doutes se confirment lorsque je constate qu’il a été forcé. Un jour d’une dizaine de centimètres baille sous l’acier multicouche. Elles sont assez épaisses pour résister à l’explosion accidentel d’une épave volante. Ce sont des choses qui arrivent régulièrement : il suffit quelques étincelles dans le compartiment moteur non loin d’un réservoir qui fuit. Je plaque mon index sur mes lèvres… Puis lentement, je me couche au sol, afin de laisser un œil glisser vers l’intérieur du box. Je lâche aussitôt :

« Putain, les enfoirés ! »

C’est sorti tout seul. D’un bond, je suis sur pied. Je tape fiévreusement mon code d’amarrage sur le pad numérique graisseux. Claquement des verrous magnétiques. Les vérins sifflent. La porte glisse vers le haut et disparait dans le plafond…

« Tu t’es jamais demandé où disparaissent toutes ces portes ? Pourquoi ils préfèrent les faire monter là-haut plutôt que de les faire glisser sur le côté, dans la cloison… » Encore un des mystères de nos galaxie lointaine, très lointaine. Un trait d’humeur qui chasse pendant une microseconde l’agacement ayant pris d’assaut mes pensées. Je pénètre dans le box en râlent à voix haute :

« Ils abusent sérieux ! Y’a tout qui se perds ! » Je me précipite sur les cadavres éventrés de cantines en acier inoxydables. J’enjambe l’amas de couvercles cabossés jetés au sol. « Avant ils attendaient au moins quarante-huit heures avant de… Plus personne ne respecte rien ! Bordel ! Si même les malfrats ne suivent plus les règles tacites de la rue, on va où ?! J’avais tout un tas de processeurs là-dedans ! Des heures de négociations avec les Jawa… Et plus rien ! Pfff.

« Au moins le vaisseau est intact… »
Principe de base : toujours sortir la marchandise en arrivant. Les pilleurs opportunistes se contentent, en général, de s’esquiver rapidement avec leur butin, plutôt de passer de longueurs heures à forcer les cargos. Ratio élémentaire entre le gain potentiel et la perte de temps. Sauf si aucune cargaison n’est laissée à leur portée : alors leur imagination débridée les pousse à tout désosser dans l’espoir de dégoter un truc assez précieux caché à l’intérieur… Logique tordue, mais réelle.

Intact est un grand mot. Un mot valise, passe-partout, qui ne reflètent nullement l’état réel de mon épave fétiche. Un vieux cargo ventru, à la silhouette grotesque, anguleuse, et dont les plaques de blindages extérieurs peinent à dissimuler encore les entrailles techniques. Clairement pas un vaisseau conçu et apte au combat. Quelques tirs plein placés suffiraient à vaporiser les occupants sans même avoir à désactiver les maigrelets boucliers d’énergies sensés les protéger. Mais comme tout, dans la vie, il ne jamais se fier aux apparences… Sous cette carcasse obsolète se dissimule une électronique de pointe. Je palpe plusieurs de mes poches avant de retrouver la télécommande. Je presse sur son extrémité, du pouce, alors qu’elle loge dans ma paume gantée. Bip Bip. La rampe de déverrouille et se déploie, tandis que les phares latéraux clignotent frénétiquement. Je me hisse dessus et me retourne, pour accueillir mon hôte de marque :

« Bienvenu à bord du Xalfocafacta. Le cargo le plus rapide à trois mètres à la ronde. » J’entre et lui fait en mode accéléré le tour du propriétaire. « Compartiment moteur : ne rien toucher. C’est déjà un miracle que ça tourne encore. Ma couchette… Tu peux prendre des fringues dans la malle. Ce sont surtout des vieilles vestes et des pantalons troués. Je me suis toujours dit que le style punk-grunge t’irait très bien… Là c’est le lavabo-cuvette. Tu appuis sur la pédale là… Tu vois, il remonte ou descend. Position basse c’est pour les commissions… Position hautes c’est pour boire au robinet ou te laver les dents. D’un point de vue purement stratégique, je te conseille de faire… les choses dans l’ordre. Sinon je ne peux pas garantir son haleine… Et la douche est juste en face. »


Un caisson de cinquante centimètres carrés dans lequel il faut entrer de profil, au risque de se fracasser le bout du gland contre le cadre de la porte, en cas d’érection matinale impromptue.

« Crois-le ou pas, c’est le grand luxe : c’est de l’eau véritable ! Enfin… Elle a été recyclée et filtrée des centaines de fois… Elle est peut-être un peu poisseuse : faudrait que je la change, mais je n’ai pas encore trouvé le temps de vidanger le réservoir… M’enfin ! C’est bien mieux que ces foutus douches soniques plus modernes ! On sort dégoulinant, on sait qu’on est propre ! L’eau, c’est la vie ! » Les colonies de moisissures ayant élu domicile dans chaque angle confirment l’adage. « Bon. T’es preums ou c’est moi ? Après, si t’es vraiment pressé, on peut y aller ensemble, faudra juste se serrer un peu. Ça nous rappellera le bon vieux temps non ? » Sourire en coin, petit clin d’œil. S’il n’avait pas la mine aussi grave, j’aurais envie d’exploser de rire.
Kazorof
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Nullement impressionné, Kazorof darde sur Kovani un œil presque menaçant l'air de dire bas les pattes.

- Honneur au noorien, il finit simplement par trancher. Tu m'en veux pas si j'fouille ton épave, j'crois que j'vais te prendre au mot pour le style grunge.

Pas qu'il commence à se sentir à l'étroit dans ses fringues imbibées, mais un peu quand même. Ça restreint ses mouvements en plus de l'envelopper des odeurs âcres et pourries du marché. Détendu pour la première fois depuis les deux dernières heures, le chiss se permet même un rictus à l'intention du camarade avant de disparaitre dans le labyrinthe métallique. Intact. Y a rien de foutu intact sur ce foutu vaisseau. Ça pue presque autant la défaite qu'un Kovani dans le caniveau. Mais ça a le mérite d'être une planque, et avec ça une planque qu'attire pas tant l'attention. Hormis celle des éternels pirates des docks, mais ceux là fourmillent comme les rats et se contenteraient d'à peu près n'importe quoi qui brille un minimum d'un côté ou d'un autre.

Il en savait quelque chose.

- Putain d'merde.

L'ouverture de la malle indiquée tout à l'heure par son hôte avait soulevé un épais nuage de poussières, révélant tout un tas de tissus usés, pour certains encore tâchées de liquides huileux, pour d'autres assombris par de probables blessures d'un autre temps. Pour être grunge, c'était grunge. Kazorof secoua la tête avant de récupérer ce qui lui paraissait le plus pratique, puis il laissa retomber le couvercle en un claquement sonore. Son regard inspecta la minuscule pièce. Certaines parois étaient éventrées, révélant une tuyauterie sommaire - probable ajout du propriétaire. L'endroit devait être bidouillé de partout, et il se demandait si c'était pas la Force qui maintenait tout bonnement certains trucs en place.

BrrrrKLAK

Le broyeur avala le dernier vêtement qu'il balança, et avec lui une bonne partie des relents qui continuaient de lui coller à la peau. Ça suffirait pour l'instant. Mécaniquement, et d'instinct, les mains du chiss s'étaient mis à ouvrir les compartiments de manière aléatoire, sans chercher quoi que ce soit de particulier. Fouiller faisait partie de la routine. Il pouvait faire une croix sur la promesse des processeurs, mais peut-être que Kovani avait mieux à offrir. Les meilleures offres étaient toujours celles que le client ne faisait pas. Sans grande surprise, mais avec une pointe de déception, Kazorof put aisément constater que Gary était très sérieux tout à l'heure. Il n'avait rien. Au moins resterait-il sa Force à mettre à son service lorsque l'occasion se présenterait.

Au moins trouva t-il de quoi se désaltérer. Une pauvre Black Spire chaude qu'il ne tarda pas à dégoupiller tandis qu'une autre main reposait paisiblement sur la table. Son blaster demeurait accroché à sa ceinture, seule vestige de ce qu'il portait moins de cinq minutes avant. Lorsque Kovani reparut, le chiss accrocha son regard en levant le menton.

- Ça y est, tu t'sens mieux ? J'ai cru qu'tu te léchais les poils un par un.

Il se fout ouvertement de sa gueule. C'est peut-être lui qui se plaint le plus du trou dans lequel il vit, mais ça l'a jamais empêché de s'y faire. Une autre paire de manches pour un type qui n'est pas du coin, quelque soit le nombre de jours passés le nez dans sa propre merde. La sobriété, ennemi numéro un de la résilience.

- J'te rappelle qu'on a un coup à monter. Et une zélosienne à pister. Elle aurait pas des prédispositions pour le braquage des fois ? Que je mette à jour mes priorités.

Si elle était en fuite, c'est que c'était quelqu'un d'un peu rebelle, et avec du potentiel. Le potentiel, Kazorof aimait à le flairer, histoire de voir s'il pouvait pas se l'approprier et l'utiliser. Rien se perd, rien se créé, tout se transforme. Ou le grand recyclage de Nar Shaddaa sous sa forme la plus grossière. Toutes les affaires parvenaient parfois à se regrouper sans que quiconque y comprenne quoi que ce soit, et c'était ceux qui avaient l'esprit le plus affuté qui en récoltaient les lauriers. D'une traite, il termine la bière avant de se lever.

- Oublie pas d'faire le guet, il déclare en prenant la direction de la douche. Et t'avise même pas d'rentrer dans la cabine pendant qu'j'y suis.

D'ailleurs il gardait son blaster. On sait jamais.
Gary Kovani
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Lorsque la porte du compartiment sanitaire se referme dans mon dos, en un claquement sec, métal contre métal, je laisse échapper un soupire las. Mes épaules s’affaissent, ma silhouette se voute sous le poids des souvenirs capiteux exhumés par la seule présence de Kami. Annales fragmentaires d’une tranche de vie bien trop écrasante pour son épaisseur, somme éparse de quotidiens émaillés de larcins, d’actes obscènes, perpétrés dans l’unique but d’obtenir une dose de plus. Je grimace, frissonne, en observant ma mine gris-miel dans le miroir usé. A ces souvenirs s’ajoutent ceux du long et difficile sevrage. La mère de toutes les épreuves d’une vie de Jedi brisé et reconstruit.

La barbe de six jours cache les rides traîtresses, à la commissure de mes lèvres gercées par la déshydratation inhérente aux courses poursuites endiablées. Les plis qui barrent de mon front se creusent un peu plus alors que je plisse des paupières en accusant réception, avec une pointe de désespoir, de l’image que je renvoie. Malgré tous mes efforts, je ressemble encore et toujours au Jedi camé échoué sur Nar Shaddaa, tiré du caniveau par un Chiss opportuniste ayant su jouer du bâton et de la carotte pour me manœuvrer. J’ai refoulé les souvenirs aussi loin que possible, dans les tréfonds obscurs de mon âme mortifiée. Mais ils remontent inexorablement, excités par l’odeur nauséabonde des bas-fonds de la lune des contrebandiers. J’inspire, yeux clos. Je chasse la noirceur et mon concentre sur mon objectif : la douche…

D’une pression sur le panneau étanche, je l’active. De grosses gouttes poisseuses dégringolent de la plaque percée rivetée au plafond. Elle se colorent d’ocre en caressant la rouille qui la pique. Je reste ainsi plusieurs minutes, regard dans le vague, alors que la température augmente. La vapeur d’eau remonte du bac de douche en volutes complexes, entrainées vers le plafond par les courants imperceptibles du système de ventilation. Enfin elle recouvre le miroir, et m’épargne cette vision désespérante. Je me déshabille, laisse les vêtements roulés en boule en sol. Ils sont imbibés de jeu fermenté. Je grimace, alors que j'arrache sur la chaussette tachée de sang coagulé. Elle me colle à la peau. Les plaies se rouvrent. Les marques de dents laissées par le chien galeux.

Après plusieurs cycles de recyclage consécutif, l’eau retrouve une viscosité plus… conventionnelle. J’entre dans la cabine. Son contact brûlant, purifiant; m’arrache un râle. Entre souffrance et plaisir jouissif. Sensation de bien-être fugace qui s'évapore dès les premiers ruissellements sur la blessure sanguinolente, débarrassée des derniers morceaux de la gangue d’hémoglobine noircie qui isolait les chairs nues du monde extérieur. J’observe la plaie de plus près, en relevant le pied dans un simulacre d’acrobatie de cirque, sur un pied, sur une surface humide extrêmement glissante. Les deux crocs de la mâchoire supérieure ont percé mes chairs en profondeur, mais le reste est superficiel. Il me faudra la nettoyer, et y enficher deux mèches imbibées d’alcool pour éviter l’infection. Je m’en tire plutôt bien. Je ne devrais pas être handicapé pour la suite. Je l’espère.

Rassuré, j’attrape l’éponge. Je l’humidie, la presse avec force, dans l’espoir vain de la laver cette odeur âcre de renfermé et de moisissure qui l’habite. Gel douche… Et je passe les dix minutes suivantes à me frictionner vigoureusement, jusqu’à ce que ma peau rougisse et menace de se dissoudre. Ce n’est pas tant la crasse que je lave, que toutes ces sensations fantômes qui rejaillissent de mon passé refoulé…


****


« Lécher les poils ? C’est ça que tu imagines quand tu pense à moi nu dans une douche ? » Je hausse les épaules, sourire aux lèvres, masque de gaieté recomposé. « Chacun son truc, je ne juge pas… » Je pouffe. Oui, je me rends compte que j’ai passé beaucoup trop de temps dans cette satanée douche. Je réajuste la minuscule serviette qui protège mon intimité des regards obliques. Amas de vêtements souillés sous l’aisselle, je contourne un Kami un peu trop à l’aise, pour me diriger vers l’arrière du vaisseau, vers les compartiments moteurs. Mais je m’arrête, alors qu’il aborde le sujet de la Zélosienne. Cette fois mon sourire se fait plus triste. Plus franc aussi peut-être :

« Kami… Tu sais j’ai beaucoup de respect pour toi hein. Mais ne va pas croire qu’on traine ensemble juste parce que t’as de beaux yeux. » Deux charbons ardents. « Ma priorité c’est l’Ordre Jedi. Pas tes combines. » Pas cette fois. Le Gary d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier. Est-ce Kaz que je cherche à convaincre, ou moi-même ? « Si tu veux mettre Jesaëlle en top priorité, OK. Mais dès que je la récupère je me casse d’ici avant d’avoir envie d’y rester. » L’appel de la crasse et de la luxure. Difficile d’y résister quand on y a vécu pendant des années. « Alors faisons les choses dans l’ordre, pour se quitter en bons amis. Ton casse. Tes renseignements. Jesaëlle. Et pas de stress, je ne te demanderai rien de plus que des infos. Je me débrouille pour le reste. »

Le pire, c’est que Jez’ aurait été probablement partante. Enfin, je crois. Je ne l’ai plus revue depuis qu’elle a rejoint les Forces Spéciales Républicaines, en support de l’Escouade Typhon. Elle a peut-être changé. Tout le monde change, même si on reste le même au fond. Tout au fond. Cette ombre tapis dans les méandres insondables de l’âme prêt à ressurgir pour vous pousser vers vos vieux démons. Je hausse les épaules, sourire qui s’étire en coin, malicieux.

« T’inquiète, pas besoin de t’enfermer. Si je veux mater, j’ai juste à allumer la cam. Je n’entrerai pas… Haha… »

Je lui tourne le dos, laisse glisser volontairement ma serviette de quelques centimètres pour lui offrir une vue panoramique sur la naissance de mon sillon inter-fessier, entre les deux fossettes dessinées par les os saillant de mon bassin. Je disparais à l’angle d’une cloison, en ricanant. Je quitte la coquerie miteuse. En chemin, je balance les fringues dans la bouche murale du broyeur embarqué. Sur un vaisseau, rien ne se perd. Même pas les molécules de sueur et d’urine. Les fibres souillées seront broyées, transformée par le système de recyclage en une pâte informe avant d’être compressés en granulés destinés à l’allumage des moteurs subluminiques, ou en pastilles comestibles… D’où la célèbre insulte corsaire « Va bouffer tes morts ». Eh oui, ça vient de là !

Arrivé dans le compartiment moteur, nu comme un ver à l’agonie, je jette mon dévolu sur les vêtements suspendus au filin tiré entre les deux cloisons latérales. Séchoir fait maison, avec des crochets ventousés sur le blindage. Ici, lors des manœuvres atmosphériques, la température monte rapidement à cinquante degrés Celsius. Autant dire que les fringues sèchent vite… Et sont désinfectées par les quelques rayons radioactifs qui s’échappent parfois du carénage moteur bosselé. C’est pour ça qu’il ne vaut pas mieux traîner dans le coin lorsque les moteurs conventionnels tournent à plein régime. A moins de désirer ardemment une épilation intégrale définitive… Et quelques cancers.

Je récupère un vieux tee-shirt jaunâtre tâché, une veste de contrebandier, jadis très cool, élimée au col et aux coudes, ainsi qu’un pantalon moulant, couleur "marron étron lendemain de soirée raclette", troué aux deux genoux. Pénurie de caleçon. On avisera plus tard. La dotation du temple pour les sous-vêtements est drastiquement limitée par le manque de moyens… Et j’ai cette fâcheuse habitude de bousiller mes fringues à chaque mission… Alors je fais avec les moyens de bord. Soldes, troc, benne à ordures.

Une fois présentable, il ne me reste plus qu’à passer une main dans les cheveux, pour mater les mèches rebelles à l’aide d’une mince couche d’huile de moteur… Tout l’opération habillage n’aura durée qu’une poignée de minutes… Alors je regagne la coquerie avant que Kaz ait eu le temps d’achever sa douche. Je jette le cadavre de la Black Spire dans le broyeur, sourcils froncés. Où il l'a dégoté celle-là. Je n’en ai pas acheté depuis au moins trois ans. Je hausse les épaules. L’alcool ça ne se périme pas. Normalement…

Je passe une main, paume ouverte, devant ma réserve secrète : un compartiment dissimulé dans l’habillage jauni, à hauteur d'homme. Seule la Force permet déverrouiller le loquet inaccessible de l’autre côté de la cloison en polyplastoïde. Il se soulève lentement, en crissant sur son axe de rotation. Le capot s'ouvre. Je plonge une main assurée dans la pénombre. J’en ressors deux paquets de crackers salés, la base de ma saine alimentation, et deux bières blanches, canettes recyclables anonymes, réquisitionnées discrètement dans la réserve du Temple. Elles sont très peu alcoolisées. Fabrication artisanale : elles sont brassées sur Illum par quelques passionnés de l’Agricorp en charge de maintenir le fragile écosystème hydroponique qui assure l’autonomie de l’avant-poste reculé. Je leur lance mentalement mes plus sincère remerciements. Un écho lointain dans la Force qui leur arrivera peut-être un jour. Ou pas.

Enfin, lorsque Kaz réapparait, en plus mal sapé que moi, je lui indique du regard de prendre place sur le canapé tandis que j’occupe le tabouret de l’autre côté de la table holographique de Pazaak. Entre mes doigts virevoltent un petit datapad.

« Tu peux te détendre. J’ai lancé l’autodiagnostique : tous les systèmes sont au vert on décolle quand tu le sens. Aucun mouvement suspect à l’extérieur, à part deux rats qui ont pris le tube lance-torpille pour un baisodrome. » Mon sourire s’efface. Du bout de doigts, j’attrape un énième crakers et l’enfile entier dans mon gosier. Il craque sous la dent avant d’être réduit en bouillit par ma salive. C’est confirmé : on est tiré d’affaire, jusqu’au prochain mouvement douteux. « Je me dis… que c’est peut-être le moment d’entrer dans les détails. Je sais que tu aimes cultiver tes zones d’ombre, que tu penses que ça te rend irrésistible. » Ce qui n’est pas totalement faux. « Mais si tu veux que j’assure, et accessoirement qu’on s’en tire, va falloir abattre tes cartes. On a déjà grillé notre quota de bol pour la journée… Alors vas-y, dis moi tout… »
Kazorof
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Il a fait mine de se prendre une balle en plein cœur. La vérité c'est que ça lui en touche une sans faire bouger l'autre. La zélosienne a de toute manière jamais vraiment fait partie de son équation. Ce qui l'impressionne surtout, c'est le déni du type. Y a une époque où la morsure de Nar Shaddaa l'avait entaillé si profond qu'il y pensait même plus, à son précieux Ordre Jedi. Les temps changent. Il émet un grognement devant le spectacle de Kovani, quitte la pièce sans demander son reste. Ça lui prend plus de temps d'rentrer et sortir de l'habitacle que de se laver, finalement. C'est le genre d'espace où tu pourrais pas bander sans que ça dépasse, et ça le rend un peu taré de devoir se contorsionner dans tous les sens. Au moins il sort de là avec un semblant d'impression de propreté.

Sûr qu'il a cherché la caméra, le con. Y en avait pas. Qui irait foutre une caméra dans sa douche, bordel ? Il l'aurait trouvé qu'il y aurait dessiné un putain de doigt avec le gras du savon de toute façon.

Il a encore les cheveux trempés qui lui dégoulinent dessus quand il retrouve Kovani, et il est content de trouver une nouvelle bouteille pour l'accueillir. C'est pas de la Black Spire. D'ailleurs il sait même pas ce que c'est, et il trouve que ça a même une sale gueule. Mais il s'en tape un peu trop fort les couilles pour faire la moindre remarque. Son blaster épouse brutalement la table pendant qu'il s'avachit dans le canapé, les bras bien écartés de chaque côté, l'air d'être carrément chez lui. Son regard affronte celui de Kovani avec une ferveur renouvelée. Ça va tout de suite mieux quand on sent plus l'melon pourri de la tête au pied.

- Kovani. On t'as pas appris quand t'étais p'tit ? On met pas la charrue avant les bantas.

Abattre ses cartes, et puis quoi ? Quand même il marque un point, faut qu'il tire un peu le rideau pour lui donner un aperçu, ou le mec va juste finir par lui attirer plus d'emmerdes que de solutions. L'histoire de leur duo, certes, mais sur ce coup là il a besoin que tout se déroule au poil. Il se regroupe tout d'un coup vers l'avant, les coudes sur les genoux, et les doigts assemblés sous le menton. Un regard qui flamboie directement la gueule de Kovani, et des mots qui viennent trancher l'air bien dans le vif du sujet.

- J'ai déjà fait l'repérage tu pense bien. Le coffre de Drelgun est bien gardé. Mais tu connais la loi de Nar Shaddaa, la loyauté c'est surfait sans les crédits pour te la payer. J'ai eu besoin d'acheter qu'un seul type. J'ai eu besoin que de ça pour accéder au reste. Les plans de son souterrain industriel, les itinéraires des gardes, les horaires de leurs rondes. Un putain de jeu d'enfant. Tu sais ce qui se passe quand on tacle un de ses gardes ? Il est remplacé. Au pied levé. Par le premier putain de mercenaire qui le réclame.

Les hutts sont arrogants. L'apanage des maîtres d'esclaves. Ils se croient intouchables. Kazorof aimait à prouver combien ce simple fait pouvait les mener à leur perte. C'est ce qui avait détruit Naskosh, et c'est ce qui détruirait Drelgun.

- L'endroit est un peu labyrinthique, mais ça joue en notre faveur. Beaucoup de coins sombres dans lesquels se faire oublier. On sait combien t'aime ça. Il a un rictus qui lui déforme la lèvre, mais il poursuit. Une fois à l'intérieur, on a juste à se frayer un chemin jusqu'au coffre et à l'ouvrir dès que la voie est libre. T'aura une demi-heure pour jouer les couteaux suisse - et là j'peux que compter sur toi pour faire sonner aucune alarme. Mais t'es un bon pas vrai Kovani ?

Kazorof se laisse de nouveau aller vers l'arrière en observant le noorien. Une main chope la bière, l'autre se détend sur le dossier du canapé.

- Le pactol tient dans une poche. C'est la beauté de la technologie tu vois. On pourra ressortir de là aussi proprement qu'on est rentré, et t'as même pas besoin de faire couler du sang. La seule chose à régler c'est nos identités, et notre apparence. Un chiss et un noorien qui s'pointent subitement pour rendre des services à Drelgun, ça sonne trop comme une mauvaise blague pour qu'on en connaisse pas la chute. Il boit un coup. J'peux me grimer facilement. Ce sera pas la première fois que j'me fais passer pour ce que je suis pas. J'ai même des papiers qui peuvent nous attendre sagement dès demain.

Il s'affaisse complètement et repose sa bière.

- Voilà pour tes cartes Kovani. Comme tu peux le constater, ma seule zone d'ombre c'est toi.

Les yeux rougeoyants ont l'air de vouloir étudier le compagnon de près, comme pour jauger de ses capacités. Le type lui tombait dessus comme sur un plateau d'argent, éliminait les dernières nécessités d'un coup de poignet, mais Kazorof était pas de ceux qui croient aux miracles. Il était pas de ceux qui croient tout court. Il avait pas la foi de Gary Kovani. Il avait juste Gary Kovani, et il devrait bien s'en contenter. Il espérait que ce serait assez.
Gary Kovani
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Mentir c’est technique. Mentir c’est artistique. Car un mensonge sans inventivité, sans audace, bah c’est juste un mauvais mensonge… Et un mauvais mensonge, personne n’y croit. Surtout ceux qui vous connaissent déjà.

J’affiche un sourire crispé, vide. Un joueur de Sabbaac saurait aisément y lire toute l’amertume que je tente de dissimuler derrière ce masque d’assurance qui se craquèle. Kami a raison. Nul besoin de plus de mots. Sa manière de surjouer l’outrage l’atteste : sans l’ombre d’un doute, il sait que je mens… Que je lui mens, que je me mens à moi-même. La probité derrière laquelle je me cache est un écu d’illusions depuis longtemps dissoute, seulement destiné à dissimuler les instincts que je peine à réprimer. Ceux qui me poussent, démons du passé, à replomber dans la crasse et la folie de cette lune. Mais c’est justement, parfois, lorsque l’on s’accroche à ses espoirs perdus que l’on dépasse sa condition, que l’on s’affranchit de ses fers.

Bref, je ne relève pas ses singeries désespérantes.  Je préfère garder la face, plutôt que de lui confirmer qu’il a raison sur tout la ligne, qu’il ne connait au moins autant que je me connais moi-même. Du moins cette partie de moi qui émerge dès que je reviens ici. Surtout en sa présence.

Je l’emmerde.

J’écoute attentivement son résumé. Enfin quelques détails. Ceux qu’il veut bien me lancer, comme on jette des os à un clébard obéissant. Je hoche du chef.

« Un bon vieux graissage de pattes, c’est ça le cœur de ton fantastique plan ? » Je grimace. Pour l’originalité on repassera. Mais bon, les bonnes vieilles méthodes ont plus d’une fois fait leurs preuves. Il ne veut pas prendre trop de risques. L’enjeu est trop important. « Espérons que ton type ne fasse pas monter les enchères. Tu risques d’avoir du mal, niveau trésorerie, à t’aligner sur Drelgun. » D’un autre côté, je vois mal un sbire infidèle mander une rallonge à son boss en échange de la loyauté pour laquelle il est déjà grassement payé. A moins d’être stupide ou suicidaire. Je reste debout, bras croisés sur la poitrine, regard dans le vague. J’avale ses paroles, et les digère… Et comme un tube digestif sur pattes, j’en extrais la substantielle moelle et met de côté le superflu.

« Les alarmes, j’en fais mon affaire ouais. » Les questions me brûlent les lèvres, mais si je veux éviter une mandale réflexe, j’ai plutôt intérêt à le laisser terminer son petit speech. Un numéro préparé à l’avance, ou une improvisation rondement menée ? « Je ne vois pas ce qui pourrait tourner mal, c’est sûr. Quand on fait équipe, rien ne nous arrête hein… » Le sarcasme s’échappe, irrépressible. La liste de nos coups foireux, réussis seulement par pure chance et concours de circonstance, est plus longue que nos deux bras mis bout à bout. Un jour elle tournera. Espérons que ce ne soit pas aujourd’hui.

Je me décrispe seulement lorsqu’il m’affirme qu’on n’aura besoin de tuer personne. J’ai déjà buté mon lot de personnes, certes… Mais toujours en dernier recours. Je déteste planifier ça. J’inspire. Expire. Le plan est bancal, mais bien moins que je ne l’avais cru. C’est vraiment un gros coup. Le coup d’une vie. Kaz’ y a mis toutes ses ressources, mentales comme financières. Il joue sa vie, et par extension la mienne. C’est d’autant plus excitant, même si je ne lui avouerai jamais.

Des sourires se cachent dans ses sourires, lorsqu’il me rend les cartes d’identités digitales. Un jeu de plaquettes sensées être inviolables, mais que n’importe quel faussaire sait craquer. Les Hutt s’en foutent, en vérité. Vrai, fausse identité... Qu’importe. Ce qui compte c’est le pédigrée et la réputation associé au pseudonyme gravé dessus. Lorsque je baisse les yeux dessus, j’explose :

« Non, non et non ! Hors de question ! Non ! J’avais dit que je ne le referai plus ! Et tu le sais ! » Il est sérieux ?! Il veut qu’on ressorte le duo Korwaki-Kostanoff ! Lui c’est Korwaki, moi Kostanoff. Duo de choc. La terreur des ruelles sombres. « En plus ces alias sont grillés, tu l’as dis toi-même à l’époque ! Y’a la moitié de la Lune qui rêve de les crever…» Un CV susceptible, il est vrai, d’attirer l'attention d’un Hutt orgeilleux ayant besoin de remplacer un de ces gars au pied levé. «Et... Et... En plus j’ai jeté tout le matos ! Tout ! Absolument tout ! » Il est définitivement hors de question que... Je secoue la tête, abdiquant déjà. Evidemment, j’ai encore menti. Je n’ai rien jeté. « Tu fais chier Kazorof. Vraiment. » Il est rare que je l’appelle par son nom, sans recourir à des petits surnoms aussi affectueux qu’agaçants. Rien ne le fera changer d’avis. Quand Kami a un plan en tête, il le garde jusqu’à ce que ça tourne mal et qu’il soit contraint d’improviser.

Sans un mot de plus, parce que j’ai balancé tout mon fiel, je me dirige vers un casier placé en hauteur. Je tire sur sa poignée, il s’ouvre en grinçant, façon un porte-bagage d’un vaisseau de ligne commercial. J’en extirpe un sachet en plastique, transparent. Une housse sous vide à l’intérieur de laquelle des vêtements aux couleurs vives patientent, ainsi qu’une touffe de poils compressée. Une perruque. Une épaisse couche de poussière dégringole du paquet lorsque je l’époussète.

« J’imagine que le timing est tendu. Que cette course poursuite ne nous a pas mis en avance. Accorde moi cinq minutes, que je vois si j’arrive toujours à l’enfiler… Sinon c’est pas la peine d’y aller. » J’étais bien plus mince à l’époque, sucé jusqu’à la moelle par la drogue et ses effets secondaires.

Je referme la porte derrière moi, défait le sachet, pend provisoirement les vêtements à un ceintre pour qu’ils retrouvent leur volume, et entreprend de me raser. Rasage laser, pour qu’il ne subsiste même pas l’ombre d’un bulbe.

Lors que je ressors, cinq minutes plus tard, je me tiens bien droit, une main posée sur la hanche… Joues et torse glabre.

Je suis éblouissant dans une tenue moulante, en latex rouge. J’ai dû m’enduire les jambes de talc pour qu’elle ne m’arrache pas le duvet à chaque mouvement. La longue fermeture éclair est largement ouverte, offrant une vue plongeante sur mon décolleté aguicheur. Il ne dissimule rien du un soutien-gorge en dentelle noire à l’intérieur duquel j’ai fourré des pastiches de seins en silicone, plus vrais et fermes que nature. Je suis juché sur des talons hauts, rouge à paillettes. La ceinture sombre affine ma taille, met en valeur mes hanches et mes fesses plus bombées qu’à l’époque. Un maquillage discret féminise mes traits. Crayon sombre autour des yeux, du rose sur les lèvres. Du fond de teint atténue ma carnation miel. Je ressemble plus à une Mirialan en manque de vitamine B qu’à un Noorien… C’est presque aussi bien qu’à l’époque.

Je passe mes doigts dans les boucles cuivrées de la perruque. Elle descend en cascade sur mes épaules, jusqu’au creux de mes reins. De vrais cheveux. Je n’ose imaginer où Kaz l’a dégoté. Sourire charmeur. Un pendentif discret dissimule un synthétiseur miniature qui travesti ma voix, lui offrant des intonations suaves…

« Natashââ Kostanoff, au rapport mon chou. » Je passe le holster sur ma hanche, et y fourre le petit calibre rose, poinçonné, sur la crosse, d’un petit cœur blanc. « C’est bon ? Rassuré ? J’ai passé le test ? Si t’as fini de me mater en bavant, je peux aller faire chauffer les moteurs peut-être ? Tu me files un plan de vol ou tu te colles aux manettes ? »
Kazorof
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Certes, il aurait au moins pu faire mine de restreindre le sourire perfide venu lui écorcher les lèvres. C'est-à-dire qu'il avait déjà pas bronché quand le Kovani avait commencé à émettre des réserves sur son plan. Fallait pas pousser. La perspective de retrouver Natasha pouvait pas le laisser impassible. Encore moins quand ça foutait le noorien dans tous ses états. Franchement, il aurait juré que y avait un brin d'excitation dans ses gestes exagérés de type mécontent. Un éclat de rire le trahit au moment où l'autre capitule officiellement. Un truc plus rare qu'un bon samaritain perché dans l'espace Hutt. Un truc qui lui racle la gorge et lui secoue les entraille avec sincérité.

Ça s'effondre aussi brutalement que ça s'est expulsé, et le visage du chiss retrouve un sérieux impassible en attendant le retour du compagnon. Les doigts agités ont d'abord trituré la bière avant qu'il ne la siffle d'un geste, puis ils se sont mis à pianoter sur son communicateur - aggrippé à son poignet - à toute vitesse. Les choses se mettaient déjà en branle pour le casse de Drelgun. Il en allait de même concernant la zélosienne. Certains de ses contacts avaient déjà fait leur rapport, et la piste commençait à se dessiner tranquillement. Kazorof avait déjà décidé qu'il conserverait toute information pour lui pour le moment.

Le système, pourri jusqu'à la moelle, ne faisait ni dans le sentiment, ni dans la caution. Ne subsistait que la vague sécurité d'un business du plus tranchant au plus tranché. Savoir quand prendre et quand donner, quand rendre mais surtout qu'en voler. La leçon était retenue du côté du chiss. Aucun renseignement ne se divulgue sans paiement comptant, quelque soit la familiarité de la figure en face. Ça incluait même un Kovani en latex rouge insolent. Probablement que ça incluait surtout un Kovani en latex rouge insolent. Merde, à quel moment quiconque pouvait s'attendre à ce que ce truc là ait même l'idée d'un cambriolage ?

- T'es au poil chérie, il balance en se tordant d'un rictus.

L'holo-communicateur balance une map sur laquelle un itinéraire ressort en gerbe lumineuse. Kaz la laisse flotter dans l'air avant de se lever du canapé pour adresser un clin d'œil à Kovani.

- Chauffe tout ça faut que j'aille réveiller le Korwaki qu'est en moi.

Il lui fout une main au cul en passant. Souvenir du bon vieux temps. Plus vieux que bon, et alors ? Bientôt scellé dans la piaule de Kovani, il se met à l'œuvre. Comme dans tout bon vaisseau de branleur dédié à replonger dans la connerie, il se trouve de quoi décaper ses mèches. Elles tardent pas à devenir complètement immaculé. La putain de pureté incarné. Satisfait, il se plante des contacts temporaires dans les yeux - il va falloir qu'il se refasse un stock très prochainement, si celles-ci sont pas périmées il aura de la chance. Y a moyen qu'il termine la mission complètement aveugle avec ces conneries. N'empêche que les yeux sont passé d'un brasier à une tempête de glace, et que donc ça fait le job.

Pour la peau ça lui met vachement plus de temps, et ça lui laisse la désagréable impression de s'être replongé dans ce foutu charriot de melons d'une époque révolue. L'odeur en moins. Il est passé nuance britarro a er'kit avant de s'éclaircir jusqu'à avoir l'air d'un humain. Albinos, certes. Mais à des lieues du chiss qu'il voit plus dans le miroir crasseux. Il s'ébouriffe par pur habitude. Un tic de personnage. C'est pas le tout d'avoir l'air d'un Korwaki, faut devenir Korwaki. Et Korwaki n'est pas Kazorof. Korwaki est mille fois plus con. De ce dont on peut pas se douter grand chose tellement il a l'air de penser qu'avec la queue.

- Plus rien peut mal tourner maintenant tu vois, il énonce en s'représentant au poste de pilotage et en s'installant comme s'il avait toujours été là. Heureusement que t'avais pas jeté l'matos trop loin.

À croire qu'il attendait que ça l'Kovani, de retrouver sa vie de gangster débauché.

Les mains installées sur les commandes, il entreprend de co-piloter sans rien ajouter. Y a une aisance dans leur duo qui lui a toujours plu. Se foutre dans la merde oui, mais jamais sans au moins prétendre qu'ils maîtrisent un minimum la noyade. De loin on pourrait croire qu'ils se font confiance. Ce serait une erreur monumental, en plus d'un très mauvais calcul. Leurs intérêts avaient juste tendance à se rejoindre au bon endroit et au bon moment. Ce qui était pratique pour faire des étincelles. Kazorof avait une vraie passion pour tout ce qui était pratique.

- Le type sur place nous attend. J'lui ai dit que c'était avec toi qu'il fallait négocier.

Il tourne la tête vers Natasha, un sourire pleinement innocent sur les lèvres.
Gary Kovani
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La nature a horreur du vide. Une maxime d'apparence anodine mais qui traduit l'un des principes fondamentaux qui régit tous les écosystèmes galactiques, sans exception. Elle me revient en mémoire, inquisitrice, lorsque nous survolons les ruines stériles d'un quartier industriel abandonné depuis sa contamination par un agent toxique. Je ne connais pas son histoire... Mais les bandeaux lumineux vieillissant qui dissuadent les passants de s'aventurer entre les entrepôts éventrés sont suffisamment évocateurs. Certains clignotent encore, mais la plupart sont aussi mort que les carcasses délabrées qu'ils gardent. Nuls besoins pour les autorités compétentes d'assurer le moindre suivi. Ce quartiers, après des décennies d'abandon, sera progressivement recolonisé par les opportunistes et les miséreux. Un lieu de rendez-vous idéal pour les affaires douteuses, pour qui n'a pas peur de respirer un air saturé de substances chimiques cancérigènes. Il faut bien mourir de quelque chose de toute façon...

Les coordonnées inscrites dans l'ordinateur de vol indiquent une plateforme logistique lovée entre deux mégastructures dont les squelettes de poutres leur donnent des allures de créatures cauchemardesques en décomposition, terrassées par une explosion tonitruante. Un antique quai de déchargement, où des monticules de détritus s'accumulent, probablement balancé depuis les niveaux supérieurs de la Lune. Sans copilote pour surveiller les caméras ventrales et latérales, il m'aurait été pratiquement impossible de poser mon vieux cargo dessus, sans risque de déstabiliser l'ensemble. Notre approche finale est extrêmement lente et laborieuse. Je coupe les lumières extérieures. Les répulseurs grondent encore quelques instants, le temps que les trains d’atterrissages s'adaptent aux irrégularité du sol artificiel érodé. Je réalise seulement que j'ai arrêté de respiré depuis de longues minutes.

« Ton gars nous a filé rancard dans le coin le plus paumé de cette foutue Lune... » Je peste à voix-haute, actionnant une manette au plafond pour couper l'alimentation des moteurs. Plusieurs voyants s'éteignent sur le tableau de bord. Je scrute le panorama depuis les verrières du cockpit. « Lugubre... » J'affiche un sourire satisfait. « Mais je sens qu'on va bien s'amuser, doudou. » J'épouse les nouvelles formes de mon rôle. Kostanoff, la psychopathe en talon haut. Natasha, la veuve rouge. On m'en a refilé des sobriquets. Mais aucun n'arrive à la cheville de ce que je deviens vraiment lorsque j'enfile cette combinaison moulante. La faute à mes talents... particuliers. Psychométrie émotionnelle. Lorsque le latex touche ma peau, c'est un raz-de-marée d'émotions qui saturent mon cortex cérébral. Les miennes, plus anciennes, mais aussi celles d'autres femmes ayant porté ces fringues douteuses. Il en résulte un melting-pot improbable qui s'ancre dans mon esprit et modifie complètement mes réseaux de pensée logique. Je ne joue pas un rôle. Je deviens quelqu'un d'autre. Véritablement.

Je me redresse, et d'un geste de l'index, je fais signe à Korwaki de me suivre. Mes talons claquent sur la coursive métallique. Je passe une paire de lunette de soleil aux verres larges, en forme d'étoiles, qui dévorent tout le haut de mon visage. En pénétrant dans la soute, après avoir contourné la salle des machines encore verrouillée à cause des fuites radioactives du moteur hors d'âge, je presse de mon poing ganté sur un énorme bouton poussoir aussi rouge que ma combinaison aguicheuse. Les vérins chuintent, crachent des jets d'air comprimés. La rampe s'abaisse. Je la chevauche avant même que son extrémité n'ait frappé le sol crasseux.

Immédiatement, grâce à mes sens de Jedi, je repère une présence. Une seule. Une silhouette massive adossée à un mur, sous une paravent éventré d'où dégoulinent des filets de condensation. Je lève une main, pour faire signe à Korwaki de s'arrêter là. J'avance de deux pas supplémentaires :

« Tu peux sortir de ta cachette mon chou... » Ma voix modifiée tonne sur le béton nu, et réchauffe l'atmosphère de ses intonations suaves. Je peux sentir l'hésitation du mercenaire, qui après une demi-seconde de réflexion, s'élance d'un pas décidé à notre rencontre. Tête haute, échine droite. Il marche en roulant des mécaniques comme s'il cherchait à nous impressionner. Je l'avise en silence, puis me tourne vers Korwaki :

« Tu m'avais pas dit que ton pote était aussi canon... » Je parle assez fort pour que l'autre m'entende, bien évidemment. Afin de titiller son ego de mâle alpha. Je reporte toute mon attention sur lui. Le gars portent un pantalon ample de type miliaire, ainsi qu'un marcel kaki qui épouse sa musculature saillante. Des plaques d'identifications militaires pendent à son cou. Un ancien soldat de l'armée Impériale. J'imagine que Delgrun paye bien mieux que ses anciens employeurs... Mais pas encore assez pour lui passer l'envie d'accepter quelques pots de vains juteux. Certaines personnes sont ainsi : gourmandes... Hmmm... Exactement mon genre de type. Bien foutu, vénal, et sans limites. Je descends les lunettes sur le bout de mon nez pour admirer le beau gosse de mes propres yeux. Je lui décoche un clin d’œil charmeur :

« Hello mon chou... » Il s'arrête à une distance respectable, clairement sur la défensive. Il me déshabille, de la tête au pied, en passant par la croupe moulée dans le latex écarlate. C'est à peine s'il remarque la présence de Korwaki resté en retrait. Enfin il accouche :

« Kostanoff et Korwaki. Rien que ça. La rumeur disait donc vraie, vous êtes de retour... » Kaz' en bon stratège a alimenté quelques fausses nouvelles avant de lancer son opération. Ce sont les détails de ce genre qui rendent nos alias encore plus crédibles. « Si je vous bute maintenant, je pourrais tirer un bon prix de vos deux têtes. Je connais au moins trois gars qui seraient intéressé... »
« Essaye toujours mon chou. » Sourire carnassier. « J'en ai croqué plus d'un dans ton genre. »

C'est en devenant Natasha que j'en ai appris le plus sur les lois universelle qui régissent les rapports entre mâles et femelles. Lorsqu'une femme provoque un homme, même ouvertement, celui-ci réagit souvent comme s'il s'agissait d'un défi, d'un jeu de séduction douteux. Alors que si Korwaki avait tenu les mêmes propos, notre interlocuteur se serait immédiatement senti insulté. Je peux presque sentir sa testostérone faire des bonds dans ses artères. Il s’esclaffe :

« Et risquer d’abîmer un aussi joli minois... » Son sourire s'ajuste au mien. « Je n'ai rien contre les femmes qui mordent. Si jamais tu veux un petit bonus... »
« Ça dépend de ce que nous apporte. »


Il suffit de laisser une porte entrouverte pour que les chiens s'y engouffrent. Il fait quelques pas de plus dans notre direction. De la poche arrière de son futal, il tire un datapad. Sa méfiance frise le zéro absolu maintenant qu'une autre partie de son anatomie a pris le contrôle de ses humeurs.

« Tout est là dessus. » Il me le tend, mais se ravise dès que je tente de le saisir. Il lui reste, contre toute attente, une once d'intelligence. Kostanoff commence à se faire vieille, son charme ne fait plus le même effet qu'avant. J'en suis presque vexé. « Faites voir le fric ». Je remonte mes lunettes et, d'un signe de la main sans même me retourner, j'ordonne à Korwaki d'approcher avec la valisette pleine de crédits. Il la pose à même le sol, et l'ouvre. « Le prix convenu. » Je n'ai pas vérifié son contenu, mais je fais confiance à Kaz'. L'autre l’observe, en silence, la bave au lèvres. Les crédits lui font plus d'effet que mes courbes aguicheuses... Je suis définitivement vexée. Je croise les bras sous ma poitrine. Mes faux-seins remontent de quelques centimètres, lui offrant une vue plongeante sur mon décolleté. Mais non, il détourne à peine le regard. Pfff. Je fais un pas de coté pour lui interdire d'approcher plus. Je place mon corps de rêve entre lui et ses foutus crédits.

« On est OK sur le plan ? »
« Ouais poupée. » A l'époque, personne n'aurait osé traiter Natasha de poupée. « J'encaisse le fric, je vous file les données, et je me fais porter pâle pendant quelques jours. » Il n'en sait pas plus, et ne veut surtout rien savoir de plus. Kaz' a bien choisi son intermédiaire. Un être avide dépourvu de curiosité et d'imagination. « D'ailleurs, une fois cette histoire réglée, on peut se... » Je le coupe aussitôt en lui collant mon index ganté sur les lèvres. No way. Après le coup qu'il vient de me faire : à mater les crédits plutôt que mes seins, il peut toujours se la coller derrière l'oreille. Mais je suis une bonne actrice, alors je joue avec lui comme une chatte avec sa proie :

« Sans façon chouchou. Korwaki est peut-être eunuque, mais il a de véritables doigts de fée. Tu ne lui arriveras jamais à le cheville. » L'autre ricane :
« Je prends le pari. »

Son corps se colle au mien. Je passe les bras autour de son cou. Tandis qu'il m'enserre la taille.

« Ah ouais... Tu es joueur alors ? » Son sourire s'étire, une ultime fois... La seconde suivante, d'un geste si vif qu'il ne peut l'esquiver, j'enfonce mon talon dans sa chaussure. L'éperon traverse le cuir et la chair au dessous comme s'il s'agissait d'une plaquette de beurre. Son rictus est remplacé par un autre : mélanges hideux de douleur et de surprise. Ma prise se raffermit sur son cou... Et d'un mouvement du bassin, tout en tournant pivotant, je le retourne comme une crêpe. Une crêpe sexy. Sa silhouette massive bascule par dessus mon épaule, retombe lourdement aux pieds d'un Korwaki prêt à passer à l'action. Il râle lorsque son dos percute violemment le sol crasseux. L'air est expulsé de ses poumons. Il reste muet, le souffle court. Le genou de Korwaki presse sur son sternum, lui interdisant de respirer à nouveau. Je m'accroupis au dessus de lui. Le latex grince. Mon entre-jambe ouverte n'est qu'à quelques centimètre de son visage :

« Il n'y a rien de personnel chouchou. Mais vois-tu, lorsque Delgrun découvrira notre forfait, il retournera ciel et terre pour nous retrouver. Son premier réflexe, ça sera de savoir si tu étais de mèche avec nous... S'il te trouve en train de cuver dans un bar après avoir dépensé les crédits qu'on t'a refilé, je te laisse imaginer la suite... Alors disons que... Korwaki va un peu... travailler ton alibi. Après ce qu'il va te faire, même Delgrun n'aura plus le moindre doute. Ne fait pas cette tronche chouchou, tu devrais nous remercie. On te sauve la vie là... Tu vas pouvoir te faire porter pâle pendant quelques semaines, sans même avoir besoin de mentir à ton boss. Et, bien évidemment, tu pourras garder les crédits. C'est qu'on est réglo mon Korwaki et moi. » Je relève les yeux vers l'albinos. « Défonce pas trop sa gueule d'ange, je l'aime bien. Pour le reste... Fait toi plaisir. Après balance le dans une benne à ordure. »

Je me relève, leur tourne le dos, et me dirige vers le bord de la plate-forme. Je sors de mon décolleté une étui à cigarettes. J'en place une dans le porte-cigarette écarlate, et l'allume. Alors que les coups pleuvent, bruit mat de la chair contre la chair, je laisse mon regard se perdre dans les ténèbres vertigineuses. Plus bas, beaucoup plus bas, je me laisser happer par les lasers d'une boite de nuit miteuses, qui jouent avec les nappes de pollution atmosphériques malmenées par les vents ascendants.

« Doudou ? On a le temps d'aller danser ? Ça fait une éternité que tu ne m'as pas sorti en boites... Ça me manque. »
Kazorof
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La violence. Un pilier du système comme on trouve nulle part ailleurs. Kazorof en a quasiment été nourri au sein, au même titre que tous les enfants de Nar Shaddaa. Un Korwaki ne pouvait y faire exception. Y avait quelque chose de primitif dans sa manière de procéder, le regard intense qui pouvait pas regarder ailleurs tellement il était captivé, les poings brutalement assenés avec autant de force que de précision. Certains os craquèrent sous la ferveur de l'attaque, et les plaies ouvertes firent jaillir un sang sombre qui vint gicler directement sur son visage. Il prit un malin plaisir à bousiller le nez du type avant de venir lui chuchoter à l'oreille :

- Désolé, gueule d'ange, ce serait pas crédible si le travail était fait qu'à moitié.

Aucune sincérité dans son excuse pitoyable, rien qu'un sourire qui lui poussa perfidement d'une oreille sur l'autre. Il se releva en époussetant ses vêtements, pris le temps de foutre un dernier coup de pied à la masse informe qui gisait faiblement au sol.

- Souris, t'as gagné tes crédits, il ajoute en lui faisant un clin d'œil.

Kazorof s'éloigne sans un regard en arrière, récupère la cigarette de Natasha pour la porter à ses lèvres. À demi-ton, entre des dents par endroit teintées de nuances écarlates au goût métallique, il répond à Kovani :

- Appelle moi doudou encore une fois.

Le problème de ce jedi, c'est qu'il prenait ses rôles trop à cœur. Le latex lui collait à la peau avec tellement de force que ça stoppait probablement toute la circulation du sang jusqu'au cerveau. Le type lui avait expliqué une fois que y avait tout un délire autour de sa combinaison, mais ça sonnait vraiment comme du charabia. Kazorof irait pas le juger de kiffer porter du latex pour jouer les dominatrices. C'est juste que c'était foutrement paradoxal pour un noorien tout mouillé qu'il a sorti des égoûts. Kazorof plante la carte info récupérée dans son holo-com tandis qu'il commence à marcher. Son allure est rapide, déterminée.

- Par Quorix ! J'ai bien fait de lui démonter la gueule j'te le dis. Ce débile a fait que la moitié du taff. À quoi j'm'attendais.

Les pupilles glacées se perchent que Natasha.

- Faut qu'on trouve ces deux types et qu'on fasse en sorte qu'ils se fassent porter pâle pour ce soir.

Deux visages holographiques flottent au-dessus de son poignet. Y avait tout un paquet d'infos qui leur étaient reliées et qui défilaient à tout allure.

- Apparemment ils aiment trainer du côté de la Cantina Obscura. On dirait qu'tu vas l'avoir ta danse, ma belle.

Le temps commençait à les presser. Ce genre de détour était absolument pas prévu. Cela dit la tâche devrait pas s'avérer franchement difficile. Les mercenaires qui se font la malle juste avant de réaliser leur mission étaient légion dans le coin. D'autant plus si c'était des habitués de la vie nocturne de Nar Shaddaa. Il suffirait de s'enregistrer à leur place sur le communicateur récupéré et le tour serait joué. La Cantina Obscura était parmi les établissements les plus pourris de cette lune. Dans le genre crasseux et mal famé on faisait pas beaucoup mieux. On leur prêtait une réputation d'enfer par là-bas, ce qui présentait à la fois un sérieux avantage, et un douloureux inconvénient. Ils passeraient pas franchement inaperçu.

De retour dans le vaisseau, ils mirent les voiles sur le quartier sud, et se parquèrent au cœur d'un complexe si désordonné qu'on en croirait une décharge. Ça avait pas grand chose à envier à l'endroit qu'ils venaient de quitter. Par force d'habitude, Kazorof reprit pleinement le rôle de Korwaki, et il s'avançât légèrement en retrait de Natasha. L'ombre de son ombre. L'ombre de son chien. Il avait un regard dur qui défiait n'importe quel paumé du système croisant leur route, et dont l'air hagard présageait que d'une chose : les confiseries préférées de Kovani circulaient ici à flot. Plusieurs fois il bouscula les pauvres hères, dont les gémissements lui hérissaient les oreilles. Korwaki était davantage une brute que lui, et c'était dire. Pas grand chose dans le cerveau, mais tous dans les muscles.

- C'est parti, il souffla entre des lèvres légèrement étirées, une main dans le bas du dos de latex rouge.

Entrer dans la Cantina Obscura n'était pas un problème. C'était d'en sortir qui pouvait parfois s'avérer compliqué. L'endroit était presque plus bondé qu'un certain marché aux melons des plus pourris. La différence voulait que y ait beaucoup de gamins au marché. Ici les seuls présents étaient des esclaves dont l'odeur avait rien d'alléchant, et dont le service laissait à désirer. Les boissons coulaient abondamment dans les gosiers de jour comme de nuit, et la plupart des clients semblaient tellement retournés qu'on en comprenait plus la langue. Les crédits étaient disputés dans d'éternelles parties de Pazaak et de Sabacc où la tricherie faisait loi.

- On s'sépare, il glisse inutilement.

Le plus vite ils mettent la main sur les cibles, le plus vite ils se tirent de ce trou des enfers.
Gary Kovani
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Je secoue lentement la tête. Ma longue crinière bouclée, cuivrée, ondule dans mon dos, sur mes épaules. Le menace de Kami, contenue et donc d’autant plus détonante, fissure mon esprit maltraité par la psychométrie émotionnelle. Une infime fêlure par laquelle un fragment de ma personnalité s’échappe enfin, jusqu’alors séquestrée derrière celle de Natasha. Je suis l’eau, Nat’ est l’huile. Tant que Kaz’ nous agite, l’homogénéité persiste, mélange incongru, grumeleux, de nos deux « moi » antinomiques. Un équilibre précaire, instable. Mais dès que nous replongerons dans l’action, les strates immiscibles se sépareront de nouveau… J’espère seulement que je parviendrais à reprendre le dessus. Mais je n’y crois pas. Nat’ est mieux taillée pour ce genre de mission… C’est l’atout charme. L’atout fatal.

J’affiche un sourire las, sans chaleur. J’ironise, pour dissimuler mon chaos intérieur : « Je t’ai connu plus joueur… » Les gens changent. Le contexte aussi. Les enjeux d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’autrefois. « J’essayerai de mon contenir, mais je ne peux rien te promettre… » J’achève sur cette phrase mes soubresauts narquois. A trop tirer sur la corde, on finit par bouffer une mandale dans la gueule, comme dit le célèbre proverbe. Kaz’ a encore besoin des charmes Natasha, ce qui explique sa froideur apparente. Mais le couperet finira par tomber à un moment ou un autre si j’en abuse. Alors je la boucle, et observe les deux visages holographiques.

« Je prends celui-là. » Mon index manucuré, faux-ongle rubis taillé en pointe, se plante entre les deux yeux du plus patibulaire des deux. Mâchoire carrée, mal rasé, dents plaquées d’or et d’argent. Ses petits yeux de fouine s’enfoncent profondément dans ses orbites, sous ses proéminentes arcades couvertes d’un duvet mono-sourcilaire touffu. Il est moche. Hideux. Si dégueulasse que je me demande même si sa mère ne s’est pas perdue, en petite culotte, dans les profondes forêts de Kashyyyk. Bien malin celui qui serait capable de déterminer l’espèce de singe primitif ayant refilé son patrimoine génétique à ce gorille dépenaillé. « Ne me regarde pas comme ça ! » J’anticipe le haussement de sourcil de Kami. « T’as vu l’autre ? Plus occupé à baver sur les crédits que sur mes nibards ? » Je souffle entre mes lèvres serrées, toujours aussi vexée. « Natasha rattrapée par l’âge, t’y crois ça ? Bordel, j’ai encore un corps de rêve ! » Je peste, oui, je peste. « Si je trouve le connard qui a dit que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures, je lui enfonce mes talons dans le fondement jusqu’à ce que ça lui chatouille les amygdales. Non. Les vieux pots, on ne les goute du bout de la langue que lorsque les primeurs sont en rupture de stock. C’est la triste réalité ! » Les plus belles fleurs sont-elles condamnées à faner lentement aux yeux du sexe auto-proclamé fort. Bande couilles molles, ouais. Mâles alphas sans gout, qui préfèrent la fraicheur à l’expérience. Je vais faire un scandale ! « Je te jure, si ce mec résiste à mes charmes, je… » Douze scénarii apocalyptiques traverse mon esprit, la plupart centrée autour du massage de son service trois-pièces « Mais ça va le faire. Avec sa gueule, il sauterait sur n’importe quoi… Même si j’avais vingt piges de plus, un dentier, les fesses molles, et des gants de toilettes en guise de nichons. » Par réflexe, je baisse les yeux sur mes formes moulées dans le latex. Oui, j’ai pris quelques kilos depuis la dernière fois, ça remonte à plusieurs années maintenant. Je ressemble à un bébé Hutt là dedans… Déprimant.


L’inspection éclair terminée, je laisse échapper un soupire théâtralement dramatique. « L’Obscura ? T’as vraiment que ça ?! C'est quand que tu vas mettre des paillettes dans ma vie Kami ! J’veux des paillettes dans ma vie bordel ! Tu me propose l’Obscura ? L’entrée n’est même pas à dix balles ! Les calculs ne sont pas bons Kami ! Je veux des moulures au plafond Kami ! » Oui, Nat’ a déjà repris le dessus. Elle vide son sac, sa frustration. Elle est ainsi Nat’. Volcanique, sulfureuse. Quand ça doit sortir, ça sort. Sans retenue. Puis rapidement ça se calme. Je soupire une nouvelle fois. Soupire nostalgique, mélancolie. « Où sont passées nos plus belles années hein ? » La scène est terminée. Il est temps de passer à l’action.

****


Je me laisse guider, sans un mot. Jouer la poule, c’est plus que dans mes cordes. Les hommes sont si prévisibles… Une fois dans la boite, je me dirige aussitôt vers la piste de danse. Les basses tonnent. Elles font vibrer ma cage thoracique autant que les murs tagués, criblés de tâches suspectes. L’ambiance est indescriptible, aussi glauque qu’excitante. L’odeur de la sueur, mélangée à celle de parfums bons marchés. Relents de clopes, d’alcool, de stupéfiants en tout genre. La chaleur frise l’insupportable. Je transpire dès mes premiers mouvements de bassins aguicheurs. Les corps se frôlent, parfois accidentellement, parfois volontairement. Une proximité aussi sensuelle qu’oppressante, où les mains se baladent plus que les yeux. Les mains vicieuses disparaissent aussi rapidement que les silhouettes opportunistes. Rapidement, je me laisse dominer par le rythme endiablé. Des percussions dissonantes, entêtante, mais qui battent à l’unisson de mon pouls débridé. Au plafond, les spots tourbillonnent, frénétiquement. Eclats lumineux, psychédéliques, stroboscopiques. Ils s’impriment sur ma rétine, même lorsque je ferme les yeux. Ils pénètrent mes nerfs optiques, retournent mon cerveau. Je frise la transe autant que la crise d’épilepsie. Je frissonne. Chair de poule. Merde, je ne me suis pas senti aussi vivante depuis… Depuis…

Il est là. Le gorille. Sa silhouette massive dépasse de la foule entassée d’une bonne tête. Difficile de le rater. Son ombre dévore ceux qui s’aventurent dans son sillage. Etrangement, les fêtards défoncés gardent une distance raisonnable. Instinct de survie de leur cerveau reptilien, seule partie de leur anatomie encore lucide. Une tranquillité pesante, dont il a pris conscience. Il danse, maladroitement, aussi raid d’un piquet de tente, tout en jetant des œillades désespérées. J’ignore ce qui pousse cette bête humaine à venir lécher ainsi le danse-floor. Une journée pourrie ? L’envie de se vider la tête ? Le désir de ramener la première camée du coin pour se vider autre chose ? J’opte pour la troisième solution. Je ne vois pas comment ce type pourrait lever qui que ce soit à la lumière du jour et sans trois bâtons de la mort enfourné dans chaque narine.

Phase d’observation achevée. Il est temps de lancer l’approche. Sans m’arrêter de me déhancher, sur cette musique électronique déchainée, je me glisse entre les corps moites et échaudés. Latex moulant contre peau. Je récolte quelques regards affamés, mais j’y réponds avec assez de froideur pour avorter toute tentative d’approche expéditive. Dans d’autres circonstances, qui sait… Enfin, alors que j’arrive la périphérie du périmètre de sécurité érigé naturellement autour du scélérat disgracieux dont je n’ai même pas cherché à mémoriser le nom, je profite d’un changement de rythme pour me lancer dans un twerk sulfureux. Croupe dardée vers ma cible. Il mord immédiatement à l’hameçon. C’est presque trop facile. Il s’approche, colle son entrejambe contre mon cul frétillant, et s’adapte à ma cadence.

« Tu bouges bien… » fait-il, d’une voix si rauque je pourrais croire ses cordes vocales râpées par du verre pilé. Ses intonations suppurent d’une luxure assez crade pour faire fuir même la professionnelle la plus endurcie. Je lui décoche un sourire charmeur autant que charmé. Actrice studio. J’évite juste de le regarder en face trop longtemps, de peur d’avoir des haut-de-cœur. Il prend ces regards fuyants pour de la candeur. Et visiblement ça l’excite. Il m’attrape un poignet, puis l’autre, il me presse contre son corps. Mon nez atterrit entre ses pectoraux broussailleux, détrempés, qui empeste la sueur sale, vieille de plusieurs jours. Il me fait penser à un arbre. Si je le coupais en deux, je pourrais surement calculer son âge en comptant les anneaux de crasse superposés. Bref. Je me laisse entrainer, faussement impressionnée par tant de testostérone malodorante. Il y a encore des mecs qui croient que ça excite les nanas ? Même moi ils me repoussent, c’est pour dire !

Enfin, après des préliminaires d’infiniment longues minutes, je le repousse. Avec assez de vigueur pour me dérober à son étreinte inquisitrice. Ses yeux s’arrondissent. Il craint, mécaniquement, le râteau. Je peux lire dans sa rétine une question silencieuse : qu’ai-je fait de mal ? La liste est trop longue pour que je me fatigue à l’énumérer. Non. Je lui souris.

« Il faut que j’aille me repoudrer le nez… » Clin d’œil. Dans ce genre de boite obscure, ce n’est pas du fond de teint qu’on s’étale autour des narines. « J’suis sur qu’un mec balèze comme toi sors jamais sans sa came… » Son visage hideux se fend d’un sourire terrifiant. Le reflet des spots sur ses dents plaquées d’or et d’argent lui donnent des airs de monstre d’holofilm d’horreur. Il tapote la poche pectorale de sa chemine entrouverte. Une rondeur trahit la présence d’un petit sachet discret. Il me choppe l’avant-bras, volte-face, et m’entraine sans ménagement jusqu’aux toilettes. Si vous trouvez que Nar Shaddaa est crade, c’est que vous n’avez jamais mis les pieds ici. Ça pue, ca poisse. Même les murs dégoulinent d’une humidité douteuse. Les portes éventrées des cabines ne protègent plus l’intimités de leurs occupants. Dans la première, un camé comate, le pantalon en bas des jambes, la gueule plaquée sur la cloison, la bave aux lèvres. Dans la suivante, une gonzesse en mini-jupe fluo et bas résilles troués gerbe ses tripes. Elle n’a même plus la décence de tenir sa tignasse qui plonge au fond de la cuvette souillée. La troisième cabine est défoncée. Il ne reste du WC qu’une ruine informe en faillance digne d’un vernissage d’art moderne.

Aucune intimité donc. Mais le type s’en fou totalement. Il m’attire au fond, dans l’espace occupé par une bande urinoirs en métal rouillés. L’état du sol me renseigne sur la capacité des fêtards à pisser droit. Il se colle à nouveau à moi.

« Si tu veux ma came, va falloir faire un truc en échange… » C’est dit avec tellement de poésie, comment résister… Spoiler alerte : c’est de l’ironie hein. Sa main baladeuse glisse entre mes cuisses. Elle se fige sur mon service trois pièces asphyxié sous le latex. Ses yeux s’arrondissent. Surprise ! C’est ce qu’on appelle l’effet Kinder. Y’a une petite surprise à l’intérieur, souvent plus grosse que l’oeuf une fois assemblée. Son visage se décompose, quelques secondes… Mais très vite, l’éclat de ses yeux vire à la résignation. Une sorte de : bah, pourquoi pas, je suis tellement en chien que je ne vais pas faire la fine bouche.

Mais je ne lui laisse pas le temps de l’exprimer à haute-voix. Mon genou s’écrase dans ses parties. Il se plie en deux. Je choppe sa grosse tête entre mes deux mains, et l’éclate sur l’urinoir le plus proche. Le métal éventré, aux arêtes acérées, lui déchire la joue. Tandis qu’une gerbe d’eau sous pression qui lui ravale l’œil droit. La plupart aurait eu son compte, mais pas lui. Mes doigts se referment sur le col de sa chemine. Je l’envoie valser, à l’issu d’un quart de volte acrobatique, dans la cloison la plus proche. Il traverse la première, intégralement. La seconde résiste mieux. De l’autre côté, la jeune femme nauséeuse pousse un cri étranglé. Elle s’enfuit aussitôt, souillure grumeleuse aux lèvres et aux cheveux. Le gars est sonné, mais il tente tout de même de se relever. Je ne lui permets pas. Car il pourrait me mettre en orbite d’une seule mandale. Je le soulève, force dopée par mes pouvoirs latents, et le balance sur la cuvette abandonnée par la nana décatie. Il tombe dessus de tout son poids, la tempe la première. Ses membres devenus mous refusent de lui obéir, alors je l’achève. Je bondis sur sa silhouette massive avachie. J’écrase sa gueule sous l’abattant de WC. Une fois, deux fois, trois fois. A la quatrième les charnières fatiguées rendent l’âme. Alors je pète avec cette arme improvisée ce qui lui reste de dents. Et je l’abandonne sur sa tête ensanglantée, comme un chapeau ridicule maculé des empruntes carmines de mes phalanges.

Il ne bouge plus. C’est fait. En moins de quinze secondes, je viens de vider tout ma frustration, tout en vengeant le genre féminin ou approchant d’une sale raclure bien dégueulasse. Que demander de mieux ?

Bref.

Je retourne d’un pas félin dans la salle. Maintenant que l’odeur des chiottes est imprégnée dans mes fringues et ma chevelure, les opportunistes me collent un peu moins. Je fends la foule pour m’approcher du bar. Je dégage d’une poussée rageuse un camé complètement paumé, pour m’approprié son siège. Bordel, le gars a une chaudière à la place du cul, ou bien ? Je me grille une clope et commande un cocktail maison. Mieux vaut pas savoir ce qu’il y a dedans, car la rumeur prétend que les barmans essorent leurs torchons dans les bouteilles vides pour les resservir à ceux qui ne captent plus rien. Je me retourne, coudes posés sur le zinc en attendant le verre. Je cherche Kami du regard. Je me demande s’il s’en sort.
Kazorof
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L'endroit n'est rien moins que bondé, véritable foutoir dans lequel s'entassent des corps dont certains s'avèrent presque décharnés par la surconsommation de quelque brillants opiacés d'au moins trois galaxies alentours. Là où ça ne s'échine pas à balancer des crédits sur la table en dernière mise, ça se frotte sans vergogne à son prochain, dans l'espoir de trouver un plaisir libérateur qui permette, rien qu'un instant, d'oublie la déchéance et la crasse que constitue Nar Shaddaa. Les verres sont éparpillés sur les tables et le comptoir sans la moindre organisation, pour la plupart vidés de leur contenu, bien que naquisse immanquablement plusieurs confrères emplis de plusieurs liquides à la couleur douteuse ici et encore là.

Naturellement, Kazorof passe aisément inaperçu au cœur de cet univers tout aussi chaotique qu'il parait insalubre. La peau d'albâtre se confond aisément dans la foule diverse, qui ne prête guère attention ni à la sobriété de sa posture, ni à l'intensité de son regard. Se frayant un passage au milieu des charognards de la Cantina, il ne met qu'une poignée de minutes à verrouiller la cible. Le sabat, à la gueule plus écrasée que ses propres congénères, est attablé avec une paire de kubaz, visiblement en pleine partie de sabacc. L'excitation est palpable, même à cette distance. Les jeux semblent déjà fait. Le chiss prétend patienter au comptoir le temps de voir se dérouler l'inévitable scène. La révélation de la victoire du sabat ne plait clairement pas aux adversaires, qui se lèvent brusquement en agitant poings et trompes, baragouinant par-dessus le brouahaha ambiant.

C'est un putain de plateau d'argent. Pour un peu, ils vont faire le boulot pour lui. Sauf que sa cible n'en est visiblement pas à sa première rixe. Il a déjà pris le soin de ramasser son pactole dans la précipitation lorsque le premier coup vole, et aussitôt la table est renversée brutalement, envoyant bouler le couple de kubaz dans la foule. Ça fait son petit effet. Les injures sont braillées à travers la pièce, dans une bonne dizaine de dialectes différents, et tout le monde se fout sur la gueule. Le sabat en a profité pour prendre la tangente, en repli stratégique vers l'arrière-salle, déterminé à se faire oublier. Kazorof se met en action, esquivant le plus gros du bordel histoire de prendre à son tour la direction de l'arche immense qui les sépare du cœur de la Cantina. La place des esclaves, dont le service est plus cher payé qu'une Gizer ou qu'une Black Spire.

- Dégage.

D'un mouvement sec il se débarrasse de la première twi'lek qui décide de lui coller aux miches, son regard glacial vissé sur le dos de sa cible. Finalement, le type s'engage dans une alcôve à l'abri des regards, et Kazorof lui emboîte le pas avant de tirer vivement le rideau. Il a un large sourire sur la gueule, le visage éclairé par des néons rougeoyants qui ne sont clairement plus de prime jeunesse. L'endroit est absurdement étroit, agrémenté d'un simple canapé immonde dont le revêtement tâché ne peut que présager le meilleur du meilleur de Nar Shaddaa. Ça ne dérange visiblement pas le sabat outre mesure, puisqu'il s'est empressé d'y poser son cul pour compter son précieux butin. Il relève la tête pour observer son visiteur, la bouche déformée par un sale rictus qui dévoile des dents jaunes écartelées en tout sens.

- C'est occupé. Va voir à côté si j'y suis.
- J'crois qu'je t'ai déjà trouvé mon mignon.
- Mais dégage !

Pas l'temps pour la causette. Kazorof préfère introduire les choses directement, et son poing vient fendre l'air sans transition. L'autre main met moins d'une seconde à venir choper le type par le cou, et avec une force brute, il lui abat sa sale gueule contre le mur à plusieurs reprises avant de le finir sur la table. Mécaniquement, il récupère les crédits empochés sur la partie de sabacc.

- Merci pour ça.

Puis il récupère le contrat signé pour Drelgun.

- Et merci pour ça aussi.

Kazorof l'allonge sur le canapé pour lui donner davantage l'air d'un mec bourré qui se serait effondré là. C'est pas comme si les traces de sang faisait franchement flipper à côté de tout le reste. Les accidents étaient foutrement vite arrivés à la Cantina. Sans traîner, le chiss quitte l'alcôve comme il est venu, le pas déterminé et le regard sur la sortie. De nouveau il dégage des bras trop collants, ignore les propositions salaces glissées en Huttese, et bientôt son ombre quitte la pièce pour traverser de nouveau le bordel qu'est le bar. Ça a continué de se taper dessus dans les coins, mais la plupart de la bagarre s'est terminée aussi rapidement qu'elle a commencé dès que y a eu plus de trois K.O. L'aura suffit de la distraction d'une paire de seins affriolantes, ou d'un assèchement cruel du gosier qui rappelle les miches des soûlards jusqu'au comptoir.

Ça se désemplit pas, et ça lui prend un putain de long moment pour retrouver le Kovani dans son ensemble latex. Y a une odeur terrible qui se dégage. Du sang et de la pisse. Natasha est devenu Natachiotte. Il se pose à côté avec négligence, un coude sur le comptoir.

- Tu t'es repoudré le nez un peu trop profond dans la cuvette j'crois.

Ses yeux cherchent une confirmation dans le regard du noorien travesti, et la force de l'habitude les voit acquiescer tour à tour imperceptiblement. C'est l'moment de se tirer.

- Korwaki, Natasha ! Mais quelle excellente surprise.

Par automatisme, la gueule de Kazorof se fend d'un sourire. Merde. Bellamy. De l'histoire foutrement ancienne qu'on a pas vraiment envie de voir ressurgir. Est-ce qu'ils lui avaient un peu foutu en l'air son business des années plus tôt ? Peut-être. Peut-être pas. C'était une question de perspective vraiment. L'humain pouvait pas garder de la rancœur après autant de temps, c'est sûr. Deux gorilles l'accompagnent. Pas vraiment des gorilles. Juste deux types à la mâchoire beaucoup trop carré pour que ça rentre dans les ronds ou les triangles. Y a des tentacules sur les joues de celui de droite. Anzat. Va pas falloir tortiller du cul.
Gary Kovani
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« Sans commentaires… » Soupir théâtral. Oui, j’ai comme un relent de fond de cuvette un lendemain de soirée raclette un peu trop arrosée qui me colle à la peau, et au latex. Surtout au latex. Fichus tissus synthétiques. S’il ne mettait pas autant mes courbes en valeur… Pffff. Je ne daigne même pas lui jeter un regard de désapprobation. Certain qu’il aimerait de lire la colère ou l’exaspération sur mon visage. Et Natasha Kostanoff n’est pas ce genre de femme : à donner du plaisir à ceux qui ont la langue trop pendue ! Non mon bon monsieur ! Une Natasha ça se mérite ! Avec un peu de poésie, et pas des foutues remarques qui enfoncent les portes ouvertes. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire… Qu’il aille se faire foutre.

J’inspire lentement, les yeux rivés sur mon cocktail. Je ne vais pas le boire. Il est dégueulasse. Même pas besoin d’y poser les lèvres pour le savoir. Ici tout est frelaté : boisson, drogue, décoration, musique, et le cul du barman. Mais les vapeurs d’alcool à brûler, tout juste bon à stériliser les seringues des camés, me revigorent quelques instants. Je frisonne. Un avertissement de la Force. Je me retourne… Bellamy. Bordel, j’aurais préféré l’oublier celui-là. Et qu’il nous oublie aussi. Mais ainsi sont les choses : on ne se souvient que des pire et des meilleurs. Lui ne fait clairement pas parti de cette seconde catégorie.

« Bellamyyyy ! » Interjection suave, dégoulinante d’une sensualité totalement feinte, mais si surjouée qu’elle apparaît presque naturelle entre mes lèvres couverte d’assez de gloss pour jouer avec les lumières kaléidoscopiques des spots. Je me jette aussitôt dans ses bras. Il n’a pas le temps de réagir. Ses deux molosses : des primates dont la plastique testostéronée témoigne du vide intersidéral entre leurs oreilles, se raidissent. Ma main gantée glisse déjà dans les cheveux rares du ventripotent mafieux en costume trois pièce rayé. Un cliché oldshool à lui tout seul, tout droit sorti d’un vieux holofilm de gangster. Une tenue qui démontre à elle seule du manque total d’imagination de son propriétaire. Un grassouillet libidineux arrivé au sommet de sa petite pyramide machiavélique à la force des poings plutôt qu’en s’agitant les neurones… Mon autre main glisse sur ce petit bidon qui menace d’arracher les boutons de sa veste. « Et bah, c’est qu’on se laisse aller coco. » Coco l’asticot, c’est le petit surnom que je lui donnais. Avant…. Avant qu’on la lui mette à l’envers. Bien profond. Il n’a rien vu venir, mais il l’a senti passer. Sans mauvais jeu de mot. Quoi que. Natasha est pleine de surprises. « Mama te fait encore ses bons petits plats en sauce à ce que je vois… » Bellamy vénère deux chose dans sa petite vie émaillée de violences : les biftons et sa vieille mère. Une Mama comme on n’en fait plus de ce coté de la galaxie. Capable de cuisiner d’importe quel ingrédient périmé pour en faire un délicieux plat bourré de calories impossibles à éliminer. De l’alchimie des fourneaux.

Mon attitude totalement désinvolte le désarçonne. Quelques instants seulement. Juste ce qu’il faut pour que Korwaki puisse se dresser sur ses deux jambes, mains bien moins en évidence, sans éveiller immédiatement l’attention des deux larbins simiesques. Du bon travail d’équipe. Moi le cerveau, lui les bras… Ou plutôt… Moi le cul, lui les poings. Bellamy me repousse, d’une pression de sa grosse paluche mon sternum. Je riposte d’un regard courroucé de femme éconduite. Mais cette fois je garde la bouche close. On approche du point de bascule. Cet équilibre instable qui peut à tout moment virer au drame.

« Natasha… » Il secoue la tête. Ses épaisses lèvres se crispent un peu plus sous sa fine moustache poivre et sel. Signe de la colère qu’il peine à refouler. « T’es vraiment qu’une salope. » Oulala, il est chaud le lapin. Même pas de préliminaires ? On commence dans le dur, comme ça ? Okéééé. C’est pas forcément pour me déplaire. « Korwaki et toi, vous me devez une montagne de pognon. T’as la mémoire courte peut-être ? » Comme ta bite… Je retiens la phrase in extremis. « Moi pas. Hein ? Ca te reviens ? Vous avez disparu du jour au lendemain, avec la came ET la caisse ! Mon Business a failli de pas s'en remettre ! Bande de… Je vais vous… » Oui il a tendance à perdre ses mots lorsque l’ire l’ulcère. Au moins ça laisse de la place à l’imagination. Flanqué de ses deux gorilles, il joue au malin. Mais en face à face, il se serait dégonflé rapidement. Bellamy un rapport… étrange, avec les femmes. Surtout celles qui ont du caractère et lui rappellent sa précieuse Mama. Il peut hurler, péter un plomb… mais jamais il ne lèvera la main sur moi. Je le sais. Il le sait. Il sait que je le sais. Alors tout ce petit jeu n’est que de l'esbroufe. Peut-être espère-t-il que ses gardes du corps agiront sans qu’il ait besoin de leur dire, se défaussant ainsi de toute culpabilité. Ce serait bien son genre… Mais non. Ses sbires sont suffisamment débiles pour ne pas bouger un muscle saillant sans un ordre clair et direct, de moins de trois mots consécutifs. Ce qui m’offre l’opportunité de reprendre la main sur cette joute verbale absurde :

J’avance d’un pas, droite comme un « i ». La Natasha des grands jours. Avec l’odeur des chiottes en sus. Je dégaine mon index inquisiteur et lui colle sur la poitrine. Exactement là ou se trouve son téton gauche, sous le tissu. Mon faux-ongle pointu s’enfonce dans son pec’ graisseux d’au moins trois centimètres.

« Montgomery Bellamy ! Ce n’est pas une manière de parler à une femme ! » Son visage de fige, vire au blanc. « C’est comme ça que Mama t’as élevé ? Tu veux que j’aille lui en parler peut-être ?! » Je le sens. Il a envie de me répliquer un truc du genre : après ce que mes gars vont te faire, tu ne parles plus à personne… Mais les mots s’étranglent dans sa gorge. « Oui, c’est vrai. Je suis un vraie salope. Mais ce n’est pas une raison pour le crier sur tous les toits ! Un peu de tenue ! » Je m’approche encore. Son téton se raidit. Il darde sous la veste. J’agite doucement le doigt pour le titiller. La sueur perle sur son large front. « Je me souviens d’une époque ou tu aimais ça, pourtant, quand j’étais ta petite salope, n’est-ce pas toi qui a la mémoire courte ? » Ma seconde main glisse sur sa joue, sur sa nuque. « J’ai gardé ton déguisement de cochon… Tu sais, celui qui te fait ressembler à un gamoréen… Graaaou… »

L’un de ses larbins, l’Anzat à la tête de fion, ne parvient à retenir un gloussement. Aussitôt, Bellamy se détourne de mon regard hypnotique. Il beugle :

« Qui t’as permis de rire, abruti ! » L’invectivé se renfrogne. Amusant de voir comme l’autorité dépasse toutes les lois de la nature. L’Anzat pourrait écraser son boss d’un seul coup de poing. Mais il obtempère en toutou servile. Il baisse même les yeux sur ses chaussures. Chacun à sa place comme dirait Bellamy. Mais je ne tergiverse pas en pensées parasites. Non. Ils sont murs. C’est le moment. Sans préavis, je balance une manchette, du plat de la main, dans la trachée de second loustic. Il ne voit rien venir, trop occupé à mater dans mon décolleté du haut de ses deux mètres trente. Fait chier de devoir taper sur quelqu’un qui a ENFIN un peu de gout ! Mais bon. Business is Business. La vie est injuste. Il accuse le coup en portant des deux mains à sa gorge. Une ouverture dans laquelle je m’engouffre aussitôt. La pointe de ma cuissarde à talon achève son accélération fulgurante dans ses parties sans défense. Pour clore un combat rapidement, il faut toujours viser le point faible. Le plus souvent les burnes. Même chez les eunuques la zone reste sensible. Une valeur sure ! Il se plie en deux. Il ne me reste plus qu’à remonter d’un coup sec le genou pour lui exploser la pif. Il s’effondre. Sonné. Groggy par la douleur insupportable. Dans mon dos, je sais que Korwaki s’est débarrassé de l’autre. Chacun son style, sa position préférée. Moi c’est par devant, lui par derrière.

Je volte-face. Le mouvement transforme ma chevelure rousse en une cascade cuivrée digne d’un spot de pub pour un shampoing hors de prix. Bellamy recule lentement. Ses yeux devenus deux boules psychotiques qui passent d’une masse affalée à l’autre. On fait moins le malin sans ses cerbères, hein coco hein ?

« Fiou ! Ça fait du bien ! » Je le choppe par le col avant qu’il ne prenne la tangente. « J’ai eu une sale journée. Une très sale journée. Alors on va se la faire courte. La prochaine fois que je te croise, je te détruis la tronche, c’est clair ? T’en a plus rien à foutre de ce bon vieux temps passé ensemble ? Ok ! Mais compte pas sur moi pour être tendre alors. Ton fric, tu me l’as filé juste parce que ne pouvais rien me refuser. Et on s’est tiré avec ouais. Fin de l’histoire. N’essaye même pas me faire porter la faute de tes erreurs de jugements ! J’y suis pour rien si je suis une vilaine fille, et si des gars comme toi ne savent pas me dire non ! Capito ? » Je lui retourne la cervelle comme une vieille chaussette trouée. « CAPITO ? »

« Je… heu… ouais… Ok… » Je le lâche enfin.
« Bah voilà mon coco. Toujours aussi magnanime. Ta bonté te perdra tu sais… Tu ne devrais pas dire oui aussi facilement… » Je le lâche. Il recule d’un pas. Il va partir en courant… Trois, deux… « Un dernier truc : passe le bonjour à Mama de ma part ! Sa cuisine me manque ! » Un… Bingo. Il s’enfuit. En bousculant les camés et les danseurs en transe comme une boule dans un jeu de quilles. J’ai envie de hurler : STRIKE. Mais je m’abstiens. Je me tourne plutôt vers Korwaki :

« On a ce qu’il nous faut ? Parce qu’on ferait mieux de se tirer fissa. Il va revenir. Ce connard n’a jamais tenu une seule de ses promesses. On ne l’aura pas par surprise deux fois de suite. »
Kazorof
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Fidèle homme de main, le Korwaki s'est tenu tout droit bien immobile à côté de sa Natasha le temps qu'elle tortille du cul. C'est-à-dire que le duo ne fonctionne bien que pour ça. Y en a qui préfèrent l'un, y en a qui préfèrent l'autre. Bellamy est de ceux qu'entendent le message que s'il est accompagné d'une belle poitrine, les vulgarités étirées entre des lèvres pulpeuses lui rappelant probablement vaguement sa mère. Au moment de passer à l'action, y a pas la moindre hésitation. Il prend même malin plaisir à jouer la force brute. Douce musique aux oreilles le craquement net de certains os dont on aurait pas soupçonner l'existence, n'est-il pas. Lorsqu'il se redresse pour emprunter de nouveau la posture verticale, prétendre que rien n'est arrivé, on croirait qu'il n'a pas fait le moindre effort. Hochement de tête bref, et voilà que la paire se décolle du bar, prennent la direction de la porte. La Cantina Obscura devient un souvenir, derrière leurs silhouettes empressées.

- Leur tour de garde doit commencer dans deux heures. Faut qu'on se pointe sur place un peu avant. Premiers arrivés, premiers servis. Tu connais la règle. Son regard traverse Natasha avant de repartir sur le vaisseau vers lequel ils se rapatrient.

Pas grande surprise de constater que le premier réflexe du noorien est d'aller faire sa toilette. Même sans le cuir et la bouche pulpeuse, Kovani aime se faire propre. Trop d'instants à baigner dans son propre vomi, probablement. Kazorof le laisse à ses occupations pendant qu'il révise les plans du dédale qu'ils s'apprêtent à infiltrer, démontant son arme méticuleusement histoire de s'assurer que tout fonctionne bien à l'intérieur. Une vieille habitude qu'il fait sans y penser, déchargeant et rechargeant le magasin dans des claquements caractéristiques avant de tout remboîter à la perfection. L'arme trouve de nouveau sa place de choix à sa ceinture, de même que la série de couteaux dont il a fait l'inventaire sur la table. Pas de sang à faire couler, mais quand même vaut mieux toujours se préparer au pire. Si tout se passe bien, ils ressortent dans le silence, la fortune et la gloire. Dans le cas contraire, il est toujours prêt à mener le dernier carnage de son existence.

- Parée chérie ? Il demande quand Natasha reparait.

Il est bien conscient que Kovani n'attend qu'un truc. La fin du casse. Sa priorité est à sa zélosienne. Normal. N'empêche que sa priorité est après la priorité de Kazorof, et c'est bien tout ce qui compte. Le branle-bas de combat est donné. Étonnamment, quand personne est après leur cul, ça va tout de suite mieux, et faut que quelques instants pour les retrouver au pied du QG de Drelgun, le plan suffisamment ficelé pour jouer les rôtis du dimanche. Foutrement nourrissant, le plan, donc. Leur arrivée passe pas inaperçu. Faut dire que l'antre est surveillé de près, et qu'il doit manquer deux gus à l'appel du soir. Kazorof prend les devants. S'agirait pas d'attendre que de vrais types débarquent pour leur chourrer le poste. C'est là tout l'intérêt du train d'avance sur l'information et leur présence au devant des larges portes.

- B'soir. Z'avez b'soin de bras ? On a b'soin d'se faire du crédit. Z'embauchez ? On s'fait fermer toutes les portes depuis l'début de l'après-midi, c'est infernal.
- Connaissez la ville. Ou elle implose, ou elle explose, c'est sa façon d'respirer. Savez tenir une arme ?
- Ouaip.
- Connaissez l'propriétaire ?
- Nope.
- Drelgun.
- Oh.
- Vous sentez toujours de taille ? S'passe un mauvais coup ça retombe sur vous, ça retombe sur moi. Faut ouvrir l'œil et l'bon. Elle sait t'nir une arme la donzelle ?
- On fait l'taff pour dix crédits. Pas moins. On est réputé ok ? On est cleans. Korwaki, Natasha.
- Jamais entendu parler.
- Maintenant oui.

Le type peut prendre tout l'air suspicieux qu'il veut, Kazorof sait qu'ils ont déjà le taff. Notamment parce qu'ils sont les premiers sur place. C'est pas comme s'ils pouvaient se permettre de manquer de gros bras pour surveiller les précieux trésors de Drelgun.

- Z'avez déjà fait ce genre de taff ?
- On connait. C'est de la ronde non ?
- Que d'la ronde. Vous portez tous un badge. Le premier que vous croisez qui porte pas l'badge, vous l'explosez, vous tirez l'alarme.
- Payez le double si y a un peu d'action ?
- Dans tes rêves.
- Ça se tentait.

L'autre à un rire bref, gras, qui lui sort des tripes de manière erratique. Pis finalement il leur sort deux holobadges sur lesquels il tripote vaguement pour que ça indique un code, et un nom. Kaurwaqui. Natachat. Le code indiquait le soir, il était changé systématiquement histoire que les gardes puissent pas réutiliser un holobadge et s'infiltrer à la dernière minute. Sécurité, sécurité. Le problème étant que le travail était fait qu'à moitié s'ils se permettaient d'engager au pied levé des gens dont ils connaissaient rien. Ça arrangeait très bien les affaires de Kazorof, dont un sourire fin épousa les lèvres. Il accrocha le badge à son pantalon, acquiesça militairement. L'autre les zieuta une dernière fois avant de regarder l'heure et de leur désigner la porte du pouce.

- Commencez maintenant.
- Maintenant, tout de suite ?

L'air étonné est dramatiquement réaliste, une joie enfantine d'avoir enfin trouvé son emploi de la journée. L'autre lui tape l'épaule.

- Maintenant. La relève est à deux heures. Ouvrez l'œil, pas de partie de jambe en l'air, pas de sieste, pas d'potins au milieu des couloirs. Vous restez en équipe de deux. Vous quittez jamais vos blasters.

Un gamin, pas plus âgé que la vingtaine, déboule soudainement, essouflé.

- J'SUIS LÀ ! COMME ON AVAIT DIT J'SUIS LÀ !
- Trop tard mon gars. Faut t'pointer en avance pour choper l'taff.
- MAIS PUTAAAAIN !

Le ton hausse, mais Kazorof s'éloigne en se marrant. Intérieurement il peut pas s'empêcher de jurer. Ça s'est joué à rien putain. Il jette un œil à Natasha avant d'entrer dans la structure métallique, qui se referme bruyamment derrière eux. Y a d'autres gardes. Même badge à la ceinture, même code, des noms pour certains imprononçables. Tous se regardent un peu en chien de faïence, jusqu'à ce que les ordres tombent, dispersent les paires au cœur de l'immense domaine. Cette partie du plan était la plus aléatoire, et ils auraient pu tomber sur pire. Aile ouest, pas franchement à côté du cœur de Drelgun, mais pas forcément loin non plus. C'est parti.[/color]
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