Alita T. Drummer
Alita T. Drummer
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La Prison du Rossignol Gibz
Rossinante



Rapport Succinct
Date : Inconnue
Localisation : Territoires Hutt, Bordure Extérieure.

J'ai mis la main sur ce qui pourrait vous intéresser. En présence de l'Alliance Extérieure. Prochain rapport quand j'atteindrai l'espace impérial.


Rapport détaillé : sera fait en personne.




Deux années auparavant,

La mort de son père l’avait affecté au-delà du raisonnable. Elle n’aurait jamais pensé que la perte d’un parent absent pût la choquer à ce point. Face à l’urne funéraire remise par les autorités, elle se questionnait inlassablement sur ce qu’avait été sa vie en compagnie du seul être ayant assumé son existence. Il avait fait de son mieux pour l’élever, malgré une charge de travail colossale. Elle n’avait matériellement manqué de rien, avait été bien nourrie, et gâtée au possible. A chaque retour d’une disparition professionnelle, il la comblait de cadeaux pour compenser l’absence. Il l’aimait.

Le deuil avait éteint une flamme qui s’était révélée tôt chez elle.

Son diplôme acquis, elle avait renoncé à tous ses projets d’indépendance pour postuler dans les bureaux du ministère de l’Information cadézien. Alita désirait être engloutie dans le néant que représentait la normalité, dans l’espoir de voir sa douleur anesthésier. Pourtant, le chagrin ne faiblissait pas. Il gangrénait son âme, puisait ses ressources dans la culpabilité de vivre alors que son unique famille était décédée.

Elle avait commencé à fumer diverses épices pour apaiser ses maux. En quantité suffisante pour déconnecter, sans altérer ses capacités cognitives.

Quelques séances de thérapie lui indiquèrent qu’elle acceptait la perte, mais pas sa justification. Le suicide était hautement improbable. La révolte avait succédé à la tristesse, et elle avait décidé d’enquêter. Elle avait utilisé ses anciennes relations sur Kemal Station, dans l’espace Hutt proche, pour façonner un réseau de renseignements efficace. Puisqu’elle était une jolie femme, les choses étaient souvent trop simples. Il suffisait de partager un dîner qui se prolongeait sur un acte charnel auquel elle consentait, sans s’abandonner. Là où son charme atteignait ses limites, elle épuisait ses économies pour corrompre. Son poste ministériel lui offrait l’accès aux ressources technologiques, aux accréditations, aux données gouvernementales.

Un jour, un étrange message crypté.
Sitôt le code déchiffré, l’histoire parlait d’un vaisseau scientifique abandonné, à la dérive, étrangement silencieux. Un tombeau de secrets.
Seulement, le trésor était dans l’espace impérial Sith. Un risque qu’elle avait encouru, sans prudence.

La découverte avait été choquante. Au-delà de ce qu’elle aurait pu imaginer en entreprenant un tel périple. Le scoop méritait d’être mis en lumière dans toute la Galaxie. L’équipage de pilleurs qu’elle avait accompagné ne s’était intéressé qu’au matériel scientifique coûteux, là où elle avait photographié les rapports, copié les données. Leur présence à bord n’avait pas tardé à réveiller un léviathan, et ils avaient fui non sans essuyer des pertes dont elle ne faisait heureusement pas partie. Leur échappatoire avait été attendue par une navette militaire qui les avaient capturés.


Sous les néons violacés d’une cellule sans hublot, Alita avait perdu la notion du temps. Elle comptait les moments où elle se réveillait. Trente-deux réveils dans cette prison spatiale. Vêtue d’un pyjama noir de prisonnier, elle évaluait avec aigreur l’insigne impérial qui s’en détachait, aussi écarlate que son sang. On lui avait tout confisqué. Son droïde, ses datapad, son comlink. Tout ce pour quoi elle avait risqué sa vie sur cette barge infernale. De ses compagnons d’infortunes, aucune nouvelle. Elle ne s’était pas spécialement attachée à eux, mais elle aimait savoir.

Au trente-troisième éveil, une silhouette l’attendait de l’autre côté des barreaux électrifiés. Une officier en uniforme irréprochable la scrutait d’un œil autoritaire. Drummer examina en retour cette autre femme, au carré sombre, et à la peau mate. Sur sa poitrine menue, les barrettes successives indiquaient un grade de lieutenant, et son nom apparaissait juste au-dessus, cousu dans la matière. Narih.

« - Le Seigneur Hope souhaite vous interroger en personne, claqua la voix revêche de la militaire.
- C’est une sacrée chance. Le Castellan Noir. Savez-vous la procédure incroyablement mortelle qu’il faut enclencher pour espérer avoir une interview avec lui lorsqu’on n’appartient pas au corps de propagande impériale ?
- Réservez votre salive pour nous délivrer des informations plus pertinentes.
- C’est mon métier, délivrer l’information, ne vous en faîtes pas.
- Tendez vos mains, ne résistez pas, obéissez, indiqua Narih alors qu’elle déverrouillait les barreaux. »

Alita s’exécuta.

Après avoir traversé une bonne partie de ce qui ressemblait à une frégate, on la poussait dans une cabine plus luxueuse que la cellule qu’elle avait occupée. Ses mains entravées par une paire de menottes dernier cri étaient croisées devant elle. D’un pas hésitant, elle approcha un hublot assez immense pour être considéré comme une baie d’observation. Enfin, elle voyait les étoiles. Leur rayonnement paresseux lui avait manqué. Son derme pâle reflétait une luminosité que sa chevelure ondoyante absorbait. Profitant du calme, elle rassemblait ses connaissances sur le Castellan Noir. On ne savait pas grand-chose de lui, en dehors de l’Empire. Ses biographies étaient succinctes, évaluées et approuvées par les services impériaux. Son origine hapienne était notoire, tout comme son statut de Sith.

Elle n’en avait encore jamais rencontré.
Lloyd Hope
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- Ce putain de Castellan a des lubies, c’est moi qui te le dis.
- Mouais.
- Combien d’années qu’on surveille c’te pauvre barge abandonnée ?
- Boaf…
- Au moins trois ans. Le pire job que j’ai jamais eu. Il s’y passera jamais rien. Il délire, je te dis !
- Mouais.

Le sergent Griff était un balosar petit et nerveux, qui n’arrêtait pas de gigoter dans le siège passage de la navette au matricule XC-89. Et cela faisait bien, en effet, plus de huit cent jours que cette navette patrouillait à distance du Stonx, ses radars interrogeant constamment l’espace. Le sergent Griff et son acolyte, le besalisk Anogg, si massif qu’il tenait à peine sur le fauteuil de conception impériale – privilégiant largement les standards humains – avait l’air de dormir continuellement sous les babillages intempestifs de Griff. Avant Griff, il avait connu deux autres sergents, tout aussi ennuyés de cette mission répétitive et interminable, sans jamais aucune surprise – car personne, jamais, ne visitait le Stonx. Anogg supposait qu’il devait s’agir d’une punition. Quand un sergent était inutile ou commettait une faute, on l’envoyait surveiller le Stonx. Et lui, Anogg, était juste un simple pilote sur qui était tombée cette tâche de promener des sergents boudeurs autour d’une barge désertée depuis longtemps.
Il était philosophe. Sa situation lui convenait bien.

- Qu’est-ce que tu crois qu’il y a là-dessus ?
- Boaf…
- Moi j’ai réfléchi, figure-toi. Je me dis si le Castellan avait voulu protéger un truc, il aurait mis le paquet. Mais là, nous, tous seuls ? On n’est pas capables de défendre quoique ce soit !
- Boh…
- Donc, c’est pas ça. Donc, il a juste peur de quelque chose en rapport à cette barge.
- Mmh…
- Ou alors, c’est un piège. Un piège laissé là, à la dérive. Pour quelqu’un qui viendra un jour. Ou reviendra, souffla Griff à voix basse, théâtral.
- Mmh ?!

Griff fut surpris de l’intérêt soudain d’Anogg. Le besalisk aux quatre bras et au quadruple menton s’était redressé soudain pour regarder intensément le tableau de bord.

- Qu’est-ce que c’est ?

Sur l’un des radars, un écran où passait inlassablement un trait vert lumineux, un point rouge clignotait. Les antennes de Griff s’agitèrent.

- Y’a… Y’a quelqu’un ?
- Y’a quelqu’un, confirma gravement Anogg.
- Mais… mais c’est impossible.
- Ben si, si, c’est possible…
- Mais qu’est-ce que, on a jamais eu ce cas avant…
- Il faut prévenir l’Etat-Major, sergent.
- Incroyable. Griff ! Préviens l’Etat-Major !











- Asseyez-vous, je vous en prie.

La voix du Castellan était calme, presque douce, et aurait pu être rassurante si elle n’émanait pas de sa silhouette rigide qui sortit d’un coin d’ombre, dans le dos d’Alita. Celle-ci eut un mouvement surpris pour se tourner vers lui, et il l’évalua de ses yeux froids, vides de toute expression. Son allure ressemblait certainement à ce que les holos pouvaient de temps à autre diffuser sur lui : un uniforme noir, une silhouette grande et un visage taillé au couteau, que des années de service impérial avaient rendu sévère. Pourtant, il gardait les traits délicats des hapiens, et sa chevelure blonde adoucissait ses prunelles vertes.
Comme le temps s’étirait, Lloyd Hope désigna une banquette, d’une main gantée, courtoise, mais qui ne laissait guère de place au choix. Il contempla la jeune femme s’asseoir – ses cheveux en cascade sombres, sa peau pâle qui tranchait avec la tenue noire des prisonniers. Elle avait l’air de vouloir conserver une certaine dignité. Elle n’avait encore jamais été brisée, songea-t-il, ou pas de la main impériale, en tous les cas. Lloyd décrocha finalement son regard pour aller s’asseoir sur la banquette en face d’elle croisant ses mains devant lui – un coup d’œil vers les étoiles. L’éclairage de la pièce était feutré, les banquettes confortables. Il y avait même quelques tuyaux en métal permettant de tirer de l’eau et du fluide nourrissant dans un gobelet métallique. C’était bien une cellule, mais avec la vue sur l’espace et l’accès à des sanitaires et de quoi se nourrir, c’était une cellule luxueuse.

- Je l’ai faite aménager pour vous, dit simplement Lloyd avant de la regarder de nouveau. Vous êtes ici chez moi, sur la frégate Melantha. En avez-vous déjà entendu parler ?

Il guetta le regard de la jeune femme, le mouvement discret de ses doigts.

- Toutes mes condoléances, pour votre père.

Le silence, de nouveau. L’aura de Force de Lloyd se répandait dans la pièce, sombre et invisible. Il ne savait pas si la prisonnière y était sensible – l’on disait qu’il corrompait les cœurs, faisait émerger en vous ses propres émotions sombres, comme un écho à vos propres expériences. Au-delà de la porte, il devinait que Narih faisait les cent pas dans le couloir. Elle avait désapprouvé qu’il s’entretînt avec cette femme, seul à seule, sans surveillance. Mais il n’était pas inquiet. Et il voulait garder cette conversation privée, dusse-t-il attiser la jalousie d’une seconde femme.

- Ne soyez pas surprise. Les Sith ne sont pas dénués de sensibilité, contrairement aux apparences.

Son allure, pourtant, semblait vouloir dire précisément le contraire.

- Et nos services de renseignement s’intéressent aux talents et aux opportunités, et non seulement aux menaces.

Il se redressa légèrement pour s’adosser au métal sombre de la frégate. Sa voix restait basse, calme, loin du donneur d’ordres que les ennemis de l’Empire s’imaginaient.

- Les sensitifs à la Force pensent que celle-ci ne laisse rien au hasard, reprit-il. Il est trop tard pour rebrousser chemin, madame… Drummer. Venir au Stonx, c’était venir à moi. Vous n’êtes pas là par accident. Dites-moi ce que vous êtes venue chercher.

Etait-ce lui qu’elle était venue découvrir ? Ou un fragment de son passé ? Ou bien, apportait-elle l’un de ces fragments avec elle ?
Alita T. Drummer
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Deux années auparavant,

Alita avait suivi les instructions, adoucie par une curiosité mordante. Le Castellan Noir, en personne, lui parlait et s’animait sous ses yeux colorés de fascination. Un personnage de cette importance, elle considérait sa chance. Peut-être que cette rencontre lui offrirait le précieux sésame de la célébrité. Les plus grands organes de presse galactiques devraient reconnaître son talent. Toutefois, la beauté hapienne que sublimait un mystère obscur ne suffisait pas à effacer ce qu’elle avait découvert sur le Stonx. L’opinion publique oublierait bien vite la figure impériale à côté du scoop dangereux qu’elle avait chiné à bord de la barge maudite.

Deux aubaines. L’une plus attirante que l’autre.

« - Mademoiselle, corrigea-t-elle avec l’aplomb qu’exigeait sa profession, malgré la stature intimidante de son hôte. Je ne suis pas encore si vieille, ni mariée. Alita, suffit. Alors, je ne vous courais pas après. Je tiens à préciser que j’ai déjà mis les pieds dans la procédure incroyablement absurde pour vous rencontrer et que j’ai fait chou blanc, comme la plupart de mes collègues. Des personnes, dans l’Empire, ne veulent visiblement pas trop que les journalistes vous approchent, Monsieur Hope. »

Alita avait constaté, au fil de son expérience, que les personnalités publiques que l’on muselait subtilement avaient un caractère potentiellement explosif. Qu’elles ne savaient pas contrôler leurs paroles. Qu’elles avaient des secrets qu’il ne fallait pas déterrer. Les autorités, qu’elles fussent républicaines ou impériales, préféraient jeter des esprits capables de contrer l’appétit des requins que représentaient les reporters.

« - Je ne suis pas surprise, si ce n’est de vous voir au courant pour mon père. Je ne pensais pas que vos renseignements avaient accès à ce genre d’informations, gardées entre les murs de la République, dont je fais partie. Je ne connais pas les Siths. »

L’aura ténébreuse diffusée par le hapien écrasait l’inconscient d’Alita, là où se terrait sa propre Force – endormie, mais vivante. La cadézienne ressentait comme une gêne qui parasitait ses pensées profondes, semblable à une perturbation pernicieuse qui cherchait la moindre faille. Drummer s’efforçait d’étouffer le sentiment d’attraction dont l’invisible corruption la menaçait. Elle avait croisé ses jambes sur la banquette, les poignets liés reposant sagement sur sa suite. C’était un exercice mental : elle n’était pas en tenue de prisonnière, mais en tailleur élégant, ne se trouvait pas au cœur d’une cellule dorée, mais dans un salon ouvert – exerçant une interview en toute liberté.

« - Je ne cherche rien. Je travaille, vous savez, c’est professionnel. A ce propos, m’accorderez-vous quelques questions ? Je ne prendrai pas beaucoup de votre temps. Juste ce qui est nécessaire. »

Du virus, elle ne pipa mot, préférant éloigner le sujet de leur conversation : par instinct de survie, principalement. La jeune femme n’était pas dupe. Il avait très certainement des méthodes, ou le pouvoir, de la mener aux aveux. Elle n’avait jamais rencontré, ou connu de Sith, mais elle s’était plusieurs fois heurtée à leur réputation. Des on-dit, principalement. Dans les cantinas des stations spatiales, il existait toujours ce type qui, un jour malheureux de son existence, avait croisé le chemin d’un Sith.

Lloyd Hope devait être l’un des Siths les plus redoutables de l’Empire. Il serait capable d’écorcher son âme vulnérable avec facilité, mais il préférait visiblement parler, et explorer une voie sensible. Alita ne s’en plaindrait pas. Sur ce terrain, elle souhaitait bien le suivre.

« - Beaucoup de monde désire vous connaître. Vous êtes à la tête de l’une des plus grandes armées de la Galaxie. Vous avez le pouvoir d’annihiler des mondes entiers, mais j’ai celui de mettre l’opinion publique de votre côté, ou contre vous. Une plume, dans une plaie, qui remue des mots, et des mots, et tout s’embrase. »

En dépit de son assurance qui renforçait un charme intangible, elle évitait scrupuleusement tout contact visuel avec lui, dans l’espoir de se préserver des tours de Force. Elle s’entêtait à admirer la cabine qu’il avait fait préparer pour elle. Plaisantait-il ? Les Siths n’étaient, d’après lui, pas dénués de sensibilité, mais avaient-ils le sens de l’humour ? Autour d’elle se dressait les tonnes d’acier de Melantha. Chez lui, avait-il précisé. Elle ne possédait aucune information sur la frégate, n’avait pas le souvenir d’avoir lu ou vu quelque chose à son propos. Aurait-elle dû ? Le doute se propageait lentement, renforcé par la proximité avec l’Obscur.
Lloyd Hope
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Les yeux du Castellan ne l’avaient pas un instant quitté du regard. Il la contemplait presque comme un animal rare, qu’il avait l’opportunité rare de voir de près. Une créature exotique, qui le surprenait par sa nonchalance, son aplomb – sa jeune aussi, peut-être. Un instant ou deux, une expression fugace passa sur le visage hapien, à peine perceptible, mais elle s’était déjà enfuie et son masque redevint sévère. Il pinça les lèvres, mais finalement un sourire étira un côté de sa bouche, discrètement. Puis un léger rire amusé froissa le coin de ses yeux, comme s’il n’avait pu l’empêcher.

- Vous avez expérimenté la procédure absurde pour me rencontrer, mais vous ne me cherchiez pas. Vous avez une drôle de façon de ne pas chercher les gens, mademoiselle.

Le hapien se redressa le temps de croiser les bras, et il s’enfonça un peu plus profondément sur la banquette pour se mettre à l’aise. Le petit sourire en coin avait décidé de rester marquer son visage amusé – et amusé, il l’était. Rares étaient les amusements à bord de Melantha. Longues étaient ses nuits anxieuses, à s’inquiéter d’une épouse sur qui le monde entier voulait poser les yeux, s’inquiéter d’enfants qui étaient les meilleures proies pour s’attaquer à l’Empire, s’inquiéter de ses hommes et femmes qui le côtoyaient chaque jour et qui attendaient la victoire, s’inquiéter enfin des mille questions que requéraient la sécurité de leurs frontières.
Au milieu de cet ouragan de débris volants dans l’espace sombre derrière les pupilles vertes du Castellan, un oiseau venait de se poser, à chanter avec fraîcheur, avec une sorte de naïveté qui lui tirait ce sourire.

- Drummer n’est pas un nom si anodin, répliqua-t-il simplement au sujet des renseignements qu’ils détenaient sur elle – si Alita avait dû patienter si longuement avant son interrogatoire, c’était parce qu’il voulait précisément savoir qui elle était.

Les services de renseignement impériaux étaient rapides, mais il fallait malgré tout leur laisser plusieurs heures pour rendre des rapports pertinents. Il savait aussi qu’elle était désormais journaliste. Elle en avait d’ailleurs la posture professionnelle malgré sa tenue de prisonnière, et le sourire du Castellan se tarit. Ses sourcils se froncèrent bientôt – il y avait une raison simple à la difficulté exceptionnelle d’obtenir une interview avec Lloyd Hope : il détestait les interviews.

- Je ne suis pas sûr que vous soyez bien consciente de ce que vous dites là, mademoiselle Drummer. Supposer que vous avez actuellement le pouvoir de mettre l’opinion publique de mon côté implique que vous pensiez avoir le pouvoir de sortir d’ici pour raconter librement le contenu de nos échanges, ce qui n’est pour le moment pas exactement acquis.  

Il avait dit ça sans animosité. Il pencha la tête de côté brièvement, haussant les sourcils comme pour juger gentiment si elle saisissait ce qu’il était en train de sous-entendre : la cellule avait beau être plus agréable que les habituelles geôles impériales, Alita Drummer restait une prisonnière. Mais soudain il prit une inspiration.

- Mais soit. Je n’ai pas souvent l’occasion de me plier à cet exercice, ce pourrait être un bon entraînement. Disons que je réponds à une question, chaque fois que vous répondrez à l’une des miennes. Mmh ?

Le hapien n’usait pas de la Force outre mesure. Elle était juste présente avec lui, au même titre que l’air recyclé qu’ils respiraient, que la fraîcheur sèche qui léchait leur peau, que le grondement lointain des moteurs de la frégate, que les secousses à peine perceptibles qui berçaient les banquettes. Son élément.
Lloyd releva quelque peu le menton.  

- Il va de soi que si vous voulez des réponses sincères, il faut en donner autant. Et vous n’avez pas atterri sur cette barge au hasard. Quelqu’un vous y a attirée. Je veux savoir qui, et ce que vous pensiez y trouver. Et ce que vous y avez trouvé.

Devant le hublot, un groupe de chasseurs impériaux défila rapidement, striant l’espace d’arcs lumineux qui éclairèrent l’habitacle le temps de brefs instants – éclairant ici les courbes chatoyantes et sombres d’une chevelure sauvage, là une discrète marque de brûlure près d’une tempe blonde.
Alita T. Drummer
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Deux années auparavant,

Un journaliste n’est pas un enquêteur. Nous cherchons des réponses. Quand nous les obtenons, nous les publions. C’est la base de notre travail. Les réponses fausses se retournent donc, souvent, contre ceux qui les ont fournis. Mais, vous avez de la chance. Je suis une véritable journaliste d’investigation, je ne recherche pas la sincérité, mais une vérité objective. Je l’ai rarement avec un seul point de vue. » expliqua-t-elle avec sérieux, auréolée par la lumière stellaire qui chassait les ombres de la cabine. Le mouvement silencieux des chasseurs avait attiré son attention, et elle s’était permise d’admirer une seconde du spectacle véloce.

Il s’entêtait à lui tirer des informations sur la barge. Sans revenir aux traits agréables du hapien, elle ferma les yeux, abandonnant son esprit au passé.


« - Bienvenue à bord du…Dévoreur de Terentatek, annonça une voix tranchante appartenant à un humain perdu entre deux âges.

Marcus Van avait laissé sa chevelure pousser, mais se rasait toujours de près. Ce mercenaire aux dents longues possédait un instinct de survie basé sur l’expérience brute. Quelques années plus tôt, il avait engagé son ultime mission de braconnage sur le monde hostile de Galidraan, à la recherche d’une créature fugueuse. L’échec de l’opération lui avait coûté un bras, deux membres d’équipage, et une bonne once de dignité, en plus de le laisser sur la paille. Il avait rongé ses maigres économies en écumant les établissements aux activités illégales. Le capitaine Van avait touché le fond, pour mieux rebondir. La chance lui avait souri au détour d’une partie de carte animée. Les gains lui avaient permis de racheter un vaisseau et d’engager deux nouveaux chasseurs de prime, recrutés dans les viviers putrides de l’Alliance Extérieure qui étendait son influence au-delà de Cadézia et propageait son idéologie à toutes planètes aux populations oppressées par une République trop gourmande.

De ces nouvelles recrues, actives dans le réseau révolutionnaire, Alita avait reçu le précieux message crypté, par l’intermédiaire d’un informateur anonyme.

A bord du Dévoreur de Terentatek, elle avait été accueillie dans une atmosphère studieuse bien qu’anarchique.

« - C’est toi, le colis spécial.
- Je ne vais vraiment pas déranger, je ne cherche pas la richesse, mais les scoops.
- Aucun souci, sesatá, répliqua une proche-humaine au derme olivâtre, tatouée des sigles géométriques distinctifs du mouvement révolutionnaire.
- C’est donc une barge impériale ? demanda-t-elle approchant l’ilot de commandes, dans le cockpit circulaire du vaisseau. Des dizaines de diodes s’agitaient mollement. Leurs reflets chatoyants piquaient la peau diaphane d’Alita.
- Scientifique. Très peu surveillée, pour ne pas attirer l’attention, elle dérive depuis des années, mais semble étrangement suivre une orbite, expliqua un jeune Twi’lek aux lekkus mauves.
- Et si c’était un piège ?
- Nous serions déjà morts, l’Empire ne fait pas de prisonniers.
- Leitmotiv de sa sacro-sainte Impératrice, ajouta l’humaine avant de lui tendre une main. Je suis Jania, et voici Syphax. Puis, je suppose que Marcus t’as déjà fait son petit numéro de charme.
- On se concentre, Jania, maugréa le concerné depuis le siège de pilotage. On approche la barge. Silence radio. Il va falloir équiper vos combinaisons, je ne sais pas dans quel état on va trouver le vaisseau.

Marcus céda la place au pilotage automatique. Une alerte visuelle fendit l’air et la gravité du vaisseau s’éclipsa. Leurs corps se mirent à flotter. Drummer avait l’habitude des environnements à faible G, ce qui ne semblait pas le cas de Syphax dont l’ossature twi’lek luttait drôlement contre la perte d’attraction gravitationnelle. Elle l’aida de bon cœur, jusqu’au pont inférieur où ils trouvèrent l’équipement pour préparer un abordage clandestin. De toute l’horreur qui suivit, Alita n’oublierait jamais le sourire enthousiaste du jeune alien, derrière la vitre de son casque.


Le fil obscur de la Force, si ténu dans l’espace luxueux de la cabine-prison, l’attira dans le présent. Elle croisa le regard du Castellan, n’arriva pas à le soutenir sans risquer de perdre ses moyens.

« - Vous avez capturé le capitaine Van. Nous étions les seuls survivants. Il peut vous fournir les informations que vous cherchez. Parce que, vous savez, on m’attire tout le temps, partout. Mes informateurs sont des sources anonymes. Certains sont peut-être même dans les rangs de vos propres renseignements, qui sait ? Je ne pensais rien trouver. J’avais plutôt tendance à penser que c’était un piège. Ça a été bien pire. »

Il ne pouvait ignorer tous les tests qu’on lui avait fait passer lors de son incarcération, des ponts plus bas. Le personnel médical en combinaison absolue qui l’avait monitorée sur des heures, les prises de sang successives.

« - Pourquoi ne pas détruire cette barge ? L’incident vient de vous prouver que ce secret n’est pas hermétique. Et pourtant, vous vous en tenez éloigner également ce qui me laisse penser que vous n’avez aucun contrôle sur son trésor. »

Elle quitta la banquette pour approcher. Face à lui, elle était petite, mais redressait le menton. Alita tendit ses poignets entravés.

« - Pourquoi avoir aménagé une cabine pour moi ? Si vous considérez que je mérite ce luxe, je ne devrais pas mériter ces chaînes. »

Finalement, elle trouva le courage d’accrocher ses yeux à ceux de l’officier suprême. Deux étendues de jade se rencontrèrent et Drummer oublia de battre des cils, surprise – à cette proximité franche, par la beauté délétère du Sith. De tous les monstres de la Galaxie, celui-ci devait être beau, parfait, béni par une génétique bienheureuse. Ces monstres-là étaient les plus dangereux, car leurs charmes rendaient difficile la probabilité de les haïr.

Lloyd Hope
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- Une vérité objective, répéta-t-il.

Lloyd Hope acquiesça avec une mine qui traduisait vaguement son doute.

- En dehors des chiffres et données techniques des vaisseaux sur lesquels j’ai pu travailler, j’ai rarement croisé des vérités objectives, dit-il pour expliquer sa moue nonchalante.

Néanmoins, il écouta les explications avec attention. Son visage s’assombrit bientôt. Mademoiselle Drummer bottait en touche, de nouveau. Il soupira avant de secouer la tête dans un signe négatif.

- Bon, j’accepte que vous ne cherchiez rien d’autre qu’un scoop sans avoir où vous alliez et pourquoi vous y alliez, même si cela paraît peu probable. Cette barge est à l’intérieur des frontières impériales et il ne me semble pas que vous disposiez d’une autorisation d’entrée sur le territoire. Mais pour ce qui s’est passé à bord, je regrette, il n’y a que vous qui puissiez m’en parler.

Le Castellan eut un sourire triste en la scrutant, comme s’il avait une compassion sincère.

- Je crains que le Capitaine Van ne soit pas en état pour répondre à mes questions, j’en suis sincèrement navré. Son état s’est dégradé depuis son arrivée. Il est en unité de soins médicaux, dans un état assez critique. Il a été victime d’une infection suite à ses blessures et au vu de sa provenance, il est important qu’il reste sous contrôle de haute sécurité. Nous l’avons placé dans un coma artificiel pour pouvoir le soigner sans risque.

Il avait dit cela avec douceur. Bientôt, il s’adossa de nouveau à la paroi, les lèvres pincées, pour faire dévier son regard pensif vers le hublot d’observation, de nouveau. Le silence s’étira encore, comme s’il souhaitait lui laisser, avec pudeur, un temps et un espace pour encaisser la nouvelle difficile qu’il venait d’annoncer. Quant à lui, ses pensées dérivaient vers cette barge qui n’était plus visible d’ici. Un autre ballet de chasseurs impériaux était visible dans le lointain – un simple exercice. Melantha en faisait constamment.

- Pourquoi la détruire, au contraire, devrait être la question. Elle contient certes des choses terribles, mais lorsque nous l’aurons détruit, nous n’en aurons plus aucune trace, aucune preuve, aucune information, comme si c’était une chose qui n’avait jamais existé. Comme si ce n’était pas une vérité objective. Et pourtant, cela aura existé, mais faute de preuves, plus personne ne pourra rien documenter. En revanche, il n’est pas autorisé de s’y poser, au vu des dangers qu’elle recèle.

La voix du Castellan était un murmure régulier, rappelait étrangement le flux et le reflux sur une plage lointaine : il distillait les mots dans la Force, et ceux-ci s’éteignaient. Et puis d’autres. Il la regardait comme s’il contemplait ce même paysage.

- Il y a autre chose, chuchota-t-il en penchant la tête de côté, comme pour lui faire une confidence. Ce qui a été créé sur cette barge est de l’ordre du crime, ne trouvez-vous pas ? Or, l’auteur d’un crime revient toujours sur les lieux, dit-on. Lui, ou son équipage, ou sa descendance, ou ses alliés, qu’importe. Alors, nous l’y attendons.

Il haussa les épaules, comme s’il n’y avait guère grand-chose de plus à dire à ce sujet. Lloyd eut ensuite un regard circulaire sur la cabine étroite.

- La cruauté n’est pas le premier réflexe des Sith. En tout cas, pas celui de tous les Sith, expliqua-t-il. Vous avez commis un délit en vous rendant sur une propriété militaire impériale sans autorisation. Mais j’ai le pouvoir d’empêcher toute sanction si vous m’apportez les informations dont j’ai besoin. Et pour avoir une conversation agréable, je préfère autant que vous soyez dans de bonnes dispositions. Vous préfériez votre cellule des derniers ponts inférieurs ?

C’était évidemment une question rhétorique.

- Moi je préférais vous savoir ici. Vous voyez ? Je réponds à vos questions de mon mieux. Ce n’est pas exactement ce que vous avez fait il y a quelques instants, mademoiselle Drummer. Vous pouvez répondre aux miennes ? Comment avez-vous eu cette information, par qui, et qu’avez-vous vu à bord.

Soudain le Castellan se redressa pour se mettre tout au bord de sa propre banquette et se pencher en avant : la cabine demeurait très exiguë, et un tel mouvement lui conférait une proximité soudaine. Alita pouvait soudain sentir son odeur – celle de son uniforme, surtout : le linge propre, une discrète fragrance hapienne. Il y avait par ailleurs une prière sincère dans ses prunelles vertes, et il murmura, d’une voix à peine audible :

- Je ne veux pas vous faire de mal, mademoiselle Drummer.
Alita T. Drummer
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Deux années auparavant,

Elle ramena ses bras contre elle, comme pour se prémunir d’un contact inopiné que provoquerait la proximité, mais elle n’échappa pas aux autres stimuli qui percutèrent son cerveau. Le parfum, l’éclat émeraude rejoignirent les mots murmurés de courtes secondes plus tôt. Les menottes disaient pourtant le contraire. La cabine n’était qu’une illusion.

Acculée, elle fournit l’effort de souvenir.





« - Tu le trouves comment ? grésillait la voix de Jania dans le silence de l’espace noir.
- Qui ? répliqua Drummer, concentrée sur sa propre respiration.
- Marcus.
- Il lui manque un bras.
- Sérieusement, vraiment ? Il te dévore des yeux depuis que tu nous as rejoint.
- Je n’ai pas remarqué, j’aimerais juste avoir rendez-vous avec mon scoop.
- Oh, je vois, mariée à son travail hein ?
- Eh oui, ce n’est pas de la tarte tous les jours.
- Jania, Alita, les coupa l’intervention de Van. Syphax a réussi à forcer le système d’ouverture. »

Leurs silhouettes réfléchissantes étaient reliées par un fil solide, dans l’ombre inquiétante du Stonx. Le twi’lek en tête avait achevé son œuvre d’abordage et ils purent quitter le vide spatial, les uns après les autres, pour pénétrer l’inquiétant sommeil de la barge. Ils abandonnaient le Dévoreur de Terantatek derrière eux, ainsi que la beauté d’un paysage où mourraient les étoiles. Pas un grincement ne les accueillit, ni le ronronnement familier des réacteurs. Un calme austère avait englouti l’acier qui sombrait à la dérive.

« - Je rappelle l’objectif : on pille ce qu’il y a et on se tire. On a une heure avant que les Impériaux ne repèrent le Dévoreur. Syphax ? Transmets les plans du vaisseau.
- On se sépare ? proposa Jan’.
- Pas une bonne idée. Je compte pas perdre mon temps à chercher ceux qui se sont égarés, ok ? Alors on reste groupé.
- Tu veux qu’Alita te colle aux basques, patron ?
- La ferme, où tu vas te les prendre dans l’arrière-train, mes basques. »

L’humaine ricana. Drummer avait lâché un sourire absent, trop absorbée par le décor. Non loin de son épaule, Pi flottait, ses capteurs actifs. Il n’émettait pas un son, car elle avait pris soin de graisser ses hélices avant d’embarquer pour ce job infernal, mais passionnant. Elle avait déjà son datapad en main et dès qu’elle croisa une console en veille, entreprit de se connecter à son terminal holographique tandis que les autres évaluaient l’équipement brut ;

« - Ils étaient technologiquement en avance, quand je vois les comm’, on a les a pas développés avant l’année dernière.
- C’est souvent le cas dans les laboratoires scientifiques sans existence formelle, commenta la journaliste, car elle se souvenait que son propre père lui apportait souvent des gadgets qu’elle ne verrait que des années plus tard. C’était la définition même de la recherche et du développement. Syphax annonça que les systèmes énergétiques de la barge tournaient à bas-régime, depuis toutes ses années. L’éclairage, et autres fonctionnalités, avaient été détournés pour alimenter autre chose. Ils devaient avancer à la lueur de leurs lampes torches. L’écran holographique du casque se reflétait sur le joli visage d’Alita. Le technicien précisa que l’oxygène n’était pas présent en suffisance, mais que les systèmes gravitationnels opéraient toujours. A cette information, elle désactiva l’option de ses bottines permettant de singer la gravité.
- Pi, tu me dupliques toutes les données que tu peux, ordonna-t-elle avant de trébucher sur un câble jaillissant du sol. La poigne ferme de Marcus Van l’empêcha de tomber et au travers de leurs visières, leurs regards se rencontrèrent.
- Fais attention où tu mets les pieds.
- Je pourrais dire pareil pour tes mains, sourit-elle. »

Les doigts masculins quittèrent la taille de sa coéquipière, et ils s’enfoncèrent plus loin dans les profondeurs du fleuve maudit.

Les mémoires s’effacèrent pour révéler la figure hapienne. Aucun d’eux n’avaient rompu la proximité qui s’était figée entre leurs corps.

« - Je ne sais vraiment pas qui m’a envoyé ces informations, mais le message était crypté selon certains codes de l’Empire. A bord, tout ce que j’ai vu c’est la mort. Partout. Mais si vous souhaitez, je peux vous accompagner à bord, et vous faire une visite guidée ? Attention aux niveaux inférieurs, ils regorgent de créatures fantasques, mi-humaine, mi-onnesait trop qui vous prennent pour leur plat de consistance. Elles ont littéralement….dévoré Jania. Et croquer Syphax avant qu’il ne devienne comme elles. »

Les prunelles d’Alita vacillaient sous le choc enduré, alors que les cris lointains surgissaient à ses oreilles, émis par des bouches souffrantes et invisibles. Entre les menottes, ses mains tremblaient fébrilement, mais elle ravala la crainte qui menaçait de l’envahir.

« - Marcus…Van, » hésita-t-elle. « Il…va s’en sortir vous pensez ? »

Elle ne s’était pas complètement attachée à eux, mais elle aimait savoir. Elle savait ce qu’il advenu du sourire innocent de Syphax, de l’entrain bienveillant de Jania. Maintenant, elle souhaitait connaître le sort qui attendait Marcus dont les yeux l’avaient dévorée.

« - Ecoutez, je suis encore terrorisée par ce que j’ai vu là-bas, avoua-t-elle du bout des lèvres. »

Lloyd Hope
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L’oiseau s’était quelque peu tassé au fond de sa cage. Lloyd n’était pas plus déçu que cela. On n’apprivoisait pas des créatures si vulnérables en quelques minutes de discussion. Il faudrait du temps à Alita pour qu’elle s’habituât à sa présence sombre, à son regard exigeant, au ronronnement de son navire. D’une certaine manière, même, il était satisfait : l’oiseau chantait comme on le lui avait demandé. Les réponses, néanmoins, lui tirèrent un bref soupir, et il se réinstalla dans la banquette pour lui laisser de l’air.

- Ce ne sera pas nécessaire, pour la visite. J’y ai déjà été. J’étais aussi peu psychologiquement préparé que vous à voir ces monstres.

A les entendre hurler, à les entendre griffer les portes, à les entendre dévorer ses congénères. L’effroi qui l’avait saisi lui revint en mémoire, comme dans un songe. C’était bien avant Dana, avant Melantha, avant ses petites filles - ses petites filles, Seigneur - avant la prise du trône, avant Darius. Avant tout, en somme. Il parut un bref instant troublé avant de reprendre ses esprits.

- Le choc va encore être désagréable pendant quelques jours, reprit-il en la regardant. Puis cela ira mieux ensuite, ne vous inquiétez pas.

Pourtant, si elle restait à bord, elle serait prise dans la toile des émotions sombres qui rampaient dans l’entourage du Castellan, et n’aurait que plus de difficulté à supporter en pensée les souvenirs des horreurs qu’elle a pu voir. Avec cette mémoire traumatique se mêleraient définitivement les sensations vécues à bord de Melantha, et Lloyd Hope le savait parfaitement. Il secoua la tête, l’air désolé.

- Non, je n’en sais rien, pour votre ami. Je ne veux pas vous donner de faux espoirs. Si c’est une simple infection liée à ses blessures, il devrait s’en sortir vivant. Mais si c’est… Vous souvenez-vous si une créature l’a touché directement ? L’a mordu, par exemple ?

Des flashs assaillirent de nouveau la mémoire du Castellan et il ferma les yeux pour les encaisser avec un frisson.

Croc, faisait le marteau sur le corps inerte d’une Inquisitrice. Et son cœur battait à tout rompre, de savoir si elle avait été mordue. Mais elle ne l’avait pas été. Il rouvrit les yeux pour s’ancrer de nouveau dans le présent, malgré le sang qui battait à ses tempes. Il pinça les lèvres, fit un effort pour s’intéresser de nouveau à la créature tapie sur sa banquette. N’était-elle donc qu’une victime, venue là par inadvertance ? Ce serait un terrible faux espoir : pendant des années, il avait attendu que quelqu’un se présentât à cette barge, pour effacer les traces de son passage, pour récupérer de vieilles données, qu’importait. Quelqu’un savait bien quelque chose à ce sujet. Et s’il ne pouvait pas passer la galaxie entière au peigne fin, il pouvait continuer à tendre des pièges en attendant avec patience qu’autre chose qu’une créature innocente s’y empalât par inadvertance. Ces personnes qui avaient une connaissance du Stonx, quelles qu’elles fussent, si elles étaient encore vivantes, devaient d’autant plus être angoissées maintenant que les deux personnes ayant vu le virus et ses effets, l’ayant pourchassé, étaient désormais les monarques – ou presque - d’une partie de la Galaxie.
Mais Alita Drummer pouvait effectivement n’être qu’un accident. Lloyd Hope se passa une main gantée sur le visage pour en effacer la lassitude, et il se reconcentra sur la jeune femme.

- Je sais que cela va être difficile, de parler de l’équipage qui vous accompagnait. Mais j’ai besoin de savoir, mademoiselle Drummer. Et au plus tôt vous aurez évacué ces informations, au plus vite je vous laisserai tranquille. Cet équipage, que venait-il chercher ? Il me semble avoir compris que les autres n’étaient pas des journalistes et je doute que vous employiez tout un vaisseau vous-même pour vos investigations.
Alita T. Drummer
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Deux années auparavant,

« - Je fais un plan fixe,. indiqua la voix professionnelle de Drummer, tout ce que tu as à faire est…de regarder vers l’objectif principal de mon droïde Pi.
- Là ?
- Non, plutôt là, tu vois ce qui ressemble à un œil noir.
- Ah ok, ok.
- Bon, il est important de me répondre le plus naturellement possible.
- Je vais passer à la holotélé ?
- Mh, ça dépend.
- Mon profil est bon là ? Je devrais pas…me…genre me tourner un peu plus.
- Non, non c’est parfait, Syphax, c’est ça ?
- Ouais, ouais je suis Syphax.
- Raconte-nous d’où tu viens, comment tu es arrivé sur le Dévoreur.
- Ben…je suis né sur Ryloth… »

Le jeune Twi-lek s’efforçait de conserver l’objectif en ligne de mire tout le long de son récit qui avait pour décors la coquerie flambante neuve du vaisseau. L’holocapteur de Pi ne capturerait pas l’odeur lyophilisée du café servi dans un tasse non loin des mains nerveuses du technicien. Hors champs, Alita prenait des notes sur son datapad, le nez froncé, assise sur l’un des sièges.



« - Mon premier vaisseau s’appelait l’Amberjack. C’était une sacrée équipe.
- Ils…
- Ouais, tous canés par un Terantatek, sur Galidraan. J’y ai perdu mon bras, en protégeant l’Impératrice Sith.
- Mais non ?
- Et si, vraiment, le monde est petit, tu trouves pas ?
- Il faut absolument me raconter ça.
- On a répondu à une offre plutôt alléchante, à l’époque, par la dirigeante de Galidraan. On était des braconniers et… »

Une alarme se mit à rugir dans les capteurs sensoriels de Pi. Des diodes stroboscopiques s’étaient mises à illuminer la cabine du capitaine dans laquelle se tenait l’interview. Marcus jura en quittant sa couchette.

« - On arrive près de la barge, je dois reprendre le pilotage manuel, mais ahm, une autre fois ? »


L’objectif holographique faisait la mise au point sur le minois sévère de Jania, dans la salle des machines, au plus près des réacteurs. Un halo bleuté enveloppait un décor mécanique, impersonnel, que façonnaient des boyaux d’acier. L’humaine avait les cheveux très courts, et colorés, mais ses yeux, qui possédaient l’opacité de l’onyx, lui conférait un petit air alien.

« - C’est l’Alliance Extérieure qui m’a trouvé ce job. Avant, j’étais à bord de transporteurs de gaz, je touchais un peu à la mécanique.
- Est-ce que cela rapporte bien de piller des épaves ?
- Je sais pas, j’attends ma première paie pour voir.
- Est-ce que….la voix d’Alita hésita. Est-ce que tu savais que Marcus avait rencontré l’Impératrice Sith.
- Ouais, ouais il la raconte à pas mal celle-là, mais je crois qu’il déraille.  Dans le milieu, on dit qu’il est plus vraiment le même depuis Galidraan. »




Face au Castellan, Alita tentait de rassembler les morceaux épars de ses mémoires. Pi lui aurait grandement facilité la tâche. Cependant, elle n’osait le réclamer, par crainte qu’ils le détruisissent. Elle avait ramené ses pieds sur la banquette et entouré ses genoux de ses bras fins, concentrée, le front plaqué contre ses cuisses. Drummer avait la carrure frêle, loin des gabarits que l’on pouvait croiser dans l’armée. Elle marmonna quelques mots incompréhensibles, répétait ceux de Hope.

« - C’étaient des pilleurs d’épave, des genres de mercenaire, .articula-t-elle enfin, le minois relevé vers son interlocuteur. -Marcus m’a dit qu’il avait déjà rencontré l’Impératrice Sith, sur Galindraan, qu’il..l’avait protégée et qu’il avait perdu son bras comme ça, mais les autres disaient qu’il déraillait. Peut-être que…c’est lui qui m’a envoyé le message ou…l’Alliance Extérieure, Jania en était membre. Ils ont…ces cinq dernières années ils se sont étendus partout, même dans votre Empire. Je crois que l’équipage ne savait pas pour le virus, ils pensaient plutôt trouver des super technologies à revendre. Mais si on m’a envoyé là, c’est que mon informateur était au courant de ce que j’allais trouver. Il voulait sans doute que je le montre à la Galaxie entière. C’est dans ces cas-là qu’on fait appel à moi. »

Avait-on mordu Marcus ? L’urgence soudaine la téléporta à des jours plus tôt, dans l’anarchie qu’imposait la survie. Elle n’en était pas certaine. A cette incertitude s’ajoutait la présence de Lloyd Hope à bord du Stonx, des années auparavant. Alita avait l’impression de confronter une image brisée en milliers de morceaux flottant qu’elle récupérait au compte-goutte. Prends du recul, lui avait souvent répété son père. Dans cette situation, le recul était impossible, car elle avait un mur dans le dos.

« - Attendez… »

Un détail avait surgi. Une nouvelle pièce du puzzle.

« - Le message..crypté avait une anomalie. Un truc que j’avais trouvé bizarre. La date d’envoi, elle correspondait à une année avant sa réception. Je crois…j’ai cru qu’on m’a envoyé ce message depuis le passé, mais j’ai trouvé l’idée ridicule, je me suis dit que ce devait être un maquillage de plus pour brouiller les pistes. »
Lloyd Hope
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Lloyd l’avait encouragé en secouant la tête lentement, d’un signe positif. Jusqu’ici, tout ce que disait la jeune femme concordait avec les récits obtenus par ses services de renseignement. Pourtant, au fond de lui, quelque chose le dérangeait : tout semblait désigner Alita Drummer comme une journaliste effectivement de passage, envoyée par quelqu’un qui voulait seulement révéler quelque chose. Mais ça ne collait pas. Il n’aurait su dire pourquoi, c’était un instinct personnel qu’il avait, une intuition. Ou bien était-ce seulement sa paranoïa qui le menait à refuser l’évidence ?
Il finit par soupirer de nouveau, et laissa aller sa tête contre la paroi de métal derrière lui. Il y eut un silence, puis il y eut un souffle moqueur, qui agita sa poitrine.

- J’étais sur Galidraan avec l’Impératrice et personne ne l’a sauvée là-bas à part moi, gronda-t-il, sourcils froncés.

De façon générale, les impériaux savaient éviter de poser des questions à Lloyd sur son lien avec Darth Hope. C’était un secret de polichinelle qu’ils étaient concubins ; surtout sur Melantha où Dana Shar avait opéré sous couverture. Vaisseau sur lequel on la voyait aussi régulièrement, logeant dans la cabine du commandant. Lloyd lui-même ne s’était jamais caché à bord lorsqu’il tenait Darius dans ses bras. Qu’il lui montrait la galaxie à travers la baie de commandement. Mais on savait aussi que leur vie n’avait rien d’un long fleuve tranquille. Darth Hope était mariée à un autre, et lorsqu’une conversation s’approchait, même de loin, de ce sujet-là, le Castellan devenait tendu et irascible. Le mystère restait donc entier à la façon dont il vivait les choses – si ce n’était qu’il les vivait en partie mal, et que la colère issue de ce couple émanait de son aura sombre.
Lloyd Hope garda un moment les dents serrées, puis un trouble passa sur son visage. Il redressa la tête pour regarder Alita, qui s’était recroquevillée. L’attitude de la journaliste ne lui inspirait pourtant guère beaucoup plus d’empathie.

- Attendez, Marcus Van, vous dites.

Finalement, ce nom lui disait quelque chose. Depuis le début, il tintait étrangement à son oreille. Mais oui, Marcus Van l’avait conduit sur les lieux du croiseur échoué, où Dana était partie à la recherche de Kiwi. Il se rappelait ce message absurde qu’elle lui avait envoyé à l’époque. Il s’humecta les lèvres, regarda Alita de nouveau.

- Non, il a vu l’Impératrice, c’est vrai. Il l’a amenée auprès d’un terentatek, fit-il, songeur, avant de hausser les épaules. Il n’empêche que c’est quand même moi qui ai été la chercher pour la sortir de ce guêpier-là.

De toute façon, il n’existait aucune autre narration possible. Si Dana était vivante, c’était parce qu’il la surveillait comme son joyau le plus précieux depuis maintenant des années. Il eut une vague pensée pour Vorian, le détesta intensément avant de déglutir pour se concentrer de nouveau. Il soupira.

- Sûrement une erreur, pour la date. Ou alors, quelqu’un avait préparé ce message pour vous un an plus tôt et l’avait programmé pour que vous le receviez maintenant, mais ça n’a pas de sens. Pourquoi faire une chose pareille.

Le Castellan s’impatientait. Il s’était mis à remuer discrètement l’une de ses jambes, et son regard se tourna vers le hublot de la porte. Ce dernier ne permettait pas de voir le couloir et ne reflétait que la cabine obscure, comme un miroir. Mais il savait que dans l’autre sens, c’était possible. Narih pouvait jeter un œil et le voir à tout instant. Dès qu’il toquerait contre le panneau, elle ouvrirait. Peut-être bientôt.

- Il n’y a aucun intérêt à programmer un message. Sauf si on pense que l’on va disparaître, évidemment.

Lloyd Hope cessa soudain de faire bouger sa jambe. Ses yeux alertes se détournèrent et il scruta Alita.

- De quoi votre père est-il décédé, mademoiselle Drummer ?

Le fichier des renseignements avait dû mentionner la cause du décès, mais il ne l’avait pas retenu, ne pensant pas que cela avait beaucoup d’importance sur le moment. Maintenant, il regrettait de ne pas avoir pris son datapad avec lui.
Alita T. Drummer
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Deux années auparavant,

Drummer avait analysé les micro-expressions qui avaient dérangé le visage de cire du Castellan au moment d’évoquer l’Impératrice. Le mystère épaississait autour de Galidraan et elle aurait souhaité en connaître davantage quand il appuya sur un sujet épineux, terriblement sensible.

Lorsque l’on fréquentait, de près ou de loin, la jeune cadézienne, on émettait le jugement certain qu’elle jouissait d’une indépendance bâtie sur sa force caractérielle. Son point faible demeurait les hommes, mais elle démontrait une aptitude à se débrouiller seule. Elle réclamait peu d’assistance, préférait porter secours plutôt que d’être secourue. Pourtant, elle avait toujours eu besoin de son père et il lui manquait affreusement. Elle dévia son attention sur la vitre, tenta de dessiner les traits d’Ethan Drummer dans la nuée d’étoiles qui les entouraient. Il possédait une mâchoire carrée et des yeux d’un vert menthe incroyablement purs, dont elle avait hérité. En revanche, il ne lui avait pas léguer sa tignasse cendrée et raide qui lui barrait souvent les yeux et qu’il devait gominer en arrière. Sa voix était grave bien qu’il n’eût jamais haussé le ton en sa présence. Toujours d’un naturel froid, calme, et en maîtrise absolue de sa personne.

« - Ils disent qu’il s’est suicidé, ou que c’était un accident, il n’y a pas de version officielle, répondit-elle d’une voix blanche, les iris éteintes par une colère sourde.

Son sang bouillait au creux de ses veines pâles, et elle avait contracté les muscles. Face à l’omerta républicaine, elle se sentait impuissante. Le gouvernement de Cadezia l’avait réduite au silence, mais elle allait persévérer. Même si la quête lui prendrait toute une existence ; c’était le sacrifice nécessaire pour atteindre la vérité et savoir.

Soudain, entre l’amertume et le chagrin, une connexion entre deux neurones provoqua une étincelle. Elle dressa vivement le minois et planta son regard droit dans celui du Sith, sidérée.

« - Ne me dîtes pas que…vous pensez qu’il a pu m’envoyer ça en prévision de… »

N’y tenant plus, elle bondit hors de la banquette pour se diriger vers la porte.

« - Je dois revoir le message, il faut me rendre mon datapad et mes affaires. »

La détermination brillait sur ses joues rougies de fébrilité. La cabine luxueuse ne comptait plus, ni le Melantha, ni l’Empire, ou le virus. Pas même Hope dont la beauté masculine troublait, flattant sa faiblesse première. Ses paumes blêmes touchèrent l’acier de la porte verrouillée. Sa condition captive lui dit l’effet d’un electrochoc et elle darda ses yeux sur Lloyd.

« - Je vous ai tout dit, tout. Libérez-moi maintenant, et mon droïde également, souffla-t-elle, les lèvres entrouvertes à la recherche de la moindre molécule d’oxygène. « - Si vous ne comptez pas me faire de mal, alors…je peux partir. »

Elle devait relire ce message pour mieux comprendre. L'impératif tournait en boucle entre ses tempes grondantes, formait une obsession viscérale.

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Le cliquetis des gestes d’Alita contre la porte de métal s’était entendu de l’autre côté, dans le couloir. Fronçant les sourcils, la lieutenante Narih, qui se tenait droitement à côté, eut un mouvement d’hésitation. Finalement, elle céda à la tentation et pencha son visage vers le hublot, où elle devina les traits de la jeune femme. La pauvre prisonnière devait vouloir s’enfuir, effrayée d’être ainsi l’agneau laissée seule avec le loup. Narih émit un sifflement moqueur en secouant négativement la tête.

- Désolée ma chérie, il fallait réfléchir avant de venir mettre ton nez dans les affaires impériales, marmonna-t-elle, consciente pourtant qu’Alita ne pourrait pas l’entendre.

Elle reprit son poste, les épaules rigides et les mains dans le dos.

- Mais je viendrai chercher ton cadavre si tu ne survis pas, t’inquiète.





A l’intérieur de la cabine, Lloyd avait attentivement regardé s’agiter l’oiseau en cage – la créature s’était heurtée aux parois dans sa panique avant de tenter de fuir vers la sortie. Mais c’était une porte close, et il sentit une sorte de peine à voir Alita s’écraser ainsi contre le panneau métallique, impuissante. Il laissa échapper un soupir et se leva à son tour, pour approcher Alita dans son dos.
La stature du Castellan était bien plus grande que celle de la journaliste. Il l’encadrait de son uniforme sombre, de son regard couvant et pourtant froid.  Ses deux mains gantées de noir se posèrent alors sur chacune des épaules d’Alita.

- Allons, allons.

La poigne du Sith aurait dû être aussi douce que sa voix le laissait présager ; pourtant elle était aussi dure qu’un avertissement, ses doigts refermés sévèrement sur les clavicules de la jeune femme – comme pour lui intimer d’obéir, de ne pas continuer cette folie qu’elle avait tenté de commettre : tenter de s’enfuir. Si elle sortait à cet instant, si elle courait, elle serait plus sûrement abattue comme n’importe quel gibier. Or, il ne voulait pas qu’elle mourût ; pas maintenant, en tous les cas. Un peu de sévérité était nécessaire pour lui faire comprendre qu’on ne sortait pas ainsi de la cage dorée qu’il lui avait préparée.

- Vous ne pouvez pas sortir d’ici, je suis navré. Les rares personnes qui avaient quelque chose à dire sur le Stonx et l’objet de son existence ont mystérieusement disparu. Si vous relâche ainsi et maintenant, qui sait qui viendra vous faire taire ensuite ? Vous êtes bien plus en sécurité ici.

Dans son dos, Alita pouvait sentir la proximité de l’uniforme qui frôlait ses omoplates. Il n’y avait dans cette proximité aucune sensualité ; mais l’aura de Lloyd s’écrasait cette fois entièrement sur elle, comme un poids glacé qui aurait pu la faire faiblir, la faire tomber à genoux, même. Mais elle restait debout, et le hapien gardait ses yeux posés sur cette chevelure bouclée, emmêlée, qui n’avait pas connu de soins depuis plusieurs jours difficiles, probablement. Comme un plumage que des vents contraires auraient tristement malmenés, et qui donnait envie peut-être de caresser doucement, pour les remettre en place. Mais le Castellan s’abstint de ce geste déplacé. Il faisait courir ses prunelles attentives sur les épaules frêles qu’il sentait trembler légèrement sous ses doigts rigides. Elle semblait si fragile.

- Dites m’en plus, souffla-t-il subitement à l’oreille d’Alita, si bas que le son de sa voix n’était plus audible, seul le souffle laissait deviner des mots. Dites-moi ce dont vous vous souvenez concernant la mort de votre père, mademoiselle Drummer. Qui était-il ?Je sais que c’est difficile, mais vous le devez.

Il y eut un silence fébrile, puis il resserra doucement ses doigts capricieux, pour lui faire comprendre qu’elle n’avait aucun choix, au fond. Son nez était proche de l’oreille de la journaliste, cette fois, et il sentait l’odeur de ses cheveux, il entendant les expirations terrifiées de la frêle créature. Leurs propres états d’âme s’entremêlaient à côté de la Force, sa frustration, grondante mais silencieuse, et la terreur d’Alita, incisive mais inoffensive.
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Tétanisée par la crainte et une fébrilité inavouable, Alita retenait précieusement sa respiration qui fuyait à toute allure. Elle tentait vainement d’échapper le souffle masculin qui percutait sa peau, mais il avait l’ascendant, dressé dans son dos délicat. Contre l’armature de la porte, ses ongles griffèrent lentement le métal alors qu’elle s’efforçait d’ordonner ses pensées misérables parasitées par la fragrance hapienne et le contact de ses doigts autoritaires.

Première leçon acquise : Les Siths n’avaient aucune parole.

Qu’avait-elle cru ? Il lui ferait mal. Peut-être n’attendit-il que cela, au détour d’une insoumission inévitable, car elle ne comptait pas demeurer sa captive. Elle avait une existence à mener. Le Stonx avait signé le début d’une monumentale erreur de parcours et voilà qu’elle était propulsée entre des griffes dangereusement attirantes.

« - C’est personnel, murmura-t-elle, les yeux fixés sur le hublot à la vitre sans tain. Aveugle au monde extérieur, incapable d’anticiper qu’elle serait son avenir proche : éternelle prisonnière, si elle n’était pas broyée par le hapien. Elle tenta de se dégager d’un mouvement insistant qu’il sembla maîtriser d’une poigne plus ferme, contre laquelle sa frêle carrure ne put rien faire. La tentative avait néanmoins plaqué ses courbes contre lui, au travers des obstacles de leurs vêtements. L’uniforme rigide froissa la combinaison souple dont on l’avait vêtue.

Quelle différence cela ferait ? Son instinct lui hurlait qu’elle finirait morte : obéissante ou insoumise. La fatalité lui était pénible.

Ses omoplates fondaient contre le torse du Sith, tout comme la Force se noyait dans son âme pour mieux percuter d’obscurs courants qui lui arrachèrent un frémissement.

« - Je ne vous crois pas, si vous me dîtes que je suis en sécurité »

Car elle avait pour habitude qu’on désirât la réduire au silence. On avait déjà tenté de parvenir à ce résultat par divers moyens : l’intimidation, la manipulation, la violence. Alita devenait imperméable aux menaces, mais demeurait ancrée en elle, une seule faiblesse. Elle cessa toute résistance physique et détourna sa figure de telle sorte que leurs peaux se rencontrassent et que leurs lèvres manquassent de se frôler. Au-delà de la sueur discrète, les notes amères de la violettee cadézienne s’évadaient du derme glabre d’Alita. Sous son habit, elle mourait d’une chaleur indicible et se sentait moite.

« - Une question, pour une question. C’est à mon tour, chuchota-t-elle, lui offrant la ligne équilibrée de son profil, les cils immobiles. C’est une question personnelle, à laquelle je répondrai, si vous répondez à ma question personnelle. »

Derrière la crainte persistait encore l’audace.

« - Si vous me mentez, je vous mentirai également. C’est le jeu. »

Elle devait gagner du temps tandis qu’elle abandonnait une part d’elle à ce courant invisible, qu’elle avait déjà ressenti. Alita appelait ce phénomène une intuition : et elle l’avait rarement trompée. Si elle se manifestait sous la contrainte du hasard, elle la sentait plus proche que jamais au contact du Sith. Comme si la Force appelait la Force et que ses échos formaient une faille dans laquelle elle devait s’engouffrer.

Un flash assaillit son esprit au terme d’une étrange chute dans les ténèbres. Elle crut voir à travers les yeux émeraude d’un autre, mais en voyant, elle était vue. Elle put ainsi caresser des bribes d’un passé torturé alors qu’il accédait à des pensées aussi intimes qu’indécentes. L’expérience télépathique lui échappa complètement, et elle fournit un effort surhumain pour s’arracher au tourbillon qui avait menacé de l’engloutir.

Soudain, sa figure s’était éloignée et ses yeux fixaient la porte. Avait-il vu ? Son corps délicat et nu, contre le sien, puissant et autoritaire. En échange, elle avait accédé à des atmosphères mouvantes et sibyllines.

« - Qui est Mumkin ? Pourquoi il vous apportait du slick ? »

C’étaient deux questions, mais aucune règle du jeu n’empêchait de tricher. De toute sa vision de télépathe, c’était l’unique souvenir qui demeurait clair et ancré. Un dévaronien disgracieux, perdu au milieu d’une salle étroite où ronronnaient des réacteurs capricieux. Elle avait vu la seringue, senti l’odeur huileuse du slick.

L'effort l'avait abandonnée un peu plus transpirante.
Lloyd Hope
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Il y avait eu un trou noir, vertigineux. Des flashs, des odeurs, des sons indélicats. Et brutalement, il était là de nouveau à plaquer cette femme contre une porte de métal, à sentir ses courbes contre son propre corps – dans cet étrange chaos, il avait failli chuter, n’était resté debout que par un réflexe inconscient tandis que leurs deux corps s’étaient pressés contre la porte. Comme si Melantha avait eu un mouvement les faisant tanguer, alors qu’il n’y avait rien eu de tel, il le savait. Hors atmosphère, Melantha était d’une stabilité excellente.

- Quoi ? Comment savez-vous ça ? s’entendit-il demander, la voix blanche.

Mais il savait parfaitement, en réalité, qu’elle n’avait pas déniché cette information au cours de ses investigations. Il s’était produit quelque chose entre eux, quelque chose d’anormal, et les yeux de Lloyd demeurèrent un instant figés, comme épouvantés, sur la créature qu’il avait entre les mains.

Il la relâcha brusquement pour s’écarter de deux pas en arrière. Arracher leurs corps de cette proximité indécente. Il heurta derrière lui la tablette où le gobelet vide avait été déposé et celui-ci valsa au sol. Le bruit du plastique qui rebondissait contre le métal résonna étrangement dans la petite cabine. Le hapien dût reprendre le contrôle de sa respiration qui s’était emballée. D’où était venu cet étrange échange de pensées ? Elle avait vu ses souvenirs. Et il avait vu…
Il prit une inspiration. Si c’était une tentative contrôlée de la part d’Alita Drummer de le séduire, c’était un échec. Le Castellan demeurait loyal à l’Impératrice, quoiqu’il en coûtait, et malgré ses frustrations multiples, il n’était pas prêt de renoncer au serment qu’il lui avait prêté. Mais il n’y croyait guère : il avait senti, aussi, le trouble de la jeune femme. Il s’humecta les lèvres, le temps de reprendre contenance. En ne la touchant plus, il lui semblait plus facile, subitement, de contrôler ses souvenirs.

- Un simple pilote, lâcha-t-il sur un ton sec, presque agressif. Mon pilote, personnel. C’était un souvenir très ancien. En un temps où je consommais du slick. C’est une drogue commune, vous ne le saviez pas ? Est-ce le genre de scoop qui vous plairait de présenter au monde ?

Plutôt que de continuer à contempler l’oiseau dont les ailes l’avaient brûlé, il préféra se détourner vers le hublot. Lui tourner le dos à son tour. C’était plus simple ainsi. Observer l’espace. Ce dernier avait toujours eu une immuabilité rassurante, en quelques sortes. Lloyd serra les poings.

- Je ne suis plus sensible au slick depuis bien longtemps, ajouta-t-il, le ton légèrement acide.

Ce n’était pourtant pas aussi simple que cela. Lloyd avait remplacé une drogue par une autre. Sa nouvelle drogue s’appelait Dana Shar, et quand il ne pouvait la consommer directement, il songeait à elle, ou la contactait. C’était une quête sans fin, semblable à celle d’un addict en recherche constante de sa prochaine injection. Mais il y avait trouvé une forme de stabilité, pourtant. Certaines semaines, il était juste plus difficile que d’autres de subir les effets du manque. D’imaginer que d’autres pouvaient consommer à sa place.
Il se frotta les paumes de ses mains sur les yeux, les joues, énergiquement. La Force l’aidait à retrouver ce bruit de fond grondant, ce ronronnement de Melantha avec laquelle il se tenait en harmonie, la plupart du temps.

- Qu’êtes-vous ? interrogea-t-il, tranchant. Une sorte de… Sorcière ?
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Avait-elle eu l’ascendant sur un Sith, grâce à sa simple intuition ? Le phénomène aléatoire ne s’était jamais présenté aussi fort qu’en présence du Castellan. Une envie de réitérer se manifestait en elle, comme un désir obscur de franchir encore les pensées de Hope, de le vider jusqu’au dernier de ses souvenirs. L’idée la terrifia soudain. Le dos appuyé contre une porte toujours close, elle clignait des yeux vers la silhouette sombre, rassemblant les morceaux épars de son propre esprit.

Si elle répondait oui, la verrait-il comme une menace qu’il faudrait abattre ? En cas de non, la considérait-il toujours assez faible pour qu’il pût se permettre de lui faire du mal ? Toutes les réponses menaient à une impasse écrasante. Elle devait faire machine arrière, mais l’écoutille de la cabine lui coupait tout espoir de retraite.

« - Je suis reporter, répliqua-t-elle avec le même tranchant. Je ne crois pas aux sorcières, et à tous ces contes. Un grand garçon comme vous devrait en faire autant. »

Il était probable que la Force, dont il avait parlé, propre aux Siths, aux Jedis, fût à l’origine de cette connexion troublante. N’était-il pas reconnu comme Seigneur Sith, ne savait-il pas maîtriser son pouvoir ? Elle se pinça vivement la lèvre pour éviter d’autres acidités de s’en échapper. Elle ne devrait pas instaurer une telle familiarité. C’était jouer avec le feu. C’était invoquer le danger.

La honte persistait, quelque part dans son âme, qu’il eût pu avoir une fenêtre sur sa faiblesse à elle, sur ce qu’elle avait absurdement fantasmé à son propos.

« - Je connais le slick, et vous présenter comme drogué à ce déchet au reste du monde entacherait juste ma propre crédibilité. Je ne risque pas ma vie pour ce genre d’informations qui n’intéressera personne. Alors qu’un virus mortellement contagieux et incontrôlable pourrait provoquer une prise de conscience collective. »

Ou une panique totale. Ou pousser les puissances de la Galaxie à se l’approprier. Des Hutts paieraient cher pour un petit échantillon de cet agent pathogène. Alita se vêtait comme apôtre du chaos, mais elle avait peu de cas de conscience. Elle ne marchait pas en ce monde pour rétablir l’équilibre, mais pour le mettre à nu. Les secrets étaient des poisons, et elle se considérait comme un antidote.

« - Si vous ne souhaitez pas me rendre ma liberté, laissez-moi au moins circuler sur Melantha. »

Ses menottes pesaient lourd bien qu’elle commençât à ne plus les sentir, les poignets engourdis par sa propre captivité.  D’où lui venait cet aplomb soudain ? Du slick peut-être. Malgré l’ancienneté de l’addiction, cette dernière prouvait que le terrible Castellan Noir n’était rien de plus qu’un humain. Il lui paraissait, soudain, instable. La monstruosité était souvent intangible : chez Lloyd Hope, elle se révélait mouvante

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Lloyd Hope
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- Vous voilà bien méprisante, soudain.

Lloyd Hope finit par détacher son regard du hublot pour jeter un coup d’œil par-dessus son épaule. La cellule était toujours autant plongée dans l’obscurité, mais leurs yeux s’étaient habitués à cette pénombre seulement nourrie de la clarté du hublot qui provenait du couloir et de celle, plus discrète encore, que leur fournissaient les étoiles dispersées devant eux. La silhouette du Castellan se découpait devant cette étrange tapisserie quand il consentit à lui faire face de nouveau. Il avait gardé les mains dans le dos, comme pour s’assurer lui-même qu’il n’y toucherait pas, mais il était revenu vers la jeune femme d’un pas prudent.

- Oui, oui, bien sûr, fit-il avec aplomb. Ecrivez à propos de ce virus pour le faire découvrir à la galaxie entière. Racontez comment l’armée impériale détient un tel virus. Créez la panique chez nos ennemis et nos partenaires. Faites donc. Cela me rendra un grand service que vous nous aidiez à répandre la peur de l’Empire.

Il attendit qu’elle tournât son regard vers lui, le temps qu’elle comprît, pour lui adresser un sourire froid, désincarné. A peine visible.

- Et signez votre arrêt de mort par la même occasion, poursuivit-il, glacial, et son sourire avait disparu au profit d’une mine plus soucieuse, sourcils froncés. Je crois que vous ne m’avez pas compris, mademoiselle Drummer. Je viens de vous signaler que les autres personnes connaissant le virus ont été supprimés. Et pas par moi, malgré la liste des exécutions que l’on pourrait m’attribuer. Et vous voulez toujours diffuser cette information ?

Lloyd secoua la tête.

- Soit vous ne réfléchissez guère, soit vous désirez ardemment mourir.

Il y eut un silence. Le Castellan avança d’un nouveau pas, et la cellule étant toujours trop exiguë, il se trouvait déjà de nouveau à quelques centimètres d’elle. Le gobelet traînait toujours au sol, vestige de l’émotion qui l’avait pris un peu plus tôt, et qui semblait avoir totalement disparu. A la place, il y avait de nouveau cet homme en uniforme, qui semblait n’avoir d’âme qu’une noirceur insondable. Les yeux émeraudes du Castellan la regardèrent de pied en cap, et puis d’un geste lent, devant elle, il entreprit de retirer un gant, libérant une main… pâle, mais humaine. Il la leva vers le visage d’Alita mais l’immobilisa aussitôt, le temps d’observer le mouvement de recul qu’elle avait eu. Alors il s’approcha un peu plus, la regarda s’écraser de nouveau contre la porte. Elle était… petite, finalement.

- Êtes-vous suicidaire, mademoiselle Drummer ? lui chuchota-t-il.

Du dos de son index, il lui caressa la joue, doucement. Il n’avait aucunement l’intention de céder au désir. Mais rien ne l’empêchait de jouer avec sa proie, maintenant qu’il savait. Ses yeux émeraudes parcoururent le visage aux traits doux, vaguement rebelles. Elle était beaucoup plus jeune que lui. Innocente, d’une certaine manière. Elle lui semblait avoir le charme de l’inconscience du jeune âge – quelque chose qu’il avait peut-être connu, très, très longtemps auparavant. Il n’en était plus sûr, en réalité. Ses yeux se froncèrent tandis qu’il se rendait compte qu’une partie de ses souvenirs lui échappaient. Il laissa son doigt au contact de la mâchoire de la jeune femme, comme pour faire durer la douce sensation de chaleur. Plutôt que de croiser le regard de la jeune femme, il préférait contempler les traits fins que formaient ses lèvres fébriles.

- Je pourrais régler ça, souffla-t-il à voix basse, comme s’il parlait désormais avec lui-même. Vous préférez peut-être que je vous libère de vos menottes ?

Il pencha la tête de côté, captant enfin son regard rebelle.

- Et qu’aurais-je à gagner, mademoiselle Drummer, à vous laisser libre sur Melantha ? Et comment vous faire confiance, quand vous avez déjà tenté de me leurrer ?

Il n’avait pas oublié qu’elle était censée répondre à sa question personnelle après qu’il eût répondu à la sienne.
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Ratatinée contre la porte, à la merci d’un autre regard émeraude, elle haussa les épaules.
Etre encagée l’enrageait. La liberté étant son bien le plus précieux, celui qu’elle ne monnayait sous aucun prétexte, se retrouver menottée lui était insupportable.

Elle pressentait, cependant, que la cage n’était pas Melantha.
La prison et ses barreaux se tenaient devant elle, avaient la capacité de la toucher, de lui chuchoter à l’oreille, et d’une pression la tuer.

Soudain, leur proximité l’asphyxiait.  

A quel moment avait-elle perdu le contrôle ? A l’instant où l’index du Castellan avait stimulé son derme, d’un unique et dangereux effleurement.

Sans l’espace tout autour, sans les tonnes d’acier et les milliers de soldats impériaux, elle aurait couru jusqu’à en perdre haleine, loin du cauchemar qui, lentement, se profilait. En réalité, les probabilités qu’il la relachât frôlaient le néant. Aurait-elle préféré qu’il la tuât ? Peut-être bien qu’elle ne fût pas de celles qui s’empalaient facilement sur l’épée du désespoir.

J'enquêterai pour vous articula-t-elle dans un chuchotement, près de ses lèvres puissantes qui avaient le pouvoir de prononcer la destruction de planètes entières.

Au fil de ses doutes, la luminosité de la cabine se métamorphosa. En réalité, la fatigue s’accrochait à son corps frêle, troublait sa vision.

Parce que je sens que vous n’en savez pas plus que moi. Que personne ne sait. Que vous ne voulez pas savoir. Moi je veux savoir. Si je ne le diffuse pas au monde entier, je vous informerai, vous.

Transperçant l’épuisement naissant, un sourire agita ses lèvres charnues. Quant à ses yeux pénétrants, ils ne quittaient pas la figure du Castellan. Elle grava chaque détail dans sa mémoire, marqua les limbes de son esprit au fer rouge, s’imposant l’empreinte indélébile d’une figure qu’elle n’oublierait plus jamais. Au détour d’une lecture, elle avait appris que les Siths possédaient le venin de la corruption, qu’ils étaient capables de le transmettre : tantôt mentors, tantôt prédateurs. Tout ce qu’ils regardaient, touchaient, respiraient, se corrodait.

—- Que pourrais-je faire de mal sur votre vaisseau de guerre ? souffla-t-elle en fermant les yeux, laissant la porte soutenir le poids de son propre corps. Avez-vous peur que je puisse nuire à une frégate comme la vôtre. Je ne saurais même pas par où commencer. Je ne suis pas un soldat, je suis journaliste. Je cherche des réponses. Aussi, je peux comprendre que vous souhaitiez les vôtres. Mon père était scientifique cadézien. Il était exo-généticien. Travaillait beaucoup, rentrait peu.

Évoquer son père libérait les souvenirs enfouis. Les sourires paternels. Sa voix dont les intonations s’effaçaient à mesure que le temps passait. Son parfum ozonique. Sa présence intangible.

Entre eux, elle leva ses mains entravées. Ses phalanges acculèrent le torse adverse.

Si vous comptez me tuer, ne me tuez pas alors que je suis enchaînée. Libérez-moi d’abord.


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Il avait incliné la tête, dans une brève expression d'étonnement à peine perceptible. Les yeux émeraudes du Sith avaient quitté le détail du contour des lèvres d'Alita pour s'intéresser au regard cerné de noir, y déceler peut-être une forme de sincérité, ou plutôt de mensonge. Il fronça brièvement les sourcils. Le sourire qu'elle lui offrait était-il celui de la tromperie, ou bien celui du désespoir ?

- Exogénéticien, il avait répété lentement. C'est fort dommage qu'il soit mort. Il aurait pu m'être utile.

Il avait prononcé ces paroles lentement, avec une feinte douceur, comme un couteau retourné tendrement dans une plaie. Une brève bouderie étira ses lèvres, et sa main quitta enfin la mâchoire de la jeune femme pour qu'il pût remettre le gant de cuir qu'il avait ôté un peu plus tôt.

- Comme vous voudrez, mademoiselle Drummer, soupira-t-il d'un ton égal tandis qu'il s'arrachait à la proximité pourtant captivante de la jeune femme.

Il baissa les yeux pour prendre les poignets d'Alita et, sans plus aucune douceur particulière, il manipula les deux morceaux de métal. Sous l'effet de la Force, ceux-ci chauffèrent et avec un grésillement se détachèrent soudain. L'instant suivant, ils tombaient au sol avec un choc sourd. Le Castellan sembla n'y prêter aucune attention.

- Vous voilà prête à mourir dignement, annonça-t-il. Mais ne faites pas trop vite. Je veux que vous fassiez un reportage sur Melantha.

Après tout, il n'avait jamais eu l'occasion de travailler concrètement avec des journalistes. Oh, nombre d'entre eux l'avaient approché, avaient tenté des photographies et des questions sur le couple illégitime qu'il formait avec l'Impératrice, mais ces journalistes-là avaient le don de l'agacer au plus haut point. Certains en étaient morts, d'ailleurs, ce qui avait dissuadé les suivants d'insister trop pour s'intéresser à la vie privée du Castellan Noir malgré les tournures étranges que quelques holozines féminins avaient adopté pour parler de lui en sombre chevalier servant. Tant que cela servait la propagande, avait commenté Narih, mais le Castellan n'en avait guère été convaincu. C'était en chef de guerre qu'il souhaitait être perçu, et simultanément, il abhorrait tout ce travail de mise en scène glorieuse auquel s'adonnaient les autres membres du Conseil Noir.

Une expérience contrôlée était encore ce qu'il y avait de mieux pour progresser sur ce détail qu'il ne maîtrisait pas encore.
Le Sith avait croisé les mains derrière son dos, comme pour démontrer cette liberté nouvelle qu'Alita avait gagné.

- Faites cela sous l'angle que vous voulez, interrogez qui vous voulez. Demandez du matériel si nécessaire, mes équipes vous les fourniront. Prenez tout le temps que vous désirez, mademoiselle Drummer.

Il avait tout le temps du monde, sur cette frégate. Le temps paraissait s'y égrener d'une manière aussi infinie que la galaxie s'étirait autour d'eux, noire et et démesurée.

- Et quand vous aurez terminé, vous m'apporterez votre travail. Je le visionnerai avant diffusion.

Il suspendit ses mots et un instant, contempla Alita d'un regard de hauteur, comme s'il la couvait - ou la surveillait.

- Si le reportage me convient, vous serez libre. S'il ne me convient pas...

Le Castellan prit une inspiration en pinçant les lèvres, comme s'il annonçait cela à regret.

- Je vous exécuterai.






Lorsque des coups brefs se firent entendre contre la porte de la cellule, la lieutenante Narih se hâta de se retourner pour mieux déverrouiller l'écoutille depuis le panneau de commande. La porte de métal coulissa dans les entrailles du vaisseau et dévoila les deux silhouettes - dont celle de la journaliste, étonnamment vite.

- Mon Commandant, je vais me charger de...

Le visage de la lieutenante, encadré de cheveux noirs, se ferma subitement lorsqu'elle eût baissé les yeux vers le sol, distinguant les menottes qui gisaient là. Elle se figurait que cela avait pu être un désir momentané du Castellan, pour une raison légitime - ou moins légitime, qui la fit rougir malgré elle tandis qu'elle déglutit.

- Je vais en faire apporter des neuves immédiatement, elle peut rester dans la cellule, je veillerai à ce que...
- Laissez-la, Emia, la coupa le Castellan d'une voix lasse tandis qu'il passait devant elle. Elle peut circuler librement sur la frégate, malgré son statut de prisonnière.

Il se posta dans le couloir après s'être retourné vers la journaliste, à qui il indiqua d'un geste poli de la main la direction de sortie du couloir pour qu'elle pût fuir avant qu'il ne changeât d'avis. La lieutenante resta raide, visiblement quelque peu contrariée, mais elle ne dit rien. Les deux impériaux regardèrent la journaliste s'éloigner, immobiles, presque curieux d'observer sa démarche si coutumière des pas militaires et raides que l'on observait dans cette frégate. D'une certaine manière, cette façon de faire fi du cadre rigide de la Marine Impériale rappelait quelqu'un d'autre à Lloyd - dans une autre vie, une autre femme avait couru dans les couloirs de ce palais de métal, et la Force seule savait le fil qu'elle lui avait donné à retordre. Il fallait espérer que Madame Drummer ne fût de cet acabit. Parce qu'il avait d'autres droïdes à fouetter, d'une part, mais aussi parce qu'il connaissait la faiblesse que ce genre de femmes pouvaient susciter chez lui.

- Vous n'avez pas peur qu'elle cause des dégâts ? fit Narih, interrompant le fil de ses pensées.

Après un moment de silence, le Castellan détacha ses yeux du fond du couloir, pour venir les poser sur le visage de la lieutenante d'une façon incisive. Ses mots étaient glacés.

- C'est elle qui a peur. Un misérable petit oiseau affolé.

Il avait chargé ses paroles d'un mépris qui n'était qu'une bienséance ordinaire dans le monde des officiers impériaux. Insister sur la haine que l'on pouvait avoir de tout ce qui n'était pas Sith ou au moins d'un territoire de l'Empire.

- Faites-la observer, ordonna-t-il sèchement avant de se détourner et de s'éloigner d'un pas sévère. Elle ne doit pas s'échapper, ni accéder aux zones secret défense du vaisseau.

Bien qu'il ne pût pas la voir, Narih acquiesça et fit un salut militaire pour marquer son approbation.
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Dès qu’elle eut le courage de franchir le bout du couloir, un sous-officier la mena dans un bureau à l’oval esthétique dont la baie vitrée offrait une vue magnifique sur l’espace. Elle était tout simplement trop terrifiée pour s’en émouvoir. Ce fichu Castellan avait-il changé d’avis ? Quelle idée d’accepter un pacte avec un Sith… Autant damner son âme, et se suicider.
Elle cligna des yeux avant d’évaluer la haute stature d’un humain, brun, aux traits taillés à la serpe. Assis sur un siège, derrière son office, il la sondait en retour, et… bon sang, elle avait l’impression que ce regard la transperçait de part en part. Épinglé proprement à la veste impériale, le nom d’Arboghast se détachait en lettres austères.
V. Arboghast.

Mademoiselle Drummer, articula-t-il d’une voix aussi tranchante que le reste.
Ne sachant quoi répondre, elle s’échina à deviner l’âge de son vis-à-vis. La trentaine ? Impossible à dire. D’ailleurs, après un examen minutieux, elle douta qu’il était humain. Pas complètement. De moins en moins à l’aise, elle ausculta l’environnement, ne trouva qu’une pièce épurée, parfaitement rangée.
A la surface du bureau attendaient ses affaires : son datapad, ainsi que son comlink.
Sur autorisation du seigneur Hope, je vous rends ces effets, indiqua-t-il après avoir suivi son regard.
Est-un piège ? parvint-elle enfin à dire.
Non. Simplement le nécessaire pour accomplir la tâche qui vous a été confiée.
Ce maudit reportage.
Du matériel adéquat est également à votre disposition, cabine 12K, pont supérieur 2. Voici la carte d’accès à ladite cabine.
Prise d’un sursaut de conscience professionnelle, elle se pencha pour attraper ses effets personnels. Avaient-ils fouillé dans ses données ? Forcément. Supprimer certaines d’entre elles ? Elle plissa les yeux vers Arboghast qui lui rendit une oeillade lasse.
S’installa face à lui, sur l’une des chaises libres.
Le prit de court à en juger la brève étincelle dans son regard d’acier.  
Vous êtes l’officier Arboghast ? questionna-t-elle avec le naturel du journaliste, se détendant progressivement.
Colonel Arboghast, rectifia-t-il.

Sans attendre, elle alluma son comlink, activa la fonction d’enregistrement.
Un millier de frissons secouèrent son derme, chassèrent la crainte au profit de l’excitation. Combien de reporters républicains avaient la chance d’interroger des hauts gradés impériaux ? Elle devait prendre partie de la situation ; ranger la menace d’exécution dans un coin de sa tête.

Vous êtes affecté depuis longtemps sur le Melantha ?
Plus de cinq années. Mademoiselle, êtes-vous en train de me prendre comme sujet de votre reportage ?
Je ne devrais pas ? Je suis les ordres du commandant Hope.
Il pinça ses lèvres dans un rictus agacé qu’elle trouva fort charmant. Arboghast possédait une beauté qui lui sauta soudain aux yeux et…
Hapien.
Je vous demande pardon ?
Vous êtes hapien, affirma-t-elle plus fort.
Pas exactement. En avons-nous fini ?
Ahm, pas tout à fait, décida-t-elle en ramenant une mèche frondeuse derrière son oreille. Quelles sont vos relations avec le commandant Hope ?
— La réponse se trouve dans votre question, il est mon commandant, abrégea-t-il d’une voix alourdie de lassitude.  
Très bien. Selon vous, qui devrais-je aborder pour faire paraître l’armée impériale sous son meilleur jour ?
Il étira un vrai sourire, malgré un regard toujours dépourvu de chaleur.
Troublant.
Le lieutenant Narih, le capitaine Graymes, le docteur Chet, le docteur Rascal, le lieutenant Rascal…
Deux Rascal ? s’étonna-t-elle, la curiosité au bord des lèvres.
Des époux.
De quoi attendrir les chaumières, bien que la chose la surprit. Elle avait tendance à oublier que les impériaux aussi tombaient amoureux, se mariaient, fondaient des familles. Elle secoua la tête, distraite par l’idée que ces gens, sous domination Sith, n’étaient pas si différents.
Melantha est un chat d’amour, précisa Arboghast.
Un chant… d’amour ?
L’information la percuta à retardement, fit fondre son coeur, toucha un point sensible.
Vous… voulez dire que le Castellan Noir a pour frégate un vaisseau baptisé d’un chant… d'amour ?
Qui le croirait ? ironisa-t-il, les mains croisées devant lui, la posture raide.
Mon reportage perdrait toute crédibilité si j’indiquais ce détail. Et je ne veux pas mourir ici.
A votre place, je l’indiquerai, suggéra-t-il dans un haussement d’épaules dédaigneux.

Était-ce un piège ? Une manipulation ?
Le cœur battant, elle leva les yeux vers le plafond. De l’acier. Puis au sol. Encore de l’acier. Autour d’elle, toujours de l’acier. Quelle différence avec un sarcophage ? Pourtant, l'exiguïté des bâtiments spatiaux lui était familière. Elle avait grandi en environnement clos, pressurisé, loin des vastes plaines terrestres et naturellement oxygénées. Ici, elle n’était guère en terrain connu, ni confortable, ni rassurée. Ses doigts moites pressèrent le comlink.

Pourquoi ?
Parce qu’il est de notoriété officieuse que le Castellan Noir est amoureux.
Elle manqua de s’étrangler, darda sur lui une œillade incrédule. Parlait-on du seigneur de l’armée, de Lloyd Hope ? D’un Sith.
D’un monstre.
Amoureux, mais de qui se moquait-on ?
Elle poussa un soupir agacé.
De toute manière, elle n’avait aucune envie d’écrire au sujet des coucheries du commandant. Ou de ses frasques sentimentales, s’il en avait. Elle détestait les tabloïds avec assez de conviction pour éviter d’en nourrir les colonnes mal dégrossies avec une histoire absurde de Sith amoureux. Non seulement elle signerait son arrêt de mort, mais également la fin définitive de sa carrière : ce qui était bien pire.
Et où pourrais-je trouver tout ce beau monde ?
C’est lui qui vous trouvera, je vais me charger de planifier vos interviews.
Toujours dans le contrôle.
Libre de circuler à bord, quelle farce.
Voilà qui va manquer de spontanéité. Planifiez-moi également le commandant Hope, tant que vous y êtes. Ce serait injuste qu’il ne passe guère à la casserole.
Ce salaud. Par quel miracle allait-elle réussir à le présenter sous un bon jour ? Peut-être faudrait-il reconsidérer le volet sentimental ?
Impossible.
Elle était une journaliste de conviction.
Et aussi, une reporter effrayée par le sujet de son propre reportage. Revoir le seigneur Hope… aimait-elle tant souffrir ?
Elle secoua la tête, plissa les lèvres.
Des ordres, comme c’est charmant, grinça Arboghast.
Je prends cela comme un compliment. C’est assez rare que les hommes de votre genre m’en offrent, rétorqua-t-elle en se relevant.
Il était temps de quitter Arboghast.

Des heures plus tard, elle grignotait un bout au mess des officiers. Elle mordit dans ce qui ressemblait fort à une tarte. D’après le goût sucré, d’après la texture sablée. Pour le reste, toutefois, mieux valait ne pas se prononcer. Arboghast était parvenu à lui intercaler quatre interviews en moins de quatre heures. Le bougre était fort, très fort. Il fallait reconnaître qu’il maîtrisait les ressources humaines de la frégate avec un talent naturel. Ainsi, elle avait pu interroger le docteur Chet, lui-même père de Rascal épouse. Qu’en avait-elle tiré ? presque l’image du grand-père parfait : dévoué aux autres, sérieux, plutôt prévenant : loin, bien loin du cliché des savants et médecins fous dont l’Empire devait regorger ! Le tête-à-tête, très banal, ne s’était pas étiré et elle avait reçu, le lieutenant Narih près des consoles d’opération, sur le pont supérieur. Là encore, l’interview ne s’était pas étendue. Narih lui avait paru très professionnelle, bien que sèche, lui avait sommairement présenté les fonctions de Melantha, sans commenter la question à propos du nom du vaisseau. Puis, il lui avait fallu courir à l’un des hangars de chasseurs. Elle s’était d’ailleurs perdue, merci bien. Là, elle avait rencontré le capitaine Grayme en charge des pilotes offensifs. Ils s'étaient vite entendus, ou tapés dans l'œil; lui séducteur, le sourire au bout des lèvres, une fleur tendue au bout des doigts, il lui avait confié sa passion secrète pour la botanique, lui avait fait visiter sa tanière : une cabine exigue où poussaient d’étonnantes variétés de végétaux avant de la reconduire au mess avec la promesse d’un rendez-vous.
Elle soupira.
Un rendez-vous avec un officier de l’armée impériale.
Était-on à un niveau d’absurdité près ?
En tous les cas, son prochain hôte était le commandant.
Avec lui, il ne serait certainement pas questions de roses ou de café après le service.
Elle devait réfléchir à ses questions. Que lui demander ? De lui chanter Melantha. Voilà, la cerise sur le gâteau.
Elle mâchouilla sa cuillère, pensive, regardant sans vraiment les voir tous ces gradés qui allaient et venaient au rythme de leurs panses. Si les uniformes n’avaient pas été aussi noirs, elle aurait juré être sur un vaisseau républicain. La différence ne tenait-elle qu’à ça ? Une couleur, la coupe d’un vêtement.
Si seulement…
Elle repoussa son plateau, ne bougea pas du banc, car c’était bien ici qu’elle devait revoir Lloyd Hope.
Sous les néons rutilants et les odeurs de nourriture synthétique, elle espérait qu’il ne serait pas en retard. Sinon…
Sinon, rien.
Elle n’était pas en position d’exiger la moindre ponctualité.
Après un coup d’oeil au matériel d’enregistrement, une holocamera - modèle impérial (qu’elle avait eu un mal fou à manipuler correctement), elle vérifia le cadrage. Puisque l’âme du commandant semblait pourrie, autant se concentrer sur l’apparence extérieure.



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- Ensuite, elle s'est rendue dans les quartiers des officiers pilotes. Notamment du capitaine Graymes...

Le Castellan leva les yeux au ciel devant l'enseigne Menwels qui, juste au-delà de son bureau, debout comme un piquet dans son uniforme gris tiré à quatre épingles, faisait l'inventaire du cheminement de la journaliste à l'aide d'un datapad qu'il tenait entre ses mains tremblantes. Clayn Menwels était probablement à peine âgé de vingt-cinq années standards, une jeunesse qui n'était pas rare à bord de Melantha : le Castellan aimait que les premières générations à peine sorties de l'Académie passassent vers son bâtiment. Officiellement, pour les aguerrir sur un vrai navire de guerre et cheviller à leur coeur l'amour de la défense de l'Empire, car c'était bien connu ; s'il y avait un navire plus patriotique que tous les autres, c'était bien celui-ci, avec ses chants et son adoration de l'Impératrice. Plus officieusement, Lloyd Hope nourrissait une certaine soif de surveillance, comme s'il avait pu passer en revue, lui-même, chaque soldat de l'Armée pour s'assurer de sa fidélité. Bien évidemment, il n'en avait pas le loisir, par manque de temps. Il tâchait néanmoins de se nourrir de l'illusion que s'il y avait eu un traître, il avait plus de chances de le découvrir en le faisant monter à bord de Melantha, là où la Force obscure s'étendait, invisible mais liée à son corps, perceptible parfois par celles et ceux qui s'approchaient de lui.
Menwels n'était pas encore habitué à cette sensation étrange, et ses cheveux blancs rappelant une origine arkaniene frémissaient dans sa nuque. Ses yeux clairs, si clairs que la pupille semblait disparaître pour laisser un regard presque uniquement blanc donnait une douceur à ce visage d'albâtre, mais ses traits trahissaient son état alerte. Comme il se rendait compte que ses mains tremblaient, il déposa le datapad sur le bureau devant lui ; de l'autre côté, le Castellan était confortablement installé dans son fauteuil, et il se redressa pour y jeter un oeil. L'écran lumineux projeta sur sa figure pâle un éclairage blanc qui tranchait avec la pénombre de l'endroit : le bureau du commandant de Melantha était fait de noir et de gris feutrés, les meubles laissés dénudés, sans décoration aucune. Seules de petites lampes discrètes éclairaient là un tableau de commande, ici l'ouverture d'une petite armoire réfrigérée. On n'avait du mal à croire que le Castellan y passait le plus clair de ses journées, et pour cause : ce n'était pas le cas. Il affectionnait de rester sur le pont de commandement, ou de se promener dans les coursives. Il voulait voir les canons fonctionner par lui-même, que la baie médicale était propre, que la salle des machines ne surchauffaient pas.
D'aucuns commentaient qu'il était un passionné, d'autres qu'il poussait le vice du contrôle jusqu'à venir au-dessus de leur épaule pour leur instiller la peur des Sith.
Il y avait longtemps que Lloyd Hope avait cessé de se soucier de ce que l'on pouvait bien dire. Emia lui avait plus d'une fois assurée que ces rumeurs servaient son influence, et il la croyait.

- Est-ce qu'elle a essayé de se rendre au pont inférieur 2 ?
- Non, mon Commandant, elle ne s'est pas approchée des quartiers sécurisés. Ou bien, pas encore.

Lloyd approuva. Ses yeux suivirent le tracé recueilli par Menwets : le plan en 3D de Melantha affichait des lignes claires et des indications horaires ; l'exact déplacement de mademoiselle Drummer.

- Ah oui, aussi. Hum. Elle veut... Elle veut vous interviewer.

Lloyd Hope ne bougea pas d'un cil, à l'exception de ses yeux émeraudes qui se détachèrent du datapad pour attraper, au vol, l'expression du jeune enseigne. Ce dernier déglutit, mais il n'ajouta rien. Menwets préféra regarder au-dessus du Castellan. Derrière celui-ci, il y avait sur une étagère la petite maquette d'un autre grand navire de la flotte impériale : l'Egide. Ce devait être la seule décoration de l'endroit.

- Mmh, nous verrons.
- Hum, c'est à dire qu'Ar... Le colonel Arboghast a déjà planifié une interview avec vous.

Avec un soupir, Lloyd Hope repoussa le datapad et se leva. Tournant le dos à l'enseigne, il s'éloigna vers les vastes baies vitrées qui donnaient sur le pont de commandement en contrebas.

- Ben voyons, grommela-t-il. Avec l'emploi du temps de ces prochains jours, il m'aura sûrement collé ça à une heure pas possible, et...
- En fait, c'est maintenant.

Menwets avait lâché cela dans une brusque inspiration. Lloyd se retourna vers lui, le regard interrogateur. Le ronron des moteurs, lointains, accompagna le silence qui s'installa quelques instants entre eux. Menwets déglutit encore, puis il haussa discrètement les épaules.

- Vous aviez une demi-heure de libre, alors... Hum... Mais si cela vous déplaît, je...
- Cessez de trembler, Menwets.

La voix du Castellan avait tranché l'air. Elle n'était pas cruelle ; seulement intransigeante. Lloyd fronçait les sourcils en observant la stature frêle de l'officier. Ce dernier ne parvenait pas à maîtriser les tremblements de son corps.

- Vous n'êtes pas responsable des choix de l'équipe de commandement et je parlerai moi-même au colonel de ses façons de faire.

Encore une fois, et inutilement. L'entêtement d'Arboghast lui rappelait parfois quelqu'un d'autre. Il ne tenta pas de s'ôter de la tête les pensées qui caressaient soudain son esprit, lointaines, douce-amères, tandis qu'il s'était remis à contempler le pont de commandement et les mouvements tranquilles des âmes qui y travaillaient sans cesse. Mais Menwets troubla cet instant de rêverie.

- B-bien, oui. Alors heu, j'annule ?
- Non.
- Ah. Je la fais monter ?
- Non. Elle est toujours au mess ?
- Oui.
- J'irai là-bas.
- Bien, mon Commandant.






Le mess des officiers était une grande salle de réfectoire où s'alignaient tables et bancs qui, comme tout mobilier à bord, était fixé de façon à ne causer aucun dégât en cas de perte de gravité momentanée. Des panneaux au plafond ou verticaux, comme des paravents rigides, séparaient certains espaces pour absorber les sons épuisants d'un réfectoire ordinaire et donner une vague sensation d'intimité qui n'était qu'une réelle illusion : partout, des bulles noires au plafond indiquaient la présence de caméras de surveillance.
L'endroit subissait en 24h près de douze vagues d'officiers qui venaient prendre un repas. Leurs horaires décalés permettaient de maintenir Melantha opérationnelle à toute heure du jour ou de la nuit dans toutes ses fonctionnalités ; logistique, navigation, entraînement, et bien sûr engagement martial. Ainsi, toutes les deux heures, il y avait une marée de tenues grises et noires, des discussions animées pour les uns, un silence rompu de fatigue pour les autres qui terminaient une journée de travail. Entre ces vagues, l'endroit se vidait, comme une marée se retirait, laissant quelques silhouettes résistantes, hors du planning, pour une raison ou pour une autre.
Tels des coquillages laissés pour compte.

C'était un peu à cela que lui parut ressembler la jeune femme assise. Ses mains s'affairaient sur un appareil que le Castellan détestait déjà avant même d'en faire la connaissance : en sortant de l'ascenseur, une allée couverte de feutre gris avait étouffé le son de ses bottes sur quelques mètres, mais lorsqu'il bifurqua entre les bancs, elles claquèrent sèchement. Quelques tables plus loin, deux officiers discutaient à voix basse mais ils s'interrompirent, étonnés d'être témoins de cette rencontre improbable : le Castellan prenait souvent ses repas ici, avec les autres, mais il était généralement entouré d'une palanquée d'autres officiers proches de lui qui, souhaitant se faire bien voir du commandement, se débrouillait pour manger à proximité. A la même table, s'ils y arrivaient. Une stratégie inutile : le Castellan n'avait cure de qui l'entourait généralement, et il déléguait à Arboghast le loisir de distribuer les promotions.

Cette fois, cependant, Lloyd Hope était seul. Ses yeux ignorèrent étrangement le visage de la jeune femme tandis qu'il enjambait le banc pour s'asseoir, rigide. Il préféra ausculter les appareils dont elle était entourée, tout en croisant les mains devant lui.

Il ouvrit la bouche, puis la referma. Finalement, ses yeux se détachèrent de l'holocaméra pour se fixer sur le regard de la jeune femme. Elle lui paraissait si jeune, soudain.

- A quel moment vous êtes-vous dit que j'allais aimer un reportage où l'on me regardera parler comme un diplomate en conférence de presse ? demanda-t-il, un brin acide, le regard las.
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