Solal avait dû lutter pour écouter les paroles du droïde brillant qui expliquait son rôle à chacun. Il n'en revenait toujours pas d'avoir été choisi. C'était sans trop y croire que le Padawan sans maître avait postulé. Dantooine lui plaisait, pour autant, il peinait à trouver réellement sa place. Le chamboulement de l'exil, la trahison de la République n'avaient guère aidé. Le jeune Jedi sentait qu'il avait besoin de changer d'horizon, justement. La montagne de travail qui l'attendait pour ce projet aurait le mérite de l'accompagner, et il espérait bien parfaire son apprentissage hétéroclite auprès de ses supérieurs. Bien qu'il admette humblement ne pas avoir l'ambition de faire parti des Grands Noms des nouveaux fondateurs, en tant que simple Padawan, il était heureux d'aider sa communauté. L'Ordre avait besoin d'espoir, peut-être davantage encore que d'Enclaves. Quoiqu'à bien y réfléchir, serrés comme les membres l'étaient, un nouveau poste ne serait pas du luxe.

En tout cas, le droïde était enthousiaste. Étrange adjectif pour un tas de boulons, mais c'était vrai, la bestiole semblait vraiment vouloir insinuer l'espoir dans chaque membre de l'équipe. Le détail fit sourire le félin, assis un peu en retrait de ses pairs.

Son affectation auprès de la Chevalière Artoria Ozanhea attisait la curiosité de Solal. Ne pas avoir de maître attitré depuis plusieurs années l'avaient rendu très adaptables aux différents profils. Son rôle officieux d'Intendant au Temple lui avait permis de profiter de l'enseignement de plusieurs maîtres, le temps d'une mission ou d'un peu d'aide. Réguler son propre emploi du temps, se forcer à remplir toutes les cases ou se surcharger de devoirs volontairement était difficile pour un adolescent de son âge. Des fois, le Félacatian aimerait sauter les cours collectifs, se prélasser sur le rebord d'une fenêtre au soleil ou dans un des grands arbres qui habillait le parc. Pour autant, il était toujours décidé à devenir Chevalier Jedi un jour. Sa bataille principale consistait à ne pas prendre trop de retard sur ses camarades, ce qui exigeait beaucoup plus d'efforts. Des fois, l'apprenti en perdait pattes, mais il voulait absolument s'intégrer. Il avait failli craquer une nuit, partir de l'Ordre pour errer il ne savait où, après l'abandon d'un énième maître qui lui avait promis de le prendre sous son aile. H'Phédia lui avait alors parlé longuement, l'empêchant de quitter les lieux. Malheureusement les événements s'étaient précipités depuis ce fameux Jexit. Solal n'avait pas vraiment pu discuter avec l'araignée géante, sans compter qu'il avait peur de la déranger. Il ne voulait pas se reposer sur ses lauriers en rêvant d'un maître enfin attitré. Si cela devait arriver, au moins serait-il préparé grâce à son acharnement.

Dans son combat pour s'éduquer presque aussi bien qu'un élève qui bénéficiait d'une formation continue, Solal était conscient de l'immense avancée que cette occasion représentait. Aller sur le terrain, explorer, tout ça aux côtés de cette femme, en relatif petit comité lui permettrait de progresser. Joie ultime, Galdur appartenait à leur groupe. Solal s'était pris d'amitié pour le reptilien, malgré une rencontre assez houleuse. C'était un non-sensitif, néanmoins ses ressources diminuait l'écart qui aurait pu se creuser entre un être habité de pouvoirs et lui. Galdur avait beaucoup d'expériences, il était malin, vif, fidèle et pourvu d'un instinct animal aux avantages indéniables. En plus de ça, c'était un compagnon accessible qui dialoguait aisément. L'adolescent se sentait chanceux, même si ce sentiment était légèrement gâché par un stress intense. Serait-il à la hauteur ?

***

3 jours après

L'angoisse et la joie se disputaient toujours la première place dans le coeur de Solal. Ceci dit, la première émotion avait pris le pas tandis qu'il approchait de la salle de réunion. Il était l'unique Padawan de cette équipe mêlant des Jedis et des civils. L'ambiance fébrile de la première réunion où chacun avait senti l'espoir renaître s'était amenuisée. Il ne restait plus qu'un silence sérieux. Solal détacha son regard clair d'un ingénieur pour contempler la Chevalière. Étonné de pouvoir, de devoir presque s'exprimer, le Félacatian choisit d'attendre l'avis de quelques professionnels avant. Il en profita pour se remémoriser ses recherches. Si les fruits pouvaient sembler légers aux vues de l'énorme projet, ses recherches restaient solides si l'on considérait son âge. Solal avait été studieux, travaillant jusque tard le soir. Il n'avait pas songé à de planète particulière pour sa part, mais plutôt des critères généraux.

- Je pense que la première option est la meilleure. Une Enclave qui peut relier rapidement l'une ou l'autre déjà existantes se lèverait plus vite, aidée par celles-ci.- Solal s'exprimait bien pour un jeune de 15 ans. Il était au Temple depuis suffisamment longtemps pour avoir été influencé par leur langage. C'était surtout son manque d'assurance qui gâchait généralement un possible charisme. D'ailleurs sa voix se fit vacillante quand il osa, après de multiples efforts internes, se confronter à Artoria. Bien sûr, le Félacatian demeurait courtois, mais les idées de la Chevalière lui paraissaient trop impétueuses pour qu'il ne réplique pas. - De plus, nous pourrions intervenir plus facilement en cas de problème sur une autre Enclave. En réalité, en plus d'être la solution idéale, c'est surtout la seule vraiment viable. Nous sommes bien trop affaiblis pour déclarer même implicitement la guerre à qui que ce soit en nous mettant aux frontières de L'Empire. Sans compter que nous sommes tous interdits de séjour sur les territoires Républicains, nos passeports ont été ajournés, voler dans le ciel est une provocation en plus des violations de leurs lois. Quant à s'isoler complètement ce serait rassurant, mais ce serait alors plus dur de porter secours à une autre Enclave ou même de dispatcher nos missions humanitaires.

L'ingénieur, Tom Arden, un quinquagénaire non-sensible expérimenté prit la parole. C'était un spécialiste en gestion de crise. De prime abord on pouvait le penser peu apte pour un tel projet : il avait le ventre légèrement bedonnant, une calvitie prononcée et de grosses lunettes. Pour autant, c'était une personne avisée, de celles qui avaient quelque chose de plus que l'expérience : un instinct, une étincelle.

- Les Enclaves se voulant autonomes, du moins en grande partie. Il faut décider entre deux stratégies paradoxales : renforcer les points positifs des deux autres Enclaves comme l'agriculture et donc privilégier un monde tempéré où la nature domine, ou pallier leurs faiblesses. Opter pour un monde avec des mines d'extraction de minerais pour donner un exemple. Plus difficile mais une planète déjà bien développée. Il faudrait davantage négocier mais on pourrait profiter de structures solides et aller vers plus de commerces.

Solal réfuta intérieurement la dernière proposition, sans rien dire toutefois. Tom connaissait plus ou moins la mentalité Jedi depuis qu'il les côtoyait mais pas encore assez. Ces derniers ne voudraient jamais développer un pôle commercial primordial. En revanche, une planète plutôt primitive pourrait être de bon goût. Aux yeux innocents de Solal, un lieu sans un gouvernement prépondérant était la solution. Ils avaient trop souffert de la trahison de la République.

- J'ai dressé une liste de divers points importants à respecter pour s'établir quelque part. Déjà la survie. Parce que c'est ce qui compte finalement, quand on est en exil et qu'on cherche un endroit où s'abriter. Cette nouvelle Enclave qui part de zéro a besoin d'un lieu stable. C'est comme construire une cabane de fortune, mais beaucoup beaucoup plus grande. Cela prendra du temps, alors autant éviter une planète au climat trop hostile. Il faut favoriser tout ce qui permet l'autonomie en cas de pénurie. Pour tenir, nous avons besoin de trois choses en notre faveur : le climat. Il doit être tempéré, avec des niveaux d'oxygène semblable à ceux de Dantooine, Ondéron ou au moins Coruscant parce que nous avons quand même des espèces très différentes dans l'Ordre. - Avoir côtoyé un groupe d'amis aux origines et handicaps divers avait permis à Solal de prendre ce détail en compte.- Ensuite, l'eau et la végétation, elles doivent être abondantes. Ce type d'environnements est favorable à l'épanouissement de proies variées. Installer un élevage ou un potager prend du temps. Au début, il faudra penser à prélever dans la nature. Je sais que l'Ordre nous a donné beaucoup de moyens, dont des vivres et tout mais sur le long terme, cela changerait beaucoup de choses que de ne pas avoir à lutter contre les éléments. Problème de ma proposition... Hormis le fait que ce soit le monde parfait difficile à trouver, il n'en sera que plus attrayant. Il y a sûrement des populations déjà installées, reste à voir leur niveau technologique et leur envie de nous recevoir, mais nous pourrions également craindre des colons, comme nous, qui viennent tenter leur chance.

Au final, l'apprenti terminait sur un questionnement, un nouveau problème à soulever. Un monde hostile permettrait une certaine tranquillité, mais mourir aux mains de Dame Nature faciliterait encore plus le travail de leur ennemi. En tout cas, il espérait avoir posé des bases intéressantes. Son regard se posa sur Tom Arden dont l'indéchiffrable expression ne laissait rien paraître de l'effet qu'avait eu le jeune Jedi. Ce dernier se dit qu'il aurait dû proposer une planète mais il avait oublié, dans ses recherches, de cibler un monde concret. Pour sa défense, jamais Solal n'aurait cru qu'on lui donnerait la parole comme ça. L'Ordre n'était pas dirigé par des despotes mais il était logique qu'on considère davantage la parole des aînés. Il n'était pas encore habitué, lui, au nouveau système instauré par Karm Torr où chacun pouvait exprimer directement ses idées.

Son pelage rendu légèrement bleuté à cause des hologrammes, Solal s'engonça un peu plus dans l'ombre, tout à coup conscient d'avoir beaucoup parlé et de s'être -quoique gentiment- opposé aux hypothèses d'une Chevalière expérimentée.