Karm Torr
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VrrrRRRRrRRRrrrBBBRRR
Peuh-peuh-peuh-peuh-peuh
Pssschhhh
SCHPOMP
Pssschhhh
SCHPOMP

Tout va bien !

Tout va bien, sauf que la voix de Karm était à peine audible dans la cacophonie des moteurs de l’Épave.

Tout va bien, sauf que Blip, l’astroméchano du Maître Jedi, était pour sa part d’un avis contraire.

Bip bip biiiiip !

(CQFD.)

Oui ben je sais pas c’que c’est, moi, une thermopompe hydrorésonante !
Bip bip bip !
Laisse ma mère en-dehors de tout ça.
Bip…
Tu vas finir reprogrammé en aspirateur si ça continue, p’tit père.

Les parois du vaisseau de l’explorateur, un vieux coucou de l’ExploCorps auquel Karm s’était attaché depuis quelques mois, vibraient violemment depuis leur entrée dans l’hyperespace. Karm avait baptisé son appareil l’Épave, et jamais nom n’avait été plus approprié. Il était question que Blip le répare, petit à petit, mais l’évacuation d’Ondéron et la nécessité de pourvoir au besoin de la flotte soudain beaucoup plus considérable qui s’était posée sur Dantooine, avaient naturellement ralenti les travaux.

Il n’empêche que, moyennant deux ou trois petits ajustements ponctuels, l’Épave était parfaitement en état de vol, si tant est que par « parfaitement » on entendît « plus ou moins » et par « en état de vol », « globalement pas trop explosif ». Pour l’heure, des boulons figés par télékinésie flottaient dans une salle des moteurs remplie de vapeurs et éclairée par la lumière rouge vive de l’alarme d’urgence.

Deux heures plus tard, Blip vint à bout du problème et Karm émergea lui-même, tout crasseux, du champ de bataille, où il avait été pour l’essentiel l’assistant de son astromech.

Bien joué, petit, dit-il en tendant la main au robot. Tape m’en cinq.

Blip lui tapota la main de l’une de ses pinces extensibles, avant de filer se brancher sur une borne de recharge pour un repos bien mérité.

Tu vois, dit Karm en se tournant vers son compagnon, c’est comme je te disais : il est nickel, ce vaisseau.

Luke et lui avaient embarqué la veille, pour escorter un cargo marchand parti de Dantooine en direction du Sublime Portail. C’était la première ouverture de la planète au commerce avec l’Espace Hutt, après les discussions menées avec Maxence, dans le secret de la Flotte Ark-Ni. La livraison cette fois-là serait modeste, à peine de quoi couvrir le prix du carburant et de la production, mais elle avait une valeur démonstrative, une sorte de préliminaire diplomatique.

Le Sublime Portail, quant à lui, n’avait rien de sublime, mais c’était bien un portail. La vaste station spatiale flottait quelque part sur une hyper-route secondaire entre Lannik et la République, ni tout à fait sur le territoire hutt, ni tout à fait dans la sphère d’influence républicaine. Opérée par un consortium commercial qui réunissait des Bothans, des entrepreneurs républicains un peu troubles et des délégués des Hutts, elle faisait office de point de contact plus ou moins officieux pour les intérêts parfois convergents.

Le voyage dura encore plusieurs heures. Désormais, les traits de l’hyperespace défilaient en silence et dans le calme tout autour de l’Épave. Luke et Karm dormaient ensemble. Le Gardien gardait son compagnon blotti dans ses bras, comme presque tous les soirs depuis leur bannissement de la République, et en particulier depuis l’explosion du Temple de Coruscant, comme si sa seule présence pouvait suffire à protéger le Hapien de la violence absurde d’une galaxie qui paraissait se révolter contre eux.

Luke ?

Karm dégagea les longs cheveux blonds du jeune Maître qui dormait adossé contre lui sur l’étroite couchette de leur cabine pour déposer un baiser sur sa nuque.

On arrive. Je m’en occupe.

Le pilote de l’Épave s’extirpa du lit, enfila rapidement ses vêtements et regagna le cockpit du vaisseau, où Blip s’affairait déjà.

Blip ?
Les peignes, tu dis, répliqua-t-il en passant une main dans ses cheveux argentés en bataille ? Jamais entendu parler. Probablement un truc de Sith.

Le vaisseau décéléra peu à peu jusqu’à sortir de l’hyperespace. Il y avait une immense planète gazeuse non loin d’eux, un monde entièrement inhabité qui remplissait le système de sa lueur verdâtre, en reflétant les rayons d’une étoile encore si jeune et si puissante que les vaisseaux en transit étaient obligés de pousser au maximum les filtres solaires de leurs hublots en transparacier.

SP avait appris à en tirer profit. La station avait la forme d’un immense hémicycle traversé en son centre par un large mât auquel elle était articulée. Du côté courbe se trouvaient la quarantaine de ponts de commerces, d’entrepôts et d’habitations, toute une ville en somme suspendue au milieu de l’espace, tandis que de l’autre, des panneaux solaires démesurés, tournés vers l’étoile, fournissaient l’essentiel de l’énergie.

Épave à Abondance, dit Karm en activant le comlink, Épave à Abondance, vous me recevez ?
Ici Abondance, répondit une voix féminine. Cinq sur cinq. Dites donc, on en voit du pays, avec vous.
N’est-ce pas que je vous fais découvrir de belles choses ?

Belles et intimidantes : les transporteurs de Dantooine avaient surtout l’habitude de livrer aux astroports bien ordonnés des planètes républicaines et c’était un tout autre endroit qui s’offrait à eux. Ils n’eurent cependant pas de mal d’obtenir leurs vecteurs d’approche de la part des contrôleurs spatiaux de la station et, une demi-heure plus tard, les deux vaisseaux s’amarraient aux docks inférieurs.

Karm accueillit le succès de cette première partie de leur voyage d’un long bâillement en s’étirant sur son siège. Désormais, il s’agissait pour l’Abondance de décharger ses soutes et pour les deux Jedis qui passaient pour une escorte comme une autre de prendre le pouls de la station et, d’une certaine manière, de leur nouvelle vie.

Luke Kayan
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Leur maison avait été détruite. Luke avait beau se répéter le code en boucle, il peinait à accepter la réalité. Ce Temple auxquels il avait dédié de longues journées d'étude avait été rasé. Le jeune homme se souvenait avec émotion de l'infirmerie à peine achevée, dans laquelle il avait reçu son maître blessé à mort. Saï Don en avait pris des coups au nom de cette République et voilà comment on le remerciait, comment on les remerciait tous. Jamais le blond n'avait quémandé de salaire, il aurait été outré qu'on lui en propose un, ceci dit, entre profiter de leur services gratuitement et cracher sur leurs traditions, leur maison... Le blond s'était aussi remémoré les nuits blanches passées sur les autorisations, les rires quand il avait essayé l'ascenseur en prenant une voix de professionnel pour détailler les aménagements pour handicapés, tel un œnologue savourant les arômes d'une boisson. Il considérait avoir passé beaucoup moins de temps que d'autres à élever cet édifice, mais tout de même, il y avait suffisamment participer pour voir s'effondrer de multiples souvenirs.

Calisto t'as vu ce qui s'est passé au Temple ?
Pourquoi tu ne réponds plus, on s'inquiète.
Hey, Maître Jedi, j'espère que tu vas bien... On te garde tes devoirs, t'en as des tonnes à faire, même pour toi, ça fera trop alors bouge-toi.

Mélody, Ka' et Toryn, les amis de Calisto, étudiant en criminologie, soi-disant victime d'une maladie auto-immune (qui lui avait coûté sa vue) étaient inquiets. Ils ne l'avaient guère vu depuis leur virée sur Ralltiir. Peut-être une fois, mais le jeune homme était surtout passé prendre des papiers. Leur "maître Jedi", appelé ainsi pour son côté rabat-joie adorateur des lois leur manquait un peu. Ka' lui avait même demandé en plaisantant s'il n'était pas parti avec les vrais Jedis d'ailleurs. C'est vrai que ça lui correspondrait, à leur mystérieux camarade de classe. En réalité, évidemment, personne ne savait que Calisto n'existait pas, que c'était une couverture utilisée depuis trois ans tant elle était efficace et avait permis au jeune homme de résoudre des affaires. Aujourd'hui, elle n'était toujours pas découverte et ses contacts, qui s'étaient imprévisiblement attachés à sa personne demandaient des comptes. Luke, allongé sur le lit, avait posé ses écouteurs à côté de lui, dans un soupir, puis fermé les paupières. Il avait fermé la fenêtre des messages retranscris en audio et s'était endormi, les yeux brûlants.

Au jour le jour, il était vaillant, travaillait dur, oubliant quelque peu sa timidité. La situation, toujours précaire, obligeait chacun à sortir de sa zone de confort de toutes manières. Le Hapien qui ne voulait plus enseigner s'était de nouveau retrouvé à côtoyer les Padawans. Les plus petits appréciaient leur nouveau professeur mais face au changement drastique, au déménagement forcé, ils l'avaient réclamé. Le jeune homme les apaisait souvent le soir en leur serinant le code. Personne n'y croyait, ni eux, ni lui. Tous savaient que c'était l'affection, la tendresse qui maintenait un semblant d'ordre, une forte cohésion, mais la voix douce du blond, sa patience les aidaient à s'endormir. Lui aussi d'ailleurs avait besoin de Karm. Pas nécessairement pour parler ou se plaindre (il s'y refusait), mais pour se blottir, se serrer contre une poitrine chaude dont il connaissait le rythme exact des battements de coeur. Une âme portée par une aura chérie. S'il était affligeant de constater que nombre de leurs beaux principes s'effondraient, la perte de celui du détachement était un soulagement. Sans cette dérogation nécessaire, beaucoup auraient sombré, dont Luke, pas comme un Sith, certes, mais d'une manière plus triste encore et sûrement définitive, malgré lui.

Le Hapien avait dû se battre résolument contre la colère, parfois envahi d'un mal-être violent, résultant de sa propre rébellion. Lui qui ne supportait pas l'obscurité, littéralement rongé par elle, se retrouvait parfois envahi. Les conséquences physiques, une perte de poids et des migraines, s'étaient aujourd'hui atténuées, après de nombreuses méditations, mais la moindre peine créait un tourbillon de Force impressionnant, si puissant que son pauvre corps, socle de chaire mortel ne le supportait guère. Et encore, Luke se trouvait chanceux comparé à d'autres. Il avait Karm, beaucoup de travail à l'Enclave, une place stressante mais qui lui démontrait chaque jour son utilité. Les Padawans, plus jeunes, fragiles ou encore les travailleurs exilés semblaient être les vraies victimes, mais quand même.

Réveillé en douceur, le jeune homme mis quelques secondes à émerger. Il avait repris l'entraînement et retrouvé des forces, mais au tout début de l'exil, il aurait pu défaillir s'il s'était laissé aller. Heureusement, si l'emprisonnement de son maître l'avait hanté, le blond n'avait eu d'autre choix de que de se donner à sa communauté. C'est ainsi que le Conseil l'avait souhaité en le nommant Maître malgré lui. L'explorateur avait aussi besoin d'un soutien solide à ses côtés, pas d'un pleurnicheur, lui qui portait l'Enclave sur ses épaules, alors Luke avait demandé à faire partie de cette mission. Comme un gosse capricieux, il aurait aimé dire "non". Juste parce qu'il ne voulait pas se rendre compte que c'était ça, leur nouvelle vie. Faire du commerce, aller de station en station, créer leur propre réseau. Eux étaient des Jedis, établis sur Ondéron et Coruscant, qui s'occupaient des moins bien lotis, pas un État qui devait se construire, ou pire, des criminels en exil. Mais tant que l'Ordre demeurait, il y avait de l'espoir, les membres qui le composaient encore le méritaient. Ils l'avaient tous prouvé. Tout n'était pas encore perdu, c'était ce que lui soufflait chaque jour l'étoffe qu'on lui avait remis : la Cape d'Espérance. Le Hapien l'avait laissé à l'Enclave, trop inquiet à l'idée d'abîmer une telle relique, mais voulant surtout en faire profiter tout le monde. Il estimait en être le gardien, mais pas le geôlier, ainsi laissait-il les gens qui souhaitaient se recueillir devant le faire. Lui-même puisait à petites doses fréquentes dans la sagesse et l'espoir de Nomi Surinder, à la fois reconnaissant et inquiet de voler toutes ses ressources à l'objet.

Luke était tout de même heureux de partir en mission avec Karm. Cela lui donnait une impression de routine, comme avant, sinon qu'aucun Conseil ne les assignait à tel ou tel endroit. Ils n'avaient plus à "stresser" en se demandant s'ils seraient ensemble, pour ensuite se résigner avec un sourire si ce n'était pas le cas ou sentir un pic de joie dans le cas contraire. Les deux amis travaillaient beaucoup ensemble, ils étaient devenus encore plus proches si c'était possible. Le Hapien avait à coeur de soutenir son aîné dans ses entreprises auxquelles il croyait fermement, y compris la collaboration avec des civils dont il avait douté au début. Il essayait d'être efficace, d'anticiper les besoins de Karm et de résoudre les problèmes de l'Enclave en sous-main pour le soulager. Évidemment, les deux Jedis n'étaient pas seuls à tenir l'Ordre à flots, loin de là, mais son aîné avait indubitablement un rôle particulier vu que c'était lui qui avait crée cet endroit salvateur. Il en était donc reconnu comme le dirigeant.

Le jeune homme épousseta sa tenue civile. La tenue Jedi n'aurait pas été très judicieuse, et il avait un peu peur de la porter désormais, lui qui affectionnait tant ses habits auparavant. Combien de générations faudrait-il pour que les Jedis deviennent de véritables parias ? Des fanatiques religieux qui utilisaient la belle République à leur fin ?

- Merci.

Marmonna doucement le blond en souriant puis en se retournant pour passer, lui aussi, une main dans la chevelure argentée de son ami. Il faudrait reparler avec Blip de l'organisation pour un achat de peigne particulièrement solide pour l'anniversaire de Karm. Avec tout ce qui s'était produit, leur petit plan n'avait pas abouti, dommage, mais Luke persévérait et démêlerait cette toison têtue un jour.

- Je t'aime et tu sais que tu peux me parler.

Avait-il ajouté avant que son ami ne parte définitivement, l'air de rien. Une phrase en l'air ou le rappel de ses promesses ? Luke ne pressait pas l'Ark-Ni mais il lui rappelait de temps à autre être là, disponible pour écouter. Lui aussi pouvait avoir les épaules pour soutenir son ami, il désirait le faire pour le soulager et lui rendre sa joie.

Lui-même avait perdu de son éclat général mais nullement de sa chaleur envers son ami. En général d'ailleurs, avec Karm, Luke était plus détendu. Il essayait de le soutenir en se faisant discret mais efficace, lumineux au possible bien que son aura générale se soit affaiblie. Des fois, il demandait à son compagnon comme lui "allait", dans la pénombre, mais ce dernier ne devait pas encore être prêt à parler. Luke non plus au fond, ne s'était pas exprimé vraiment hormis son attristement général, encore assez bien camouflé pour qu'on ne le remarque pas si on le connaissait. Il y avait trop de colère en lui pour parler dignement, comme un Jedi ou même comme un véritable compagnon. Le blond ne voulait pas exprimer des pensées malsaines, inutiles et qui tournaient en rond autour de l'humiliation subie. À quoi cela servirait de piquer sa petite crise ? Tout le monde le savait, que c'était injuste. Mais savaient-ils que ce qui faisait le plus de mal au Consulaire, c'était le manque de réaction d'une population qu'il avait toujours cru protéger ? Non pas pour obtenir un retour, bien sûr, mais un soutien au moins implicite. La vie sacrifiée de son maître, leurs propres actions n'avaient-elles jamais eu d'impact ? Pourquoi les gens se laissaient-ils faire ? Pourquoi ne pas lutter contre la mise en place d'une dictature avant que ce ne soit trop tard ?

Paradoxalement à la "chute" de l'Ordre au sein de la République, leur relation à eux continuait d'évoluer doucement. Le Hapien avait perdu beaucoup de ses espoirs concernant les lois qu'il avait toujours songé justes, des principes égarés, mais il avait aussi abaissé des barrières. À quoi bon se préoccuper des qu'en dira-t-on, de la dignité puisque tout le monde s'en était moqué. Il était un peu plus tactile avec le Maître Jedi, toujours discret en public, mais moins effarouché. Sans dire qu'ils étaient ensemble, au moins ne s'en défendait-il plus violemment, et il essayait de rester proche de son compagnon, mentalement mais aussi physiquement. Tous deux en avaient bien besoin en ces temps difficiles. Aussi il posa sa main naturellement sur l'épaule de Karm en arrivant dans le cockpit, un geste doux dont d'éventuels témoins de chaire et de sang, s'il y en avait eu, auraient compris la teneur. Mais pour l'instant, dans l'intimité de l'Épave, seuls Blip et Bip pouvaient les juger. Au cas où, pour servir d'yeux supplémentaires, le jeune Maître avait pris son discret droïde, si lui n'était pas très débrouillard pour conduire et encore moins réparer, il était en revanche très utile en ville.

- Dis, dans un vaisseau nickel, est-ce que c'est normal d'entendre le moteur tousser comme un désespéré quand je passe d'une pièce à l'autre ? - S'amusa vaguement le blond avant de se reprendre.- Je plaisante, je sais qu'entre tes mains, tout objet volant est nickel, même si tu aurais peut-être dû lui choisir un nom moins sinistre.

Ironiquement, avant d'être exilés, Luke avait reçu des maîtres un vaisseau. Normalement, ces navettes SA1 - D00N servaient à tout l'Ordre pour se déplacer, mais allez savoir pourquoi, on lui en avait "donné" un personnel, adapté à son handicap, bardé d'un excellent autopilotage. Même Bip pouvait le conduire. Pressentaient-ils alors la catastrophe ? Le blond avait bien sûr laissé l'objet en libre-service au hangar sur l'Enclave, mais jusque là personne n'avait utilisé la navette qui ne portait d'ailleurs encore aucun nom. Le jeune homme s'en occuperait plus tard.

- Nous sommes nouveaux dans le secteur, il faut s'attendre à des arnaques au mieux, au pire à des tentatives d'intimidation. Je suis certain que ceux qui ont pris leurs informations savent que le chargement n'est pas précieux, mais tout comme ce premier échange est symbolique, leur première attaque pourrait aussi l'être.

Communiqua le blond d'un ton neutre. Il était presque sûr qu'ils auraient des ennuis dans cette station aux allures désordonnées. Un chaos où des espèces différentes s'y retrouvaient pour leurs affaires plus ou moins honnêtes. Les deux jeunes gens descendirent, Luke envoya Bip sillonner les quais. Son allure d'astromech ne rendrait personne méfiant et il ne se laisserait pas facilement voler, au cas où. Si le robot pouvait repérer, même vaguement, des mouvement suspects en amont, ce serait bien.

Le ventre de l'Abondance fut vidé assez rapidement. Il y avait des produits de la vie quotidienne, quelques pièces mécaniques, mais principalement des matières premières issues de récoltes de Dantooine. La foule bigarrée ne prêtait pas attention au nouveau vaisseau, ignorant tout de leur véritable provenance. On ne les savait pas liés à l'Ordre déchu de la République, ou du moins ça ne les intéressait pas. La fin du chargement approchant, Luke se dit qu'il faudrait trouver un moment pour revenir ici pour "visiter", soit parlementer, négocier, comprendre comment la station fonctionnait. Qu'ils le veuillent ou non, les Jedis devaient se faire aujourd'hui "marchands" et saisir les rouages de ce lieu signifiait comprendre leur nouvelle vie.

Malgré tout, quelque chose ne changeait pas : le secours que la Force leur apportait. Luke leva la tête, transmettant une légère onde à son ami. Avant Bip, il avait perçu une menace éventuelle, deux Gamorréens qui s'approchaient d'un air sur de leur navette. Allait-on demander à l'Abondance de payer une taxe pour sa propre sécurité, leur racketter leur marchandise ?

- Bon, tout semble y être, on va quand même devoir refaire l'inventaire dans mon bureau, c'est la première fois, il faut inscrire les produits, réviser le vaisseau. Ce sera moins lourd administrativement la prochaine fois.

Serina l'intermédiaire, un Dug à la pilote de l'Abondance, tandis que les caisses continuaient d'être déchargées.
Karm Torr
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Il ne tousse, mon moteur, môssieur, s’offusqua Karm pour de faux, il ronronne. Agréablement.
Bip…, lâcha Blip d’un ton désabusé.

Le Jedi désactiva un à un les systèmes de l’Épave, une fois posés, en confiant à Blip le soin d’assurer la surveillance du navire en leur absence.

J’espère bien qu’on va nous chercher des problèmes, oui, dit-il en vérifiant sur son écran que les réacteurs s’étaient correctement éteints. Que les gens sachent à quoi s’en tenir sur notre capacité à affronter les problèmes. C’est si tout se passe idéalement que je vais m’inquiéter et commencer à soupçonner des trucs sinistres.

Et sur ce sain raisonnement, l’explorateur se pencha pour déposer un baiser sur la joue de son petit ami, avant de débarquer. Les docks de SP-Station n’étaient peut-être pas de première jeunesse, mais leur spectacle restait impressionnants. De grands droïdes de manutention déchargeaient les vaisseaux avec régularité, tandis qu’une foule de petits astromechs s’offraient pour seconder les unités embarquées afin d’effectuer la maintenance des vaisseaux.

Il y avait là des appareils de toutes les provenances et de toutes les formes, une véritable page d’encyclopédie dédiée à la diversité des vaisseaux de la galaxie. Des contremaîtres perchés sur des conteneurs jouaient les chefs d’orchestre pour le ballet robotique. Un petit train anti-grav défilait constamment quand il s’agissait d’acheminer des marchandises en chambre froide. On parlait des dizaines de langues, on venait de centaines de mondes, on échangeait de tout, depuis la patate aux armes de contrebande.

Qu’est-ce que j’adore ce genre d’endroits, quand même…, soupira Karm qui se sentait tout à fait à sa place dans cette effervescence mécanique et culturelle loin des grandes instances du Noyau galactique.

Le Maître Jedi n’en interrogea pas moins la pilote de l’Abondance d’un regard et celle-ci, d’un geste de la tête, lui indiqua que tout se déroulait sans anicroche. Il la laissa donc s’éloigner avec le Drug, chez lequel il ne perçut d’ailleurs aucune intention malhonnête. SP-Station servait peut-être de repaire à des criminels, mais le crime aussi à ses règles et son administration, et le consortium qui contrôlait la station avait tout intérêt à ce que les commerçants de passage s’y sentent en sécurité.

Pendant ce temps, les deux Gamorréens s’étaient plantés devant l’Épave, qu’ils considéreraient avec la plus grande attention. Avant de se pousser du coude, l’un et l’autre. À tour de rôle. Il y eut comme le début d’une bagarre, puis, une fois leur mystérieux différend réglé, les deux colosses se présentèrent aux Jedis.

Gur, dit le premier.
JGlub, dit le second.
Karm, dit Karm.

Les deux hommes échangèrent un regard indécis, puis Gur posa en huttese ce qui semblait être une question.

Désolé, répondit l’explorateur. On parle basic.

Il avait commencé l’étude du huttese, puisqu’il semblait que leur destin soit de s’ouvrir à l’Espace Hutt, mais à part leur commander un cheesecake, la conversation ne risquait pas d’aller très loin.

Les deux Gamorréens eurent l’air bien embêté, mais Gur consentit à surmonter l’obstacle pour demander en basic, après avoir désigné l’Épave :

Ça être ton vaisseau ?
Oui.
Toi être le shaman ?
Le shaman ?

Une nouvelle fois, les deux hommes parurent embarrassés de ne pas pouvoir exprimer correctement leur pensée.

Esprit animaux, esprit plante, secret nature. Toi ?

Karm eut un bref regard vers Luke, avant de hocher la tête.

Toi venir avec nous.

Glub grogna quelque chose dans leur langue maternelle et Gur réfléchit quelques instants avant de rajouter :

Ça être demande faveur. Toi à nous.
Ben… Ma foi, oui, si on peut aider.

Comme sa réponse demeura incomprise, Karm reformula :

D’accord. On vous suit.
Seulement toi.
Non. Moi et lui.

Nouvelle complication, nouvel échange entre les Gamorréens, puis Gur hocha la tête.

Alors les deux Gamorréens ouvrirent la voie. Au lieu de les entraîner du côté des ponts supérieurs, là où se trouvaient les commerces et les habitations, ils leur firent emprunter une série de couloirs techniques, coursives parfois mal éclairées, pleines de câbles et de conduits, où on traversait constamment de nuages de vapeur libérés par des soupapes. L’endroit idéal pour assassiner des gens en toute discrétion, mais Karm était confiant et il avait communiqué silencieusement à son compagnon cette sûre intuition de voyant.

Au bout d’une dizaine de minutes, ils débouchèrent finalement dans de vastes hangars désaffectés, anciens emplacements pour l’amarrage des vaisseaux que des réfections techniques avaient rendu obsolètes. Or, là s’était installé de toute évidence une sorte de petit village de Gamorréens où se regroupaient tous ceux qui travaillaient sur SP-Station. De frustes habitations de tôle et de tissu dessinaient l’organisation des lieux et Karm comprit intuitivement que la plupart de ces gens devaient être des esclaves.

On les conduisit dans une sorte d’allée centrale, sous la lumière électrique du hangar. L’odeur qui régnait dans ces lieux était puissante, musquée, animale sans doute pour bien des visiteurs. Tant bien que mal, les Gamorréens essayaient de se recréer un semblant de vie terrestre, naturelle, matérielle, dans cet environnement de métal suspendu en plein vide interstellaire.

Gur et Glub s’arrêtèrent devant un cabanon un peu plus grand que les autres, comme deux sentinelles, de chaque côté du rideau épais qui servait de porte. Les Jedis comprirent qu’il fallait entrer et ils se glissèrent donc à l’intérieur. L’ameublement était sommaire, emprunté au matériel de l’astroport de SP-Station, des caisses de transport usées qui ne fermaient plus aux pièces détachées trop tordues pour servir.

Au centre, une Gamorréenne assez âgée reposait dans un gros coussin fait de couvertures cousues ensemble et rembourrées tant bien que mal. Sa simple présence était un éclaircissement, car les deux Jedis purent sentir la Force en elle, une sensibilité particulière, raffinée même, par un entraînement à n’en pas douter bien lointain de ce que leur propre Ordre ou même celui des Siths pouvaient proposer.

Huttese, demanda-t-elle ?
Basic.
Basic.

Elle respirait difficilement et Karm remarqua qu’elle était paralysée sur tout le côté gauche, peut-être à cause d’une attaque cérébrale. De sa main droite, elle les invita à s’asseoir. L’explorateur s’installa sur une vieille caisse en plastacier.

Moi Krafbrarg, dit la Gamorréenne. Matrone ici.
Moi Torr.

Il hésita avant de rajouter :

Shaman. Et lui Kayan. Guérisseur.
Rêves de votre vaisseau annoncé votre venue, expliqua leur interlocutrice. Nombreux rêves. Bien des nuits.

Karm hocha la tête pour faire signe qu’il comprenait.

Besoin d’un shaman. Pour apaiser esprit des plantes. Dette envers vous, honneur du clan.
Quelle plante ?
Ra… r…

Frustrée de ne pas trouver ses mots, Krafbrarg s’empara de son datapad et chercha tant bien que mal ce qu’elle avait en tête dans un traducteur automatique sur l’holonet.

Tiges de tubercules, fit le haut-parleur de l’appareil d’une voix synthétique.
Plantes sacrées. Amenées ici, pour village. Morceau de… Morceau de maison.
Un esprit de votre planète, pour vous accompagner ici, dans cette station, c’est ça, reformula Karm ?
Oui, esprit. Gardien. Espoir… espoir de sol, de ciel, espoir d’eau, espoir qui pousse. Chemin de vie.

Une nouvelle, Karm hocha la tête.

Plantes volées.
Volées ?
Disparues. Réveil, plus de plantes. Esprit parti. Alors esprits protecteurs envoyés rêves de grand shaman d’autre monde, ami plantes et animaux, chuchoteur de nature. Toi…

Elle le considéra un instant.

Pas grand taille, mais grand esprit.

D’ailleurs, elle avait une confiance spontanée en eux, malgré leur apparence, parce que sa sensitivité lui permettait de percevoir sans le moindre doute leurs deux auras au sein de ce qui était pour eux la Force, et pour elle un monde peuplé d’esprits.

Nous, on va retrouver l’esprit sacré pour vous, promit Karm.
Grande dette pour toi.

L’explorateur avait assez côtoyé de peuples au fil de ses aventures pour ne pas avoir l’impolitesse d’assurer qu’il ferait tout cela gratuitement, sans accepter la contrepartie de la dette.
Luke Kayan
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Luke lança un regard étonné à son compagnon -certes, il louchait un peu-. Souhaiter les ennuis ? S'il était pratique de débusquer ses ennemis de suite, c'était un peu inquiétant de s'en faire avant même de débarquer. Le débonnaire jeune homme n'était pas sûr de vouloir se plonger dans l'adrénaline, là maintenant, si peu de temps après les derniers événements. Au moins, qu'il y ait attaque ou non, chacune des issues avait du positif se consolait-il, car en soi, la logique de Karm se tenait.

Sitôt mirent-ils un pied à terre que le nouveau maître grimaça. L'explorateur appréciait autant l'endroit que son cadet ne le détestait. Trop de bruits, de désordre au sol. Chaque pas représentait un défi pour lui et les gens parlaient définitivement forts. L'astroport était l'exact opposé du Temple, havre de paix, entouré de lumière et de calme auquel le jeune homme aspirait. Loin de s'en formaliser, ce dernier haussa simplement les épaules pour emboîter prudemment le pas à son ami. Il avait beau ne pas apprécier les lieux, il savait -et espérait - que ce dernier ferait désormais partie de leur quotidien. L'Ordre n'était plus ce qu'il était, Luke l'avait compris et sous ses airs soupçonneux quant à toute nouveauté, il était plus ouvert qu'on ne l'aurait cru. Sa résilience déjà mise à l'épreuve tenait le choc. Avec tout ce qui se produisait ces derniers temps, plus encore que d'habitude, le jeune homme tenait à être un modèle. C'est avec philosophie donc, que Luke posa puis dégagea sa main d'un appui de fortune sur lequel il aurait aimé se reposer, manque de chance, des clous dépassaient de cette cagette.

Le Hapien s'attendait donc à faire face au vide ou à des ennuis déjà aussi gros que la navette de marchandises, mais certainement pas à deux Gamorréens quémandant maladroitement leur aide. Aussitôt méfiant, le Jedi sonda les étranges personnages. Karm, voyant et plus intrépide avait toutefois une longueur d'avance. Entraînant son compagnon, il suivit les hommes-cochons pour déboucher dans une sorte de village tribal reconstitué. Malgré les dons de son ami, Luke se méfiait. L'Ark-Ni avait tendance à vouloir aider tout le monde en même temps, sans parfois réfléchir. Se laisser entraîner dans cette histoire, c'était laisser la pilote et la cargaison seuls. Même si le déchargement se passait bien, le Hapien craignait justement un de ces soucis de bienvenue dont parlait auparavant son ami. Il était évident que des ennemis attendraient, sans ce soucier de récupérer ou non le contenu de la navette, si leur but était surtout des les intimider. Se rendre dans cet espèce de village où une femme aurait eu une vision de Karm les aidant lui paraissait fort peu protocolaire et surtout, opportun pour des hommes de main.

Malgré tout, par politesse, le Jedi attendit que les Gamorréens finissent d'exposer le problème, surtout qu'ils semblaient se méfier de lui. Il ne fit donc rien qui pourrait accentuer ce trait de caractère que Karm essayait de gommer, visiblement sûr de vouloir aider dès maintenant ces pauvres esclaves. Quoique lui aussi touché par la situation, le jeune homme aurait préféré qu'ils reviennent le lendemain. Krafbrarg était dans un mauvais état, Luke le sentait, mais elle traînait ce mal depuis si longtemps qu'un jour de plus n'aurait pas changé grand chose. À l'instar de son ami, il devinait sa présence dans la Force et commençait à entrevoir que ses propos n'étaient pas dénué de logique. Il doutait que les tubercules sacrées puissent remédier à leur triste situation, comptant davantage sur l'élaboration d'un syndicat honnête et audacieux voire un procès si c'était possible ici (il lui faudrait se renseigner sur les lois régissant cet astroport) mais le fond était vrai. Lui aussi voyait de manière très floue (maintenant qu'on lui avait montré ce fait) que son ami et la Gamorréenne avaient quelque chose à faire ensemble.

Luke songea à organiser la finalisation du transport et l'enquête sur le vol de plantes. Il favorisait les sciences mais respectait les coutumes des peuples. Cette plante, il en était presque sûr, les aideraient surtout moralement, il faudrait faire d'autres choses pour eux, mais s'ils en avaient besoin, qui était-il pour dédaigner cette réalité ? Le jeune homme avait beaucoup gagné en tolérance grâce à Karm. Auparavant, il était malgré lui un peu hautain. Sa bienveillance provenait de son éducation, pas d'intimes convictions, tandis qu'aujourd'hui, il pensait que chaque croyance avait des raisons aussi valables que les siennes d'exister. Leurs idéaux s'entrechoquaient parfois avec ce que le Luke connaissait de la science, notamment à propos de divinités soignant de graves maladies, mais il était sincère dans son respect.

Une fois isolés, le jeune homme s'adressa à son compagnon. Il espérait pouvoir organiser cette recherche de plantes sacrées, mais aussi des soins pour Krafbrarg dont il avait entendu la toux, mais aussi deviné la paralysie. Au travers de la Force, il avait senti le blocage d'un corps abîmé qui compense autant que possible un lourd handicap. Dans sa situation, impossible de deviner à quel point la Gamorréenne était touchée, là où un autre médecin aurait vite diagnostiqué le type de paralysie mais il se rattraperait si la femme le laissait l'examiner.

- Nous devrions revenir pour organiser la recherches des tiges de tubercules. Et encore, s'ils ne spécifient pas que ce sont ces tiges-là qu'il leur faut, on pourrait en trouver en métropole, peut-être sur Naboo. Ils ont un immense marché de plantes. Je connais un Chevalier parti en mission là-bas, il pourrait nous en envoyer. Mais quoiqu'il en soit, il faudra trouver les voleurs, mais aussi examiner Krafbrarg. Je ne sais pas si c'est l'atmosphère de Sp-Station, l'endroit où elle vit, ce qu'elle consomme ou plusieurs maladies, mais elle est mal en point. Tu l'auras déjà deviné d'ailleurs, outre le disfonctionnement moteur que je soupçonne, ses poumons sont très abîmés. La seule bonne nouvelle est que sa vie n'est pas immédiatement en danger. Quelques mois, un an ? Il faudrait que j'évalue ça de plus près, mais nous devrions revenir. Je suis inquiet à l'idée de laisser le vaisseau et sa cargaison seuls trop longtemps. Quelqu'un pourrait profiter pour nous causer des ennuis, d'autant que comme tu as dis, c'est plutôt logique de s'y attendre dès la première livraison, si quelqu'un veut mettre les points sur les i.

Le jeune homme avait pris garde d'être discret. Il savait que sa communication avec des peuples tribaux était rouillée. Son "ancienne" spécialité tenait des discours face à un Sénat, tandis que son compagnon possédait l'approche simple mais honnête qui convainquait des habitants souvent fermés. Sa présence était déjà une gêne, Karm avait dû négocier pour qu'il soit là. En bon négociateur, le Hapien savait qu'il ne devait pas commettre d'impair, surtout si sa place était déjà vacillante. Face aux Gamorréens donc, il était silencieux, calme et poli, se contentant de gestes comme hocher la tête dont il avait encore le réflexe. C'était dans un recoin discret que le blond exposait ses idées, encore un peu désarçonné par la tournure des événements. Certes, il savait qu'en théorie, la Force pouvait les appeler n'importe où, les faire dévier de leur objectif de base, mais là, tout de suite, à chaud, le choc était présent. À l'instant où ils débarquaient, son ami avait déjà le rôle de sauveur selon les visions d'une Gamorréenne plutôt bien formée dans l'art de la Force. Des fois, c'était épuisant d'être le compagnon du si demandé Karm Torr, mais quelle fierté en même temps. Luke avait toujours pensé que son ami était promis à un grand destin, pas nécessairement riche, ni facile ou encore valorisant dans le sens où la société l'entendait, mais il avait un avenir très spécial. Il était heureux de le soutenir, il faudrait juste l'organiser un peu, ce futur et donner des priorités.

- Ne nous précipitons pas, si nous revenons demain, ils seront toujours là et nous aurons le temps de découvrir le fin mot de l'histoire. Sinon, je peux m'occuper de terminer la mission, si tu as un pilote automatique sur ton vaisseau et revenir ensuite ?

Ils ne devaient pas prendre le risque de perdre leur premier objectif, les enjeux étaient colossaux pour l'Ordre exilé. Cette prise de contact devait être parfaite. Ceci dit, ça n'empêchait pas Luke d'être tout aussi persuadé qu'ils devaient répondre aux demandes d'aide de n'importe qui. Au moins, cette mission ressemblait à ce dont ils étaient habitués avant, ça leur permettrait de renouer avec le vrai sens de leurs valeurs. À regrets, le jeune homme abandonnerait le village Gamorréen pour un travail ayant un trop grand rapport à l'économie, mais il n'oubliait pas leur promesse à la pilote, et tous ceux qui en attendaient beaucoup de cet échange.

De sa propre initiative donc -fait qui surprenait un peu quand on le savait si suiveur- le jeune homme essayait de diviser les tâches pour organiser leur nouvelle vie. Ce serait compliqué, mais Luke voulait y croire. Ils devaient réussir cette intégration plus que tout, sans oublier leur vraie mission d'aide. Était-ce vraiment possible de recommencer ? De vivre à nouveau sa passion qui était de subvenir aux besoins des populations ? Les vraies nécessités, pas celles d'hommes en costume qui se disputaient pour un million de crédits ou le pouvoir ? Et si cette étrange mission était le signe que leur renaissance était possible ?
Karm Torr
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Hmm…

Tout écoutant Luke, l’esprit du Maître écoutait le murmure discret de la Force, mélodie parfois indiscernable de possibilités encore inaccomplies.

Tu as sans doute raison, finit-il par reconnaître. Et puis je crois de toute façon qu’on pourra faire d’une pierre deux coups, au moins au début. Si on veut les aider avec cette histoire, il faut se faire une idée un peu plus précise de l’ambiance d’ici, des forces en présence, de qui a intérêt à quoi. Et ça, ça peut se faire en surveillant la cargaison.

De toute façon, l’affaire des Gamorréns était incompréhensible de prime abord. Qui diable pouvait vouloir leur voler une plante qui n’avait probablement de valeur que spirituelle, et pour eux seuls ? Qui en savait seulement assez long sur les coutumes rituels de ce petit groupe de toute évidence aux marges de la société pour savoir que ce larcin leur causerait du tort ?

Les deux Jedis regagnèrent l’astroport de SP-Station. La livraison de la cargaison était presque achevée, mais il était question de ne pas repartir à vide et de faire quelques achats, des pièces détachées surtout pour les machines agricoles de Dantooine, qu’on trouverait d’ailleurs là à meilleur prix que chez les fournisseurs officiels de la République.

La capitaine de l’Abondance acheva sa discussion avec un Bith en les voyant arriver et les rejoignit à grands pas. C’était une femme d’une quarantaine d’années, une habituée de la marine marchande de la République, qui avait piloté pour plus d’une dizaine d’entreprises au cours de sa carrière et qui avait décidé de rejoindre Dantooine, sa planète natale, par une sorte de patriotisme planétaire quand celle-ci s’était retrouvée en difficulté avec la République.

Ça se passe comment, demanda Karm ?

La capitaine haussa les épaules.

Bien. On a été payés.

Elle agita son datapad.

Le transfert de crédit a été confirmé.
Et pour les pièces détachées, des perspectives ?
Paraît-il que le fournisseur qu’on nous avait initialement indiqué a été arrêté par les douanes républicaines il y a quelques semaines. Il a été remplacé par son fils, ou son neveu, ou son cousin, ce n’était pas très, très clair…

Le regard de Karm se déporta vers les vaisseaux.

Vous voulez rester avec l’Abondance et qu’on se charge de ça ?

Un sourire se dessina sur les lèvres de Djaïla N’Baké.

Sauf votre respect, Maître Jedi, je préfère me charger des négociations commerciales. L’argent et les gens comme vous, ce n’est pas…
Vous mettez en doute mes talents de commerçant, fit Karm en feignant de s’offusquer ?
Totalement. Ceci étant dit, je veux bien de la compagnie. Pour pouvoir laisser l’équipage à bord de l’Abondance. Je doute que quelqu’un s’en prenne au vaisseau, ça remettrait en question le principe même de ce genre de stations, mais sait-on jamais.

L’explorateur approuva d’un hochement de tête et, une demi-heure plus tard, ils commençaient tous les trois à s’aventurer dans les couloirs du Sublime Portail. C’était une rencontre de centaines de langues et de centaines de cuisines, des échoppes parfois minuscules qui proposaient les objets les plus improbables ou, au contraire, des entrepôts gigantesques où on pouvait se fournir de tout le nécessaire. Là se retrouvaient les colons de la Bordure Extérieure en quête de vivres et de matériel, les représentants des cartels hutts qui venaient négocier leurs services de contrebandiers, des Républicains et des Impériaux, les uns comme les autres aux marges de leurs nations, qui se retrouvaient là à bien des années-lumières de la guerre opposant des États auxquels ils n’appartenaient au fond que par le hasard de la naissance.

Djaïla N’Baké, la capitaine de l’Abondance, ne se sentait pas très à l’aise dans un pareil endroit, et Karm le sentait bien, quoiqu’elle réussît pour l’essentiel à le cacher. Elle avait l’habitude des cités marchandes de la République, où les provenances étaient soigneusement indiquées sur toutes les marchandises et où la police patrouillait pour assurer la sécurité — ou surveiller les gens. Ici, il y avait probablement un service de l’ordre, mais d’une nature bien différente, et impossible à repérer, en tout cas pour elle.

Alors les deux Jedis restaient tout près d’elle, presque comme deux gardes du corps.

C’est vraiment dans ce genre d’endroits que vous passez votre temps, glissa-t-elle à Karm ?
Je trouve ça vivifiant.
Vivant, ça, c’est sûr, mais vivifiant…

Un quart d’heure plus tard, ils finirent par pénétrer dans une unité dont la porte indiquait fièrement : « Bazar Mécanique ».

Prometteur, commenta flegmatiquement le Maître Jedi.

L’intérieur semblait de prime abord n’être occupé que par une toute petite loge où se trouvait posté un droïde protocolaire aux traits insectoïdes, dont les huit pattes plongeaient dans différentes consoles, à la façon des bras connectiques des astromechs. Le robot commença par les interroger en huttese, avant de s’adresser à eux en basic.

Bienvenue au Bazar Mécanique, là où se trouvent toutes les merveilles de la galaxie !

(Au moins !)

Je suis Bzz’ozzic, que puis-je faire pour vous ?
On avait rendez-vous avec Zagod le Sourcilleux.
Maître Zagod est présentement… Indisposé.
C’est ce qu’on a cru comprendre. Mais il a un remplaçant ?
Maître Gozad, le fils de Maître Zagod, gère les affaires du Bazar Mécanique. Et vous êtes ?

La capitaine déclina son identité et le droïde finit par ouvrir une porte automatique. De l’autre côté, la salle, au contraire de la loge, était immense. Sur plus de vingt mètres de haut s’étageait tout un monde de rayonnage où le regard se posait ici sur un climatiseur de serre horticole, là sur des toilettes de vaisseau spatial. À gauche, toute une collection de leviers pour speeders, à droite, des bacs entiers de boulons de toutes les formes et de toutes les tailles.

Des astromechs modifiés et à la peinture écaillés glissaient sur des rails pour arranger les pièces, en collecter certaines qui étaient empaquetées pour des livraisons ou en rajouter d’autres, venues d’on ne savait trop où. Un Yaga surveillait les opérations sur une plateforme antigrav. C’était Maître Gozad, à n’en pas douter, et il lui fallut un petit moment pour se rendre compte qu’il avait des visiteurs.

Alors la plateforme descendit vers eux et le Yaga remit pied à terre, un rouleau de câbles passé à l’épaule et un vibrovis à la main.

Désolé, dit-il, en désignant le ballet des astromechs tout autour de lui. On est en plein inventaire. Il semblerait que quelqu’un se soit servi dans nos stocks.
Servi ?
Indélicatement. Très indélicatement.

Gozad les examina tour à tour, avec une manifeste suspicion, mais il dut juger qu’ils avaient l’air bien innocent tous les trois, parce que son expression se détendit.

Mais enfin… C’est la vie, je suppose. On finira bien par retrouver le coupable. En attendant, le Bazar Mécanique a toujours tout ce qu’il vous faut ! Trayeuses d’éopies automatiques, moteurs hyperdrive quasi neuf, pompes à extracteurs de jus pour des smoothies réussis, chaussures à rétropropulseurs…

Le Yaga baissa la voix et rajouta d’un air entendu :

… des instruments de divertissement personnel, pour ces messieurs comme pour madame, si vous voyez ce que je veux dire.
Luke Kayan
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Le souffle du jeune homme se dilua doucement aux alentours, en un halo de buée à peine perceptible. Il faisait un peu froid malgré l'agitation ambiante. Bien qu'il ne voit pas le paysage qui l'entoure, Luke ne pouvait qu'imaginer l'étrange monde hétéroclite qui le cerclait de bruits en tout genre. Des voix charmeuses à celles naturellement peu vendeuses qu'on voudrait fuir d'office. Le Jedi sentait presque le parfum des produits illégaux qui se bousculaient sur les docks, avec autant de facilité ou presque que les marchandises légitimes. Au moins, leur cargaison n'avait souffert d'aucun vol, la transaction s'était terminée dans une entente cordiale. Ils n'étaient peut-être pas haï d'office en ces lieux finalement ? De toutes manières SP était voué à devenir une adresse régulière, autant s'y habituer de suite.

Machinalement, tandis que le droïd s'entretenait avec Karm, le jeune maître essayait de se repérer. Les informations étaient beaucoup trop nombreuses, les sons résonnaient, les voix perçaient ses tympans, mais il s'appliquait. Au moins comprendre la construction de SP, si elle s'organisait en un anneau autour d'un quartier central, si les routes menaient aux abords de la station ou si tout fonctionnait grâce à des carrefours. Saisir le cheminement, l'organisation, la géométrie, au moins essayer pour être plus habile la prochaine fois. Leur vie de bohème commençait et c'était un cadeau. Au milieu de son chagrin, Luke savait voir la lueur d'espoir. Ça aurait pu être encore pire. Pour l'instant, c'était trop difficile à accepter pour l'humain qu'il était, mais pour le Jedi, c'était chaque jour plus évident.

- Non merci, nous n'avons vraiment pas le temps de lire ou d'écouter de la musique.- Répondit Luke, sorti de sa torpeur par le Yaga qui en resta coi. Il ne s'attendait certainement pas à devoir convaincre un individu qui ne souhaitait pas d'écouteurs ou d'hololivres d'aventures, mais plutôt à d'autres genre de divertissements apparemment. Quoiqu'il en soit, le Hapien ne le laissa pas le temps de se reprendre. Lui qui s'imaginait emmener des Padawans à SP-Station pour qu'ils reprennent confiance, trouvent un sens à leur nouvelle vie déchantait.- Un vol ? Quand est-ce que celui-ci a eu lieu ?

Après avoir passé du temps avec des policiers, le blond savait qu'il ne fallait pas confondre hasard et véritable enquête. Beaucoup s'en inventaient, et les coïncidences étaient plus nombreuses que ce qu'il n'y paraissait, mais aujourd'hui, c'était la deuxième affaire que Karm et lui récoltaient potentiellement sur les bras. Un vol inexplicable de plantes sacrées, et maintenant des pièces dans ce hangar, plus compréhensible quant à lui, certes.

- Nous n'aimons pas beaucoup parler de ces choses-là, c'est délicat vis-à-vis de la clientèle, voyez-vous.

Répliqua Gozad dans ses petits souliers. Le Hapien qui s'y attendait repris

- Il me semble que vous rachetez des pièces, non ? Nous en avons beaucoup à proposer, seulement nous aimerions être certains que les échanges soient sécurisés, et que d'autres produits que nous commandons nous soient bien réservés et ne disparaissent pas.

Le Yaga visiblement habitué à flairer les bonnes affaires changea d'attitude. Si des clients pouvaient revenir, c'était d'excellents hôtes à choyer. Si ces deux-là étaient en plus étrangers, ils pourraient ramener des produits exotiques.

- Oh vraiment ? Et quel genre de pièces ? Oh et ne vous en faites pas pour la sécurité, nous avons renforcé le bâtiment. De solides Gamorréens gardent les entrées et nous avons même un Sluissi, redoutables, les Sluissis. Ce genre d'incident n'arrive que rarement, très très rarement. Ce qui s'est passé hier est sans importance et isolé.

Le Yaga regrettait visiblement d'avoir avoué le fait que les événements soient si récents mais dans sa précipitation pour défendre son échoppe, il s'était laissé aller aux aveux. Heureusement, la femme et les deux hommes qui l'accompagnaient ne semblaient pas dangereux. Afin de détendre l'atmosphère, la capitaine de l'Abondance commença à décrire les pièces dont ils avaient besoin. Après tout, Luke n'avait pas menti. Si le Bazar Mécanique les fournissait honorablement, il n'y avait pas de raison pour ne pas y revenir.

Le long museau de l'insectoïde frémissait tandis que Djaïla négociait, leurs tons se haussaient mais Luke n'était pas inquiet. Son expérience de diplomate l'avait mené aux confins de terres éloignées et étranges. La fausse colère et l'emportement des négociateurs était un des rares points communs que toutes ou presque partageaient, et ce peu importe le niveau social. Le Jedi en profita timidement pour visiter, lentement certes, les étals encombrés. Il se plongea dans la Force pour sentir un éventuel danger ou des traces mais sans succès. En même temps, s'il avait eu des dons Kiffars, il l'aurait su depuis longtemps, mais peut-être que Karm trouverait quelque chose avec ses dons de voyant ? Il avait quand même retracé le parcours d'une jeune fille qui allait nourrir sa compagne, cachée dans l'entreprise de son père. Luke le sonda rapidement après avoir envoyé une impulsion légère dans la Force, laquelle s'achevait par une irradiation affectueuse. Si son ami était fatigué suite à sa connexion avec la Gamorréenne, il ne voulait pas le voir forcer.

Les dons de Karm rendaient toujours un peu Luke mal à l'aise. Il avait pleinement confiance en son aîné, mais ces capacités apparues si soudainement l'inquiétaient. L'Ark-Ni n'était pas connu pour se ménager et le Hapien était perdu. Il ne pourrait pas le soutenir en cas de problème, déjà que lui n'y voyait rien au présent, comment gérer des visions passées et futures ? D'autant plus que son compagnon semblait en souffrir. Luke n'oubliait pas les nuits agitées de ce dernier, ses cauchemars, sa peur de s'endormir qu'il lui avait une fois confiée. Il savait toutefois que les Jedis devaient mettre leurs dons au service de la communauté et que les intentions de son aîné étaient toujours bonnes. Mieux valait sans doute que ce soit lui qui ait acquis ce don de prescience plutôt que ce cinglé de Noctis. Lequel devait d'ailleurs bien s'amuser de leur situation.

- C'est bon, on a ce qu'il faut. Vous voyez autre chose ?

Les épaules de Djaïla s'étaient légèrement affaissées, elle semblait soulagée. Finalement l'horrible pègre de Sp-Station semblait fréquentable, au moins pour les affaires. Elle s'était tournée vers Karm pour lui demander s'ils avaient besoin d'autre chose, malgré tout confiante en son expertise pour la mécanique.

- Peut-être... des instruments de divertissement ? Suggéra-t-elle taquine, se retournant cette fois vers Luke.- Comme des livres ou des écouteurs, n'est-ce pas ?


C'était finalement rassurant de savoir qu'on n'était pas la plus innocente, au moins dans un des domaines.
Karm Torr
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Le Maître Jedi écoutait d’une oreille distraite les négociations entre Djaïla et Zagod, qui avaient pris un tour très vite très technique. Le Yaga devait avoir une connaissance encyclopédique des machines, parce qu’il paraissait savoir toujours très précisément de quoi lui parlait son acheteuse, alors même qu’il était question de machines agricoles de plus en plus précises. Pendant ce temps, Karm parcourait l’entrepôt à pas lents, sous le regard vigilant des gardes et des droïdes de sécurité.

Ironiquement, le bazar n’était pas en bazar. Au contraire, c’était comme naviguer dans une taxonomie précise du monde mécanique, des pièces détachées à droite jusqu’aux machines assemblées à gauche. Karm songea qu’il devait y avoir quelque chose de satisfaisant à être propriétaire d’un pareil domaine. Bien en ordre. Bien classé.

Hmm ?

Les négociations finies, le Jedi revint près du comptoir.

Je n’ai rien contre des instruments de divertissement personnel, pour ma part, dit-il d’un ton dégagé.
Excellent ! Nous avons des engins de succion qui vous rappelleront les meilleures…
Mais peut-être une autre fois.

Le Yaga se pencha par-dessus le comptoir et murmura d’un ton entendu :

Revenez quand vous serez seuls, si vous craignez de choquer votre associé.
Que voulez-vous, il est d’une innocence angélique.

Puis l’Ark-Ni releva la voix.

Et sinon ? De quoi vous avez besoin, de manière générale ? Qu’est-ce qui se vend bien ?
Les composants de droïdes, toujours. Surtout les circuits neuronaux. Pour les fonctions spécialisées. Protocolaires, ingénierie, vous voyez le tableau. Les équipements d’extraction pour les mines. Notamment pour les astéroïdes. Les hyperdrives. Les cristaux.
Les cristaux ?
Ah, ça, mon bon monsieur, on n’en a jamais assez, mais il faut dire qu’on en a jamais beaucoup ! Les Siths n’exportent rien côté impérial et la République… Je ne sais pas s’il reste grand-monde là-bas qui sachent encore s’y prendre. Les filières jedi n’étaient déjà pas une partie de plaisir, alors dans la situation actuelle…
Je vois. Hé bien, on gardera l’oeil ouvert…

Un nouvel échange de cordialités plus tard, les visiteurs quittèrent le Bazar. Quelques pas plus loin, Karm interrogea Djaïla sur le résultat de leurs petites affaires.

C’est beaucoup moins cher que sur le marché républicain, ça, c’est sûr.
L’absence de taxes ?
Probablement. Je n’ai jamais si peu payé pour du matériel agricole. Il n’y a pas nécessairement d’équipement de dernière génération, mais les fermiers de Dantooine n’ont jamais eu les moyens de se l’offrir de toutes façons. C’était toujours des progrès pour les grandes fermes des mondes-greniers du Noyau. Le seul problème, c’est le suivi.
Le suivi ?
Tout ça, ça n’inclut pas le service après-vente, vous voyez ce que je veux dire ? La garantie technique. C’est l’inconvénient d’acheter du matériel sur le marché noir. Si ça casse… Il faut réparer soi-même. Ou repayer. Si on repaie, ça finit par faire plus cher, tout compris.
Donc on a besoin de développer les compétences en mécanique sur Dantooine.
J’imagine.

Djaïla avait pressé le pas, visiblement peu disposée à flâner dans les coursives populeuses de la station spatiale.

Si on m’avait dit que je finirais par devenir un économiste sur le tas…, murmura Karm.
Pardon ?
Non, rien. J’en déduis à notre présente course effrénée dans les dédales du Sublime Portail…
J’ai le pas vif, c’est tout.
… que vous préféreriez ne pas vous attarder ?
Je préfère le sol des planètes que des stations spatiales.

Avoir des milliers de kilomètres de roche sous les pieds lui paraissait beaucoup plus rassurant.

Kayan et moi, on a deux ou trois trucs à vérifier avant de partir.

Djaïla s’arrêta au seuil de l’astroport.

Vous attendez dans le vaisseau ?
Probablement. Vous avez besoin d’aide ?
On devrait se débrouiller.
Ne jouez pas aux jeux d’argent.

Karm haussa un sourcil.

Faites attention à vos poches.
Euh…
Et ne fréquentez pas les prostituées.
On va essayer, mais ça va pas être facile de se retenir.

Djaïla fixa son interlocuteur.

Vous êtes vraiment un peu spécial, comme Maître Jedi, hein…
À c’qu’il paraît, ouais.

Ils se séparèrent sur ces mots et, quelques minutes plus tard, les deux Jedis erraient à nouveau dans les rues artificielles de SP. Les mains dans les poches, Karm avançait au petit bonheur la chance, et n’importe qui l’aurait pris pour un promeneur distrait, sauf son compagnon, car Luke pouvait sentir l’esprit du Maître vagabonder au gré des ondulations de la Force, sans but précis, mais attentif.

Parfois, mû par une intuition surnaturelle, Karm bifurquait brusquement. Ce qu’il cherchait, c’était la légère trépidation de l’événement sur le point d’advenir, la tension propre, au sein de la Force, à l’instant extraordinaire. C’était comme écouter l’orchestre symphonique dont la mélodie se préparait à prendre une ampleur soudaine.

, dit-il brusquement en s’arrêtant devant un bar. Là, des gens préparent l’avenir.

À en juger par la mine peu engageante de l’établissement, l’avenir en question ne devait pas être fort reluisant. Il en fallait plus pour décourager l’explorateur, qui passa la porte automatique pour pénétrer dans une pièce unique occupée d’un côté par un long zinc derrière lequel s’activait un droïde de service et de l’autre par des tables aux chaises dépareillées, où les clients parfois jouaient aux cartes, souvent pariaient sur des courses de pods retransmises par des holoprojecteurs crépitants et, presque toujours, fumaient.

En cinq ou six coups d’oeil l’ancien soldat qu’était Karm comprit tout de suite qu’ils venaient de mettre les pieds dans un bar de gros bras. Les cheveux coupés ras, les tatouages des armées républicaines ou impériales, ou des guildes de mercenaires de l’Espace Hutt, les cicatrices, les muscles saillants : tout cela ne trompait pas. L’ambiance, cependant, avait quelque chose de paisible : ces gens-là passaient le temps, tout simplement, en attendant que quelqu’un ait besoin de leurs talents très particuliers. D’ailleurs, à peine les deux Jedis se furent-ils installés sur les tabourets du bar qu’une femme d’une cinquantaine d’années aux cheveux blonds décolorés se glissa près d’eux, munie d’un datapad.

Vous cherchez de la main d’oeuvre, demanda-t-elle ?
Comment vous savez qu’on vient pas vendre nos talents d’artistes martiaux ?

La dame les détailla l’un après l’autre. Luke surtout.

Écoutez, j’imagine que l’habit ne fait pas le moine, mais…
Nan mais vous avez raison. On cherche des gens qui sachent… Vous savez, c’t’une question de…
C’est pour un projet plutôt discret, suggéra diplomatiquement l’entremetteuse ?
Voilà. Des choses qui nous appartiennent, et qu’on nous a prises, mais injustement, vous voyez ? Et que donc on serait dans notre bon droit de chercher à récupérer, avec tact et délicatesse.
Je vois…

Elle les jaugea une nouvelle fois du regard, avant de préciser :

L’établissement ne fait que la mise en contact.
Euh… OK.
Nous ne saurions être tenus responsables de la tournure que prendrait la relation de travail.
Ça roule.
Dans ce cas, je vais voir si certains de nos habitués sont disponibles.
Luke Kayan
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- Quoique finalement, vos objets de divertissement là, il me faudrait peut-être de nouveaux écouteurs...

Le jeune homme obtient sans marchander, la paire qui remplacerait ceux qui avaient un faux contact depuis longtemps, leur départ précipité d'Ondéron s'il s'en souvenait bien. Depuis, l'un des écouteur lui lançait régulièrement de minis décharges dans les oreilles, tandis que l'autre grésillait selon son bon vouloir. Djaïla les quittait lorsque le jeune Jedi rattrapa son compagnon. Ce dernier était si concentré que le Hapien n'osa lui poser aucune question, préférant s'attacher à le soutenir autant que possible. Dans ces lieux, il n'était malheureusement pas très utile et ne pouvait offrir à Karm, qu'une petite source d'énergie dans laquelle puiser. L'autre partie, le blond l'utilisait pour éviter, souvent à la dernière seconde, de se prendre une épaule étroite, un poitrail démesurément large ou une tête vissée au corps, sans cou apparent. Ils fendirent ainsi des foules jusqu'à piler devant un bar peu engageant. Il s'en détachait une ambiance paradoxale, à la fois inquiétante et paisible. Seul, Luke aurait naturellement fait demi-tour mais confiant, il n'hésita pas à suivre son ami.

Sitôt installés, les Jedis furent abordés par une quinquagénaire, une sorte d'entremetteuse professionnelle. Tandis que Karm et elle discutaient, le Hapien laissa filtrer une onde de Force, ténue, étroitement contrôlée afin de ne pas dévoiler à un autre Sensible leur propre présence. Le prix à payer pour cette sécurité relative : des informations moins précises, mais Luke en savait assez pour détecter un autre Sensible -si ce dernier ne s'occultait pas astucieusement.- Soulagé de déterminer qu'aucun d'entre eux ne se délectait dans la salle, il osa s'ouvrir légèrement plus. Il espérait ainsi monter discrètement la garde au cas où si un imprévu surgissait. À leur encontre, le jeune Jedi sentait peu d'hostilité, plutôt de la curiosité mâtinée d'un certain mépris, quoiqu'au sein de la Force, difficile de vraiment définir cette émotion. Peut-être était-ce de la défiance ou de la simple prudence ?

Le jeune homme commanda un cocktail sans alcool de manière ostensible. Sur le coup, passer pour l'étranger fragile qui souhaite s'encanailler lui paraissait être une bonne idée. Les personnes mal intentionnées prendraient moins de précautions, les laissant capter le piège avant que ce dernier ne se referme. Par chance, ni Karm ni lui ne semblaient venir des beaux quartiers avec des vêtements simples, sans oublier le langage simple de son ami. Ici, la moindre négation mangée, la plus petite abréviation pouvait faire la différence, et si paraître faible était une stratégie intéressante en soi, avoir l'air d'un gosse de riche tombé des quartiers hauts ne l'était pas du tout.

- On nous a pris quelque chose et on voudrait le récupérer. - Une légère tension monta, animant les fines oreilles entraînées qui écoutaient malgré tout la conversation.- Un hyperdrive sophistiqué qui nous était réservé. Il venait d'Arkania. C'est pour ça qu'on y tient.

Un objet assez rare sans être exceptionnel, toujours pour montrer l'intérêt de l'affaire (ils avaient de quoi se payer le luxe d'un bon hyperdrive, donc un mercenaire) sans risquer le racket. Deux étrangers venus s'encanailler, dépités de subir les conséquences logiques de leur escapade. Peut-être des voyageurs qui espéraient faire une bonne affaire en évitant les taxes sur les produits. Luke avait préféré ne pas offrir trop d'informations comme l'endroit d'où était sensément issu le fameux hyperdrive, pour attiser la convoitise sans dévoiler le mystère compet, mais aussi éviter des vérifications sur le tas. De quoi auraient-ils l'air si un de ces lascars connaissait le Bazar Mécanique et disait n'avoir eu aucun objet issu d'Arkania réservé et volé. Un hyperdrive, encore, Luke ne prenait pas beaucoup de risques, le Bazar en était plein, certains avaient sûrement fini dans les poches des voleurs. Enfin, le blond évitait aussi de trop préciser pour offrir une grande liberté de mouvement à Karm. C'était lui qui avait eu les visions, et il ne savait pas trop jusqu'où ces dernières s'étendaient. Cette fois, Luke était condamné à la double cécité. Il suivait son ami avec confiance, ne sachant ni pourquoi, ni comment leur avenir leur serait dévoilé en demandant l'aide d'un mercenaire pour découvrir qui avait volé le Bazar.

La débrouillarde entremetteuse s'éloigna des compères pour discuter avec quelques groupes. Elle y était généralement bien accueillie, avec un respect assez étonnant. C'était la preuve qu'elle était parvenue à se faire une place parmi ces bandits et ces criminels, malgré son sexe, son âge et peut-être ses origines qui ne la laissaient pas penser si démunie que ça. Était-elle aussi une étrangère venue s'encanailler qui avait fini par tomber amoureuse de ce mode de vie ? Le Hapien avait entendu qu'il en fallait, des gens comme elle, issus de la haute qui désiraient descendre.

Son efficace travail la mena rapidement à sélectionner quelques personnes, dont le premier un humain fin mais musclé accompagné d'un grand gaillard Devaronien. Le petit avait l'air rusé, contrastant avec l'orbite vide de son camarade. De vrais personnages de romans, le cliché même des petits criminels qui luttaient pour survivre en ces lieux, chacun complétant l'autre. L'intellect et la force réunies bon gré, mal gré.

- Je m'appelle Duck et voici Po'Wan. On a pas mal d'yeux qui traînent sur le secteur. À la limite, on pourrait vous offrir des pistes sur les voleurs de votre hyperdrive, et selon la clique responsable, vous aider à les récupérer... Mais je vous préviens, il y en a des gangs sérieux que personne ne voudra défier, du coup, vous payez les infos mais on ne promet rien sur la deuxième partie du boulot. 5 000 crédit la piste avec preuve à l'appui que c'est sérieux.

Comme quoi, les bandits honnêtes, ça semblait exister. Limite si ces deux-là n'auraient pas offert la facture qui allait avec. À leurs côtés, la quinquagénaire guettait attentivement la suite des négociations, non sans rajouter de sa voix sucrée.

- 6000 avec mes intérêts pour la mise en contact.


Indiquât-elle sur un ton aussi naturel que si elle décryptait les secrets d'une TVA bien particulière appliquée dans la station. Nouvelle preuve de respect, les Duke et Po'Wan n'émirent aucune opposition, ni ne cherchèrent à se débarrasser de la femme pour échapper à la fameuse taxe. Elle avait le monopole sur les mises en contact dans le secteur. trouvant quel client collerait avec quel professionnel. Une sorte de garantie en plus à laquelle tous tenaient. S'opposer à Daria, c'était risquer de rester dans l'ombre et de ne jamais être présenté à quiconque. Elle était aussi en grande partie responsable du calme étrange qui régnait dans la cafétéria où aucun criminel ne semblait décider à se disputer une affaire. Daria choisissait ou évinçait. Luke se dit que lorsqu'ils auraient compris un peu mieux le système, il devrait faire face à la fausse blonde et lui demander des renseignements. Pour l'heure cependant, son attitude et sa position de force le poussaient à rester calme, presque insignifiant face à elle.

Conscient d'avoir adopté un rôle que tous comprenaient ici, celui de l'accompagnateur, de l'assistant peut-être, le Hapien se contenta de tourner vaguement la tête vers Karm. Il faisait office de chef dans leur fameux duo. À lui de voir si la proposition convenait.
Karm Torr
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Ah ouais.

Telle fut la laconique réponse de l’Ark-Ni, qui se contenta par la suite de poser son regard alternativement sur l’un, puis l’autre, puis la troisième, pour la plus grande perplexité collective. Les secondes passèrent avant que Duck ne se décide à demander :

Ben du coup ? C’est d’accord ou bien ?
Hmm ?
Cinq milles…
Six.
Ouais. Six milles crédits.
Ah. Je réfléchis.

Duck se pencha vers Luke pour chuchoter :

Il est défoncé, ton copain, ou bien…?
C’est trop cher.
C’est une grande station. Faut avoir de l’entrejambe.
De l’entregent, corrigea machinalement Daria.
Ouais. Voilà. C’que j’ai dit. C’est des compétences rares qui ont un certain prix.
Non mais je veux bien, c’est juste que c’est trop cher pour nous.
Ben tant pis, alors…

C’était une espèce de déception polie, comme si Duck avait tenté de leur vendre un tapis qu’il savait pouvoir caser plus tard chez un autre client. Daria aimait le calme et la politesse. Les négociations, d’accord. Les éclats de voix, hors de question. C’était pour l’assurance de la sécurité et de l’efficacité que les clients venaient dans son établissement et elle était déterminée à entretenir cette précieuse réputation.

Allons, allons, tempéra-t-elle avec toute la douceur d’une commerciale professionnelle. Peut-être qu’il y a d’autres arrangements possibles. Vous plaisantiez, tout à l’heure ?

Elle interrogeait les deux Jedis du regard.

Moi ? Jamais.
Sur vos compétences martiales.
Ah. Non.
Dans ce cas, peut-être pourriez-vous rendre quelques services qui vous permettraient d’accumuler les crédits nécessaires pour vous offrir ceux de nos deux amis ici présents.

Karm se demanda aussitôt combien des mercenaires qui fréquentaient l’établissement avaient eu jadis une conversation semblable avec Daria. Combien d’entre eux étaient passés de clients à fournisseurs.

Ben… Ouais. Je sais pas. Pourquoi pas. Vous pensez à quoi, en particulier ?

Daria se tourna vers Duck et Po’Wan.

Messieurs, je crois savoir que l’un de vos contrats s’est récemment heurté à une difficulté de taille, qui exigerait une résolution… Musclée.
Parce que ce type a l’air musclé, selon toi ?
J’soulève de la fonte…, marmonna Karm d’une voix presque inaudible.
Il ne faut pas se fier aux apparences. Expliquez donc votre situation.

Duck et Po’Wan se consultèrent d’un regard, et puis Duck finit par pousser un soupir résigné.

J’vous préviens, c’est une affaire avec les Trois Crânes.
Les Trois Crânes ?
L’un de nos gangs locaux, expliqua Daria. [color=orchid]Ils prétendent dépendre directement des kajidics, mais en réalité, c’est une bande de jeunes voyous. Peu intéressés par… Les coutumes habituelles de ce genre de milieu, si vous voyez ce que je veux dire.[/colro]
Des électrons libres, quoi.
Exactement.
Ouais, donc. Y a une semaine, environ, la meuf de la Grande Serre vient nous engager. C’est un magasin d’orgieculture…
Horticulture.
Ouais. Voilà. C’que j’ai dit. Un magasin d’horticulture. La patronne nous dit qu’elle a été cambriolée. Pas la caisse. Les plantes.
Elle ne fait pas que des fleurs, précisa Daria. Fruits, légumes… Vous imaginez la petite fortune que ça représente sur une station spatiale comme celle-ci. La seule source de produits végétaux frais. Le prix d’une courge, de nos jours, vous n’avez pas idée…
OK. Et donc ?
Et donc, ben, nous, on enquête. Genre, comme il faut. Et il se trouve que les Trois Crânes ont fait le coup. Bon, la meuf de la Grande Serre, elle veut récupérer sa marchandise. Normale. Sauf que tout ça, c’est en plein dans le QG des Trois Crânes.
Un nightclub pour dockers, soldats en permission et mercenaires peu fréquentables, dans les niveaux inférieurs, près des passerelles techniques.
Et donc j’imagine que vous cherchez des gens pour forcer le passage ?

Duck hocha la tête.

Hmmm…

Les bras croisés, appuyés contre le dossier de sa chaise, le Gardien demeura un moment songeur.

V’z’avez pas peur des représailles, demanda-t-il finalement ?

À en juger par le silence qui s’ensuivit, il venait de mettre le doigt là où ça faisait mal. Daria finit par se tourner vers les deux hommes de main.

Allez chercher vos plans, qu’on en discute plus en privé.

Dux entraîna son acolyte avec lui et l’entremetteuse fit signe aux deux Jedis de la suivre. Quelques instants plus tard, ils étaient installés avec elle dans un petit bureau exigu, comme souvent les espaces privés sur une station spatiale.

Pour répondre à votre question, disons qu’il y a… Un intérêt largement partagé à mettre un terme aux activités des Trois Crânes. Mais que toutes les parties intéressées attendent un signe de faiblesse. Une ouverture, en quelque sorte.
Et les parties intéressées, c’est… ?

Elle le fixa longuement avant d’insinuer :

Toute cette histoire n’a pas l’air de beaucoup vous perturber. Pour des voyageurs de passage…
Disons qu’on est… Habitués aux situations compliquées.
Et que faites-vous dans la vie ?
Des choses et d’autres.
Mais encore ?
On négocie. On se bat. Quand la négociation marche pas.
Mercenaires ?
Disons plutôt une sorte d’ONG.
Drôle d’ONG.
Ouais, on aime cultiver notre originalité. Et donc ? Les parties en présence ?
Hé bien… Les gens d’ici n’ont rien contre les mercenaires en général, ni une ou deux activités… Qui seraient peu légales sur d’autres territoires. Mais dans l’ensemble, nous vivons sur une station paisible, qui se targue d’être un point de ralliement pour beaucoup de gens, un intermédiaire neutre où les affaires qui ne peuvent pas se conclure ailleurs puissent se retrouver. Personne n’a d’intérêt personnel ou commercial à voir le Sublime Portail dégénérer dans la violence comme une vulgaire station pirate de la Bordure Extérieure.
Je vois.
Une première défaite des Trois Crânes mettrait le pied à l’étrier de beaucoup de monde, conclut Daria.
Luke Kayan
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[Hj : Désolée de la qualité... Reprise après un mois sans toucher au clavier et malade ++ en prime ! J'essaye de me rattraper sur le prochain post drunken ]

Surprise et inquiétude se mêlaient dans l'esprit du jeune homme qui se voyait devenir mercenaire à la botte d'autres mercenaires, tandis que Karm tentait d'avancer dans les entrelacs de leur tortueuse affaire. En tant que diplomate, Luke était un habitué des détours. Face le mur infranchissable posé devant son objectif, il n'hésitait pas à reculer, prendre un chemin à droite ou à gauche. Il se trouvait finalement avec un but bien différent de celui d'origine mais qui saurait le ressourdre. Jeune chevalier impétueux (si tenté que ce terme ait un jour pu lui convenir), le Hapien peinait à faire marche arrière. C'était beaucoup trop frustrant. L'expérience de son maître, l'âge que lui même avait acquis avaient toutefois achevé de le convaincre. Il comprenait l'idée de son ami, sans pourtant être certain de devoir emprunter ces chemins. Avaient-ils réellement besoin de résoudre cette affaire de vol ? Celle des pièces probablement pas, mais celle des plantes sacrées, c'était une promesse. Non sans regrets, le jeune décida de laisser parler Karm. Non seulement il ne fallait pas risquer leur couverture -bien maigrelette- mais il avait aussi confiance.

Cette ambiance polie, qu'on retrouverait aisément dans d'autres stations, rendait Luke mal à l'aise. Il préférait le schéma caricatural, donc plus prévisible du gentil blanc et du méchant noir. Maintenant le monde était gris. Une couleur que le Hapien ne connaissait pas.

- Récupérer ces plantes suffirait ? - Interrogea finalement le jeune homme qui sortit de son silence, à la surprise de Duck. Loin de le penser le blondinet aveugle, il l'aurait presque cru muet. Il se reprit et hocha la tête avec vigueur.

- Ouais, disons que ce serait symbolique. - Daria qui s'apprêtait à corriger une énième faute referma ses lèvres délicatement maquillées. Elle se leva, dépliant ses jambes élégantes quoique marquées de creux significatifs. Une histoire difficile combinée à un début de vieillesse avaient légèrement attaqué les chaires de cette étrange femme, à la notion de paix toute aussi étrange. Bien des idéalistes auraient aimé construire ce type de micro-société, là où légal et illégal se frôlaient en se respectant presque.

- Messieurs, vous connaissez la procédure lorsque vous vous apprêtez à signer un contrat.

Duck et Po'Wan s'étaient instantanément retournés vers la quinquagénaire. Sans doute allaient-ils payer une commission à l'abri du regard des nouveaux. L'entreprise si spéciale de Daria reposait sur sa subtilité. Encaisser n'était pas l'unique but de sa manoeuvre. Elle voulait laisser aux potentiels "mercenaires" de mercenaires, le temps de réfléchir et de discuter. L'avisée préférait
leur offrir un peu d'intimité. Un climat de confiance dès le début garantissait la fidélité des futurs clients et travailleurs. Ces deux-là ayant la vocation d'être les deux, les chérir était d'autant plus important. Elle n'avait d'ailleurs que peu de doutes quant aux capacités de l'homme aux cheveux argentés de régler ce genre d'affaires. Habituée, Daria avait su lire plus loin que sa silhouette androgyne. Son calme, sa détermination, sa stabilité montraient un aventurier différent des clichés, mais d'autant plus efficace. Quant au blond, il semblait posséder une certaine discipline, une sérénité apparente qui tranchait avec ce dont ils traitaient. Malgré son air absent et peut-être encore plus fragile que son compagnon, lui aussi avait l'air habitué. Et surtout, le duo était solide, ça aussi Daria l'avait remarqué. Jusqu'à quel point ? Elle seule le savait.

Profitant de ce moment de solitude aménagé, Luke consulta son ami.

- Il faudrait pouvoir enquêter. S'assurer que les Trois Crânes se sont vraiment rendus coupables de ce vol. Si c'était le cas, nous pourrions éventuellement les relier au vol des plantes sacrées des Gamorréens mais nous avons besoins de preuves.

Qu'il était difficile de se détacher de son passé, des procédures rassurantes. Ces lois qui permettaient au monde de tourner, sans que des justiciers auto-proclamés décident de mener des exécutions sans procès. Luke avait bien du mal à accepter de servir de mercenaire pour donner une leçon aux Trois Crânes, sans consulter la police, ses nombreux fichiers, préparer une infiltration... Il accédait toutefois à sauter quelques étapes pourvu qu'ils s'attaquent à la bonne personne. Après tout, eux ne connaissaient que la version des mercenaires ou de Daria. Chacun avait son intérêt à ce que les Trois Crânes subissent une défaite. Un léger soupir s'échappa de ses lèvres avant qu'il ne concède.

- Je te fais confiance.

Son ami avait eu une vision, il savait que leur avenir, d'une manière ou d'une autre, était prisonnier de ce mystérieux bar abritant des mercenaires polis. Parmi les entrelacs d'intrigues de la station et qui semblaient destinées à échouer devant les longues jambes martyrisées de Daria.

- Est-ce que tu penses qu'entamer des relations, y compris de dettes et de rendus avec ces gens est une bonne idée ?

Nul mépris dans la voix du jeune Jedi, simplement de l'inquiétude. Le dos droit, les mains savamment et délicatement posées sur ses genoux, il cachait aux yeux du monde, cette attitude. Cependant quiconque le connaissait bien -et Karm était loin d'être quiconque- devinerait son stress maîtrisé. Quitter le monde relativement aseptisé de l'Ordre était difficile. Le Hapien avait vécu des missions périlleuses, il n'avait pas été épargné, probablement moins que bon nombre de Consulaires (du moins ceux répondant aux clichés d'intellectuels en ermitage au fond de leur bibliothèque). Malheureusement jusque là, il avait toujours pensé servir le bien. Les lois, les rapports, tout ceci lui laissaient croire qu'il avait des raisons de négocier, de se battre ou de mener des arrestations. Mais aujourd'hui, s'imaginer réduit au rôle de Mercenaire, soumettre la Force à de telles aventures impies, pour son propre besoin -en somme la survie de leur communauté- lui paraissait être un outrage. D'un autre côté, il savait pertinemment que Karm partageait sa notion de respect et ses valeurs pour leurs idéaux. Son aîné ne ferait rien qui leur déroberait le peu de dignité qui leur restait. Dès lors, demeurait une question : comment procéder ?

L'enquête des plantes, Luke pouvait s'en charger, trouver des preuves à l'aveuglette, remonter une piste, c'était sa spécialité. Mais comment débuter cette mission sans compromettre ce qu'ils étaient ? L'étaient-ils réellement encore, des Jedis ?
Karm Torr
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Une bonne idée ?

Karm promena un regard légèrement soupçonneux tout autour d’eux, avant de rapprocher son siège de celui de Luke. Peut-être qu’il y avait des micros. Alors il murmura très bas à son oreille :

J’fais confiance en la Force qui nous a conduit ici et entre toutes ces histoires de plantes, j’crois pas à une coïncidence. On a une bonne piste qui nous permet à la fois d’aider ces pauvres gens à qui on a volé leurs reliques et d’empêcher que la paix civile ici soit explosé par des loubards qui pensent qu’à leur tronche. Trafiquer de la bouffe dans un endroit où elle est déjà hyper chère, c’est quand même pas super glorieux.

Paradoxalement, une activité plus rare qu’on ne l’aurait cru. L’avantage de la drogue ou des armes, c’était que les conditions de conservation n’imposaient pas une logistique complexe. Mais pour faire circuler de la nourriture par contrebande, il fallait des vaisseaux réfrigérés, des routes rapides, des chaînes de distribution impeccables. Karm était prêt à parier que le larcin des Trois Crânes finirait par pourrir en bonne partie dans des entrepôts, faute d’infrastructures suffisantes du côté du gang.

Faut voir qu’on est dans un endroit où y a pas vraiment d’État. Pas d’État, pas de flics, pas de juges. Les gens règlent leurs affaires par consensus, par intérêt commun, en employant des mercenaires, qui sont pas forcément toujours des criminels du genre des porte-flingues des Hutts. C’est des sortes d’agents de sécurité. C’est toujours un peu comme ça dans la Bordure. Ce qui compte, c’est pas tant d’apprécier la légalité formelle des institutions, mais de reconnaître qu’il y a des institutions, même informelles, et d’identifier en quoi elles servent le bien commun des gens qui vivent là. Tu me suis ?

Karm avait bien conscience que la vie loin de la République ou même de l’Empire avait quelque chose d’étrange pour les Consulaires rompus à la justice et à la diplomatie des États les mieux développés. Lui, l’explorateur, était habitué à faire escale dans ces communautés, au milieu des déserts ou de l’espace, où rien n’était très stable ou très explicite.

Fais le vide dans ton esprit. Concentre-toi sur la Force. Concentre-toi sur la Lumière. Le reste, les lois, les institutions, tout ça, c’est des outils pour parvenir à une fin, mais la fin, c’est la justice et la protection des plus faibles.

Puis Karm se recula. Quelques minutes passèrent encore avant que Daria ne refît son apparition en compagnie des deux mercenaires.

Messieurs, demanda-t-elle ?
Ça roule.
Parfait. Je vous laisse donc à vos affaires. Comme d’habitude…
Ouais, ouais, on sait…, fit Duck.
… je vous enjoins à faire preuve de pondération.
Est-ce qu’on t’a jamais déçue ?
C’est peut-être parce que je vous le rappelle à chaque fois ?

Le jeune homme haussa les épaules, mais il était évident à son attitude que ces rappels à l’ordre ne lui déplaisaient pas autant qu’ils pouvaient le prétendre.

Allez, venez les mecs.

Duck les entraîna à l’extérieur.

Vous êtes sûrs de votre coup ? Sur la culpabilité des Trois Crânes ?
Ouais. ‘Tendez, on vous emmène dans notre base.

« Base », c’était peut-être un bien grand mot : quelques coursives plus loin et deux ponts plus bas, Duck les faisait pénétrer avec Po’Wan dans une espèce de grand garde-meuble reconverti en QG pour les deux mercenaires. Au centre, il y avait une table numérique circulaire et puis les deux hommes s’étaient partagés l’espace.

À droite, c’était la tanière du Devaronien : les murs étaient décorés par des projections holographiques de podracing ou de plantureuses Devaroniennes fort peu vêtues. D’énormes haltères traînaient à côté d’un canapé défoncé où une console de jeux vidéos était reliée à un projecteur holographique dernière génération. Sans nul doute le principal investissement de ses gains de mercenaire.

À gauche, c’était le domaine de Duck. Le regard de Karm fut immédiatement attiré par une projection holographique intitulée Les Dieux du Limmie, où de musculeux joueurs du fameux sport galactique posaient entièrement dénudés de façon quelque peu suggestive. Duck suivit le regard de l’Ark-Ni, rougit violemment, et s’empressa d’aller éteindre l’affichage.

Non mais euh… c’est juste, euh… j’suis fan de, euh… De sport, quoi.

(Il en profita pour repousser du talon sous son canapé un datadisk qui contenait l’intégralité des romans sentimentaux de la collection Hapiens, coeurs à vif, dans lesquels l’intrigue tournait en général autour de séduisants mâles hapiens qui quittaient le Consortium à cause de l’oppression des femmes, pour trouver l’amour dans les bras de non moins séduisants pilotes de chasseur, mercenaires, hommes d’affaires aux secrets mystérieux, guerriers virils et vigoureusement constitués, etc.)

Bon et donc, voilà comment on s’y est pris…

Duck se rapprocha de la table centrale, où il se mit à pianoter pour afficher une série de données. Il y avait des photographies, des courbes, des tableurs numériques, toutes les pièces d’une enquête dont la précision et la complexité dépassaient de très loin ce que Karm aurait pu imaginer.

On a commencé par des filatures classiques. On a acheté les dossiers des collègues qui ont déjà eu affaire aux Trois Crânes et qui avaient cartographié les déplacements des principales têtes de l’orga, pour voir si les habitudes changeaient, en comparant avec nos propres observations. Parallèlement, Po a hacké le système bancaire…

Karm eut besoin de tout son considérable flegme pour ne pas adresser un regard surpris à Po’Wan en apprenant que le Devaronien mutique amateur de musculation était par ailleurs un pirate informatique.

… et on a pu comme ça identifier, entre la filature et les transferts d’argent, des achats récents de matériel électrique. On s’est branché sur le système de distribution électrique de la station et on a comparé les données des derniers jours avec celles des derniers mois et clairement, y a un pic de consommation dans le secteur des Trois Crânes. En recoupant nos diverses informations, on en a déduit que les Trois Crânes avaient installé des systèmes de réfrigération dans une série d’entrepôts achetés par des proxy depuis trois mois.

Plus Duck parlait de leur enquête, plus sa voix trahissait l’enthousiasme intellectuel éprouvé à démêler toute cette histoire. Karm comprit pourquoi on les avait interrogés, Luke et lui, sur leurs aptitudes martiales : les deux mercenaires étaient manifestement spécialisés dans un tout autre domaine.

Bon, maintenant, le Sublime Portail a pas de statistiques économiques officielles, ni de bureau pour collecter ça ni rien, mais on a mené une petite enquête sur la consommation d’une dizaine de ménages ces derniers mois et à partir des témoignages de nos sources, on peut dire que les prix de la nourriture ont augmenté de 20%.
Une seconde.
Vous êtes pas d’accord avec les données, demanda Duck avec une soudaine pointe d’incertitude ?
Euh… Si, non mais si, probablement, ça a l’air hyper… Carré. Mais t’es en train de dire, là, que les Trois Crânes, c’est pas des types qui ont fait un coup une fois pour voler trois patates, c’est ça ? Que c’est…
Une opération en cours depuis plusieurs mois pour contrôler la distribution de la nourriture au sein du Sublime Portail tout en orchestrant l’inflation du prix des denrées. C’est complexe logistiquement, mais moins dangereux que de s’attaquer aux marchés de la drogue, des armes, des médicaments ou des faux documents, qui sont contrôlés par les Hutts. Et les fournisseurs comme les revendeurs de nourriture sont pas habitués à ce genre d’opérations, alors ils ont pas les moyens de se défendre. J’pense que les vols sont… C’est juste une manière d’éreinter le business des marchands de produits frais. Pour les pousser à mettre la clef sur la porte et ensuite ouvrir ses propres points de distribution. Et sur une station spatiale, après l’oxygène, la chaleur et l’eau…

Karm hocha la tête. Décidément, le crime ne manquait jamais d’inventivité.
Luke Kayan
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Luke devait faire preuve d'une ouverture d'esprit inédite. Les questions se bousculaient dans sa tête. Aider les fragiles, oui, mais à quel prix ? Qui décidait de ce qui était juste ou non ? Où s'arrêtait une stratégie commerciale moralement douteuse pour devenir une arnaque voire se transformer en crime ? Et surtout...

- D'accord. Tu connais mieux que moi ce type de système sans système. Je te suis, mais une fois les voleurs attrapés... Comment les punit-on ? À qui rendront-ils des comptes ?


Le Hapien craignait les trois réponses : que les fameux agents de sécurité soient aussi les juges et bourreaux, que la population réclame qu'on lui remette les fauteurs de troubles ou qu'ils s'en sortent sans rien. Dans le dernier cas, les représailles des Trois Crânes (et même dans les deux précédents d'ailleurs), risquaient d'être horribles. Le jeune homme suivit son compagnon, confiant mais résigné et quelque peu abattu. Son monde s'écroulait davantage chaque jour. Ce qu'il avait apprit, ses repères. Heureusement que son aîné le guidait, voilà qui adoucissait légèrement sa peine et sa culpabilité.

Loin de se douter des jeux de regards gênés entre Duck et Karm qui avait vraisemblablement percé son secret mal gardé, Luke ne put s'empêcher d'afficher sa surprise. Des mercenaires "flics" ? Ces deux-là semblaient plus vrais que nature. Silencieusement, le Hapien tendit la main pour obtenir leurs données. Il activa la lecture à haute voix et avança quelques passages pour étudier, recouper les informations avec l'accord de Po'Wan et de son camarade.

- Qu'attendez-vous exactement de nous ? Vous avez parlé de donner une leçon aux Trois crânes, cela incluait-il les fournisseurs et les revendeurs externes ? Savez-vous si ces derniers ont été convaincu par de l'argent, par une cause ou agissent-ils sous la contrainte ? Stopper quelqu'un, un groupe, c'est très bien mais il faut réfléchir aux répercussions. L'influence de ce dit groupe peut exiger de changer de méthode d'approche.

Car on n'intimidait pas en plein jour, signature fière de ses actes au passage, si les Trois Crânes avaient le soutien d'une partie de la population. Une minorité riche, nourries aux légumes frais pourrait protester, créant un autre type de guerre civile sur la station. Ce serait alors aussi insidieux que terrible, Daria et tout le système d'entente fonctionnel mais relativement fragile serait mis à mal part de riches entrepreneurs qui chercheraient à prendre le pouvoir. En revanche, la réplique pouvait être agressive si une grosse partie du peuple les soutenaient. D'après ce qu'avait sous-entendu la quinquagénaire, Luke doutait toutefois de cette éventualité. Les Trois Crânes n'avaient le statut de révolutionnaires pour personne. Étonnamment le "pouvoir" mis en place semblait contenter tout le monde, du moins en surface. Le Hapien craignait donc davantage des gros bras, le type vraiment pas fréquentables qui lancerait une réplique militaire, ou des riches qui souhaitaient entrer dans ce fameux et lucratif marché des fruits et légumes. Il fallait quand même une sacrée organisation et des moyens pour effectuer tous ces vols, quitte à perdre les produits pourrissant ensuite dans un hangar. Le problème ne s'arrêtait pas à quelques particuliers souhaitant faire du bénéfice. Pour que les Trois Crânes s'acharnent de la sorte, procédant méthodiquement, c'était un gros groupe bien décidé qui menait les opérations. Remonter jusqu'à eux serait relativement facile, il suffisait d'interroger ces revendeurs sans défense, en espérant d'ailleurs qu'ils soient au courant de l'arnaque. Si cela se trouvait, les Trois Crânes avaient réussi à les garder dans l'ignorance. Luke énuméra mentalement les rapports à rédiger, les autorisations à quémander avant de se rappeler qu'ici, il n'y avait pas d'État. Aucune police, aucun gouvernement pour régir ce qu'eux faisaient. La facilité avec laquelle Karm et lui pouvaient intervenir auprès de civils ou même de présumés coupables donna le vertige au blond. Ce dernier relégua ses sombres pensées au fond de sa mémoire pour se concentrer sur l'affaire.

- Vous qui travaillez sur l'affaire depuis longtemps, auriez-vous des noms ? Ceux des voleurs suspectés, des membres impliqués des Trois Crânes ?

Po'Wan, pas peu fier de se voir pris au sérieux appuya sur une touche. La table centrale s'illumina d'un halo bleuté. La silhouette d'un voyou de petite envergure typique apparue.

- Maverick Cass est un intimidateur. Les prix des fruits et légumes ont aussi augmenté à cause de la taxe que le groupe exige. Les magasins qui n'ont pas été volé ont l'obligation de payer les Trois Crânes pour être protégés, soi-disant, d'incidents fortuits. Nous n'avons que des témoignages partiels car il est assez persuasif pour que les commerçants ne parlent pas. Un ou deux courageux ont laissé parler leur rage pour le décrire et nous avons fini par faire le lien. Il est impliqué jusqu'au cou dans les Trois Crânes. Je ne dirais pas que c'est un gros poisson mais il est fidèle au groupe, c'est clair. C'est un immigré des bas-fonds d'Coruscant où il a fait de la prison pour des petits crimes. Style vol, deal de bâtons de la mort. Il a dû trouver l'idée du trafic de fruits reposante. Ici, c'est un vrai dur forcément, comparé à l'endroit d'où il vient.

Duck illustra les propos de son ami en faisant défiler des dossiers partiellement remplis. Les deux hommes n'avaient pas chômé, enquêtant discrètement sur Maverick jusqu'à remonter la piste de sa mère, voisine du quartier dans la station. Depuis son départ de Coruscant, la famille Cass avait vu sa situation s'améliorer. Des bas-fonds, ils en étaient arrivés à un niveau de vie plutôt confortable. Elle avait débarqué avec ses ultimes économies sur la station quand le gamin avait 13 ans. La mère travaillant dans un bar, elle avait amélioré l'état de leurs finances, sans non plus devenir une duchesse, jusqu'à ce que son fils s'achète des véhicules coûteux à l'adolescence. Pas très discret le petit délinquant que Duck et Po'Wan avaient vite pris en grippe.

Ils firent défiler les noms ou pseudonymes de quelques autres Trois Crânes soupçonnés ou avérés sans qu'on connaisse exactement leur statut. Duck fixait de temps à autre le jeune homme blond, mais difficile de dire si ce dernier l'intriguait parce qu'il faisait des déductions sur l'affaire assez naturellement, ou parce que c'était probablement un Hapien. Certes, il n'avait aucun abdo exagéré mais l'homme en avait assez vu dans ses holodisks pour reconnaître un représentant de cette race. Pour rien au monde il ne l'aurait avoué, mais son oeil exercé savait aussi reconnaître des corps travaillés, même relativement discrets et Daria n'avait pas menti. Le garçon aux cheveux argentés avait les gestes de quelqu'un qui s'entretient. Fluides, coordonnés, ses mouvements trahissaient une silhouette musclée et son compagnon, quoique plus fin semblait connaître les salles de gym. Quels curieux étrangers. Et cette capacité à s'intégrer directement dans une affaire, de poser les bonnes questions, mais qu'importe au final, si c'était à eux d'en finir avec les Trois Crânes tant mieux.

- Qu'attendez-vous exactement de nous ?

Répéta le blond, faisant tressaillir Duck qui contemplait désormais Karm -quoiqu'il osait moins le faire, sachant que ce dernier avait au moins des soupçons suite à leur échange visuel autour du fameux affichage des Dieux du Limmie. Po'Wan et lui n'étaient pas spécialisés dans les interventions musclées. Il hésitait donc quant à la réponse qui pourrait condamner les Trois Crânes ou la paix de la station.

- Ce qu'il faut pour que les Trois Crânes n'aient pas de quoi organiser des représailles.

Répondit le Dévonarien d'une voix rocailleuse et décidée. Le cornu qui avait peu parlé jusque là avait adopté un ton sûr. Sans exiger des meurtres, il voulait clairement que les Trois Crânes soient réduits en bouillie. La paix de la station le concernait personnellement, après qu'il y soit arrivé quelques années auparavant. Cet endroit, Po'Wan lui devait beaucoup suite à bien des errances. Il y avait trouvé une tranquillité relative grâce à Daria, Duck et quelques amis, hors de question de laisser une bande de délinquants gâcher ça. Lui-même commençait à regarder au-delà du physique des deux étranges intervenants.

Lourdement, le Dévonarien se dressa et, depuis toute sa hauteur, plongea ses prunelles inquisitrices dans celles de Karm. Il le fixa ce qui semblait être une éternité avant de lancer

- On vous fait confiance.

Il le savait, les inconnus n'étaient pas n'importe qui. Un pressentiment d'intello fan de prodacers et de belles Dévonariennes plantureuses. Lui mieux que quiconque savait qu'il ne fallait pas juger sur les apparences. Soulagé de ne pas recevoir d'ordre d'assassinat, au moins ça, le Hapien brisa le silence. Il ne savait pas comment gérer la partie punition mais avait décidé d'en parler plus tard avec son ami. L'interlude lui avait permis de se plonger dans la Force. L'idée le répugnait, mais Luke s'était efforcé de juger les mercenaires. Il avait essayé de se laisser guider comme lui l'avait préconisé Karm et voyait chez eux, une certaine lumière. Derrière leur air bourru, ces faux-flics étaient réellement concernés par le bien-être de la station. Le jeune Maître Jedi soupira, ne laissant rien paraître de son trouble pourtant réel. Si Duck et Po'Wan avaient été le clichés de gros bras sans scrupule, l'issue de ces négociations auraient à la fois été plus dure et plus facile.

- Je pense que nous pourrions remonter la piste à partir de Maverick mais nous n'avons pas le temps pour une infiltration. Il faudra l'interroger.

Luke redoutait ce moment, sans encadrement judiciaire, comment éviteraient-ils eux-mêmes des débordements ? Parler avec un présumé accusé sans preuve était déjà un délit en soi. Cependant il fallait ce qu'il fallait. Avaient-ils un système d'exclusion sur la station ? Pour les éventuels gros bras des Trois Crânes si Karm et lui parvenaient à les arrêter, ce serait à peu près la seule issue acceptable. De toutes manières, en suggérant une stratégie, le Hapien s'était déjà rendu complice, alors autant aller de l'avant.

Étaient-ils encore des Jedis ?
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Donc, Maverick joue les gros bras. OK. Mais les Trois Crânes, c’est devenu subitement des génies de la logistique ou bien…?

Duck se massa la nuque, l’air embarrassé, et il fut bien obligé d’avouer :

Pour être honnêtes, on sait pas trop bien. Les mecs ont clairement changé de gamme ces derniers mois et on suppose que y a du nouveau dans le management, mais rien de très clair. Au début, on s’est demandé si c’est pas qu’ils avaient été absorbés par un kajidic et que les Hutts avaient envoyé une grosse tête pour repenser les opérations, mais toutes nos sources nous jurent que non.
Je vois…

Enfin, pour l’instant, il ne voyait pas grand-chose. Le génie subit des Trois Crânes pour les opérations de grande ampleur, l’issue difficile à discerner dans une station qui n’avait pas les moyens de l’incarcération, les protections dont les malfrats jouissaient peut-être en haut lieu, tout cela demeurait fort nébuleux.

On va se pencher sur la question.
J’peux avoir vos numéros de comlink, s’exclama alors Duck avec peut-être un tout petit peu trop d’enthousiasme pour être professionnel ?

Po’Wan leva les yeux au ciel, Karm haussa un sourcil, Duck rougit, mais tout cela n’empêcha pas le jeune humain de récupérer les 06 de deux Maîtres Jedi et de nourrir des espoirs fous quant à la manière dont ils pourraient tous les trois célébrer leur victoire, une fois l’enquête terminée.

Quand ils furent dans la rue, Karm murmura très bas à son cher et tendre :

On a besoin d’un second point de vue.

Mais pour l’heure, pas question d’en discuter de vive voix : les murs ont des oreilles, et plus encore dans les stations spatiales, où les gens vivent les uns sur les autres. L’explorateur reprenait donc le chemin des docks, loin de Maverick, des Trois Crânes, de Duck et de Po’Wan et de toute cette affaire. Une demi-heure plus tard, ils s’engageaient à nouveau dans les coursives techniques étroites et difficiles qui menaient au campement des Gamorréens.

Y a des zones d’ombre dans cette affaire, commenta Karm quand ils furent suffisamment éloignés du centre peuplé de la station, et j’pense que comme moi, tu t’inquiètes des possibilités de résoudre le truc un peu pacifiquement. C’est possible cela dit que les Trois Crânes puissent être ramenés à des sentiments plus raisonnables s’ils ont nulle part d’autres où aller. Y a peut-être un dosage à faire entre diplomatie et méthodes musclées pour résoudre cette petite affaire. On arrive.

En effet, ils étaient parvenus au campement de fortune des Gamorréens. Les regards qui se posèrent sur eux furent d’abord pleins d’espoir, mais quand il devint évident qu’ils revenaient les mains vides, celui-ci céda la place à la résignation. Ils n’en furent pas moins conduits à la matriarcale. Krafbrarg n’eut pas besoin de les interroger pour savoir que les plantes n’avaient pas été recouvrées.

Pas encore.

Karm s’assit en tailleur devant elle.

On a besoin d’informations.

Elle inclina la tête, la conversation toujours rythmée par le bruit régulier de son respirateur.

D’autres plantes ont été volées. De la nourriture. Des fruits et des légumes. Partout sur la station. Les gens de là-bas accusent des voyous. Des criminels ? Vous voyez ? Un gang qui s’appelle les Trois Crânes.

Krafbrarg ne répondit rien.

Vous les connaissez ?
Humains. Humains venus de l’intérieur.
L’intérieur ?
Là-bas.
Le Noyau, suggéra Karm ?

Krafbrarg hocha la tête.

Tous humains. Seulement humains. Arrivés tous en même temps.
Il y a longtemps ?

Elle répondit quelque chose que Karm ne comprit et que le traducteur sur le datapad ne parvint pas à restituer. Probablement un calendrier gamorréen peu connu, qu’il eût été difficile de convertir dans des unités standard. Tant pis.

Violents ?
Pas au début. Mais de plus en plus. Frappent les nôtres. Insultes.

Elle eut un mot en huttese, reprit son datapad et la voix synthétique traduisit :

Humiliations.
Et qu’est-ce qu’il faudrait leur faire, selon vous ?

Krafbrarg répondit dans sa langue natale, un proverbe, avant de traduire approximativement :

Pas de guerre sans chef.
Et vous pensez qu’ils ont un nouveau chef ?

Nouveau hochement de tête.

Quelque chose d’autre ?

La matriarche dit quelque chose à l’un des Gamorréens qui semblaient l’accompagner toujours et l’homme disparut dans le campement. Quelques minutes plus tard, il revint avec un autre, peut-être plus jeune, même si Karm n’était pas très sûr de pouvoir le déterminer. Il y eut une brève discussion entre eux qui ressemblait à une série de questions-réponses, puis Krafbrarg se retourna vers les deux Jedis et expliqua :

Trois Crânes chargent des vaisseaux. Envoient des cargaisons hors de la station.
Des vaisseaux réfrigérés ?

La question lui valut des regards d’incompréhension et Karm réfléchit à la manière de la reformuler.

Froid. Des vaisseaux froids ? Pour garder les fruits, les légumes ?

Le jeune Gamorréen secoua la tête et rajouta quelque chose dans sa langue.

Des caisses, traduisit la cheffe du clan. des caisses de matériel.

Le reste de leur conversation ne leur apporta pas grand-chose de neuf, de sorte qu’après avoir renouvelé ses promesses, Karm prit congés de leurs interlocuteurs. Une fois de retour dans le dédale technique du Sublime Portail, l’explorateur fit le bilan de leurs échanges.

OK. Ma théorie, c’est qu’ils sont en train de se barrer. Les Trois Crânes. Leur trafic de fruits et de légumes, c’est pas soutenable sur le long terme, pas vrai ? J’veux dire, ça va fatalement leur mettre tout le monde à dos. C’est rémunérateur sur le coup, ça prend tout le monde par surprise, mais à un moment, les mecs vont décider de leur couper l’arrivée électrique et de leur tomber dessus. On peut pas faire n’importe quoi indéfiniment sur une station spatiale. Donc j’ai l’impression qu’il s’agit de faire du fric très vite pour financer un grand déménagement. J’ai l’impression aussi que c’est un bon gros groupe de racistes, parce que les gangs à 100% humain, dans un endroit comme celui-ci, faut vraiment y tenir pour que ça arrive, parce que c’est statistiquement pas hyper probable. Possible que ce soit un genre de milice suprémaciste, expulsée de je sais pas où, c’qui explique qu’ils aient tous débarqués en même temps. Ils se posent là faute de mieux, possiblement en attendant l’arrivée de leur leader. Le mec se pointe, organise les affaires, il lève des fonds avec leur trafic pour mettre les voiles et se trouver un endroit plus hospitalier. ‘Fin c’est une explication parmi d’autres, évidemment…
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