Trois semaines s’étaient déjà écoulées depuis que la capitale ossienne (Knossa) avait vécu l’une des heures les plus sombres de son histoire. Après toutes ces longues journées de deuil et d’agonie où la population avait tant pleuré, enfin la vie reprenait doucement son cours. Aujourd’hui dans le quartier Galaxy, peu de bras inactifs et de bouches inutiles. Avant même le lever du soleil, la ruche bourdonnante s’était éveillée et l’activité et le bruit avaient succédé au repos tranquille, au profond silence de la désolation. Tandis que les ouvriers finissaient d’évacuer les derniers débris et les pans de murs effondrés, les urbanistes et les architectes eux s’affairaient dans tous les sens pour bâtir sur les ruines le nouveau siège de l’Alliance. La Primadonna déambulait au travers des bâtisseurs, distribuant des directives à tout va. Elle s’approcha cette fois-ci du paysagiste en chef qui, armé d’un stylet, gribouillait tout un tas de choses sur l’écran de son datapad. Ce dernier releva la tête et la salua, tandis qu’elle lui demandait une mise au point.

- Bonjour madame la Présidente, alors concernant le parc, on va faire ça de là, à de là. Il eut plusieurs gestes du bras pour désigner l’ampleur du projet.

- Bah c’est déjà du bon jardin là. Mais attention, je veux que ce soit tout aussi moderne qu’avant, mais encore plus audacieux. Alysanne essaya un instant de déchiffrer les croquis du dessinateur, puis reprit. Au fait, vous ne disposez pas de beaucoup de temps, j’aimerais que tout ceci soit terminé dans trois mois.

Il ricana un bref instant, puis se tourna vers la Ralltiirienne, un sourire amusé accroché aux lèvres.

- Euuh.. Oui, d’accord, et on peut prendre combien de retard ? A trois semaines près, je veux dire.

- Rien, nada, walou, que pouic, que tchi ! Vous avez trois mois et pas un seul jour de plus monsieur.

- Enfin madame… C’est un délai clairement impossible à tenir ! Il venait d’écarquiller ses yeux et la dévisageait désormais.

- Ce n’est pas la peine de me regarder avec vos yeux de merlan frit, et puis vous savez, travailler dans l’urgence ça peut aussi être très intéressant, parfois même stimulant. Si par malheur j’échoue, la communauté galactique me jettera aux Hutts ! Non, tout devra être prêt au plus vite.

- Mais… mais ! Rien que pour les jardins, il me faudrait des années moi ! Là y a plus rien de chez rien, y a tout à faire, y a même pas les bases ! L’homme gesticulait dans tous les sens, invoquant tout un tas d’excuses.

- Dans ce cas, convoquez tous les jardiniers que vous pourrez trouver ! Elle lui prit alors le datapad des mains et se mit à son tour à crayonner. Faîtes par exemple creuser des bassins là-bas, et puis d’ici on pourrait également faire partir une grande allée avec plein de statues qu’on appellerait.. Alysanne mâchouilla un instant le stylet, leva les yeux en coin tout en faisant une moue, puis après une profonde réflexion, conclut : “la grande allée avec plein de statues”. Et là-bas, des vergers luxuriants, magnifiques qui entoureraient mon palais avec des oliviers, des orangeades, des saules pleureurs, des soles meunières, tout ça quoi ! Et juste-là ! Elle marqua une pause. Un petit géranium chandriléen. Alysanne redressa sa tête puis sourit à son interlocuteur, opinant du chef. Ouais, ça va être bien. Ça va être très bien même. Elle lui refourgua ses affaires. Bon par contre c'est pas tout mais il faut que j’y aille moi, en tout cas j’espère que vous bien noté toutes mes propositions, après bien sûr faut imaginer hein’ !

- Oui, faut imaginer… répondit le paysagiste alors qu’Alysanne s’éloignait déjà.

Inutile de préciser que les connaissances d’Alysanne en botanique n’allaient pas au-delà des propriétés actives de l’aloe vera, pour l’élasticité de toutes les peaux du visage comme du reste du corps. La plante d’aloe vera avait en effet des vertues très apaisantes, hydratantes et nutritives et se montrait efficace dans le soin de certains maux. Elle constituait un allié beauté et santé de première importance pour la Primadonna.

Tandis qu’un policier royal venait à sa rencontre, Alysanne se débarrassa de son casque de chantier ainsi que de son gilet jaune. Libérée de ces horreurs, elle dévoila à la vue de tous sa robe mauve en tulle, dont l’esthétisme cherchait à rendre hommage à la royauté ossienne. Vaporeuse comme un nuage, des diamants glissaient sur celle-ci tels des gouttes de rosée. Dans ses cheveux dorés, scintillait également un diadème à fleurons.

- Madame la Présidente, commença le policier d’un ton cordial, un nouveau transfert de prisonnier vient d’être réalisé, on vous attend pour procéder à son interrogatoire.

Alysanne soupira, cela l’ennuyait d’avance.

- Quelle couleur ?

- Rouge, madame, répondit-il d’un ton bref.

- Ah. Ça l'intéressait déjà plus. Alysanne avait pour une fois un semblant d’autorité sur les troupes impériales, et il fallait dire que la Primadonna avait pour le moment été surprise par leur coopération, une qualité tranchant fortement avec l’entêtement dont avait fait preuve Darth Khorog durant les négociations improvisées bientôt un mois auparavant.

Alysanne fut ainsi escortée par les gardes jusqu’à un complexe annexe à l’Alliance, là elle fila au travers des couloirs avant d’arriver dans une petite pièce, sorte d’antichambre d’une salle d’interrogatoire. Elle resta derrière la vitre teintée avec un garde, jugeant la prisonnière d’un air suspicieux.

- Votre.. avocate, si je peux l’appeler ainsi, va bientôt arriver, annonça un policier mal informé qui avait conduit la prisonnière Togruta jusqu’à la pièce.

La Primadonna grimaça, pivotant vers le gradé l’accompagnant.

- Moi ? Avocate ? Je remarque que vos effectifs ne sont guère plus finauds que notre police sur Coruscant.

- Veuillez excuser mon officier, il est toujours un peu dépassé par les évènements..

- Et ne le sommes-nous pas tous ? Il est primordial que chacun continue à faire preuve d'un maximum de professionnalisme, et moi la première. L’enjeu est colossal, toutes les attentions sont braquées sur Ossus, alors il faut à tout prix être irréprochables, vous comprenez ?

Alysanne n’était pas dupe, l’attentat à la bombe sur Ossus et l’anéantissement de l’AGPU en avaient démotivé plus d’un à reconstruire l’institution pour la Paix. Certains esprits étaient même prêts à ne pas reconduire l’expérience et à marquer déjà la fin de l’Alliance. Il fallait dire que le Maître Thélophilus n’avait rien fait non plus pour faire taire ces mauvaises langues, le bilan de son -certes court- mandat n'ayant rien de bien convaincant. La Galaxie était pourtant au bord de l’implosion, et jamais un acteur de médiation n’avait été aussi nécessaire.

La Primadonna poussa la porte d’acier et pénétra dans la petite salle austère. Les ventilateurs soufflaient trop, il y faisait froid et une vague odeur de désinfectant flottait dans l’air vicié.

- Quelle hospitalité dis donc, j’ai l’impression d’être moi-même prisonnière de ces lieux… chuchota-t’elle à elle-même.

La Présidente déposa ensuite son sac de haute maroquinerie sur le sol avant de se laisser tomber dans la chaise faisant face à la Togruta, qui était jusqu’à maintenant restée de marbre.

- Bonjour. Je suis Alysanne Méridan, et accessoirement la nouvelle Présidente de l’Alliance Galactique des Puissances Unies. Je sais ce que vous êtes, aussi je vous demanderai de bannir tout usage de la Force dans l’enceinte de cette pièce. Une cohue de policiers se tient prête à intervenir à tout moment si jamais vous tentiez de me condamner au même triste sort qui a été réservé au Maître Thélophilus, mon prédécesseur, puisse-t-il reposer en pièces. Son regard se porta sur la vitre teintée derrière laquelle tout un escadron de gardes scrutait la scène, prêts à bondir. Maintenant que je me suis présentée, je souhaiterais que vous en fassiez de même, avec toute la précision et la rigueur qu’impose le statut de prisonnière.