Karm Torr
Karm Torr
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Enclave au Poissonou. Enclave au Poissonou. Vous nous recevez ?
Je suis… un… petit… coquin…
Euh…

Nata adressa un regard indécis à Thann, la Padawane du Maître Torr, qui se tenait à ses côtés, puis l’Auxiliaire qui avait la responsabilité de la gestion administrative et logistique de l’Enclave reprit :

Enclave au Poissonnou. Enclave au Poissonou. Vous pouvez répéter ?

Le comlink se mit à grésiller et puis elles purent à nouveau entendre la voix de l’explorateur à travers les hurlements du vent et le fracas des vagues, tandis que la tempête, au large de l’Enclave, continuait à faire rage.

J’ai dit : je suis en train de régler un petit problème dans la coque, un instant.

À nouveau, ce fut le silence à l’autre bout du fil. Le Poissonou était parti de toute urgence, au premier signe des bourrasques, pour gagner le chantier à quelques encâblures de là où l’Enclave s’efforçait de bâtir un petit complexe souterrain, destiné à la fois à des expérimentations de l’AgriCorps et à des exercices acclimatation pour les Padawans les moins habitués à exercer en milieu sous-marin.

Sur le bateau, pendant que certains de ses confrères d’une espèce marine avaient plongé pour sécuriser les installations encore fragiles, Karm luttait pour maintenir leur embarcation à flot. Le Poissonou n’avait pas été prévu pour affronter les fureurs d’un océan d’ailleurs d’ordinaire assez calme, et la tempête avait pris tout le monde par surprise.

Je suis sûre que tout va bien se passer, fit Nata d’une voix un peu lointaine, qui ne cachait pas tout à fait son inquiétude.

La Force se concentrait petit à petit en elle, alors que la jeune femme essayait d’anticiper la suite des événements, mais elle n’arrivait pas à rassembler assez de calme pour percer le voile du futur.

Et puis soudain…

Poissonou à Enclave, Poissonou à Enclave, vous nous recevez ?
Enclave, ici Poissonou, à vous !
Mission accomplie, on revient au port. Nate, demande à Zluburg de nous attendre au ponton. Thann, prépare un atelier, on a un générateur instable.
Instable ?
Krrrkrrrrkzzzzkrrrkrrr.

Cinq minutes plus tard, Zluburg, le guérisseur en chef de l’Enclave, était sur le ponton principal et il scrutait l’horizon pour tenter d’apercevoir le Poissonou, sans savoir à quoi s’attendre pour ce qui était de l’état de son équipage. Des vagues gigantesques retombaient les unes contre les autres, et la pluie tombait presque à l’horizontal, fouettant les arbres et les bâtiments. On avait tout de même réussir à rentrer toutes les bêtes et à déployer de petits boucliers agricoles au-dessus des cultures. À la fin, il y aurait eu plus de peur que de mal. Espérait-il.

Enfin, la petite silhouette du navire se détacha d’un énorme paquet d’eau. L’éclair soudain d’un roulement de tonnerre déchira le ciel obscurcit de nuages, comme pour qu’on puisse mieux se rendre compte de la fragilité de l’embarcation. Car le Poissonou, au fond, n’était guère qu’un chalutier de pêche reconverti pour les activités de l’Enclave, un bâtiment solide et fiable, sans doute, mais peu fait pour des conditions pareilles.

Sans doute la Force ne fut-elle pas étrangère à son arrivée à bon port. Il semblait parfois que les vagues se brisaient en deux avant de l’atteindre et qu’il se frayait un chemin dans les derniers milles en dépit du bon sens. Finalement, le navire toucha au ponton où les amarres magnétiques le fixaient solidement. Zluburg fit un signe aux Padawans qui le suivaient, et qui se formaient sur Dantooine à l’art difficile de la guérison, de se précipiter au pied de la rampe déployée par l’embarcation.

Maître Torr, lui, avait déjà sauté par-dessus bord pour atterrir sur le ponton avec une souplesse pour une fois toute relative. Il avait les traits tirés et, dans ses bras, il tenait comme un nourrisson un drôle de paquetage.

Quatre blessés, déclara-t-il de but en blanc alors que, derrière lui, un bruit de piston indiquait que la rampe était enfin verrouillé. Deux pour des problèmes d’oxygène, un brûlure, un autre qui a pris un coup au crâne.

Ce fut le seul rapport préliminaire dont Zluburg et son équipe purent bénéficier parce que, après s’être accordé un instant pour reprendre sa respiration, le Maître se précipita au pas de course à l’intérieur de l’Enclave en emportant son précieux fardeau. Il traversa les couloirs en laissant derrière lui des empreintes de pas pleines d’eau et parfois d’algues, jusqu’à débouler dans l’atelier de sa Padawane pour déclarer d’un ton grave :

Il pleut.

Et déposer son fardeau sur l’établi.

Générateur défectueux du champ de protection du Crabe.

Comme on appelait affectueusement — en tout cas, selon Karm — la future section sous-marine de l’Enclave, à cause de la forme que lui donnait les huit arcs qui l’ancraient solidement dans le plancher océanique.

On l’a remplacé par un neuf, mais celui-ci est plus ou moins entre de… euh…

Tout en parlant, Karm, et c’est le moment qu’on attend tous, était en train de retirer ses vêtements, tout collants d’eau, de sel et de végétation marine.

… d’exploser, poursuivit-il se débarrassant de la serpillière usée qu’était devenue son tee-shirt. Si tu pouvais l’en empêcher. D’exploser. Ce serait, genre, pas mal cool.

C’est que ces choses-là, ça coûtait cher. Quelques secondes plus tard, vêtu d’un simple boxer — et la foule est en délire —, le Maître Jedi observait attentivement son apprentie qui avait décidément beaucoup appris en train de travailler.
Thann Sîdh
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21.576, 2nd semestre • Dantooïne, Garages & Ateliers de l’Enclave Jedi.

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« Nous venons de récupérer la classe verte, les plus jeunes ont été pas mal secoués, il faut dire qu’on est passé à travers des trous d’air monstrueux, j’en ai encore le ventre retourné mais mis à part de contusions, peut-être une entorse, il n’y aura pas eu de drame. – La Force soit louée… Thann laissa l’air s’écouler, lentement. Savoir que les jeunes étaient bien encadrés était une chose, les savoir tous de retour à l’Enclave sans mal pour personne, c’en était une autre, elle pouvait à présent travailler avec l’esprit plus clair, tout entière focalisée sur sa tâche. D’un geste sûr, elle appuya fermement sur la gâchette de sa lance. Aussitôt, le puissant jet d’eau reprit son travail de décrassage méthodique de l’énorme engin que sa partenaire lui avait ramenée dans un état… – Lamentable, mademoiselle Qiik, lamentable ! Et je pèse mes mots ! Mon bébé, dans un tel état ! – Hey, oh, mesure tes paroles, hein ! J’ai fait ce que j’ai pu, au milieu d’un ouragan, pour déblayer une coulée de boue et permettre, héroïquement, à d’humbles travailleurs de regagner leurs demeures sains et saufs ! – Arrête, arrête, Eins m’a déjà tout balancé, t’as drifté dans la boue comme une souillon pour rentrer, tu devrais avoir honte. – Oh, tu sais, Eddy, si y a bien un sentiment qu’elle n’a jamais éprouvé, c’est bien la honte, pareil pour la culpabilité. » Soudain, la lance que maniait Seïid se retrouva tourné vers la jeune Miraluka qui n’eut d’autre choix que de se mettre à courir autour de l’énorme engin pour éviter de se retrouver elle-même décrasser en profondeur.

La course-poursuite aquifère fut interrompue soudainement par l’arrivée toute aérienne de B0-UT qui s’approcha de Thann pour délivrer un message de la plus haute importance. « Thann ? Maître Karm vient d’actionner l’interrupteur d’urgence. Je lui ai d’ores et déjà communiquer votre position. Il n’a envoyé aucun message. Il semble préférable que vous limitiez vos mouvements afin de faciliter votre rencontre. La Miraluka se figea, les lances se coupèrent, la joie fut soufflée. La stupeur ne dura qu’un instant, puis son initiative reprit le dessus et aussitôt, l’aspirante Sentinelle se mit en marche. « Bien. S’il a actionné ce fameux bouton, c’est que c’est sérieux. Seïid, tu t’occupes avec Eddy de remettre cet engin dans son état d’origine pour demain, tu veux ? Quand tu réaliseras le temps que cela prend d’entretenir une bête pareille, pour nous, ça te passera peut-être l’envie des drifts dans la glaise, hein ? Son acolyte lui tira la langue mais cela ne l’empêcha pas de lui déposer ensuite un baiser fugace sur les lèvres dans la mesure où le Bothan, de l’autre côté du véhicule, ne risquait pas de le voir. Elles ne se cachaient pas particulièrement du public par crainte que leur relation ne soit connue, c’était bien la pudeur qui conditionnait ce geste. Elles se sourirent, il ne servait à rien de se dire son inquiétude, il fallait faire de celle-ci un moteur, une bonne raison de toujours revenir. D’un pas leste, elle contourna de nouveau le véhicule pour qu’Eddy la vît : Eddy ? Mon maître arrive avec une urgence. Reste à bosser sur le Kart-Ago, Seïid va t’aider à réparer ses bêtises. Si jamais vous aviez fini avant que je ne revienne, profites-en pour te reposer, la nuit va être longue et la tempête ne semble pas décidé à se calmer, nous auront certainement d’autres choses à retaper qui ne pourront pas attendre demain. » Son tandem opina fermement du chef et reprit son travail sans poser de questions.

Cela faisait des mois maintenant qu’ils travaillaient de concert, ici, à l’atelier. Le grand Bothan aux grandes oreilles effilées pleines d’anneaux avait été nommé à l’entretien du parc landspeeder et automobiles de l’Enclave. A force de se retrouver dans ses pattes, Thann avait fini par être adoptée par celui-ci. D’un naturel assez taciturne, il avait de lui-même établi ce fonctionnement : tu décides, je te suis. Selon lui, cela lui permettait de se dégager de toute forme de charge mentale afin de ne remplir sa tête que de rouage et d’électronique.

« Bien, cette fois pour elle-même, Si tu lui as indiqué que j’étais ici, il s’attendra à me trouver dans mon coin habituel, alors allons l’y attendre. » Elle n’attendit pas l’assentiment de B0-UT, il allait de soi, et se dirigea à grandes enjambés dans la partie proprement ateliers du vase espace, délaissant les grands voûtes des garages. Elle parvint dans le coin qui lui avait été gentiment réservé pour ses nombreux bidouillages, un établit en L à l’organisation millimétrée – il faut dire que pour cela, B0-UT et ses nouveaux appendices préhensibles jouait un rôle crucial : elle avait établir un plan, il faisait en sorte qu’il soit respecté. Sur une moitié de la surface, un corps de droïde mécanicien gisait, la tête séparée du corps de même que divers membres : un tragique accident. Sur l’autre, rien, la planche étant toujours vide pour accueillir les projets de dernière minute ou de très courtes durées. Des deux murs contre lesquels venaient s’appuyer l’établi pendant des écrans et des lumières – qu’elle n’utilisait jamais pour elle-même, bien entendu, mais aussi une foule de rangements télescopiques auxquels pendouillaient une assemblée non moins grande d’outils et d’accessoires. Des tiroirs dessus, dessous, sur les côtés venaient agrémenter le tout. C’était là tout son royaume, et elle le gouvernait avec beaucoup de joie.

🌿

La Padawane n’avait pas besoin que son maître soit à côté d’elle pour projeter sa conscience jusqu’à lui et percevoir ce qu’il tenait entre ses mains dégoulinantes. Elle comprit aussitôt que finalement, elle aurait besoin de son établi et continua d’inspecter l’offrande de son maître tout en préparant ses premiers outils. Bien… Un générateur de bouclier sur le point d’opérer une réorientation radicale dans sa carrière pour se transformer en explosif énergétique de grande puissance. Effectivement, on pouvait qualifier cette saute d’humeur de la part de l’appareil d’urgence.

« Vous savez ce qui serait pas mal cool, aussi ? C’est que lorsqu’on vous procure un manuel, avec ce genre d’appareil, vous preniez la peine de le lire avant de le mettre dans des situations qui l’amènent à se transformer en bombe. Et je ne veux pas entendre l’excuse de la tempête, hein, je suis sûre que de toute façon, vous ne savez même plus où elles sont, ces instructions, et que la tempête n'est que concomitante et non pas causale. Elle ne laissa pas à son maître l’occasion de se défendre. Bien qu’elle fût déjà en train de décortiquer mentalement l’objet, elle n’avait pas pu s’empêcher de noter aussi la façon dont son maître se trouvait terriblement exposé à la relative fraîcheur qui régnait en permanence dans ces vastes pièces. Bouteboute, file au vestiaire, il doit y avoir des combinaisons de mécaniciens propres de pendues, ce sera toujours mieux que… rien, ou presque. Et vite, je vais avoir besoin de toi. » Le droïde, docile, fila à tout allure à travers l’atelier. Ne restait plus, devant l’établi de l’aspirante Sentinelle, qu’un maître encore pratiquement nue, la jeune femme elle-même et une bombe en devenir.
Karm Torr
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Comment ça, une bombe « en devenir » ?
Mais Karm est déjà une bombe.

Je sais parfaitement où sont les instructions, jeune fille, finit-il par répliquer avec quelques secondes de retard et plus de fatigue dans la voix qu’à l’accoutumée. Près des… Dans mon dossier sur… Avec les machins, là.

Le droïde était revenu avec une combinaison de mécanicien un peu trop grande, mais que Karm enfila malgré tout de bonne grâce, avant d’en remonter la fermeture éclair. Nos lecteurs qui n’ont pas le fantasme du garagiste seront déçus, mais c’est à Thann qu’il faut s’en prendre.

Puis je suis pas proposé à l’entretien des générateurs de boucliers, moi, hein…, maugréa-t-il encore, tandis qu’il retirait méthodiquement de sa chevelure des morceaux d’algues pour les examiner avant dans les fourrer dans sa poche.

D’ailleurs, sur ce point-là, il était de bonne foi — tout arrive ! — , car la responsabilité de la section sous-marine incombait aux espèces les plus adaptées pour ce genre de travaux. Cela dit, il fallait bien reconnaître que l’Enclave manquait de matériel de dernière génération. Loé avait été envoyé sur Dac pour négocier avec une entreprise tenue par des Mon Calamari, mais l’affaire traînait en longueur, parce qu’une grosse société minière de Coruscant était en train d’acheter tous les stocks.

De toute façon, ça me fait une occasion supplémentaire d’admirer tes capacités, conclut-il, sans détacher son regard des gestes précis de son apprentie, concentrée sur le générateur.

L’Ark-Ni ne put s’empêcher de se demander si, jadis, il aurait été capable d’une prouesse de ce genre. Il avait dû laisser de côté la mécanique pour se consacrer à l’étude de la nature, à partir du moment où il avait embrassé la carrière d’explorateur, et s’il ne regrettait pas ce choix, il lui semblait malgré tout qu’ainsi il avait coupé un pont de plus avec sa culture d’origine.

Pendant de longues minutes, le jeune Maître demeura silencieux. La tempête l’avait durement éprouvé et il se contenta de ponctuer son mutisme de quelques quintes de toux. De toute façon, il eût été contre-productif de troubler la concentration de sa Padawane. Il avait toute confiance en elle et il s’effaçait volontiers devant la professionnelle qu’elle était devenue.

De temps en temps, Karm était obligé de détacher son regard de la table d’opération, pour parcourir sur son datapad les messages envoyés par Zluburg. Avec soulagement, il apprit que les blessés étaient stabilisés et que leur convalescence ne devait pas susciter d’inquiétudes. Le guérisseur en chef de l’Enclave accompagnait ses observations de recommandations insistantes pour que l’explorateur vienne à son tour se faire ausculter. Plus tard, répondit l’intéressé.

Ah, ça a l’air bon, fit-il, étrangement quelques secondes avant que la jeune fille ne parvienne en effet à stabiliser son patient à elle.

Karm s’approcha de l’établi et considéra le générateur. L’objet ne suscitait plus en loin le même sentiment d’alarme que depuis qu’il lui avait été ramené du fond de l’océan, et il finit donc par hocher la tête d’un air satisfait, avant de la détourner, sa tête, pour tousser encore une fois dans son coude.

Merci, dit-il sobrement. Et désolé. Y aura définitivement un audit de la gestion de la station sous-marine à conduire une fois la tempête apaisée.

« Audit ». Voilà bien un mot qu’il n’aurait jamais cru prononcer, ni d’ailleurs comprendre, dix ans plus tôt. Mais ils faisaient partie du quotidien d’une Enclave expérimentale : on testait, on se débrouillait, et ensuite on s’analysait, les réussites comme les échecs. Karm veillait presque toujours à ce que les critiques ne retombent jamais sur qui que ce soit en particulier : leurs efforts étaient communs, leurs difficultés aussi.

Peut-être que nos potes de Khorm auraient des suggestions utiles.

Le climat de Dantooine n’était pas celui qui avait la préférence de ces aimables pêcheurs que Thann et lui avaient rencontrés, quelques années auparavant, lors de l’une de leurs premières enquêtes, mais ils jouissaient d’une solide expérience des mers les plus difficiles, et leurs techniques seraient peut-être transposables.

Peut-être que toi, moi, quelques personnes impliquées, on pourrait faire un tour de cinq ou six planètes océaniques, pour voir ce qui se pratique en la matière. Du wrenckbarking. Trenchtwerking. Bench… ‘Fin, tu vois, quoi. Ça.

Il avait retrouvé le mot audit, c’était déjà suffisamment pour une journée.

Une mission dont tu aurais la responsabilité opérationnelle. Parce que moi, bon, j’y connais pas grand-chose, et puis à mon âge, on a besoin de prendre des vacances souvent, tu comprends. J’ai les articulations qui craquent.

Une mission comme cheffe, avec des personnes sous ses ordres, pour un projet structural, ça ressemblait tout de même beaucoup à une responsabilité de Chevalière, et d’ailleurs le jeune Maître posait sur sa Padawane un regard insistant.

Il enchaîna néanmoins d’un ton plus dégagé :

Sinon, pas d’autres dégâts à signaler ? J’suis passé vite fait par le hangar des speeders en venant ici, et j’en déduis à l’état du Kart-Ago que Seïid a encore conduit comme une déesse.

Selon les critères très personnels, auquel l’Ordre avait inexplicablement interdit de donner des cours de pilotage à la jeune génération.
Thann Sîdh
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L’objet, sous ses yeux, émettait toute une série de bruits dont elle ignorait, jusque-là, qu’il fût jamais capable de les faire. De fait, face à la réalité, le pyrrhonisme faisait ici pâle figure : quelque chose ne tournait effectivement pas rond. Thann ne semblait même pas s’intéresser à l’objet. Comme à son habitude, tout entière tournée vers sa perception, elle n’avait pas pensé à feindre cette limite humaine qui était celle de la vue en tournant son visage vers l’objet sujet de son étude. Elle se contentait de garder le port droit, comme fixant le mur, pourtant son esprit explorait minutieusement les méandres du réacteur, isolant chaque élément électronique, chaque courant énergétique qui le parcourait, les comparant aux souvenirs qu’elle avait des plans de l’engin.

Sitôt que B0-UT fut de retour, elle ne laissa guère que le temps nécessaire à lâcher son colis feutré dans les mains de son Maître et aussitôt le sollicita : « Boute, j’ai besoin des plans du réacteur KA-T4S-T0-F3. Je ne veux pas mettre les mains dedans avant d’être sûre. – Les voici, Thann. » La Padawane procéda alors à une analyse comparative minutieuse des deux ensembles, isolant les éléments incohérents, s’attardant sur les fusibles endommagés, sur les boucles redondantes à fusion partielle, prenant le temps de jauger l’alternateur quadriphasique à décharge ionique différenciée, survolant rapidement les éléments électromagnétiques plasmiques qui ne semblaient pas être à l’origine du problème et…

Soudain, la Miraluka s’anima, statue de cire jusque-là, et se mit à attirer à elle les différents outils nécessaires, à faire sortir les rails pour en saisir l’un des habitants suspendus, à opérer, à cœur ouvert, le réacteur qui commençait à émettre de plus en plus de chaleur, au point qu’il commençait tranquillement à transformer l’eau qui le recouvrait en vapeur. Encore une fois, elle ne semblait pas « regarder » ce qu’elle faisait, elle n’en avait pas besoin. Si sa tête était légèrement inclinée, c’était que la position était musculairement la plus adéquate, un observateur attentif remarquant que sa visière n’était de toute façon pas dans l’axe de l’objet qui avait pourtant tout son attention. Ses mains allaient et venaient, avec une minutie infinie et une célérité propre à l’expérience, elle défaisait la couche extérieure afin de pouvoir atteindre le nœud du problème. Dans un état de profonde concentration, quelques minutes après avoir reçue le témoignage de confiance de celui-ci, elle préféra tout de même avertir son Maître, bien qu’elle sût également qu’il n’en écouterait rien : « Votre confiance, Maître, me touche profondément, mais je préfèrerais vous voir à l’abri qu’ici, en première ligne. Je vais être obligé d’accélérer le processus de déstabilisation du cœur afin de pouvoir atteindre la pièce défaillante… Boute, prépare-toi à me passer un fusible delta S1X, fais chauffer l’arc à soudure plasmique et vois s’il reste une limonade dans le bar, s’il te plaît. » Après quoi, elle inspira profondément et, se plongeant dans la Lumière, entama son opération de déstabilisation de l’engin…

🌿

« Ah, ça a l’air bon. » Et ça l’était… Un instant après que son Maître en avait fait le constat, Thann terminait de reconnecter le régulateur thermodynamique à inversion de flux et presque instantanément, le réacteur reprit son ronron régulier et rassurant. La température, aux abords de l’engin, était montée en flèche, si bien que le visage de Thann – elle le savait – devait avoir pris de belles couleurs qu’elle-même était incapable de saisir. Des perles de transpiration, aussi, le couvrait, et elle accueillit la fraicheur du citron plein de bulles avec un bonheur qu’elle ne chercha pas un instant à feindre. L’appareil mettrait un moment à retrouver une température normale, mais déjà, on pouvait sentir en y prêtant attention que la chaleur, à défaut de s’être dissipée, s’était stabilisée.

Contre-coup d’une telle concentration, Thann se sentit alors extrêmement lasse et laissa son maître s’exprimer librement, ne relevant qu’à peine la nouvelle responsabilité qu’il désirait lui confier : elle avait fini, dans l’Enclave, par s’habituer à gérer des choses qu’elle n’aurait jamais imaginé gérer il y a un an de cela. Si son Maître l’en pensait capable, elle avait appris à lui faire confiance et à exécuter du mieux qu’elle pouvait ce qu’il lui confier. Elle finit par prendre à son tour la parole, puisque son Maître attendait ostensiblement une réponse. « Ne vous inquiétez pas, j’vous accuse de négligence pour le principe, mais le souci vient du matériel de base… On bricole beaucoup trop. J’espère que Loé saura nous trouver un filon… Enfin, bref. Les soucis de l’Enclave et du financement du projet. Si dans l’absolu, sur le papier, il semblait ne manquer de rien, dans une République ultra-libérale et concurrentielle au dernier degré, tout semblait subitement valoir des milliards. Ils avaient beaucoup de mal à répondre à toutes les nécessités mais ils devaient en plus le faire avec des moyens toujours variables, malgré tous les efforts déployés par Loé et les autres équipes logistiques de l’Enclave. Il était tard, la Miraluka, après avoir sauvé la moitié du bâtiment d’une explosion terrible, n’avait plus envie de se torturer l’esprit avec ces questions budgétaires qui la dépassaient.

« Non, il n’y aura eu que des dégâts matériels et des blessés légers. Peut-être, parmi les plus jeunes, certains auront du mal à retourner tout de suite en forêt et sursauteront lors du prochain orage, mais Jane a géré la chose comme une cheffe, et la plupart des procédures d’urgence ont fonctionné, sinon à merveille, au moins suffisamment pour éviter les drames. Pour ce qui est du Kart-Ago… Je pense qu’on réfléchira à deux fois avant de lui mettre de nouveau des clefs entre les mains… Je crois que le plus agaçant, dans tout ça, c’est de savoir combien elle arrive à maîtriser l’engin dans le grand n’importe quoi qu’elle appelle sa conduite. » Le sourire qu’elle afficha alors la trahit aussi sûrement qu’un fard l’eût fait : elle admirait profondément sa compagne et l’aimait au moins autant. Depuis des mois, à présent, Thann assumait pleinement sa relation et, après s’en être ouverte à son Maître qui ne l’avait pas découragée, avait accepté ce sentiment et ce bonheur avec une certaine sérénité.
Karm Torr
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T’inquiète, fit le Jedi quand Thann se désola de la qualité de leur équipement. Je crois que j’ai une touche avec ex-Seigneur Sith riche à millions, j’pourrais peut-être lui taxer quelques billets pour financer un générateur dernier cri.

Le pire, c’est qu’il était à soixante-dix pour cent sûr que ça fonctionnerait. Un petit voyage sur Hapès, des battements de cils devant Absalom Thorn, assez de patience pour écouter les cinq heures de considérations philosophico-psychopathiques qui constituaient la manière bien à soi du Hapien pour dire bonjour et l’affaire aurait été dans le sac.

Mais pour l’heure, il faudrait se contenter de l’existant.

T’as géré, dit-il sobrement. J’suis fier de toi.

Comme toujours, il est vrai, mais ça n’empêchait pas de le dire. Karm fit un pas de côté hors de l’atelier et un geste pour y inviter deux Sentinelles qui, après avoir fini leurs propres travaux d’urgence sur les bâtiments du Temple, s’étaient présentées spontanément dans le hangar en apprenant qu’il y avait eu une urgence.

Paraît que ça va plus exploser, leur dit le Maître en désignant du menton le générateur désormais inoffensif posé sur l’établi. On vous laisse le bébé ? Thann et moi, faut qu’on fasse un tour à l’infirmerie.
Bien, Maître.
Que la Force soit avec vous.

Karm était prêt à parier que même sans la Force, ils arriveraient à trouver le chemin de l’infirmerie, mais après tout, ça ne mangeait pas de pain.

Allez viens, Miss Limonade, accompagne l’ancêtre à son lit médicalisé.

Quelques minutes plus tard, il observait sa jeune fille énamourée vanter les talents de pilote de sa compagne.

Ouais, on se demande qui lui file d’aussi mauvais exemple de pilotage, hein, répliqua-t-il d’un ton dégagé, certainement quelqu’un qui organise des courses informelles avec quelques têtes brûlées le soir quand tout le monde a le dos tourné.

On ne donnera pas de noms.

J’irai parler aux jeunes qui ont été éprouvés, poursuivit-il plus sérieusement. Le spectacle de la nature déchaînée peut avoir quelque chose de traumatisant, sur une planète où on est habitués à sa placidité. On peut avoir l’impression qu’elle trahit notre confiance. Mais c’est l’ouragan qui nourrit la forêt.

Dehors, les vents étaient toujours violents mais, passé le premier sentiment de l’urgence qui avait jeté les résidents de l’Enclave pêle-mêle dans les couloirs avant que chacun ne se souvienne du rôle qu’ils jouaient dans leur petite colonie, le calme régnait désormais dans les bâtiments et l’inquiétude avait laissé place à une certaine curiosité. Nombre de Padawans s’étaient ainsi installés dans les alcôves près des fenêtres, pour observer l’océan démonté d’un côté ou les collines de Dantooine balayées par les bourrasques de l’autre.

La plupart saluait Maître Karm à son passage, ainsi que sa Padawane. L’Ark-Ni avait dû se faire une raison, en matière de parfaite égalité : beaucoup des gens qui vivaient désormais avec lui s’attendaient à ce que, d’une manière ou d’une autre, il exerce un rôle directif au sein de l’Enclave, et s’il s’était employé à distribuer les responsabilités dans la collectivité, son rang et sa réputation lui tombaient sur les épaules comme un costume mal taillé.

Peut-être lui irait-il un jour.

L’explorateur demeura silencieux tout le long du trajet, mais peut-être sa Padawane put-elle sentir que son esprit allait de ci de là, pour éprouver les vies qui l’entouraient et s’assurer que chacun était en bonne santé. Il sentait vivement aussi la violence de la nature qui les entourait, la peur des animaux rentrés dans les étables, les plantes déracinées, et c’était un avertissement utile que la mystique de la nature ne pouvait être toujours une mystique de l’harmonie.

Ils parvinrent enfin à l’infirmerie où était en train de s’apaiser une activité d’abord fébrile. Guère que des blessés légers, mais qu’il avait fallu tout de même trier et organiser. Des Padawans qui se destinaient à devenir des Guérisseurs et des droïdes médicaux veillaient désormais sur les patients, sous le regard attentif du Chevalier Zluburg.

Mais c’était en réalité Karm que ce dernier attendait. D’un geste de la main, il l’invita à rejoindre son bureau, faute de chambre libre.

Thann, dit le Guérisseur de sa voix gargouillante de créature aquatique, vous avez réussi à me le ramener en un seul morceau, ce n’est pas un mince exploit.
Oh la, oh la, une seconde, fit le Maître en constatant que Zluburg était en train de préparer une seringue, et qui plus est une grosse seringue. Qu’est-ce que c’est que ce truc ?
Un cocktail de vitamines. Tu t’es épuisé à faire le malin avec tes pouvoirs…
À me sacrifier héroïquement pour la cause commune…, corrigea l’Ark-Ni.
… et maintenant ton système immunitaire est affaibli. Tu as un vilain rhume.
On peut pas dire que j’ai autre chose ?
Hmm ?
De plus badass ?
Une grippe ?
Non mais c’est bon, laisse tomber, soupira l’explorateur avant de tendre docilement son bras pour l’injection qui ne le fit même pas frémir (quel homme !).
Bien, conclut le médecin en se frottant les deux mains palmées. Tu restes en observation dans cette chambre…
C’est ton bureau.
… pendant un bon quart d’heure. Je préfère ça à ce que tu t’évanouisses dans les couloirs. Jeune fille, s’il tente de sortir, vous avez ma permission pour le décapiter.
Ça doit être ce qu’on appelle la médecine bienveillante.
Je m’en retourne à mes autres patients.

Zluburg tapota l’épaule de son vieil — si l’on peut dire — ami d’une main compatissante, sourit — si l’on peut dire — à Thann en agitant ses tentacules faciaux et quitta la pièce pour regagner la salle principale, tandis que Karm s’affalait de moins en moins gracieusement sur son fauteuil.

Bon.

(Ça avait l’air sérieux.)

Comment tu te sens, avec les responsabilités qui montent ? Ce soir, mais aussi, genre, de manière générale. Ça fait beaucoup à gérer, les entraînements, les formations, les missions, ton Maître. Seïïd. Pas trop de pression ?
Thann Sîdh
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Thann Sîdh – cornsilk
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C’est une aspirante sentinelle la bouche pleine d’une paille et de soda qui passa, avec un sourire, devant ses collègues qui allaient pouvoir décider du restant de la vie du générateur sauvé ; et même amener les dernières corrections s’ils venaient à déceler des soucis dans les réparations d’urgence de la Miraluka. Thann ne fut pas surprise d’entendre son mentor évoquer un passage à l’infirmerie. Pour lui, après de telles aventures, ils étaient toujours nécessaires et les savons monumentaux qu’il s’était vu passé – parfois en public – par les soignants du Temple l’avait amené, progressivement, à observer cette nécessité avec davantage de rigueur. Elle se contenta donc de sourire avec l’attribution de son nouveau titre – elle fit d’ailleurs signe relativement discrètement à B0-UT de lui en ramener un nouveau – et prit à cœur son rôle d’escorte de l’aïeul.

🌿

Alors qu’ils avançaient, Thann réalisa, du fait de l’attraction qu’était devenue la tempête dehors, la quantité des gens qui les entouraient. La pluie battait les hautes vitres de part et d’autre du bâtiment et partout des jeunes gens allaient et venaient pour observer ce spectacle. Il faut dire que ni les locaux, ni les exogènes n’avaient eu l’occasion d’assister à pareil déchaînement naturel de leur vivant ; à quelques rares exceptions dont on pouvait parfois entendre les discours pétulants. L’Enclave était devenue quelque chose. Et ce quelque chose était capable de se préserver non sans efficacité des grosses tempêtes.

La bouche toujours plus intéressé par le siphonnage progressif du contenu de sa canette, Thann parcourut l’infirmerie aux côtés de Karm sans trop prêter attention à ce qui s’y trouvait : elle avait besoin de recharger ses batteries elle-même avant de pouvoir de nouveau délivrer son énergie aux autres. Elle se laissa guider jusqu’au bureau du Guérisseur Zluburg et sourit lorsqu’il la félicita pour des exploits fictifs : « Je tiens à porter au crédit de mon Maître que, pour une fois, il a trouvé le chemin jusqu’ici de sa propre initiative. Mais, avec tout le respect que je vous dois, Chevalier Zluburg, si vous continuez de lui présenter des aiguilles de cette taille quand il vient, il risque fort de perdre aussi vite cette habitude qu’elle ne lui est venue. » Après quoi elle laissa sans autre réaction que le rire les deux comparses se chamailler. Elle accepta la mission qui lui fût confié avec un signe de tête et un bruit de « bbbrrrrreeeuuuhhh » indiquant que la paille ne trouvait plus rien à conduire jusqu’à sa bouche.

Consciente l’emplacement stratégique qu’il offrait, la Padawane se posa sur un tabouret qui trônait fièrement dans un coin du bureau, certainement prévu pour les auscultations plus longue. Elle avait commencé à entreprendre de tournoyer lentement dessus lorsque son Maître, fièrement enfoncé dans un fauteuil jouxtant le bureau, entama une conversation de grands comme ils en avaient parfois.

« Pas trop de pression ? J’ai l’impression que depuis un an vous vous êtes mis en tête de me charger toujours plus les épaules pour essayer de lutter contre la croissance exponentielle de mes os… Elle sourit. Il faut dire qu’à présent, perchée à soixante-seize centimètres du sol, elle dépassait indubitablement son ancien mentor. Mais pour dire vrai… je sais pas. J’ai l’impression qu’à la fois je n’ai plus une minute à moi, qu’en même temps tout devrait être plus dur, les choses semblent se passer trop bien… Le temps des escapades solitaires sur des surfaces jamais foulées, avec vous, me manque parfois aussi. Oui, cela lui manquait. Même plutôt souvent, en ce moment. Elle adorait ce nouveau cadre, elle aimait profondément l’Enclave et le rêve qui se réalisait. Elle aimait les nouvelles personnes qu’elle y avait rencontré, son rôle auprès des plus jeunes comme des plus grands. Mais dans tout ce fatras de responsabilités, elle avait parfois l’impression de se perdre elle. Depuis combien de temps, par exemple, n’avait-elle pas eu l’occasion d’un pique-nique avec Lauren ? Depuis qu’elle était arrivée là, elle n’avait pas dû trouver plus de trois ou quatre jours à consacrer à son amie. Finalement, à bien y réfléchir, son jardin privé, dernièrement, s’était strictement réduit à Seïid. Même avec son Maître, elle n’avait plus eu l’occasion de l’intimité qu’il partageait présentement depuis des lustres. Pour Seïid, tout va bien. L’échographie s’est bien passée, ce sont des jumeaux. Nous avons hâte d’être mamans. » Elle réussit à garder son sérieux quatre secondes et demi avant de rire. Elle transformait souvent la gêne ainsi en allégresse.

« Si t'as plus une minute à toi, c'est que je me débrouille mal. C'est pas nouveau, mais j'en suis désolé. Être Jedi, c'est aussi parfois passer son temps à glander. Méditer. Je veux dire méditer, bien sûr. Regarder pousser les éopies. Sniffer des fleurs. Ce genre de trucs. Parfois, le plus difficile, quand on est Chevalière, mais le plus nécessaire, c'est de se dérober à certaines des tâches qu'on veut nous confier. Faire l'école buissonnière, tu sais. Se dérober ? L’escapade était effectivement une compétence que ne maîtrisait absolument pas la Padawane qui était plutôt douée en architecture ; une architecture qui consistait à empiler sur son bureau toujours plus haut et avec quelques fois des contreforts et des ogives magnifiques, les toujours plus nombreux dossiers qui lui étaient confiés. – Comment vous faites, vous, pour trouver ce temps ? J’arrive jamais à vous voir, vous êtes au moins huit fois plus sollicité que moi et tout le monde connaît aussi le numéro de votre chambre. Vous sortez par la fenêtre ? … Non… Ne me dites pas que vous rampez encore dans les tuyaux d’évacuation pour fuir. Nouveau sourire. La nostalgie des péripéties en tandem. – Boute, tu veux bien aller me chercher une autre limo’ ? – Thann, vous m’avez demandé de vous rappeler que deux étaient suffisant pour votre métabolisme, qu’un troisième ferait littéralement exploser la quantité de sucre présente dans votre sang et nuirait gravement à vos phases de sommeil. – Je t’ai dit ça, moi ? Flûte… »
Karm Torr
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Ouais, le sucre, c’est mauvais pour la santé.

(Souvenez-vous en les enfants.)

Moi, je te recommande une petite décoction de racines légèrement putréfiées que j’ai découverte dans un restaurant gungan sur une station spatiale de la Bordure Extérieure, c’était une tuerie.

Littéralement, peut-être.

Mais sinon…

Karm croisa les mains sous sa nuque.

Oui, l’Enclave, c’est très prenant, et être membre de l’ExploCorps facilite pas les choses, parce que les missions sont longues, et le reste des tâches est concentré sur un temps plus court. Mais… Je sais pas, j’ai pas la solution miracle et certainement pas la prétention de faire les choses bien.

Après ce début qui mettait en confiance, mais auquel Thann devait être habituée désormais, car son Maître mettait toujours un point d’honneur à tempérer l’autorité ou la sagesse qu’on pouvait lui prêter, ce qui, ironiquement, contribuait beaucoup tant à son autorité qu’à sa réputation de sagesse, il poursuivit :

Déjà, faut admettre une certaine part de chaos. Quand tu crées quelque chose, que tu l’as imaginé, que tu te lances dans une construction, une fondation, une opération, que tu sais qu’aux yeux des autres, les choses dépendent de toi, qu’il en va de ta réputation, c’est facile de vouloir… Tout anticiper, tout contrôler, tout agencer. Admettre que y a des trucs qui seront mal faits, pas optimaux, qui prendront trop de temps, qui partiront dans des directions contradictoires, alors que ton intervention pourrait résoudre ça, peut-être, c’est nécessaire. Ça implique que tout soit pas parfait. Ça implique qu’aux yeux de certaines personnes, tu passeras par un idiot, un incompétent ou un dilettante. Mais c’est à tâtons que la vie trouve son chemin.

Karm quitta ses chaussures pour s’asseoir en tailleur sur le fauteuil.

Bien sûr, on peut se permettre ça plus quand on est un maître qu’une Padawane. Ou une Chevalière. Mais c’est mon rôle de mentor de te couvrir quand les choses dérapent, et mon rôle de Maître de couvrir les gens de l’Enclave que ça pat un peu dans toutes les directions. Y a des choses que tu dois remettre à demain, ou pas faire, ou confier à d’autres, et ça sera moins bien que ce que tu auras fait mais c’est pas très grave. On fait du bricolage pas des mathématiques. C’est ce temps-là que tu prends pour toi. Pour être là où tu dois être. Quand c’est nécessaire.

Et puis… Il faut reconnaître les limites de sa compétence. Admettre que y a des trucs qu’on sache pas faire. C’est hyper injuste de dire ça, parce qu’on vous demande tout le temps de prouver que vous êtes des Padawans accomplis, polyvalents, et patati patata. Vous êtes censés connaître tous les membres du Sénat, vous battre avec les mains liées dans le dos, organiser une opération humanitaire avec quarante de fièvres et arrêter des criminels. Et c’est vrai qu’au fond, un Chevalier fait un peu tout ça. Par la force des choses. Mais ça va peut dire qu’en temps normal, c’est pas possible dire : ça, c’est juste pas mon domaine, faut voir telle personne. C’est pour ça qu’on est une communauté. Un organisme.

Moi… Moi, je sais que tu es une jeune fille brillante, capable, douée, soucieuse et attentive, imaginative et déterminée, que tu as le sens du travail bien fait et que tu te préoccupes des autres, que tu as les vertus qui comptent, un chemin devant toi, plusieurs chemins même, et que tu seras bientôt une Chevalière qui fera honneur à notre Ordre. T’as pas besoin de me prouver quoi que ce soit, et j’ai pas de doute sur le fait que tu réussisses tes épreuves. Je serai là pour témoigner en ta faveur, pour peu que tu en aies besoin. Tu peux dire non à des trucs. Tu peux aller te promener. Glander. Faire des projets persos. Tu peux dire que tu sais pas faire ceci ou cela. Soigner les gens ou négocier le prix du grain, que sais-je. Personne ne t’en estimera moins compétence, certainement pas moi et je t’aimerais toujours comme la prunelle de mes yeux.


Fort heureusement, pas de Jedis orthodoxes dans les parages pour surprendre ces derniers propos si purement hérétiques que même l’art consommé du jonglage théologique du hippie de Dantooine n’aurait probablement pas pu rattraper.

J’aimerais bien qu’on fasse quelque chose, qui à mon avis est ce qui te servira le plus, dans ta situation actuelle, pour ton avenir proche. Je vais continuer à te confier des tâches. Par pour la beauté du geste, hein. Mais des choses pour lesquelles je pense que ta présence serait utile. Et toi, ton rôle, c’est de déterminer ce que tu peux faire. Parce que tu as le temps ou les compétences. Et de dire non à certaines. Ou arrêter des trucs que tu es en train de faire, les refiler à d’autres et te concentrer sur autre chose. C’est ça aussi, l’exercice des responsabilités. Ça te paraît jouable ?
Thann Sîdh
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Thann Sîdh – cornsilk
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Allait-elle véritablement devoir admettre, une nouvelle fois, à sa compagne qu’elle avait eu raison, toutes ces fois où elle lui disait qu’elle ne pouvait pas décemment espérer se sortir de toutes les tâches qui lui étaient attribuées ? Qu’elle ne pouvait pas effectivement répondre présente chaque fois que quelqu’un affirmait avoir besoin d’elle – que ce fut avéré ou non ? Thann ne parvenait tout simplement pas encore à lâcher prise lorsqu’il s’agissait de remplir ses tâches, de répondre au devoir. Le recul qu’elle était parvenu à prendre sur ses émotions et ses sentiments, sur ses propres désirs, sur ses relations, elle en avait été tout bonne incapable dès lors que quelqu’un lui signifiait que c’était là quelque chose d’attendu pour son rôle. Son rôle, au sein de l’Enclave, mais en réalité son rôle en tant que Jedi. Certes, elle était capable de reconnaître une limite physique : lorsque la fatigue la gagnait, elle n’hésitait pas à faire savoir son besoin de repos. Cependant, admettre qu’elle avait besoin, avant de s’écrouler dans son lit, d’avoir aussi du temps pour elle ce n’était véritablement pas une chose aisée. En y pensant, qu’avait-elle, depuis trois mois, sinon les brèves journées – plutôt des demi-journées d’ailleurs – à déambuler un peu avec Lauren et surtout, la présence de Seïid lorsqu’elle en venait enfin à tomber de fatigue ? Alors oui, bien sûr, elle ne travaillait qu’avec des gens d’une bienveillance folle, d’une compassion sincère et, vraiment, elle appréciait la compagnie de chacun d’eux et œuvrer à leurs côtés étaient un véritable plaisir… La Padawane soupira. Il fallait qu’elle se rendît à l’évidence. Elle avait un manque cruel de distractions et d’instants pour elle. Pour elles aussi, d’ailleurs, depuis combien de temps repoussait-elle Seïid au prétexte de la fatigue ? Cette femme était un amour, jamais elle n’avait fait naître la moindre culpabilité chez elle.

Alors que sa pensée était partie ailleurs prolongeant le silence dans des durées qu’elle n’arrivait pas à estimer, la Miraluka revint soudainement à la réalité de la question posée et sentit ses joues se couvrir d’une chaleur délicate. Effectivement, elle avait laissé ses pensées caracoler bien trop loin. « Oui, jouons le ainsi. Elle éclaircit brièvement sa gorge, passa une main dans ses cheveux comme pour en chasser les dernières poussières de distraction et décida de verbaliser ses dernières pensées – au moins en partie. C'est étrange... Je crains davantage de décevoir et de mal faire que de mourir. D'une façon ou d'une autre, lorsque je doute vraiment, j'ai un fantôme qui tente de me persuader que d'une façon ou d'une autre, je parviens à vous masquer mes erreurs, à... tromper tout le monde en me faisant paraître pour meilleure que je ne suis. Je sais que c'est idiot, et contradictoire car en me prêtant de telle capacité à tromper mon monde, je me prête en même temps une intelligence impossible à lier avec l'idée d'échec permanent et d'imposture. Pourtant, le sentiment est là. Pas tout le temps mais... Parfois. Oui. Que le vivant pouvait se montrer contradictoire… De nouveau, la jeune adulte laissa l’air jaillir de ses poumons, lui laissant la charge d’exprimer sa lassitude, sa perplexité et, mêlée à cela, ses inquiétudes. Et notre idée essuie tellement de critiques de la part de nos confrères. Je suis parfois fatiguée de devoir toujours y répondre. Est-ce à nous, fondamentalement de répondre à toutes leurs inquiétudes ? » C’était là le cœur de leur relation. Une absolue honnêteté d’elle à lui, de lui à elle, jusqu’à aborder ces questions qui auraient absolument outrées des confrères plus traditionnels du Temple d’Ondéron, ceux-ci même dont elle parlait, en réalité.

« Pas toujours, non. Honnêtement, je compte plus sur la preuve par l'exemple que l'argumentation. Parfois, répondre aux critiques, c'est entretenir un débat qui nous met pas à notre avantage. C'est plus pratique de mettre les gens devant le fait accompli. Et puis... on a quand même convaincu pas mal de personnes, ici. C'est à elles aussi de témoigner de ce qu'elles en ont tiré. 'Fin si elles veulent, quoi, hein. Je vais par les envoyer faire du porte-à-porte avec le magazine La Tour du Gardien pour convaincre les foules. – Et pourtant, je suis sûre qu'on pourrait financer une bonne partie des travaux de l'aile ouest pourvu que vous acceptiez d'être en couverture du magazine dans votre tenue d'intervention fétiche. Thann se mit à rire ouvertement. Une autre des compétences qu’elle avait travaillée avec un certain zèle au côté de son mentor : l’humour irrévérencieux et taquin. Ça me laisse un sentiment bizarre. De me dire que, bientôt, vous ne serez peut-être plus mon maître. J'ai appris à vous partager sans plus réagir comme un bébé mais là... Vous cédez tout à fait à d'autres. Ce sera étrange. Elle le pensait véritablement. D’autant qu’elle se rendait bien compte que ce fameux devoir qui la tourmentait tant les avait largement séparés ces mois durant. Elle ne doutait pas un instant de la réponse qu’elle aurait reçu de la part du dogme. Le fameux dogme auquel elle s’était heurtée, lors du Tournoi des Trois Cristaux. – Taratata, comme disent les djeunz. Chevalière ou pas, je serai toujours ton mentor, cette fontaine inépuisable de sagesse et de conseils avisés, ce modèle de... ouais. Tu vois. Moi, je compte pas couper les ponts, ni te lâcher dans la nature. Sauf si tu as envie de voler seulement de tes propres ailes. » Elle aimait profondément son Maître et l’entendre lui dire cela la réconfortait quant à l’avenir. Il n’y a pas de passion, il n’y a que l’Harmonie. Et bien soit, elle pensait à présent que cette harmonie devait avant tout se trouver dans sa façon de vivre avec les autres, pas de les ignorer. Sa pensée continuait de cheminer.

« J'ai pas envie de vous voir disparaitre. Y a que vous qui me laissez vous disputer comme ça sans rien dire... Seïid finit toujours par me faire l'une de ses prises de combat invraisemblable pour me jeter ensuite sur la surface molle la plus proche et me chatouiller jusqu'à ce que je capitule... Pourquoi en revenait-elle toujours là ? Thann n’avait certainement pas honte de sa relation, mais cela lui semblait à présent une évidence terrible qu’elle eût dû formuler plus tôt, comme un écho au début de leur conversation. Si elle ne savait parler que de Seïid, c’était bien qu’elle avait beaucoup trop réduit ces moments où elle pouvait cultiver d’autres relations, en dehors du travail. Quand bien même elles s’aimaient, elle devinait là qu’elle ne devait pas charger sa compagne d’une si grande attention. Ce n’était bon ni pour elle, ni pour elle. Alors que cette conclusion lui apportait un nouvel élan d’énergie, son cerveau renoua avec ses réflexions premières et l’avenir. Et je devrais vous appeler comment, alors ? Quand je serai Chevalière. – Ouais, je sais. Je suis hyper laxiste. Quant à m'appeler... euh... Maître Badass ? C'est pas mal, non ? Ou... ouais, bon. OK. Karm alors. Les gens ont décidé que c'était mon prénom, et je m'y suis fait ma foi. Il y avait quelque chose qui ne lui plaisait pas, dans tout cela. Pourquoi était-ce à lui de s’y être fait ? C’était curieux… – Vous auriez voulu vous faire appeler autrement ? J'aurais aimé qu'on trouve le temps d'aller à la rencontre de votre peuple. Vous m'en avez tellement parlé. On trouvera le temps de le faire, avec tout cela ? Elle fit un geste pour désigner tout ce qui constituait, en ce moment, leur réalité. – Hmm ? Oh, non. Karm, c'est bien. Juste... Dans ma culture, tu m'aurais appelé Oni. Le nom que je porte pour mes proches. Mais ma culture, c'est pas vraiment ma culture, au fond. Même si j'aime bien me dire que si, en vrai, c'est... enfin on a... enfin, voilà, quoi. Bref... On ira les voir, un jour. Tu peux pas être une bricoleuse chevronnée sans avoir survécu à l'enfer que constitue un hyperdrive ark-ni, après tout ! Oni ? C’était joli… Simple, pourtant chantant. Quelque part, sans aucune raison apparente autre que le fait que ce prénom se retrouvât associé à son maître, elle trouvait dans ce mot une sorte d’affection touchante ; si elle forçait le trait, elle y trouvait presque quelque chose de l’amour d’une adelphie. Etait-ce pour continuer de nourrir leur lien ? était-ce parce que fondamentalement elle trouvait ça dommage qu’un constituant majeur de l’identité première de son mentor avait été perdu ? Elle se focalisa longtemps sur lui. Du point de vue de Karm, Thann ne faisait que regardait vaguement au-dessus de lui mais en réalité, toute son attention était portée sur la lumière douce qui émanait de lui. Elle se demanda soudain, alors qu’elle discutait avec lui des particularismes ethniques, qu’elle ignorait si il sentait quand elle s’attardait ainsi sur lui, à travers la Force. Un peu hésitante, elle finit par répondre. – Je crois que j'aimerais bien que vous me permettiez de vous appeler Oni... Ce serait... Je sais pas... Si vous le voulez bien, bien sûr ! En se l’entendant dire, elle s’en persuada tout à fait. Un sourire sincère glissa sur ses lèvres.

« Ah non mais je... euh... je veux bien, c'est sûr. Enfin si ça te va.

...

Voilà voilà. »


Le summum de l’honnêteté émotionnel du Maître. Thann en déduisit que cela comptait certainement beaucoup pour déstabiliser celui qu’elle ne trouvait que rarement à court de paroles. Puisque la conversation était là, elle la poursuivit, pour libérer son ainé de ce trop plein d’attention : « Vous pensez qu'il faudrait que j'essaie, un jour, de rencontrer d'autres Miralukas ? Enfin, je veux dire, allez là-bas. Sur Alpheriedies. – Hmbref. Donc. Les Miralukas. C'est une affaire d'appréciation personnelle. Beaucoup de Jedis, quand ils deviennent Chevaliers, redécouvrent leur propre culture. Je pense que c'est toujours... Enrichissant. Sur un plan personnel. Et puis d'un point de vue pragmatique aussi. C'est mieux d'en être que l'inverse, pas vrai ? Se nouer des contacts, créer de la solidarité, être au courant des préoccupations d'un peuple, ce genre de trucs. Mais y a rien d'obligatoire. Elle resta songeuse quelques instants, que voulait-elle ? – Je crois que j'irais... Quand j'aurais un vaisseau. Vous viendrez avec moi ? J'aurais vu votre peuple, vous verrez le mien, on sera quitte, quelque part. – Bien sûr que je viendrai avec toi. Faut bien que t'aies quelqu'un de qui avoir honte. Autre réflexion d’une incommensurable impédance, – Vous pensez qu'ils ont quand même développé des lampadaires, là-bas ? – Ben... euh... pour les visiteurs ? Non ? Au moins. Peut-être pas dans les villages paumés, cela dit. – Remarque, vous pourriez me dire si on voit bien les étoiles, alors. – Sinon je me promène avec mes lunettes de vision nocturne, hein. C'est pas un problème, j'aurai la classe. – Mais ce serait retirer tout le côté rigolo de l'expérience, il faut l'admettre. » Il faut croire que la conversation gagnait en profondeur…
Karm Torr
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Ouais ben de toute façon, vous apprendrez, jeune fille…


Karm se redressa dans son siège avec un air digne de vieille dame bien éduquée.

… que je pratique la vision de Force, maintenant. L’obscurité ne me fait pas peur.

Les incursions de l’Arki-Ni dans le domaine de la scrutation, l’année qui venait de s’écouler, n’avaient fait l’objet entre sa Padawane et lui que de rares conversations. Parce qu’elles l’inquiétaient. Parce que parfois, il s’était senti perdre pied. Parce que sa raison, plus encore que d’habitude, lui faisait l’effet d’une eau fuyante qu’on retenait tant bien que mal avec les doigts.

D’ailleurs, il changea aussitôt de sujet.

Pour le vaisseau, faudra voir avec Nata, c’est elle qui a les registres.

L’administratrice générale de l’Enclave, une jeune Auxiliaire à l’efficacité redoutable, semblait toujours savoir précisément où se trouvait chaque objet de leur Enclave.

Et sinon, puisqu’on en parle…

Une flopée de tentacules suivis de la tête qui les accompagnait apparut soudain du côté de la porte et le Chevalier Zluburg demanda :

Pas d’effets secondaires ?
Parce que y a des effets secondaires pour les cocktails de vitamines ?
On ne sait jamais, répondit le Quarren.
Je me sens comme un camion !
Pardon ?
Ben, neuf comme un camion.
Neuf comme un…
C’est pas ça l’expression ?
Propre comme un sou neuf ?
Oulah, ça… j’irais pas jusque là…
Je… Bon, bref. Tu peux repartir.
Cool.
Pas de folie, hein, ce soir !
Je serai sage comme un speeder volé.
Quoi ?
J’plaisante.

Et après avoir attenté de la sorte et une fois de plus à la santé mentale de son ancien frère d’armes, Karm quitta le fauteuil et le duo libéra le bureau du Quarren. Le Jedi prit la direction de sa chambre mais, en chemin, ils s’arrêtèrent de nombreuses fois pour échanger quelques propos rassurants avec les gens croisés dans les couloirs, surtout les plus jeunes. Le principal sujet de préoccupation semblait être le bien-être des éopies de l’Enclave, et surtout de la vieille Gaga, dont il fut promettre à plusieurs reprises qu’elles avaient été rentrées dès les premiers vents.

Quand ils arrivèrent dans la chambre, tout au sommet de l’un des bâtiments de l’Enclave, Karm tourna le regard vers un mur où se trouvait une porte, et de l’autre côté la chambre de Luke. Tout le monde savait plus ou moins pourquoi l’appartement des deux Jedis communiquaient. Mais Karm, lui, ignorait que des fanfictions circulaient sous le manteau, dans certains groupes privés sur Holoface, à propos de ses activités nocturnes avec son voisin de chambrée.

(Il y avait d’autres récits, aussi, à propos de lui et du Chevalier Zluburg, sur lesquelles il est préférable de jeter un voile pudique.)

Elle est où, ma terreur ?

Ce n’était pourtant pas de Luke dont il parlait, mais bien…

Ah, te voilà, fit l’explorateur en soulevant la couette pour dévoiler un reptile encore en enfance, roulé en boule, manifestement apeuré. Ça va aller, Choupi.

Karm s’assit en tailleur sur son lit et plaça le redoutable prédateur au creux de ses jambes, pour le gratter consciencieusement sous le manteau.

Tempête et océan, c’est pas vraiment l’ambiance sur Tatooine, hein, pitchoune.

Le scyk se pelotonna contre son maître, dont la présence lui était familière depuis bien avant sa naissance et, sans manquer à ses devoirs de grattouilleur, ce dernier releva les yeux vers sa Padawane.

Qu’est-ce qu’on disait ? Ah oui ! Seïid.

On ne disait pas ça du tout !
C’était un piège !

Comment ça se passe, avec elle ?

L’Ark-Ni avait fait son possible pour ne pas trop s’immiscer dans cette histoire-là. Seïid n’avait probablement pas envie de sentir partout la présence du Maître de sa compagne, et il jugeait que les jeunes gens avaient besoin de se développer pour une part loin des regards de leurs aînés. Sa jeunesse n’eût-il pas plus heureuse, à lui, si Maître Tavaï ne l’avait pas considéré comme un petit satyre en puissance ?

Vous avez parlé de comment ça serait quand vous serez toutes les deux Chevalières ? Y a du simple et du compliqué, dans ce genre de cas. Un peu plus de liberté pour partir en mission et se retrouver loin des autres pour… euh… se retrouver, quoi. Mais, selon la spécialité qu’on choisit, une vie parfois aux quatre coins de la Galaxie.

Ce n’était certes pas le cas de tous les Jedis. Les Snipers ou les Artisans, par exemple, passaient le plus clair de leur temps dans le Temple où ils étaient affectés.

Tu envisages ça comment, toi ? Ton quotidien de future Sentinelle. Pour toi-même. Pour Seïid. Ce à quoi tu aimerais que ça ressemble.

Et Karm retira machinalement un long cheveu blond de ses draps.

Thann Sîdh
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« Je ne le sais que trop bien, et j’aurais adoré apprendre à vous apprendre et apprendre en vous apprenant mais vous vous défilez comme une anguille chaque fois. Elle ignorait d’ailleurs pourquoi. Les rares fois où il avait évoqué la chose, c’était pour la glisser discrètement sur le tapis par la suite, presque aussitôt. Ce qu’il fit exactement, d’ailleurs à l’instant, en revenant intelligemment au sujet de la mécanique aérospatiale pour détourner l’attention de sa Padawane qu’il ne connaissait que trop bien. « Il se pourrait que j’ai déjà repéré un modèle et… pour tout vous dire… il se pourrait que j’ai déjà commencé avec Eddie à revoir quelques menus détails techniques du dit modèle. Et il se pourrait aussi qu’avec la masse de travail accumulée j’ai peut-être oublié d’en informer tout à fait Nata… Vous pensez qu’elle va s’en formaliser ? » Thann eut un petit sourire gêné et alla trouver l’arrière de sa tête pour le gratouiller. Peut-être avait-elle légèrement exagéré son manque absolu de temps libre. Il était vrai qu’elle était parvenue à trouver une heure par-ci, une heure par-là, à consacrer à la conception d’un engin nouveau qu’elle espérait novateur dans le domaine de l’exploration ; quelque part, elle le voyait comme sa première contribution à la noble voie des Sentinelles. De nouveau la conversation allait évoluer lorsque surgit à l’improviste le maître des lieux. La nouvelle passe d’armes des deux comparses arracha facilement un sourire à la Miraluka et ce fut presque avec regret qu’elle quitta son perchoir-tabouret pour quitter, à la suite de son maître, le cabinet du bien gentil docteur-jedi.

🌿

Pour Thann, les échanges pour parvenir jusqu’à la chambre de son Maître s’étaient limités à des sourires ou à une main, de temps en temps, posé sur l’épaule d’un novice bien plus jeune, angoissé par cette bien étrange soirée. De nouveaux seule avec son mentor, elle le laissa s’installer sur son lit, nourrir Choupi de toute son affection et entamer de nouveau une conversation. Une conversation à laquelle elle s’attendait tout ne sachant toujours pas, même à présent, si elle était bien sûre de la désirer. Non, ce n’était effectivement pas parmi les Jedis, et même dans l’Enclave, que la question des relations amoureuses et intimes était la plus débattue. Elle dut se concentrer pour comprendre que l’Ark-Ni tenait en main un cheveu bien trop long pour lui avoir appartenu.

La jeune adulte, soucieuse d’assumer vaillamment cette incursion pédagogique dans son intimité la plus profonde, fit preuve d’un immense courage en retardant sa réponse au prétexte de devoir elle-même prendre place au bout du tapis de méditation de Maître Karm. Elle poursuivit sa charge rhétorique en ouvrant largement les bras à Choupi, invitant le lézard tueur d’enfant à répondre à son instinct qui lui disait d’aller saluer la nouvelle arrivante à grand coup de langue serpentine. Thann ne put retenir un rire lorsque l’étrange chose lui parcourut une bonne moitié du visage et ne fut pas difficile à convaincre lorsque la créature sur retourna sur le dos pour présenter l’envers de ses pattes : une zone stratégique de la gratouille. La façon donc la patte arrière droite de Choupi tressauter de plaisir lorsqu’on accepter de le gratter là valait bien la peine que l’on se donner à procéder au dorlotage en question. Le geste simple avait aussi, curieusement, une vertu méditative intense. Quelque part, la béatitude de la créature semblait communicative. Qu’attendait-elle, de sa relation avec Seïid ? Et avant cela, qu’en était-il ? Une onde de chaleur assez intense lui monta lui envahit les joues tandis qu’elle y réfléchissait avec sérieux.

« Mmmhhh… Comment cela se passe ? Hé bien… Vous saviez… La dernière fois que nous en avions parlé… Hé bien… Je crois que nous n’avions en fait plus abordée la question depuis Ilum. Deux ans. Oui. Deux ans. Et… Comment dire… Vous aurez remarqué que depuis, mon appétit vorace a plus ou moins révélé son origine par… L’extension de ma personne en hauteur et dans bien des directions. Je ne suis plus la petite fille de nos débuts, je suis. Hum. Une femme. Je pense. Je crois. Enfin, je suis sûre du moins. Une femme d’un mètre soixante-seize et Seïid est… Plus grande encore et tout à fait une femme aussi. De fait, les câlins… Comment dire… Bon… Euh… Notre amour s’est fait plus… En fait, non, pas plus. On va dire que notre relation s’est doublé d’une certaine épaisseur de contact. Voilà. Nous avons connu nos premières expériences, si je peux le formuler ainsi, depuis quelques mois déjà et… Un tétraplégique se fût mieux sortie d’une piscine que la Miraluka ne se sortait de cette discussion en multipliant les gênes et les coups de chaud. Pourtant, si il y avait une personne en qui elle avait suffisamment confiance pour parler, c’était bien celle qui lui faisait face. … Et à vrai dire… Il y avait une question… Bon… Sûrement la trouverez-vous totalement stupide et… Mais… Mmmmhhh… Avez-vous déjà songé à utiliser la Force pour… Comment dire… Poursuivre des expériences avec… Euh… Luke ? » Si la station météorologique de Dantooïne enregistrait un réchauffement climatique massif et global, elle n’eût eu aucun mal non plus à en situer l’origine dans l’Enclave Jedi à cet instant.
Karm Torr
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Il y avait ces rares moments réconfortants où Karm avait l’impression que sa Padawane parlait soudain moins bien le basic que lui et celui-ci fut l’un d’entre eux. Le Maître observa sa jeune protégée déambuler dans la syntaxe avec l’adresse d’un rancor dans un magasin de porcelaine sur Naboo, et il se dit une fois de plus que si c’était l’état dans lequel la mettait une conversation sur le sujet avec quelqu’un d’aussi bienveillant que lui, leur Ordre avait encore un très long chemin à parcourir pour être à la hauteur des besoins bien naturels des adolescents dont ils avaient la charge.

Je vois, dit-il avec douceur et en détournant le regard, comme le voulait la politesse ark-ni, quand on abordait des sujets trop sensibles. Je suis heureux pour toi.

Dans une institution aussi réactionnaire que la leur, il était toujours bon de le préciser.

L’affection, la tendresse et le désir que l’on partage avec un autre être sont des choses précieuses : elles nous renforcent et nous font contempler des réalités différentes de la nôtre, elles sont l’un des chemins de la sagesse et de la sérénité, un chemin parfois difficile et parfois dangereux, mais qui vaut la peine d’être parcouru.

Comme souvent lorsque la discussion prenait une tournure philosophique et qu’ils étaient juste tous les deux, le Gardien semblait retrouver soudainement sa pleine maîtrise de la langue commune.

La Force est comme une pulsation dans la sève des arbres, au creux de nos reins, dans la chaleur de notre désir. Quand tu te bats et que tu sens la Force qui coule dans tes veines en même temps que le sang, tu apprends à méditer le sabre à la main, n’est-ce pas ? À connaître la danse de ton corps. Quand tu fais l’amour, ce n’est pas différent. La Force t’accompagne.

À quel point il pouvait être plus explicite que cela, Karm n’en était pas trop sûr. Il réfléchissait à une situation de ce genre depuis un bon moment déjà. Mais, jusqu’à lors, ses réflexions sur le sujet, il ne les avait partagées en détail qu’avec son compagnon.

Je crois qu’il y a une voie dans la Force qui passe par le désir sexuel, se décida-t-il finalement à poursuivre, et que cette voie peut-être une voie jedi. Je crois qu’en l’ignorant, nous détournons notre regard de la Force Vivante telle qu’est et que nous avons la prétention de substituer aux courants de la nature, et à leur sagesse, les préceptes imparfaits et provisoires de nos sociétés. Je ne peux que t’encourager à explorer la Force dans ton désir, car elle en est la source et la destination.

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres.

Peut-être une réponse plus abstraite et plus théorique que tu aimerais, pas vrai ?

Par acquis de conscience, Karm laissa son esprit gagner la chambre voisine pour vérifier que Luke ne s’y trouvait pas et qu’il ne risquait pas de surgir à tout instant, pour mourir de honte sur son tapis, là devant lui, en se rendant compte du sujet de leur conversation. Puis il dit :

Quand je fais l’amour avec Luke, je puise dans la Force comme je le fais sur le terrain. Pour qu’elle nourrisse mon corps, pour qu’elle me rende fort et endurant, à la hauteur de son désir. Je puise dans la Force pour parcourir son corps, épouser sa peau et le comprendre. Ce que je ferais pour le soigner s’il était blessé, je le fais pour cerner ce qui lui plaît. Mon esprit s’ouvre à son esprit, et son esprit au mien. Je saisis ce qu’il désire avant qu’il ne le sache lui-même et il rencontre mon corps comme même moi j’ignorais que je le voulais. Et à chaque fois, quand nos plaisirs s’apaisent, je sens que j’ai compris la Force encore un peu plus, que je l’ai maniée avec encore un peu plus de précision, que mon esprit est plus clair et que mon savoir est plus vaste. Car quand on fait l’amour, on trouve la Force dans ce qu’elle a de plus pur et plus de lumineux.

En tout cas, de la manière dont il s’y prenait lui.

Il y a trois situations avec la Force qui me donnent le sentiment d’être en présence de l’inexprimable secret du Côté Lumineux : quand je fais pousser un arbre, quand je soigne un blessé et quand celui que j’aime s’abandonne au plaisir entre mes bras. N’utilise pas la Force pour ta satisfaction personnelle : cherche le plaisir de l’autre à travers elle et elle te récompensera par ton propre plaisir. C’est l’un des rares moments de l’existence où tout peut être pur, tout peut être bon, tout peut être lumineux : cultive-le comme le jardinier cultive la quiétude du potager qui le nourrira, car tu donneras à la terre et la terre te rendra en retour.
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L’aisance avec laquelle son mentor aborda la question et l’extrême honnêteté avec laquelle il aborda la question de sa propre expérience ébranla profondément sa Padawane, et certainement pour le mieux. Jamais elle n’avait pu trouver d’interlocuteur approprié à ce type de conversation, laquelle semblait pourtant avoir été longuement réfléchie par certain lorsqu’on pensait à l’inflexibilité du Code et de la tradition dès lors qu’il s’agissait de traiter ces questions. Le rigorisme imposait l’absence total de l’être, l’absence des passions et, parmi toutes celles-ci, les pires de toutes : l’amour et le désir. Ce tabou était profondément ancré en elle depuis de longues années. On ne parlait pas du corps au sein de l’Ordre, du moins pas dans sa dimension charnelle, sinon pour la condamner vertement et l’enterrer définitivement.

Etait-ce du fait de sa proximité avec l’amour et l’attachement que le désir se trouvait ainsi condamné ? était-ce simplement que la pudibonderie dominante dans les sociétés humaines, à l’exemple de la société coruscanti, avait également contaminé la pensée Jedi ? était-ce que la perte de contrôle volontaire des amants allait trop frontalement à l’encontre de tous les préceptes de contrôle prônés par ailleurs ? La Miraluka n’en savait rien. Comment pouvait-elle se forger un avis sur l’histoire de cette idée quand sa simple mention, pratiquement, était prohibée. Interdite partout, ou presque ; son Maître une nouvelle voie déroger à toute norme.

La chaleur ne quittait pas ses joues mais elle ne fuyait pas la conversation, au contraire, toute son attention était tendue à l’extrême, trop heureuse de pouvoir se confronter à la réalité dont elle était curieuse sans qu’aucun filtre moral ne vînt s’imposer outre-mesure. Vivre l’instant, trouver l’Harmonie dans la Force, dans l’autre, partager et la confiance et le bonheur. Toutes ces idées lui plaisaient terriblement. Non pas qu’elles lui autorisaient dès lors toute licence, mais elles avaient ce mérite de reconnaître à la vie une valeur, à la relation une importance, aux souffles entremêlées une beauté bien loin de l’animalité que la vox populi, ou du moins la vox sapiendi lui avait prêté jusque-là. Et l’évidence était là, jamais elle n’avait pu concevoir ses unions avec Seïid comme l’occasion de quelque malice. Elle n’y avait trouvé que de la beauté, du partage, du bonheur. Alors pourquoi cette honte ? Pourquoi avoir porté, jusque-là, ce fardeau ? Un barrage s’était ouvert, et des flots d’émotions cascadaient dans les veines de la jeune femme. La conversation l’avait libérée d’un poids certain et une forme d’humilité, dans le constat simple qu’elle n’était finalement qu’un être vivant plein du désir de vivre, lui apportait à présent une grande sérénité. Elle n’avait plus honte.

« Je crois… Je crois comprendre. Et ne vous inquiétez pas, je ne vendrai pas la mèche à Luke, il ne saura jamais – ou du moins pas de ma part – qu’il se trouve cité en guise d’exemples dans ce cadre. Elle rit doucement, comme pour chasser les derniers barbelés de gêne qui étaient parvenus, jusqu’alors, à entraver sa parole. Je l’aime. Je l’aime profondément et… Lorsque je la perçois, dans toute sa féminité, dans toute sa… grandeur. Je… Parfois, j’aimerais avoir des yeux pour qu’elle puisse y voir toute l’admiration que j’ai pour elle. Parfois, j’aimerais avoir des yeux, pour voir l’éclat des siens lorsqu’elle me regarde. J’ai souvent lu qu’ils étaient la fenêtre de l’âme. Même si je trouve dans le pli de ses paupières, dans la commissure de ses lèvres, l’assurance de son amour, j’aurais aimé pouvoir la regarder comme elle me regarde. Ou qu’elle puisse me voir comme je la vois. Sa pensée avait dérivé. Avait-elle changé véritablement de sujet ? Peut-être pas. Elle n’en explorait que la continuité. Toute la complexité d’un sentiment amoureux, d’un désir entêtant. Cette quête impossible de se perdre tout à fait dans l’autre, de l’avoir absolument pour soi. Non pas comme un bien, simplement, parvenir à le capter tout à fait, dans sa vérité la plus exhaustive, la plus parfaite, au-delà de ce que nos sens sont capables ; comme deux âmes oseraient danser. Je vais, finalement, sortir de cette conversation avec beaucoup de choses à méditer encore… Merci. Enfin… Un sujet que j’ai plus de facilité à aborder, vous l’aurez remarqué : souhaitez-vous que nous mangions ? Il se fait tard et je n’ai moi-même pas dîné… Mais peut-être aviez-vous prévu de partager votre repas avec quelqu’un d’autre ? »
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Parfois, j’aimerais que Luke puisse me voir, confia le Maître avec une douceur mélancolique. Et qu’il puisse voir dans mon regard combien mes yeux se réjouissent de sa beauté.

Avec laquelle le Hapien entretenait il est vrai une relation plus que conflictuelle.

Mais souvent, ça me fait surtout peur. J’ai peur que s’il me voyait avec ses yeux, il ne me trouverait plus désirable. Trop quelque chose ou pas assez quelque chose d’autre.

Enfant et adolescent, Karm avait souvent souhaité ressembler à quelqu’un d’autre. Il conservait d’ailleurs un silence pudique sur les deux ou trois années où, comme Padawan, il avait insisté pour pouvoir se teindre les cheveux en noir.

L’amour est aussi fait de ce genre d’inquiétudes, pas vrai ? Savoir qu’un autre est attentif à nous dans nos moindres détails, scrute notre esprit, notre âme et notre corps, avec l’espoir de le trouver digne de son affection et de son désir, c’est une idée quand même assez intimidante. Pour ma part, j’y trouve une raison supplémentaire d’être meilleur. L’amour d’une âme excellente est un chemin de vertu.

L’Ark-Ni déplia les jambes et il posa son pouce et son index contre son poignet gauche, pour vérifier son pouls. Braver la tempête l’avait plus éprouvé qu’il n’avait bien voulu le laisser paraître, mais les bons soins de Zluburg ne tarderaient pas à le remettre sur pied.

Et une raison supplémentaire de cultiver mes abdos d’acier, évidemment, conclut-il d’un ton plus léger, avant de se relever. Allez. J’ai la dalle.

Pas Choupi, qui s’était profondément endormi. Son maître se pencha pour le soulever sans que le reptile ne s’en réveille et il l’installa près d’un radiateur, avant de quitter la chambre.

La voie de la Force Vivante a quelque chose d’humiliant à bien des égards, poursuivit-il tandis qu’ils marchaient côte à côte dans les couloirs. Accepter ses désirs, c’est aussi accepter de ne pas se contrôler toujours. C’est accepter parfois ce qu’il y a en nous de moins réfléchi. Or, les Jedis ont beau prôner l’humilité, on aspire tout de même souvent à élaborer de belles théories, à consigner des observations subtiles dans des holocrons, et à s’abstraire de la glaise du monde.

Lui-même n’avait-il pas poursuivi pendant plusieurs années le projet d’écrire un traité sur l’art du sabre, pour lequel il avait patiemment collecté des données de toute nature, sans jamais parvenir au bout de son manuscrit ? Il lui avait fallu une maturité nouvelle pour admettre que son enseignement ne serait pas immortalisé par un ouvrage célèbre que l’on conseillerait à tous les futurs Gardiens.

C’est pour ça que pas mal de gens ont plus de facilité à cultiver les arcanes de l’esprit sentient, à utiliser la Force pour aller vers les pensées de leurs semblables, qu’à communiquer avec les animaux, par exemple. Communier avec un tooka, un bantha ou… Ben, un scyk… C’est accepter de descendre de son piédestal, c’est trouver en soi-même des choses primitives, simplistes. C’est devenir une brute.

Et combien de Jedis ne se servaient de leurs pouvoirs que pour apaiser les animaux pour les rendre dociles à leur usage, sans jamais se soucier d’échanger réellement avec eux ?

Tu es une jeune fille brillante, Thann. Une intelligence de premier ordre. Et c’est une bonne raison pour ne pas oublier de temps à autre d’être une brute. Semblerait-il que t’as trouvé une manière très agréable de le faire, et c’est une excellente chose.

Ce disant, les portes automatiques du self s’ouvrirent devant eux et une chose devint certaine : il en fallait plus qu’une tempête pour couper l’appétit aux nombreux jeunes gens qui peuplaient l’Enclave. Les conversations battaient leur plein dans le réfectoire et les plus hardis y allaient de leur petite anecdote, qui impliquait généralement d’avoir bravé les éléments pour sauver ceci ou cela.

Karm prit un plateau et se composa un repas végétalien, comme toujours quand il en avait la possibilité. Cela dit, au bout des rails, au moment de soulever le plateau avec ses assiettes, ses poignets parurent faiblir et il le reposa aussitôt. Une seconde plus tard, la Force pulsa de manière particulière en lui et, avec ce secours, il l’emporta pour s’asseoir à la table la plus proche.

Donc…, reprit-il en tartinant une tranche de pains de pâtes de haricots rouges au vinaigre et aux épices, si tu pouvais choisir tout ce que tu voulais, comment tu envisagerais tes premières missions en tant que Chevalière ? Qu’est-ce que tu aurais envie de faire ? Pas là où tu te penses la plus utile, ‘tention, parce que parfois, notre voie n’est pas celle de notre utilité, mais… Ce qui te branche. Le kiff, comme disent les jeunes.

(Sans commentaire.)

Si jamais ça peut te rassurer, dis toi que j’ai mis plusieurs années après être devenu Chevalier pour vraiment trouver ma vocation du moment, alors y a zéro urgence, hein.
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Malgré le début de détachement qu’elle était parvenue à prendre avec le sujet, le flot d’image qui émergea de de la remarque de son maître sur sa capacité à être « une brute » fit de nouveau affluer la chaleur aux joues de Thann. Elle décida qu’il était nécessaire pour elle et Seïid d’avoir une longue conversation dès ce soir et bredouilla, sans trop savoir quel compliment elle saluait, un « merci » à son maître tandis qu’ils pénétraient dans l’enceinte du self. Imitant son aîné, la Miraluka attrapa plateau, contenant et contenu ainsi que tout le nécessaire à faire passer chaque contenu d’un contenant à l’autre, l’autre étant principalement elle. Des légumes, des fruits, des graines – puisqu’elle adorait cela –, du pain, la fameuse soupe froide de Dhu Kkro. Peut-être son Maître remarquerait que l’appétit gargantuesque de son adolescente affamée de padawane c’était un peu tari. A présent, elle semblait engloutir des quantités finalement assez attendues.

Alors qu’ils venaient de s’installer, la conversation se poursuivit avec au moins autant de sérieux. Visiblement, son Maître ne lui avait pas communiqué le planning de ce soir : sauver la moitié de l’Enclave d’une explosion terrible, aborder la question de leur relation changeante, revoir foncièrement sa façon d’aborder la sexualité avec Seïid et à présent s’interroger profondément sur ce qu’elle attendait de l’avenir ? Tant de vastes sujets pour un esprit si las. Thann ne répondit pas tout de suite et lorsqu’après quelques lampées de soupe, elle pensa avoir un embryon de réponse à proposer lorsque soudain, une tête vint se présenter à hauteur du plateau de la table, celle d’un Aleena ostensiblement mécontent. « Alors, est-ce que ce sont des manières m’zelle Sîdh ! On débarque, on voit qu’le vieux Kkro est là et on ne vient pas le saluer ? Par contre, on prend sa bonne soupe pleine d’épices et on s’en fait exploser le bide comme une malpropre ? La Padawane ne put s’empêcher de rire et de manquer de s’étrangler, s’emparant en tout urgence d’une serviette pour récupérer ce qui était parvenu, dans l’incident, à surgir de sa bouche pour lui maculer le menton.

« Chef, tu sais bien que si je ne t’ai pas sauté dessus, c’est uniquement que je ne t’ai pas perçu. Elle lui tendit son poing serré il tapa de son petit poing serré ; une façon de se saluer plutôt à la mode en ce moment dans l’Enclave, tradition venue de Rainë, la ville voisine. – C’est vrai, c’est vrai, mais c’est toujours un plaisir de réussir à te faire baver pendant tes repas. Maître Karm, c’est toujours un plaisir de vous voir. Vous avez éduqué là une bien gentille petite. – Petite ? Vraiment ? releva la plus si petite Miraluka en feignant l’outrage, ce qui n’empêcha pas le cuisinier de poursuivre. – Vous serez ravis d’apprendre que les baies de Gugujorea que vous nous aviez ramener sont parvenus à germer à faire des petits, si vous trouvez que ma soupe a quelque chose de spécial ce soir, c’est qu’elle en accueille une bonne poignée depuis une semaine. Par contre, vos légumes et racines de Tropayé, là, fermenté depuis des mois, vous ne faites plus jamais ça, hein ? Vous avez failli tuer mes commis lorsqu’ils ont essayé de le cuisiner, j’en ai un qui a pratiquement tourné de l’œil. Dit-il entre le sérieux et le rire. Sur ce, veuillez m’excuser mais j’ai des troupes d’affamés à contenter, ma tâche ne s’est qu’à peine simplifier depuis que m’zelle Sîdh a arrêté de bouloter le tiers de mes greniers. » L’incriminée rit de nouveau en regardant s’éloigner le sympathique cuisinier. Elle l’appréciait beaucoup, et c’était sa façon de lui dire que la sympathie était réciproque.

Finalement, l’épisode lui laissa tout juste le temps de réfléchir mieux à la grave question que lui avait poser son Maître. A dire vrai, finalement, son désir était assez clair dans sa tête. « Je meurs d’envie de partir. De quitter Dantooïne, de quitter l’espace connu. De connaître à nouveau ce frisson que j’avais eu en découvrant P36X00 – les activités criminelles en moins. Je brûle vraiment de… Oui. Partir. Me perdre dans le firmament, dans la nature, dans tout ce que la Force a créé, là-bas, au loin, et qu’on ignore encore. Venir en aide, aussi, aux colonies reculées. Oui… Je veux retrouver cela. Et pas seulement parce qu’ici, je ne peux pas faire trois pas dans un couloir sans être harponné par quatre personnes différentes dans le besoin. » Elle sourit avant d’accueillir dans sa bouche une tranche de pain noir savamment imbibé de la soupe spéciale aux baies de Gugujorea.

Finalement, si la réponse avait été si facile à trouver, c'est peut-être qu'elle la connaissait depuis plus longtemps qu'elle ne le pensait, de prime abord. C'était de là que lui était venue sa vocation pour rejoindre les Sentinelles. De ce premier ébranlement, profond. Cette première stupeur. Un monde entier, sauvage, indompté, inconnu, et alors, il n'y avait eu, presque, qu'eux pour en fouler les herbes folles. Dire que depuis, elle ne rêvait plus que de renouveler encore et encore l'expérience était à peine une exagération. Elle avait retrouvé ce sentiment infini de liberté sur Ilum, quelque part, sur l'océan déchaîné de Khorm aussi. Thann n'était pas taillé pour les ruches fourmillantes de Coruscant ou de Nar'Shadda. Autre chose l'avait appelé au loin. Et, dans son idée, parfois, Seïid se trouverait à ses côtés ou Karm lui-même, à nouveau.
Karm Torr
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Hep hep hep… !

Karm agita une fourchette et la fourchette, elle, agita un haricot.

Les racines fermentées, c’est un air subtil et délicat, tout en nuances, quand ça commence à bouger tout seul, c’est que c’est bon et…
Non non, s’obstina le cuisinier en croisant les bras. C’est pas un art, c’que vous décrivez-là, mon bon Maître : c’est le scénario d’un film d’horreur.
Pfff…, répliqua le scénariste en levant les yeux au ciel.

Il n’en salua pas moins le cuisinier d’un geste de la tête et le suivit du regard alors qu’il s’éloignait. Dhu Khro lui était sympathique et, quoique l’Aleena voulût bien en dire, ils s’entendaient de temps à autre pour se lancer dans de petites expériences culinaires qui enfreignaient très légèrement les règles sanitaires des établissements collectifs de la République.

Mais sa présence au sein de l’Enclave lui rappelait combien Maître Ninden avait diminué, ces dernières semaines. Le vénérable Bothan que Luke et lui étaient parvenus à débaucher du Temple d’Ondéron pour l’installer avec eux sur Dantooine était l’un des Maîtres Artisans les plus respectés de l’Ordre, même si la spécialité qu’il s’était choisie, la cuisine, bien loin de la fabrication des sabres lasers ou de l’architecture des sanctuaires, paraissait de prime abord sans noblesse. À ses côtés, Karm avait beaucoup appris. Sur la nature. Sur la divination aussi, car les talents du vieillard en la matière étaient avérés.

Le Côté Lumineux rappellerait bientôt l’Artisan à lui. Karm le savait. Ninden le savait aussi. Le Bothan se préparait à ce dernier voyage avec le calme délibéré des véritables sages. Il méditait, consignait ses derniers enseignements dans un holocron encore tenu secret et, parfois, rejoignait l’Ark-Ni pour l’une de ces conversations à la fois simples et étranges dont au fil de ses longues décennies il s’était fait une spécialité. Karm espérait être là pour ses derniers moments, et clore de sa main les yeux qui avaient tant de fois scruté les mystères de la Force.

Pour l’heure, le jeune Maître reportait son attention sur sa Padawane, et un sourire se dessina sur ses lèvres quand il l’entendit parler de ses rêves.

C’est une noble vocation que celle de l’exploration. Parfois… Parfois il est compliqué pour les nôtres de comprendre son intérêt. De saisir pourquoi on devrait consacrer son temps, son énergie et les ressources de l’Ordre à des voyages si lointains. Mais je pense que je n’ai pas besoin de t’en expliquer les vertus.

Certaines étaient purement spirituelles, d’autres plus pragmatiques. Karm savait bien qu’au fond, il avait lui-même rejoint l’ExploCorps par une forme d’égoïsme, pour s’arracher à son quotidien militaire, et qu’il avait découvert ensuite le sens véritable de cette nouvelle voie.

Les portes de l’ExploCorps te seront naturellement ouvertes. Rares il est vrai sont les Chevaliers qui choisissent de s’y engager. Tout ce que tu décris là, c’est séduisant pour des gens comme toi et moi, mais ce genre de solitude et d’isolement effraie beaucoup de monde. Tu auras l’embarras du choix en termes de planète. Et puis…

Le Gardien s’appuya contre le dossier de sa chaise et son regard se fit un peu lointain.

Je crois qu’on profiterait d’avoir quelques… Je sais pas trop comment dire. Pas bases arrières, pas… Enfin si, quelque chose dans ce genre-là. Des sanctuaires. De petits sanctuaires, mais des choses un peu loin de tout, des endroits où se replier au cas où. Des lieux de pèlerinage, aussi, où les nôtres pourraient se rendre pour méditer et réfléchir, se ressourcer dans le calme, sans pour autant s’y retrouver complètement démunis. Un peu comme sur Illum, au fond.

Tous les Jedis n’étaient pas de grands amateurs de la survie en milieu hostile et un minimum leur serait nécessaire pour accomplir ce genre de retraites spirituelles en toute quiétude.

La quasi totalité de nos installations actuelles sont en République. C’est évidemment hyper pratique, mais on y dépend de beaucoup de choses. Du bon vouloir des autorités. Et ce sont aussi des endroits… Anciens. Bien connus des Siths, au fond. L’histoire récente nous l’a encore prouvé. Ce serait pas une mauvaise chose d’avoir notre petit jardin à nous, du coup. À l’abri des regards. À l’abri des archives.

Difficile de dire si ce qui parlait là était une sorte de pessimisme stratégique ou tout simplement l’instinct de l’enfant d’un peuple nomade qui préférait vivre loin des grands États. Un peu des deux, sans doute.

Bref…

Sa voix était devenue presque inaudible.

… si certaines de tes explorations… enfin, si tu le veux bien, parce que moi, je dis ça, c’est une suggestion, on est bien d’accord ? En aucun cas un ordre…. Mais si certaines de tes explorations devaient ne pas trouver leur chemin jusqu’aux Archives du Temple et aux bureaux géographiques de la République, au moins dans un premier, moi, j’y verrais pas spécialement d’objection.
Thann Sîdh
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Comment pouvait-elle ne pas comprendre son maître et sa volonté, pour l’Ordre, de prendre à nouveau un peu le large ? Renouer avec l’isolement, la solitude. Des années de guerre, des années à se débattre dans le marasme politique des mondes du noyau. Elle avait découvert la scène politique il y a des mois, sur Pakuuni, lors d’un pataquès invraisemblable. Etonnamment, alors même qu’elle s’y prédisposait, elle ne s’était alors trouvé aucun goût pour ce théâtre. Devait-elle cette répulsion au bien peu sympathique Chevalier Warid qui les avait reçues alors ? Ou bien était-ce simplement l’ensemble de la situation qui l’avait, assez résolument, convaincue de fuir comme la peste les rangs des Consulaires. Il faut dire que les soucis qu’elle avait rencontrés sur Ondéron, lors de la copie des archives, n’aidait pas à redorer, pour elle, le blason du corps diplomatique.

On pouvait considérer que son œuvre, dans l’Enclave, n’était finalement pas si loin des intrications de l’Ordre dans les hautes sphères politiques. En réalité, il ne s’agissait pas du tout d’une entreprise similaire. Ici, elle avait trouvé un contact immédiat avec les gens dont elle était convaincue qu’elle ne l’aurait jamais trouvé en une vie de Consulaire au Sénat. Il y avait une fraicheur, une spontanéité, une honnête dans sa façon de vivre son rapport aux autres ici… Cependant, il fallait bien reconnaître que la mention du sceau du secret l’intrigua un peu. Elle mit cela simplement sur le compte, en des temps troublés où l’Empire Sith pouvait être partout, d’un besoin de se protéger de l’espionnage galactique.

La jeune femme prit le temps de manger un peu avant de répondre. Il faut dire que les premières cuillères lui avaient ouvert l’appétit. « Ce serait... De fait, un heureux hasard si je travaillais depuis un moment à concevoir, sur mon vaisseau, un dispositif de furtivité, si je comprends bien. Alors qu’elle attendait la réponse de son Maître, elle entama une bataille féroce avec un petit pois récalcitrant à se laisser piquer par sa fourchette. La vie d’une Jedi était faite de combats. – Rien que ça... Dire que Blip et moi, on a déjà du mal à faire en sorte que l'Épave démarre, et mademoiselle donne dans le high-tech. Mais enfin oui, un heureux hasard. La vie d'une exploratrice est aussi... Une vie d'indépendance. Dans une certaine mesure. Y compris à l'égard des autorités de l'Ordre. Là-bas, dans l'espace profond, on est parfois la seule source de sa... morale. Prends les conseils comme des conseils, les préceptes comme des guides, et au-delà de ça, la sagesse est un bricolage de toute une vie. Comme un vaisseau, en somme. Thann sourit, malicieuse. Ce n’était pas tout à fait le genre de discours qu’elle avait entendu jusque-là. Dans ce pragmatisme moral, elle pensait entendre, un peu, les façons de faire d’une nouvelle coéquipière de son mentor ; du moins, pour ce qu’il lui avait raconté de leurs aventures. – J'ai le sentiment que côtoyer de trop près une certaine saltimbanque blonde de la Bordure extérieure a fait de vous un sacripant encore plus original qu'avant, Maître. – Peut-être... Peut-être bien, oui. Ou alors c'est mon héritage de charognard de l'espace, un peu contrebandier, un peu dépeceur de vaisseaux, qui s'exprime avec l'âge. Qu'est-ce tu veux, on n'échappe pas toujours à ses origines. »

La conversation mourut de nouveau un temps, le besoin de combler la vacuité de son estomac s’imposant à toute forme de sociabilisation, même appréciée. Finalement, alors que sa pensée continuait de caracoler parmi les étoiles et l’inconnu, elle avala et reprit : « Vous les imagineriez comment, toujours tout à fait par hasard, vous, les planètes aptes à recevoir de tels sanctuaires ? – Une bonne chaîne de montagnes. Avec des grottes. C'est bien, les grottes. C'est pratique. Des conditions pas trop rudes, pour pas traumatiser les pèlerins. Une supernova ou un trou noir sur le chemin, histoire de rendre l'astronavigation difficile. Que du jour au lendemain, des mecs se décident pas à ouvrir une voie hyperspatiale par hasard. Bref, faut flairer tout ça à la Force. Flâner un peu. Flâner un peu… Se perdre au milieu de l’immense univers et laisser la Force décider de la prochaine destination. C’était une belle idée. Pourtant, au fond d’elle, Thann se rendit compte d’un cruel manque de l’Ordre Jedi. Bien sûr, elle appréciait les glaciers d’Ilum et les montagnes vertigineuses. Elle s’accommodait même très facilement du froid, elle adorait le ski depuis que son Maître le lui avait enseigné et s’était promis d’inviter régulièrement Seïid à s’y livrer. Mais tout de même… Jungle, forêt, montagne… Il manquait une topographie à ce catalogue de voyages méditatifs. – M'en voulais pas si, à l'occasion, je propose un sanctuaire avec vue sur la mer, pieds dans le sable au réveil et couché de soleil à n'en plus finir. – Mais carrément : j'adore me baigner à poil dans l'océan. Elle sourit puis fit une drôle de grimace. – Nu ? Vous avez jamais peur que... Un crabe... Une anguille passe... 'fin vous savez... – Mais non. Je suis l'ami des animaux, moi, qu'est-ce tu crois. Je cause avec les anguilles, je joue des percussions avec les crabes. En revanche, une fois, je me suis assis par inadvertance sur un oursin et euh... 'fin bref... Mes fesses ont survécu, c'est l'essentiel. Quel souvenir, elle éclate ouvertement de rire et des regards amusés se tournent un instant vers eux. D’aucun prétendait que les anecdotes du tandem étaient aussi assidument écoutés que les informations galactiques. – Je vous rappelle que j'étais là, que c'était sur Naboo et que ça ne serait jamais arrivé si vous n'aviez pas voulu me prouver vos talents de véliplanchistes. – Ouais, hé bien si on avait du matériel correct, je m'en serais sorti comme un roi, je te ferais dire. Forcément, si on me sabote… Thann aspira profondément, la main sur le cœur, feignant l’outrage le plus profond. – J'avais prévenue que je n'étais pas du tout convaincu par mon montage. Vos termes exacts étaient... Elle singea alors sa voix. – J'ai confiance en tes talents, Thann, tu ne m'as jamais déçu. Regarde, il suffit de se laisser porter. Elle rit de plus belle, amusée par sa propre imitation tout à fait perfectible, avant d’ajouter. – Et, effectivement, vous vous êtes laissé porter par l'oursin. – En somme, j'ai prêté mon corps à la science. C'est quand même dingue que y ait pas encore une statue de moi devant le Temple d'Ondéron pour célébrer mes multiples sacrifices au progrès de l'équipement jedi, tu trouves pas ? »

Elle sourit puis reprit à moitié pensive, « La planche à voile comme moyen de locomotion officiel de l'Ordre Jedi. Il faudrait y réfléchir. D'ailleurs, ce serait possible ici, avec les élèves. – Ma foi, savoir se bricoler de quoi se déplacer, et utiliser ça, c'est loin d'être inutile. C'est bien de pouvoir conduire un speeder, mais parfois, mieux vaut savoir faire du ski. Perso, j'ai toujours rêvé de tester le skateboard anti-grav, mais j'arrive pas à convaincre Luke de m'aider à convaincre le Conseil que c'est une dépense pertinente et nécessaire. Et Loé refuse de me prêter assistance... Si elle avait eu des yeux pour s’illuminer, assurément, le regarde de la Miraluka se fût allumé de tous ses feux. – Ce n’est pas si compliqué à construire, il ne s’agit que de quelques répulseurs, de calibrateurs, de sondes newtoniques… et j'imagine pas si coûteux, si vous me permettez de filmer vos premières fois là-dessus, j'suis prête à vous le fabriquer. Son Maître la connaissait suffisamment pour savoir que ce nouveau sourire représenter chez elle un défi lancé. – Eeeeuh... et... hm... ça tiendra comme la planche à voile, ou bien... ? – Physiquement parlant, parce que je ne suis jamais monté sur ce genre d'engin, je dirais que ça n'a radicalement rien à voir. Votre centre de gravité est beaucoup plus étroit, vous n'avez rien pour vous rattraper, la surface de planche est relativement faible... Je pense que vous finiriez sur l'équivalent d'au moins un oursin avant de réussir ne serait-ce qu'à tenir debout dessus sans tanguer. – Tsss, tout de suite. Padawane de peu de foi. Écoute, si tu me promets que ça ne tombera pas en pièces sous mes pieds, moi, je te laisse filmer tout ce que tu veux et le retransmettre aux autres. Ça entretiendra ma légende. – Laissez-moi deux semaines et votre planche pourra vous servir sur un champ de bataille sans que vous risquiez qu'elle vous fasse défaut. – Deal. En échange, je te ferai une cuvée spéciale de mes fameuses racines fermentées. Elle le regarda, fronça un sourcil, franchement dubitative. – Je ne sais pas si je ne finis pas perdante avec un échange pareil... Son Maître, à son tour, marqua l’indignation à sa façon discrète, mais suffisamment bruyante selon ses standards pour que Thann sentît l’exagération du comédien de génie. – N'importe quoi. C'est excellent pour le transit et ça rend les cuisses roses. »

🌿

Il n’était pas si tard, au regard des horaires infernaux de son quotidien, lorsque Thann regagna le petit appartement qu’elle occupait avec sa compagne. Sans surprise, Seïid l’attendait, tuant le temps sur sa console. Elle se redressa, surprise de voir sa Miraluka favorite rentrer si tôt, et s’inquiéta. « Un souci ? Thann, mutine, s’approcha sans un mot jusqu’à atteindre sa partenaire et le canapé. – Non, du tout… J’ai… eu beaucoup à réfléchir aujourd’hui et j’ai… pris certaines décisions. Quelques-unes d’entre elles te concernaient et j’aurais aimé t’en faire part plus longuement, si jamais tu voulais bien m’accorder ton… elle déposa une premier baiser au coin de ses lèvres, … at… un second baiser sur sa joue, … ten… un troisième dans le creux de son cou. … tion. ». Elle se recula, pour laisser sa partenaire libre de disposer de la dite attention que celle-ci lui concéda bien volontiers, permettant sans le savoir à Thann de mener assidûment les devoirs que son Maître lui avait imposé.

Au cœur de la nuit, le vent, par la fenêtre, emporte un – Je t’aime… »


Fin
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