Darth Hope
Darth Hope
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Les orages de Kaas City avaient galopé vers les terres sauvages de Dromund Kaas. Le ciel de l’immense cité impérial demeurait grisâtre et une luminosité blafarde perçait au travers des épais nuages. Au sol, la brume matinale se diffusait, teintée d’écarlate comme les lumières de la ville brillaient. Au travers d’une vitre renforcée, les yeux dorés de Dana scrutaient ce paysage familier. Elle ignorait l’agitation des silhouettes présentes dans le bureau inquisitorial de Darth Runà. Le reflet de la fenêtre lui renvoyait leurs silhouettes vagues, sans consistances. Les paroles qu’ils échangeaient lui parvenaient comme depuis un autre monde. Elle portait sa bure d’Inquisitrice et le vêtement pesait sur ses épaules d’une étrange façon.



- C’est moche.
- C’est ce que portent les Inquisiteurs, expliqua patiemment Damaya, éclairée par le soleil invaincu de Ch’Hodos. Elle portait un regard attentif sur sa jeune soeur dont les joues rondes s’estompaient avec l’âge de la puberté. Ses yeux dorés étaient trop grands. Ils paraissaient disproportionnés et disgracieux au milieu de cette figure juvénile. Autour d’elles, les jardins de la Citadelle s’étendaient, tableau de verdure et de couleurs exotiques. Dana avait pris l’habitude de s’y réfugier depuis la disparition de leur père. Elle se terrait entre les feuillages odorants, espérant qu’on l’oublie alors que c’était elle qui espérait oublier. Oublier que son monde se métamorphosait, qu’il y avait désormais un Empire, une Impératrice. Que quelqu’un était au-dessus des Shar et les commanderaient au nom d’une entité impériale qui lui paraissait floue, presqu’inconcevable.
-C’est quoi un Inquisiteur hein ? Se renfrogna l’adolescente.
-L’Empire Sith est jeune. Il a besoin de gens pour s’assurer que cette jeunesse ne pousse pas des gens trop téméraires à le défier. Je suis là pour ces gens-là. Pour les trouver. Pour les tuer.
-Papa…il voudrait sûrement pas ça.

Une lueur de colère éclata dans les prunelles grises de Damaya avant de s’éclipser aussitôt.

- Père n’est plus là. Et c’est moi qui protégerai Ch’Hodos, désormais. En tant qu’Inquisitrice Sith. J’aurais le pouvoir de le faire. Jusqu’à ce que tu grandisses assez. Assez pour devenir Reine.
-J’veux pas devenir Reine. Je veux que Papa revienne. Je veux que tout revienne et que l’Empire parte, marmonna Dana, les yeux baignés de larmes d’impuissance. Je veux que tu reviennes aussi.
-Tout reviendra, Dana. Il faut juste avoir la foi. Est-ce que tu continues de méditer ?
-Nan, c’est nul.
-Si tu veux que tout revienne, il faut méditer, prier. Il faut que la Force t’entende, comme elle a entendu Shar Dakhan. Entraîne-toi, Dana.







- Il va falloir qu’elle s’entraîne, surgit soudainement la voix familière de Runà qui s’entretenait avec un humain d’une quarantaine d’année, la barbe lustrée, le regard noir. Il avait une mâchoire seyante et des traits taillés à la serpe. Dans le reflet de la vitre, elle décrivait les vêtements nobles et coûteux qu’il portait, brodés avec un soin luxueux. Sa maîtresse se tenait près d’un mannequin de couture sur lequel on avait déposé une robe de haute-facture, élégante, de couleur claire.
- Serenno est l’un des mondes les plus raffinés de l’Empire, Dame Runà. Votre protégée y sera parfaitement chaperonnée et entraînée., répondit-il avec un accent chantant.
- Dana ? Dana, appela la Miraluka.

L’Inquisitrice obéit en silence et se rapprocha du duo.

-Je te présente Elio Paige. C’est un styliste de renom, tant sur Kaas City qu’auprès de la noblesse impériale. Ses talents lui ont ouvert les portes de…beaucoup de cours à travers l’Empire. Il est originaire de Serenno.

Dana ne disait toujours rien.

-Laissez-nous, ordonna froidement la Seigneur Sith à l’homme qui se courba en deux avant de quitter les lieux. Tu comptes me faire la tête, comme une gamine pourrie gâtée, parce que je t’ai temporairement arrachée à Melantha et à ton cher capitaine.
- Quelle est ma mission ? Rétorqua-t-elle avec impatience.
-La guerre civile, soupira Runà en contournant son large bureau en verre afin de prendre place sur un siège confortable. Ses orbites bandées de dentelle pourpre se posèrent sur la silhouette du mannequin.
-Vous m’envoyez enfin affronter Ramken ?
-Comme si je souhaitais ta mort. La guerre civile a affaibli l’unité de l’Empire, c’est une évidence qu’il est bon de te répéter. La plupart des grandes familles nobles, des Seigneurs Sith ou impériaux, commencent à se demander si le vent ne va pas tourner. Des alliances se cherchent, se forment, avec ou sans l’aval du Conseil Noir. Tout le monde cherche à consolider ses acquis à défaut de tirer son épingle du jeu.
-Je ne comprends pas, dit sincèrement Shar qui était demeurée debout.
-Ton divorce avec Akusha pourrait être annoncé d’un moment à l’autre. Malgré les….complications dues à l’enquête actuellement menée dans le Collège de la Pureté, je me suis déjà assurée que les rumeurs sur ton prochain célibat se répandent dans la haute-société.

Dana cligna des yeux, l’expression s’enfonçant dans une incompréhension plus profonde encore, puis ses traits se tordirent de ressentiment tandis qu’elle comprenait enfin.

-Vous voulez encore me vendre au premier venu ?! S’exclama-t-elle, soudainement hystérique. Je ne me marche plus dans ces combines ! Vous m’aviez PROMIS que ce putain de mariage avec Akusha m’offrirait Ch’Hodos. RESULTAT ?! Ch’Hodos est entre ses mains, renégates qui plus est et j’ai pas eu mon mot à dire !

La colère de Shar avait explosé dans la pièce, vrillant au travers de l’air, distillant la corruption du Côté Obscur avec une aura désagréable. La miraluka broncha à peine, de marbre derrière le tissu qui recouvrait ses yeux tristement vides.

-Surveille le ton que tu emploies avec moi, avertit-elle simplement.
-Je suis fatiguée de surveiller mon ton et mon langage !

Runà leva la main en l’air et Dana fut projetée avec violence contre un mur. Son dos craqua douloureusement alors qu’elle percutait la surface, la cage thoracique compressée par la télékinésie sombre qu’employait son maître pour la maintenir épinglée, la laissant à bout de souffle et meurtrie de douleur.

-Ne t’avise plus de hausser le ton, Dana. Nous sommes des dames civilisées. La civilisation, c’est ce qui te manque cruellement, petit animal sauvage. Il est temps pour toi de regagner le monde civilisé. De redevenir la princesse Sith que tu es sensée être. La Force ne te rendra pas Ch’Hodos. Ni la Force, ni Hope, ni rien d’autre de ce genre. J’ai décidé qu’il était temps que tu fasses ton entrée dans la haute-société et que tu…portes ton titre avec toute la décence que l’on attend d’une future Seigneur Sith, d’une potentielle Reine. Et je suis contente d’avoir ton attention désormais.

A l’aide de la Force, Runà compressa un peu plus la poitrine de son apprentie et cette dernière échappa un râle, manquant d’air.

-Serenno est un monde stable, mais pas moins important. Je suis curieuse de savoir ce qu’ils pensent de la guerre civile, s’ils sont réellement loyalistes ou s’ils attendent l’occasion d’être indépendants. Et quoi de mieux que d’envoyer la Princesse Dana Shar de Ch’Hodos, représenter l’Empire loyaliste auprès de ces têtes aristocrates pathétiques. Tu dois me ramener des informations, certes, mais songe à ce que des alliés pourraient t’apporter dans ta reconquête de Ch’Hodos. Elio Paige a répondu à mon invitation, nous avons discuté autour d’un stim-thé. Serenno entre dans sa saison de socialisation. Bal des débutantes, entre autres évènements vont ponctuer cette saison. Il m’a aidé à confectionner une garde-robe qui te permettra de t’intégrer parfaitement au décor, mais l’apparence seule ne suffira pas. Tu es tellement vulgaire et indisciplinée à ma plus grande honte. Je ne doute pas que les grandes maisons de Serenno auront des précepteurs plus doués que moi.

Elle relâcha la pression. L’Inquisitrice chuta lourdement au sol, reprenant son souffle, ouvrant ses lèvres pour mordre le vide à la recherche d’oxygène. Ses poumons lui donnaient l’impression d’être passés entre les compresseurs d’un droïde de chantier. Elle toussa franchement, cracha un peu de bile.

-Sais-tu ce que j’ai dû faire, comment il m’a fallu manoeuvrer pour que les Valantias t’acceptent en qualité d’invitée d’honneur, eux qui n’avaient jamais entendu parler de la petite princesse ch’hodienne. Alors ne gâche pas tout. Evite d’abuser de ton titre d’Inquisitrice Sith, les gens comme nous sont mal perçus dans la haute-société de Serenno. Subtilité, élégance, beauté. Trois qualités nécessaires à la réussite de cette mission, dont je sais qu’elle sera un échec mais je n’ai pas d’autres Inquisiteurs plus compétents à ce propos, alors je devrais faire avec le moins pire je suppose. Et le moins pire, c’est toi. Et à défaut, même si la mission échoue, peut-être ne sera-t-elle pas complètement gâchée si tu y apprends ces trois qualités. Tu es bien silencieuse. Je ne t’entends pas.

Un choc brutal percuta la gorge de Dana qui ne s’était pas encore relevé. Elle grogna un son incompréhensible, poussant ses cordes vocales au travers de la douleur.

- Pardon ?
-Oui…J’ai compris, Maître.
- Oh parfait. Je vais nous préparer un thé, annonça Runà d’une voix aussi guillerette que froide. Nous pourrons inspecter cette robe que Paige a designé. Je trouve la couleur magnifique. Ce blanc cassé ira très bien avec ton teint irisé. Mais tu devrais manger plus, pour éviter de la faire retoucher une taille en-dessous.

Les yeux de Shar se levèrent vers le mannequin immobile, décrivirent les broderies dorées sur le vêtement noble. Elle sentit son estomac se contracter et se retint de vomir.











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Foutue Inquisitrice



Hey Lloyd,

J’pars en mission de reconnaissance sur Serenno. Monde calme, RAS. Je dois juste blablater avec des vieux croutons ennuyant pour sonder la température loyaliste là-bas. J’te laisse Melantha..pour quelque temps. Sois sage, ok ?





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Foutue Inquisitrice



Je veux dire.
Meurs pas stupidement, Lloyd.












Un transport privé aux armoiries des Valantias l’avait cueillie dès son arrivée à l’astroport. Elle avait dû faire attention à ne pas trébucher, peu habituée à porter des toilettes aussi sophistiquées. Un droïde protocolaire fut immédiatement mis à sa disposition. Il conversait en plusieurs langues, ce qui était pratique pour accueillir les invités de marque dont le basic n’était pas la langue natale. Il était également programmé pour accéder aux requêtes de ces hôtes venus de loin. Dana n’était pas familière avec les droïdes. Sa culture les remplaçait aisément par des esclaves biologiques, de chair et de sang. S’adresser à une machine lui paraissait inutilement humiliant, mais elle s’accommoda de cette gracieuseté. Elle plia ses ses jambes galbées par le satin transparent de bas féminin afin de monter dans le speeder censée la mener au domaine des Valantias. Une escorte de trois soldats impériaux s’assurait que son trajet soit sécurisé. Dans le véhicule, elle ajusta la cape de sa robe, agacée. Le vêtement ne lui laissa presqu’aucune liberté de mouvement, contrairement à ses tenues habituelles. Sa poitrine était sagement couverte, tout comme ses épaules. Seules ses jambes étaient dénuées, malgré les collants élégants, supportées par des talons rutilants. Avant son départ, Runà l’avait fait coiffer afin que sa chevelure couronne son visage maquillé avec soin. Une couronne de L’bams’ip décorait sa coiffure sophistiquée. Les fleurs blanches, en forme de goutte, illuminaient ses cheveux de jais et diffusaient un parfum agréable. Elle s’était penchée vers la vitre afin d’admirer le paysage filer. Bientôt, ils quittèrent les étendues urbaines pour des paysages plus pittoresques. D’une certaine manière, les plaines verdoyantes de Serenno lui remémorèrent les décors paisibles d’Artorias. Son coeur se serra à ce souvenir.

Le chemin ne s’éternisa pas. Le domaine des Valantias s’étendait dans la campagne serennienne, non loin de la capitale, non loin du pouvoir.

- Dame Shar, nous sommes arrivés, indiqua platoniquement la voix synthétique du droïde.
-Parfait. Il faut bien un droïde pour me dire des évidences à la con…grinça-t-elle alors que la porte du landspeeder s’ouvrait et qu’un soldat l’aidait à descendre.

La bâtisse appartenant à la famille régnante s’étirait sous le ciel ensoleillé. Des tours à l’acier brillant, des façades soigneusement sculptées avec un goût à la fois épuré et luxueux. Elle n’aurait su mesurer l’étendue du bâtiment et encore moins des jardins qui l’entouraient. Elle se rendit compte qu’elle n’avait plus l’habitude du faste et de la démesure. Une angoisse sourde avait noué ses tripes à l’idée de se retrouver seule, dans un domaine aussi grand, où la Force ne comptait pas, où la force brute n’avait aucune importance, où seuls les mots et les apparences pouvaient permettre de vaincre. Elle se sentit étonnamment minuscule et misérable. Ce sentiment amena une frustration sourde qu’elle refoula en déglutissant discrètement. Elle était une Sith. Elle ne pouvait pas se laisser impressionner par les symboles de pouvoir. Elle ne pouvait pas être intimidée par les signes de richesse.

- Par ici, Dame Shar, annonça le robot. Elle le suivit, escortée des soldats impériaux qui restèrent silencieux et déférents.





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Ses talons claquaient contre le sol marbré du Grand Hall du manoir des Valantias. Des lustres à plasma éclairaient l’endroit bien qu’un dôme monumental laissait filtrer la lumière diurne au-dessus des têtes de ceux qui entraient. D’autres droïdes s’activaient en silence, lustrant les objets d’art qui décoraient les lieux, inlassablement, même si le moindre buste, la moindre pièce, brillait de propreté, ils recommençaient. Cette répétition froide ne fit que nourrir l’appréhension de l’Inquisitrice.

-Oh ! S’exclama une voix féminine et élégante.

Au sommet des escaliers qui semblaient mener aux étages, une silhouette était apparue, drapée d’un ensemble grenat et argenté qui seyait parfaitement à un corps de femme mûre. Elle était blonde et ses cheveux avaient été tressées superbement autour de son visage en forme de coeur qu’illuminaient deux grands yeux à la couleur argenté. Elle descendit les marches avec grâce, la traîne de sa robe glissant sur les arêtes de l’escalier.

- Princesse Shar ? Bienvenue au domaine des Valantias. Je suis Asphodèle Valantias. Nous sommes tellement ravis de vous accueillir. Je me languis toujours de me faire de nouvelles amies.

Dana demeurait maladroitement immobile alors que la beauté de la dame la frappait de plein fouet. Subtilité, élégance, beauté. Ces trois qualités irradiaient de la personne d’Asphodèle et l’Inquisitrice se sentit un peu plus minable, un peu plus perdue. La blonde contempla poliment sa tenue avant de sourire :

- Quelle toilette magnifique. Signée Maestro Paige, je présume ? Comme je souhaiterais qu’il soit plus souvent sur Serenno, mais il est tellement demandé. Qu’il habille des princesses me paraît si approprié.
-C’est…bien lui…ouai…oui, souffla-t-elle.
- Vous devez mourir de faim, ou de soif. Ciel, peut-être les deux ? S’enquit avec une bienveillance élégante ce qui s’annonçait être son hôtesse officielle. Elle ne verrait peut-être pas d’autres Valantias. Asphodèle était apparentée à ces derniers si l’on déduisait qu’elle vivait ici et portait leur nom, mais à quel degré d’affiliation pouvait-elle prétendre ? Droïde ! Fais amener de la nourriture et du thé frais dans la suite de notre invitée.
- Bien, Maîtresse Asphodèle.
-Je vais vous montrer votre suite et si cela vous convient, vous ferait visiter le domaine Valantias ? Nous donnons une réception ce soir. La rumeur de votre venue a dores et déjà attirée la curiosité d’un bons nombres de mes compatriotes.

Elle l’invita à la suivre, mais elles ne prirent pas les escaliers pour monter. A leur droite, les portes d’un turbolift s’ouvrirent.



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L’Inquisitrice ne trouvait rien de plus pertinent que garder le silence. Ne pas parler éviterait sans doute d’échapper des vulgarités et de manquer de subtilité. Elle faisait son possible pour mordre sa langue, réprimer les mots inconvenants qui s’y bousculaient. Asphodèle, très polie, ne la pressait jamais pour répondre et semblait s’accommoder de ce silence qu’elle prenait pour de la réserve polie. Après avoir parcouru une série de coursives aux tapis coûteux, elles pénétrèrent des quartiers luxueux. Dana avait tenté de se repérer aux portraits des ascendants Valantias accrochés au mur. Elle avait cherché le moindre indice, la moindre réponse qui ne nécessitait pas de poser une question verbale à la toute blonde, mais plus elle observait et plus ce monde lui paraissait hostile et étranger alors elle renonça.

- Vos quartiers, présenta humblement Valantias en contraste avec la grandeur et le faste des appartements. Nous sommes dans l’aile Est, celle consacrée aux invités. Mais ces appartements sont réservés aux têtes couronnées de l’Empire. J’espère que vous pourrez nous en dire davantage sur Ch’Hodos.

Une lueur éclata dans le regard de Dana qui fusilla la silhouette élégante d’Asphodèle. Face à l’oeillade dangereuse dont elle était la cible, cette dernière se para de son plus beau sourire :

- Navrée, souffla-t-elle. Vous devez avoir fait un long trajet et vous devez être épuisée.
- Oui, c’est le cas, répondit enfin Dana d’une voix un peu rêche.
- Les domestiques ont fait monter vos affaires. Si jamais vous avez une demande spécifique, votre droïde protocolaire se pliera en quatre pour l’exécuter. Nous nous reverrons dans quelques heures ? Le droïde protocolaire vous indiquera le programme. Quand vous serez reposée, n’hésitez pas à me faire appeler que je puisse vous faire visiter le domaine, à votre convenance.

Il y eut un silence. Asphodèle Valantias se tenait droite et bien distinguée. Elle attendait patiemment quelque chose, comme…un remerciement ? Une formule de politesse qui lui serait retournée, mais Dana ne savait que dire. Après quelques secondes de ce silence embarrassant, la blonde s’inclina dans une révérence courte et laissa l’Inquisitrice à sa solitude. Au moins pour quelques heures.

Tenue portée par Dana:

Horakk Antarxarxès
Horakk Antarxarxès
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• Sous les lustres d'antan •





-- Serenno -- Carannia --Esplanade du spatioport --


Il faisait froid. Un froid sec et mordant comme pourtant Horakk savait les apprécier. Son plumage lui épargnait la frilosité de certains êtres humains. Dans le bleu d'une fin de nuit imminente, ce n'était pas un avantage négligeable. Mais cette fois, le rishii aurait avoué que cela lui causait bien des désagréments : sur l'immense parvis du spatioport de Carannia, le speedertaxi qu'il avait commandé pour rallier Saffia au plus vite rencontrait quelques déboires...

" Pourquoi mettez-vous autant de temps à faire décoller cet engin ? pesta le rishii à l'adresse du pilote qui peinait visiblement avec le démarreur de son landspeeder,

- Désolé messire, mais le dernier gel a laissé des traces sur les contacteurs des flux protoniques à inversion, je crois... C'est son début de saison, à ce vieux briscard ! Faut lui pardonner !

-Quelle idée de laisser un tel appareil dehors... Ne pouvez-vous pas investir dans un garage supplémentaire ?

-Pas cette année, messire. Pas de crédits pour ça ! Les temps sont durs, vous savez. La guerre... Le tourisme s'est fait rare, et des trajets on en fait presque 20% de moins depuis que les routes sont coupées. "

Horakk se tut, ravalant un commentaire salé sur les critiques malvenues envers l'Empire : il ne tenait pas à avoir à rechercher un second landtaxi après tant de temps passé dans le froid. Mais il nota mentalement l'allure de l'homme qu'il avait devant lui : même si bien des civils ne pensaient guère à mal, leurs remarques en disaient parfois long sur le ressenti de toute une partie de la population.

Cependant, le taximan n'avait pas tort. Une partie non négligeable des revenus des classes moyennes des grandes villes de Serenno étaient issus du tourisme, majoritairement républicain avant la reconquête impériale. Ce même tourisme qui avait plongé, jusqu'à devenir nul en temps de guerre. Ainsi, leur magnifique planète aux étendues sauvages d'une beauté rayonnante avait dû drastiquement revoir sa copie en termes de financements divers. Très éloigné de toutes ces questions politiques et économiques depuis de longues années, Antarxarxès n'avait pas mesuré à quel point l'impact de leurs campagnes avait pu se répercuter sur ses propres terres.

"Ceux qui survivent aux temps les plus durs deviennent les fers de lance des temps les plus fastes. Si votre entreprise peut tourner avec peu, elle n'en sera que plus prospère quand la victoire portera notre économie à son paroxysme : gardez simplement intacte votre volonté, comme nous le faisons tous !"

Les yeux bleus du serennien se plissèrent d'un sourire discret. Ses mains continuaient de batailler à l'intérieur des entrailles métallique de son coursier, et Horakk, incapable de soutenir la sensation exécrable d'être un poids mort, finit par s'accroupir à son tour. Surpris, l'homme l'interrogea du regard.

" Je ne suis pas mécanicien, loin s'en faut... Mais j'ai quelques minces notions en la matière - vous permettez ? Je crois que vous irez plus vite si je vous tiens au moins celui-ci.

-A la bonne heure ! Sûr que si vous avez pas deux mains gauches, on ira plus vite, c'est vu ! "



-- Serenno -- Banlieue de Saffia -- Domaine des Antarxarxès --


Au sortir du petit habitacle, l'air froid lui emplit les poumons. C'était ce parfum si particulier d'une campagne à peine dégelée après le sommeil d'un long hiver, notes claires portées par les vents discrets depuis des champs vallonnés, des forêts de résineux, des plateaux calcaires qui dessinaient le paysage sauvage de ces contrées reculées. Dès que ses bottes eurent touchées le vieux pavé irrégulier, Horakk sut qu'il était rentré.

Il venait de demander à son speedertaxi de stopper net sur l'une des très anciennes voies tracées dans la rase campagne, aux pieds des contreforts qui donnaient sur les abords de son antique domaine. A sa demande, le commerçant l'avait donc déposé, sortant le maigre bagage de l'amiral sur le bas côté, que plus aucune roue ne fréquentait depuis près d'un millénaire à présent : sur Serenno, bien avant les répulseurs, c'étaient les machines volantes qui avaient supplantés toutes les anciennes technologies du transport terrestre.

"Vous êtes certain, messire ? Franchement, pour le prix, j'peux vous faire le dernier kilomètre...

-Merci bien, jeune homme, mais je désire marcher. Tenez, gardez la monnaie pour la peine !"

Il déposa entre les mains incrédules du jeune taximan une somme en crédits impérial qui dépassait de loin le montant de la course. L'humain bredouilla quelque chose, emmitouflé dans sa large écharpe, mais la petite silhouette de l'oiseau s'éloignait déjà de son pas régulier.

C'est donc à pieds qu'Antarxarxès franchit le dénivelé qui le conduisait sur les chemins qu'il avait autrefois emprunté avec Adonay. Tout, dans ce décors presque surréaliste au beau milieu de son quotidien d'officier spatial, lui remémorait des instants parmi les meilleurs de son existence.

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Il regarda la forme fuselée du véhicule disparaître au-dessus de la ligne des dernières collines, et entreprit son petit pèlerinage jusqu'au sommet. Le terrain s'élevait en pente douce sur un bon demi kilomètre, avant que la pente ne se raidisse brutalement. Le vieux chemin, à peine entretenu désormais, à grand peine et uniquement pour servir de repère, longeait l'un des nombreux ruisseaux qui servaient encore aux canaux d'irrigation des innombrables cultures, qui faisaient encore aujourd'hui la prospérité de la région.

Seul sur le chemin, Horakk laissa son esprit vagabonder au gré des couleurs pastels de l'aube. Personne aux alentours, et son arrêt soudain lui permettait en réalité de s'assurer qu'aucun autre véhicule n'avait suivi le sien. La brume matinale qui s'étalait en nappes paresseuses gommait partiellement le relief à l'horizon, et d'où que volait son attention, il lui semblait déranger ses anciennes terres dans leur dernière heure de sommeil. Une indiscrétion qui le faisait sourire de bonheur, tandis que son regard les détaillait avec un amour tranquille.

Le son régulier de son pas roué aux marches militaires résonnait en écho discrets dans le petit matin, et lui semblait soudain vacarme indélicat, face au calme serein du paysage. Il laissa les vents qui peignaient les falaises lui ébouriffer les plumes, il prit le temps de contempler le panorama que l'on lui jalousait souvent, depuis les derniers mètres du sentier. En cette matinée froide et sèche, Horakk renouait paisiblement avec une réalité brute que l'espace et les atmosphères confinées avait fini par lui faire oublier. Et lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques pas de l'immense porche au fronton gravé, il daigna seulement se reconnecter à ses autres réalités.

L'amiral retourna son attention vers le champ de force qui fermait l'antique porte : l'étrange combinaison de modernité et d'anciennes structures que constituait l'héritage des Antarxarxès n'avait jamais cessé de le fasciner. Cette vieille porte de pierres taillées, en particulier, annonçait à elle seule tout le paradoxe que constituait le domaine. Un anachronisme d'un romantisme étrange, au milieu de la civilisation qui était désormais la leur...

Avec un mélange de soulagement et d'anxiété, Horakk activa la console holographique de l'entrée. La joie de retrouver ceux qui comptaient pour lui, et, toujours, l'appréhension de découvrir le temps qui s'était inéluctablement écoulé en son absence.








" Moi ? A cette représentation clownesque pour aristocrates désœuvrés ? Pah ! "

Le doux vrombissement des répulseurs ponctua la fin de sa phrase, alors qu’Antarxarxès s’éloignait – tant pour éviter d’avoir à affronter encore le regard scandalisé d’Eisne que pour s‘approcher de la table, où trônait toujours la bouteille de cristal. Le liquide vert qu'elle contenait avait été copieusement entamé par les deux hommes de la maison, mais il sembla pourtant que la chaleur de l'alcool n'était pas parvenu à détendre les liens outre mesure.

" Adonay, tu sais tout comme nous que ce n’est pas une question de choix… Je n’ai jamais eu le choix, et toi non plus.

-Oh, le choix, je l’ai. Privilège de ma position ! Et si je déclare ne pas y aller, eh bien, je n'irais pas. C'est aussi simple que ça. "

Planté dans l'angle mort du rayonnement tamisé du vieux lustre à cristaux plasmiques, Horakk paraissait méditer en silence. En réalité, il saisissait avec une acuité nouvelle toute la complexité de la position de son père adoptif et, par extension, de la sienne, dans cette société que la marine avait fini par remplacer dans le cours torrentiel de son existence. La scène, découpée d'ombres terreuses mélangées aux ocres du jour, qui agonisait encore au travers des vastes fenêtres, se jouait devant lui comme une pièce tragicomique pour laquelle il n'avait pas payé. Une fois n'était pas coutume, sa venue avait déclenché l'éveil des bêtes endormies sous la surface du lac - les vieilles rengaines n'avaient pas été longues à ressurgir.

Eisne lui en voulait toujours, il le savait. De ne pas avoir tenu cette promesse de redresser le domaine, de ne pas cesser de courir cette gloire à laquelle elle n'entendait rien et pour laquelle elle avait vu leur famille et la sienne se disloquer génération après génération. Mais peut-être, au fond, avait-elle déjà renoncé à l'attacher, cet oiseau. Elle avait pourtant cru qu'il ne suivrait pas les traces de son illustre protecteur. Qu'il était d'une autre nature, peut-être même un peu plus sage, plus prompt à comprendre quel se devait d'être son rôle. Las, l'adopté s'était à son tour envolé, vers l'espace, pour ne leur revenir que chaque année un peu plus tard, chaque année plus roué à l'art de la guerre et d'autant moins enclin à se séparer de cette drogue dont il dépendait désormais. A la façon dont il lui parlait de ses vaisseaux, des étoiles, et des milles histoires qu'il y avait vécu, elle comprenait qu'un jour, il ne revendrait pas.

Et cela l'avait mise dans une colère effroyable. Après des années à le rabrouer gentiment, Eisne Malvern s'était finalement interposée entre Adonay Antarxarxès et sa progéniture spirituelle. Entre la créature et son créateur.

" Tu as toujours pu compter sur moi. Mais aujourd'hui, Adonay, je ne serais pas celle qui tiendra encore le toit au-dessus de ta tête hors d'eau ! Des années que cette maison, ce domaine, engloutisse nos maigres fortunes. Au nom des liens qui ont unis nos maisons, je l'ai fait. Pour le souvenir de ma sœur... Mais ton irresponsabilité dépasse les bornes ! Je ne suis pas une intendante, et à présent, le temps est venu pour moi aussi d'assumer mon nom. "

Horakk avait rarement entendu de tels mots dans cette bouche-là. Eisne semblait avoir décidé de leur lancer ce qu'il interprétait comme un ultimatum. Elle ne le regardait pas, pas encore, mais il se doutait que la prochaine salve ne l'épargnerait pas. C'était en général dans cet ordre. Mais Adonay n'avait jamais eu un caractère facile, et les charges d'Eisne Malvern trouvait toujours leur pendant défensif.

" Assez, bon sang ! Je connais cette chanson par cœur ! Je suis épuisé de tes insultes et de tes mots vides ! Je suis bien capable d'assumer mes fonctions seul, je l'ai fait bien avant que tu ne naisses ! Je ne t'ai jamais enchaînée ici, c'est toi qui m'a proposé de rester, faut-il te le rappeler ?! Laisse donc Enechias prendre son titre et assumer ce qu'il doit, plutôt que de vouloir régner à sa place sans en avoir seulement l'envie !

-Tu sais très bien qu'il en est incapable.

-C'est ton avis.

-Et il vaut autant que celui d'autre ! "

Le faisceau de sa colère se braqua soudainement vers la zone d'ombre où la blancheur de son plumage l'avait trahi.

" Quant à toi, Horakk... "

Son nom sonnait avec un écho métallique.

" J'attends toujours que tu daignes tenir ta promesse.

-Tu sais que j'ai fait mon possible pour me consacrer à vous. Toutes mes finances sont à disposition pour aider à la reconstruction, et dès que j'en aurais le temps, je viendrais établir les plans des terrassements, tels que nous souhaitons les réaliser...

-Vas-tu réellement me faire croire que tu auras un jour le temps ? Me prends-tu pour une idiote, toi aussi ? Penses-tu que je n'ai pas attendu toute ma vie et celle de ma sœur avant moi qu'il se trouve lui aussi le temps d'assumer sa fonction de seigneurs sur ces maudites terres que vous osez encore appeler un domaine ?! "

Et par il, elle désignait maintenant l'homme vouté sur son fauteuil, desséché par les ans et la maladie, dont pourtant le regard formidable témoignait encore de l'exceptionnelle ténacité.

" Non, Horakk. Tu n'auras jamais le temps. Il y aura toujours une guerre après la guerre. Une bataille après une bataille. Il y aura toujours autre chose ! Autre chose qui vaudra davantage que vous y brûliez vos vies que cet héritage que vous réclamez tant ! Vous êtes ainsi, tous autant que vous êtes : vous n'en avez jamais assez. La guerre vous mange comme la vermine ronge les denrées, elle ne vous laisse rien !

-Que sais-tu de tout ça ? grogna brusquement Adonay, Horakk et l'Empire font que cette planète soit préservée comme elle l'a été, et tout ce que tu vois, ce sont quelques travaux sur une bâtisse qui nous a précédé de plusieurs siècles ? Es-tu donc sérieuse ?! Fais-tu semblant de ne rien entendre à ce qui se trame autour de nous ? Jusqu'ici, sur cette planète, pour croire qu'une guerre est un passe-temps pour officiers oisifs ?!

- Tout ce que je vois, ô cher Comte d'Antarxarxès, ce sont tes toitures qui s'effondrent, tes systèmes de communications qui rendent l'âme, tes terres qui croulent sous la végétation hirsute, et les habitants de ton fief qui ont cessé de croire en nous depuis des décennies, et se débrouillent avec ce qu'ils ont ! Et vos guerres n'y ont rien changé ! Toute votre gloire et vos morts n'y changeront rien ! "

Pas une seule larme n'avait percé au coin de ses yeux vairons. Pourtant, le rishii aurait juré les entendre dans sa voix de tempête, comme autant de fissure dans sa propre confiance.

" Je n'irais pas plus loin dans cette conversation stérile, messieurs. Inutile de monter sur vos grands fathiers : je ne vous changerai pas. Si vous souhaitez que votre maison soit encore une fois au centre de tous les racontars, vous pouvez continuer d'ignorer les obligations mondaines... Je ne compte pas me soustraire à ce devoir, et je tiens même à ce que ma présence et celle de mon rebelle de frère ait un impact remarquable sur nos implications respectives dans les affaires de ce monde qui est le nôtre ! "

Elle se remit en mouvement, les contourna à grandes enjambées portées par les pans de sa lourde robe qu'un grenat sévère rendait d'autant plus austère, et, sur le seuil du salon, les gratifia d'une dernière tirade du même cru que les précédentes :

" Si aucun Antarxarxès ne daigne se montrer aux réceptions données ce printemps, ce ne sera pas le cas des Malvern. Croyez-moi ! A bon entendeur...

-Aah ! Mais, tu m'as mal compris, ma chère ! "

Les iris d'un viridien dur et brillant heurtèrent avec férocité l'assortiment dépareillé du regard de la dame qui lui faisait face. Adonay, expressif, s'enquit de démontrer qu'il n'était pas encore sénile :

" J'ai dit que je n'irais pas aux Célébrations de Primi' Sorgentia. C'est vrai ! Mais je n'ai jamais dit qu'aucun Antarxarxès n'y serait présent. "

Et avec un sourire éclatant, il désigna d'une main Horakk, toujours en retrait.

" Horakk ira à ma place ! "

Le masque de neutralité polie qui ornait les traits énigmatiques du rishii s'effondra en une expression de pure stupeur.

" Tu souhaitais qu'il assume son titre futur ? En voici l'occasion. Vous iriez, tous les trois !

-Quoi ?! Mais enfin !

-Tu m'as bien entendu, mon fils. C'est toi qui ira ! Et qui portera nos couleurs à la face des grands de cette société comme il se doit.Il est temps, tu ne penses pas ? Eisne a raison : les Antarxarxès iront au Primi' , et ne se laisseront plus distancer au Conseil.

- Je ne peux pas faire cela... Ce serait une entorse grave à l'étiquette.

-Bien sûr que non !

-Vous êtes conscient des problèmes que cela va générer, père ?! On raconte que Sandan Nalju s'y rendra : l'Empire ne tolèrerait pas un tel affront, et aucun de ses amiraux de même ! Quel pourrait être mon modèle de calme et de bien séance face à tant d'injures réunies ? Depuis quand suis-je un diplomate ?!

-Tu ne seras rien de tout ceci, et tu remettras quiconque t'offensera à sa place. Vas-tu remettre en question ma décision ? Je ne te le conseille pas. "

La pièce s'était brusquement vidée de ses occupants, mettant fin prématurément à cet houleux échange. Il était tout à fait inutile d'espérer un dîner en famille ce soir-là. Horakk, resté seul en compagnie de la bouteille en cristal, n'en revenait toujours pas.







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" Alors, tu vas le faire ? "

Il l'avait retrouvée. Elle n'avait pas été simple à suivre, comme d'habitude, mais il était bien moins niais qu'autrefois. Le militaire qu'il était avait appris à observer, à guetter, à comprendre. Les traces qu'elle avait laissée malgré elle avait constitué sa piste. Assise sur l'un des vieux troncs tombés sur les rives du lac, elle l'avait entendu venir, même léger comme il était. Cependant, Eisne n'avait pas fuit : jamais. Elle s'était contenté de l'ignorer avec une obstination digne et froide.

" Tu vas te marier. "

Ce n'était même pas une question :

" Quoi ? Tu t'imaginais que je resterais la jeune vierge pleine de blanches dentelles que j'étais toute ma vie ? rigola-t-elle à moitié,aurais-tu oublié que je suis l'aînée des Malvern ? Et accessoirement, liée moi aussi à un domaine qui n'est pas celui-ci ? "

Non, je ne l'ai pas oublié, songeait Horakk en arrêtant sa marche à seulement un jeté de pierre de sa nuque. Il peinait à détacher cette silhouette, ses couleurs et ses postures de ses souvenirs d'adolescents perdu. Elle avait été, durant toutes les absences d'un Adonay feu-follet, un véritable roc, une ancre à laquelle il s'était arrimé avec la fermeté de l'adoration mystique. Cette jeune femme si froide et si dure avait mis tant de temps à l'accepter... Qu'il n'avait pas pu voir en cette acceptation autre chose qu'un cadeau sans égal. La sentir malheureuse - pire : déçue par lui, lui provoquait des douleurs d'un genre nouveau. Un poignard enduit de Synox jusqu'à la garde ne l'aurait pas plus sûrement meurtri.

" Pourquoi maintenant ? Si tu avais dû satisfaire aux demandes incessantes de ton père de son vivant, pourquoi attendre cette année-là ? Précisément ? "

Sa curiosité semblait sincère. Mais la colère qui sourdait depuis la bouche crispée de Malvern ne laissait pas de place au doute quant à l'issue de ce dialogue.

" Pourquoi ? Parce que ma mère me l'a fait promettre. Et que compte tenu de mon inutilité ici, j'ai résolu de mettre fin à ma retraite et de regagner Carrania. La fête ne sera qu'un très bon prétexte.

-Vraiment ? Alors, tout a changé, depuis la dernière fois que nous nous sommes vus. Tu n'étais pas si facile à convaincre... Et tous tes mots sur la liberté, et l'ennui sans fin du jeu politique de la capitale... Oublié ? Toutes tes leçons sont-elles si loin, sorelia magior ?

- Je ne suis plus ta préceptrice depuis bien longtemps, Horakk ! Nous ne sommes plus des enfants ! Qu'est-ce que cela peut bien te faire, que je me marie ou non ?! lui siffla-t-elle, blessée, qu'est-ce que ma petite personne peut bien avoir d'important pour toi, ta fichue flotte et ton Empire de malheur ?! "

Les yeux inhumains de l'amiral la toisèrent en silence. Ce qu'elle ne parvenait pas à y lire ajouta à son agacement. Etait-elle allée trop loin ? Sa colère irradiait si fort qu'elle s'en était à peine aperçu. Pourtant, cette fois, elle prit à son tour conscience de la véracité de ses propres mots : il n'était plus un enfant. Autrefois, il aurait reculé, les oreilles couchées, apeuré par son ire. Peut-être lui aurait-il bredouillé un timide pardon. Aujourd'hui, il n'avait pas cillé. Aucune de ses plumes n'avait frémi, et lorsqu'elle l'avait fusillé du regard, elle s'était heurté à un miroir sanglant où la peur avait changé de camp. De l'oisillon fragile qu'elle avait méprisé, avait éclot un meneur inflexible que les flammes de la colère n'impressionnaient nullement. Que savait-elle de lui, au fond ? Leur chemin s'était divisé depuis si longtemps qu'elle avait perdu de vue cette métamorphose.

" Rien, je suppose, conclut-il platement. J'aurais simplement souhaité l'apprendre d'une autre façon. "

Et il se détourna. Pourtant, le ton de sa voix avait paru prendre, l'espace d'un fantôme d'instant, la teinte grise d'une tristesse résignée.

" Horakk ? "

Son pas preste l'avait déjà porté loin, derrière la barrière des broussailles.

Antarxarxès retraversa le bois en sens inverse, emprunta les allées pavées toujours désespérément mangées par la mousse et les herbes folles, remonta à vive allure tout le terrain qu'ils avaient pourtant encore fait nettoyé l'été précédent. Mais, comme pour lui rappeler qu'il appelait des soins constants et non quelques visites en coup de vent, le vieux domaine se vengeait en vomissant chaque jour davantage de végétation en tous genre, laissant les animaux sauvages et les éléments dégrader les hectares jadis imprenables de l'antique demeure. Horakk soupira. Une armée à elle seule pourrait s'occuper à l'année sur un tel chantier. Que pouvait y faire sa solde, pourtant confortable, alors que son propre père avait englouti les dernières ressources ? Un seul trésor de guerre y suffirait-il ? L'alien posa un regard fatigué et plein de confusion sur l'horizon dessiné par les murailles renforcées de duracier. Un arbre avait trouvé drôle de s'enrouler autour d'une vieille tour d'émission de champ de force, n'en laissant dépasser que la flèche au travers de ses branches.

Soudain, une voix reconnaissable entre toute le fit se détourner de sa contemplation mélancolique. En quelques minutes, une conversation d'une toute autre nature avait achevé d'effacer l'amertume laissée par la précédente, sur un fond de nuit étoilée.






-- Serenno -- Banlieue de Fiyaro -- Domaine des Valantias --

Dans le vaste hall éclatant de marbre, entre, les pieds couverts de boue, une silhouette revêtue d'une étoffe d'un citrine ambré proche de celui des longues bannières qui décoraient les murs.

Le visage encore lumineux d'une juvénilité à peine en déclin de [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] se détachait du ciel nocturne. Il confia son manteau au premier droïde empressé qui se présenta, et entrepris discrètement d'ôter ses chausses aussi compromises. Difficile d'être discret dans une demeure où chaque centimètre carré de sol était plus propre qu'un bloc opératoire.

" Maxilian ? "

Au son retentissant de cette voix qu'il connaissait si bien, le jeune diplomate tourna la tête vers l'escalier, étonné. Il avait à peine eu le temps d'esquisser sa tentative de déchaussement à l'écart de l'entrée.

" Oui, mère ?

-Ah, te voilà enfin ! fit-elle, dévalant les dernières marches pour se précipiter sur sa précieuse géniture, j'allais finir par croire que tu ne daignerais pas nous gratifier de ta présence ce soir ! Aurais-tu quelque loisir compromettant à me dissimuler, pour rentrer si tard ?

-Vous vous inquiétez pour rien, vraiment, mère ! sourit le présumé coupable,

-Vraiment ? Au vu de l'état de vos chausses, je me permets d'avoir des doutes ! Depuis quand nos allées sont-elles si mal entretenues ?

-Ceci est fort simple à vous expliquer, en vérité : j'étais simplement descendu à Saffia avant de revenir, pour rendre visite aux Antarxarxès ! Nous avons simplement fait quelques pas dans la campagne... Et je ne souhaitais pas que ma promenade vous coûte un nettoyage ! Saviez-vous que l'amiral était de retour en son fief ? Cela fait des mois qu'il nous promettait de revenir, et il a bien fini par pouvoir le faire !

-Oh, voilà une excellente nouvelle... A-t-il enfin l'intention d'apporter autant d'attention à son domaine et à sa maison qu'à sa précieuse flotte ?

-Mère !

-Quoi donc ? N'est-ce pas le principal grief de la dernière des Malvern à son égard ? Adopté ou non, il aura tôt ou tard une charge à assumer, et il ne semble pas prêt de s'en préoccuper...

-Ce n'est pas le sujet, par pitié ! "

Il détailla avec dépit les mimiques pincées de sa mère. Les Valantias et les Antararxès avaient depuis de nombreuses années entretenu des relations plus que cordiales. Vieilles maisons passées depuis longtemps en arrière plan pour ce qui était de la politique locale, elles ne jouissaient plus que d'un prestige purement folklorique. Un sort qu'elles partageaient avec nombre de petites maisons nobles des vastes provinces qui composaient le paysage varié de Serenno. Leurs noms sonnaient comme ceux des antiques légendes, qu'on ne racontait plus qu'aux enfants. Malgré cela, les Valantias, tout comme les Malvern, avaient fini par se creuser une respectabilité au creux de cette époque moderne. Les Antarxarxès, par leur déclin rapide sur les dernières décennies, faisaient quant à eux figure de reliques rares et étranges. Si la guerre n'avait que rarement apporté la richesse, le commerce en revanche, avait permis aux Valantias de maintenir un train de vie autrement plus enviable que celui de leurs antiques alliés.

" Avec tout cela, j'espère que tu n'avais pas oublié que c'était précisément aujourd'hui que notre hôte de marque impériale arrivait ? "

Le charmant sourire qui décorait le museau de Valantias fondit.

" L'hôte de...? Oh, par les étoiles, non ! J'ai complètement oublié ! Comment ai-je pu ?! "

Asphodèle le gratifia d'un regard mi-amusé, mi-contrarié.

" Misère, Maxilian... Que de progrès as-tu encore à faire avant de pouvoir tenir cette maison convenablement ! Bien. Reprenons ! Cette charmante jeune femme a pris ses quartiers cet après-midi dans notre aile est. J'attends de toi que tu fasses preuve des meilleures dispositions à son égard : elle n'est rien de moins que la princesse héritière de Cho'odos, et... une représentante du Clergé Sith. Il en va de notre image à l'étranger !

-Pour qui donc me prenez-vous, mère ! rétorqua le jeune héritier, scandalisé,je ne vous ai jamais fait défaut, et en tant que membre du corps diplomatique impérial, bien évidemment que je comprends la teneur de cette charge ! Je ferais en sorte que notre invitée puisse témoigner dans tous l'Empire de notre hospitalité !

-J'espère bien ! C'est la moindre des choses. Je vais faire préparer le dîner : allez donc vous changer ! Je pense qu'il serait de bon ton que tu prennes de l'avance pour le Bal en invitant toi-même la princesse Shar à notre table. "





Ce fut donc sur les coups de huit heures du soir, au cadran de Fiyaro, que le jeune Valantias se présenta aux portes des appartements de Dana Shar, bien inconscient de toutes les implications, passées et futures, qui se cristallisaient en cette rencontre.

Après une brève seconde de concentration pour préparer son court laïus des plus irréprochable et vérifier que rien ne clochait dans sa tenue, Maxilian entreprit de heurter la surface dorée de la porte avec élégance. Pas de réponse. Il toqua un peu plus fort, mais les lourds battants de la porte automatique ne laissaient guère filtrer sa timide tentative. Plus par réflexe que par volonté consciente, Maxilian actionna le verrou de la chambre de leur hôte. Elle n'a sans doute pas entendu, songeait-il avec légèreté en laissant le chuintement du mécanisme couvrir ses pas.

" Votre altesse ? Pardonnez-moi de vous déranger : ma mère vous fait dire qu... AH ! "

Une expression catastrophée lui zébra le visage, tandis qu'il battait en retraite comme si l'on venait de le frapper. Il manqua de claquer la porte dans sa manœuvre :

" J-J-Je s-suis vraaaaaiment confus, c'est une laaamentable erreeeeeeur !! " paniqua le futur héritier en ressortant dans une tornade de tissu.

La tête dans les mains, le jeune homme tenta vainement de contenir sa surprise et sa gêne, incapable de trouver un moyen adéquat de parer à son impair. Un peu, et il allait s'enfuir en courant pour ne jamais réapparaître...

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