La Nature avait repris ses droits ici. Tout était devenu sauvage, et en observant ce paysage semi-urbain post-apocalyptique, Yulpi se surprit à souhaiter qu'une telle chose pût arriver sur Nar Shaddaa ou sur Coruscant, avant de vite chasser cette pensée en imaginant tous les morts et toute la détresse que cela impliquerait. Il réajusta le col de son manteau par-dessus son museau alors que le vent soufflait fort et que ses larges et profondes narines laissaient un peu trop facilement entrer dans ses sinus la terre portée par ce même vent ; et il continua de marcher, ses pieds nus foulant la poussière de cette ville fantôme. Le permabéton s'était éventré de partout, un ancien tremblement de terre – voire plusieurs sûrement – avait fait pousser des collines au milieu de la ville. Une sorte de grosse libellule, comme rendue folle par ce vent poussiéreux, eut le malheur d'accrocher le regard du Gungan, le distrayant au point de le pousser à baisser le col de son manteau juste pour darder une langue extensible qui harponna l'insecte dans un mucus fermement adhésif, le vouant aussitôt à une fin funeste dans son œsophage. Comme si de rien n'était, Yulpi remit ensuite le vêtement par-dessus son museau, s'approchant de l'un des nombreux points d'entrée vers les ruines souterraines.

Une navette l'avait déposé là trente minutes plus tôt. Yulpi n'aurait qu'à envoyer un signal lorsqu'il serait prêt à repartir, mais il n'avait pas de limite de temps. Il pouvait prendre seulement deux heures comme il pouvait prendre toute une journée s'il le fallait. Il avait sur lui des rations de nourriture, le genre de trucs dégueulasses qui servaient uniquement à subvenir aux premiers besoins quand aucune cantina ne permettait de se restaurer dans le coin. Il pouvait tenir deux jours avec ça, ce qui devrait être large, juste pour explorer une ruine. Au pire, il pourrait demander de se faire livrer quelques provisions. L'Ordre Jedi avait prévu le coup, et Yulpi était ici en mission officielle. Il portait la bure et tout ce qui permettait de l'identifier comme un Chevalier Jedi... si tant est qu'il rencontre une quelconque présence vivante et sentiente dans les parages. L'ordre de mission ne le laissait pas présager. Des ruines faisant penser à une enclave jedi avaient été repérées dans cette zone, sur la planète Taris, alors que le Conseil Jedi n'avait connaissance d'aucune enclave jedi à ces coordonnées. Yulpi devait donc explorer et analyser de quoi il pouvait s'agir, et rapporter tout élément caractéristique qu'il saurait trouver sur les lieux. Normalement, l'endroit était supposé désert.

Une fois à l'abri d'un plafond semi-naturel, Yulpi fut heureux de pouvoir retirer son encombrant manteau et de ne plus sentir le vent abrasif lui griffer le visage. Il laissa le manteau contre un mur qu'il marqua d'une large croix au sabre-laser afin de commencer à se repérer. Le plafond était ajouré en plusieurs endroits ce qui laissait la lumière naturelle éclairer les couloirs, pour le moment. Yulpi commençait à s'avancer quand il entendit un bruit similaire à celui de la navette qui l'avait déposé là trente minutes plus tôt. Pourquoi revenait-elle déjà ? Intrigué, Yulpi retourna sur ses pas pour voir la navette... et il ne la reconnut pas. C'en était une autre. Pas prévue au programme.

Yulpi se cacha et réfléchit à toute vitesse. Qui pouvaient bien être ces gens, alors ? Il n'y avait rien à piller dans la ville en ruines... A moins que ce ne soient d'autres explorateurs intéressés par ces ruines jedis ? Il glissa les yeux à travers le plafond de roche, de terre et de permabéton et observa. Un homme sortit de la navette, se faisant déposer sur le toit d'un immeuble à moitié effondré. Quelques affaires lui furent lancées, puis la navette s'éloigna. Yulpi attendit plusieurs minutes, seulement pour voir si l'humanoïde allait se diriger vers les ruines jedis. Quand il en eut la certitude, il ressentit un petit frisson de panique l'envahir face à cet imprévu. Mais il se reprit vite. Il était Chevalier Jedi, bon sang. Il avait déjà fait honte aux Siths, voulait-il faire honte aux Jedis malgré la confiance qui lui était accordée ?

Il resta à l'abri plutôt que de remettre son manteau et attendit que l'humanoïde vînt à lui. Ainsi sa bure de Chevalier Jedi serait la première chose que pourrait reconnaître son vis-à-vis. Il entendit l'étranger s'approcher et descendre au même niveau que lui. Il lui apparut de plus près et sans le contre-jour : c'était un Humain de sexe masculin et ses vêtements ne laissaient deviner aucune appartenance aux Jedis ni aux Siths. Il avait une carrure colossale pour un de sa race, faisant approximativement la même taille que le Gungan mais pour trois épaisseurs de plus. Yulpi déglutit, avant de prendre la parole avec autant d'assurance que possible, tout en ayant aucune confiance en son charisme :

YULPI – Bonjour, je suis le Chevalier Jedi Yulpi Bepads. J'ignore ce que vous êtes venu faire ici, mais ces lieux sont consacrés.

Après avoir observé le Gungan de la tête aux pieds, l'Humain posa les poings sur les hanches, non sans retrousser un pli de ses vêtements, dévoilant un blaster accroché à sa ceinture. Si Yulpi n'avait nullement à être surpris que cet étranger fraîchement débarqué seul dans ces ruines fût armé, le geste avait surtout une signification évidente : cet Humain n'hésiterait pas à se servir de son arme si Yulpi s'opposait à ses intentions. Il n'allait donc certainement pas user de la voie diplomatique, et le Gungan ne l'intimidait pas le moins du monde. Là encore, Yulpi n'avait nullement à être surpris.

Il ne fallait jamais sous-estimer un ennemi, même quand on était Sith ou Jedi au sabre-laser et que l'on faisait face à un non-sensitif au blaster. Yulpi n'avait pas ailleurs pas appris de parade de tir au sabre-laser, préférant un style d'Ataru très acrobatique, et misant donc plus sur l'esquive lorsqu'il venait à se faire tirer dessus. Toutefois, s'il devait se battre, alors Yulpi se battrait. Il n'irait pas forcément chercher à mettre à mort son ennemi, juste à lui donner une bonne raclée. Il lui faudrait dans un premier temps rattraper la distance qui les séparait en esquivant les tirs ; une fois au corps-à-corps, le plus dur serait fait. Du moins était-ce ce que Yulpi se disait, sans savoir que ce serait en réalité l'inverse contre cet Humain qui lui faisait face. Rien ne lui permettait de deviner que ce blaster était du bluff. Pour autant, en tant que Chevalier Jedi, ce n'était pas une menace suffisante pour faire reculer Yulpi : les Jedis avaient cela de commun avec les Siths qu'ils s'entraînaient tous les jours à affronter des ennemis tirant à distance au blaster, afin de pallier le désavantage de devoir approcher au corps-à-corps. Après tout dans la galaxie, on faisait infiniment plus souvent face à quelqu'un armé d'un blaster que d'une vibro.

TANLO – Consacré ? Je vois rien de consacré ici. Juste des ruines abandonnées. Par contre, je vois un sacré con.

Ca partait directement sur les insultes. Vraiment, la confrontation diplomatique était déjà rayée de la liste des options.

TANLO – Hors de mon chemin, Jedi. Ce que je fais ici vous regarde pas, et les seuls propriétaires des lieux sont les rakgoules. Donc allez discuter avec eux. J'ai mieux à faire que me prendre la tête avec vous.

Si Yulpi n'était pas intimidé par le blaster, il se sentait presque oppressé en revanche par la sensation d'être méticuleusement examiné du regard par son vis-à-vis, sur chaque partie de son corps de la tête aux pieds, donnant presque l'impression d'être une bête de foire même si la nature du regard était bien plus pragmatique. Il se sentait plutôt évalué comme potentiel ennemi à abattre, comme si l'Humain cherchait déjà à déceler ses points faibles. C'en était malaisant.

TANLO – Dernière sommation, “petit”. Laisse-moi passer et tout ira bien.

Il passait très vite du vouvoiement au tutoiement. Yulpi imita la posture de son vis-à-vis, poings sur les hanches, rapprochant ainsi sa main de son sabre-laser, qu'il appela à sa paume.

YULPI – Vous n'avez rien à faire dans ces ruines, c'est une affaire des Jedis.

Le bruit caractéristique et inoubliable de l'allumage d'un sabre-laser ricocha contre les parois de l'entrée de ces ruines, alors que la couleur rouge de la lame pouvait faire croire que Yulpi était en réalité un Sith et non un Jedi.

YULPI – Si vous m'attaquez, vous ne me laisserez pas le choix.

Yulpi effectua deux rapides moulinets avec son sabre-laser, et puisa dans la Force pour se préparer à charger sur son ennemi dès lors qu'un premier tir de blaster partirait.

Il suffisait de voir le visage carnassier de celui qui apparaissait pourtant comme un simple Humain pour comprendre que l'avertissement de Yulpi n'avait remué que du vent. Yulpi ne s'était de toute façon pas attendu à meilleur résultat, d'une part parce qu'il avait l'habitude de n'intimider personne avec son charisme d'huître, car un Gungan n'avait rien de menaçant dans l'allure quand on ne connaissait pas bien cette race, ils apparaissaient même dégingandés et simplets ; d'autre part, surtout, parce que ce type était sûrement un mercenaire, ou un explorateur aguerri, parfaitement conscient de sa carrure solide et imposante, et que s'il avait décidé d'explorer ces ruines, il n'allait pas reculer devant le premier obstacle, fût-ce un Jedi.

Aucun de ces deux-là ne devait sous-estimer l'autre, car le Gungan était tout aussi prêt à se battre, et il aimait ça. La différence sûrement, c'est que dans un premier temps, Yulpi ne comptait pas tuer son vis-à-vis. En voyant ce dernier sourire comme un diable et ouvrir une bouche filante de salive, Yulpi avait des doutes quant à la réciproque.

Il savait que l'Humain allait tirer. S'en tenant à son avertissement, il attendit juste le moment.
Et le moment vint. A peine le mouvement de la main fut-il perceptible, que Yulpi commença à charger, prêt à esquiver les tirs. Il y en eut deux, mais ils manquèrent totalement de précision. On pouvait même, d'un point de vue extérieur, être impressionné par la maladresse au blaster de ce tireur.

Yulpi enchaîna trois attaques au sabre-laser, forçant l'ennemi à reculer à défaut de réussir à le blesser. Le tireur tenta alors une manœuvre désespérée : il tendit le bras en ayant mis deux bons mètres de distance avec le Jedi et lui pointa son blaster dessus, prêt à tirer à bout portant. Le Gungan eut alors le réflexe de s'emparer de l'arme avec la langue puisqu'elle était à portée, l'effet de surprise aidant à l'arracher de la main de son propriétaire ; une fois tirée à son museau, Yulpi n'eut plus qu'à décoller le blaster de sa langue et le jeter au loin dans un geste aussi rapide que machinal. Sa langue, c'était son troisième bras.

A son tour Yulpi dut esquiver une riposte, au poing. Il nota dans un coin de sa tête que cet ennemi semblait justement bien plus précis au poing qu'au blaster. Les phalanges frôlèrent son museau, et si l'amphibien avait eu des poils, ceux-ci auraient été touchés. L'Humain se risquait à attaquer à mains nues un Jedi armé d'un sabre-laser. Ce n'était pas rien, une prise de risque énorme même. Yulpi voulut le faire reculer avec son faisceau vibrant d'énergie, et tout en faisant croire à une attaque en fente, il prépara ses jambes à un autre coup. Il tournoya sur lui-même, et le pied nu du Gungan vint écraser le nez de l'Humain qui perdit totalement l'équilibre sous la puissante détente de la jambe, roulant au sol dans sa chute pour finir face contre terre trois mètres plus loin. Il saignait du nez, sûrement une fracture.

Le style de combat acrobatique à coups de pied de Yulpi se mêlait bien à la forme d'Ataru à laquelle il s'entraînait, et lorsque ses attaques se voulaient aussi précises et vives que celles-ci, cela donnait un style de Stava très personnel finalement, faisant appel aux pieds plutôt qu'aux mains mais résultant en des attaques tout aussi précises et neutralisantes.

YULPI – Allez, rentre chez toi, je t'ai dit que ces ruines sont consacrées, c'est une affaire de Jedi, t'es pas le bienvenu.

réitéra vainement Yulpi. Il dut tout de même s'avouer franchement impressionné par la résilience de cet ennemi. N'importe quel Humain aurait été sonné, incapable de se relever seul dans la minute, à quoi s'ajoutait la douleur causée par le nez cassé. Mais pas cet Humain. Il ricana, même. Incroyable.

TANLO – Je m'attendais à un sabreur... mais je vois que t'as d'autres cordes à ton arc.
YULPI – Ah bah t'es pas tombé sur un larbin d'archiviste ! J'suis pas là pour enfiler des perles. J'suis plutôt du genre à faire le ménage...

Il se laissait aller à un peu de familiarité, car son naturel vantard et provocateur refaisait vite surface quand il se battait.

TANLO – Passons aux choses sérieuses.
YULPI – C'est ça, viens voir tonton Yulpi, que j'te taille le potin en biseau !

Ce n'était plus véritablement le Jedi qui parlait, mais le compétiteur, celui qui adorait se mesurer aux autres. Le Gungan se mit à sautiller sur place, se sentant bouillant pour une baston, d'où la petite provocation familière. Il comptait bien mettre à terre cet intrus de la belle manière et lui faire une bonne fois pour toutes comprendre que ces ruines lui étaient interdites d'accès. Ledit intrus simplement par un rire mauvais, annonçant que les choses devenaient bien plus sérieuses pour lui. Il n'était pas là pour se bagarrer gentiment : il était là pour entrer de force dans ces ruines, dût-il passer sur le corps du Jedi. Le visage fermé, il se rapprocha de Yulpi, prêt pour un deuxième tour de combat. Maintenant il connaissait déjà un peu mieux son ennemi. Yulpi n'avait pas droit à l'erreur, sauf que, de son côté, il n'avait toujours pas l'intention de tuer, il était encore dans une phase d'avertissement.

Un avertissement qui se manifesta d'abord par un coup de sabre-laser dans le vide, comme pour dissuader l'intrus, ce qui fut vain bien sûr.

TANLO – Tu as raté.

Se moquait-il ? N'avait-il pas compris ? Pensait-il intimider Yulpi, un Chevalier Jedi s'étant engagé dans la voie la plus martiale de son ordre ?
Yulpi effectua une nouvelle attaque, une vraie cette fois-ci, mais l'Humain contra la main tenant le sabre-laser, avec un membre inférieur, puis riposta en levant son autre membre. Yulpi avait un meilleur jeu de jambes encore, et para efficacement. Les jambes se cognèrent l'une contre l'autre et chaque combattant reprit sa garde, à distance, non sans une petite douleur. Ce n'était que le début. Yulpi repartit à l'assaut, feintant une estocade, lançant finalement son pied dans les airs ; il reçut une tape dans le talon par la botte de l'Humain. Encore paré.

A force d'enchaîner les attaques, soit au sabre-laser, soit au pied, Yulpi finit par atteindre l'Humain sous les côtes, d'un coup nu, donc sans gravité, mais à même de le mettre temporairement à genoux. Le bondissant Gungan voulut asséner le coup “fatal” sans utiliser son sabre-laser, pour ne pas tuer, mais un bras s'enroula autour de sa jambe levée ; l'Humain réussit à lui passer dans le dos, et des mains vint lui appliquer une pression calculée sur l'épaule et la main directrice, forçant un relâchement du bras et des doigts. Yulpi fut désarmé par une technique digne des combattants stava, ce qu'il était bien placé pour reconnaître, bien que lui-même utilisait ses pieds plutôt que ses mains pour atteindre les mêmes points sensibles et obtenir le même résultat. L'Humain acheva son action sur le Gungan avec une projection par-dessus corps, lui faisant mordre la poussière.

TANLO – Ca fait un partout, petit.

Round perdu pour Yulpi, qui pourtant eut un rictus. Il savait reconnaître un adversaire de taille quand il en affrontait un, et c'était le cas. Cela ne faisait que le stimuler encore plus. C'était maintenant une question de fierté que de le combattre. Il n'avait pas dit son dernier mot. Il n'allait pas laisser cet intrus lui parler avec ce ton hautain. D'autant que celui-ci ne fit pas que l'appeler « petit », il jeta son sabre-laser comme un caillou et le provoqua :

TANLO – Va ramasser ton joujou et reviens m'affronter si t'as encore les crocs. J'ai mieux à faire qu'amuser quelqu'un comme toi qui me prend pas au sérieux. La prochaine fois, bats-toi pour tuer.

Un sabre-laser, il appelait ça un « joujou » ?! Et il rabaissait Yulpi en oubliant déjà que ce dernier lui avait pété le nez au début de leur affrontement. Qui ne prenait pas l'autre au sérieux ? Sur quoi se basait-il ? Uniquement sur le fait qu'il voyait bien que Yulpi n'essayait pas de le tuer ? Paroles absurdes.

Yulpi se releva lentement alors que l'intrus ramassait son chapeau et lui tournait le dos pour commencer à s'enfoncer dans les ruiens. Il tendit la main pour appeler à lui son sabre-laser, qu'il rangea à sa ceinture. Curieusement, les seules fois où Yulpi avait réussi à porter des attaques efficaces sur cet Humain, ça avait été sans son arme. Pas de souci, Yulpi pouvait se passer de son sabre-laser, il restait redoutable en combat sans, et au moins il s'assurerait de ne plus se faire désarmer. Voir son sabre-laser dans les mains d'un ennemi était quelque chose de particulièrement irritant, aussi bien pour un Sith que pour un Jedi.

YULPI – Parce que si je te prends au sérieux, alors forcément je dois essayer de te tuer ?

Yulpi emboîta le pas à l'intrus, mais avec de plus grands pas, et un rythme plus pressé, de sorte qu'il le rattraperait en moins de dix secondes.

TANLO – Disons qu'on s'en rapprocherait un peu.

L'Humain lui tournait toujours le dos, mais Yulpi savait très bien qu'il était prêt à réagir s'il le sentait s'approcher suffisamment près pour une attaque. Quand il ne fut plus qu'à un mètre et demi derrière lui, il agit mais ni avec les bras ni avec les jambes : sa langue s'étendit pour aller se coller à son chapeau et l'ôter de sa tête. Yulpi décolla l'accessoire du mucus de sa langue, en faisant un pas en arrière, et le jeta loin derrière lui de la même manière que son vis-à-vis avait jeté son sabre-laser un instant plus tôt.

YULPI – T'as pas l'air de capter le basic, je dois baver en huttese pour te dire que t'es pas sipli dans ces ruines ?

L'ennemi se retourna face à lui. Yulpi sautilla, prêt à entamer un troisième round de ce combat.

YULPI – Ah et j'ai pas l'impression que t'essaies de me tuer non plus, faut être un cabotin pour pas me prendre au sérieux.
TANLO – Un sabre-laser, c'est fait pour tuer. Si tu ne l'utilises pas avec cette intention, alors c'est juste une gêne pour toi.

Que pouvait-il en savoir ? Avait-il l'habitude de se battre contre des manieurs de sabre-laser ? D'un certain côté, il venait de démontrer à Yulpi sa capacité à contrer cette arme à mains nues. Le Jedi avait de toute façon déjà décidé de poursuivre ce combat en se passant de son arme fétiche.

TANLO – Si tu tiens à te battre...

Et les voilà tous deux repartis dans un échange d'attaques. L'acrobatie, la vivacité et la portée du côté du Gungan ; la fermeté, le pragmatisme et l'efficacité avant tout du côté de l'Humain.
Deux styles radicalement différents au sein même d'une discipline commune : le stava.

Yulpi était tout en roulades, en bonds, en esquives, tournoyant presque dans les airs pour distribuer des coups de pied à répétition sans pour autant, fait notable, manquer de précision. L'ennemi était tout en parades, en solidité d'appui, en contres, en projections, utilisant ses doigts pour neutraliser les muscles et affaiblir les membres avec des pressions sur les points sensibles. Quand Yulpi semblait prendre l'avantage en essayant de le déborder sous un déluge de mouvements et d'attaques, il trouvait le moyen de le contrer avec sang-froid, détermination et expérience.

Yulpi n'en démordait pas, il voulait remporter ce combat et défendre sa mission. Il lança une nouvelle attaque vers la tête, esquivée, et tournoya sur lui-même pour envoyer son autre jambe dans son élan. Il frappa l'arrière du genou, et l'Humain s'affaissa ; un coup de pied précis en plein sternum lui choqua les poumons et lui coupa le souffle. Voilà comment Yulpi utilisait le stava sans les mains. Seulement, l'ennemi était expérimenté et peut-être bien meilleur que lui, Yulpi commit alors une erreur de confiance en perdant une précieuse seconde avant de lancer son attaque finale, au niveau de la tête. Son pied fut attrapé en plein vol, et Yulpi se retrouva à devoir sautiller sur l'autre. Il sentit les doigts de l'Humain sur sa plante, son talon, ses trois orteils.
Il frémit, et essaya en vain de réprimer un soupir.
Les pieds du Gungan, doux et lisses au toucher, étaient à la fois son plus gros point fort et son point faible.
Les regards se parlaient entre eux. Yulpi était distrait par cette sensation terriblement plaisante. Il vit dans le regard de l'expérimenté Humain que ce dernier l'avait analysé.
Sans perdre une seconde, comme un réflexe de survie face à ce qui pourrait lui faire perdre ce combat, Yulpi bondit sur sa jambe d'appui, l'envoyant aussi haut que l'autre. Son pied libre choqua le nez déjà cassé de l'Humain, réveillant toute la douleur dans une telle décharge que l'Humain dut par réflexe lâcher prise et porter les mains à son visage. Le Gungan se laissa rouler au sol pour se remettre debout en un éclair.

Le combat touchait à sa fin. Yulpi venait de marquer un point mais Tanlo avait découvert son principal point faible. Il restait à savoir lequel allait être le plus juste pour exploiter la faille de l'autre ou bien l'avoir à l'usure. Et dans ce dernier round, Tanlo utilisa son dernier atout : ses bottes anti-gravité. Après s'être relevé en faisant le poirier comme pour dire à son adversaire que son nez cassé n'était rien – un combat se jouait aussi beaucoup dans la psychologie – l'Humain utilisa son gadget pour venir éclipser le soleil et ne devenir qu'une silhouette aussi noire qu'une lune. La suite n'était pas difficile à deviner, et le piqué de Tanlo avait trop de force de célérité pour être contré. L'esquive pure fut la seule option du Gungan. Réussie.

La dernière ligne droite du duel consista en un enchaînement de coups de pied de part et d'autre, le Gungan utilisant son habilité naturelle tandis que l'Humain tirait avantage de ses bottes anti-gravité. Ils semblaient se neutraliser l'un l'autre. Yulpi avait beaucoup de puissance sèche dans les jambes mais que dire de la puissance brute conférée par les bottes de l'Humain à ce dernier... Et si le Gungan pouvait espérer déborder ses adversaires avec son agilité, il se heurtait à des déplacements défiant les lois physiques, ainsi lui était-il impossible de déborder le mercenaire trop bien équipé.

Yulpi était suffisamment expérimenté en combat pour savoir qu'il n'allait pas réussir à porter un coup fatal à Tanlo, il allait devoir le neutraliser sur la longueur. Il fit parler son stava avec ses pieds nus en frappant des endroits précis qui semblaient anodins car non douloureux dans l'immédiat ; il s'acharna discrètement sur le bras gauche de Tanlo en contournant ses jambes avec une série d'attaques qui semblaient sans importance mais qui étaient calculées pour faire des dégâts sur la durée. Quant à Tanlo, trop occupé à tirer avantage de ses bottes, il sembla avoir oublié qu'il avait découvert le principal point faible du Gungan, un point faible que ce dernier exposait pourtant en permanence puisqu'il s'agissait aussi de son principal point fort, paradoxalement, autour duquel était basé son style de combat.

Tanlo réussit enfin, mais trop tard, à contenir le Gungan et à lui planter le genou dans le museau. Il fit ensuite parler ses poings comme il l'avait fait au début du duel, frappant à trois reprises le buste du Gungan quelque peu sonné. Il l'acheva d'un coup de paume et Yulpi s'effondra deux mètres en arrière. Tanlo crut avoir donné le coup fatal en premier, mais c'est alors qu'il réalisa le travail de Yulpi sur son bras gauche.

Tanlo dut aller récupérer contre un rocher, laissant le temps à Yulpi de se relever lentement. L'amphibien bondissant était meurtri. Du sang coulait de l'une de ses deux larges et profondes narines, et son museau était aussi douloureux que ses côtes. Yulpi devait reconnaître une chose : si Tanlo avait voulu le tuer à ce moment-là, il aurait réussi. D'un autre côté, si Yulpi avait voulu tuer Tanlo, il n'aurait pas simplement cherché à lui neutraliser le bras gauche sur la durée, ce qui ne servait que de message pour rester collé au “score”. Jusqu'à la fin les deux combattants s'étaient neutralisés l'un l'autre. Un bien beau combat que Yulpi, oubliant momentanément comment il avait été initié, fut ravi d'avoir livré face à un adversaire diablement redoutable et largement de son niveau sinon un peu plus haut. Cela faisait longtemps que Yulpi n'avait pas affronté un combattant de cette trempe.

TANLO – A quel moment tu m'as fait ça ? Je pensais que ton stava se limitait aux enchaînements de base et à viser les points vitaux. Pas à faire... ça...

Yulpi eut un rictus flatté.

YULPI – Je commençais à sentir que t'allais pas te faire avoir par une seule attaque décisive. Alors j'ai travaillé ton bras avec mes pieds avec une série de petites attaques dont tu t'es pas méfié... Un peu comme un massage mais avec l'effet inverse !...

Il n'était pas forcément malin de révéler cette astuce alors qu'il était envisageable qu'ils soient de nouveau amenés à se battre l'un contre l'autre, mais Yulpi voyait désormais Tanlo comme un adversaire estimable et n'avait donc pas de soucis à l'idée de partager des astuces de combat. Leur rencontre était pourtant partie sur de mauvaises bases et Yulpi se rappela enfin la raison de sa présence ici : Tanlo était un mercenaire venu profaner des ruines jedis. Il avait prouvé sa valeur, mais cela lui donnait-il le droit d'entrer ? Yulpi n'était plus sûr mais eut la sensation que la question n'était même plus à l'ordre du jour.

YULPI – M'enfin, tu m'as bien dérouillé quand même !...

Le Gungan s'essuya le sang sur sa narine, d'un revers de main, et renifla. Il marcha vers Tanlo mais n'était clairement plus aussi fringant qu'avant leur combat. Ils avaient tous deux besoin de souffler un peu coup.

TANLO – Cigare ?
YULPI – Ouh là, non, ça va, sauf si tu veux vraiment m'achever...

lâcha-t-il avec le sourire. Finalement c'est ce duel qui avait établi de meilleures bases à leur recontre. Comme Yulpi disait toujours : rien de tel qu'un bon combat pour faire la connaissance de quelqu'un !

TANLO – Moi, c'est Tanlo Jakobi. On m'appelle l'Ouragan, je pense que t'auras deviné pourquoi.
YULPI – Haha, j'ai une petite idée, ouais...

Il finit de s'approcher.

YULPI – Yulpi. Yulpi Bepads. J'ai... pas vraiment de surnom, en général on me donne des noms d'animaux et je crois pas que ce soient des compliments...

Yulpi lui tendit une main amicale pour une poignée scellant le respect mutuel de deux combattants qui s'estimaient dans leur valeur martiale.

TANLO – Un Gungan... jedi, avec un sabre laser sith... et qui connaît le stava ! T'es un sacré phénomène, petit. Raconte-moi comment t'en es arrivé là !

Yulpi se frictionna nerveusement une oreille avec un rictus. Dit comme ça, il est vrai qu'il cumulait plusieurs traits assez étonnant. Ce n'était pas courant de rencontrer des Gungans en-dehors de Naboo, encore moins des utilisateurs de la Force et du sabre-laser, ce à quoi Yulpi ajoutait le fait de porter une lame sith mais une bure jedi, et, pour combler le tout, de pratiquer le stava, et d'une façon assez originale qui plus est. Oui, d'une certaine façon, on pouvait dire que Yulpi était un phénomène. Mais il ne se l'était jamais figuré aussi clairement, d'où ce petit rictus car Tanlo le mettait face à son propre portrait et il avait raison. Yulpi s'assit sur le même rocher que Tanlo.

YULPI – Bah... pour essayer de faire court, j'suis né sur Naboo. Et comme y'avait des tensions avec les colons Humains, j'ai commencé à apprendre le combat alors que j'étais tout gamin. C'était ma mère qui avait voulu ça à la base mais j'y ai très vite pris goût, je m'entraînais avec mes frères et sœurs. Ado, je suis rentré dans la milice. Mais une bataille a éclaté quand j'étais absent de la ville, et quand je suis rentré, toute ma famille était déjà morte.

Plus exactement, les derniers survivants étaient morts devant ses yeux.

YULPI – Un Sith a débarqué à ce moment-là et m'a pris sous son aile car il a senti que j'avais la Force en moi. C'était un Sluissi. J'ai été Sith pendant plusieurs années, et même si je serai toujours reconnaissant envers mon maître, j'ai pris de plus en plus de distance avec la mentalité sith et avec les ordres, jusqu'au moment où bah il m'a été impossible de faire demi-tour sur le champ de bataille. Et été capturé par des Républicains, et un Jedi m'a fait rentrer dans l'Ordre. Au début j'étais perdu, mais maintenant je me sens mieux, et je suis autant reconnaissant envers les Jedis qu'envers mon premier maître sith.

Il plia ja jambe droite par-dessus la cuisse gauche pour se masser le pied après l'effort. Même si ce n'était qu'un geste nerveux au départ, cela se changea vite en geste machinal, pour se détendre les muscles. Il y a une quantité innombrable de terminaisons nerveuses dans le pied, et Yulpi s'occupa à les travailler avec précision, habitude et expertise pour se détendre et récupérer après ce combat éprouvant mais tellement satisfaisant. Il soupira d'aise en se faisant du bien ainsi.

YULPI – Donc voilà... Et à côté de ça, je suis déjà devenu plusieurs fois champion d'arène, quand je pouvais filocher pour des missions ou autres sur des planètes comme Nar Shaddaa. Dès que je peux participer à un tournoi ou un truc comme ça, je fonce.

Quand il parla des combats d'arène, Yulpi toucha quelque chose chez Tanlo. L'Humain eut soudain les yeux illuminés d'une étoile nostalgique et son sourire fut le plus franc depuis le début de leur rencontre.

TANLO – Oh, j'y ai passé un peu de temps dans les arènes. C'est bien hein ?
YULPI – Ah, ça ! Tu l'as dit !
TANLO – Les vivats de la foule qui explosent contre le corps lorsqu'ils résonnent dans tout le stade. Les cris, les applaudissements en rythme avec tes attaques et celles de ton adversaire. Les gens qui crient...

Yulpi hochait la tête sans s'en rendre compte à chaque bout de phrase de Tanlo, le regard dans le vide, revisualisant son vécu dans les arènes de la galaxie entière – ou presque, ou pas en fait, il n'avait pas non plus connu d'arènes sur tant de planètes que ça à l'échelle de la galaxie... Il partageait la nostalgie et l'excitation de son interlocuteur. Il lui tardait de pouvoir remettre les pieds un jour dans une arène pour livrer le combat et entendre la foule scander son nom comme celui de leur champion.

Tanlo partagea son histoire à son tour. Son CV n'était pas étonnant après l'avoir affronté : champion planétaire – rien que ça – sur Tatooine à seulement dix-sept ans, Yulpi voulait bien le croire après l'avoir affronté lui-même.

TANLO – Quelle pitié de combattre ici au milieu de nulle part, tu ne pense pas ? Stava contre Stava... sabre contre poings. Jambes contre jambes. Nous aurions fait salle pleine et carton plein. Imagine l'argent ! La gloire !
YULPI – C'est clair ! Mais hé, qui sait ? Peut-être un jour ?

Tanlo donnait presque l'impression d'être déjà en pleine forme. Mais ce n'était qu'illusoire et Tanlo lui-même devait prendre garde à ne pas se laisser ennivrer par ses souvenirs et son impatience. Ils venaient mutuellement de se diminuer de façon trop importante pour entrer dans des ruines potentiellement infestées de créatures agressives. Ils étaient tous deux d'excellents combattants, mais ils devaient se ménager aussi.

TANLO – Nous sommes dans une impasse. Nous voulons tous les deux la même chose, et ce n'est pas quelque chose qu'on peut partager. Et... je ne pense pas que ca vaille la peine de mourir pour l'obtenir. J'ai une proposition à te faire. Plutôt que nous casser la gueule et nous neutraliser tous les deux, unissons nous pour retrouver la relique. Et on verra le moment venu ce qu'on en fera.

Tanlo était suffisamment lucide pour reconnaître qu'ils auraient meilleur compte de travailler ensemble plutôt que de rester en termes ennemis, mais pas suffisamment pour reporter cela à plus tard. Ces ruines n'étaient pas connues. Certes, Tanlo était la preuve vivante qu'avec de bons renseignements, certains mercenaires pouvaient en entendre parler, avoir la curiosité – ou l'avidité – de les explorer et trouver les moyens de se rendre sur place ; mais Yulpi, tout aussi impatient quelque part, avait au moins pour lui la sagesse de se dire que ces ruines seraient toujours là dans quelques jours, quelques semaines, peu importe mais le temps qu'il faudrait pour se remettre dans les meilleurs conditions avant cette excursion.

Yulpi continuait de se masser le pied doucement avec des gestes experts. Il répondit :

YULPI – T'as vu notre état ? On est diminués de moitié. Ne fais pas l'erreur de faire comme si t'étais déjà remis, tu sais comme moi que c'est impossible de se rétablir aussi vite à moins d'être un Trandoshan, et encore... Je suis d'accord, ce serait bête qu'on continue de se broutiller pour entrer dans ces ruines, mais si on y va maintenant, on pourra pas défendre nos vies si on se fait attaquer par j'sais-pas-quoi là-dedans. Allons d'abord prendre du repos, chacun de notre côté, nous remettre bien comme il faut, et je te propose qu'on se passe une holocom pour se fixer rendez-vous et explorer ces ruines ensemble. Et peut-être qu'on pourra même se revoir dans une arène un de ces jours ?