Petit matin sur la planète Ondéron. Le soleil n’était pas encore totalement levé, c’était une aube orangée. Probablement aux alentours de six heures du matin. Galdur ouvrit les yeux et se frotta le museau quelques instants. La nuit avait été agitée. Depuis quelques temps maintenant, il n’était pas aussi reposé qu’il ne le fut à l’époque. Beaucoup de pensées se bousculaient dans sa tête, principalement quant à ses actions récentes, sa personnalité et le chemin qu’il avait décidé d’emprunter. Il n’était pas comme les autres Trandoshans, qui vivaient de la chasse et se complaisaient dans les contrats de mercenariat. À la place il était ici, dans ce Temple Jedi, à élever des Varactyls et à parfois prendre les armes pour le compte d’une faction ou d’une autre. En se redressant, il manqua de glisser sur une bouteille qui traînait au sol, qu’il observa avec une grimace. De l’alcool peu cher, qu’il faisait passer en douce dans sa cabane. Cela faisait des années qu’il faisait preuve d’une certaine indécence… Et avec le recul, peut-être que ce n’était pas pour rien qu’on conseillait aux padawans d’éviter de trop le fréquenter.

Tout en baillant, ses pas le guidèrent jusqu’au lavabo de sa loge. C’était une sorte de petit studio circulaire à une seule et unique pièce… Le Trandoshan aimait cet endroit. Ce n’était pas très grand, mais c’était un espace rien qu’à lui, où il pouvait se réfugier et profiter du calme quand cela lui chantait. Situé jusqu’à proximité des écuries, c’était sans doute une cache qu’on avait reconditionné en logement, mais cela lui convenait. Sur les murs reposaient des effets personnels, entre guirlandes de plumes colorées, bois d’animaux, filets décorés et autre capteur de rêve tissé par le Trandoshan sur son temps libre. Un vrai petit temple personnel. La lumière filtrait depuis des velux au plafond. Tant qu’il ne faisait pas trop lumineux, il pouvait se passer de ses lunettes.

-” Mrgmh… Encore un nouveau jour…”

Ses yeux globuleux rencontrèrent leurs reflets dans le miroir. Toujours la même tête d’abruti, avec ses grosses narines et ses yeux de poulpes. Il n’avait pas l’air très frais non plus. La simple vision de son reflet l’agaçait, lui rappelant son mécontentement général, en dépit du fait qu’il ne pouvait exactement placer le doigt sur la cause de sa frustration. Il se décida à se passer de l’eau sur le visage, avant d’inspecter quelques instants ses mains. Les quelques écailles sur le dessus de ses mains étaient rugueuses et abîmées, ce qui le fit grogner. L’âge commençait à le rattraper petit à petit.

Il était plus proche de la fin que du début.

Et à l’aube de sa quarantaine approchante, il était là, dans cet appartement sur Ondéron à s’observer dans le miroir. Galdur se questionnait. Avait-il fait les bons choix ? Qu’est ce que la Déesse Jaggannath pouvait penser de lui actuellement… S’était-il ramolli avec l’âge ? Avait-il oublié d’où il venait et ce qu’on lui avait appris ? Il se baissa et ouvrit le placard du lavabo. Se cachaient ici plusieurs autres bouteilles d’alcool de contrebande. Il soupira, alors qu’il sentait cette étrange étincelle en lui qui le titillait. Il avait le besoin de se sentir en phase avec lui-même, perdu au milieu de ses doutes quant à sa propre nature. Il était différent des autres. Différents des mercenaires, des Jedis, des politiciens, des soldats. N’était-ce pas là ce qui l’avait motivé par le passé ? Qu’est ce qui faisait un Trandoshan, dans le regard de la Grande Chasse ? Et comment pouvait-il prétendre à sa juste place s' il oubliait la route qui l’avait conduit ici ? Le Trandoshan se saisit des litres d’alcool dissimulés et commença à les vider uns à uns dans le siphon. Peut-être qu’il le regretterait, mais sur le moment, cela faisait du bien. Comme se retirer un poids sur la conscience. Lorsqu’enfin il se baissa de nouveau pour s’assurer qu’il ne restait rien, son regard aperçut quelque chose, caché dans un coin sombre.

C’était une petite boîte qui contenait visiblement des pigments en poudre colorés. Cela traînait dans son placard depuis maintenant des années, et il n’en avait pas eu l’usage depuis… Ouf. Longtemps. Pourtant, il savait que c’était quelque chose de cher à sa personne. Ces pigments venaient directement de Trandosha, et avaient été fabriqués par les mains même des membres de la tribu des Hasrans, la peuplade ethnique originelle de Galdur. Ces pigments étaient normalement des choses de fête, mais avaient également une symbolique spirituelle conséquente. Mais ici, loin des steppes qui l’ont vu naître, qui aurait pu se soucier ou comprendre l’histoire et la culture qui se dissimulaient derrière ces poudres ? Jusqu’ici, il n’avait pas vu l’intérêt de s’en servir.

… Mais il avait l’irrésistible envie de les utiliser. Comme pour combler le désir de se sentir Hasran une nouvelle fois, depuis bien longtemps.

Faisant de la place sur son espace de nettoyage, le Trandoshan se mit à mélanger la poudre avec de l’eau, mélangeant le tout et créant ainsi deux pâtes colorées rouge et blanche dans deux petits récipients. Les matières sentaient bon le sol et l’humidité typique des cavernes de ‘Dosha. Il n’avait jamais eu un aussi bon doigté que le Chaman Shamok pour appliquer cela mais… La sensation de se peinturlurer la figure aux moyens de ces pigments était agréable, même si la répartition de la peinture était définitivement inégale. Une fois son oeuvre terminée, et après avoir salit le sol et le lavabo de tâches rouges et blanches, il s’inspecta de nouveau dans le miroir, ses lunettes enfilées.

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

… Ce n’était pas parfait. Mais tout à fait acceptable.

-” Bashaka... ”

L’horloge défilait, sans que le Trandoshan ne voit spécialement le temps passer. L’aube était passée, alors que le Soleil se levait et qu’il était en retard pour guider le troupeau au pâturage. Galdur décida de sacrifier encore un peu de temps pour essayer de peaufiner un peu son apparence, se décidant finalement à limer les épaisses écailles les plus allongées situées à l'extrémité de son crâne, en pointe. Ces dernières poussaient naturellement chez les Trandoshans, qui les rabotaient parfois pour arrondir un peu plus leur tête et paraître moins anguleux. Tant pis, les Varactyls pouvaient attendre, même s' ils seraient très certainement pressés de quitter les boxes des écuries. C’est que ces animaux étaient agités lorsque la question de sortir venait. Les mâles les plus vigoureux avaient tôt fait de mener le troupeau, dans l’espoir de séduire les femelles.

Mais pour une fois, la première fois depuis maintenant bien longtemps, ils allaient devoir prendre leur mal en patience. Et puis, que risquait-il d'arriver ? Personne sinon lui n'avait pour habitude de se promener aux alentours des écuries à cette heure matinale. Les Varactyls seraient très certainement capables d'attendre encore un peu...

Il fut interrompu dans sa réflexion par les bruits étranges qui venaient du dehors de sa loge. Des intrus ? Il reconnaissait le genre de bruits émis. Impossible de se tromper, il pouvait reconnaître les râles de Sunka, le reproducteur et mâle dominant actuel du troupeau. Il était régulièrement dans la position de reproduction, mais si il émettait ce genre de boucan, c’est qu’il estimait qu’il y avait quelque chose sur son territoire qui lui faisait de la compétition ou qu’il qualifiait d’intrus. Le Trandoshan abandonna son lavabo pour se diriger vers le mur d’à coté où reposait, planté dans l’affiche d’un avis de recherche d’un braconnier réputé, le tomahawk plumé de Galdur. Peinturluré et tout juste habillé de son pantalon, il se jeta dehors en fracassant la porte à la recherche d’un ennemi.

-” BASHAKA ! On n’bouge plus !” hurla t-il.

Ses yeux à lunettes cherchèrent à droite, cherchèrent à gauche, mais ne trouvèrent aucun bandit. Pas même un desperados armé d’un pistolet ou d’une corde pour lui voler ses varactyls. Non, à la place il trouva… Euh… Un tigre ? Il brandit d’autant plus son tomahawk avant de se raviser en remarquant le collier. Oh bon sang, cela devait être une autre de ces races de la galaxie. La dernière fois, il avait failli asperger l’araignée géante avec de l’insecticide.

-” Oh nom de … J’ai failli vous coller une hache en plein entre les deux yeux. Qu’est que c’est que vous fichez p’r ici ? C’pas l’heure d’l’équitation encore ! ” t-il.

C’était toujours bizarre de faire face aux différents peuples qui pouvaient exister dans la galaxie. Le Trandoshan observa la pagaille environnante après avoir écouté ce que le quadrupède avait à dire. Il était donc entré en rixe contre Sunka. Ce dernier avait sans doute profité de son agitation pour déguerpir vers de plus vertes prairies, peut-être en quête de femelles. Galdur gardait soigneusement les animaux séparés pour éviter que les femelles ne soient considérées propriété du mâle, ce qui aurait rendu la domestication difficile. Le Trandoshan aurait pu ainsi s’énerver contre le padawan, mais décida de se retenir. Ce n’était pas en lui hurlant dessus qu’il allait récupérer Sunka de toute façon.

-” Par les sables de… Bon, très bien ! J’vais à sa poursuite ! Connaissant Sunka, il a probablement déguerpi vers les pâturages ! Faut s’grouiller avant qu’il mette trop de distance !” gargouilla t-il.

Il ne proposa pas “explicitement” au padawan de venir, mais nul doute qu’il y avait la demande latente de réparer les bêtises. Galdur s’empressa d’aller récupérer au moins sa veste ainsi qu’une selle appropriée. Il siffla à l’aide de ses doigts, ce qui fit s’échapper de son boxe Tatanka, la monture du Trandoshan depuis maintenant des années et des années. Il plaça la selle et les attaches, glissa bolas et sarbacane sur les accroches, avant d’enjamber le gros reptile et de s’installer dessus, saisissant les rênes.

-” C’est du sang que j’vois par terre ? EST CE QUE… Baah ! Inutile de vous demander. V’nez, on va lui courser après. Au moins ça devrait le rendre plus facile à trouver. Les Jedis sont pas censés réussir à s’entendre avec les Varactyls ? ” questionna t-il.

Il était vrai que l’on disait que les varactyls étaient capables de ressentir la force et de “communiquer” avec les sensibles, ce qui justifiait le choix de nombreux Jedis d’employer les reptiles comme montures. Ils étaient naturellement plus disposés à entretenir des relations privilégiées avec eux, par rapport aux non sensibles à la force. Peut-être que cette connexion n’était pas donnée à tout le monde ou devait s’entraîner cependant… Il était vrai que Galdur lui même disait que ce n’était pas le monteur qui choisissait le varactyl, mais le varactyl qui choisissait le monteur. Claquant les rênes, il projeta en avant sa propre monture, se mettant sur la piste du sang.

-” Allez ! En route ! Ush ! Avant qu’il n’arrive à se mettre en danger. C'est quoi ton nom mon gars ?”

Peinturluré et emplumé en compagnie de sa fidèle compagne de voyage, Galdur sentit l’étrange sensation d’être revenu, l’espace de quelques instants, dans les vastes steppes de Trandosha, à l’époque où il chassait encore le bira-bira en compagnie de sa tribu.

La situation était relativement singulière. C’était la première fois qu’il partait dans ce genre de périple en compagnie d’un Padawan, et d’autant plus quand ce dernier était plus proche des canidés que du commun des autres espèces. Au moins, son flair allait être utile. Peut-être qu’il faudrait qu’il se trouve un chien à l’avenir ? Cela serait rudement pratique pour jouer les bergers ou pister les varactyls lorsque ce genre d’accidents se produisaient. Et puis, il n’avait pas grand chose à faire en attendant, sinon se laisser porter et guider par le Padawan.

” - Eh mmh… Faut pas l’prendre mal quand j’parle de ça hein… C’est juste que c’est bin la p’r’mière fois qu’j’vois Sunka s’attaquer à un Padawan… Bon après faut dire c’qui est… On en voit pas énormément dans vot’ genre… Eh euh… J’dit pas ça méchamment hein !”

Voilà qu’ils débarquaient au milieu d’une clairière. La piste semblait s’arrêter là, du moins pour l’instant. Une partie du chemin était accomplie, mais il restait visiblement encore de la recherche à effectuer. Puisque le fair du padawan ne pouvait l’emmener plus loin, c’était désormais au trandoshan de se mettre au travail. Cependant il ne pût s’empêcher de remarquer que quelque chose ne semblait pas tourner comme il fallait avec son compagnon de route.

” - A moi de rentrer en scène donc… Bien bien… Eh euh… T’es sûr que ça va aussi ? T’as l’air un peu crispé… Sunka t’as fait mal ? J’ai même pas posé la question sur l’occasion, alors que j’aurais dû. Désolé. ”

En attendant une réponse, il se mit un peu à étudier les environs, notamment les arbres et le sol. Sa meilleure chance était encore de trouver du plumage ou bien des traces de griffes sur les troncs. Parfois, les varactyls se frottaient contre ces derniers pour se gratter ou faisaient leurs griffes dessus. Il détecta des brins brisés de grandes herbes sur un petit chemin plus loin, ainsi que quelques rameaux de buissons qui avaient été détachés. Sans nul doute il était passé par ici. Il fit signe à Solal.

” - Oy ! R’garde ça… Tu vois les herbes là-bas ? Elles ont été aplaties et cassées… Ca pourrait être l’oeuvre d’un autre bestiau, mais ça serait une sacré coïncidence compte tenu de la largeur du passage… ’”

Il découvrit une empreinte perdue au milieu d'une petite motte de terre isolée parmi les îlots herbeux. Une véritable aubaine alors que Galdur s’empressa d’étudier cette dernière. Cela correspondait visiblement à Sunka, à en juger par la morphologie… Il glissa un doigt à l’intérieur de l’empreinte, comme pour essayer d’estimer la profondeur.

” - C’t’empreinte là… Si on r’garde bien, on peut voir que le bas est largement plus profond que les orteils. Cela veut dire qu’il a fortement appuyé son poids sur ses pattes. Connaissant Sunka, j’pense que cela voulait dire qu’il a paradé d’vant quelque chose en tapant des pattes. Probablement pour intimider quelque chose... ”

Galdur s’avança dans la direction estimée avant de se mettre à renifler les environs… et de s’immobiliser brutalement aux alentours d’une touffe herbeuse vraisemblablement piétinée. Il se tourna vers Solal et lui fit signe de venir, avant d’utiliser ses mains pour écarter la végétation, observant de petites gouttes qui coulaient sur certains brins.

” - … Tu vas vraiment pas aimer mais… Tu peux sentir ça ? C’est de l’urine. Et vu l’aigreur, je peux te garantir que c’est d’la pisse de varactyl. Il a probablement pissé dans le coin en paradant pour essayer d’intimider un autre animal… Mmh… Est-ce que je… Pourrais te demander de suivre cette odeur ? J’sais que c’est pas agréable… Mais ça nous ferait gagner pas mal de temps... ”

C’était une question à laquelle il n’était pas vraiment sûr que Solal puisse répondre. Les animaux urinaient fréquemment pour plein de raisons différentes. Marquer un territoire, effrayer des concurrents, camoufler leur passage… Pour ce qu’il en savait, l’urine de Sunka était assez forte pour que lui puisse la sentir… Alors pour un membre de l’espèce de Solal… Il se demandait si cela n’allait pas sentir si mauvais au point de perturber toute piste et de mettre hors touche l’odorat du padawan… Auquel cas ils devraient y aller plus méthodiquement et avancer en prêtant attention au moindre signe.

” - Me regarde pas comme ça, c’est une chose naturelle !”

“ Ouais, exactement. Et toi et moi, on est jamais qu’de grosses bestioles, c’est juste qu’on est doués pour faire semblant d’être civilisés. Et preuve ultime qu’les animaux sont pas plus cons qu’un autre, ils ont pas eu la mauvaise idée d’nous inventer le Sénat Galactique eux. Allez champion, en route !”

Maintenant que Solal avait récupéré la piste, ils allaient pouvoir continuer leur chemin. Enfourchant de nouveau sa monture, Galdur prit une nouvelle fois la place de suiveur en laissant le Padawan félidé le guider. Pour l’instant, cette chasse était rudement amusante, et la perspective d’avoir un compagnon de route si différent des autres intriguait grandement le trandoshan qui lui trouvait une certaine sympathie. Il était jeune et clairement en pleine fougue de sa jouvence, mais cela lui changeait des vieux rabougris du Temple qui venaient lui faire la morale. Il aurait bien abordé un peu plus de discussions mais il craignait également que cela n’attire l’oreille du varactyl perdu qui aurait alors pris la fuite. Tant pis, ils discuteraient un peu plus tard, l’heure était à la concentration. Lorsque le padawan s’arrêta brutalement, Galdur fit de même en caressant quelques instants le plumage de sa monture pour lui indiquer de rester calme et d’être silencieuse au possible. Il descendit de la selle et s’abaissa pour rejoindre Solal, laissant Tatanka légèrement en arrière. Entre deux buissons épais se trouvait plus loin la silhouette de Sunka occupé à se payer un casse croûte.

“Ha ha ! Excellent boulot mon p’tit gars. J’devrais t’embaucher à temps plein dans l’écurie, ça me faciliterait grandement la vie !”

chuchota t-il avec un certain enthousiasme.

Néanmoins, le Padawan avait raison. Sunka était celui qui le connaissait le mieux, et il était fort à parier qu’il n'essayerais peut-être pas de s’enfuir si Galdur se rapprochait. La réflexion quant à Tatanka manqua de le faire s’esclaffer, non pas parce que l’idée était ridicule, mais plutôt quant à la spontanéité de la remarque. En réponse, l’éleveur tourna la tête vers le varactyl femelle en arrière, qui patientait en exhibant sa crête de plume.

“Ho ho ! T’entends ça Tatanka ? On dirait que quelqu’un d’autre te trouve à son goût. Ça va commencer à faire des rivalités et d’la jalousie tout ça !”

plaisanta-t-il à voix basse.

C’était en effet la saison des amours, et Tatanka, tout aussi domestiquée qu’elle pouvait l’être, ne pouvait pas non plus échapper aux effets latents de cette période. Solal avait l’oeil… Ou bien l’odorat, mais quoiqu’il en soit, cela amusait fortement le trandoshan. Il se redressa un peu et se décida à avancer en direction de Sunka, doucement mais sûrement, révélant progressivement sa forme pour ne pas surprendre l’animal.

“Reste caché… J’te fais signe dès que tu peux sortir. T’es plutôt bien avisé comme p’tit bonhomme dit donc, ça me plaît. C’est rare de tomber sur des gens capables d’formuler ce genre de raisonnements aussi spontanément.”

Il s’approcha lentement jusqu’à ce que l’épais varactyl ne le repère, gonflant aussitôt sa couronne de plumes et labourant un instant le sol de ses pattes arrières en signe de dominance. Galdur garda les mains en l’air quelques instants en approchant doucement, pas à pas du mâle qui faisait fouetter sa queue dans les airs. Glissant sa main vers l’intérieur de sa veste, lentement mais sûrement, l’éleveur en tira finalement ce qui ressemblait à une sorte de petite boule de plastique qui contenait des grelots. Il se mit à l’agiter doucement, provoquant ce son typique qui sembla interpeller quelques instants Sunka qui s’immobilisa, ses sens en écoute. Galdur se rapprocha alors encore de quelques mètres, en continuant d’agiter le jouer et tendant la main vers la crinière de plume du varactyl qui semblait jauger la situation. Il marmonna quelques mots…

“Là… là… Du calme. Tu m’reconnais ? Sunka eh… Bon garçon… Bon garçon, Sunka…”

La main épaisse du trandoshan entra en contact avec les plumes de Sunka qui recula prestement la tête de réflexe sur l’instant, avant de se laisser progressivement amadoué par le bruit des grelots et, ultimement, jusqu’à ce que Galdur ne finisse par lui gratter le cou, abandonnant sa colère. L’éleveur siffla, ce qui fit immédiatement approcher la femelle, Tatanka, qui surgit à son tour des buissons sous le regard plus qu’intéressé du mâle. Les deux varactyls s’approchèrent et commencèrent à se renifler mutuellement jusqu’à ce que la femelle ne décide de s’allonger par terre, sur le ventre, le mâle se positionnant juste à coté et semblant visiblement utiliser son bec pour remettre de l’ordre dans le plumage de Tatanka.
Galdur s’essuya le front et leva les yeux au ciel. Laisser quelques instants le contrôle des choses à Sunka était un bon moyen de le calmer, mais il allait tout de même devoir empêcher ce dernier de se payer du bon temps avec Tatanka. Il avait besoin de cette dernière en pleine santé, pas à pondre des oeufs.

Continuant de gratter le cou de Sunka, Galdur tourna vers les buissons où se cachait encore Solal et lui fit signe.

“Bon… Solal ? Eh… Tu peux v’nir. Doucement par contre, montre toi mais reste à distance. Faut lui faire comprendre que t’es pas là pour lui piquer sa femelle ou pour empiéter sur son territoire, d’accord ? Essaye juste d’approcher tranquillement, et si tu vois qu’il s’agite, tu t’immobilise jusqu’à ce qu’il se calme. Et tu recommence jusqu’à être assez proche. Je vais essayer d’le ménager aussi... Oh et... Ca va paraître bizarre mais j'aurai aussi un truc à te d'mander...”

articula t-il avec son accent Doshien épais.

Galdur éclata de rire à la réflexion de Solal. En réalité, c’était quelque chose qu’on lui avait demandé relativement souvent. D’un côté, cela avait tendance à flatter son égo, de l’autre, cela confirmait la triste réalité dans laquelle le genre Trandoshan était tombé si c’était ce que l’opinion générale avait d’eux. Peut-être que finalement, c’était simplement Galdur lui-même qui était l’un des rares représentants d’une culture en voie de disparition.

« Ha ha ha ! Moi ? C’la signifie que j’serai censé tirer à vue sur la moindre bestiole que j’croise ? Aaah. Quel triste monde dans l’quel on vit si c’est ça l’idée qu’les gens ont de notre espèce… »

Il y avait une pointe d’amertume dans son ton. Visiblement, la remarque avait touché quelque chose qui semblait lui tenir à coeur. Le trandosha gratta quelques instants le cou emplumé de ses Varactyls avant de les ménager un peu de façon à pouvoir se positionner de nouveau sur la selle de Tatanka, laissant le mâle Sunka rester à proximité. Sur ces quelques mots, il fit signe à Solal.

« Rentrons au Temple. C’est l’heure de déj’ner. Et tu s’ras mon invité pour l’occasion. On parle d’cette demande une fois rentré chez moi. »

--

Le baraquement dans lequel Galdur s’était installé était à l’origine une extension de l’écurie qui servait de salle de stockage, mais elle avait été convertie en une sorte de petit appartement ou du moins studio personnel d’une seule pièce. A défaut d’être spécialement spacieux ou particulièrement bien agencé, le lieu avait au moins beaucoup de personnalité, puisque le trandoshan avait totalement décoré l’intérieur à sa façon. Il y avait quelques traces de confort moderne par le biais de l'holo-vision et d'une radio, mais le reste était assez sommaire. Même le lit était en réalité un hamac suspendu entre deux piles de lourdes caisses. Il y avait des décorations en tout genre ici, pour certaines toutes droit sorties de Trandosha en elle même. Guirlandes de plumes colorées, bois d’animaux, filets décorés… Il y avait également des étagères sur lesquelles reposaient des bocaux qui semblaient contenir de la terre et quelques insectes. Sur les murs, le trandosha avait accroché différents articles et affiches en tout genre. De manière intéressante, ces affiches semblaient toutes en rapport avec la déforestation, le braconnage ou bien différentes initiatives galactique de préservation de la faune et de la flore. Il y avait une feuille qui représentait visiblement un homme, dont on avait mis une prime pour braconnage, destruction de biens privés et arson. Visiblement, Galdur s’en servait comme cible d'entraînement pour fléchette.

« Euh… Fait pas trop attention au bazar. Quand on est un vieux garçon eh… On range plus vraiment. »

Il essaya de faire de la place sur les tabourets autour de la table ronde centrale, sur laquelle reposait un kit de couture ainsi que ce qui ressemblait à une selle. Le trandoshan était probablement en train de réparer les sacoches de transport qui l’entouraient à la vue des trous dans le tissu. Laissant Solal prendre ses marques, il sembla se diriger vers le fond de la pièce et tira un rideau qui dissimulait visiblement un renfoncement contenant des étagères. Reposaient sur celles-ci des paquets et des boîtes en tout genre. Cela ressemblait définitivement à des rations militaires, probablement républicaines, que le trandoshan stockait dans son coin. Elles arrivaient hebdomadairement de la caserne des Rangers Ondéroniens, mais comme Galdur avait tendance à grignoter ce qu’il pouvait de droite à droite et à gauche, elles tendaient à s’empiler chez lui sans personne pour les avaler. Au moins, il avait du stock.

Il avait d’ailleurs mis des posts-it sur les différents paquets, écrits dans ce qui semblait être du dosh. Galdur ne savait pas lire le basic.

« J’ai euh… Du bantha en saumure… Des saucisses… C’est quoi ce machin… “Choux de Bakura salés” … Euh… De la … “Coriandre” ? Nom d’un Varactyl. Qu’est ce que c’est que ce truc… Peuvent pas manger des haricots comme tout le monde ces républicains ? »

Cela n’allait visiblement pas être le restaurant cinq étoiles alors que Galdur semblait avoir du mal à identifier les différentes rations qu’il avait stocké. Il revint finalement les bras plein de paquets qu’il dépose sur la table.

« Bon ben écoute, tu choisiras hein.. Et pour boire, j’ai du café, d’la flotte et… Et non j’ai plus d’whisky. J’l’ai balancé ce matin. Paraît que ça a une mauvaise influence sur mon humeur… Du coup je me suis dit que j’devrais essayer de m’en passer. J’ai du super jus d’cactus t’doshok par contre ! »

Il ne posa pas vraiment la question de si Solal s’asseyait sur une chaise dans un premier temps, ou de savoir s' il mangeait dans des assiettes comme tout le monde. De toute façon, même Galdur se contentait de manger à même les conserves directement. Il n’avait pas vraiment de couverts et tout ici semblait très “rustique” dans sa manière d’être.

« Pour ce qui était de ma demande… Ben en fait… J’me disais que comme tu as du flair p’tit gars… Peut-être que… Tu pourrais m’aider un peu à m'entraîner… J’dois apprendre à m’faire plus discret pour chasser correctement. Oh et m’apprendre à lire le basic, ça serait super chic aussi. Ca a tendance à me jouer des tours quand j’en ai pas besoin ! »