Luke Kayan
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Insensible au mélancolique spectacle des lueurs du soir étouffées par la pollution grise, Luke passait en boucle les tenants et aboutissants de la mission qui les attendaient. Karm tenait entre ses mains les données d'experts en toutes sortes d'analyses d'échantillons, tandis que le Hapien se faisait relire des textes de lois en parallèle avec les conditions particulières des deux partis. N'importe qui, même un Jedi avait des émotions, il les retenait, voilà tout, mais n'importe quel être pensant était soumis aux dures règles de la subjectivité, aussi la sympathie du blond allait déjà vers l'ONG P.L.O.M.C (Préservation du littoral de Mon Calamari). Cette dernière avait suffisamment grossi durant les deux dernières années pour créer une vague que le gouvernement de sa planète ne sautait ignorer. Les capitalistes locaux avaient pour projets de développer de grosses industries innovantes dans le secteur de la pêche ou de la filtration de l'eau pour améliorer les chiffres d'exportation "d'un monde Républicain encore trop fermé sur lui-même et qui n'a pas appris à profiter de ses droits internationaux" concernant le commerce Riche, Mon Calamari pouvait accroître de nombreuses activités maritimes afin d'augmenter leur chiffre d'affaire général mais aussi, et c'était bien sûr le cheval (ou plutôt l'hippocampe) de bataille de ces représentants : des emplois. Des milliers et des milliers d'emplois immédiats pour la construction ou la rénovation de chantiers navaux, puis par la suite pour l'exploitation d'un littoral encore relativement préservé. Certes, l'idée en soi paraissait plutôt positive pour les familles aux revenus bas, mais que feraient-ils de leur argent une fois leur santé détériorée? Car au vue de leur morphologie, ces êtres dépendaient de l'eau. C'était donc toucher à leur bien-être fondamental que s'attaquer aux océans.

Les industries locales regroupées sous l'égide du M.E.R.C.U.R.E (Moyens d'Exploitations Régies par les Communautés Universelles des Ressources Environnementales) avaient dû promettre de décrocher la lune de tatooine à de riches entrepreneurs Coruscantienne. Unis à ce que beaucoup considéraient comme un agroupement d'exploitants politisés, ils avaient porté l'affaire devant le Sénat de Coruscant. Luke avait entendu parler du M.E.R.C.U.R.E qui comptait déjà de belles victoires dans tous les domaines (exploitation forestière sur Kashyyyk, maritimes sur Naboo, minières, touristiques) C'était un énorme morceau, et la politisation des jedis ne les aidaient en rien. Il savait qu'on les attaqueraient personnellement sur le manda de deux chanceliers appartenant à un ordre prônant l'objectivité pour se défaire d'eux et s'en prendre à des avocats Mon Calamariens, excellents au niveau planétaire mais insignifiants inter-galactiquement parlant Karm et lui devaient seulement permettre aux négociations de bien se dérouler, d'intervenir entre les deux partis, d'observer les résultats en veillant à éviter de la fraude. Ceci dit, la différence de poids entre les deux associations leur permettrait peut-être d efaire valoir leur prise de parti, au nom du droit à être défendu équitablement.

Un mal de tête se profilait déjà lorsque le jeune homme s'autorisa une petite pause. Il détestait cet aspect de son travail. La politique. En soi, défendre une planète qui risquait d'être pressée jusqu'à la oëlle lui paraissait juste, mais il faudrait encore passer par des intérêts particuliers de chacun, jouer aux échecs sans se préoccuper principalement du vrai sujet. Les Sénateurs qui avaient accepté de porter l'affaire, dans les deux camps d'ailleurs, avaient leurs propres enjeux, dont gagner des voix certainement. Le défenseur de l'ONG voulait devenir un héros, reconnu pour avoir gagné contre un monstre et l'autre avoir l'appui du MERCURE, soit des soutiens financiers et politiques dispachés sur plusieurs planètes

Comme il avait remis autant d'ordre que possible dans ses affaires et anticipé au maximum, le blond ferma son datapad. Il soupira profondément puis se tourna vers Karm. Depuis l'arrestation de Tavaï, il avait réfléchi quant à l'affaire Maxence. S'il avait failli crier sur l'Ark-Ni au tout début, il y avait renoncé. Déjà ce n'était pas dans son caractère, puis il avait encore une fois eu l'occasion de noter l'importance de leur lien. S'ils n'étaient pas à l'abri d'une dispute, autant les éviter au maximum et agir en personnes raisonnables. Ainsi, le Consulaire avait aussi hésité à ne rien dire, mais il ne voulait pas garder cette "broutille" qui n'en était pas une pour sa petite personne. Karm et lui se faisaient confiance, ils pouvaient donc discuter de ces choses-là, surtout que son aîné continuait de mentionner régulièrement la Mercenaire. Le jeune Jedi profita d'un moment de calme pour entammer la discussion. Ces temps-ci tout allait bien entre eux, du moins c'est ce que le blond ressentait en tout cas, et la situation n'étant plus urgente, il pensait que c'était adéquat après avoir attendu que l'Histoire Tavaï se tass (oui la décence et la patience faisaient parties des vertus de luke).

- Karm, j'aimerais savoir pourquoi tu ne m'as pas prévenu. Pour Maxence. Comment la prendre, comment lui parler et agir avec elle. La mission aurait pu rater et j'ai... Correction, nous, tant elle que moi avons vécu un moment très désagréable. Il a vraiment fallu négocier, fournir d'énormes efforts pour parvenir à un accord. Je pense toujours que c'est une amie extraordinairement fidèle, qui t'apprécie et que je suis content de savoir proche de toi. Cependant, tu devais bien l'imaginer, nos profils diffèrent complètement. J'aurais aimé savoir à quoi m'attendre pour éviter de trop tâtonner et manquer de tout gâcher.

Avoua doucement le jeune Chevalier qui n'avait, en effet, pas trop saisi l'intérêt du Maître, tout en sachant confusément que ce dernier avait ses raisons. Ceci dit, lui n'en trouvait aucune valable. C'était comme l'introduire auprès des Ark-Nis sans le préparer... Heureusement dans ce cas-là, Karm l'avait fait et tout s'était bien passé... Mais avec la blonde, tout avait failli exploser. Luke avait vraiment pris sur lui pour ne pas se mettre en colère (une chose très rare chez lui). Il avait dû vraiment fouiller dans les tréfonds de son âme pour apprendre à voir le bon côté de Maxence, puis retrouver un semblant de respect pour la femme. D'ailleurs, il n'était pas sûr que cette dernière lui rende la pareille auprès de Karm présentement. Lui, pondéré, s'était en tout cas promis de ne pas salir l'intéressée, somme toute loyale, courageuse et effectivement, proche de son compagnon.

Le jeune homme s'adossa contre la chaise, coulant un regard en biais à un mur proche de Karm. Son attitude montrait qu'il avait réfléchi, que les premières réactions, brutes, avaient disparu sous l'effet de longues pensées à ce sujet. Néanmoins, il demeurait encore interrogatif et peut-être un peu blessé par l'attitude de l'Ark-Ni. Qu'avait cru ce dernier ? Que Luke refuserait de rencontrer ou de travailler avec Maxence en connaissant son caractère ? Il le savait, pourtant, que le Hapien tenait à bien s'entendre avec ses proches, il lui avait même répété être prêt à obéir comme n'importe quel Chevalier à ses ordres. Avait-il craint un caprice de son ami qui prônait avant tout qu'on le traite de la même façon que les autres malgré son statut implicite (être l'apprenti le plus proche de Saï Don, ce n'était pas rien), son handicap voire sa relation avec une étoile montante de l'Ordre. Était-ce donc un manque de confiance ou... Un jeu ? Non il n'aurait pas osé.
Karm Torr
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Dans la chambre que le Maître occupait temporairement au sein du Temple de Coruscant, Karm observait par la fenêtre le flot interrompu des speeders et, au-delà, la forme colossale du Sénat galactique. Jadis, il aurait été terrorisé de la mission qu’il avait acceptée, ou même plutôt qu’il avait choisie, mais les années avaient passé et il avait mûri. Le Sénat avait repris pour lui des proportions moins mythiques.


Quelques semaines plutôt, Zluburg, qui était devenu guérisseur en chef de l’Enclave de Dantooine, l’avait approché avec des informations préoccupantes à propos de la situation sur Dac. La planète océanique était en proie à un conflit de plus en plus inextricable entre des promoteurs industriels et des associations de défense du littoral et le Consulaire avait convaincu l’Ark-Ni de se pencher sur la question.


Karm n’avait pas tardé à enrôler l’aide de Luke. Lui-même ne se voyait pas comme un médiateur et il avait une idée précise de ses propres capacités et, en l’espèce, des domaines où il manquait entièrement de talent. La politique n’était pas son affaire, pas plus que l’administration, mais en sa qualité d’explorateur, il s’était familiarisé avec les exigences de la protection de la nature et il avait ses entrées dans certaines administrations.


Les deux Jedis étaient arrivés sur Coruscant un peu plutôt dans la journée, et ils avaient passé celle-ci à achever la lecture des nouveaux matériaux que les Archivistes du Temple avaient pu rassembler durant leur voyage. C’était désormais une documentation abondante qui remplissait leurs datapads, mais dont Karm savait d’expérience qu’elle ne constituait qu’une facette de la réalité.


Le Gardien fut tiré de sa rêverie par la voix de son compagnon.


Hmmm…


Assis en tailleur sur son bureau, parce qu’il était naturellement dénué de tout sens des convenances (Karm, pas le bureau, qui est d’une probité irréprochable), le Jedi posa sur son ami un regard que celui-ci put deviner percer, car la présence du Gardien dans la Force s’était concentrée encore un peu plus.


S’il avait paru désarçonné, les premières semaines de sa nomination comme Maître, les mois avaient passé et désormais, l’Ark-Ni prenait un peu plus la mesure de son rôle. Ceux qui avaient jugé sa promotion prématurée, ou même tout simplement impossible, étaient bien forcés de constater que sous ses dehors impétueux et irrévérencieux, l’explorateur cachait des réserves de sagacité sur lesquelles Saï Don et le Conseil ne s’étaient pas trompés.


J’ai une réponse à te fournir qui est celle d’un Maître, et une autre qui est celle d’un petit ami. Je crois que les deux vont main dans la main, mais je vais commencer par la deuxième.


Karm ramena une mèche de cheveux grises derrière son oreille.


Je sais que tout vous oppose et je me doutais un peu que ça se passerait mal, au début, c’est vrai. Mais j’avais confiance dans votre affection à l’un et à l’autre pour moi, et j’étais absolument persuadé que vous finiriez par coopérer. Je voulais pas vous prévenir, ni toi, ni elle, parce que je voulais que chacun de vous voit une partie de moi que parfois vous… Pas ignorez. Mais dont vous pouvez peut-être sous-estimez l’importance.


Sa voix n’était pas sans une pointe de mélancolie.


Parfois, je fais des efforts pour expliquer. À Max’, que j’appartiens à l’Ordre et que même si je suis… Disons légèrement atypique, pour un Jedi…


Mais juste légèrement, bien sûr.


… j’reste un Jedi et pas qu’à moitié. J’suis même complètement persuadé d’incarner une interprétation orthodoxe du Code. Peut-être pas la plus consensuelle ces temps-ci, ni ces derniers siècles, mais une interprétation ancrée dans nos traditions. Je suis attaché à mon Ordre, à ses Temples, à ses coutumes, à son organisation, à ses traditions, à ses enseignements, et je serai pas, je pense, jamais, un mercenaire qui vit sa vie en toute liberté dans la Bordure galactique, même si parfois je donne l’impression d’être fait pour ça.


L’Ark-Ni déplia les jambes pour descendre du bureau et venir s’asseoir à côté de Luke.


Toi, tu le sais. Tu sais que si je suis devenu Maître, c’est que je suis loin d’être aussi marginal qu’on veut bien le dire, ou que je le prétends moi-même parfois. Tu sais que j’passe plus de temps à réfléchir au Code que la plupart de nos camarades qui le suivent sans poser de questions. Ce genre de trucs. Mais pour Maxence, c’est pas évident. J’ai du mal à lui expliquer. Et je voulais qu’elle se rende compte de ce que l’homme de ma vie incarnait, pour moi, et de combien c’était radicalement différent de ce qu’elle pouvait imaginer. Mais, de la même manière…


Karm posa sa main sur celle de Luke.


Parfois, j’pense que tu sous-estimes combien… Combien je fais des efforts pour lisser les aspérités de mon tempérament. Pour toi. Pour l’Ordre. C’est pas un reproche, hein. Mais m’adapter pour que tu me trouves pas trop brusque, ou trop radical, ou trop… Érotique, ‘fin sensuel, ‘fin tu vois, je sais pas comment dire, disons physique. Rentrer dans les sentiers battus, tout ça, c’est une vraie épreuve pour moi. A laquelle je me soumets volontiers, si ça te permet d’être à l’aise et de pas te sentir menacé dans notre relation et au sein de notre Ordre. Mais une épreuve quand même.


Il leva la main de son ami pour y déposer un baiser.


Maxence représente tout ça, un peu. Tous ces codes que je briserai si je le pouvais, si j’avais pas peur que ça te blesse ou que ça t’inquiète. Des codes, je sais pas… Protocolaires, et sexuels, et méthodologiques. Je suis pas du tout en train de te dire que je me sens brimé ni rien. Tu t’adaptes autant à moi que moi à toi, j’en ai bien conscience. Parfois, je me sens frustré et tout, mais c’est normal, ça fait partie de la négociation entre deux âmes sur laquelle est fondée toute relation. Juste, je voulais que tu accèdes à ça, à cette partie de moi qu’incarne Maxence, sans filtre, en direct, sans préparation. Pour en prendre la pleine mesure.


L’Ark-Ni libéra la main de son compagnon.


Et donc ça, c’est ma réponse d’amoureux. Ma réponse de Maître… Hmm… Ma réponse de Maître, c’est que tu es préparé à trop de choses encore, et que parfois, quand on prend le soin de tout affronter, on a du mal à progresser. T’as beaucoup de systèmes de défense, beaucoup de timidité encore, mais t’es plus un adolescent, ni un Padawan, ni l’apprenti de personne. Tu es le Chevalier le plus réputé à l’intérieur de notre Ordre. Littéralement. Tu as des pouvoirs que peu de gens de ton âge ont. Et du coup…


Il scrutait la réaction de son petit ami et ne put s’empêcher de préciser :


J’suis désolé, je manque sans doute pas mal de tact, c’est pas un exercice évident d’être… les deux à la fois. Du coup, j’préfère être clair au risque d’être un peu direct. Donc, du coup… Tu as une sorte de responsabilité à te montrer à la hauteur de tes talents. À sortir de ton retrait. À assumer ta position. Je te dis pas qu’il faut que tu sois exubérant et autoritaire, mais… Si tu dois servir l’Ordre à la hauteur de ton potentiel, qui est manifestement immense, et ton devoir est bien de servir l’Ordre, alors il faudra que tu apprennes à sortir de ta zone de confort. À faire preuve de plus d’assurance. À tenir ferme dans la confrontation. Et à te débarrasser de certaines de tes peurs, de tes angoisses, par rapport au regard des autres, à ce que les gens vont penser de toi.


Et il ne faisait pas seulement allusion à sa sexualité, mais aussi à l’obsession que Luke avait parfois à propos de sa relation avec Saï Don et des avantages qu’il croyait en découler, ou à toutes les autres manières que le jeune homme avait de constamment rogner sur ses capacités.


Tu es un homme. Tu es bientôt trente ans. Tu es un Chevalier plus qu’accompli. Une présence d’exception au sein de la Force. Un futur Maître, à n’en pas douter. C’est des choses que tu dois assumer. Incarner. C’est ce que l’Ordre attend de toi. Rencontrer Maxence, comme ça, sans être préparé, c’est une thérapie de choc. J’imagine qu’elle t’a dit plein de trucs qui t’ont remué. Elle est comme ça. C’est pas agréable, c’est même brutal, mais parfois, pour grandir et mûrir, on a besoin d’être un peu secoués.
Luke Kayan
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- C'est incroyable.

Soupira le jeune homme, d'abord neutre, comme s'il hésitait entre l'attitude à adopter : agacement ou amusement. Son esprit tergiversa un moment avant de se décider. Un sourire malicieux habilla ses lèvres.

- Tu t'en sors toujours. Et ça prétend ne pas maîtriser la rhétorique.

Quoiqu'encore dubitatif sur les manières adoptées, le Hapien était convaincu que les intentions avaient été excellentes sans inquiétudes sous-jacentes. Karm n'avait pas agi par manque de confiance envers lui, ni vraiment pour le tester. Ou plutôt, si, en quelques sortes, mais pas dans le but d'évaluer sa fiabilité.

- Je comprends mieux ta démarche maintenant... Mais tu sais, au fond je sais combien ce filtre que tu revêts te pèse, et je te remercie de ne pas m'en tenir rigueur d'ailleurs. Sache que tu n'as rien à craindre en tout cas, et que je pense être plus fort que tu ne le penses -et que je le pensais en la matière.- Tes goûts, tes intérêts, tout ce qui te compose me plaît. Je sais que tu te retiens et je t'en suis reconnaissant, moi aussi je veux avancer, je me pose des questions puis j'ose ce que je n'aurai jamais fait car je pense que tu le mérites. Nous le méritons. Même en t'imaginant sans filtre, je ne t'imagine pas ressembler à Maxence. Il y a trop d'empathie en toi, de préoccupation pour autrui et, oui, de tact. En brisant les codes, tu compromettrais peut-être notre place dans l'Ordre mais... Pas mon amour et c'est des fois, ce qui peut m'inquiéter parce qu' il représente une grande partie de ma vie, ma vocation. La nôtre, mais je sais aussi que tu lui est tout aussi loyal. Respectueux de nos aînés, protecteur des plus jeunes... À ta manière, tu en es un des plus fidèles membres, animé par le désir qu'il s'améliore, se rapproche de ceux que nous défendons, des valeurs que tu alimentes avec ta façon bien à toi de faire. Tu n'as pas besoin de t'en faire, je ne te fuirai pas, même en découvrant d'autres parties de toi ou en voyant certaines s'accentuer. Bon... Dans une certaine mesure hein.

Plaisanta le jeune homme, quoiqu'un léger toussotement trahisse tout de même les efforts qu'il mettait à s'exprimer. Démêler le vrai du faux, s'assurer qu'il était bien prêt à suivre Karm avant de lui servir un mensonge involontaire par exemple. Toujours est-il que Luke espérait que celui-ci n'avait pas peur de sa réaction s'il se montrait un peu plus "direct" comme l'était Maxence, ou sensuel. Au pire, il rougirait, refuserait éventuellement s'il n'était pas prêt mais entre eux, un genre de consensus implicite les avaient toujours sauvé de disputes. Grâce à l'explication du Maître, Luke n'avait pas mal pris l'initiative de lui faire rencontrer la mercenaire comme un genre d'intermédiaire, une classe "préparatoire" à cette partie camouflée de lui-même. Au fond, le Hapien savait bien que son ami avait toujours un filtre à cause de sa petite personne et il en avait été reconnaissant dès le premier jour.

- Quant à l'explication du maître... Je t'avoue être légèrement plus dubitatif. Si tu as raison quant à ma timidité et certainement mon manque d'entraînement face à l'imprévu, je ne pense pas être… Un des Chevaliers les plus prometteurs et encore moins le plus réputé. - Aucune fausse modestie là-dedans, en fait, l'idée que cela puisse être vraie effrayait le jeune Jedi. Toute sa vie, il avait aspiré à être "normal", à se fondre dans la masse. Sa propre Histoire comportait déjà trop de dissonances, positives comme négatives.- Tu le sais, je suivrai les ordres du Conseil mais je ne souhaite pas être nommé Maître. Peut-être en partie par lâcheté, qui sait ? Et par crainte de davantage de responsabilités, en partie, néanmoins je suis surtout intimement convaincu que je peux faire plus en conservant ma place. J'essaye d'être polyvalent dans plusieurs domaines, de combler les trous, quand il manque un guérisseur, pour une négociation et parfois… Oui en guise d'explorateur. Je pense que ce rang au milieu de tout est très importante. Il y a des gens très charismatiques comme Maître Don, ou toi, ou encore Maître Marja qui sont fait pour guider les autres, les mener sur la bonne voie, discuter de l'avenir ou tracer les premières pensées d'un Ordre innovant, mais si tous montent… Qui restera-t-il pour faire fonctionner le mécanisme ? Toute grande machine a besoin d'ouvriers pour la huiler, je pense que c'est là ma place.

Indiqua doucement le jeune Jedi qui, après de longs mois d'hésitation commençait à trouver une certaine stabilité. L'espèce intendance qui s'installait doucement entre l'Ordre et les autres Institutions passait naturellement par lui. Cela s'était fait au fil des enquêtes, par pur hasard, un peu comme son entrée dans le monde de la médecine. S'il aspirait à plus, qui serait là pour "combler les trous" ? Il y avait suffisamment de jeunes prometteurs qui aspiraient à une nomination pour les laisser prendre cette voie. Luke était heureux comme ça. Il espérait faire assez pour contenter son Ordre, aider la population, et il voulait s'améliorer -en témoignaient ses formations incessantes ainsi que son entraînement sérieux- mais dans la limite de son rang. Était-ce égoïste ? La question implicite se lisait dans son regard éteint. À vrai dire, Luke n'avait jamais vu (et sa cécité n'était pas une excuse) les choses sous cet angle. Ayant pris en maturité, il ne se fermait pas mais était clairement chamboulé. Sous la main de son compagnon, ses propres doigts se crispèrent légèrement. Le Hapien acceptait très bien la critique, de fait il lui fallait se retenir pour ne pas l'alimenter, plutôt du genre à s'enfoncer davantage que Karm et sans aucun tact, mais l'idée de devoir aller plus loin que ce à quoi il aspirait l'angoissait.

- Je suppose, oui. Pour la thérapie de choc.

S'il ne s'épargnait pas, Luke ne put toutefois s'empêcher de se demander un instant s'il n'avait pas assez vécu de "thérapies de choc" pour qu'on lui en impose une autre, volontairement. Toutefois, sachant que son ami n'était pas du genre à le blesser gratuitement il se retint, se promettant de réfléchir plus profondément à la nécessité d'avoir entendu ces choses qui l'avaient remué. Pour l'instant, le jeune Jedi n'était pas encore prêt à saisir en quoi les avoir reçu en pleine figure lui servait, surtout que cela avait davantage concerné sa vie privée ou son caractère plutôt que ses capacités en tant que Chevalier. Résigné, il baissa la tête un peu, promesse d'y penser plus profondément afin de ne pas simplement juger la femme comme une désagréable thérapie. Il y avait sûrement des leçons à tirer dont le Consulaire n'avait pas su profiter encore.

Karm avait libéré sa main après un baiser. Luke se détendit un peu. Il savait que malgré cette discussion pas tout à fait aboutie, les choses allaient bien.

- En conclusion, je dois quand même avouer que Maxence est, au fond, quelqu'un de très bien. J'ai apprécié qu'elle dédramatise autant notre relation. C'était gênant, et j'ai songé à clore le sujet, mais je me suis souvenu de nos discussions et… Et nous en avons parlé un peu. J'ai avoué de vive voix, on a discuté un peu de tout ça et… Hum, bon ce n'était pas très élaboré, mais c'est la première fois que je ne sous-entendais pas, que je parlais, avec des mots, sans implicites. Je trouve sa tolérance admirable… Et oui, sa manière de se moquer du regard d'autrui mâture. Enfin jusqu'à un certain point car elle serait bien capable de se balader nue dehors, juste par esprit de contradiction ou parce qu'il fait trop chaud. Mais, c'est une femme pleine de ressources avec un grand courage ainsi qu'une certaine capacité d'analyse des gens.

Se décida-t-il à dire en se remémorant un peu ce que Maxence lui avait dit. Admettre qu'il avait parlé de sa relation avec la blondinette, assis en tailleur sur un lit en mangeant des chips, c'était dur pour l'égo, parce qu'aussi désagréable avait-elle pu être, la mercenaire avait en effet su être une bonne professeure.

- Enfin voilà. J'ai au moins appris que parler de tout ça n'est pas une catastrophe ni un tabou. Ça dépend avec qui mais... Je pense que je tenterai bientôt avec un ami que je connais, si la conversation vient sur le tapis. C'est une personne assez ouverte d'esprit qui a déjà connu l'amour auprès d'une civile. Il m'en avait parlé mais je n'avais su quoi lui répondre. Cette fois... Je pense que je saurai lui donner le change.

Luke n'était pas certain de tout à fait y arriver mais il avait profondément réfléchi. Sa connaissance était partie, déçue après ses aveux, dérouté par le ton compatissant de son cadet mais ses paroles peu impliquées. Cette fois s'était-il promis, il répondrait en discutant de sa propre expérience comme il soupçonnait cet autre Chevalier de l'avoir auparavant voulu. Il fallait bien l'admettre, sa relation avec Karm était de plus en plus connue, y compris hors de la salle du Conseil, alors autant continuer à tenir promesse, c'est-à-dire, avancer.

- Chez les tiens, je t'avais promis de toujours écouter, si tu voulais discuter de choses plus... Euh sensuelles ? C'est toujours d'actualité. Je ne progresse pas très vite dans les faits, mais pour écouter, parler et comprendre, je suis toujours disposé. Je te remercie encore d'accepter ce filtre qui te retiens, alors que je tente de me libérer du mien pour en arriver à un rééquilibrage, petit à petit. Ça me donne tellement d'espoir pour le futur.

Luke sourit avant d'achever

- Et même pour le présent, car j'admets avoir rarement été si heureux.

En ce qui les concernait toujours car le Hapien avait des préoccupations certaines à propos de Maître Don. Ce dernier quitterait probablement l'Ordre bientôt. Personnellement, il espérait que son mentor vivrait bien une retraite soudaine, le menant d'une vie folle à une tranquillité presque absolue. Professionnellement, il savait que des Jedis beaucoup moins progressistes seraient candidats à la place du grand maître, toutefois il ne s'en était pas ouvert. Cela faisait partie de ses petits progrès, essayer de moins se préoccuper du futur et du regard des autres qu'il ne captait même pas.
Karm Torr
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Peut-être que c’était pas la bonne méthode, je dis pas le contraire, reconnut Karm. Tu me connais, j’suis assez partisan du « on apprend à nager en se jetant dans un vortex d’eau en furie », mais j’imagine qu’il y a des moyens plus doux d’arriver à ses fins. Cela dit… Je comprends très bien que tu veuilles rester Chevalier et, honnêtement, dans ma conception idéale de l’Ordre, la hiérarchie est surtout, euh… ‘Fin, pas opérationnelle, quoi.

Il admettait qu’il y eût des Maîtres, des Chevaliers et des Padawans, mais pas nécessairement que les Maîtres dussent décider de tout, tout le temps. À ses yeux, il fallait que l’Ordre se comporte comme un organisme, et chaque Temple comme une communauté, où tout le monde avait voix au chapitre. Les Maîtres étaient des Maîtres parce que la communauté choisissait de les désigner comme des personnes de confiance, vers qui chacun pouvait se tourner, et parce que le monde extérieur, aussi, avait besoin de mettre quelques visages en particulier sur un groupe.

Mais cette manière de considérer l’Ordre Jedi n’était pas la plus répandue et il en avait bien conscience. Loin des origines de leur Ordre, ou tout du moins de ce qu’il en comprenait, ces origines qu’il voyait comme la réunion de curieux décidés à mettre leurs ressources en commun pour étudier la Force, l’organisation dans laquelle il évoluait avait fait le choix d’une structure fondée sur la soumission et la domination : des Maîtres au Conseil, des Chevaliers aux Maîtres, des Padawans aux Chevaliers.

En revanche, pour la réputation, ça… Je crains fort que t’aies pas trop le choix. T’es hyper connu au sein de l’Ordre. Genre, littéralement tout le monde sait qui tu es et la plupart des gens te respectent. Sans doute parce que tu touches à tout, justement, un peu les enquêtes, un peu les soins, un peu la diplomatie. Ça aide pas mal. Mais le truc, c’est que comme les gens t’identifient comme quelqu’un d’important, ben ils attendent quelque chose de toi, tu me suis ? C’est pas très juste et c’est pas forcément ce que tu souhaites, mais c’est comme ça.

Le raisonnement de l’explorateur était juste, sans doute, mais partiel, car certains Maîtres vénérés par leurs coreligionnaires ne prenaient à peu près aucune part dans les affaires de l’Ordre : ils étaient excellents dans leur domaine, mais vivaient dans une certaine solitude, ou tout du moins une sorte d’indépendance, sans donner de cours, sans participer aux décisions du Conseil. Il y avait plus d’une manière d’être un Jedi célèbre parmi les siens, mais Karm, qui se pensait d’abord comme un être pris dans une communauté, avait du mal à envisager spontanément ces carrières solitaires.

Mais tout cela, y a pas d’urgence, hein. J’veux juste que tu prennes conscience de la nécessité d’être parfois plus spontané. Et c’est aussi… Une question mystique. Enfin, je sais que t’abordes pas trop ces choses-là sous l’angle de la religion, mais… T’as un potentiel considérable au sein de la Force, ça, au moins, t’en es bien conscient, mais tu utilises très peu tes pouvoirs, et j’pense que si tu avais moins… De barrières, que tu vivais les choses plus spontanément, tu explorerais des voies nouvelles.

Il déposa un baiser sur la tempe de Luke.

Bref. Il n’empêche que je suis désolé si tu avais trouvé ça trop perturbant. J’avais pas l’intention de te traumatiser, je cherchais juste… Le plus d’authenticité possible, quoi.

Et on faisait difficilement plus authentique que Maxence Darkan.

Quant à moi… Faut pas croire que je fais des efforts immenses en permanence et que je me contiens tout le temps. Je pense que… L’exclusivité sexuelle et sentimentale, oui, ça c’est quelque chose que je vis comme une contrainte, parce que c’est radicalement à l’opposé de ma culture de naissance et de mes convictions morales. Mais… C’est pas genre une souffrance qui me ronge de l’intérieur, hein. Je suis content de faire des compromis. Le reste…

Il haussa les épaules.

Oui, j’aimerais bien qu’on soit plus tactiles, et qu’on fasse l’amour souvent, et ce genre de choses, c’est clair, mais je comprends que c’est pas ton désir et je m’adapte, y a pas de problème. Je suis plutôt frustré par le côté, hm… Théologique de la chose ? ‘Fin, ésotérique. Rapport à la Force.

On a connu explication plus claire.

Ce que je veux dire, c’est que plus le temps passe, et plus j’ai des expériences érotiques avec toi, plus je sens combien c’est lié à la Force Vivante. Pas seulement, tu sais, parce qu’il y a une question de génération de la vie, mais… Le plaisir, l’intimité qui se crée entre deux êtres, l’exercice du corps, j’ai l’impression que tout cela a un sens profond et riche au sein de la Force, et que notre Ordre est trop… Obsédé par ses principes étroits pour explorer cette voie.

Qui ne rêverait pas, pourtant, de s’abandonner à des orgies avec Saï Don pour en apprendre plus sur les mystères du cosmos ?

Ça, c’est vraiment irritant. J’ai l’impression que tout le monde est plus ou moins persuadé que tolérer notre relation et ce qu’elle implique est une indulgence, une faveur qu’on nous fait, qu’on nous consent un écart. Mais pour moi, c’est une voie à part entière, c’est une exploration de la Force autant que de nous-mêmes. Mais… Y a zéro livre sur l’érotisme de la Force dans les Archives Jedi. On trouve rien nulle part. Le sujet a l’air complètement tabou, je suis prêt à parier que c’est même pas un question de Côté Obscur et que y a rien de mieux sur Korriban, et c’est honnêtement un peu déprimant.
Luke Kayan
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- Comment aurais-tu fais, je veux dire, si ça n'avait pas fonctionné ? Si la mission avait échoué ?

Interrogea le Hapien, curieux qui se retint toutefois de souligner l'erreur sur la forme. Karm avait reconnu que la méthode n'était pas forcément la meilleure, ça suffisait, d'autant plus qu'au final tout s'était bien terminé. Le reste néanmoins le fit soupirer. Était-il d'accord ou non avec la vision de l'ArkNi ? Luke ressentait confusément qu'il pouvait y avoir autre chose, mais n'avait pas encore assez réfléchi pour trouver. Au lieu de ça, l'exemple qui surgit dans son esprit immédiatement fut celui de Saï. Ce dernier avait accepté son rôle de chef du Conseil, mais le Hapien le connaissait et se disait qu'il aurait peut-être préféré un rang modeste. Seulement, le vieil homme avait un potentiel incroyable réel, c'était sûr, prouvé, démontré, vérifié mais le concernant lui ? Un Chevalier timide et aveugle dont le statut d'aujourd'hui tenait déjà du miracle vu son passé.

- Je comprends ton point de vue, il est logique. Cela représente si bien le chemin de Maître Don... Chevalier d'exception dans son domaine, devenu Maître car l'Ordre finalement, en avait besoin. Mais je voudrais savoir s'il y a d'autres voies... Car je ne me sens pas du tout prêt à suivre un chemin un peu plus brillant que le mien. Il faut que je réfléchisse encore à comment combiner la nécessité absolue de s'améliorer pour mieux servir notre Cause, tous ces gens qui ont besoin de nous... Sans me perdre dans une voie où je ne serais pas du tout à l'aise. -En soi, cette réflexion était aussi une amélioration car le blond n'aurait jamais vu plus loin que sa dévotion auparavant. Pour une fois, il se prenait en compte.-

Quant au fait d'utiliser "très peu" la Force répondait aux principes de l'Ordre. Une des phrases que Luke employait beaucoup avec ses élèves en classe commune concernant cette grande Puissance était "on ne lui ordonne pas, on lui demande". Ne pas abuser de ce fameux partenariat entre les hôtes, demeurer responsable et oui, quelque part, payer ce cadeau que la nature leur avait fait. Le pouvoir des Jedis les aidaient à venir au secours des démunis, pas pour leur plaisir. Inconsciemment c'était sans doute ce qui retenait parfois Luke à propos de ses relations avec son ami. Quand ils se rapprochaient, leurs dons crépitaient, chatoyaient, s'étendaient à un niveau presque "indécent". Se sentir envahi d'une telle chaleur, réconfort et oui, puissance, était-ce dangereux ? Sa confiance envers le trentenaire lui permettait d'explorer, de tenter, non sans se retrouver confronté à des questions.

- Je pense que tu as raison pour la spontanéité.- Concéda Luke assez librement, sans véritable besoin de réflexion à ce niveau. Saï avait veillé à développer autant que possible l'esprit critique d'un enfant beaucoup trop suiveur, à son niveau lArk-Ni poursuivait l'oeuvre du vieil homme. Le jeune Consulaire n'était plus un Padawan mais il revenait de si loin et tout le monde ayant ses démons, lui continuait de lutter contre son incertitude.- Mais c'est parfois difficile de trouver la marge raisonnable entre découverte innocente et danger potentiel. Ceci dit, nos expériences m'ont aussi appris à aimer un peu de... D'imprévu. Forcément, sinon...

Sinon ils ne seraient plus ensemble, ou alors très mal en point, à n'en pas douter. Ces compromis le rendaient toujours fier, il s'octroyait le droit à cette sensation concernant leur couple. Parvenir à toujours faire leur devoir en se préservant aussi. C'était un travail de tous les instants que le Chevalier prenait plaisir à effectuer malgré quelques pics d'angoisse parfois. Les règles de leur Ordre étaient encore profondément ancrées en lui malgré une certaine libéralisation, sans parler de celles Républicaines qui incluaient l'exclusivité sentimentale. Avec le temps, le jeune Jedi avait appris à ne pas se sentir menacé par les aveux de l'Ark-Ni à propos de ses difficultés de lui rester fidèle. Il savait que ce dernier s'y tenait, ça lui faisait mal au coeur de l'y contraindre mais après une discussion à coeur ouvert, Luke lui avait laissé le choix. Karm pouvait rencontrer d'autres personnes, auquel cas il perdrait, sans haine ni violence, son petit ami qui, lui, ne saurait accepter le partage. Sur ce point encore, leurs différentes cultures demandaient un certain degré de compromis. Luke se considérait chanceux d'avoir un compagnon aussi ouvert, lui exprimant son mal-être au lieu de simplement céder. Il se sentait encore plus aimé grâce aux sacrifices du maître.

- Je pense aussi qu'il y a quelque chose... - Confessa le Hapien non sans quelques difficultés. Parler à cœur ouvert de ce type de sujet restait compliqué mais il avait promis et s'y attelait donc, non sans un zeste de curiosité, évidemment. Quoiqu'il en soit une partie de lui avait crié attention. En acceptant que l'Ark-Ni ait raison, ne risquait-il pas de le pousser dans ses explorations ? Mais l'inquiétude avait submergé la vérité quelques fractions de secondes uniquement. C'était un des piliers de l'Ordre et de leur relation : ne pas se mentir.- J'en suis persuadé en fait. Au début je n'y croyais pas, mais je me suis posé des questions quand tu en as parlé au début, car je sais que tu n'es pas un affabulateur puis je l'ai senti. C'est juste tellement intense... Ne crois-tu pas que ce manque de limite pourrait mener au côté Obscur ? Ça semble trop lumineux, trop pur pour ça, mais c'est toujours ce que nous avons appris.

Car évidemment, pendant l'acte, aucun ne cherchait à vraiment se contrôler. Luke peut-être au début mais par la suite, il avait laissé. La culpabilité faisait moins partie de son vocabulaire après, il se contentait de vivre ces moments merveilleux, de les apprécier puis reprendre sa vie de petit Jedi parfait. Avoir plus ou moins l'ascendance du Conseil à qui il avait sous-entendu sa relation lui facilitait la tâche car on acceptait implicitement son "écart". De là à explorer plus ce côté de la Force Vivante... ?

- Tu sais, certains chercheurs Jedis ont commencé des travaux seuls, sans véritable "autorisation" ou même appui. Leur ouvrage a ensuite été parfois encensé, parfois rejeté mais ils ont exploré cette voie qui leur paraissait si juste, innovante mais juste. Tu pourrais... Lancer ce sujet ? Des bribes, une esquisse que des générations futures pourraient choisir de suivre ou non.

La recherche n'avait jamais été punie, tant qu'elle ne menait pas à l'ambition excessive. Karm avait la confiance de ses pairs, même si Luke n'avait aucune idée de comment débuter de telles expérimentations, il savait qu'on laisserait son ami se lancer. Il ne serait pas frontalement découragé.

- Pour le côté tactile, je pense que c'est dans mes cordes.

Le jeune homme s'approcha pour embrasser son ami et caresser ses cheveux argentés à la texture à la fois si commune et si spéciale. Il l'aurait reconnue entre milles.

- Maître Don a l'intention de quitter l'Ordre bientôt.- Souffla-t-il non sans un air d'inquiétude sous-jacent, ceci dit comment en vouloir à ce merveilleux homme qui avait tout donné pour les siens ? Son mentor, son sauveur. La réputation de ce dernier rejaillissait involontairement sur Luke, toujours persuadé d'avoir un renom -s'il en avait un- à cause de sa relation avec Saï, mais c'était le seul "désagrément" de sa formation. Tout le reste avait été extraordinaire. Les absences de son maître à cause de son haut statut, de ses responsabilités spéciales et de fausses accusations avaient parfois pesé mais le Hapien considérait l'ensemble de son apprentissage comme une bénédiction. Autant dire, donc que l'avis du Vénérable doyen comptait énormément pour lui.- J'ai réfléchi à une discussion que nous avions eu il y a un certains temps. Tu étais déçu car tu aurais aimé que je parle à Maître Don de notre lien au juste de le sous-entendre. Je compte lui parler. Le dire ouvertement avec lui.

Le départ du vieil homme risquait d'ailleurs de chambouler pas mal de choses, dont peut-être, la tolérance des aînés concernant la relation entre les deux Jedis.

- Si tu dois commencer à essayer de faire recouvrer la vue aux aveugles à propos de cet Ésotérisme, il faut le faire maintenant, mais surtout très doucement. Il manque peut-être parce que c'était à toi de l'introduire. À toi de nous faire voir ce qu'est la Force Vivante ?

Souffla le jeune homme laissa sa main retomber au niveau de la hanche de son ami. Lui-même continuait naturellement de considérer que l'Ordre leur offrait un cadeau en les laissant sortir ensemble, mais il savait aussi que leur relation les grandissaient. Il apprenait à voir le positif d'un amour véritable et équilibré. Est-ce que d'autres pourraient comme lui, recouvrer la vue sans danger ? De toutes manières, le Hapien avait confiance en son aîné pour stopper si cela déclenchait un cataclysme, ou accompagner cette "innovation". Il savait que ce dernier saurait se faire entendre, introduire un thème révolutionnaire sans engendrer le chaos.

- Nous arrivons bientôt.

Signala soudain Luke avait un ton où perçait légèrement le regret. Comme pour lui donner raison, une voix féminine agréable quoiqu'un peu mécanique annonça l'approche de la planète. Le blond l'avait anticipe grâce aux vibrations légèrement changeantes indiquant une mise en position. Si Karm avait réussi à "transformer" un Consulaire convaincu en petit explorateur, il pouvait faire avancer l'Ordre sans le détruire, preuve en était le projet de Dantooine.



Karm Torr
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Hmmm…


Ils étaient sortis de l’hyperespace et, de l’autre côté des hublots, l’orbite embouteillée de Coruscant, avec ses centaines de milliers de vaisseaux qui la rejoignaient ou la quittaient constamment, offrait un spectacle auquel l’explorateur aurait toujours du mal à s’habituer, lui dont le quotidien était sinon fait de planètes découvertes pour la première fois.


Je crois qu’il y a une marge entre refuser absolument de considérer le lien entre la sexualité et la Force et puis se lancer dans des expérimentations débridées. Ce qui me pose problème, c’est qu’on nous dit, et on sait que c’est vrai : la Force, c’est la vie, ça naît de la vie, la sensibilité de la Force est une fonction de la vie, elle trouve ses fondements dans des réalités biologiques, mais en revanche, vous devez vous méfier de la sexualité, qui est précisément à l’origine de l’épanouissement psychique et physique de la plupart des vies sentientes.


C’est contradictoire et c’est illogique, et quand quelque chose est illogique dans un enseignement, j’ai tendance à penser que c’est parce que ça découle pas de principes sains et solides, ni de l’expérience, mais de préjugés moraux. En l’occurrence, c’est de l’obscurantisme. C’est de l’obscurantisme à double titre : parce que ça ne cadre pas avec ce qu’on sait de la Force d’une part et ça ne cadre pas avec des siècles de recherche scientifique en psychologie d’autre part. C’est une posture à la fois dangereuse sur le plan rationnel et sur le plan mystique.


Mais je dis pas pour autant qu’il faut… Faire n’importe quoi. Engager les Padawans très jeunes à avoir une sexualité débridée, par exemple. Ou exiger que tout le monde explore la Force Vivante de cette façon, de la même manière qu’on exige que tout le monde médite. Mais c’est juste… Une question de bon sens, finalement. Et encore une fois, c’est pas les recherches en psychologie et en sexologie qui manquent pour nous guider en la matière.


Et dans ce domaine comme dans d’autres, j’pense que… Que le Côté Obscur est moins une qualité intrinsèque de la Force qu’une conséquence de son utilisation.



C’était un point théologique qui divisait l’Ordre Jedi comme l’Ordre Sith. Côté Obscur et Côté Lumineux étaient-ils des vérités idéales, dont l’existence était extérieure à la perception de celles et ceux qui maniaient la Force ? Ou bien celle-ci, entièrement neutre, ne se teintait ainsi que par les attitudes des Sensibles ? Karm appartenait fermement à cette seconde école.


Ce qui obscurcirait tout ça, ben… Ce serait pareil que dans n’importe quelle vie, en fait. La jalousie entre des partenaires multiples, ou bien une certaine addiction aux relations physiques, un engagement du corps qui devienne mécanique et ne soit pas enrichi par la participation de l’âme et de l’esprit. Je reconnais volontiers que c’est un domaine plus compliqué qu’un autre, parce qu’il est tabou.


J’veux dire… Un Padawan qui ressent de la colère en se battant au sabre, il peut à la rigueur en parler avec pas mal de liberté et recevoir des conseils. Tout le monde avouera volontiers que dans le combat, on court toujours le risque de s’emporter et tout ça. Tout le monde en a fait l’expérience à un moment ou un autre. C’est pas glorieux, mais c’est pas tabou. En revanche, la sexualité, ça… Même parmi les gens qui en parlent très librement, il y a toujours quelque chose de trop intime pour qu’on ait envie de l’expliciter, et c’est là où peut se loger le Côté Obscur.


Donc… Oui, j’pense qu’il faut faire preuve de pas mal de prudence. Mais je pense que c’est aussi en expérimentant qu’on se met en sécurité. Si on recherche les sensibles, qu’on les recrute et qu’on les entraîne, c’est bien parce que sinon, tout déraille. Que laisser un aspect de la Force en sommeil, parce qu’on refuse de le regarder en face, ou simplement qu’on s’en est pas donné les moyens, c’est dangereux. Et c’est exactement ce qu’on fait avec cet aspect fondamental de la Force Vivante à l’intérieur de nous.


Quand son ami suggérera en quelque sorte que c’était sa destinée de porter ces réflexions au sein de leur Ordre, Karm eut un rire un peu nerveux.


Ouais, j’suis pas persuadé d’être le meilleur orateur ni le meilleur pédagogue pour parler de ce genre de choses. Ou de quoi que ce soit. Mais j’imagine qu’il y a pas trop le choix. Je suis pas devenu Maître pour être juste un Super-Chevalier. Je vais essayer… de faire une sorte de plan. Ouais. Si je m’attache à un bureau et que j’efface le code des menottes, je serai bien obligé.


En attendant, ses bras se referment autour de Luke, pour le garder contre lui, après leur baiser.


Il m’en avait parlé, oui, dit-il après cela, quand son ami évoqua le départ du Grand Maître. Il y a deux ans environ, quand je me rétablissais après notre rencontre avec Tavaï sur Coruscant.


Et l’ancienne Maître s’y trouvait précisément en ce moment même, plongée dans un profond coma, dont elle n’était pas sortie depuis qu’il l’y avait livrée, malgré tous les efforts de guérisseurs du Temple réunis autour d’elle. On doutait désormais qu’elle reprît jamais conscience.


Je ne savais pas bien à l’époque si ce serait imminent ou non et il s’inquiétait je crois des conséquences que ça aurait sur nous. Honnêtement… J’y ai pas trop réfléchi. Spéculer sur la composition du prochain Conseil, chercher à deviner les orientations politiques des uns ou des autres, pêcher les bruits de couloir, c’est pas trop mon truc et je suis nul pour ça. Je devrais probablement m’y maître, j’imagine que ça fait partie de mon rôle de Maître.


Rien que l’idée de s’essayer à tirer son épingle de la course au Conseil qui ne manquerait pas d’animer l’Ordre après le départ de Saï Don lui paraissait risible dans ce cas, tant il était habitué à être, pour bien des dirigeants de leurs institutions, une sorte de marginal excentrique qui poursuivait ses lubies très, très loin des salles de conseil.


L’idée que sa popularité rayonnante auprès de la jeune génération de Padawans et de Chevaliers pût faire de lui un candidat à de plus hautes fonctions ne l’avait pas encore effleuré.


En attendant, leur vaisseau commercial amorçait sa descente vers Coruscant et les Jedis reprirent sagement place dans leurs sièges respectifs, pour s’y sangler. L’attente interminable presque inévitable dans ce genre de vols mit leur patience de moines à contribution : c’est que le vaisseau était contraint à ralentir tant qu’une place ne se libérait sur les pistes collectives de l’astroport le plus proche.


Quand ils purent enfin débarquer, avec la foule des autres passagers, ils se frayèrent un chemin entre les bagages et les familles de touristes complètement déboussolées, pour gagner un taxi-droïde.


Salut, fit l’Ark-Ni en s’installant sur la banquette. Tribunal commercial, secteur du Sénat, s’il vous plaît.
Et c’est. Parti. Mes petits. Messieurs, articula la voix mécanique de leur chauffeur, avant que le speeder ne s’engage dans l’une des voies aériennes.


Les deux hommes avaient rendez-vous avec la présidente du panel de juges à qui l’arbitrage du contentieux commercialo-industriel avait été confié, après une énième action en justice des ONG mon calamari, et ils espéraient que cette magistrate aguerrie, qui avait réussi à faire admettre aux différentes parties la médiation de Jedis pour tenter de régler le conflit avant d’en venir au procès, les aiderait à naviguer cette affaire complexe.
Luke Kayan
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- Je pense aussi que la Force est neutre - Fit Luke doucement. Sa théorie différait légèrement de celle de Karm, dans le sens où un comportement violent ou trop passionné pouvait assombrir la Force, rendre l'individu plus puissant et donc commencer à le séduire, mais globalement il partageait les idées de son ami. Des émotions mal gérées poussaient la personne à laisser ses dons jaillir n'importe comment, à l'instar d'un enfant qui n'avait pas encore appris à les maîtriser. Au fur et à mesure des expériences, l'être provoquait finalement ces sensations afin de renflouer le flux d'énergie, obscurcissant lui-même ce qui, avant, était neutre. La lumière quant à elle naissait d'un tout autre travail visant à filtrer ses propres émois. La manière d'en appeler à la Force : de lui demander ou d'abuser d'elle créaient l'influençaient, la transformant en éclaircie ou en orage. Le côté obscur quant à lui consumait l'être par simple réaction biologique. Trop puissant pour le pauvre socle qu'était le corps, il le dévorait. La relation Midichloriens et l'hôte se transformait, devenant celle de parasites, tandis que le côté lumineux marchait comme une symbiose ou chacun, conscient des bénéfices qu'offrait son "colocataire" donnait généreusement sa part. C'était moins poétique que ce que prônaient certains Jedis, dont Luke auparavant qui considérait l'Entité comme sa mère de substitution mais c'était un fait. Son entrée inattendue dans le monde de la Médecine l'avait mené à avoir une considération plus scientifique que théologique. Bien qu'il reconnaisse un aspect religieux dans leur façon de vivre et de croire, le Hapien ne définissait clairement pas l'Ordre comme un mouvement religieux. Le Sensible transformait la Force neutre en un courant Noir, blanc voire gris car force était de constater que oui, les Jedis oscillant entre les deux existaient sans être condamnés à sombrer. Seule la paradoxale croyance au fait que la Force les guidaient parfois sur des sentiers inexplicables subsistait avec, inévitablement une certaine affection (un côté théologique finalement que le jeune homme considérait trop minime pour le considérer comme tel). La Force avait beau ne devenir qu'un hôte semblable à tout animal incapable de vivre sans corps, Luke n'en éprouvait pas moins de reconnaissance à l'idée d'avoir été choisi et d'être autant choyé. Pour lui, l'échange était injuste et la Grande puissance Mystique qui les habitait donnait beaucoup plus qu'elle n'exigeait. Cette vision qu'avait le Hapien le poussait à davantage croire que c'était à l'Homme d'être attentif à ses émotions, à travailler sur lui. Il n'avait aucune excuse, si cela dégénérait, c'était parce qu'il se laissait entraîner. -

- Tu devrais essayer de rencontrer Maître Pirin. Atalan Pirin, je ne l'ai pas vu depuis longtemps, mais c'est lui qui m'a inculqué les bases de la médecine. D'après lui, il fallait former les Padawans dans ce domaine, je veux dire, les prévenir pour la sexualité, leur expliquer, tant pour qu'ils se comprennent eux-mêmes qu'il fassent attention. Au final, je dois admettre que c'est lui qui m'a fait changé d'idée sur ce fait. Peu après, le hasard a voulu que j'ai le cas d'une Padawan qui s'était ouverte à moi concernant sa relation avec un jeune homme de l'extérieur. Je me suis retrouvé partiellement bloqué face à ses questions, mais ça aurait été encore pire avant ce je n'aurais rien pu faire. Elle aurait alors probablement cherché les réponses seule et de manière inadaptée.

En plus, il fallait bien l'avouer, la vie moderne influençait nettement plus les jeunes Jedis de maintenant. Les cas d'élèves parvenant à garder contact avec leur famille ou réclamant ce droit à aimer étaient plus nombreux. Que répondre à leurs revendications quand on savait qu'un maître du Conseil avait eu des enfants désormais étudiant au Temple et conservé sa place ? On ne pouvait plus simplement répondre par un "non" intransigeant en invoquant des traditions désuètes que des aînés ne respectaient pas. Cette idée faisait peur à Luke. Il ne voulait pas autant se détourner du chemin, encourager quelques prises de liberté pourquoi pas, mais donner son franc accord ? Pour autant, ce serait beaucoup trop hypocrite, surtout venant de sa part de continuer à prôner les anciennes lois. Comment trouver un juste milieu ? Probablement en éduquant.

- Je pense qu'il est temps de se pencher sur une question qui se pose de plus en plus. Et avec elle, comment procéder, ce qu'il faut encourager ou limiter.

Soupira le Jedi pas tout à fait à l'aise avec cette réalité mais au moins honnête dans son cheminement. Modifier sa manière de penser, admettre que l'on se trompait ou qu'il fallait évoluer n'était jamais simple mais Saï lui avait beaucoup enseigné à ce niveau. Plus ouvert que certains Maîtres de sa génération et obligé, une fois n'est pas coutume, d'encourager les sentiments de son Padawan au lieu de les réfréner pour faire jaillir sa personnalité, le vieil homme avait développé son esprit critique. Sa formation avait davantage consisté à le pousser à explorer ses sentiments pour les sortir, puisqu'il n'avait jamais fait preuve de fougue. Peut-être quelques vagues prémisses à l'adolescence lors de sa rencontre avec Josh, mais son éclat "rebelle" avait duré quelques semaines à peine. Saï avait donc forgé son ex-apprenti en ce sens, le forçant à se remettre en question, à ne pas se reposer sur ses acquis ou à être trop influençable. Si c'était encore le cas vu son admiration pour ses aînés, au moins savait-il reconnaître ses torts ou la nécessité absolue d'un changement. Après des années passées auprès de Karm, plusieurs preuves accumulées de ce que leur relation lui apportait et l'observation -parfois douloureuse- de ce qui se passait autour, du monde qui se transformait, Luke commençait à penser qu'Atalan Pirin et son ami avait raison. En ce sens l'ignorance pouvait être dangereuse.

Le Chevalier enfoui inconsciemment sa tête contre son épaule lorsque ce dernier évoqua le départ de Saï. Savoir que ce dernier s'était ouvert à Karm rendait encore plus réel la fin d'une époque dorée. Bien qu'il ait confiance envers les membres du Conseil, le jeune Jedi favorisait inévitablement Maître Don. D'ailleurs, ce n'était pas de la pure subjectivité d'ancien apprenti puisque le vieillard était incontestablement un des dirigeants les plus aimés. Modéré tout en étant pragmatique, juste, il avait toujours su allier modernité et traditions en prônant, en plus, l'éloignement de l'Ordre de la politique Républicaine. Si sympathique et loyal avaient pu lui paraître Halussius, le Hapien n'aurait pas aimé le voir comme chef du Conseil, ni lui, ni d'autres qui s'intéressaient trop à la politique. Sans se l'avouer, le jeune homme craignait aussi que Maître Marja, rigide, ne soit élue. Qu'en serait-il d'eux ? Le Jedi réfréna ses pensées égoïstes. Il devait être prêt à soutenir son maître qui avait le droit (davantage que quiconque) à ce repos ainsi que le nouveau chef. Leur Ordre était dirigé par des sages qui agiraient pour le mieux de toute la communauté et lui n'était que Chevalier. Karm devrait sans doute se mêler davantage de ces questions, et autant dire que son ami, si Consulaire soit-il ne l'enviait guère. En guise de consolation et d'appui, Luke lui offrit un dernier baiser, en symbiose avec le haut-parleur qui indiquait leur arrivée.

- Tu feras ça très bien, et je sais que les autres te guideront. Tu es un maître, certes, mais un nouveau maître. Tous ceux nommés l'ont été pour une bonne raison de base, ensuite ils ont été accompagné. N'hésite pas à t'ouvrir à eux, à évoquer tes doutes mais aussi tes idées.

Le jeune Jedi avait beau craindre leur jugement, il était persuadé de la bienveillance fondamentale de leurs pairs. Quant aux enjeux de la diplomatie, l'Ark-Ni allait avoir l'occasion de pratiquer avec cette affaire qui les attendaient.

- Bonjour. Maître, Chevalier.

Sans cérémonie, tous deux s'assirent. La femme poussa un léger soupir tout en glissant un épais dossiers aux deux hommes. Elle s'était bien renseignée, signe qu'elle était organisée mais s'attendait aussi à beaucoup de la part des Jedis puisque l'une des copies était en braille. Luke refusa gentiment une boisson, laissant à Karm le choix de l'accepter, quoiqu'il en soit, la présidente ne perdit pas une seule seconde en palabres, la situation l'inquiétait, elle peinait à ne laisser transparaître aucune idée personnelle mais y arrivait toutefois, très professionnelle. Impossible pour l'instant de dire pour qui son coeur flanchait.

- J'ai difficilement obtenu ce consensus, admettons-le. Surtout de la part de M.E.R.C.U.R.E. De fait, l'élection prochaine du Conseil a forcément joué. Les prétendants à la chaire de haut dirigeant vont sûrement essayer d'anticiper la volonté des actionnaires... Sont-ils en faveur d'accumuler les crédits ou de suivre la tendance plus écologie pour cultiver la réputation de leurs industries ?

La présidente soupira, elle croisa ses mains devant elle, les yeux braqués sur Karm, peut-être parce que le regard de Luke le mettait mal à l'aise, mais surtout car c'était lui le maître. Dans cette société si hiérarchisée depuis l'enfance, elle privilégiait forcément le rang le plus élevé bien qu'elle ne dénigre pas l'autre.

- Quant à l'association P.L.O.M.C elle sait qu'obtenir cette victoire la conditionnerait favorablement pour en avoir d'autres par la suite. C'est donc un enjeu capital pour elle, la chance de décoller réellement ou de s'éteindre aussi rapidement qu'elle a vu sa popularité exploser. Consciente du regain d'intérêt pour les populations envers le bien-être écologique de leurs mondes, elle est vindicative, clairement peu disposée à négocier car se sachant soutenue par de nombreux peuples et par extension, de riches industriels ainsi que des dirigeants avides d'obtenir leur approbation et leurs votes. Si j'ai pu obtenir cette médiation, c'est parce que M.E.R.C.U.R.E va bientôt renouveler son Conseil et que P.L.O.M.C voit une occasion de s'imposer... Mais la volonté des deux est extrêmement fragile et intéressée. Ils sont tendus et dans une optique de confrontation, clairement.


Karm Torr
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Karm injecta le disque fourni par la présidente dans son datapad, pour confronter les nouvelles pièces qu’elle mettait à leurs dispositions aux dossiers déjà transmis par l’holonet. Dans l’ensemble, rien de très inédit cependant : il s’agissait d’une exploration méthodique des différents points du contentieux, mais il était évident qu’il ne s’agissait d’une affaire de détails, mais d’abord et avant tout d’une opposition de principes et, comme le soulignait la juriste, d’une bataille pour l’approbation publique.


Et l’affaire a des bases juridiques ?
Vous voulez dire : est-ce que le procès arrivera à son terme ?


Karm releva les yeux et avoua simplement :


Désolé, le droit, pas trop mon domaine.

Deux ou trois ans plus tard, il aurait essayé d’éviter un semblable aveu, mais désormais, plus confiant en lui, et surtout auréolé du prestige associé à son rang, il préférait reconnaître ouvertement ses faiblesses, face à celles et ceux qui devaient collaborer avec lui, et par conséquent l’aider.


Bien sûr, bien sûr, déclara la présidente en balayant ses excuses d’un geste. Pour être honnête, c’est un peu ce que j’espérais.
C’est-à-dire ?
Pour l’heure, l’on s’enfonce dans des arguties juridiques et je doute que ce soit très profitable. Bien sûr, la cour fera son travail si la nécessité s’en imposait, et tranchera l’affaire dans un sens ou dans l’autre. Mais je crois qu’il serait préférable d’essayer… De l’extraire de sa technicité, pour en revenir aux fondamentaux. Vous voyez ce que je veux dire ? De parler de valeurs, afin de parler de réglementations.
Je crois que je comprends. Mais du coup, juridiquement ?
Les deux parties ont un dossier solide. Pour faire simple, du point de vue juridique, il y a deux nœuds à l’affaire. Le premier, c’est que la législation environnementale de Dac est plus restrictive que la législation républicaine. Elle protège les océans de façon plus poussée. MERCURE prétend que les lois daciennes sont anticonstitutionnelles au niveau républicain, parce que les planètes ont délégué ces compétences aux institutions galactiques. Vous me suivez ?


Karm hocha la tête. La juge, habituée à intervenir dans des conférences de presse et à conseiller la sphère politique, savait se montrer pédagogique quand la situation le nécessitait.


Et donc, naturellement, la PLOMC défend le contraire. Indépendamment du mérite… disons, moral, des arguments, du point de vue du droit, la jurisprudence n’est pas claire et les deux se défendent.
Et le second point ?
Par principe, je veux dire par principe de droit républicain et de droit dacien, qui sont en accord sur ce point, les grands projets de développement doivent contribuer, je cite, « à l’amélioration durable des conditions de vie des résidents ».
Et les uns pensent que ça veut dire protéger l’environnement, tandis que les autres parient plutôt sur l’augmentation du niveau de vie.
Exactement.
Et le droit n’est pas clair là-dessus ?
Pas vraiment, non. Vous seriez surpris de découvrir combien les lois peuvent être sujettes à interprétation.

C’était d’ailleurs pour cela qu’on avait des juges.


Et sur les protagonistes ?
Hé bien, les gens de MERCURE, du conseil d’administration je veux dire, sont à peu près ce que vous pourriez attendre. Ils sont six en tout. Deux venus du monde de la finance, une ingénieure qui a gravi les échelons de l’entreprise ces vingt dernières années, une ancienne sénatrice galactique de Dac, un professeur en économie de l’université de Coruscant issu d’une grande famille d’investisseurs et le représentant d’un fonds de pension qui détient des parts substantielles dans le consortium.
Et du côté de PLOMC ?
Hé bien, pas exactement des activistes de base. L’association est d’abord le produit intellectuel d’un groupe de politiciens écologistes, d’universitaires et de cadres dirigeants d’autres ONG environnementales, qui ont vu un moyen de faire jurisprudence.
Vous voulez dire que vous ne les pensez pas sincères ?
Oh, il ne m’appartient pas de sonder la sincérité des parties de l’affaire, dit la juge avec un sourire, je veux dire simplement que PLOMC, elle est un tremplin médiatique et juridique. Il espère que le jugement fera date sur l’interprétation des lois républicaines et ouvrira la porte à d’autres affaires du même genre. Ils ont choisi celle du littoral dacienne par calcul stratégique. Je ne doute pas qu’ils veuillent sincèrement le protéger, mais leur intérêt dans tout cela est plus…
Généraliste ?
Voilà.


Tout cela était bien complexe, mais au moins, le sujet central était familier à l’explorateur.


Si je puis me permettre d’être tout à fait honnête…
J’vous en prie.
C’est moi qui ai suggéré au Conseil Jedi, où j’ai des amis, d’envoyer quelqu’un qui relève plutôt de l’AgriCorps et de l’ExploCorps, et qui ne soit pas un Consulaire. Toute cette affaire est un jeu politique complexe qui s’entretient lui-même et je crois qu’il serait profitable que toutes les parties soient ramenées à des considérations plus immédiates et plus ancrées dans la réalité. Je compte beaucoup sur votre expertise de terrain. S’il n’y avait eu là qu’une question de droit et de politique, le microcosme coruscantien en serait venu à bout.
Ah ça, pour être terre à terre, je suis terre à terre. Le Chevalier Kayan et moi on va s’en charger, en commençant par faire un petit tour chez PLOMC. Si jamais on a besoin d’aide… ?
N’hésitez pas à me joindre : je vous répondrai si je ne suis pas en audience.


Les deux Jedis se levèrent et serrèrent la main de la respectable magistrate. Une fois dans le couloir, Karm chuchota :


Pour une fois, j’sors d’un tribunal avec l’impression d’avoir vaguement compris ce qu’on m’a raconté !
Luke Kayan
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- C'est un point de vue original. - Répondit Luke, un peu absent, une fois sorti du bureau.- Finement joué en tout cas.

Le concerné esquissa encore quelques pas aux côtés de son ami, il développait toujours son idée, essayant de comprendre le mécanisme de pensée de la présidente.

- Choisir un maître comme toi annule d'office toute accusation possible d'intérêt subjectif. Un Consulaire a forcément des liens avec des politiciens, à cause d'autres affaires par exemple, et il peut, implicitement être mené à être subjectif. Parce que de la manière dont traite l'affaire, dépendent la réussite dans d'autres. - n politique, même les Jedis les plus sains d'esprit finissaient par se créer des "amitiés" utiles afin d'avancer. Des sources dont il était ensuite difficile d'ignorer les intérêts.- En plus, elle prépare le terrain pour la presse et la population qui vont s'y intéresser. Une bonne pédagogie, pas d'obscurantisme politicard. C'est pour ça que tu as "compris ce qu'on t'as raconté" selon tes mots. L'angle d'attaque est différent, à la fois plus simple sans être simpliste mais aussi d'apparence plus juste, moins politisé. Je pense qu'il va falloir changer de registre et faire à sa manière, qui est la tienne.

Bien qu'il trouve l'idée excellente, le jeune Jedi en vint à se demander ce qu'il faisait là, parce qu'il était toujours Consulaire jusqu'à preuve du contraire. Seconder juridiquement Karm sans doute, ou blablater avec cette ONG beaucoup trop engagée pour être complètement blanche tandis que ce dernier fouillait. Vu la clarté que la présidente s'échinait à installer, ils allaient devoir être irréprochables, aussi bien avec les lois que dans leur processus.

- Tu as raison, mieux vaut commencer par le PLOMC, ce sont eux qui bloquent après tout. S'ils cédaient avec conditions, ce serait toujours ça à exposer plutôt qu'un refus en bloc. Quoiqu'il en soit, je serais pour leur donner rendez-vous, non pas à Coruscant mais sur les lieux du chantier arrêté. Devant l'océan directement donc. - Suggéra le concerné. Le but ? Démontrer leur intérêt sincère en s'y rendant mais surtout, voir les réactions de PLOMC dans son environnement naturel, celui qu'il s'acharnait à protéger. Luke songea que rencontrer la population serait également une bonne chose. Une sorte de plan se montait dans sa tête sur l'issue favorable.

- Le mieux serait d'arriver à un entre-deux. Aussi bien convaincre PLOMC que protéger la population est aussi important que l'Environnement -et valorisant politiquement- qu'expliquer à MERCURE qu'une image plus protectrice envers l'Océan leur rapporterait des voix, mais sans le leur dire directement. La condition serait d'accepter pleinement les projets de développement d'usines si le PLOMC avait un droit de regard quant aux méthodes ou aux carburants utilisés. On donne du travail tout en préservant le littoral. Malheureusement, les deux organismes sont butés, sachant que cette bataille représente une plaque tournante dans leur "carrière". Je serais pour voir jusqu'à où PLOMC est sincère dans son engagement envers la nature et jouer sur la culpabilisation. Ensuite, travailler MERCURE au corps, surtout niveau économique "l'écologisme rapporte" et les réunir... Avec autorisation de la juge, mais je pense qu'il faut surtout calmer les ardeurs avant un quelconque procès.

Voilà pourquoi c'était Karm que l'on avait choisi, Luke en était persuadé -et d'autant plus fier de lui.- Il pouvait vraiment faire une expertise du terrain. Le Jedi lui s'occuperait, dans l'ombre, des mots à glisser aux uns et aux autres pour les mener à la raison. Il faudrait leur laisser croire que la formidable idée viendrait d'eux. S'allier plutôt que lutter sans craindre de perdre la bataille. Pour cela, chacun devrait être persuadé d'avoir été plus malin que l'autre. C'était tout un jeu politique que Luke n'avait jamais réellement apprécié, d'ailleurs ça avait tendance à l'agacer davantage avec le temps. Belle consolation : la finalité. Protéger l'environnement mais aussi les habitants.

Le Jedi n'aimait pas les ONG radicales. Pour lui on devait aimer la nature mais aussi les êtres qui la peuplait, incluant, ceux qui pensaient. Ils étaient irritants mais faisaient partie de ce Tout. Laisser une femme et ses enfants mourir de faim parce qu'il fallait sauvegarder un océan semblait cruel, tout comme condamner une planète verdoyante à se transformer en deuxième Coruscant. Donner du travail aux gens c'était bien, mais s'ils devaient ensuite mourir de maladies liées à la pollution, c'était beaucoup plus problématique. Pareil dans l'autre sens. Tout était intrinsèquement lié et il fallait que chacun le saisisse... Avec s'il le fallait, une petite aide supplémentaire comme des dossiers sales. La méthode était limite, mais finalement, c'était peut-être le seul moyen de pression capable d'emmener ces têtus à réfléchir.

- Alors prêt à m'emmener à la plage ? Tu me l'avais promis, ce ne serait que justice.

Un fin sourire se dessina sur les lèvres du Chevalier même s'il n'avait jamais compté se prendre des vacances près d'un lac ou de l'océan. Après avoir failli se noyer en cherchant à s'échapper de la demeure de Noctis ou cru perdre son ami lorsque ce dernier cherchait des échantillons, le jeune homme se méfiait de l'eau. Dans cet élément il perdait ses repères, tant géographiques que sonores à cause du bruit des vagues qui assourdissaient et déformaient les bruits originaux. Luke possédait juste les rudiments de la nage. Il était endurant mais pataugeait plus qu'autre chose. On lui avait enseigné assez pour qu'il ne se noie pas bêtement en mission, guère plus. Du coup l'idée de se balader sur la mer ne lui plaisait pas, mais il voulait quand même étudier le profil des membres de PLOMC discrètement ainsi que leurs réactions face à cet environnement à protéger à tout prix. Par la suite, il se demandait si Karm parviendrait à les traîner dans les bas-fonds pour voir qu'un consensus concernant de nouvelles bâtisses ne serait pas si négatif.

- Quoiqu'il en soit, j'ai confiance en toi, je sais que tu vas gérer.


Les deux Jedis sortirent des lieux où la présidente les avaient accueilli. Un taxi ayant le nez fin s'arrêta imperceptiblement devant eux, attendant de voir s'ils allaient lui commander une course.
Karm Torr
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Ouais, t’as sans doute raison, soupira Karm quand son compagnon exposa la nécessité d’un compromis, faut que je fasse violence à mes instincts d’explorateur. Mes habitudes à moi, c’est plutôt de préserver les espaces sauvages, mais j’ai bien conscience que c’est pas non plus économiquement tout le temps viable. Bref ! Sors ton bikini, c’est l’heure de la plage.


La plage ressembla d’abord furieusement à un astroport de Coruscant, avec ses odeurs de réacteurs, des milliers d’espèces qui se croisaient parmi les millions de voyageurs, et ses cris dans tous les côtés. Les deux Jedis étaient fort heureusement à peu près épargnés par la plupart des formalités administratives et ils purent retrouver leur vaisseau, pour décoller en direction de Dac.


Quand ils eurent passé dans l’hyperespace, fidèle à ses habitudes, Karm s’installa en tailleur dans la petite pièce centrale qui servait à tous les usages et se plongea dans une profonde méditation. C’était dans la Force qu’il cherchait la quiétude nécessaire aux missions qui l’attendaient : il employait ces heures à les examiner à nouveau sous tous leurs aspects.


Depuis quelques mois, le Maître prenait confusément conscience que ses perceptions s’affinaient, lors de ces séances introspectives. Entre l’avenir et le passé, les fils se nouaient plus clairement pour lui, les pièces s’agençaient mieux sur le grand échiquier du temps et il avait l’impression d’atteindre une clairvoyance nouvelle. C’était une sensation troublante, pour un homme qui, comme lui, avait longtemps été convaincu que la Force ne s’exprimait dans son cas que dans ses aspects les plus sensualistes.


En tout cas, l’explorateur ne fut tiré de sa méditation que par la légère secousse du vaisseau qui quittait l’hyperespace. Karm se releva avec souplesse, déposa sans rien dire un baiser sur le front de son compagnon et réintégra son siège pour entamer les manœuvres d’approche orbitale. Devant lui, Dac flottait dans l’espace dans toute la clarté de son orbe bleutée, presque entièrement couvertes par les océans.

Tout autour de la planète, les fameux chantiers navals mon calamari travaillaient à la production de ces vaisseaux d’exception qui faisaient la fierté de la République. Karm ne put d’ailleurs s’empêcher de les considérer avec toute l’admiration qu’un Ark-Ni pouvait éprouver pour ces miracles technologiques. Puis son termina bipa et le Jedi entama leur descente vers la surface de la planète.


Une demi-heure plus tard, ils étaient posés sur un astroport périphérique, tout près de la partie du littoral en question, dans une petite ville à moitié émergée, mais dont l’architecture pour l’essentiel s’enfonçait dans la mer et couvrait une partie du plateau continental, puis de la fosse océanique.


OK, fit Karm en consultant son datapad, une fois les formalités de l’astroport réglé par un Luke jamais plus efficace que lorsqu’on le plaçait face à un agent administratif, Niveau 3 pour les bureaux du PLOMC. C’est parti.


Cinq cents mètres plus loin, les deux humanoïdes se présentèrent au bureau des TSA, les transports sub-aquatiques, pour louer des tenues d’immersion. Comme ils n’allaient pas très profondément sous la pression de l’océan, ils purent se contenter de combinaisons de plongée, équipés d’un casque ultra-léger sonorisé, capable d’extraire l’oxygène de l’environnement aquatique. Ce n’était sans doute pas l’idéal pour Luke malgré tout et Karm lui offrit son bras pour le guider.


Ensemble, ils prirent place dans une petite navette en forme de bulle qui partit aussitôt en direction de la mer, pour s’enfoncer sous les eaux, qui se déversèrent dans l’habitacle. Ils longèrent de la sorte le plateau océanique, avec que la bulle ne se raccroche à un rail magnétique qui descendait le long de la falaise sous-marine, pour les conduire au niveau 3, c’est-à-dire trois étages sous la surface de l’eau.


Là, les deux Jedis s’engagèrent sur une plateforme au dessin élégant, qui paraissaient abriter essentiellement des immeubles de bureaux et des restaurants. Celui où le PLOMC avait pris quartier ne fut pas difficile à localiser. Quand ils le pénétrèrent, ils furent immédiatement exposés à sas de vidange, ce qui suggérait que les lieux n’étaient pas occupés que par des locaux.


Quand le sas eut vidé toute l’eau de l’océan, les deux hommes purent désactivés leur casque, qui se rétracta dans leur combinaison. L’atmosphère, malgré tout, restait fort humide. Ce fut en tout cas dans leurs jolies combinaisons moulantes qu’ils se présentèrent au droïde de la réception, à qui des formes tentaculaires permettaient de gérer bien des tâches à la fois ;


Messieurs, puis-je vous aider ?
On vient voir l’organisation Préservation du Littoral de Mon Calamari.
Et qui puis-je annoncer ?


Une fois leurs cartes produites, le robot introduisit l’extrémité de l’un de ses tentacules dans un terminal et un petit turbolift s’ouvrit à côté de la réception.


Merci.
Et que votre journée soit bien moite !
Euh. Ouais. Pour sûr !


Les bureaux de PLOMC étaient somme toute fort modestes : quatre pièces pour une quinzaine de personnes, et un bureau séparé pour le responsable du projet sur place, un certain Rukver, un Mon Calamari d’une trentaine d’années, qui attendait les deux Jedis à la sortie de l’ascenseur.


Docteur Rukver, dit-il d’un ton affable. Enchanté, enchanté. Venez. Comme vous le voyez…


D’un geste de la nageoire, il désigna les employés et volontaires de différentes espèces qui s’activaient dans les bureaux.


… nous avons une équipe très diverse. Des gens du coin, d’autres qui viennent de loin.
Ça suscite pas mal de vocations, on dirait.
Tout à fait. Nombre de personnes comprennent que les implications de cette affaire dépassent le seul cadre de ce segment de littoral dacien.


Rukver les introduisit dans l’unique salle de réunion.


Je peux vous proposer quelque chose à boire ?
Non, j’pense qu’on se sent très hydraté, merci.


Le Mon Calamari eut un petit rire, avant de reprendre son sérieux.


Bien bien ! En tout cas, nous sommes tous très honorés que l’Ordre Jedi ait accepté de jouer les médiateurs. Et même, pour tout vous dire, rassurés, car nous ne doutons pas que notre philosophie rejoint la vôtre en bien des points.
Luke Kayan
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- Ni économiquement, ni socialement.

Avait soupiré tristement le jeune homme, preuve que sa sympathie penchait en faveur d'un paysage qu'il n'avait pu admirer depuis plus de 20 ans mais dont il n'ignorait pas les bienfaits. Karm lui avait fait redécouvrir la beauté de lieux sauvages, souvent considérés hostiles (bien que sur le coup, le blond demeure réservé quant à l'appréciation de certains symbiotes mégalomanes). Il était aussi suffisamment formé en médecine pour confirmer quoiqu'on en dise, que l'environnement avait un impact immense sur la santé des êtres, d'autant plus les océans, sources de vie. Pour autant, le Consulaire avait aussi assez mis les pieds dans des histoires policières sordides ou directement les bas-fonds pour se rendre compte de la misère des gens. Ils vivaient parfois moins bien que des espèces en voie d'extinction, chassés ou rendus esclaves. Pas de nourriture, pas de toit. L'argent était un mal nécessaire et leur décence valait la peine d'un compromis avec le bien-être du littoral. C'était en tout cas ce que sa formation de diplomate lui soufflait. Le philosophe purement contemplatif, lui, s'était éteint pour faire place à un autre, un peu plus humaniste bien que les Pensants le dégoûtent parfois alors que la nature, jamais.

En réalité, les deux cas l'avaient touché. Pas l'O.N.G ou le conglomérat d'entreprise, sinon les situations diverses qui avaient mené à leur création et cette farouche opposition. Au fur et à mesure que la vie se développait, que les mœurs se complexifiaient et que la Galaxie partageait lois, idées et technologie, la voie des Jedis se complexifiaient. Il ne s'agissait plus de défendre les gentils, ni de trouver qui étaient les méchants, mais de faire des compromis pour répondre à des besoins parfois contradictoires. Dans cette poudrière surplombée de mèches politiciennes dansantes, respecter leurs principes fondamentaux devenait presque impossibles. Seraient-ils tous désuets, y compris celui de l'objectivité ?

Luke aurait parfois aimé retrouver l'ancienne ère, ceux où les Jedis étaient des moines retirés dans leur Temple qui en sortaient principalement pour défendre les opprimés ou nourrir les pauvres. Ils évoluaient davantage dans leur région, parfois au niveau planétaire, mais pas de façon aussi cosmopolite, sur des sujets politisés où on attendaient d'eux qu'ils prennent partis sans en avoir l'air. De quoi les piéger avec leurs propres principes si l'on n'était pas satisfait de leurs "services". Le blond avait déjà eu affaire à des "je leur dirai à tous, que votre choix était fait d'avance" alors qu'il avait écumé le dossier. C'était parfois fatiguant, mais bon, ni Karm ni lui n'étaient prêts à renoncer à leur vocation. Au fond, ça les faisaient encore vibrer, bien qu'on ait la fâcheuse tendance à leur exiger une certaine polyvalence qui les envoyaient sur des missions très complexes. Dans ce cas, l'Ark-Ni devrait parler, négocier, tout ce qu'il détestait et sans faire de faveur envers son cher environnement. Le Hapien le plaignait mais demeurait confiant, il n'avait pas été nommé au plus haut rang possible par ses aînés pour rien.

- Qu'elle le soit aussi pour vous.

Répondit Luke par automatisme, habitué à s'imprégner des coutumes locales à une vitesse folle de part sa formation. Ne pas se poser de questions, adopter rapidement des phrases qui semblaient récurrentes sans émettre de doutes. C'était des signaux d'imprégnation superflus qui pourtant faisaient parfois la différence dans une âpre négociation. Quoiqu'il en soit, le jeune homme en menait beaucoup moins large face à l'atmosphère. Sous l'eau, les sons étaient automatiquement déformés ne serait-ce que légèrement. Leurs pas formaient un écho bizarre et la bulle avait fait disparaître toute sensation solide sous ses pieds. Par chance, Karm avait anticipé, et bien qu'il ne l'aurait pas osé avec un autre, surtout en plein devoir, le jeune homme s'accrocha à son bras avec gratitude.

L'ambiance particulièrement humide fit frissonner une ou deux fois le Consulaire de nature plutôt frileuse. Il se concentra sur sa mission, à savoir prendre la température -sans mauvais jeux de mots- des lieux. Jusqu'à présent, il ne sentait vaguement que des auras à leur place, tendues lorsqu'il y avait beaucoup de travail mais pas spécifiquement stressées ou opprimées. Leur nouvel accompagnateur, Rukver n'hésita pas à très vite souligner la présence de diverses espèces. C'était apparemment vrai vu leurs installations adaptées, mais Luke nota de suite ses tentatives pour embrigader les Jedis en tâchant de jouer sur tous les tableaux. Il anticipait probablement les arguments de l'autre camps que les négociateurs pourraient lui opposer. En tout cas, le Mon Calamari parlait finement pour s'attirer la sympathie du Maître et du Chevalier, Luke décida de casser ces tentatives, au risque d'abîmer l'ambiance "bon enfant" que Rukver essayait d'installer. L'expérience lui avait enseigné qu'il fallait parfois remettre les choses à leur place dès le début avant de se faire croquer. Bien évidemment, le jeune homme lança la phrase dans l'eau, avec des détours, car il ne s'agissait pas de braquer directement le poisson ou plutôt le poule dans son élément.

- Nous vous remercions de votre confiance, nous vous garantissons la plus grande neutralité, en tant que médiateurs, justement. Nous devrons donc vous poser des questions et vous opposer des arguments allant dans le sens de l'objectivité pour laquelle on nous a choisi. J'espère que vous ne vous en sentirez pas offensé.

- Non, certes non. C'est votre travail. - Répondit Rukver d'un ton légèrement irrité, savamment caché toutefois par une attitude plus sérieuse. Il comprit rapidement qu'avec ces deux là, le charme ostentatoire et la flatterie ne mèneraient à rien. La philosophie des Jedis avait beau, être dans les hololivres, semblable à celle que défendait son ONG, il devrait convaincre de A à Z.-

- Avez-vous étudié les propositions de M.E.R.C.U.R.E et jusqu'où envisagez-vous de les prendre en compte ? - Interrogea subitement Luke, décidé à être direct, aussi bien pour surprendre le trentenaire que pour contrebalancer l'image plutôt sympathique voire sympathisante (?) de Karm. Un remix du bon et du mauvais flic, même si dans ce cas, le second n'avait pas l'air plus intimidant que le premier.-

- Sur le papier, ils veulent créer des emplois, mais bien sûr, pas parmi les locaux, et surtout croyez-le, ils remplaceraient aussi vite que possible ces tâches par des robots. On a étudié ça au PLOMC et s'ils proposent autant d'emplois, c'est parce que ce sont des tâches vraiment découpées, donc des métiers avec très peu de formations, des tâches concrètes faciles à programmer sur des machines relativement bon marché. Et quant bien même, que ferait la population de leurs crédits s'ils se meurent à cause de l'impact environnemental ? Saviez-vous que chez les Mon Calamari, la dégradation de la santé à cause de la pollution est 30 % plus rapide que d'autres espèces ? Dès la seconde génération, nous pourrions observer une baisse de la fertilité, l'apparition de nouvelles maladies et bien sûr, la famine, car notre planète vit beaucoup de la pêche. Qui dit pollution, dit perte d'une faune jusque la préservée et donc bien plus fragile, donc inflation des prix... Et impossibilité, au final, pour les chers employés de M.E.R.C.U.R.E de se payer à manger malgré leur salaire misérable.

L'homme était intelligent, il venait toutefois d'exposer toutes ses idées. Luke avait senti le discours préparé quoique fluide. Ce Mon Calamari au moins croyait fermement en sa cause, ce n'était pas un arriviste qui voulait grapiller des voix. Le blond espérait donc surtout négocier avec.

- Je vous propose d'ébaucher un dossier de revendications avec nous. Je m'explique, le M.E.R.C.U.R.E est très puissant, il est probable qu'il parvienne à maintenir les chantiers ouverts tant que des études ne prouvent pas l'impact négatif de ces derniers sur l'eau et la population. Malheureusement ce lien cause à effet est très long à prouver, il intervient avant qu'on puisse le démontrer et dégrade déjà les lieux en attendant un hypothétique dossier menant à la destruction des installations... De quoi déjà perdre donc une partie de la viabilité du littoral. En revanche opter pour le consensus vous permettrait de limiter directement les effets du chantier avant qu'il ne soit entièrement opérationnel et vous donne un droit de parole et d'agissements sur l'architecture, les installations ainsi que la distribution d'emplois. Tout au plus, cela ferait ralentir l'avancée dudit chantier. Mais dans l'immédiat, je propose de négocier directement, avec des termes sévères qui pourront être assouplis au fur et à mesure des discussions ou non.

- Et ça nous engage sur le long terme ? Ça leur permet de reprendre complètement l'activité ?

- Non, tout serait en stand by mais comme vous acceptez la négociation, pas besoin de fournir autant de preuves sur l'impact négatif. Il ne s'agit pas du tout de déterminer qui sera gagnant ou pas, simplement de ne pas vous priver de votre droit de parole jusqu'à les mener en justice.

Pour l'instant, Luke semblait plutôt être du côté du Mon Calamari, lui suggérant une espèce d'astuce pour rester dans la course. À voir ce que dirait Rukver et bien entendu, également Karm. Le Hapien se retira légèrement, signal qu'il avait donné son avis du côté judiciaire, restait à son ami de s'exprimer sur le reste. Plus tard, il demanderait sans doute au Mon Calamari si M.E.R.C.U.R.E aurait pu dégoter des dossiers sales sur les membres de son O.N.G car clairement, le conglomérat avait de quoi faire, et face à eux, P.L.O.M.C avait surtout -et presque uniquement- sa réputation à opposer. Sans elle, toute leur crédibilité se disloquerait comme de la glace exposée en plein devant les réacteurs d'un vaisseau.
Karm Torr
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Nous ne sommes pas opposés à la négociation. Je veux que notre position soit bien comprise.


Le Mon Calamari interrogea Luke puis Karm du regard, mais comme le premier avait cédé la place au second, et que le second n’était pas très disert, il poursuivit.


Si nous en sommes arrivés au procès, c’est que toutes nos tentatives de nous faire entendre sont restés jusque là infructueuses.
Pas c’qu’on nous a dit, intervint enfin le Maître Jedi.
Ah ?


Les yeux globuleux de Rukver se plissèrent légèrement.


Et qu’est-ce qu’on vous a dit ?
Que vous cherchiez activement le procès pour pouvoir en faire un cas-pivot de la jurisprudence devant la Cour Suprême.


Il y eut un instant de silence, avant que leur interlocuteur ne reprît ses moyens.


Il est certain que nous avons l’ambition d’aboutir à des améliorations de long terme, à un arbitrage plus raisonnable entre les dispositions locales et les mesures conservatoires à l’échelle républicaine.
Donc y a conflit d’intérêt.
Je vous demande pardon ?
Ben, vous avez pas spécialement intérêt à ce que des négociations aboutissent. Si c’était le cas, pas de procès. Pas de procès, pas de jurisprudence. Si les négociations étaient la stratégie optimale pour la préservation de ce littoral, vous auriez plutôt intérêt à les éviter, pour poursuivre votre propre agenda.
Vous brossez de nous un portrait bien sinistre, Maître Jedi, répliqua l’homme d’un ton accusateur.


Karm haussa les épaules.


Pas spécialement. Je comprends bien votre cause et votre logique. Vous croyez en quelque chose, vous recherchez le bénéfice maximal pour le plus grand nombre de personnes. Ça implique des sacrifices. C’est un calcul d’opportunités.


Des années plus tôt, il aurait eu de la peine à comprendre ces choses-là, et encore plus à en admettre la logique, mais le temps avait passé et avec lui, une maturité lui était venue, qui lui poussait à considérer le monde avec ses nuances de gris.


Juste, j’parie que si on demande aux gens qui bossent dans les bureaux d’où ils viennent, on trouvera pas une majorité de Daciens.
Cette cause intéresse beaucoup de mondes. Mais moi, je suis d’ici, que je sache.
Encore une fois, j’doute pas de la sincérité de votre engagement.
Mais ?
Mais si on se décarcasse pour rouvrir des négociations, et que vous y allez juste pour frapper du poing sur la table, avant d’abandonner le truc pour tenir une conférence de presse et raconter combien les pollueurs sont intraitables, histoire de faire avancer le dossier général, ça va pas être super productif.


Les nageoires posées l’une contre l’autre, le Mon Calamari demanda d’une voix calme :


Et qu’est-ce qui, selon vous, serait productif, dans ce cas ?
Vous venez parler. Rencontre secrète. Pas de journalistes.
Et qu’y aurait-on à gagner ?
J’suis pas un spécialiste, hein, mais là comme ça, je me dis que ce que j’ai vu de votre organisation est pas tout à fait de taille à supporter des années de frais de justice pour perdre un premier procès, puis un appel, puis porter l’affaire devant la Cour Suprême ou quelque chose de ce genre. J’imagine que vous comptez sur les dons d’une opinion publique galvanisée par cette histoire, mais vous êtes encore tout émergents et je parierais pas que ça arrivera si vite que ça.


Pas besoin d’être un génie du lobbying pour se dire que cette petite organisation qui occupait des bureaux exigus dans les étages peu côtés d’une ville dacienne de province n’avait pas les épaules pour porter ses projets grandioses.


Vous allez avoir besoin d’alliés, et pour se faire des alliées, il faut se faire un nom et du temps. Une victoire en demi-teinte ici, c’est mieux que pas de victoire du tout et l’épuisement à court terme.
Mais si nous paraissons compromis avec l’industrie, notre image de marque en souffrira durablement.
Ben soyez pas compromis. Mais devenez un interlocuteur crédible pour les autorités en montrant que vous êtes capables de vous adapter aux réalités du terrain.
Vous raisonnez en politicien, Maître Jedi.


Karm eut du mal à ne pas prendre la remarque pour une insulte. Était-ce vrai ? S’était-il à ce point habitué, bon gré mal gré, aux affaires politiques pour acquérir les réflexes de ceux sur qui il posait toujours un regard soupçonneux ? Déstabilisé, le Jedi s’efforça néanmoins de n’en rien laisser paraître.


Mais je comprends que si c’est la position de l’Ordre Jedi et la position de la cour, il est peut-être plus sage pour nous de l’examiner attentivement.


Rukver n’avait pas envie d’être celui qui contrarierait leur juge en faisant capoter des négociations, et se mettre l’Ordre à dos lui paraissait aussi un mauvais calcul. Le Mon Calamari était homme à s’adapter à la situation, alors il conclut :


Je vais échanger avec notre conseil d’administration et je vous tiendrai au courant.
Parfait. On dit pas qu’il faut pas négocier avec opiniâtreté, se sentit-il obligé de préciser, comme par remord.
Oui, oui, bien entendu. On va vous raccompagner.


Le stagiaire qui les avait accueillis refit son apparition et on l’escorta fort courtoisement, mais on les escorta tout de même, hors des locaux de l’association. Dans l’ascenseur, Karm se sentit envahi par une humeur maussade et, à mi-voix, il lâcha :


J’déteste déjà cette mission…
Luke Kayan
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- Accepter une rencontre, puis négocier ralentira au moins le processus. D'ailleurs je vais essayer d'obtenir un arrêt du chantier pendant la procédure.

Ajouta Luke pour appuyer son ami et motiver le Mon Calamari à tenir ses engagements. Il aurait ainsi intérêt à retenir sa langue. Hurler en quittant la table de négociations ferait un grand effet, mais en fermant le dialogue, il risquait surtout de laisser MERCURE reprendre leur exploitation. Ce serait une sorte de renoncement violent qui entraînerait un procès rapide, ruineux à PLOMC avant de se terminer par l'inexorable et toute aussi rapide reprise de leur travail.

- Cela vous permet aussi de mieux préparer vos arguments, d'obtenir plus d'études, de rallier des scientifiques à votre cause afin d'étayer votre dossier. La course d'endurance n'est pas une punition, bien au contraire.

Acheva sagement le Chevalier qui accomplissait son rôle d'assistant. Rukver se détendit légèrement. Déjà, il semblait prendre l'idée moins à contrecœurs. S'il était convaincu de son bien fondé, il serait moins prompt à leur jouer un sale tour à la dernière minute lors de la rencontre. En politique, Saï avait enseigné à son apprenti à toujours lisser les suggestions pour que le concerné fasse plus que les accepter. Leur adoption pleinement consciente était l'assurance du bon fonctionnement du plan. C'était tout un jeu mentalement épuisant dont Luke avait, à 29 ans, déjà décidé de se retirer peu à peu. Fort de ce constat, il avait hâte de quitter les lieux afin de parler à Karm. Si lui se sentait tiraillé par l'agacement, son ami devait être une pelote de nerfs -même si le terme semblait criminel pour désigner un Ark-Ni.- L'occasion lui fut donnée dans l'ascenseur.

- Je comprends.- Compatit le Jedi en frôlant doucement le bras de son aîné.- En tout cas, tu te débrouilles très bien. Tu n'as pas eu à mentir, les réalités que tu as exposé ont fait réfléchir Rukver assez rapidement. Peu peuvent s'en vanter et je pense que ton caractère direct a beaucoup aidé. La politique elle-même se fatigue des jeux alambiqués. Il devient appréciable de s'exprimer sans tourner autour du pot. Tu as beaucoup progressé aussi dans la façon d'expliquer ou de mener un sujet... Sans avoir changé du tout au tout. C'est une adaptation plutôt réussie des apprentissages sans doute un peu scolaires de la diplomatie... Et dans notre cas, la juge l'a dit, elle te voulait parce que tu n'es pas un politicien et tu n'agis pas comme quelqu'un exactement formé pour interagir avec. - Certains Consulaires se plaignaient parfois de leurs nouvelles difficultés. Les plus vieux, habitués aux rouages de négociations lourdes, souvent hypocrites perdaient un peu la main. Avec les nouveaux politiciens en vogue comme Alysanne ou Evadné, un vent de fraîcheur soufflait. La mode (et c'était triste à dire mais c'était bien ça) était aux jeunes effrontés qui jetait la vérité à la figure avec la juste maîtrise entre panache, spontanéité et certes, retenue pour se faire entendre. Luke supputait que Karm avait été en partie choisi sur cette mission pour cette raison car sa propre éducation était un peu dépassée. Le Chevalier maîtrisait l'art d'amener doucement une conversation, entre deux petits fours, il avait eu du succès parce que sa jeunesse couplée à une partie de son caractère le faisaient adopter quelques piques. Il s'était parfois offusqué- gentiment, certes, on parlait de Luke- et ce comportement était le précurseur de ce que le Sénat recherchait aujourd'hui, mais ce n'était plus assez. Ses discours enrobés, les codes d'une lourde négociation auraient pu tout faire rater, sans oublier la subtile intention de l'Ordre à prouver qu'il prenait la situation au sérieux en envoyant un Maître Jedi plutôt qu'un simple Chevalier. Karm était le diamant pur que Luke polissait discrètement avec quelques phrases. Il essayait aussi de guider son aîné au mieux grâce à sa lecture du comportement "humain".

La différence principale résidait dans le fait que Karm avait su évoluer : garder sa personnalité frondeuse, tout en modifiant légèrement sa façon de faire. Il avait gagné en forme, ce n'était pas négligeable.

- Je ne sais pas si cela peut te consoler, mais je n'aime pas non plus particulièrement cette mission. - Soupira le Jedi en laissant ses doigts accrocher doucement la main du "déprimé".- Toutefois, elle reste aussi importante que les autres, et j'en apprends beaucoup. Notamment que tu cachais bien tes talents de diplomate.

Le jeune homme savait que pour l'explorateur, déjà enclin à pencher du côté protection de l'environnement, l'aventure n'était pas simple. Pour lui non plus d'ailleurs, car il y avait aussi la cause des Mon Calamariens qui le touchait. Devaient-ils vraiment choisir entre le chômage et les maladies dûes à la pollution ? Inéluctablement, les deux menaient à la famine, c'est pourquoi il fallait vraiment trouver le moyen d'un consensus entre PLOMB et MERCURE, mais lorsque les intérêts n'étaient pas purement altruistes, difficile de rééquilibrer la balance. De plus, en tant que Jedi, Karm et lui étaient censés accompagner les négociateurs, faire en sorte que ça se passe pour le mieux, sans nécessairement intervenir dans le résultat. Cependant, le blond avait trop évolué pour se contenter d'une fade observation, il désirait autant protéger l'océan que le bonheur des habitants. Naissait donc forcément, l'envie d'y mettre son grain de sel pour vraiment régler le problème.

- En plus, tu apprécieras davantage celles que tu aimais déjà par contraste. Plus sérieusement... Concernant PLOMB je peux m'en occuper si tu veux. Où on peut rédiger le rapport, ça nous reposera.

PARFAITEMENT, oui, un rapport, c'est reposant, du moins dans l'esprit de Luke. MERCURE fonctionnant davantage à l'ancienne, avec les bons vieux discours alambiqués et sous-entendus, le jeune Jedi devrait faire l'affaire. Il comprenait que le Maître turquoise (hj : Cool ) soit mentalement fatigué par cette mission. Il avait déjà tant progressé et avait dû se retenir voire se contredire beaucoup pendant ce premier rendez-vous. Après être sortis de l'ascenseur, loin des oreilles indiscrètes, il reprit d'un ton normal.

- Quand je dois faire ce genre de mission, j'essaye de penser à la solution la plus juste possible, et de mener les deux partis vers ce choix. Ce n'est pas très traditionnel ni respectueux des principes mais ça aide à tenir, à voir la vraie valeur de cette mission... Et je crois qu'il y a un moyen de préserver l'environnement tout en offrant des emplois aux Mon Calamariens. Un partenariat avec une entreprise d'énergies renouvelables... La meilleure dans le domaine. Ce serait une négociation de plus, mais si le consensus allait en ce sens, je parie qu'elle serait ravie de s'offrir un coup de publicité en s'occupant d'équipements et de mises à jour écologiques de MERCURE.

Et oui, le Hapien n'était pas toujours aussi "docile" que le code le signifiait. C'était trop dur d'être juste neutre alors que quelques contacts, un peu de boulot en plus permettait parfois de trouver une vraie solution. C'était tellement plus motivant que juste jouer les intermédiaires entre des politiciens butés.

-Quoiqu'il en soit, la juge voulait que ta perception personnelle entre en jeu dans ces négociations. Ta vision des choses, ton savoir et ton expérience... Alors suis ton instinct. Si tu sens qu'on devrait faire ''quelque chose'' de différent, Explorer un autre sentier... C'est exactement pour ça que tu as été choisi. Comment est-ce que tu l'envisagerais plus naturellement cette mission ? Comment l'aimerais-tu plus et l'aborder as-tu si tu étais pleinement... Toi. Sans instructions réelles, autre que ce fameux conflit comme situation de base.

Si l'on avait voulu un simple diplomate, on l'aurait pris Lio ou un autre Consulaire plus protocolaire. La façon de s'exprimer de Karm n'expliquait pas complètement son engagement... Ni son rang. Il y avait aussi son essence.
Karm Torr
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Ouais, ouais, je suis très diplomate maintenant…


La vérité, c’était qu’il avait toujours l’impression d’être un tooka pris dans les phares du speeder. Il comprenait, en gros, de quoi il était question. La protection de l’environnement, ça, c’était un domaine qu’il maîtrisait bien, sur le terrain. Peut-être moins pour ce qui était du droit. Et le développement économique, il entendait les rudiments, à cause de ses collaborations avec l’AgriCorps.


Mais au-delà de ça ? Pouvait-il vraiment juger ce qui était le plus profitable à tous ? Se plonger dans les calculs de rentabilité et les courbes d’emploi ? Distinguer l’alarmisme du réalisme, le bien commun du bien privé ? N’y avait-il pas des gens qui étudiaient toute leur vie pour prendre ce genre de décisions et qui seraient, toujours, et mieux informés, et plus compétents que lui ?


Quand Luke l’interrogea sur sa méthode idéale, le jeune Maître poussa un soupir.


Y a deux ou trois ans, je t’aurais répondu qu’il fallait que le PLOMC gagne à tout prix. Mais depuis, j’ai travaillé avec trop de colonies, trop de gens déplacés par la guerre, qui doivent refaire leur vie et s’organiser et tout ça, pour pas comprendre que la nature, c’est très bon, c’est très mystique, mais c’est aussi fait pour que des personnes y habitent, et ça, ça implique un certain degré d’artificialisation.


La guerre avait eu au moins cet avantage, avec ses pressions migratoires, que de le confronter à la réalité économique et de tempérer l’idéalisme du jeune explorateur qu’il avait été.


Faut que les gens qui vivent ici puissent vivre ici, voilà. Pas qu’ils manquent de fric et qu’ils soient obligés de s’entasser dans des immeubles de Coruscant. Pas que toutes les terres et les eaux deviennent un parc naturel comme s’ils avaient pas le droit d’être installés là. Mais… Je veux pas non plus que la nature devienne un bien comme un autre. ‘Fin bref, oui, le compromis, c’est ça que je veux. Ça nous avance pas des masses, hein ?


En attendant, les deux Jedis réactivèrent leurs casques, pour se lancer à nouveau sous les eaux. La navette sous-marine reprit bientôt la direction de la surface, avant d’émerger tout à fait à l’air libre, pour rejoindre le littoral. Un quart d’heure plus tard, les deux hommes se débarrassaient dans leurs combinaisons, pour emprunter une promenade qui longeait le littoral et desservait la partie émergé de la ville calamari, bien plus modeste que ce qu’ils venaient de visiter sous les eaux.


Les locaux de MERCURE formaient une sphère qui pénétrait dans l’océan depuis la rive et dont la moitié s’enfonçait sous la surface. On y accédait soit par en-dessous, soit les pieds au sec, et d’autres constructions identiques s’alignaient de la même manière sur la côte, comme un chapelet architectural, occupées par des administrations, d’autres entreprises ou de simples particuliers.


À peine les deux Jedis eurent-ils pénétré dans l’enceinte de MERCURE qu’une femme, une humaine à la peau sombre, d’une cinquantaine d’années, se présenta à eux avec un sourire chaleureux et une poignée de main.


Maître Torr ? Chevalier Kayan ? Je suis Marisha Shayamawi, la secrétaire-générale de MERCURE. Enchantée.
De même, répondit l’explorateur en lui serrant la main.
Par ici, je vous en prie.


Ils avancèrent tous les trois sur le sol entièrement transparent et, sous leurs pieds, Luke et Karm pouvaient observer la partie inondée de la sphère, où des Quarrens et des Mon Calamari vaquaient à leurs occupations.


Le bureau de Shayamawi, lui, était bien au sec.


Désolée, dit-elle, en débarrassant le bureau lui-même de drôles d’engins mécaniques qui y étaient entassés. Je suis aussi la fondatrice de New Hydrotechs et ce sont nos derniers prototypes.
Prototypes de… ?
New Hydrotechs s’occupe principalement des systèmes de propulsion sous-marine. Nous entreprenons de développer un hybride spatial-océanique. Une navette qui pourrait aller aussi bien sous l’eau que jusqu’en orbite. Qui sait, peut-être même dans l’hyperespace, si les tests sont concluants.
Impressionnant. Donc, vous ne vous occupez pas de MERCURE à plein temps ?
MERCURE est une fédération d’entreprises. Disons… Un consortium, vous comprenez ? Pour réunir des fonds, établir un projet cohérent, investir de façons synergiques. Mais chacun de nos membres représente son entreprise privée.
Et ça fait longtemps que vous habite sur Dac ?


Marisha s’enfonça dans son fauteuil.


Je suis née ici, dit-elle calmement. Et mes parents aussi sont nés ici. Les parents de ma mère également. Ceux de mon père ont immigré d’Impératrice Teta. Tous les Daciens ne sont pas des Quarrens ou des Mon Calamari, vous savez…
Je… euh… Oui, évidemment. Désolé.
Je vous en prie. J’ai l’habitude qu’on me considère comme une… étrangère. Ce n’est jamais agréable, je ne peux pas le nier, mais enfin, je ne quitterais notre planète pour rien au monde.
Avec un tel attachement, je suis surpris que les locaux doutent de vos intentions…


C’était direct, et sans doute assez peu subtil, mais la secrétaire-générale se contenta de hausser les épaules.


Les locaux, les locaux, c’est beaucoup dire.
Comment ça ?
Le PLOMC jouit bien de quelques agitateurs du coin, mais pour l’essentiel, il est question de militants venus des quatre coins de la Galaxie. Ils sont ici parce que les circonstances leur paraissent s’y prêter, mais ils seraient intervenus tout aussi bien ailleurs, si ça avait pu faire aboutir leur projet constitutionnel. Leur indignation est probablement sincère, enfin, je ne suis pas la mieux placée pour en juger, mais leur méthode, elle, en tout cas, est purement opportuniste…
Luke Kayan
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- Les affres du succès, mon bon Maître Jedi.

S'amusa Luke avec un petit sourire qui se voulait encourageant. Être Chevalier exigeait déjà de très nombreuses responsabilités, alors évidemment, passer au rang de maître -un maître particulièrement en vogue d'ailleurs ces temps-ci- entraînait des devoirs encore plus lourds. Le jeune Jedi ne s'en inquiétait pas outre mesure, bien qu'il aurait préféré voir Karm s'épanouir dans une mission apprécié. Son ami saurait faire face. La vie d'un Jedi était jonchée de ce type de frustrations : Le Gardien convaincu par l'action devant accepter des négociations ou, le Consulaire se transformant en combattants improvisés. Heureusement, chacun était formé à une certaine polyvalence, mais aussi à la résignation. Tout ceci était pour le bien de l'Ordre, mais surtout des personnes dans le besoin. Au final, les buts se rejoignaient.

Avec un discernement que le blond apprécia, son ami lui confia avoir une idée semblable à la sienne. Certes ça ne faisait pas précisément avancer les choses, mais au moins ils avaient un objectif à insuffler à la mission. Karm avait changé à ce propos. Au début, il aurait été davantage vindicatif, privilégiant la nature avec une spontanéité. L'expérience, l'âge et peut-être sa relation avec des Consulaire dont Luke avaient su nuancer les idées de l'homme. C'était à la fois une source de fierté et de légère tristesse pour le Hapien qui observait fièrement, fidèlement son aîné évoluer. Une pensée confuse pour son propre idéalisme frôlant le manichéisme à l'endroit des institutions en qui il avait aveuglément confiance se fraya un chemin dans son esprit. Ces instants d'innocence où il pensait que la volonté guérirait le monde lui manquait parfois un peu. Par chance, il conservait, et Karm aussi, Luke le savait, un certain optimisme. Tous deux avaient vu bien des horreurs mais également assisté à de jolis miracles, de quoi se raccrocher à leurs principes.

À propos de volonté d'arranger la Galaxie d'ailleurs, Luke avait déjà quelques pistes à soumettre à son aîné. Qu'il soit son compagnon n'empêchait pas le respect du rang. S'il estimait avoir de la chance parce que les Vétérans du Conseil ou les maîtres n'abusaient pas de leur statut, le jeune Chevalier avait à cœur la hiérarchie. Cela fluidifiait le fonctionnement de la communauté, et puis un tel rang n'était pas insignifiant. Les plus âgés gratifiés de la confiance du Conseil étaient avisés, sages. Luke s'en remettait facilement à eux, même s'il disposait d'un minimum de sens critique (grâce à Saï surtout, mais aussi à Karm et à son expérience avec l'inquisition, sans quoi il aurait été dangereusement influençable.). Lui-même n'était pas très chatouilleux concernant les Padawans qui pourraient lui "manquer de respect", manque d'égo oblige, mais il était exigeant envers ses propres convictions. Karm était son petit ami, mais c'était aussi son supérieur.

- Comme je te l'ai dis, je pense pouvoir investiguer du côté d'entreprises tournées vers l'écologie, proposer un partenariat avec MERCURE qui, bien que très avancée ne verse pas réellement dans ce domaine. Cela pourrait amener MERCURE à reconsidérer un compromis.

Un bon diplomate devait non seulement avoir des notions de politique et d'économie, mais il lui fallait aussi savoir quand et comment associer les deux. C'était souvent épuisant, parfois contre-nature pour un Jedi de prendre ainsi en compte ce que son éducation réprouvait, mais la société qu'ils aimaient malgré tout était basée sur ces intérêts. PLOMC cherchait à sauver le littoral mais pas juste pour les espèces marines, tout comme MERCURE voulait gagner de l'argent et conserver une réputation (sans doute un peu faussée) de gens écolos parce que c'était une mode. Une entreprise extérieure, enfin, serait prête à sacrifier des crédits pour être associée à l'immense conglomérat d'entreprises puissantes, tout en se faisant un peu de publicité. Au final, chacun en attendait beaucoup, mais certains objectifs se ressemblant, il fallait les trouver.

- On peut essayer d'opérer en ce sens en prenant les devants quoique de manière raisonnable et toujours dans les limites de notre ordre de mission.

Suggéra le jeune homme qui espérait trouver autre chose à faire que juste "assister" à un carnage au procès. Ce massacre n'aiderait personne, même si eux accomplissaient leur travail de veiller à ce que l'événement se produise sans dégâts immédiats. Le Hapien ne pouvait pas ignorer ceux à plus long terme : un littoral saccagé, des habitants noyés dans la pollution, les dettes et la famine. Quoiqu'il en soit, son attitude, ses mots, Luke attendait sagement le consentement de son ami. Il n'allait pas risquer de faire échouer une mission pour une sensation, si partagée soit-elle par l'explorateur.

***
Le jeune homme leva inconsciemment le nez en l'air quelques secondes, comme s'il flairait l'endroit. À force d'être baladé sur Mon Calamari, il commençait confusément à saisir lorsqu'ils se trouvaient sous l'eau ou en surface. Une légère humidité qui passait la barrière de ses vêtements, une effluve saline, les informations s'ajustaient dans son cerveau qui se recalibrait au fur et à mesure d'une adaptation plutôt rapide. Son mode de vie beaucoup plus nomade l'y forçait, on ne voyageait pas sans encombre sur des planètes si différentes lorsqu'on était aveugle. Aveugle et du genre à se mêler des affaires desdites planètes d'ailleurs, puisque c'était là son travail.

Toutefois incapable de se rappeler du chemin pour revenir sur leurs pas, le Jedi se cala sagement sur l’aura de son ami. Ami qui entama le dialogue avec Shayamawi, descendante d’immigrants humains et donc, certes, après des générations, autochtone. La femme dégageait un étrange mélange en apparence contradictoire entre cosmopolite et patriote. C’était aussi une chef d’entreprise, envieuse, c’était sûr, d’intégrer ses technologies au chantier. Il serait plus difficile que prévu de séduire MERCURE en proposant un partenariat avec une entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables. À n’en pas douter, Shayamawi avait au moins des intérêts inconscients.

Forte, indépendante, guère encline à négocier, elle serait dure à convaincre. Luke essaya de venir au secours de son compagnon, qui posait de bonnes questions mais de manière un peu trop directe. Pour le coup, en réalité, c’était parfait puisque la Secrétaire-générale piquée, semblait s’ouvrir davantage avec pour idée de se “défendre”. Quant à ses interrogations concernant le fait de cumuler le rôle de fondatrice d’une entreprise Hi-tech et celui de secrétaire-générale d’un gros conglomérat d’affaires, il laissait sous-entendre à la femme qu’elle n’était pas non plus innocente niveaux intérêts. Tout le monde en avait, c’était naturel. Le PLOMC, elle... S’assurer que le chantier avance sans encombre, c’était insuffler sa technologie dedans et remporter possiblement des milliards, Luke se promis de lui proposer une idée pour ne pas renoncer à de l’argent malgré des négociations, mieux de gagner en réputation, voir en “know how” avec la fameuse entreprise spécialisée en technologies propres (qu’il devait encore contacter, certes, mais il réfléchissait déjà à des ingénieurs d’Arkania, une planète où il avait quelques liens, surprenamment et avec qui il s’entendait très bien, également réputée pour une technologie extraordinairement avancée. Bref, ce serait à creuser, mais s’ils jouaient bien, le Jedi était persuadé qu’ils pourraient préserver des emplois et la faune.

- Votre discrétion vous honore. À votre instar, nous n’avons pas fouillé assez profondément pour connaître les raisons sous-jacentes de la mobilisation des membres de PLOMC. Au final, ce qui importe, c’est la solidité de leur dossier, la réalité de leurs revendications et les impacts prévues s’ils obtenaient gain de cause ou non, pour les deux parties, et j’insiste, car nous sommes du côté de la paix et du bien-être uniquement. Notre mission sera un échec si vous écrasez PLOMC, tout comme el contraire. Notre but est de veiller au bon déroulement des négociations ou du procès selon ce qui se présente, de l’impartialité mais aussi, de trouver le meilleur équilibre possible pour la planète et ses habitants.

Le discours était un peu commun, mais il était important pour permettre à la secrétaire-générale de situer la position de ses interlocuteurs. Qu’ils soient un peu francs ou plus doux, les Jedis ne venaient pas pour obtenir que MERCURE, le grannnd méchant aux yeux de beaucoup, cède. Ils n’entreraient pas dans la guéguerre entre les deux parties, pour savoir qui était la plus sincère dans sa démarche. D’un ton plus personnel, le Hapien entra dans le vif du sujet, consultant Shayamawi avec équité, à elle se laisser parler la femme d’affaires mais aussi la citoyenne de cette planète qu’elle ne voudrait jamais quitter. Luke avait la sensation que la convaincre elle, c’était persuader un bon pourcentage de MERCURE. Avec son aplomb, cette femme semblait avoir un charisme qui dépassait son rang, pourtant déjà important, au sein de cet assemblement d’entreprises. Il espérait aussi dénoter un peu avec Karm qui jouait plus le rôle d’interlocuteur moins rôdé, peut-être informé mais plus franc, plus facile au dialogue et peut-être en effet, un peu trop facile à berner. Au moins, la femme avait deux profils différents, à elle de choisir lequel elle préférait. Eux s’en moquaient du moment qu’elle s’ouvre,

- Concernant leurs revendications pures, qu’en pensez-vous ? Vous semblent-elles justifiées ? Et nous vous parlons en tant que Dacienne justement. Votre famille, puis vous avez vous évoluer la planète, les océans qui la nourrissent. Avez-vous vu des changements ? Au niveau de l’environnement, de l’alimentation et en vous projetant, pensez-vous que ce qu’évoque le PLOMC, leurs avertisssements pourraient se révéler vrai ?

Luke avait conscience d’être plus offensif que d’habitude, mais d’une part il avait la volonté de rendre Karm plus sympathique à Shayamawi malgré sa petite bévue (que lui aussi aurait pu commettre s’il avait vu que c’était une humaine, mais surtout s’il n’avait pas lu le dossier, car le Hapien les épluchait toujours. Déformation policière peut-être ?). En tout cas, le fameux dossier lui avait appris que la femme à la peau sombre s’était mariée et avait trois enfants, une étudiait à Coruscant pour suivre ses pas, elle subissait donc une inconsciente pression pour esquisser aucun faux pas, les deux autres résidaient ici, encore trop jeunes pour partir.

- Que voulez-vous pour vos enfants ?

Demanda le jeune homme d’un ton plus doux qui rendait ses propos bien moins agressifs. Le sujet des gamins était toujours délicat, Luke voulait démontrer s’intéresser sincèrement à la famille, pas la menacer. Ses paroles essayaient juste d’ancrer les projets de MERCURE dans la réalité. Shayamawi paraissait réellement attachée à sa planète et Luke avait appris qu’il existait des hauts gradés honnêtes, peu certes, qui chérissaient leur environnement autant que les profits. Il espérait faire appel au sens patriote de la femme pour la mener vers des négociations.

- Nous voudrions proposer une rencontre discrète, en toute sincérité, loin des journalistes, avec PLOMC pour régler le litige plus rapidement, sans dégâts financiers ou sociaux à prévoir dans ce combat de titans qui s’annonce.
Karm Torr
Karm Torr
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Vous savez, mon but dans la vie n’est pas de déverser des hectolitres de déchets toxiques dans les océans de ma propre planète. J’y suis attachée autant qu’une autre, mais ce que j’observe, puisque vous me le demandez, depuis près de vingt ans désormais, c’est que tout le monde part de la région. Les gens vont vers les grandes villes, ils montent dans les chantiers spatiaux, parce qu’il y a de moins en moins de travail dans le coin. Les gens du PLOMC ne comprennent pas ça.
Pourtant, ça paraît pas trop difficile à comprendre, glissa Karm pour relancer la tirade de l’entrepreneuse, qui s’animait de plus.
Peut-être pas. Mais la plupart d’entre eux ne sont pas du coin, vous voyez ? Ils appartiennent à des ONG planétaires, parfois interplanétaires. Ce qu’ils voient, c’est un espace qu’ils jugent sauvage, et qu’il faut protéger, sans se demander s’il n’y avait pas quelque chose avant, un tissu économique, des villes, toute une région mise à mal par la compétition des grandes cités. Vous voulez que je vous dise ?


Shayamawi ramena ses cheveux en arrière.


Les gens comme le PLOMC et les très grands capitalistes marchent main dans la main.
Eeeuh…
Oui, fit-elle avec un air de défi ?
Y en a qui dirait que c’est contre-intuitif.
Plus on réduit l’espace où l’on peut développer des activités économiques, plus ces activités sont obligées de se concentrer. Les usines, les travailleurs, tout le monde doit s’entasser dans les grandes villes. La compétition y est plus féroce, les investissements astronomiques, ne serait-ce que pour louer des locaux. Seules les grandes entreprises arrivent vraiment à se développer dans de pareilles conditions. Ou les rares start-ups qui réussissent finissent racheter et ça revient au même. Moi je ne veux qu’une Dac habitable. Partout.
Je crois que…


L’Ark-Ni s’interrompit, pour réfléchir à son argument, fouillant dans sa mémoire les souvenirs des différentes organisations qu’il avait rencontrées, sur le terrain, au cours de sa vie d’explorateur.


J’crois que justement, si les gens du PLOMC appartiennent à de grandes ONG, ben… C’est des personnes qui sont habituées à composer avec les réalités du terrain, pas vrai ? On ne parle pas d’écoterroristes ou d’intégristes, on parle d’écologistes, c’est sûr, mais relativement mainstream, qui ont des partenariats avec des gouvernements, des entreprises. Sans ça, ces orgas seraient jamais devenues des ONG. Ça me paraît logique, non ?
Je suppose…, fit la cheffe d’entreprise, non sans une certaine méfiance dans la voix.
Ben du coup, peut-être qu’il y a quand même pas mal de marge pour trouver un compromis. Une fois, comme a dit mon collègue, qu’on enlève le facteur médiatique dans tout ça. Portes fermées, pas de caméra, pas de communiqué de presse. Une discussion franche et concrète, sans posture à prendre.


Leur interlocutrice croisa les mains et, le regard perdu dans le vide, resta un moment pensif.


Écoutez, moi, je vois bien ce que nous y gagnerions à faire ça. On cherche à construire quelque chose. Mais eux ? Pourquoi ils accepteraient de faire des efforts, puisque ce qu’ils veulent, c’est justement un blocage, pour faire remonter petit à petit l’affaire jusqu’aux plus hautes juridictions ?
J’imagine que le simple fait que la juge ait décidé de désigner des médiateurs doit leur faire prendre conscience que l’affaire n’est pas super… euh… très bien engagée. Pas qu’ils soient en train de perdre, mais la partie n’est pas facile, et médiatiquement, je dirais pas que s’opposer à une entrepreneuse du pays qui veut développer des solutions locales, ce soit aussi chic et choc que de lutter contre un grand pollueur qui martyrise la population. Une petite victoire, ça leur conviendra peut-être plus qu’une issue très incertaine.
Certes…


Marisha poussa un soupir.


Hé bien, de toute façon, tant qu’on me garantit la confidentialité…


Elle sonda tour à tour les deux Jedis du regard et Karm ne manqua pas de hocher la tête avec conviction.


… je suppose que ça ne coûte pas grand-chose d’essayer.
Fort bien. Demain matin ? On louera une salle de réunion dans le, comment ça s’appelle, là, dans notre hôtel…
Business center, suggéra-t-elle ?
Voilà.
Vous n’avez pas un vaisseau ?
Vous préférez à bord de notre vaisseau ?
Ce serait pus discret.


Karm avait du mal à savoir si c’était de la prudence ou de la paranoïa mais, au fond, ça ne changeait rien au principe de la rencontre.


Entendu. Et on essaiera de venir de notre côté avec des propositions relativement concrètes.
Bien, conclut la femme d’affaires d’un ton à demi-convaincu.


Elle ne leur en sera pas moins cordialement la main et les deux Jedis purent regagner l’air libre, afin de prendre la direction de leur hôtel.


Reste plus qu’à voir ce qu’on peut mobiliser d’ici demain matin pour mettre un peu d’huile dans les rouages. Tu étudies la piste des énergies renouvelables ou quelque chose du genre, moi je vais faire un tour dans les environs pour étudier le terrain et bavarder un peu avec les gens du coin ? On se retrouve à l’hôtel ce soir, ça te va ?
Luke Kayan
Luke Kayan
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Luke n'avait pas eu à intervenir beaucoup. Au début afin de donner le change, mais ensuite, l'Ark-Ni s'était très bien débrouillé. Le jeune homme s'offrit une pensée amusée à ce sujet : bientôt, il n'aurait plus grand chose à enseigner à son élève improvisé en diplomatie. Leur parcours au fil de ces dernières années était rocambolesque, semé d'embûches mais aussi de succès, notamment pour Karm qui avait visiblement évolué, ne serait-ce qu'en statut. La transformation du blond avait été plus subtile. Outre une meilleure souplesse dans divers domaines, qui, lui conférait une certaine réputation de Jedi polyvalent (quand on connaissait son caractère réputé pourtant assez rigide, c'était un peu ironique.), il avait changé de vision sur certaines choses. Désormais, il affirmait que l'Ordre devait se moderniser sur certains sujets, même si pour lui, c'était également difficile, il essayait de s'y tenir. Atalan Pirin puis Karm Torr étaient parvenus à le rendre moins rigoriste, à interpréter un peu le code afin de le respecter tout en écoutant aussi l'être vivant. Chaque Jedi qu'il le veuille ou non avait des sentiments, mieux valait composer avec, se connaître plutôt que de simplement les ignorer.

Finalement, en politique, ce n'était guère différent. Luke écoutait son ami jouer sur les émotions de la locale, ardente patriote. Ce dernier continuait dans la lancée du Chevalier, non sans encourager un brin d'énervement. Cette émotion interdite chez les Jedis était, chez les civiles, presque valorisée. C'était une forme d'exprimer la sincérité d'idéaux protégés par une fervente spontanéité dans les actes. Ce n'était pas officiellement développé dans les cours de diplomatie mais les bons Consulaires finissaient par déduire ce fait et s'en servir. Il fallait bien lors d'enjeux comme cette rencontre. Preuve en était, bien que dubitative (sentiment qu'elle partageait avec le représentant du PLOMC), Marisha céda. Luke la gratifia d'un léger salut avant de se diriger vers le secrétariat pour négocier un trou dans l'horaire surchargée de l'entrepreneuse. À la sortie, il rejoignit son compagnon, guidé par un diligent droïde.

- Première partie de mission accomplie, et c'est grâce à toi.- Annonça le Chevalier avec un sourire encourageant. Vraiment, il était fier du maître. Ce dernier agissait avec justesse, contenant certaines réflexions auxquelles il aurait eu recours avant et qui auraient pu mettre les négociations en danger. Au lieu de ça, Karm avait su mêler le traditionnel langage diplomate avec sa manière d'être afin de parvenir au dénouement. Bien sûr, rien n'était encore gagné, le Hapien songeait d'ailleurs à un piège éventuel, une stratégie de l'un ou l'autre concernant la "discrétion" exigée, notamment de la part du PLOMC, mais pour cette délicate mission, chaque chose en son temps et d'abord des félicitations méritées.

- Je m'occupe de ça, j'ai quelques contacts qui pourraient mener à arrondir les angles des deux côtés. C'est toujours un peu délicat d'introduire une autre entité alors que les premières sont en désaccord, le risque de conflit se multiplie, tout comme les intérêts à prendre en compte, mais ça peut aussi résoudre les principaux problèmes. [color=#00cc00]t, laisser les soucis moins importants ou immédiats aux entreprises, pour plus tard. Le travail de Karm et de Luke s'arrêtait à accompagner les deux partis et ils en faisaient déjà davantage que prévu, pour le meilleur espérait le Consulaire, soudain un peu moins sûr de vouloir outrepasser son strict devoir. Pourquoi s'obstiner à passer outre alors qu'il était né pour être raisonnable ? Avec un léger soupir contrit, le jeune homme salua son compagnon avant de disparaître doucement dans la foule.

- Et que New Hydrotechs nous vole notre know how ? Non merci ! Nous préférons perdre l'occasion d'un enrichissement à long terme plutôt que mettre à mal notre bien-être financier sur le long terme.

- C'est fort intéressant Monsieur Kayan, mais concevez que vous restez, malgré votre bonne volonté, un simple Chevalier Jedi dont l'éducation se base, si je ne m'abuse, sur l'austérité. Il vaudrait peut-être mieux que vous vous contentiez de votre domaine, je m'occuperai du mien.

- Notre entreprise n'a pas les moyens de suivre un si gros projet.

- Avec le combat qui se prépare, nous préférons garder notre réputation sauve. Il est hors de question d'être associé au PLOMC et à MERCURE... Deux géants qui ont bien plus en commun qu'ils ne l'admettront jamais.

Balloté d'entreprise en entreprise, Luke n'avait, pour l'instant, tiré parti de ses contacts que pour des heures rapides de rendez-vous. Très utile pour se faire balancer tout aussi vite, mais il n'allait pas abandonner. Après s'être perdu une ou deux fois et avoir recalculé ses cibles, remanié son discours, le Chevalier avisa une ruelle aux aspects plutôt populaire. Les bureaux se voulaient classes tout en demeurant modestes. Une entreprise entre deux, son ultime espoir.

AquaRobots était assez grande pour soutenir un gros projet mais assez petite pour demeurer humble. La Startup débordait de motivation, d'idées créatrices sans avoir l'argent pour les développer. Le jeune Jedi parvint à rédiger un contrat provisoire engageant l'entreprise dans un devis où ils acceptaient, contre des machines et un pourcentage important de gains, l'idée de transmettre leur savoir-faire. Marisha pourrait apprendre d'eux voire les copier tant qu'elle payait une forte commission de droits d'auteur. Dernier gâteau sur la cerise, l'entreprise qui cherchait à se démarquer vantait le fait d'engager de nombreux locaux et la main-d'oeuvre pour ces travaux délicat était plutôt importante. Des chercheurs en écologie et des ingénieurs pourraient être mis en valeur lors d'une collaboration, de quoi unir tout le monde.

***

Épuisé, le Hapien se laissa tomber sur le lit. Son dossier était relativement peu garni, il n'avait qu'une entreprise assez flexible pour accepter la discussion et intéressée par une collaboration. Par chance, c'était la meilleure, et Luke trouvait finalement que cette sobriété arrangerait tout le monde. Il s'occupa des papiers ainsi que d'appels, dont un pour Marisha et un autre pour Rukver qui acceptèrent un peu à contrecœurs la présence du PDG D'AquaRobots.

Après s'être relevé, quittant sa position de repos si peu digne de lui, le Chevalier se remis au travail. Il rédigea quelques points importants à souligner pour essayer d'unir les parties, anticiper les oppositions farouches. Rukver et Shayamawi étaient deux locaux, le leur rappeler pourrait éveiller leur fibre sensible. Chacun, au final, voulait le bien-être de sa patrie, de ses habitants et du littoral. Il espérait aussi jouer sur l'hypocrisie de chacun (oui parfois, il fallait bien) et leur rappeler ce fait : en bon citoyen, ni l'un ni l'autre ne pouvaient permettre la détérioration de la flore et de la faune dont finalement, ils faisaient partie. La solution ? Signer cette demi-victoire, apparaître comme raisonnables aux yeux de l'univers, préoccupé par le bien-être de tous, dialogants. AquaRobots, espérait-il, serait le ciment d'un accord entre eux, pour la construction d'un chantier promettant des emplois mais aussi le respect de l'environnement.

Malgré lui, le jeune homme débuta la rédaction d'un possible contrat que les trois partis pourraient ratifier ou modifier facilement, un brouillon difficile à écrire. La tâche ne lui incombait pas mais le Hapien pensait qu'en offrant une proposition concrète, le projet paraitrait plus réel et possible.

- Bonsoir. Alors, la journée a-t-elle été fructueuse ?

Fit-il joyeusement de dos alors que Karm avait à peine passé le pas de la porte. Comme d'habitude, Luke avait senti son aura avant que le Maître n'arrive, puis il l'avait entendu, si feutrés soient ses pas. Il ne doutait pas que son ami ait eu une bonne journée, c'était un Jedi aguerri, bien plus socialement efficace qu'il n'avait tendance à le croire lui-même.
Karm Torr
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Toujours aller chercher les réponses dans les rochers.

Karm s’était peu à peu éloigné de la ville, en suivant le tracé de la côte, et puis il avait emprunté un sentier abrupt qui descendait jusqu’à une plage de galets contre laquelle venait buter l’immensité de l’océan-monde dacien. De là, il avait rejoint une digue naturelle, énorme bras de roche qui plongeait dans la mer, et il en avait escaladé les rochers jusqu’à la pointe.

C’est là qu’il s’assit, tout au bout, les jambes croisées, le regard fixé sur les vagues qui se brisaient rythmiquement sur son promontoire. Sa respiration s’était ralentie, et il l’avait laissée affluer en lui, comme le courant et la marée, la Force, celle qui mettait en mouvement toute l’eau de Dac, et tous les êtres qui l’habitaient.

C’était un monde hors du commun et il le savait bien. Rares étaient les planètes qui pouvaient se targuer d’avoir fait évoluer d’aussi nombreuses espèces douées de conscience. Rares étaient les planètes qui avaient survécu à leur propre course en avant. Il y avait un mystère dans l’âme de Dac, celui d’une réussite qui n’avait pas flétri son monde, alors qu’ailleurs, la vie intelligente avait tout dévoré, tout bâti, tout recouvert.

Karm essayait de percer ce mystère, à la recherche de la clé d’une situation dont il n’était toujours pas certain de bien comprendre les tenants et les aboutissants. Il préférait s’en remettre à autre chose que l’intelligence. La Force guidait son intuition depuis si longtemps, pourquoi ne lui aurait-il pas fait confiance encore une fois ?

Il n’était pas le plus doué pour scruter ni le passé, ni l’avenir, et peut-être pas même le présent. Cette Force-là, désincarnée, immatérielle, cette abstraction que fréquentait bien des Consulaires, lui échappait la plupart du temps. Mais sur des mondes comme Dac, les choses étaient un peu différentes. La nature était immense. Et la nature, elle, lui parlait toujours.

Quelques heures plus tard, le jeune Maître refaisait son apparition dans la petite chambre d’hôtel qu’ils avaient investie avec Luke. L’Ark-Ni posa une main sur l’épaule de son compagnon et se pencha pour l’embrasser dans le cou.

Je t’aime, chuchota-t-il avant de l’embrasser aussi sur la joue, tant qu’il y était, et puis au coin des lèvres, et puis sur les lèvres.

En somme, tout cela était fort indécent.

L’explorateur se redressa néanmoins avant d’attenter à la pudeur de Luke et, après s’être laissé tomber dans un fauteuil aussi confortable qu’un vieux strapontin sur un cargo marchand, il déclara d’un ton dégagé, tout en entreprenant de se débarrasser de ses bottes :

J’ai parlé à l’océan.

Tout est normal.

Ouais, et puis à des gens, après, aussi. Des pêcheurs, des algoculteurs, des gens du coin, quoi. On m’a filé une super recette pour faire fermenter des algues, et ensuite tu réduis ça en purée et tu manges en tartine, ça a l’air top, faudra qu’on essaie.

Bref, des informations de la plus haute importance.

Accessoirement, ils captent pas grand-chose à cette affaire. MERCURE, PLOMC, traités de protection de la nature, obligation d’emploi, et tout ça, ça leur parle pas des masses, du coup, par principe, ils en veulent au gouvernement. Ils ont l’impression que tout cela est bureaucratique, que ça traîne en longueur pour des technicités… technicitudes… ‘fin, tu vois, quoi, des détails sans importance.

Désormais, il était en train de se débarrasser du reste de ses vêtements, parce qu’il avait une réputation à tenir.

Et du coup, en fait, j’crois que les campagnes de com’ de nos potes à MERCURE et au PLOMC sont pas si efficaces que ça. Les gens ont tous l’air globalement persuadés qu’il y a un moment de faire les deux trucs en même temps, que c’est pas forcé de tout bousiller pour ramener de l’emploi, mais que deux ou trois normes un peu strictes sur la protection du littoral vont pas faire capoter tout un projet économique.

À présent entièrement nu — c’est le moment que nous attendons tous —, Karm se releva pour ajuster ses vêtements sur un cintre et insérer le tout dans le petit placard assécheur, qui équipait les chambres daciennes de surface, pour permettre aux voyageurs de préserver leur tissu de l’humidité qui régnait sur toute la planète.

En fait, mon impression, ça a été que… Ben on est sur Dac, quoi. Ça fait des siècles et des siècles que cette planète est un fleuron de l’industrie aéronautique, entre autres choses, et en même temps un joyau naturel. Du coup, tout cet affrontement, pour les gens d’ici, ça a rien d’intuitif. Ils voient pas pourquoi l’un exclurait l’autre. Si ça a été possible partout ailleurs sur leur planète, dans les océans, sur les côtes, en orbite, pourquoi ce serait pas pareil pour eux ?

Toujours dans le plus simple appareil, Karm revint près du bureau occupé par Luke, contre lequel il appuya ses fesses (d’une fermeté à faire honneur à l’Ordre Jedi), avant de conclure :

En gros, j’ai eu le sentiment que pour eux, cet affrontement idéologique, dans la manière dont il était formulé par PLOMC et MERCURE, jugé depuis Coruscant, ça faisait l’effet d’un truc un peu abstrait, de concepts plaqués sur une réalité qui est pas la leur, pas celle de leur identité planétaire. Rukver, Shayamawi, ils se pensent en locaux, et ils le sont, c’est pas la question, mais leur manière de voir ou en tout cas de présenter les choses, ça fait l’effet d’un truc importé, pour les gens à qui j’ai parlé.
Luke Kayan
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Luke se redressa et tourna légèrement la tête, quitte à risquer le torticolis pour rendre son ou plutôt ses baisers à Karm. Son oreille capta le bruissement significatif de vêtements qui se frottent contre la peau puis que l’on plie ou qu’on rejette. Le Chevalier, pardon, le Maître au Slip faisait honneur à sa réputation. Le temps de finir quelques phrases, notamment les salutations cordiales et le rappel des termes de ce contrat éphémère et le blond fit tourner son siège pour finir plus ou moins en face de son ami.

- Des algues ? Encore... Après le café, je ne suis pas sûr...

Un sourire égaya ses lèvres, sans qu’il ne puisse empêcher une petite grimace de s’y glisser. Infect, le breuvage amer lui avait laissé un goût qui lui rappellerait à l’occasion de ne plus laisser traîner ses doigts sur un distributeur de Dac. Ceci dit, malgré ses protestations, il ne restait pas complètement fermé à l’idée, tant que Maître Niden le préparait ou, à la rigueur Karm pour lui faire plaisir. Pour en revenir au sujet, Luke admira une fois de plus, à loisir, la manière dont son aîné entamait les discussions. Là où certains auraient ri, lui savait que cette introduction si naturelle était efficace, parfois plus que les solennelles négociations ou entretiens. Il y avait des êtres dont les meilleurs diplomates ne sauraient saisir totalement l’essence à cause de leur approche trop académique, généraliste.

- J’ai compris, oui.- Nouveau sourire, son compagnon s’était nettement amélioré pour s’exprimer, mais serait-il vraiment lui-même sans quelques charmantes fautes ?- C’est plutôt une bonne nouvelle. Une population calme, peu prompte aux accès de colère et finalement difficilement influençable. On dirait qu’il n’y a pas que l’environnement qui soit demeuré assez pur, vierge. C’est un excellent point en tout cas. Ce peuple pourrait même réguler les tensions entre PLOMC et MERCURE. Lorsque tu exposeras tes conclusions aux deux partis, on leur fera comprendre qu’ils ont tout à perdre en déséquilibrant le projet, tant vers un côté que l’autre. De fait, je me demande si les gens adhèreraient au premier ou au second, sous peine de mettre en danger l’équilibre. Des citoyens exemplaires. Je me demande si, poussé par ces traditions tacites, ils refuseraient un projet ou l’autre tirant trop vers les extrêmes, sous peine d’en mettre un en danger. Ce sera un bon point à souligner en réunion en tout cas. Déplaire aux habitants à cause de dégradations de l’environnement ou de l’emploi ne serait bon ni pour les votes, ni pour les affaires.

Admira le Jedi qui prenait conscience de l’état de Dac, étrangement parfait, sans doute à cause d’une population apte à la raison, à la négociation et finalement, à une diplomatie naturelle fascinante. Les griefs entre PLOMC et MERCURE pourraient se résorber afin de répondre à la demande des clients passifs qui voulaient autant trouver des emplois que préserver le littoral. Le Chevalier s’empressa de noter quelques points cités par le Maître afin de les souligner lors de la réunion. Si l’Ark-Ni n’avait pas parlé à l’océan, aux pêcheurs et autres locaux, le dossier aurait été froid, impeccable juridiquement parlant mais désespérément glacé. Karm était vraiment le coeur de leur duo. En montrant qu’ils avaient été à la rencontre des gens, les Jedis gagneraient en crédibilité, prouvant avoir montré un intérêt réel pour la planète, et finalement, les locaux... Un aspect ardemment défendu par les deux opposants.

La mission prenait un tournant agréable, Luke avait l’impression de rêver. Il se leva pour esquisser quelques pas, signe d’une inspiration soudaine mais encore brouillonne. Après de multiples mésaventures, le jeune homme ne prenait plus ce risque de “tourner en rond”, mais les idées se bousculaient. Il retourna à son bureau pour taper quelques ultimes phrases.

- Je suppose que toute la population ne fonctionne pas ainsi, certains, plus citadins doivent être influencés par des idées plus cosmopolites voire capitalistes mais si l’essentiel de la population tient le discours que tu m’as transcris, c’est positif. Les deux partis n’ont aucun intérêt, ni commercialement pour l’un, ni politiquement pour l’autre d’aller à l’encontre de la demande de “clients passifs”. Penses-tu que tu pourrais convaincre ces gens de t’envoyer un témoignage ? Écrit ou filmé peu importe. Juridiquement parlant, ça aurait peu de poids, mais pour la sensibilisation, c’est parfait. Surtout qu’en expliquant tes conclusions qui corroborent tout cela, tu donneras l’aspect scientifique manquant. Un mélange idéal.

Le jeune homme se redressa finalement et se lova contre son ami. Malgré ses vêtements, il sentait vaguement la chaleur de la peau de son compagnon et ses lèvres avaient un petit goût salin. Réalité ou impression issue de son récit ? En tout cas, le Chevalier reprenait confiance. Il avait l’impression que cette société se rapprochait de son idéal : l’union entre la société et la nature. C’était donc possible ? Bien sûr, il n’avait pas l’arrogance de croire que leur discussion arrangerait tout... Il y aurait encore des heurts, mais si les prémisses étaient solides, les choses s’amélioreraient ensuite, surtout avec ce peuple apparemment modèle.

- Les opposants ont étudié à l’étranger, c’est normal que leurs idées se soient imprégnés d’une autre culture, surtout que Shayamawi est en contact avec des industriels intergalactiques et Rukver avec des politiciens d’autres Univers. Les rencontres dans ces deux domaines influencent et forgent beaucoup l’esprit des concernés.

Il eut une furtive pensée pour le Chancelier Halussius Arnor. Bien qu’il eut apprécié l’homme en son temps, Luke n’avait jamais été d’accord avec le fait qu’un Jedi devienne politicien. C’était contraire à leur principe et assez corrupteur. La politique finissait toujours par influencer tout le monde, y compris les Consulaires ou diplomates, à certains degrés bien sûr et pas toujours en opposition avec leurs idéaux de base. Avec son doigt, le Chevalier dessina un arabesque sur la poitrine de son ami.

- Dommage que tu te sois déshabillé, je serais bien allé faire un tour.- Et il taquinait à peine Karm. Après avoir passé sa journée en ville, il aimerait découvrir un océan que son aîné trouvait “pur”. Ceci dit, la nudité du concerné ne le dérangeait pas outre mesure non plus, ne nous mentons pas. Toujours lové contre lui, le blond chercha, tâtonnant un peu, son rapport qu’il offrit au Maître. Ce dernier concernait la startup qui s’était engagé, d’avance, à respecter certains secrets. Elle y avait mis tout ce qu’elle pouvait céder : des pourcentages de ventes, le savoir-faire et le fait d’engager des locaux si New Hydrotech les aidaient un peu.

- J’ai appelé PLOMC et MERCURE, le rendez-vous est bien fixé dans le vaisseau, un excellent signe de leur confiance en notre parole et intégrité, à 1 7h30. Nous avons encore pas mal de travail à abattre d’ici là mais cela nous laisse même un peu le temps. Ah et ils ont accepté cet éventuel troisième intervenant, par anticipation s’il s’engage à signer des accords de confidentialité. J’attends juste que tu me dises ce que tu en penses et donne ton feu vert.

Si Luke avait une qualité qu’on devait lui reconnaître, c’était sa prise d’initiatives dans des domaines qu’il maîtrisait bien. Avec lui, peu de lourdeur administrative, il avait pris les devants pour indiquer l’arrivée d’une entreprise qui pouvait apporter des choses aux deux partis. Un petit message et tout serait réglé. Pareil pour le rapport au Conseil, déjà pré-rédigé et n’attendant que le dénouement suite à la réunion. Quant à s’en référer à Karm pour attendre l’autorisation, c’était naturel. Le Jedi avait beau le tenir nu contre lui, en cet instant, il ne considérait pas avoir moins de devoirs qu’un autre envers un maître. Au contraire, ses efforts devaient être doubles pour obtenir l’approbation de son amant et collègue.

Quoiqu’il en soit, ce travail correspondait aux critères d’appréciation du Hapien, heureux de voir la dimension d’une mission ennuyeuse changer. Tout se déroulait bien, Karm avait même pu renouer avec cette nature si précieuse qui se révélait finalement préservée. Voilà qui les changeaient des nouvelles cataclysmiques habituelles et le fait qu’on accepte l’aide des Jedis sans toujours les critiquer (n’est-ce pas Maxence ?) soulageait. Oui, décidément, cette mission si rébarbative en deviendrait intéressante. La cerise sur le gâteau ? Avoir une chance de réellement améliorer l’avenir de Dac ou du moins de le conserver en intervenant avec prudence. Luke avait l’impression d’être utile, bien que les autochtones semblaient savoir se réguler, l’affaire pouvait être trop grosse à absorber pour eux.

- Ah et bien sûr, je t’aime aussi.

Termina doucement le Chevalier, content de retrouver un peu d’intimité avec son chéri.

- Raconte-moi comment était l’océan. Il devait être magnifique sans pollution.

Karm Torr
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Des témoignages vidéo ? Peut-être, ouais. Si tu penses que c’est utile.

Pour sa part, il n’en avait pas la moindre idée. Organiser des campagnes d’opinion, ce n’était pas vraiment sa spécialité, et avec une certaine dose de naïveté, il avait cru qu’il pourrait se contenter de rapporter lors de la réunion les propos des gens qu’il avait rencontrés. C’était idiot en un sens, et il s’en rendait compte à présent, et pendant un instant l’inquiétude qui l’avait tout d’abord saisi à l’approche de cette mission, celle de manquer du savoir et de l’intelligence nécessaires pour la mener à bien, revint le hanter.

Fort heureusement, on lui fourra un Hapien dans les bras et c’était une diversion qui triomphait de toutes les crises de confiance. Les mains du jeune Maître se posèrent bien volontiers au creux des reins de son compagnon et il l’écouta faire son propre récit.

Dix-sept heures trente, c’est bien. Quant aux accords entre eux… Notre mission, au fond, c’est qu’ils recommencent à se parler et qu’ils arrêtent d’encombrer les tribunaux. C’est un peu à eux d trouver leur terrain d’entente après ça.

Le rôle de médiateur avait ceci d’un peu ingrat qu’ils n’étaient pas là, au fond, pour prendre les décisions. Servir d’intermédiaire, restaurer le dialogue, et c’était tout. En un sens, Karm en était soulagé : il n’était pas certain de savoir ce que lui-même aurait fait, si on l’avait laissé décider de la marche à suivre.

Demain, je referai le tour des habitants pour récolter les témoignages, conclut-il.

Son étreinte se resserra autour de Luke. Il sentait sa présence, dans la Force, contre sa peau, et chaque mois qui passait les liait un peu plus étroitement encore l’un à l’autre.

L’océan…, répéta-t-il d’une voix pensive.

Ses mains finirent par se faufiler sous le haut de son compagnon, pour remonter dans son dos, la paume contre la peau de Luke.

Ces deux dernières années, tu sais, j’essaie… De mieux percevoir les choses. Et de les percevoir aussi à ta manière. Je ferme les yeux pour comprendre le monde dans lequel tu vis. J’écoute. Je respire. Je touche.

(Ça, pour être tactile…)

J’essaie de laisser la Force insuffler une lucidité nouvelle à mes sens et à mon esprit. Pour comprendre Thann, aussi. Et puis pour…

L’Ark-Ni s’apprêtait à parler du reste, de ces rêves qui lui revenaient de plus en plus souvent, de cette conscience confuse qu’il avait d’événements encore à moitié aboutis, de cette présence de la Force qui lui échappait encore, et que pour la première fois de sa vie, il trouvait véritablement menaçante.

Enfin bref, fit-il évasivement. J’ai fermé les yeux, j’ai écouté l’océan, je l’ai senti, sur ma peau, l’écume des vagues qui jaillissait contre la digue, le sel sur ma langue, les parfums d’iode et d’algue, le roulement très profond comme la respiration d’un titan, comme si j’écoutais le souffle de toute la planète.

Les lèvres de Karm effleurèrent celles de son ami, avant de se presser contre elles, et il l’embrassa, avec une tendresse presque sage d’abord, puis avec passion, et à travers ce baiser Luke put percevoir, confusément, partiellement, les souvenirs récents de cette méditation face à l’immensité de l’océan dacien.

L’explorateur finit par rompre leur baiser néanmoins et, après quelques secondes à écouter leurs deux respirations de la silence, et à sonder la présence de Luke à travers la Force, le flux et le reflux de ses émotions et les pulsations de son sang, il reprit dans son murmure habituel :

Tu sais ce qui me fascine dans les océans ? Plus encore qu’avec les montagnes, ou les forêts, ou les prairies. C’est qu’à chaque seconde, l’océan est en pleine révolution, à chaque seconde, tout est différent, tout est renversé par un mouvement perpétuel, et pourtant c’est le même océan, depuis des millions et des millions d’années, et sans doute pour des millions d’années encore. Je pense beaucoup à ça, dernièrement. À l’impermanence des choses. À ce qui reste de ce qui est passé et à ce qui s’annonce déjà de ce qui doit venir.

Comme il arrivait parfois, Karm semblait s’être soudain pleinement approprié le basic, cette langue qu’il parlait d’ordinaire en prenant ses libertés avec la grammaire et le vocabulaire, et où il lui arrivait souvent de tâtonner à la recherche des bons mots.

On ira à l’océan demain matin, conclut-il en embrassant encore le Chevalier, mais dans le cou cette fois-ci. On ira s’asseoir ensemble sur les galets, pour observer tout ça. Je crois que… Dans cette histoire, tout le monde l’aime, l’océan, et c’est le moins qu’on puisse faire de lui rendre aussi hommage.
Luke Kayan
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Si Luke ne doutait pas que la parole d'un maître, d'autant plus réputé comme l'était Karm, il préférait prendre le plus de précautions possible. Des vidéos sauraient nourrir les regards de ceux qui avaient toujours besoin de voir pour croire, autant mettre toutes les chances de leur côté.

- J'avais pensé que leur présenter ce troisième élément offrait une clé rassurante pour les engager à entamer le dialogue... Tout en leur mettant aussi un peu la pression, certes.

Le blond savait être un redoutable diplomate quand il s'investissait vraiment et trouvait la faille de ses potentiels adversaires. Ici, deux partis têtus risquant de mettre à mal l'équilibre d'une planète merveilleuse. Bien sûr, ni le PLOMC, ni MERCURE ne représentaient des ennemis au sens véritable du terme, Luke avait juste l'impression qu'il faudrait insister subtilement afin de les aider à prendre la bonne voie. Dans ce genre de situations, le Jedi n'avait pas attendu son aîné pour interpréter un peu le code. Les expériences de Saï Don cumulées aux siennes lui avaient appris à savoir quand intervenir plus loin que cette fameuse objectivité et jusqu'à quel point. C'était un calcul délicat, aussi délicat qu'un sentiment à maîtriser pour ne pas sombrer. Aujourd'hui, cependant, le jeune homme commençait à être confiant car il avait saisi en majeure partie l'état d'âmes des opposants. Ils avaient des points communs que beaucoup ne partageaient pas et sur lesquels les négociateurs pourraient jouer. Plus non négligeable, Shayamawi et Rukver étaient honnêtes, bien intentionnés, de quoi effectuer un réel bon travail au lieu de juste limiter les dégâts, c'était d'autant plus motivant.

- Si tu penses qu'il vaut mieux éviter, je préviens AquaRobots de ne pas assister au rendez-vous, je leur avais dit que ce n'était pas sûr.

-L'art du négociateur prudent qui détestait enfiler les faux espoirs : toujours laisser une porte de sortie à l'annulation. Le jeune homme avait au mieux anticipé les éventuels problèmes qui pourraient surgir parce que c'était son caractère, mais aussi certainement, à cause de la réputation de Karm. Son ami dirigeait une telle mission pour la première fois, cela semblait donc d'autant plus important de la boucler impeccablement. Plein de confiance en tout cas, il s'en remettait à lui quant aux meilleur choix. La juge avait été claire et Luke prenait ses mots au sérieux : elle avait choisi l'Ark-Ni pour sa manière d'être et de faire, innovatrice. C'était à sa façon que les choses devaient se dérouler, sans compter que le Hapien voulait que ce dernier prenne confiance en lui pour ce genre de travail. S'il avait pu se soustraire un peu aux affaires politiques, Karm risquait de devoir s'y soumettre davantage en tant que Maître. Bientôt, il siègerait au Conseil, le blond en était certain.-

Le Chevalier frissonna, autant grâce au contact de la main sous son haut que les mots de son ami. Il savait ce dernier toujours attentionné, si subtilement qu'il n'en laissait rien paraître, mais l'entendre dire qu'il essayait de vivre comme lui le touchait forcément. Chaque jour, Luke en était conscient, l'Ark-Ni ménageait l'environnement, décrivait, le guidait sans en avoir l'air. Il aimait particulièrement ce trait du Maître, qui sous un aspect impassible était bien plus empathique que beaucoup. Un équilibre qui rendait le créateur de l'Enclave à la fois Jedi, comme on s'y attendait, mais également plus humain que lui-même ne l'admettait. Il était évident que Karm essayait de se mettre à la place de son cadet, mais qu'il le prononce, explique le processus faisait de ses tentatives une attention d'autant plus douce. À leur manière, tous deux se rejoignaient dans un monde neutre, car Luke aussi essayait de faire des pas vers lui, passant outre son handicap. Il aimait avancer sans aide, poser des questions sur des concepts difficiles comme lui ou s'intéresser, par exemple, même sommairement à la cartographie, à la conduite ou l'art. Quant à Thann, elle représentait à elle seul, cet univers à mi-chemin, aveugle mais voyante, et même parfois davantage que Karm.

Sous la description de ce dernier, Luke eut l'impression de sentir l'air salin persistant qui s'accrochait à la chevelure ondulée de son ami avant de contaminer délicieusement la sienne. Il gouta encore au sel sur les lèvres du conteur, écouta le tempo de vagues régulières qu'il imaginait sage en ce jour ensoleillé. Le jeune homme avait ironiquement peu eu le temps de voir l'océan. Les missions en bord de côte, déjà rares, ne lui avaient pas laissé le temps de profiter de la plage. Pire, il avait eu avec la grande étendue d'eau, une ou deux seules rencontres désagréables, notamment lorsqu'ils avaient essayé de fuir à la nage du complexe de Noctis. Il avait aussi eu peur de perdre son aîné sur l'une d'elles tandis qu'il récoltait des échantillons et que le dissident avait raté l'heure de rendez-vous. Pour autant, la plage l'attirait, elle avait quelque chose de mystérieux, d'intemporel et d'éphémère à la fois qui rappelaient à Luke les mouvements de la Force, insaisissable, fragile quoique puissante.

- Et puis pour ?

Sorti de l'instant par une vague inquiétude de Karm, couplée à une reformulation, le jeune homme s'éloigna -à peine- dans un réflexe, certes inutile, pour contempler sérieusement son aîné. Il laissa filtrer une sensation encourageante, celle qu'il exprimait pour encourager Karm à parler sans crainte sans pour autant l'y obliger parfois.

- Certains écrits désignent l'océan comme le créateur des mondes. Quelques soient leurs différences, exception faite de certaines planètes, toute vie naît de la mer. Mais ça tu le sais déjà. - Évidemment, l'explorateur chevronné connaissait mieux que l'(ex?) citadin confirmé les secrets de la Terre. La biologie de bien des mondes avaient raconté leurs secrets à un Karm, patient, doux et amoureux de la nature.- Je l'imagine être la représentation palpable de la Force, comme tu le dis si bien, impermanent et toutefois immortel.

Il n'ajouta rien de plus, autant pour inviter son ami à lui parler de cette petite vague d'inquiétude qu'il avait senti que par respect pour ses mots si joliment exposés. Parfois, de plus en plus souvent d'ailleurs, Karm brillait par son éloquence. C'était une poésie franche, sans fioritures, sauvage mais douce à la fois. Son ami ne percevait pas les choses comme un autre voyant, il était calé dans un autre monde, avec des yeux bien à lui, capables d'aller plus loin. Ses métaphores surprenaient toujours, et Luke savait d'un vieux Consulaire qui le citait parfois. Si certains avaient certainement songé à cette impermanence et davantage encore avaient loué la dualité des océans (ce second thème revenait souvent dans l'art), le Maître liait les choses entre elles d'une manière aussi surprenante que pertinente.

Le Hapien accepta le baiser dans le cou, il s'était retourné, offrant son dos à Karm et son propre bras chercha en arrière, son coude pour descendre jusque sa main. Il fit prisonnière la seconde et les remonta jusqu'à sa propre poitrine. Enlacé par son ami, le jeune homme murmura, les yeux clos.

- Ce sera une belle matinée.

Avec un autre, évidemment, il aurait refusé. La mission quémandait de régler encore de nombreux détails, mais voir l'océan avec Karm, surtout cet océan et surtout avec Karm lui paraissait en effet être un hommage essentiel. Les yeux brillants à l'idée de voir l'océan, presque comme un enfant -un statut qu'on lui aurait presque concédé si sa position présente avait été aussi innocente que son air heureux- le jeune homme se détacha tendrement pour ranger quelques affaires. Il n'avait toutefois pas oublié les mots arrêtés de l'Ark-Ni malgré sa joie évidente ou son optimisme concernant la mission, mais ce n'était pas à lui de tirer les vers du nez. Son ami possédait des capacités hors normes, il avait un parcours particulier duquel découlait forcément, un ressenti différent. Le blond se demanda de quoi il s'agissait, son esprit lui soufflait "rien" pour le rassurer, mais son instinct, lui, savait.


Karm Torr
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Le lendemain, ils s’étaient levés tôt, même très tôt, pour aller observer l’océan. Il faisait à peine jour sur le littoral cette île parmi bien d’autres qui émaillaient la mer sans limite de Dac et la côte n’était pas faite pour attirer les touristes. Là, on ne trouvait aucune de ces longues plages de sable fin dont les publicités vantaient les charmes à des citadins éreintés aux arrêts du magnétotrain de Coruscant.


Le plus souvent, les falaises tombaient de façon abrupte droit dans les vagues et l’écume s’écrasait à même la pierre, quand elle n’engouffrait pas dans quelque galerie souterraine couverte par les mollusques. Il leur fallut marcher un bon moment pour trouver un sentier qui descendait le long du rempart de pierre, jusqu’à une plage de galets inégaux où personne n’aurait eu l’idée de venir s’allonger pour profiter du soleil.


Après quelques minutes à marcher lentement le long de l’océan, là où l’écume des vagues venait liserer de blanc la terre, les deux hommes s’assirent sur un rocher éboulé de la falaise, et Karm posa sa main sur celle de Luke, et un baiser sur la joue de son compagnon. Il avait fermé les yeux, et lui non plus ne voyait rien, mais en même temps il percevait tout.


J’aime bien ce genre de plages, murmura-t-il après un moment. elles sont tout en pierres, tu sais, on les croirait hostiles, totalement minérales, mais la vie bouillonne de partout, entre les galets, les crabes se font des maisons, il y a des petites flaques parfois, comme des mers en minuscule, où des poissons presque indiscernables à en être petits se font tout un monde.


C’était peut-être l’une des choses qui le fascinait le plus dans sa vie d’explorateur : découvrir une nouvelle planète, c’était d’abord accepter l’existence d’une immensité inédite, suspendue dans l’espace, et puis ensuite on se posait et on découvrait que chaque centimètre carré pouvait être un nouveau monde en soi. Karm avait une conscience aiguë de ce que, quand il revenait de mission, il n’avait jamais décrit qu’une parcelle d’un ensemble plus vaste, dont la complexité échapperait encore longtemps à ceux qui prétendaient l’épuiser par leurs recherches et leurs systèmes.


Il y eut un nouveau silence, assez long, et puis il dit un peu soudainement :


Hier. Ce que je voulais dire…


Karm laissa sa tête reposer contre l’épaule de Luke.


J’arrête pas de voir des choses. Dans mes rêves. La première fois, enfin, la première fois quand j’en ai pris vraiment conscience, c’était sur Illum, quand on est allés avec Thann, pour chercher son cristal. Depuis, ça a été sporadique. Le plus souvent, je saurais pas dire si c’est un rêve ou quelque chose d’autre. Mais ces dernières semaines…


Chaque nuit, il se sentait sur le point d’être agité par des images soudaines et en général peu compréhensibles, mais qui avaient sur les rêves cette densité de plus des choses déjà en gestation. Parfois, il s’endormait et il voyait réellement tout cela, d’autres fois non, mais la possibilité en tout cas lui en était devenu presque palpable.


J’ai… Je sais que je devrais pas me sentir démuni par rapport à ça. Ça n’a rien de… Particulièrement exotique. On a des bibliothèques pleines de livres sur les visions de la Force, sur les rêves, sur ces choses-là. Mais tu comprends ce que je veux dire, pas vrai ?


Et instinctivement, il se serra un peu plus contre son compagnon.


Pour moi, la Force a toujours été quelque chose de physique, d’immédiat, de sensuel. De concret. La Force, c’est la vie, les cailloux, les gens, les animaux, les trucs qui poussent, qui mangent, qui courent. C’est une question de chair, de sang, de racines et de terre. Je sais qu’il y a une Force cosmique, ‘fin que la Force est aussi cosmique, je sais qu’il y a quelque chose d’éthéré, ou d’abstrait, dans ce qu’on peut potentiellement faire. Mais je me suis toujours dit que c’était un truc pour les Voyants. Un truc plutôt loin de moi.


Est-ce qu’il avait raté des signes ? Est-ce que Tavaï, dans l’entraînement étroit et presque monomaniaque qu’elle lui avait prodigué, avait manqué de sentir en lui un talent particulier pour ce genre de choses ?


’Me suis toujours senti enveloppé par la chaleur de la Force, de la vie, une chaleur de sang, de souffle, de sève, de tout ça. C’est… Familier, tu sais ? Y a pas de complexité dans ma Force à moi. Elle est là. Partout. Faut travailler pour la sentir et se faire écouter, c’est sûr, c’est pas facile, mais c’est évident. Là, ce truc, c’est… Lointain, et brumeux, plus ou moins vrai et plus ou moins faux, désincarné, et j’ai l’impression qu’à chaque fois que j’essaie de le saisir, ça échappe à mon esprit.


Le jeune Maître poussa un soupir.


J’avoue que ça m’arrive de retarder autant que je peux le moment de m’endormir, pour pas être à nouveau happé par tout ça.
Luke Kayan
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Luke hocha la tête avec légèreté, faisant dévaler quelques mèches blondes en équilibre précaire sur un rocher. Tout en pierre, oui, il savait. Cette sensation brûlante sous les orteils lorsque les cailloux étaient exposés au soleil d'été, mais rafraîchissante pour peu qu'on les humidifie ou qu'il bordent un ruisseau. Sans la Force, jamais l'aveugle n'aurait conçu qu'elles soient "vivantes" comme le suggérait Karm, or, quand ce dernier l'évoquait, il se rappelait des sauterelles nichées dessous, de la peur primaire de petits scarabées, des fourmis qui se riaient du danger. Avec les crabes, ce devait être semblable songea-t-il en se demanda à quoi ils ressemblaient. Au fur et à mesure du récit, le Hapien avait aussi clos ses paupières pour essayer de se représenter, à sa manière, ces fameuses flaques. Un écosystème minuscule aux yeux de la plage, microscopique pour la planète, mais gigantesque pour les créatures qui y vivaient, un véritable univers qui s'autosuffisait. Luke savait rater de nombreux détails sans pour autant se frustrer. Il estimait avoir déjà tant de chance de trouver des gens pour lui raconter tout ça, à commencer par Karm ou son maître, les meilleurs dans le domaine qui adaptaient leurs mots à son maux.

Le contact de son ami fit frissonner le jeune Jedi. Par réflexe, il pensa à le repousser gentiment, parce qu'ils étaient à l'extérieur mais ne fit aucun geste, rien, pas même une raideur. Il avait dépassé ce stade depuis quelques temps malgré sa crainte de s'afficher en public, surtout quand la situation était aussi... Particulière.

C'était venu d'un coup, Luke avait sentit les confessions arriver. Il avait tourné la tête vers Karm, rouvert ses iris pour éventuellement y rencontrer celle de son aîné si celui-ci le désirait. Au lieu de ça, il sentit un poids sur son épaule. Comprenant son origine, le Hapien glissa son bras autour de l'Ark-Ni pour mieux le soutenir en place mais aussi l'entourer tandis qu'il parlait. Après un long silence pendant lequel le Chevalier avait disséqué l'information, réfléchi, il reprit la parole avec prudence, adoptant le ton doux d'une confidence rassurante.

- Il est normal d'être inquiet. Dans la majorité des cas, nos "dons" se discernent, se distinguent pendant notre adolescence. Il est rare qu'un Jedi se développe naturellement dans un autre domaine à l'âge adulte, en plus aussi avancé... Sans offense- Après avoir ajouté un léger trait d'humour afin de dédramatiser, le jeune homme repris.-. C'est donc déroutant, surtout quand on connaît ta perception de la Force physique, immédiate, palpable et vivante. Au fond, je pense que tu sais quelle est la bonne réponse, ce qu'il faudrait faire : Apprendre à maîtriser ce don, non seulement pour l'accepter, en tant que cadeau de la Force mais aussi réduire l'impact de ce pouvoir sur ta vie. Et pour cela, aller te renseigner auprès de certains Consulaires spécialistes du domaine. Si cela s'est manifesté plusieurs fois, il est évident que la Force devait aussi s'exprimer à travers toi de la sorte, bien que cela soit arrivé tard.

Luke parlait avec douceur, il essayait de penser à ce que Karm lui aurait dit, s'il s'était découvert, lui, une autre capacité déroutante, par exemple celle de la prémonition, exactement comme lui. Le Hapien ne connaissait pas du tout cette façon d'en appeler à la Force, il n'avait jamais été touché par la grâce des rêves du futur, ses dons relevant plutôt de la lumière pure ou de la guérison. À vrai dire, il s'imaginait aussi démuni que Karm, se découvrant de telles capacités. Comme pour le rassurer, Luke répondit à cette étreinte en le resserrant aussi un peu plus contre sa peau.

- Tu as besoin de quelques nuits réparatrices pour effacer ou diminuer l'expérience négative de ce pouvoir retardataire et perturbateur. Je peux t'aider à annuler quelques temps les effets de ces rêves, les faire taire avec quelques séances de méditation, mais ensuite, je crains que cela ne relève plus de mes capacités, ni le don en tant que tel, ni le ressenti émotionnel que tu développes, et qui, crois-moi est normal, ni les conséquences psychologiques de discernement entre réalité et fiction à la longue. Tu n'es pas obligé de te former comme un expert, de renoncer à tes croyances, du reste justes, et tu peux laisser aux visionnaires ce don de "voyant", mais pour te maîtriser un minimum et ne pas te laisser submerger, tu devras y faire face. Y faire face, c'est comprendre, apprendre, exactement comme tu as toujours su le faire... En essayant de fermer les yeux pour voir comme je peux voir par exemple. Sans entrer dans le domaine ni renoncer à ce que tu es, il va quand même falloir composer avec.

Le jeune homme aurait aimé pouvoir dire à Karm qu'il allait supprimer à jamais ces rêves enchevêtrés, trop abstraits qui le perturbaient, mais c'était faux. La Force décidait avec quelle puissance innée elle s'écoulerait en chacun, et comment cette dernière se manifesterait. Certains adolescents étaient davantage perturbés que d'autres car ils développaient d'effrayants dons psychologiques, parfois vus comme des malédictions, mais pour ne plus en avoir peur, ils devaient apprendre à vivre avec.

- Je comprends, c'est arrivé si tard, tu ne t'y attendais pas, plus... À l'âge où le noyau dur de tes convictions était formé, où tu avais appris à faire corps avec tes dons, et là, un pouvoir presque paradoxal avec ton mode de vie chamboule tout. Il n'a pourtant pas à le faire, tout bousculer, c'est un paramètre de plus à ajouter dans ton quotidien. Ce n'est pas simple, mais tu peux le transformer en un petit compagnon apprivoisé que tu acceptes auprès de toi ou le laisser, dictateur sauvage, prendre le pas sur le reste. Pour l'instant, c'est inconnu donc c'est effrayant, mais ça arrive, et ce n'est pas une punition, ce n'est pas de ta faute. Certains Jedis, plus qu'on ne le croit le vivent. Si j'avais un jour soupçonné avoir des "dons" de guérison et aller dans cette branche... Pour toi, c'est encore plus marquant car c'est arrivé tard, et surtout c'est un don envahissant, psychologiquement épuisant. C'est pourquoi, je pense qu'il faudrait demander conseil à un expert dans le domaine, sans avoir honte, sans songer que "ce n'est pas si exotique, pas de quoi en faire toute une histoire"... Non, c'est ton ressenti, c'est bien d'en parler, de savoir comment y remédier et te permettre de cohabiter avec ce don.

Le jeune homme soupira légèrement, il aurait aimé que son ami ait le droit au repos. Une vie simple avec des objectifs clairs, mais il était évident que le destin de l'Ark-Ni était plus grandiose, avec des pouvoirs aussi spectaculaires qu'épuisants. Ce n'était clairement pas un Jedi dans la norme et il souffrait inconsciemment de cette réalité. Difficile d'être extraordinaire. D'un baiser sur le front du concerné, Luke essaya de le réconcilier avec lui-même, l'engageant à ne pas être si dur avec sa propre personne.
Karm Torr
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Dis donc, le petit jeune, est-ce que tu serais en train d’insinuer que je suis vieux, par hasard ?


Karm donna un petit — et délicat ! — coup d’épaule à son compagnon.


Y a plus de respect pour les ancêtres, de nos jours, ma parole.


L’ancêtre en question ne l’était pas de beaucoup et il y avait fort à parier que dans un sondage en micro-trottoir, on aurait eu du mal à départager ces deux-là sur ce chapitre, car entre les particularités ethniques de l’Ark-Ni et celles, génétiques, de l’Hapien, leur couple ne constituait pas précisément un festival de virilité mature, barbue et armoireàglacée.


Cela dit, même si tu prends un malin plaisir à souligner mon âge vénérable, t’as pas tort. Je m’imaginais… Que j’attendrai une sorte de plafond à trente ans, tu vois ? À trente ans, je me disais que j’allais maîtriser mon sabre, je voulais être l’un des meilleurs de l’Ordre, et le reste, la Force, c’était ce qui irait avec. Être plus rapide, plus agile. Un peu de télékinésie. Ce genre de choses.


Une vie classique de Gardien, en somme, une trajectoire toute tracée, dessinée pour lui par Tavaï dès son plus jeune âge, et sur laquelle il s’était engagé avec un certain esprit de méthode.


Quand on s’est connu, toi et moi, j’avais déjà commencé à bifurquer bien sûr. J’étais rentré à l’ExploCorps depuis un ou deux ans, je découvrais… La nature. La Force Vivante. Et maintenant, ça va faire hyper prétentieux mais bon… Je crois que je suis devenu un peu l’une des références du domaine. Grâce à toi, je me suis lancé dans la guérison aussi et… on peut dire que je me débrouille plutôt pas mal.


Pendant plus de vingt ans, il n’en avait jamais maîtrisé que les bases, le nécessaire des champs de bataille, comme la plupart de ses collègues, mais sa rencontre avec Luke avait bousculé son existence en bien des façons. Parfois, Karm essayait de s’imaginer ce que sa vie aurait donné, sans le jour fatidique où un cargo avait explosé sous leurs pieds, mais c’était un exercice auquel il mettait toujours un terme rapide, parce que l’idée d’un monde où Luke ne serait pas à lui, et lui à Luke, était tout simplement insupportable.


Je ne m’étais jamais considéré comme quelqu’un d’exceptionnel du point de vue de la Force et, comme tu dis, j’avais toujours pensé que les dons de ce genre se déclaraient très précocement. J’avais une vision simpliste, au fond. Genre on devinait sa destinée au début de l’adolescence et le reste n’était qu’un perfectionnement progressif dans ses domaines de prédilection.


Lui qui, dans sa jeunesse, se voyait en futur chef de commandos d’exfiltration était devenu un mystique illuminé et, espérait-il, relativement lumineux, qui guidait une Enclave principalement dédié à l’artisanat, l’agriculture et le perfectionnement des pouvoirs de la Force.


Enfin bref, conclut-il d’un ton léger, soulagé d’avoir pu se confier une fois de plus à son compagnon. Tu as évidemment raison et il faut que je consulte des experts pour m’entraîner. On ne laisse pas ses dons en jachère, ce serait irresponsable, et en l’occurrence, même sans doute dangereux. Avec un peu de chance, je vais pas finir complètement cinglé à déclamer des oracles incompréhensibles debout tout nu sur un tabouret.


Car c’était en effet à peu près comme cela qu’il se représentait le quotidien des Voyants Jedi. Nudité mise à part, à la rigueur.


Allez, viens, le jeunot. On a des vidéos à enregistrer.


Karm déposa un baiser sur la joue de son compagnon, et d’autant plus volontiers que sur cette plage déserte où les locaux ne s’aventuraient que rarement, il n’y avait personne ce matin-là pour les voir, avant de se relever et de reprendre la direction du sentier qui grimpait le long de la falaise et les ramènerait vers les maisons alentours.


Les deux apprentis réalisateurs passèrent les heures qui suivirent à récolter les témoignages des habitants, qui se prêtèrent plus ou moins volontiers à l’exercice. Les vidéos, pour l’essentiel, étaient mal cadrées, mais au moins le son était clair et c’est ce qui comptait. Personne ne semblait très à l’aise face à l’objectif inattendu d’un datapad, mais on se prêtait à l’exercice, parce que c’était deux Jedis qui le demandaient.


L’heure de la négociation, cependant, approchait. Alors qu’ils en prenaient le chemin, Karm souligna :


Faut avouer que ça change de pas bosser dans la Bordure et de se retrouver en plein territoire républicain, où les gens disent oui à tout ce qu’on suggère. Y a un petit côté reposant à la chose.


Typiquement le genre de situations qui aurait fait rager Maxence, si elle avait pu être témoin de la facilité avec laquelle leurs divers interlocuteurs se prêtaient à leurs sollicitations, auréolés qu’ils étaient par leur appartenance à l’Ordre.


Malgré tout, quand ils s’assirent avec les trois autres à la table des négociations, l’atmosphère était tendue et le silence pesant. Il y eut les banalités d’usage, puis Karm fit preuve de sournoiserie. Lui qui pratiquait l’entourloupe comme méthode fétiche dans le combat au sabre la transposa à cette nouvelle situation, et il laissa le PLOMC et MERCURE commencer à s’enfoncer dans leur vieille opposition, sans dégainer ses vidéos.


Quand il sembla que la discussion s’était engagée dans une impasse dont elle ne se tirerait plus, il brancha sans rien dire son datapad à la table et activa la diffusion. Alors les visages de Mon Calamari et de Quarrens se succédèrent, une ou d’autres espèces aussi, plus rarement, et, dans les grandes lignes, chaque habitant témoignait de sa perplexité face à une confrontation qui leur paraissait sans lien avec leurs préoccupations immédiates, ni même d’ailleurs l’identité de leur région.


Lorsque la dernière vidéo se fut achevée, le Maître Jedi laissa planer un silence, puis il débrancha l’appareil et souligna calmement :


Comme vous pouvez constater, si cette histoire excite pas mal à Coruscant, localement, les principaux intéressés ne sont pas précisément sur votre longueur d’ondes. Enfin vos longueur d’ondes. Moi, je vous crois l’un comme l’autre sincères dans vos préoccupations sociales, économiques et écologiques, mais vous avez échoué à convaincre les gens d’ici.


Il se retint d’ajouter « faute d’avoir vraiment essayé, car c’eût été mesquin.


Mais le Chevalier Kayan et AquaRobots pourraient vous aider, je pense, à avancer de façon plus constructive avec le voisinage.
Luke Kayan
Luke Kayan
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L'ironie était assez amère, Luke comprenait que son ami peine à digérer la vérité. À leur âge, ils étaient censés profiter, enfin, d'une certaine stabilité, dû à une bonne connaissance de soi, de leurs limites et pour certains, de leurs qualités. Karm avait toujours démontré posséder un lien physique avec la Force : une agilité accrue, de l'endurance, des sens surdéveloppés, alors le voir soudain se transformer en "illuminé mystique" avait de quoi étonner. Des deux, on se serait plutôt attendu à ce que ce soit le Consulaire qui reçoive ce don pas si désiré, mais c'était bien le Maître Jedi, aujourd'hui, qui faisait part de ses inquiétudes au premier, épargné par une apparition soudaine de pouvoir différent complètement de son caractère. Le Hapien s'imagina se réveiller avec des instincts absolument accrus en combat, à défaut de mieux, ça l'aurait tellement marqué, perdu... Heureusement, Karm semblait d'accord avec lui, un expert pourrait l'aider à contrôler ces visions voir à le diminuer si l'Ark-Ni ne souhaitait pas s'en servir. Travailler pour au moins pressentir ce moment de "fiction réelle", s'en prémunir, se détacher du vrai et du faux, ne pas perdre la tête, sans être forcé de développer ce don. C'était l'option la plus raisonnable aux yeux du Chevalier, même si lui regrettait de ne pas pouvoir faire davantage pour soulager son ami. Il aurait pourtant apprécié que ce dernier cesse d'accumuler les tourmentes, les nouvelles sensationnelles qui venaient déranger son désir d'une vie plus calme, en harmonie avec la nature.

- J'avais aussi cette vision. Que nos domaines de prédilection se dessinent, se déterminent, se coordonnent entre nos dons et notre personnalité à un âge assez jeune pour ensuite évoluer. Si j'ai pu me sentir frustré de ne pas être plus guerrier dans ma prime enfance, parce qu'évidemment, tous les enfants en rêvent... J'ai vite saisi et accepté où était ma place. Mes changements ont ensuite été mineurs ou le seul fruit de mon labeur, pour améliorer ma technique au sabre, sans pour autant qu'une capacité incontrôlable de la Force n'apparaisse. C'est donc déroutant, mais pas de mauvaise augure non plus. Avec un expert, tu apprendras à te maîtriser, assez pour décider de développer ce don ou l'endormir.

Si c'était un aspect dominant, difficile de s'en défaire, en réalité, mais le Hapien ne pensait pas que Karm puisse devenir un puissant "voyant". Son don était apparu plus tard, il devrait rester minoritaire, surtout si le Maître ne voulait pas le développer davantage.

- Donc ne te sens pas trop mal, vieil homme, j'avais aussi cette idée un peu simpliste. Beaucoup de Jedis l'ont, même des Consulaires avisés...

Le jeune homme savait que c'était dans la nature des êtres pensants de chercher des certitudes à adopter. Ils se sentaient rassurés de maîtriser au moins ça. Lorsque Karm expliquerait son cas, il se doutait que les Sages seraient un minimum étonné, parce qu'en effet, on ne développait pas de dons, encore moins un si différent de la vocation première, à trente ans.

- Fais attention... Pour le cinglé qui déclame des oracles incompréhensibles tout nu... De ce que j'ai entendu dire, la partie "tout nu" est déjà bien entamée.

S'amusa Luke en se rappelant du fameux Chevalier au slip. Il se releva à son tour afin de retrouver le sentier, aidé par son compagnon. Cet interlude lui avait fait du bien et c'est sereinement -quoiqu'encore un peu chamboulé par les révélations de Karm.- que Luke aborda la suite de la mission. D'autant plus que le Maître avait raison, pour une fois, on respectait leur Ordre.

- C'est vrai, ça change tellement... Cette acceptation. Elle est à la fois rassurante et inquiétante. Se dire qu'un groupe peut avoir tant d'influence, demander, exiger et obtenir ce que bon lui semble grâce à sa réputation... Mais c'est agréable, admettons-le de ne pas toujours s'opposer ou de se faire encore et encore insulter.


Luke plaisantait à moitié. Ces temps-ci, il cumulait les échecs. Maxence, puis See'Ryl qui elle-même remettait en cause l'Ordre qui l'avait abrité et choyé. Les Jedis n'avaient pas la côte.

***

Comme un policier accoutumé à ce genre de tour de passe-passe, le maître laissa chacun parler avant d'abattre la preuve de leur erreur. Nul besoin de vue pour se rendre compte de la surprise des opposants : un silence soudain avait envahi la pièce et la Force s'était empreint d'une gêne manifeste. Le jeune Jedi sauta sur l'occasion pour épauler son compagnon et proposer ses solutions. S'ils étaient démunis, ils seraient plus réceptifs. Cela fonctionna, du moins en partie. Shayamawi habituée aux entourloupes d'entreprises ne signa pas définitivement mais accepta l'idée de rencontrer AquaRobots lors d'un autre meeting, ironiquement après en avoir discuté avec Rukver seuls à seuls. Désormais, tous deux étaient dans la même galère, ils devaient se soutenir pour se faire apprécier d'un peuple bien trop avisé finalement.

Qu'ils avaient bien fait de se mêler un peu plus de l'histoire de cette planète sans problème qui, finalement aurait pu en connaître à cause d'un concours de circonstances... Cela aurait été ridicule, caricatural, sachant que le PLOMC et MERCURE étaient bien intentionnés tous les deux, du moins ces représentants-là. Luke ne doutait pas que des entités plus vaniteuses, avides ait monté ce projet dans leur tête de Rukver et Shayamawi l'air de rien, mais maintenant au moins, ils semblaient plus prompts à devenir amis.

- Je vous propose de poser une date pour une éventuelle rencontre. À titre privé, je m'engage à venir vous assister neutralement, sur des questions juridiques par exemple si besoin, puis à me dissocier... Pour vous laisser vous occuper du chantier, du peuple et de l'océan, avec confiance je dois dire.

Un sourire plus tard, le Chevalier concluait quelques menus détails, puis Karm et lui entamèrent le chemin du retour, le coeur léger. Le rapport à la juge allait être extraordinairement positif, celui personnel aussi. Luke savait désormais que son optimisme de toujours, quelque peu entâché par les années d'expérience, n'avait pas été vain : la société idéale existait.
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