Darth Hope
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Une semaine plus tôt, Dromund Kaas, Kaas City.


La Sith était accoudée sur le bureau en verre renforcé de sa maîtresse et frottait ses paupières alourdies par la fatigue et la déraison. Le débriefing avec le Conseil Noir avait retardé, voire compromis, ses chances d’atteindre Ch’Hodos rapidement. Et il avait bien fallu rencontre Darth Runà, pour payer la dette de sa semi-désertion après Khar Delba. La rencontrer, aussi, pour lui répondre de vive voix au message qu’elle avait envoyé sur le datapad de Mumkin. Elle s’était rendue au Grand Temple, la mort dans l’âme, le corps rigide, les pas éteints. Emmitouflée dans son pull gris, ses talons avaient claqué sur le dallage glacial de l’édifice jusqu’aux portes de cette office, qu’elle occupait de corps, mais pas d’esprit. Car ses pensées vagabondaient ailleurs.
Elle luttait contre l’odeur de l’encens qui retournait son cœur. Le bâtonnet se consumait en silence, délivrant des volutes blanches qui dansèrent bientôt devant ses yeux.

-Je suis très déçue par ton comportement. Tu réussis ta mission sur Khar Delba et tu disparais, sans me prévenir. Mais je te connais comme si tu étais mon propre enfant, Dana. Je savais qu’elle aurait été ta destination insensée. Et nous bénissons le Côté Obscur de ne pas t’y avoir mené, n’est-ce pas ?
-C’était le deal, le foutu deal, fit-elle pour la énième fois, exaspérée. J’accomplissais la mission sur Khar Delba et vous me laissiez m’occuper de Ch’Hodos !
-Cela n’a jamais été notre accord, trancha froidement la Miraluka. Ton obsession pour ce bout de caillou est vraiment inacceptable pour une Sith de ton rang.

Dana délogea son visage de ses mains moites pour lancer à la rousse un regard vide. Ce bout de caillou. Elle répondit d’une voix blanche, qu’elle maîtrisait à peine :

-C’est tout ce qu’il me reste.
-Tu dois faire une croix sur ton passé. Un passé qui n’a jamais voulu de toi.

Face au silence borné de son élève, Runà se pencha et glissa une paume tiède contre sa joue. Elle compatirait presque au désarroi de cette apprentie entêtée, mais la sensation d’avoir été trahie l’emportait sur tout le reste. Dana Shar n’était pas revenue vers la main qui la nourrissait. Et si elle n’était pas revenue cette fois-ci, elle ne reviendrait pas les autres fois. La Maître-Inquisitrice savait exactement d’où venait cette résistance, ce besoin d’émancipation soudain. Elle laissa un sourire indifférent couler sur ses lippes.

-Il n’y a pas de place pour Lloyd Hope sur Ch’Hodos.
-Quelle importance…
-Que tu me désobéisses est une chose, que tu me mentes en revanche…
-Je suis allée chercher ce foutu trésor, qu’est-ce que vous voulez de plus ?! explosa-t-elle en repoussant sèchement la main qui flattait sa joue comme on flatterait un animal de compagnie.
-Tout. Je veux tout de toi. Et…

Drapée de sa robe crème à la facture coûteuse, Runà contourna son bureau pour saisir un datapad, un comlink et une holocamera.

-J’ai une nouvelle mission pour toi.
-Oh pitié, cracha-t-elle, excédée.
-Je le tuerai, Dana. Si tu ne te ressaisis pas. Tu sais que mon bras est long, qu’il pourra l’atteindre plus rudement que je ne l’ai atteint par le passé.

L’Inquisitrice blêmit à mesure qu’elle comprenait que la menace impliquait la mort de Lloyd Hope. Elle se raidit sur son siège, ne sachant que dire ou faire, s’efforçant de gérer l’arrivée d’une vague de colère. Runà ne commenta pas davantage cette promesse. Si tenir sa bête par le ventre ne fonctionnait plus, il fallait se résoudre à trouver une laisse. Et le hapien semblait être un collier tout trouvé pour s’arroger l’obéissance absolue de son apprentie. Elle aurait aimé ne pas tomber dans ces bassesses triviales, mais face au manque de subtilité de Dana, elle se retrouvait démunie et sans autre choix.

-Bien, maintenant que j’ai ton attention. J’ai une vieille amie…une grande Sith, à ne point en douter, qui réclame l’assistance du Clergé pour retrouver un de ces biens précieux. Dame Ghrann dirige Galidraan avec loyauté. C’est un service que nous lui rendrons de bonne grâce et vu ton succès sur Khar Delba, c’est toi qui j’ai choisi pour honorer ce contrat.
-Bien, je me rends donc tout de suite là-bas, qu’on en finisse une bonne fois pour toute, accepta-t-elle, le ton excédé.

Alors qu’elle se relevait, une oppression dans sa gorge la força à se rasseoir. Runà usait de la Force pour extirper peu à peu l’air qui coulait en elle. Dana porta sur son Maître un regard figé d’incompréhension.

-Tu comptes te rendre sur le Sans-Visage ? Supplier Hope de te mener jusqu’à Galidraan. Ce ne serait qu’une petite escale, n’est-ce pas ? Détrompe-toi.

Elle relâcha enfin la pression douloureuse qui comprimait la trachée de l’Inquisitrice. Cette dernière reprit son souffle dans une inspiration bruyante. Sa gorge brûlait avec une rare intensité.

-Tu es attendue par l’équipage de l’Amberjack. Une équipe de mercenaires, braconniers à vrai dire, gracieusement payée par Dame Ghrann pour retrouver son bien. Tu les accompagneras sur la piste du Terentatek.
-Que…quoi ? Un Terentatek ?!
-L’Amberjack est amarré au quai numéro 8 du spatioport de Kaas City, répondit Runà sans autre concession.

Foutue garce.
Furieuse, Dana se dressa d’un bond pour viser la sortie.

-Dana ! la retint finalement son Maître. Tâche de faire tes preuves sans lui.
-Allez vous faire foutre, marmonna-t-elle entre ses dents avant de quitter les lieux.

L’envie de vomir persistait et remuait toujours ses tripes.








Luis était un nexu bien dressé. Moh Trekkar avait déployé tous ses talents de dressage afin de « civiliser » la créature et de l’habituer aux présences humaines et zabrakes. Cependant, un objet était nécessaire pour désigner son maître et s’assurer sa docilité. Une simple lanière de cuir avec laquelle on avait éduqué l’animal à obéir aux moindres volontés de celui qui le détenait. Dana l’avait noué à sa cuisse et à travers le tissu de son treillis sombre, Luis pouvait en humer l’odeur et reconnaître en elle, sa nouvelle maîtresse. De temps à autre, glissant dans la foule dense de l’astroport, il effectuait un mouvement brusque – suscitant des exclamations apeurées. Mais les autorités n’avaient pas daigné agir dès qu’ils avaient su que la bête appartenait à une Sith, Inquisitrice de surcroît. Ils n’avaient que prier pour que – dans un élan capricieux, elle ne décidât pas de libérer ces crocs impressionnants sur quelques malheureux.

Mais Dana était concentrée sur sa tâche à venir, et sur les adieux présents. Luis ne quittait pas son ombre, parfois indocile. Il suffisait toutefois d’un claquement de langue pour le remettre sur les rails. Elle ne se dirigea pas immédiatement vers le quai que lui avait indiqué Runà. Quand l’ombre du Sans-Visage apparut au milieu des appareils de maintenance, des techniciens en effervescence, des cris et de l’agitation ambiante, elle sentit un pincement lui étreindre le cœur. Et cette désagréable sensation se renforça quand elle aperçut Lloyd et Mumkin en train d’évaluer la coque externe, pris dans une discussion visiblement animée. Elle était paralysée, n’osait plus faire un pas. Elle aurait aimé être lâche et se retourner pour partir sans un mot. Luis pointa soudain son attention sur le dévaronien et bondit dans un grognement sinistre. Elle eut à peine le temps de réagir qu’il plaqua le cornu au sol, le maintenant en respect de ses pattes lourdes. Dana eut comme un électrochoc et accourut vers eux.

-Luis ! Arrête ! Il n’est pas au menu !

Un grondement déçu émergea de la gorge du nexu qui s’éloigna de sa proie pour rejoindre les pieds de sa maîtresse, boudeur. Elle capta le regard de Lloyd qui paniqué, s’était précipité pour aider son pilote.


Une fois que le calme était revenu et qu’il ne restait plus qu’eux deux à l’extérieur du vaisseau, Dana se mordit la lèvre inférieure. Elle essayait de rassembler quelques bribes de mots qui auraient pu avoir une cohérence. Elle fit un pas et sa main échoua subtilement contre celle du hapien.

-J’ai été envoyée sur une mission temporaire, seule. Pour Bekhaar. Est-ce qu’on..est-ce qu’on peut se retrouver après ? Ici. Ce ne sera pas très long.

Ce sera même plutôt rapide, pensa-t-elle amèrement. Ma mort sera rapide. Traquer un Terentatek, c’était tout ce qui pouvait l’attendre, après tout. Une créature qui avait posé tant de problème à son propre père, lui dont la maîtrise pour contrôler les animaux équivalait à nulle autre, avait dû se résoudre à abattre le Terentatek dont il avait fait l’acquisition. Elle pensait sincèrement que c’étaient des adieux, mais elle ne souhaitait pas le lui dire.

-Je te laisse Luis, fit-elle avant qu’il n’ai le temps de répondre. Et elle chercha une échappatoire qu’elle découvrit en constatant la soute ouverte. Dans la soute, il sera sage.

Elle guida son animal jusqu’à l’ouverture et lui ordonna d’entrer dans le compartiment. Sa longue queue ondulait sur l’acier du Sans-Visage tandis que…gueule au sol, il reniflait la moindre odeur. Sans surprise, il jeta un dévolu immédiat sur une caisse spéciale dont il s’empressa de mordre les bords. L’odeur putride qui s’en échappait avait attisé ses sens de carnivore.

-Luis ! siffla-t-elle. Reste sage, et ne touche à rien. (Puis elle se retourna vers le blond, pleine d’incertitude. Son corps l’élançait tant elle se retenait de se précipiter dans ses bras pour l’étreindre.) Il suffit juste de lui donner un peu de viande. Normalement, il obéit. Je reviendrai vite.

Elle le répétait un peu trop souvent qu’elle reviendrait vite.





Une semaine plus tard, elle transmettait un [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] à Lloyd Hope.
Il était fort probable qu’elle ne revienne pas, finalement.

Lloyd Hope
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- … Reste à l’écart.


Lloyd. Ne t’en mêle pas, s’il te plaît.
… Ne me cherche pas, ok ?



- NON !

Le hapien écrasa brutalement son poing contre l’écoutille avec un cri de rage. C’était injuste. A quoi ça rimait, de l’allumer, de l’entortiller, de l’obséder, pour ensuite lui demander de rester à l’écart ? Ne comprenaient-elles pas que ce n’était pas possible ? Qu’on ne pouvait pas lui faire ça ? Et quoi, maintenant, il devait rester là, à encaisser qu’une autre femme lui ordonnât d’être laissée tranquille, alors même qu’il savait que ça n’allait pas, que rien n’irait tant qu’il n’aurait pas la certitude de la sécurité ?

Lloyd jeta le datapad à travers la pièce. L’objet heurta la paroi de métal et retomba sur le sol de sa cabine avec un bruit sourd. Le choc n’eût pas l’air d’avoir été suffisant pour éteindre l’appareil, et l’image de Dana s’afficha de nouveau. Les cernes violacés, le coup d’œil vers il ne savait quoi, il ne savait qui. Il détourna le regard.

La couverture sur la couchette était froissée, en boule, et le reste de la pièce était dans un désordre inhabituel. Ces derniers jours, il n’avait pas pu trouver ce genre d’énergie.
Le slick ne faisait plus effet depuis plusieurs heures.











Quelques jours plus tôt.

- Je veux les explications. Les vraies, cette fois-ci. Détaillées.

Darth Laduim, le musculeux twi’lek, faisait les cent pas dans le dos de Lloyd. Le hapien se tenait devant le bureau de son maître, debout et les mains nouées dans le dos, à la manière de la Marine Impériale. Ses yeux s’étaient posés sur le meuble où des blocs de données gisaient, désordonnés, là où Darth Laduim les avaient laissés, dans sa rage et sa contrariété d’avoir été mis dans une telle position inconfortable. Plus grand et plus large que le hapien, le twi’lek reniflait avec dédain.

- Ça ne suffisait pas que je sois trahi par certains de mes meilleurs chefs de guerre, il fallait en plus que tu échoues pathétiquement à ramener le prêtre ? Je ne sais même pas pourquoi ce droïde t’a été offert. Probablement pour pallier ta faiblesse.


Lloyd serra les dents mais ne dit rien. Il savait que Darth Laduim n’avait pas terminé d’éjecter son venin et qu’il ne servait à rien d’essayer de s’expliquer avant cela.

- Sais-tu la situation dans laquelle je me trouve ? Ils se sont ligués contre le Castellan, ils devraient me craindre et craindre chaque envoyé. Et toi ? Qu’as-tu fait au juste ? Tu t’es battu et tu t’es enfui sans lui ? Parle !

- … Nous n’étions pas assez forts face à cet ennemi.
- TU N’ETAIS PAS ASSEZ FORT, NUANCE ! explosa brutalement le Seigneur Sith en se tournant vers Lloyd. QUE CROIS-TU A LA FIN ? QUE J’AI D’AUTRES APPRENTIS DANS TON GENRE ?! J’AI TOUT MISE SUR TOI, ESPECE DE PETIT CON. PARCE QUE JE TE PENSAIS CAPABLE.

Lloyd déglutit, mais ne répondit rien. Laduim se remit à faire les cent pas, mais il éructait toujours.

- Si tu n’es pas assez fort, entraîne-toi encore, entraîne-toi encore ou meurs. Il ne sert à rien de survivre pour me ridiculiser devant le Conseil Noir. Les troupes du Clergé ont fait mieux que toi.
- J’avais en face de moi une Seigneur Sith qui m’aurait abattu si je m’étais obstiné. Et j’avais avec moi une apprentie trop peu expérimentée. Moh Trekkar aurait pu se défendre seul, mais il a choisi de tenter le diable jusqu’au bout. Il s’est condamné tout seul.
- Peut-être justement qu’il fallait s’obstiner, Lloyd, persiffla sèchement Laduim.

Le twi’lek fit le tour du bureau et finit par s’asseoir avec une grimace de haine. Il n’autorisa pas le hapien à s’asseoir aussi ce dernier resta-t-il debout.

- Et ensuite ? Où étais-tu ?

Lloyd prit une inspiration. A cela, il avait une réponse mieux préparée.

- Je me suis désengagé du combat. Je comptais rentrer sur Korriban mais j’ai été suivi. J’ai fini par mettre la main sur les renégats qui m’ont suivi.
- Tu oublies le petit épisode de l’Inquisitrice.

Le hapien baissa les yeux sur Darth Laduim.

- Tu es surpris que j’en sache autant ? Tiens, regarde ça.


Le twi’lek attrapa un bloc de données, l’alluma, et le jeta sur le bureau, sous les yeux du hapien. Sur l’écran, il y avait une image qui provenait du Sanguinaire. On y voyait la silhouette de Dana grimper la passerelle du Sans-Visage. Lloyd se mordit la lèvre inférieure.

- Je l’ai emmenée avec moi, oui. Je suppose que c’est à cause d’elle qu’on m’a suivi. Nous avons attrapé et tué le renégat en question. Il s’agissait de Jaden Ashar. Il commanderait les troupes impériales de Ch’hodos.

Darth Laduim parut tiquer.

- Jaden Ashar ?

Le hapien acquiesça.

- Oui. Un traître. Son corps est dans la soute. Je peux vous ramener sa tête. Ch’hodos a perdu l’un de ses commandants des armées.

La colère de Darth Laduim parut s’apaiser quelque peu. Néanmoins il se leva de nouveau, contourna en sens inverse son bureau, à pas lents, puis se rapprocha du hapien, dans son dos. Ce dernier se tendit.

- Que les choses soient claires. Mat’aenna n’est qu’à deux pas d’ici. Tu as envie de la revoir, n’est-ce pas ?

Le hapien pinça les lèvres et baissa les yeux, puis il acquiesça en silence.

- Bien. Je suppose que tu veux la revoir seul à seul, et pas la voir avilie par les mains d’un autre.

Silence.

- Réponds-moi.
- Oui, maître.
- Bien. Voilà ce qui va se passer, Lloyd. Tu vas découper ce corps que tu détiens toujours. Et tu apporteras un morceau à chacun des Seigneurs qui m’ont trahi. Tu t’assureras qu’ils recevront leur part, ce dont il s’agit, et avec ma signature. Qu’ils sachent ce qui arrive aux chefs d’armée qui se dressent contre moi. Il va te falloir juste faire un peu de mathématiques, pour savoir comment découper le corps et en combien de morceaux. Puis un peu de logistique, pour garder tout cela au frais. Mais ce n’est pas insurmontable, n’est-ce pas ? Rien n’est insurmontable pour l’apprenti du Castellan Noir. Ce qui ne peut être surmonté signifie la mort.

Le hapien ne dit rien. Ses yeux écarquillés étaient baissés devant lui.

- Et fais-moi plaisir, garde la tête pour le Seigneur Akusha. Pour les autres, je te laisse distribuer cela à ta guise. Est-ce que tu as bien compris, Lloyd ?
- Oui, maître.

Le twi’lek parut satisfait.

- Si tu effectues correctement cette mission, tu pourras la revoir, intacte. Sinon, tu la reverras aussi, je te rassure. Je ne suis pas si cruel. Elle sera juste… Moins intacte. Et tu risques de la voir moins seule aussi. Mais enfin, tu sais que je suis un maître juste.

Lloyd entendit le sourire qui étira les lèvres de Darth Laduim dans son dos.

- Il n’empêche que ne pas avoir ramené le Grand Prêtre était un échec… Lloyd. Tu sais que les échecs doivent se payer, avec moi.

- Je le sais, maître.

Le twi’lek leva une main et la posa délicatement sur la nuque du hapien. Lloyd ferma les yeux.

-------

-------

-------Sur le quai de l’astroport de Kaas City, ils ne s’étaient pas étreints. Lloyd était hagard. Sa tête bourdonnait encore du supplice infligé par son maître.

- Ok, il avait dit, bêtement.

Il y avait du monde autour d’eux. En pleine journée, l’astroport était en effervescence. D’autant plus qu’avec la bête qu’ils venaient d’embarquer, on leur lançait des œillades terrifiées.

Alors Dana était partie.

C’était mieux comme ça. Qu’elle ne vît pas l’œuvre odieuse dans laquelle il allait se lancer les jours prochains, ni l’avilissement certain dans lequel les dernières heures allaient plonger ses prochaines nuits.

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-------

-------Tu n’es pas capable de la protéger toi-même, c’est pour ça que tu te vends au Castellan Noir sur des missions de merde. C’est pour ça que tu n’as pas ta frégate et que tu erres comme un chien ?

Le hapien rouvrit l’écoutille de sa cabine d’un geste brutal, avant de parcourir la coursive du Sans Visage à pas déterminés.

- MUM ! aboya-t-il.

La voix lointaine du dévaronien lui parvint depuis l’entrée de la soute, au fond de la salle technique. Le hapien glissa le long de l’échelle pour atterrir un peu plus bas. Mumkin était penché près de la porte entrouverte. Au bout d’une longue tige de métal, il avait accroché une énorme escalope, qu’il tendait nerveusement au nexu.

- Putain Lloyd il me fait flipper j’espère qu’elle va le récupérer et vite parce que…
- Ferme ça, on décolle, le coupa sèchement le hapien.

Mumkin se redressa pour jeter un œil derrière lui, en direction de son patron.

- Heu… Qu’est-ce qui se passe ?
- On se tire.
- Ah ? On n’attend pas Dana ?
- On va la chercher, sur Galidraan.

Mumkin ne dit rien. Il n’en pensait pas moins. Il récupéra sa tige. Le morceau de viande au bout avait complètement disparu et le bout de la tige avait même été tordu sous les crocs affamés du nexu. Le dévaronien considéra son ustensile improvisé puis coula un regard vers Lloyd qui remontait l’échelle.

Le patron avait encore une très mauvaise idée. Mais ça ne servait à rien de discuter les ordres dans ces moments-là.
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Journal de bord du l’Amberjack, première journée de la mission « Terentatek ».

-Marcuuuuuus, gueula une jeune femme brune à l’air maussade. Elle passa sa tête dans l’écoutille qui menait au pont des opérations. Ses yeux charbonneux s’agitaient de colère et d’incompréhension alors qu’une voix masculine lui parvenait depuis l’étage :
-Quoi ?
-L’Inquisitrice est là, j’te la laisse. C’toi le foutu capitaine après tout.

Marcus Van était le chef d’une misérable équipe deux mercenaires. Il n’avait pas les moyens d’avoir plus, de toute manière et se contentait largement de deux hommes de confiance, que d’une cinquantaine aux dents trop longues. Il s’était fait un petit nom dans le domaine du braconnage en tout genre. En général, on lui demandait de chasser, de tuer des bêtes, pour certaines parties de leurs corps aux propriétés diverses selon les cultures et selon les commanditaires. L’âge avait marqué de profondes ridules aux coins de ses yeux noisette, et sa coupe rase était un vestige de son passage dans l’armée républicaine dont il avait gardé une cicatrice tenace autour de l’œil gauche. Il arracha son attention de la console de commande et quitta le siège de pilotage pour se laisser glisser le long de l’échelle qui menait au pont inférieur et donc à la passerelle d’embarquement.

Quand il vit la collaboratrice Sith, il ne sut trop que dire. Un mot de travers et ces gens-là pouvaient décider de vous mettre à mort, disait-on. Pourtant, alors qu’il la décrivait, il trouva qu’elle n’avait pas les airs inquisitoriaux de ses pairs. Emmitouflée dans une veste incarnate à la doublure embourrée, elle ne laissait dépasser que sa figure pâle au maquillage prononcé. Il tendit une main vers elle, comme un premier geste

-Dame Shar ?
-Dana, corrigea-t-elle en ignorant la paume tendue. Nous décollons ?
-Je crois qu’il y a erreur, le Seigneur Ghrann nous a indiqué que vous seriez ici en tant que consultante, pas…dirigeante des opérations. Avec tout l’respect qu’on vous doit bien sûr, hein. Mais on suit les ordres.
-C’était une simple question, fit-elle froidement.
-Eh bien, nous avons un débriefing prévu avec Dame Ghrann, justement. Après cela, nous partirons. Mais ahm, j’suis Marcus Van, le capitaine de l’Amberjack.
-Super, ajouta-t-elle, sans enthousiasme et le ton chargé d’une ironie cinglante. J’ai hâte.

Il s’éclaircit la gorge et lui montra le chemin à suivre avant de faire de gros yeux à Genova, sa seconde, qui avait assisté à la scène depuis l’angle d’une coursive. En route, Dana l’avait vu frappé rois grands coups impatient contre l’écoutille d’une cabine pour gueuler vulgairement à un certain « Blarst » de se rendre sur le pont des opérations. Un grognement rauque avait répondu à cet appel et elle était ensuite arrivée à une échelle qu’elle avait grimpé pour atteindre les « ops ». Le niveau était juste sous le cockpit et sa baie en plastacier et verre renforcé donnait une vue imprenable sur le quai numéro huit où l’activité déclinait en cette heure avancée de la nuit. Ils s’installèrent autour du terminal de communication holographique. Shar avisa la présence d’une humaine aux cheveux noirs, rasés sur le côté du crâne. Elle semblait assassiner tout le monde du regard avec son air peu commode et ses lèvres pincées. Mais elle possédait de grands yeux de biches qu’elle maquillait de khôle à outrace pour noircir sa peau blafarde et son âme.

-Voici Genova, la dernière arrivée dans l’équipe.

Pour seule réponse, Gen’ cracha au sol sous le regard réprobateur de son capitaine. Dana poussa un soupir. Soudain, le sol vibra en même temps qu’une voix grondait dans l’air. Le poids de son propriétaire venait de faire trembler le revêtement en acier du pont.

-J’SUIS LA.

Le basic était mauvais, le ton guttural, la voix rauque. Et elle comprit qu’il s’agissait d’un alien avant même de décrire la silhouette massive et imposante d’un trandoshan en uniforme sombre, dont on avait arraché les insignes passés. Elle fit de son mieux pour décrire le vêtement mais n’y reconnut pas un vestige d’un habit impérial. Il lâcha un rot sommaire et l’air s’emplit d’une odeur de viande putride. L’Inquisitrice réprima un haut-le-cœur, la nausée revenait. A bien y réfléchir, elle aurait donné n’importe quoi pour revoir le faciès jaunâtre de Mumkin, qui lui semblait plus agréable que le nouvel arrivant.

-Blarst, un peu de tenue, le tança Marcus, excédé. On a une invitée de marque à bord. Une Inquisitrice.
-Ah ouais, viande fraîche pour la Terentatek ? Pas grand-chose à s’mettre sous l’dent pour lui, ricana-t-il.
-Et toi, t’as jamais eu un manuel de basic à mettre dans ta vieille gueule d’alien ?

Une lueur bestiale anima le regard du reptilien et il fit un pas en direction d’une Dana, campée fermement sur ses deux jambes. Marcus s’interposa avant que son subordonné ne commette l’irréparable.

-Calme-toi Blarst, c’est une Sith. Elle te traite d’alien si elle veut, on va pas mourir pour un truc si con, ok ?

Le concerné répondit dans sa langue natale. Et Shar crut voir un sourire moqueur dévoiler des dents jaunis par une alimentation carnivore indigeste et une mauvaise hygiène. Elle détourna son attention de cette vision détestable.

-Bon, il dit qu’il est désolé, mentit Van en haussant les épaules.
-En fait, il a dit qu’il avait hâte que…
-Gen ! la coupa Marcus. Vous allez fermez vos gueules maintenant.

Le calme revenait. Seule la respiration enrouée du trandoshan martelait l’atmosphère. A l’extérieur, le quai se vidait de ses travailleurs habituels. On avait ouvert le dôme, et le ciel aux reflets rouges de Kaas City s’étendait jusqu’à perte de vue. Les quatre occupants de l’Amberjack fixait une holographie striée. Elle représentait le visage ridé mais impeccablement fardée d’une vieille dame, à la chevelure d’argent dont chaque mèche avait été disciplinée au cœur d’un chignon strict.

-Dame Ghrann, salua le capitaine en singeant un geste maladroit.
-L’Inquisitrice Sith est-elle avec vous ?
-Oui.
-J’aimerais m’entretenir seule avec elle. Contentez-vous de mettre le cap sur Galidraan, toutes les données nécessaires à la traque ont été transférés sur vos datapads.
-Merci, Dame Ghrann.

Et il fit un signe pressé à Dana pour qu’elle prenne place devant les capteurs de l’appareil. Autres signes à destination de Blarst et Genova qui se dispersèrent aux ponts inférieurs. Il grimpa à la passerelle où se trouvait le cockpit, prêt à faire le nécessaire pour quitter Dromund Kaas. La Sith baissa son attention sur l’image tremblotante de Ghrann qui souriait et même à travers le communicateur, elle eut l’impression que la dirigeante de Galidraan transperçait les secrets de son âme.

-Quelle beauté, complimenta sèchement la dame. Darth Runà qui me met à disposition son apprentie la plus chère. Quel privilège.
-Je suis envoyée pour vous servir, répondit-elle machinalement.
-Il s’agit de retrouver mon Kiwi adoré. Un Terentatek précieux, béni par mon alchimie sith. Je souhaite qu’il ne lui arrive rien, sa vie m’est très précieuse. Et elle est désormais intimement liée à la vôtre. S’il meurt, vous prendrez sa place comme animal de compagnie.
-Il ne mourra pas.
-Bien. Cette première consigne comprise, je dois vous dire quelque chose d’important. Vous ne participerez pas directement à sa capture. Vous êtes là pour l’appâter. Votre sang, il y sera sensible. Il a un grand appétit pour la Force. Assurez-vous juste de le dénicher et de l’allumer pour qu’il tombe dans le piège.
-Pardon ? cilla Dana. Je n’ai pas bien saisi.
-C’est pourtant clair. Vous êtes un simple morceau de chair. Soyez à la hauteur.

Et la communication se coupa brutalement.

Spoiler:





















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L’écran du datapad s’éteignit. Dana le débrancha à la hâte de l’holocamera pour le fourrer dans la poche de son blouson. Elle respirait fort, matée par une angoisse sourde. Un craquement sinistre la fit sursauter. Elle n’aurait jamais dû venir sur Galidraan. Ses yeux fixaient obstinément l’écoutille à moitié rouillée qu’elle avait verrouillé quelques instants plus tôt. Elle s’était enfermée à dessein dans cette pièce, pour se protéger.

Autre craquement.

Elle retint péniblement son souffle et recula prudemment jusqu’à heurter une paroi métallique. Elle leva les yeux vers le plafond et découvrit un conduit d’aération dont la grille avait sauté. Se saisissant de la Force, elle bondit, tendit la main et attrapa in extremis le bord de cette entrée. Un courant d’air fétide s’en échappait. Elle serra les dents pour surmonter son dégoût, et se hissa avec difficulté pour glisser son corps dans l’étroite conduite. Elle rampait désormais dans les boyaux que schématisaient les recycleurs d’air d’un vaisseau échoué et abandonné sur l’un des versants du Pic aux Milles Poisons. La coque robuste mais rompue par le temps était abandonnée aux quatre vents glacés de Galidraan qui en fouettaient impitoyablement l’acier, rabattant sur elle la neige et le désespoir.


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Mumkin enclencha la manette du Sans-Visage et l’appareil s’éleva. Il sentit qu’il devait pousser un peu plus fort – la cargaison du Sans-Visage était un peu plus lourde que d’habitude : un nexu, deux caisses de viande congelées, et un congélateur vide supplémentaire. Le dévaronien n’avait pas posé de question. Il en avait vu d’autre de la part de son patron : il s’était contenté d’obéir aux ordres. Il avait du flair pour savoir quand il fallait regarder ailleurs.
Justement, Lloyd n’était pas là. Mumkin avait reçu la consigne de s’occuper de la trajectoire pendant que le hapien serait occupé, ne devant pas être dérangé.

Lloyd sentit la poussée du vaisseau qui s’envolait quand il glissa dans la soute, son sabre laser à la main. Sa main libre chercha à tâtons l’interrupteur, puis les néons se mirent à grésiller. Le petit espace s’illumina, plus encombré que d’ordinaire. De nouvelles caisses étaient empilées, et le nexu était allongé sur l’une d’entre elles, ses pattes repliées sous lui. Même au repos, les dents du prédateur dépassaient de ses babines noires et luisantes. Ses yeux rouges fixaient le hapien avec un intérêt acéré. Heureusement, ils avaient eu la bonne idée, dès les premiers jours, de gaver la bête de viande bon marché récupérée auprès d’un abattoir local. Mumkin était doué pour ce genre de tractations rapides. C’était comme ça qu’il avait pu avoir le congélateur supplémentaire aussi facilement.

C’était la première fois que Lloyd se retrouvait seul à seul avec la bête et il n’était pas tout à fait à l’aise.

- On reste calme, Luis, chuchota-t-il en avançant prudemment dans la soute.

Il n’y avait nulle part ailleurs pour loger l’animal. Mumkin allait faire une crise cardiaque s’il faisait monter la créature. Il avait donc opté pour une autre stratégie. Le hapien s’avança prudemment vers l’une des caisses vides et l’ouvrit prudemment. Puis il ouvrit une autre caisse, celle qui contenait de la viande, et Luis se dressa soudain sur ses pattes, prêt à bondir. Ses griffes crissèrent contre le métal. Avant qu’il ne passe à l’action, Lloyd se hâta de refermer la caisse pleine après avoir pris un morceau, puis il jeta le morceau dans la caisse vide. Le nexu bondit d’un mouvement musculeux, et atterrit avec fracas dans la caisse vide. Aussitôt on entendit la mastication puissante. Le hapien referma soudain la caisse et la verrouilla, enfermant le nexu qui envoya aussitôt une bourrade dans la caisse, qui fût secouée sur place.

- Désolé Luis, je peux pas prendre le risque que tu m’avales un morceau de Monsieur Ashar. J’te libère plus tard.

Luis ne l’entendit pas de cette oreille. Il se mit à ruer dans la caisse et le hapien la regarda quelques instants, craignant qu’elle ne cédât. Mais bientôt Luis se calma, et se contenta de quelques grognements furieux.

Lloyd se tourna alors vers la caisse du fond. Celle sur laquelle des traces de sang étaient encore visibles. Il fit sauter le verrou, et le couvercle s’ouvrit, libérant une odeur épouvantable, rance. Le hapien cacha son nez dans son coude quelques instants.

- Putain…

Il aurait dû s’en occuper plus tôt. Cela faisait une semaine que le corps gisait là. Quand il se pencha, il constata que le cadavre était tout rigidifié et gonflé, avait pris une couleur violacé. Le hapien réprima un haut-le-cœur et recula.

Ce n’était pas la première fois qu’il voyait un cadavre. Loin de là. Mais ils étaient en général frais. Il aurait dû s’en occuper dès le lendemain. Mais après l’entrevue avec Darth Laduim et le départ de Dana, il s’était senti si misérable qu’il avait repoussé au lendemain. Mais la nuit avait été épouvantable. Puis le slick l’avait jeté dans une longue léthargie insensible, dénué de toute énergie, et il avait repoussé encore. Plusieurs mauvaises nuits, plusieurs journées gâchées.

Jusqu’à recevoir ce putain de message.
Il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même : s’il avait fait le travail aussitôt, il aurait été en mesure de partir fraîchement sans se retrouver avec tout cela sur les bras. Darth Laduim avait raison : les échecs se payaient. Il y avait parfois une forme de justice.

Lloyd s’avança de nouveau en activant son sabre laser. Il s’aida de la Force pour extraire le corps, puis commença son travail immonde.




Artorias.
Plooma.
Sernpidal.
Maltha Obex.
Tangrene.
Edusa.
Botajef.
Celanon.
Ventooine.
Listehol.
Ruuria.
Farana.
Bonadan.
Vaynai.
Zygeria.
Ziost.
Maridun.
Caluula.
Dellalt.

… Et Ch’hodos.





Deux mains.
Deux avant-bras.
Deux épaules.
Deux pieds.
Deux tibias.
Deux genoux.
Deux cuisses.
Un bassin, et les parties génitales qu’on pouvait séparer.
Un sac d’intestins.
La cage thoracique coupée en deux.

… Et la tête.




Le compte était bon.

Il avait vingt sacs, il suffisait désormais de les remplir, les étiqueter, et les stocker dans le congélateur tout nouvellement acquis pour l’occasion.



--------

--------

--------Lorsque Lloyd remonta, près de deux heures plus tard, Mumkin avait déjà fait passer le Sans Visage en hyperespace. Le dévaronien croisa Lloyd dans la coursive étroite et déglutit en croisant son allure lugubre. Le tshirt et les mains du hapien étaient tâchés, gluants. Et surtout, il y avait cette odeur insupportable, qui faisait penser à certains fromages pourris qu’il avait oublié dans le réfrigérateur de la coquerie depuis des mois, avant que Dana ne les jetât. Le dévaronien essaya sans succès de faire abstraction de ces détails.

- On est lancés, on devrait en avoir pour encore quatre ou cinq heures grand max. Hum… Te vexes pas mais tu schlingues. Genre beaucoup.
- Ouais, faudra aérer la soute quand on arrive. Et aussi, j’ai nettoyé mais faudra refaire un bon lavage. Sortir les caisses, les rincer, tout ça.
- Bah ouais mais le nexu ?
- Le coup de la viande dans la caisse a marché. Je sais pas si ça fonctionnera une deuxième fois.
- Tu l’as laissé enfermé ?
- Non, non. Je l’ai libéré.
- Dommage. Bon heu… Je vais t’ouvrir ta cabine hein, touche à rien avec tes mains pleines de…

Mumkin ne termina pas sa phrase. Lloyd s'engouffra dans sa cabine et comme quelques jours plus tôt, il alla droit vers la salle d'eau.
Personne ne l'y rejoindrait cette fois pour l'aider à rincer toutes les horreurs dans lesquelles il avait baigné.
Darth Hope
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Journal de bord de l’Amberjack, Jour 4 de la mission « Terentatek »



L’équipage de l’Amberjack avait monté une base opérationnelle de fortune dans les forêts de conifères qui parsemaient l’étendue de Galidraan. Depuis leur arrivée, ils avaient dû retarder leur traque, surpris par le climat particulièrement hivernal de ce monde. Plusieurs équipements en souffraient et face aux températures, particulièrement mordantes la nuit, certains avaient cessé de fonctionner, amenuisant leurs moyens. Dana avait « la chance » de loger dans une tente trop simple et son sommeil avait été perturbé par le froid impérieux et par les vents gelés. Elle avait dû se réveiller plusieurs fois pour trouver de quoi se réchauffer. Mais le gel engloutissait tout, la rendait par moment léthargique, l’éloignant de son objectif. Elle pensait au Terentatek dont ils n’avaient pas la moindre piste. Marcus se contentait d’aboyer sur les deux autres, l’humeur aussi glacée que le sol. Seuls les pins demeuraient indifférents à toute cette misère blanche. Si leurs aiguilles accusaient le poids de la neige, elles semblaient n’en prendre aucun ombrage.

Le matin du quatrième jour, Blarst était venu grogner aux portes de son abri.

-Debout ! Marcus dit partir.
-Ah ouais et pour aller où ? siffla-t-elle, amère.
-Demande à lui, cracha-t-il.

D’humeur massacrante, elle s’était dressée sur sa couche à peine tiédie par sa chaleur corporelle et avait glissé hors de sa tente. Van avait une discussion envenimée avec Genova qui levait les bras au ciel, furibonde. Blarst tenait un morceau de gibier au-dessus d’un feu qu’ils avaient péniblement réussi à entretenir au fil des jours. Dana s’agenouilla devant son sac et en sortit sa holocaméra et son datapad. Heureusement, bien conversés dans ses affaires, ils n’avaient pas trop souffert du froid. Le temps était sec et le soleil faisait à peine fondre la neige sur la cime des arbres. Elle se mit un peu à l’écart du groupe et enclencha l’enregistrement. Une fois certaine qu’il fonctionnait, elle prit une grande inspiration, fit de son mieux pour sourire.

Hey Lloyd



-J’savais que c’était pas une mission pour nous, t’as merdé sur ce coup Marcus ! s’époumonait Gen’, le visage rougi par ses propres émois.
-La récompense en vaut le coup, Gen. Maintenant si t’es pas contente, je te retiens pas, s’agaça-t-il en démontant l’un de leur abri en dur. Il savait que sa subordonnée ne supportait plus l’atmosphère sauvage de Galidraan, l’angoisse des nuits vides, l’absence d’une piste viable pour le Terentatek. Ils étaient dépassés, mais il n’avait pas encore abandonné. Une chasse n’était pas toujours une course contre le temps. L’humaine grogna une dernière désapprobation et se mit au travail.
-Puis l’Inquisitrice, elle nous aide pas beaucoup faut dire, pesta-t-elle.
-On est parti sur une mauvaise piste, d’accord ? lâcha-t-il dans un souffle excédé. Si le Terentatek était dans cette zone, il aurait immédiatement été attiré par la Sith. On m’a dit que leur truc spécial là, l’Obscurité, ça attirait bien le monstre. C’est pour ça qu’elle est là.
-Ah ben super, et s’il nous tombe dessus ?
-Le plan est clair, Gen’, trancha Marcus. Blarst s’occupe de l’abattre avec des munitions paralysantes.
-Ouais et elle fout quoi ?

Le capitaine suivit le regard de sa comparse pour découvrir la silhouette de Dana penchée sur une holocaméra qu’on avait maladroitement posé sur un tronc mort. Il poussa un soupir et héla l’attention de l’Inquisitrice.

-Je dois y retourner. Allume-moi, ok ?



-D’après les dernières données, il a décimé une troupe de soldats aux coordonnées dites du Pic aux Milles Poisons. On se dirige là. On en a pour un jour de marche, à travers la forêt, jusqu’à ladite zone si j'en crois la carte transmise par Dame Ghrann. C’est clair ?
-Ce qui est pas clair, c’est comment la vieille Ghrann a pu engager des incapables comme vous ? s’amusa Dana, malgré ses pensées pessimistes. Vous avez déjà mis les pieds dans une forêt ou ?
-On fait ce qu’on peut ok ? cracha Genova.
-Personne a voulu de ce job.

Marcus préférait jouer la carte de l’honnêteté. Il planta ses yeux durs dans ceux de la Sith. Au-dessus de leurs têtes, des charognards décrivaient de grands cercles dans le ciel gelé de Galidraan. L'ambiance était morose.

-Les mercenaires plus expérimentés, ils l’ont facile sur d’autres contrats. Ils vont pas se casser le cul à jouer la chair à pâté pour Terentatek sur un cul gelé comme Galidraan. Enfin, c’est ce que Dame Ghrann nous a dit. Qu’on a été les seuls à répondre à l’offre. Elle a donc pas fait la difficile.
-Mh, mh. Non, elle a juste contacté le Clergé Sith pour me forcer à rattraper votre probable incompétence.
-Ok et qu’est-ce que ça change ? On a un plan. Vous l’attirez avec vos trucs et Blarst le canarde, pendant que Gen’ et moi on coupe toute possibilité de retraite ou de fuite.
-Ou bien il me dévore, et s’occupe de vous déchiqueter après.
-Y’a que les cons pour inclure leur mort dans un plan.
-Ouais, j’ai déjà entendu ça quelque part.
-Bref, une fois le Pic atteint, on devrait pouvoir trouver des traces viables. Une direction, n’importe quoi.

Genova leva les yeux au ciel, déphasée. Elle donna une tape sur l’épaule du trandoshan qui lâcha un grognement d’approbation et ils ouvrirent la marche, datapad en main pour suivre une carte holographique. Dana rabattit la capuche rembourrée de sa veste sur sa chevelure de jais, pour affronter la neige qui déjà tombait d’un ciel que les nuages avaient conquis. Marcus ferma la marche, le teint livide mais le regard déterminé.

















L’Inquisitrice rampait dans le tunnel exigu. L’air au parfum fétide s’écrasait contre sa figure qu’une sueur maculait. C’était le stress, le mouvement, le rembourrage de son manteau qui, soudain, avaient fait monter sa température corporelle. Un peu de lumière lui indiqua la fin du voyage. Elle dût se contorsionner* pour mettre ses pieds en avant et frapper la grille qui bloquait la sortie. Les coups résonnèrent en échos sinistres dans le vide du vaisseau. Les barreaux se déformèrent. Elle dût arrêter pour reprendre son souffle et recommença avec plus de vigueur. La vieille grille finit par céder sous l’acharnement et retomba bruyamment de l’autre côté. Dana attendit que le son ne soit plus qu’un silence rassurant. Elle se mit sur le ventre et recula, jusqu’à ce que ses jambes pendent dans le vide. Et elle se laissa glisser contre le mur, dans une chute à peine maîtrisée. Elle manqua de s’étaler au sol. Une source de lumière convergeait depuis des vieux néons carmin. Encore un peu d’énergie circulait dans cette carcasse maudit. Elle mettait en valeur les contours d’un lit aux draps sombres défait, des meubles. Elle s’approcha de l’un d’eux, ouvrit un tiroir d’une main tremblante. Il y avait des blocs de données éteints, parfois brisés. Sur certains, des symboles siths. Comme elle le sentait, une forte aura obscure imprégnait l’épave. Elle avait dû appartenir à un Seigneur Sith, dans un passé beaucoup trop éloigné. Mais son esprit avait dû y demeurer ou un résidu de son esprit, ce qui avait irrémédiablement attiré Kiwi ici. Dans une tanière qu’il s’était improvisé. Et au lieu de le traquer, comme elle devait le faire. Elle le fuyait. Parce qu’elle était seule.

Un grondement fuyant fut charrié par l’air des conduits et elle s’immobilisa.

La peur revint au galop pour piétiner ses tripes. Un écho lointain, comme un cri humain strié de souffrance.

Elle devait fuir. Trouver des renforts. Mais ses pieds semblaient avoir pris racine dans le sol, alors qu’elle était paralysée par une peur irrationnelle.


Lloyd Hope
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- Wouahou. C’est… Blanc. Et vide.

Le Sans-Visage s’était posé sur l’un des quais extérieurs de l’astroport de la capitale de Galidraan : un centre-ville ramassé sur lui-même, à flanc d’une montagne enneigée, surplombée d’un grand palais et entourée d’une couronne de quartiers résidentiels. En-dehors de cette tâche urbaine, que les allées et venues de vaisseaux connectaient au ciel, un paysage monotone s’étendait à perte de vue, dans toutes les directions : des forêts sombres recouvertes de manteaux de neige. On repérait parfois un lac à la surface gelée. Lloyd avait beau avoir revêtu sa veste d’uniforme et ses gants, le froid glacial s’infiltrait désagréablement parmi tous les interstices et il frissonnait en contemplant le tableau. Ses yeux étaient cernés, injectés de sang, mais il n’avait aucune envie de dormir. Un mélange de frustration et de sentiment de catastrophe imminente le maintenait en alerte.
Mumkin, lui, était carrément descendu de la passerelle enveloppé dans une couverture. Il fit claquer sa langue avec circonspection.

- Bon, ben… Elle t’a donné ses coordonnées ?
- Nan.
- Ah. Elle t’a dit où elle était plus approximativement ?
- Non plus.
- Genre, elle t’a dit « viens me chercher je suis Galidraan » et c’est tout ?
- Non. Elle m’a dit de pas venir, mais son message provenait de Galidraan.
- Ah.

Mumkin inspira prudemment, le regard interdit.

- Bon ben, t’as qu’à accrocher une petite annonce à la cantina du coin. « Cherche Inquisitrice perdue. Toison noire et pupilles jaunes. Attention, peut être agressive. »

Le dévaronien se mit à ricaner à sa propre blague. Lloyd lui jeta un regard blasé.

- Très drôle.
- Attends j’ai une meilleure idée : on lâche Luis dans la nature pour qu’il la retrouve. Il la retrouve pas, on repart, on est débarrassés des deux et voilà. Comme ça si on la recroise, on dira qu’on est désolés pour la pauvre bête, mais bon, on a vraiment essayé de la retrouver, toussa toussa.
- Bien sûr, et après, elle t’ouvre en deux.
- Mais nan, pas moi. C’est toi qui lui dis. Elle pourra pas t’en vouloir longtemps, maintenant qu’elle te…

Lloyd adressa à Mumkin un regard d’avertissement. Le dévaronien hésita.

- Qu’elle te…

Le hapien souleva les sourcils.

- Qu’elle te… grattouille le dos de temps en temps ?

Lloyd leva les yeux au ciel. Mais il regarda le dévaronien plus sérieusement ensuite.

- Mum, tu sais pourquoi j’ai tué l’autre prétentieux, là ?
- Son mari ?
- Nan mais c’est pas son mari. Bref, tu sais pourquoi je l’ai tué ?
- Ah ben non, moi je croyais que tu l’avais tué pour te débarrasser de son mari.
- Ben non, je l’ai tué parce qu’il savait.

Il y eut un silence. Une neige translucide se mit à tomber, déposant sur l’uniforme noir de Lloyd de gouttelettes discrètes. La face du dévaronien afficha une moue hésitante.

- Il savait… quoi ?
- Il savait quelque chose, c’est tout. Donc toi, tu ne sais rien. Alors Dana, elle me ?
- Elle te… grattouille pas ?
- Voilà.

Mumkin se renfrogna. Il resserra la couverture en jetant sur le paysage un regard atterré. Lloyd savait à quoi il pensait, mais aucun des deux n’évoqua la possibilité qu’il fût possible que Mumkin fût un jour aux mains de quelqu’un qui pouvait le faire parler aussi bien que Darth Runà l’avait fait.
Ils restèrent là un moment tous les deux, puis le dévaronien eut froid et il faussa compagnie à son patron, prétextant avoir des vérifications à faire à l’intérieur. Le hapien prit la direction du palais.

-------

-------

-------Le palais du Seigneur Ghraan était d’un faste aussi froid que le paysage. C’était un édifice de pierre grise hérissé de pointes menaçantes. Des ouvertures en forme d’arches vitrées contrebalançaient toutefois l’effet forteresse que donnait le bâtiment. Mais de multiples gardes protégeaient l’endroit, comme si le Seigneur Ghraan s’était attendue à tout moment à une attaque.
Les hommes en uniforme avaient vérifié son identité avant de l’inviter à patienter dans un hall vide et glacial, décoré d’un tapis rouge aux couleurs de l’Empire qui se déroulait comme un ruban entre des colonnes épaisses. Lloyd avait attendu là près d’une heure, à regarder le paysage, à faire les cent pas, sans avoir même un banc pour s’asseoir. Comme on lui avait dit que le Seigneur Ghraan n’était pas disponible, il avait signalé qu’il était l’apprenti du Castellan Noir et qu’il attendrait le temps qu’il faudrait. Mais sa patience était mise à rude épreuve.

Quand quelqu’un s’approcha, il crut enfin qu’on venait pour l’introduire auprès de la dirigeante des lieux, et il se tourna vers la jeune zabrak. Mais celle-ci marchait d’un pas lent et le toisait d’une curieuse façon. Quand elle arriva à sa hauteur, il jugea qu’elle était bien jeune, malgré les tatouages sombres qui marquaient sa peau rouge et son regard de braise. Une aura obscure émanait d’elle, mais discrète, maîtrisée. Elle était enveloppée dans une épaisse bure noire, dotée d’une fourrure que le hapien lui envia. Il était frigorifié dans son uniforme.

- Lloyd Hope, l’apprenti du Castellan Noir, c’est vous ? demanda-t-elle d’une voix fluette.
- Exact.

Elle eut un mouvement de la tête qui ressembla à une salutation, et il le lui rendit.

- Je suis Kahla. L’apprentie du Seigneur Ghraan.

Le hapien se contenta d’acquiescer.

- Va-t-elle me recevoir ?
- Pas tout de suite. Elle est occupée. Diriger Galidraan n’est pas de tout repos. Elle ne peut pas recevoir comme ça, alors que vous n’avez pas prévenu de votre arrivée, fit-elle, soudain sur la défensive. Vous venez pour une affaire privée ou… Pour le compte du Castellan ?
- Pour une affaire privée. Mais potentiellement urgente. Je ne lui prendrai guère beaucoup de son temps.

Il y eut un silence. Kahla se mit à marcher, traçant une courbe autour du hapien, sans le regarder.

- Nous sommes loyaux, vous savez, dit-elle tandis que son regard se perdait au-delà des arches vitrées, vers l’horizon des montagnes enneigées.

Lloyd la suivait des yeux, comme s’il s’était attendu effectivement à une attaque inattendue.

- Si j’avais un doute à ce sujet, je ne serais pas venu seul me jeter dans la gueule du loup, répondit-il sur le même ton détaché.

Kahla acquiesça, puis s’arrêta pour lui adresser un sourire entendu.

- C’est exactement ce qu’elle m’a dit. Que c’était que vous étiez déjà certain. Ou bien que vous étiez un imbécile.

Lloyd sourit à son tour, mais son expression était froide.

- Elle cerne vite les gens, votre maîtresse.

Darth Hope
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Journal de bord du l’Amberjack, jour 6 mission « Terentatek ».


Ils avaient atteint le Pic aux Milles Poisons après un jour de marche, comme l’avait prévu Marcus.
Le soleil déclinait déjà dans le ciel, jetant une lumière crépusculaire sur la falaise qui se dressait devant eux. Le relief n’avait pas de forme définie, si ce n’était une pointe à son sommet, des dizaines et des dizaines de mètres plus hauts, qu’une brume poreuse encerclait. Au fur et à mesure qu’ils s’étaient rapprochés de leur objectif, la végétation s’était clairsemée. Le lieu portait bien son nom, on avait l’impression qu’un poison flétrissait l’air, s’évaporant d’une roche noire. Il y avait un sentier exigu qui démarrait depuis la base et permettait d’escalader un versant. Ils l’empruntaient en silence, prenant garde à ne pas chuter dans le vide car le chemin était sinueux et escarpé. La moindre inattention pouvait se payer. De la patrouille condamnée, nulle trace, mais la neige avait déjà tout recouvert. Ils s’enfonçaient péniblement dans le manteau blanc qu’elle avait déposé au sol.

Mais la carcasse d’un vaisseau ancien, encastré à flanc du pic mit brutalement fin à leur escalade. Dana fronça les sourcils en décrivant l’acier sombre, les marques gravées à même la coque externe. Depuis l’ouverture improvisée par les dégâts de l’ « atterrissage », elle sentit le Côté Obscur. Comme elle l’avait senti dans le caveau sur Jabiim, comme l’avait senti dans la tombe du Seigneur Dresh sur Korriban. Et il était si fort qu’il s’imprégnait jusque dans l’air alentour. C’était donc ça, le poison. Si le Terentatek était encore dans la zone, nul doute que son attirance pour l’obscurité aurait pu le conduire là. Il fallait fouiller le vaisseau.

Le capitaine sembla du même avis.

-Il pourrait se terrer là hein ?
-C’est une possibilité, constata-t-elle.
-Et bien c’est peut-être notre jour de chance, souffla-t-il. Vous entrez, vous le trouvez, vous l’enfermez dans un compartiment du vaisseau et on vient terminer le travail. Gen’ vous accompagne pour nous prévenir par comlink et nous guider jusqu’à votre position.
-Quoi ?! Pas moyen que j’rentre là-dedans !
-Très bien, fit-il agacé, J’y vais et je donnerai le signal.
-Tout ce qu’on attend d’un capitaine, se moqua Dana. Mais je vous préviens, Kiwi pourrait bien être le dernier des dangers dans un lieu comme celui-ci.

Blarst émit un sifflement superstitieux. Il avait un fusil blaster pendu à l’épaule dont le mode était basculé en « paralysie ». Shar n’était pas certaine que cela suffise. Il faudrait de toute évidence improviser.



Le temps n’avait plus d’emprise une fois à l’intérieur du vaisseau éventré. Le vent glacé du Pic s’engouffrait dans ses entrailles en stase et étouffait les bruits grinçants de leurs pas prudents. Visiblement, malgré l’ancienneté de l’appareil, une peu d’énergie – générée par des blocs de secours en fin de vie, circulait pour s’assurer du minimum vital : à savoir la lumière et le fonctionnement de certaines portes et mécanismes. Mais parfois, on entendait une chute de tension, l’éclairage se rompait brusquement. Alors Dana et Marcus retenaient leur souffle avant que les générateurs ne rebasculent timidement pour permettre une pénombre fonctionnelle. Van avait tout de même sorti une lampe torche dont le faisceau se baladait dans les coursives glacées. L’épave craquait, grondait, se muait sous les vents et l’apesanteur.

-C’est sinistre ici.
-Ouais, mais si ça peut te rassurer, j’ai connu plus sinistre.
-J’en doute pas.

Ils murmuraient pour ne pas être surpris dans leur progression.


Le duo passait au pont supérieur quand un grognement bestial émergea au-dessus de leurs têtes. Dana releva vivement la tête pour apercevoir la gueule béante de Kiwi, penchée au-dessus de la conduite technique qu’ils escaladaient. Elle avait les mains prises, agrippées aux barreaux de l’échelle.

-Marcus…souffla-t-elle plus bas. Faut qu’on redescende.
-Non, il est là, on monte et on suit le plan.

Les diodes blanches qui balisaient le tunnel de maintenance frappaient les traits incertains de l’Inquisitrice. Elle prit une grande inspiration et poursuivit l’ascension, avec prudence et avec le moins de bruits possibles. Jusqu’à ce qu’un barreau cède sous poids, manquant de la faire chuter. Plus haut, l’animal hurla, attiré par le bruit, attiré par la Force qui circulait passivement en elle. Il hurlait sa frustration de ne pouvoir entrer dans le conduit cueillir sa proie. Les Terentatek n’étaient pas réputés pour leur intelligence et l’alchimie sith de Ghrann n’avait pas eu l’air d’avoir augmenté de beaucoup les facultés mentales de la bête. Rendu fou par l’appel du sang, il tourna en rond, s’éloigna de l’entrée du conduit. Dana y vit une occasion pour se hâter davantage et émerger. Un coup de griffe la manqua de peu alors qu’elle roulait sur le côté. Et elle se mit à courir. Kiwi la coursa, évidemment, appâté par l’idée du festin à venir.

Après avoir tenu la distance le long des coursives, le souffle de la Sith vint à lui manquer. Elle aperçut une pièce à l’écoutille ouverte. C’était le moment. Elle n’aurait qu’à s’y engouffrer, Kiwi à sa suite et user de télékinésie pour refermer la porte, les piégeant tous les deux. Marcus donnerait le signal.

Et elle mourrait dévorée avant même que Genova et Blarst ne le reçoivent, mais quelle importance pour eux. Elle n’était qu’un appât.

Elle se jeta dans la salle, referma l’écoutille et enclencha son verrou à l’aide de la Force. L’acier encaissa le choc de la charge de Kiwi. Il cogna furieusement des dizaines d’autres fois, sans réussir à forcer l’obstacle. Enragé, il s’éloigna dans l’espoir de trouver un autre moyen d’atteindre sa victime.

Dana ne sut combien de temps elle était demeurée prostrée dans cette pièce à la faible luminosité. Quelques minutes ? Des heures ? Et Marcus ? Elle sortit de sa poche la petite holocamera et son datapad. Il était temps d’envoyer un dernier message.


















La cloison de la chambre, peu renforcée, céda sous la charge furieuse du terentatek. Dana fut projetée au sol par le choc, accusant les débris qui heurtèrent son corps. Les yeux bestiaux se verrouillèrent sur leur cible et Kiwi bondit. Dans un sursaut de lucidité, elle leva son bras droit, déclencha la vibro-dague qui émit un son aigu. Et elle donna un grand coup pour se protéger de l’assaut qui venait. La lame percuta l’un des crocs menaçant de se rabattre sur elle, le fissura. Kiwi recula, surpris à la fois par la douleur qui avait atteint son nerf et la résistance de sa proie. Shar rampa, se releva à la hâte, glissa contre le sol froid et se remit à courir. Dans sa fuite, elle tomba sur un Marcus Van blafard et couvert de sang. Fébrile, il l’attrapa par les épaules et elle le repoussa sèchement.

-On a pas le temps ! Il est derrière nous ! hurla-t-elle. On va dehors ! Dis à ton alien de préparer les charges paralysantes.
-Il est mort ! Gen’ aussi ! J’pensais que vous l’aviez piégé tout à l’heure, j’ai donné le signal et…

Dana baissa les yeux sur le flanc ensanglanté de Marcus. Merde. Elle n’eut cependant pas le loisir de réfléchir car Kiwi déboulait dans son dos. Elle poussa Van à avancer et se remit à courir, essoufflée.





L’ombre du terentatek passa sur leurs visages figés. Ils ne respiraient plus, pelotés l’un contre l’autre, dans un des tunnels des recycleurs d’air. A travers la grille ventilée, ils apercevaient la créature s’éloigner, l’humeur maussade. Marcus reprit bruyamment son souffle, grimaçant de douleur. Shar lui tendit son propre datapad.

-Retourne chez la vieille, donne-lui ça pour lui prouver que je suis toujours en vie. Dis-lui d’envoyer des renforts ici. Je vais….garder Kiwi dans ce vaisseau le plus longtemps possible. Faire tourner les mâles en bourrique c’est ma spécialité.
-Ils ont bien de la chance, fit-il dans un rictus douloureux.
-Je vais sortir et l’attirer, c’est pas un coup d’essai.
-J’ai compris.









Lloyd fut enfin accueilli dans l’office privée de Ghrann. L’élégante dame se tenait dans un fauteuil capitonné, face à un bureau où trônaient divers artefacts Sith de bonne facture. Choses assez rares pour le noter, deux livres à la couverture grenat gisaient au milieu de ce bric à broc étrangement ordonné. Les lieux étaient fastes et austères à la fois, tout ce que l’on pouvait attendre d’une alchimiste Sith, noble de surcroît. La vieille dame portait une coupe de vin en main. Et son regard pourpre se planta sur l’apprenti du Castellan Noir avec intérêt. Agenouillé près du bureau, un homme dans la quarantaine, défait et couvert de sang patientait.

-Lloyd Hope, annonça-t-elle, les lèvres pincées. Je sais ce qui vous amène désormais.

Elle fit signe et un subordonné apporta au hapien, un datapad à moitié gelé dont l’écran luisait toujours. Sur ce dernier, l’holovidéo de Dana dans la forêt de conifères, qui lui souriait. Sa voix emplit l’air sinistre, y déposant un message d’espoir. Un message qu’elle n’avait jamais envoyé et qu’il découvrait maintenant, comme tous les autres.

-Une affaire privée, mh. Vous venez chercher votre compagne ? J’ignorais que vous en aviez une. Je suis assez friande de ce genre de ragots.

Kahla étira un sourire amusé. Ghrann retrouva tout son sérieux.

-Mes hommes ont trouvé le capitaine Van ici présent (Elle désigna l’homme qui se vidait de son sang) errant dans la forêt. Je l’avais engagé pour retrouver mon Kiwi adoré. Il m’assure que l’Inquisitrice est en vie ce qui me contrarie fort, Monsieur Hope. Où est Kiwi ?

Elle menaçait de se mettre en colère à tout moment. Kahla s’approcha du blond pour souffler discrètement à son oreille.

-Kiwi est le terentatek modifié par les soins de ma maîtresse.


Lloyd Hope
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Hey Lloyd




Le hapien cligna plusieurs fois de ses yeux rivés sur le datapad. Le bureau du Seigneur Ghraan était faste mais fonctionnel. Cette dernière ne lui avait guère laissé le temps de se présenter, lui mettant sous les yeux ce message absurde. Il grimaça. Dana n’était pas assez prudente.

- Ce n’est pas ma compagne, répondit-il froidement, et il éteignit le datapad, le rangeant à l’intérieur de sa veste. Mais je dois la ramener vivante.
- Elle a une mission à accomplir.
- Si Kiwi est encore vivant, je vous le ramènerai en même temps que je vais chercher Dana Shar. J’emmène le capitaine. Pour me guider.

La vieille Ghraan tira une bouffée de son porte-cigarette et des volutes de fumée s’échappèrent de ses narines et ses lèvres.

- Bon, en ce cas, vous emmènerez Kahla également.

La jeune zabrak aux côtés de Lloyd parut aussi surprise que lui. Le hapien baissa sur elle un regard pessimiste.

- Vous ne tenez pas à sa vie ?
- Disons que je tiens davantage à celle de Kiwi. Kahla doit apprendre. Entouré de deux Sith, elle devrait à la fois être suffisamment protégée et apprendre, n’est-ce pas ?
- Nous verrons, répondit Lloyd, morne.

Il quitta le bureau du Seigneur Ghraan avec, sur ses talons, la jeune zabrak qui avait pris soin de relever le capitaine pour l’aider à marcher. Ils durent se hâter pour rattraper le hapien. La vieille Sith les regarda s’éloigner avec un regard étréci. Elle s’inquiétait toujours pour sa pauvre petite créature égarée. Mais ces renforts qui venaient d’arriver ne seraient peut-être pas de trop.
Le Seigneur Ghraan se pencha au-dessus de son bureau, et enclencha le dispositif de communication.

- Ma chère Runà, énonça-t-elle avec une voix rauque qui essayait pourtant d'être agréable, comme si elle lisait une lettre soignée. Mon petit Kiwi n’est toujours pas rentré à la maison. J’ai dit que je te tiendrai au courant. Je sais que tu tiens à ta petite protégée, mais sache que pour le moment, elle a fait chou blanc. Oh, ce n’est peut-être pas de sa faute. Les mercenaires qui l’accompagnaient n’avaient pas l’air très solides. Je te dirai si elle réussit ou si elle échoue. Figure-toi qu’un certain Lloyd Hope, apprenti du Castellan Noir, vient de débarquer au palais. Comme ça, sorti de nulle part. Il est parti l’aider. Je ne savais pas que tu collaborais si étroitement avec Laduim. Méfie-toi. Il s’est fait tellement d’ennemis, ces derniers temps…

------

------

------Lorsqu’ils parvinrent au Sans Visage, Mumkin les accueillit avec effroi. D’abord ce capitaine en pitoyable état, puis une autre Sith ? Lloyd n’avait jamais ramené autant de monde au vaisseau que ces dernières semaines.

- Tout le monde dans le cockpit, ordonna le hapien dès qu’ils grimpèrent sur la passerelle. On décolle. Mum, le capitaine Van… C’est quoi votre prénom ?
- Marcus, geignit le capitaine de l’Amberjack.
- Marcus te conduira jusqu’à l’épave où se trouvent Dana et le terentatek.
- Le quoi ?
- On déposera le capitaine à son vaisseau, puis tu nous laisseras, Kahla et moi, le plus près possible de l’épave dans laquelle ils se trouvent.
- On peut prendre quelques minutes pour élaborer un plan ou…
- Tu feras ça dans ta tête pendant le voyage, rétorqua Lloyd en refermant la passerelle derrière lui, plongeant l’intérieur du Sans Visage dans sa pénombre habituel. Personne ne quitte le cockpit. Ce vaisseau n’est pas le vôtre et si je vous voie n’importe où ailleurs qu’à côté de Mumkin je vous passe par-dessus bord.
- Super accueil, maugréa Kahla, qui se laissa glisser sur la banquette derrière le siège de Mumkin avec une moue dépitée.

Le cockpit était illuminé par la blancheur du paysage qui s’imposait à eux à travers le transparacier. Au moment où les moteurs vrombirent, soulevant le Sans Visage, un drôle de fracas se fit entendre à l’arrière du vaisseau, comme si quelque chose secouait les entrailles de la navette. Comme Lloyd ne disait rien, ni Kahla ni Marcus n’osèrent faire de remarque.

------

------

------Le voyage se fit sans encombre et dans un silence maussade. Après une demi-heure de vol, on repéra rapidement l’Amberjack, puis l’épave. Il n’y avait aucun moyen de se poser à proximité de celle-ci : le vaisseau endommagé était niché sur une arête battue par la neige, et Mumkin manœuvra pour atterrir non loin de l’appareil du capitaine Van, dont le teint blafard accusait la fatigue et le désespoir dont il était accablé. Les patins d’atterrissage du Sans Visage s’enfoncèrent dans la neige. Un vent glacial s’était levé, et Lloyd repassa dans sa cabine s’affubler de quelques couches supplémentaires par-dessus son uniforme. Kahla, elle, n’avait que sa grande bure doublée de fourrure dont elle rabattit la capuche en sortant dans la blancheur du paysage. Elle se retourna après avoir fait quelques pas, pour regarder le capitaine Van, en piteux état, claudiquer vers son vaisseau qui était à quelques mètres de là, puis le Sith qui referma la passerelle. Depuis l’extérieur, on voyait la silhouette de Mumkin qui les regardait à travers la baie du cockpit. Le dévaronien adressa curieusement un sourire qui se voulait encourageant à Kahla. Comme s’il voulait lui dire que ça ne serait pas si terrible. Ou qu’il s’excusait de quelque chose, elle ne sut pas exactement.

Lloyd la dépassa sans mot dire, en direction de l’épave. Ils en avaient pour une bonne heure de marche, selon le capitaine, et le hapien ne voulait pas perdre de temps. Kahla s’engagea dans ses traces, et la neige crissait sous leurs pas.

- Bon, c’est quoi votre spécialité ? lança-t-elle dans son dos, et il ne daigna pas se retourner pour répondre.
- Ma spécialité. De quoi tu parles ?
- Ben, je suis là pour apprendre, c’est le deal. Alors en quoi vous êtes bon ?

Le hapien ne ralentit pas sa marche. De temps à autre il levait les yeux vers l’objectif : les contours de l’épave se découpaient dans les rideaux de neige et il tendit la Force en espérant sentir l’aura de Dana. Mais ils étaient trop loin. Il baissait le nez vers le sol, contemplant ses bottes qui s’enfonçaient l’une après l’autre dans la neige humide. Qu’est-ce que tu es en train de foutre ?

- Je suis dans la Marine. Je m’occupe surtout de commander des troupes. Rien qui ne te soit très utile.

Kahla resta silencieuse dans son dos un moment avant de répondre. Visiblement, le hapien n’avait pas très envie d’être coopératif mais elle n’avait pas souvent l’occasion de rencontrer d’autres adeptes du côté obscur.

- Mais en trucs Sith. Tu sais faire quoi ? Dame Ghraan m’apprend à maîtriser le Feu obscur.
- Ah. C’est sûr que vu le climat, c’est d’utilité publique de savoir faire une petite flambée dans le coin.

La Zabrak leva les yeux au ciel. Il était beau mais il était con.
Darth Hope
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Sitôt la créature attirée sur sa piste, Dana n’avait pas arrêté de courir, de moins en moins vite, de moins en moins longtemps. Sa condition physique n’était pas taillée pour des sprints de si grande intensité. Elle avait dû se cacher encore, et quand sa cachette devenait compromise par le flair du terentatek, elle avait dû fuir à nouveau. Ce petit manège avait duré des heures, jusqu’à ce qu’elle atteigne l’immense pont de commandement du vaisseau et qu’au travers du plastacier et du verre brisé, elle aperçoive la nuit noire de Galidraan. Le vent était retombé, comme la température. Des volutes vaporeuses échappaient aux lèvres frigorifiées de la Sith. Un bruit lui annonça que Kiwi errait encore au pont inférieur, à sa recherche. Rompue par la nervosité, figée dans un instinct de survie précaire, elle se roula en boule sous l’une des consoles de commandement et fit de son mieux pour se couper de la Force, sans véritable succès. Puis l’un comme l’autre avait succombé à la fatigue. La bête, comme l’humaine. Dana avait combattu le sommeil durant des heures avant que son corps ne cède à un repos précaire, parsemé d’éveils en sursauts au moindre craquement.










L’aube du septième jour avait caressé la carcasse abandonnée, s’infiltrant dans l’acier et le silence. Elle réchauffait à peine les joues froides de l’Inquisitrice, dont les yeux étaient désespérément ouverts. La lueur diurne mit en valeur des insignes Sith sur des fanions déchiquetés. Elle s’extirpa péniblement de sa planque de fortune. Un peu de neige avait été soufflée dans la grande salle, tractée par un vent matinal. D’un pas chancelant, elle traversa le pont supérieur, déterminée à sortir de ce tombeau éventré. L’extrémité de ses membres s’était engourdie avec le froid mordant. Le climat polaire de Galidraan la tuerait avant le terentatek, songea-t-elle.

Sa silhouette errait dans les coursives du vaisseau, parfois à la faveur d’un néon clignotant ou d’une diode à l’alarme silencieuse mais dont la couleur pulsait à un rythme irrégulier. Elle se rendit compte qu’elle tournait en rond, incapable de reconnaître les routes empruntées la veille. Son esprit ne fonctionnait plus avec autant d’acuité. Son corps se concentrait pour maintenir son organisme à température viable et ses forces n’étaient plus ce qu’elles étaient. D’un geste sec, elle ajusta la lanière de sa vibro-dague. Pour le moment, un silence absolu régnait. Aucun craquement sinistre ne lui indiquait que Kiwi se déplaçait dans l’épave. Dana se stoppa net. Un pas de plus et elle basculait dans un gouffre à la profondeur incertaine. Elle avait atteint la zone où le vaisseau s’était fendu en deux lors de son crash. Elle déglutit en constatant la distance qui la séparait de l’autre rive d’acier. Elle serra le poing, puisa dans la Force, recula pour prendre de l’élan.

Ses bras et ses jambes s’agitèrent dans l’air alors qu’elle avait effectué un bond, portée par la Force. Son abdomen heurta l’autre bord dans un choc qui lui coupa le souffle. Elle plaqua ses mains contre le revêtement au sol. Ses ongles glissèrent. Elle n’avait pas pris assez d’élan, n’avait pas assez mobilisé ses dons dans la Force. Ses paumes raclèrent désespérément. Elle sentit ses forces s’amenuiser et l’instant d’après, elle lâchait tout. Un cri jaillit de sa gorge alors qu’elle entamait une longue chute. Bientôt, elle vit un ersatz de sol, duquel jaillissait une tige de scellement rouillée. Elle écarquilla les yeux en constatant qu’elle risquait de s’empaler dessus. Elle retomba lourdement à quelques centimètres de la tige. La collision fut si rude qu’elle perdit connaissance.






Dana...







Des flocons diaphanes formaient sur sa joue rose une fine pellicule humide. Les paupières de Dana remuèrent doucement alors qu’elle s’ébrouait dans un grognement douleur. Son corps lui donnait l’impression d’être brisé de toute part et pourtant, elle arrivait à bouger. Elle ouvrit son regard. Il faisait noir à l’exception d’une lumière de secours qui pulsait dans le lointain et qu’elle voyait encore flou à cause de son traumatisme. L’adrénaline afflua à son cerveau au souvenir du terentatek et elle trouva l’énergie de se redresser, non sans émettre un cri de douleur. Elle avait dû sacrifier une cote ou deux lors de sa chute, mais l’heure n’était pas aux atermoiements. Elle composerait avec la douleur, comme elle l’avait déjà fait sur Khar Delba. Et même si prendre une inspiration faisait imploser ses nerfs, elle continuerait de respirer. Parce qu’elle devait sortir d’ici.

Un ronronnement discontinu lui indiqua qu’elle était tombée dans les entrailles profondes du vaisseau, dans ce que l’équipage appelait trop communément : la salle des machines. Après quelques pas, sa vision se clarifia et elle découvrit les câbles enchevêtrés, les composants parfois gelés, parfois endommagés ou au contraire, conservés intacts par le froid et le temps. Elle s’épaule à un pilier d’acier avant de lever ses yeux vers la fissure d’où elle était tombée.

Impossible à escalader. Elle devrait trouver un autre moyen de remonter.

Nouveau cri de douleur. Il résonna haut et loin et son écho se répercuta dans les conduits d'entretiens et d'aération.


Elle dut prendre le temps d’apprivoiser sa blessure, de tester les positions qui lui coupaient la respiration ou qui, a contrario, la soulageaient un peu. Il devait sûrement y avoir une infirmerie de bord. Avec un peu de chance, il resterait du matériel, aussi vieux était-il. Vu la noirceur des lieux, elle doutait que des pillards aient pu s’aventurer dans cette carcasse maudite. Avant la sortie, elle devrait trouver cette infirmerie.

Le silence régnait toujours, à l’exception de certains générateurs qui consommaient lentement et péniblement leur énergie pour alimenter un vaisseau devenu un tombeau. Kiwi semblait s’être lassé de ce petit jeu du chat et de la souris. Il était fort à parier qu’il avait repris la fuite vers d’autres horizons.



Lloyd Hope
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Avec l’altitude, le vent s’était intensifié. Kahla et Lloyd se réfugièrent avec soulagement dans l’une des parties du vaisseau dès qu’il fut à portée. Ils s’introduisirent par une passerelle dont la porte était détruite. Un morceau de métal se soulevait avec les bourrasques, menaçant de s’abattre sur un visiteur, mais il semblait que le vaisseau n’avait guère connu beaucoup de passage ; au contraire des carcasses désossées que Lloyd avait pu voir des vaisseaux échoués sur d’autres mondes, celui-ci avait l’air d’avoir conservé presque intact son matériel. Dès qu’ils posèrent le pied à l’intérieur d’une coursive, ils comprirent pourquoi : la Force obscure semblait ramper, s’accrocher à leurs bottes à chacun de leurs pas, et le hapien s’immobilisa après quelques pas.

- Il paraît qu’il a appartenu à un puissant Seigneur Sith, chuchota Kahla avec une pointe de révérence dans la voix, s’arrêtant à son tour derrière lui. Maître Ghraan me récompensera si je ramène quelque chose qui est doté de sa puissance.
- Mmh, grogna le hapien pour toute réponse.

Il y avait bien des années que sa fascination pour les artefacts Sith l’avait quitté. Avait-il déjà connu telle curiosité de toute façon ?

- Ce n’est pas étonnant que le terentatek ait été attiré ici. Je sens même que…
- Chut.

Kahla jeta à Lloyd un regard contrarié. Mais le hapien l’ignorait ; il avait levé le nez en l’air, vers les étages supérieurs du vaisseau. Puis ses yeux fouillèrent les alentours, avisèrent les escaliers qui se présentaient à quelques pas de là, éclairés par intermittence par des néons fébriles.

- Tu as entendu ?
- Non.
- Quelqu’un a crié.
- C’était un charognard.

Le hapien baissa les yeux en se retournant vers l’apprentie, qui ne lui arrivait qu’à la poitrine. La peau carmine de la zabrak luisait de la mince couche de sueur qui s’était formée sur ses joues après leur marche active, et ses yeux dardaient sur lui une lueur de défi. Disons que je tiens davantage à celle de Kiwi, avait dit sa maîtresse. Pouvait-il utiliser Kahla comme appât ? C’était un peu cruel. Mais en matière de cruauté, il n’était plus à ça près. Et s’il trouvait Dana, il n’avait aucune envie qu’elle soit là.

- Bon, on va essayer d’être efficace, dit-il soudain.
- Ah !

La zabrak parut intéressée.

- Toi, tu prends cette direction – il fait un signe vers les escaliers qui menaient vers les étages supérieurs – et moi, je vais aller plus tôt par là-bas – il désigna le ventre brisé du vaisseau, où avaient dû se trouver les salles des machines. Tu montes, et tu m’attrapes le charognard en question, et tu me le ramènes.
- Hein ?
- Evidemment, si tu croises un terentatek ou une Inquisitrice sur ton chemin, tu m’appelles.

Elle lui jeta un regard noir, déçue.

- C’est lâche. Qu’est-ce que je suis censée faire si je me trouve nez à nez avec Kiwi ?
- Ben tu cours. Vite. C’est un bon entraînement pour ta formation, tu verras. Allez, bonne chance.

Il la laissa plantée là, tandis qu’il partait au pas de course s’engouffrer dans les profondeurs du vaisseau.

-------

-------

-------Dans d’autres circonstances, Lloyd aurait apprécié visiter cette épave. Non pas pour d’éventuels artefacts Sith, mais tout simplement parce que le vaisseau était d’une très bonne facture et, si l’on omettait les parties endommagées dans le crash, de nombreuses pièces paraissaient intactes. Certaines d’entre elles auraient pu être récupérées de façon très avantageuse pour le Sans Visage, mais il n’était pas équipé pour tester ni transporter les pièces en question. Et surtout, il avait autre chose en tête.

En s’enfonçant entre les machines, il avait tendu la Force devant lui. Mais le fil par lequel il sentait habituellement la présence de Dana demeurait absent. Avec les minutes qui s’écoulaient, il se demandait si Kahla n’avait pas raison. Avait-il confondu un cri d’oiseau avec un cri humain, dans son inquiétude ?

Lorsqu’il parvint à la fissure béante qui scindait le vaisseau en deux, il sentit le vent s’engouffrer de nouveau en bourrasques glaciales, ébouriffant ses cheveux. Il regretta de ne pas avoir meilleur équipement contre le froid, mais il était trop tard pour rebrousser chemin. Il traversa à la hâte un long passage recouvert de neige, pour rejoindre l’autre morceau de carlingue, mais il s’interrompit bientôt.

Des traces de pas dans la neige.

Dana ou quelqu’ un d’autre ? Il suivit les traces, et bientôt elles disparurent dans une coursive qui s’enfonçait dans l’autre partie du vaisseau. Il hâta le pas.

Il arriva au bout des salles des machines et bientôt, d’autres escaliers lui permirent de s’élever un peu plus haut dans l’appareil. Il tendit de nouveau la Force devant lui, sans succès. Se cachait-elle ? Il ouvrait les portes de chaque pièce, et chaque pièce était vide. Parfois, il découvrait un cadavre desséché, ou un droïde figé dans une posture étrange.
Lorsqu’il parvint au pont supérieur, dont le sol s’inclinait désagréablement, ralentissant sa progression, il y eut une panne d’énergie soudaine, et tout le vaisseau fut plongé dans le noir. Lloyd sortit son sabre laser, éclairant quelques mètres autour de lui. Il n’appréciait pas de devenir ainsi lui-même si visible, mais il n’avait pas d’autre choix pour continuer sa progression dans l’obscurité. Il passa devant des pièces vides et sans porte, alignées et désuètes.

Le sol sous ses pieds tangua soudain étrangement, comme si le vaisseau manquait de stabilité. Lloyd perdit l’équilibre, glissa maladroitement à cause de ses bottes mouillées par la neige et il s’étala avec un grognement au sol. La partie tangua davantage et il se sentit glisser au sol, vers l’une des pièces vides adjacentes. Bientôt, le désagréable mouvement de balancier cessa, et il put se remettre sur ses pieds au moment même où l’électricité se rétablissait dans le compartiment. Les néons se rallumèrent, ainsi que les consoles et… les écrans énergétiques qui refermaient les cellules.

- Non.

Et si.

Lloyd était enfermé dans une cellule, probablement l’espace qui servait de prison à ce fameux Seigneur Sith. L’espace était exigu, sans aucun aménagement à l’exception d’un WC.
Le hapien soupira bruyamment en éteignant son sabre. Combien de temps avant la prochaine interruption énergétique pour le libérer ?

- KAHLA ? appela-t-il, sans y croire.

Silence absolu.

- … DANA !

Nouveau silence, puis il se mit à faire les cent pas, à deux doigts d'exploser de frustration.

- Putain. De. Planète. De. Merde.
Darth Hope
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Dana fouillait lamentablement les étagères de l’infirmerie de bord.
Elle soufflait fort et grognait sa douleur par intermittence. Dans un coin, la charpente d’un vieux droïde médical se moquait d’elle en silence. Elle n’avait même pas tenté de le faire fonctionner. C’était perdu d’avance. Les produits se déversaient au sol alors qu’elle retournait des caissons, des tiroirs, à la lueur blafarde du seul néon fonctionnel de la grande pièce. Alors qu’elle perdait tout espoir de trouver des composants nécessaires à son rétablissement, elle fit main basse sur un pistolet seringue hypodermique. Dans le flacon chargé, elle reconnut la couleur translucide du kolto. Ou bien, cela était autre chose. Qu’avait-elle à perdre ?

Elle souleva ses vêtements à la hâte, dévoilant son flanc où un hématome assombrissait sa peau claire. C’était du kolto, se convainquit-elle. Au moment où l’aiguille transperçait son derme d’une pression sourde pour déverser le liquide précieux dans son métabolisme, le néon rendit l’âme. Elle se mordit la lèvre inférieure en retirant trop brusquement la seringue, animée par l’angoisse du noir soudain. Elle avait l’impression que le vaisseau était vivant, qu’il s’animait par saccade sournoise et…la digérait. Lentement. Les battements de son propre cœur emplissaient ses oreilles, cognant ses tempes avec la même intensité qu’une migraine. La substance médicale se répandait dans ses tissus, jusqu’à ses os fêlés. Si c’était bien du kolto, le processus serait relativement long. Elle tendit une main, reconnut le verre renforcé du med-pod et à tâtons, se dirigea avec précaution vers la sortie de l’infirmerie. En l’absence d’éclairage suffisant, il fallait faire confiance à la Force.

Même les diodes de secours, qui se généraient sur une source phosphorescente, s’étaient éteintes. Dana reconnut que c’était peut-être l’œuvre de la noirceur qui hantait encore les lieux. Une présence obscure qui modifiait à sa guise la configuration de ce labyrinthe d’acier et de morts, qui égarait leurs esprits, se nourrissant de leur désarroi. L’Inquisitrice se demandait si elle ne devait pas trouver la source et y exercer sa sorcellerie Sith afin d’invoquer l’Esprit qui avait élu domicile dans ce caveau extravagant. Et la lumière revint, pernicieuse, comme si on avait répondu à sa suggestion par une invitation pleine de défi. Les rares néons allumés formaient un chemin sinistre sur lequel elle s’engagea sans une once d’hésitation. Sa silhouette fut avalée par le vide étouffant et glacial d’une coursive qui s’enfonçait dans de nouvelles profondeurs. Combien de ponts avait cet appareil ? Autant de couches qu’un millefeuille empoisonné. Milles poisons.

Elle avançait prudemment. Un pas après l’autre. Sa semelle crissait parfois quand elle écrasait une fine couche de neige qui s’était cristallisée sur le revêtement en acier. Dans son dos, elle entendait parfois une écoutille qui claquait avec le même son qu’une porte se refermait, scellant un destin. Mais elle s’efforçait de tenir les brides de son imagination à l’angoisse débordante. Elle chassait les souvenirs du caveau sur Korriban qui refoulaient comme une marée putride. Des portes s’ouvrirent dans un grincement hydraulique sourd et elle changea de niveau. Elle enjamba machinalement un squelette gelé par les siècles.






Une main s’abattit soudain sur son épaule. Dans un réflexe inhérent à ses bases de close-combat, elle enclencha sa vibro-dague et se retourna hâtivement pour la pointer sous la gorge…d’une zabrak aux yeux écarquillés par la surprise. Dana détailla les tatouages sombres de son faciès carmin. Des symboles créés par l’alchimie Sith. La lame vibrait à quelques millimètres seulement du cou protégé par une fourrure noire.

-Qui es-tu ?!
-Kahla…l’apprentie du Seigneur Ghrann, baissez votre arme s’il vous plaît…

Après une seconde d’hésitation, Shar éteignit et rétracta l’arme.

-C’est tout ce que Marcus a réussi à m’avoir comme renfort ?! s’énerva-t-elle. Une foutue apprentie ?!
-Je ne suis pas venue seule ! déglutit la zabrake, avant de froncer les sourcils, vexée par la remarque.
-Où sont les autres ?
-L’autre. Je suis avec l’apprenti du Castellan Noir, Lloyd Hope.
-Quoi ? articula-t-elle, frappée de stupeur. Elle réussit à se ressaisir.
-On doit retrouver Kiwi.
-Kiwi n’est plus là si tu veux mon avis. Faut d’abord sortir de cette merde noire. Où est Lloyd ?
-Je…ne sais pas. Il a proposé qu’on se sépare, expliqua Kahla, le ton emballé par une respiration mal-assurée.
-Super, passe devant. Et ne surprends plus jamais un Inquisiteur dans son dos. C’parce que je suis pas le plus compétent d’entre eux que t’es encore en vie.
-Bien.






Il y avait des cellules qu’elles longeaient en silence. Le ventre de Dana était douloureux tant il se tordait d’angoisse. Elle lui avait dit de rester à l’écart. La prochaine fois, elle lui ordonnerait de se précipiter à elle. Peut-être ferait-il l’inverse ?. Et y'aurait-il seulement une prochaine fois ? Il pouvait désormais être n’importe où, à la merci de ces lieux obscurs qui dévorait les âmes et attirait les terentatek. Kahla la tira de ses réflexions en poussant une exclamation.

-Là !

Dana hâta le pas. Et derrière un écran énergétique, elle découvrit la silhouette familière de l’officier impérial. Elle se dépêcha de reculer, d’inspecter les alentours dans l’espoir de repérer une issue pour le libérer. Le soulagement de le voir en vie se mêlait inconfortablement à ce poids qui n’avait pas quitté son ventre.

-Comment vous êtes arrivé là ? interrogea la zabrake, sidérée.
-Il a sûrement payé l’all-inclusive à l’entrée, ironisa-t-elle en foudroyant l’apprentie d’un regard noir.
-Je suis simplement étonnée que..
-BREF. Tu restes là, ordonna-t-elle à Kahla. Je vais trouver la console de commande pour l’ouverture des cellules, qui doit être quelque part.

A travers la cloison énergétique, ses yeux dorés croisèrent le regard émeraude et elle fit comme si elle n’avait pas vu la colère qui flambait tout ce vert. Elle rompit le contact visuel et disparut à l’autre bout de la coursive, vers la salle des géôliers. On entendit ses pas résonner longtemps jusqu’à disparaître, avalés par le silence.










Quelques minutes plus tard, l’écran énergétique se désactivait. Mais de Dana, aucun retour.



Lloyd Hope
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Lloyd mit un pied en dehors de sa cellule et regarda dans la coursive à gauche, puis à droite. L’éclairage était revenu mais ne rendait pas moins sinistre les coursives glaciales.

- Elle est où ?
- Je ne sais pas. Elle a dit qu’elle était partie chercher la console de commande pour l’ouverture de cellules. Elle a dû trouver…
- Sans blague. Merci pour l’information.

Sans un regard pour l’apprentie, il s’engagea dans la coursive dans le sens où il avait vue Dana partir mais Kahla le rattrapa en trottinant.

- Je pense que je sais où c’était. Il me semble les avoir vues en venant, ces commandes. Ça devrait être juste au-dessus.

Le hapien lui emboîta le pas en silence, et ils s’engagèrent dans des escaliers qu’ils grimpèrent quatre à quatre. La coursive supérieure alignait encore de nombreuses cellules ouvertes et en passant devant, Lloyd jetait des coups d’œil rapides. Il tendit la Force autour de lui, sans succès. L’Obscurité du lieu écrasait tout, et rendait difficile toute reconnaissance. Kahla l’emmena tout au bout de la coursive suivante. Elle s’engagea dans un escalier, puis hésita.

- Non, attendez, il fallait tourner plus tôt.

Lloyd laissa échapper un grognement agacé tandis qu’elle repassait devant lui pour rebrousser chemin.

- On n’a pas jugé utile de t’apprendre le B-A-BA de l’orientation avant de te faire faire des feux de cheminée ?

Kahla se renfrogna et sans mot dire, elle poursuivit son chemin. Elle tourna sur sa droite, et soudain il y eut un nouveau mouvement de sol, et une nouvelle interruption d’énergie. Ils furent plongés dans le noir. Cette fois, Lloyd veilla à ne pas tomber, et il ressortit rapidement son sabre laser. La lueur rouge de la lame les éclaira tous les deux. Ils ne voyaient pas plus loin qu’un mètre ou deux devant eux.

- On continue, ordonna le hapien, et Kahla déglutit avant de reprendre le chemin à pas précautionneux.

La coursive les conduisit à une autre. Kahla sembla hésiter un bref instant, mais elle se décida rapidement pour tourner à droite. A la lueur du sabre laser, on voyait de vieilles consoles encastrées dans les murs, et parfois une baie vitrée donnait sur un bureau ou sur une autre pièce. Le regard de Lloyd glissait sur ses éléments, à l’affût uniquement d’une silhouette qu’il était venue chercher. Il ne savait plus très bien pourquoi. Si. Parce qu’il avait pensé qu’elle était en danger. Mais visiblement, elle était vivante, elle tenait debout. Elle s’était juste encore fourrée dans une mission trop compliquée pour elle. Du moins le jugeait-il : pourquoi ne l’avait-elle pas emmené avec lui ? Elle disait qu’ils faisaient une bonne équipe. Alors pourquoi être partie avec une bande de mercenaires du genre de Marcus Van ? Un putain de looser, celui-là aussi. Si elle lui avait dit directement que…

- Hope ! souffla Kahla en s’arrêtant subitement, et le hapien faillit lui rentrer dedans, surpris.
- Quoi ?
- Ben, regardez.

La zabrak pointa un doigt vers le sol, devant elle. Ou plutôt : l’absence de sol. Le métal se gondolait pour finalement disparaître, laissant un trou béant devant eux. En contrebas, on devinait vaguement, à la lueur de quelques hublots, un pont inférieur, plusieurs mètres plus bas. Le saut était beaucoup trop dangereux. De l’autre côté, leur coursive continuait probablement, mais en levant son sabre laser, Lloyd n’apercevait pas la suite du couloir. Il devait être trop loin.

- T’es passée par là à l’arrivée ?
- Non, admit Kahla d’une petite voix.

Lloyd laissa échapper un gros soupir avant de la toiser.

- Putain mais t’étais censée nous ramener aux commandes des cellules ! cria-t-il subitement.
- Mais oui je sais, se défendit pauvrement Kahla, mais j’étais sûre qu’elles étaient par là, on devrait pouvoir rebrousser chemin et les retrouver, et de toute façon l’Inquisitrice elle a l’air de bien se débrouiller toute seule, non ?

Le hapien la fustigea du regard.

- Putain mais tu vas pas t’y mettre aussi.
- Heu… Quoi ?
- Tu sais où on est ou pas.
- Heu… Pas vraiment.

Lloyd cligna des yeux une fois. Il se retourna, essaya d’inspirer calmement.
Raté.
Il attrapa la première chose qui lui tomba sous le nez, à savoir une console éteinte, et la renversa avec fracas avant de balancer un coup de pied dans l’appareil qui projeta misérablement une gerbe d’étincelles.

- MAIS QU’EST-CE QUE JE FOUS LA A LA FIN MERDE ! J’AI QUAND MEME AUTRE CHOSE A FOUTRE QUE DE BABYSITTER DES INCAPABLES !
- Mais ma maîtresse elle…

Mais elle fut coupée par Lloyd qui leva son sabre laser pour éclairer la zabrak qui, de carmine, avait viré au pourpre.

- MAIS TA MAITRESSE ELLE T’A ENVOYEE POUR QUE JE TE SACRIFIE AU TERENTATEK, T’AVAIS PAS COMPRIS ?? T’ES SI DEBILE QUE CA ?! SOIT T’ES UTILE SOIT T’ES DE LA VIANDE HACHEE C’EST POURTANT PAS COMPLIQUE !!

Il éteignit le sabre, plongeant l’apprentie dans l’obscurité, pendant qu’il fit deux pas pour retourner achever la malheureuse console à coups de pieds bien sentis. Il finit par laisser tomber, se prit la tête dans la main et s’assit sur le monticule de métal vaincu que formait la console détruite. Il soupira.

- Dis-moi que tu as au moins une petite idée de où nous sommes, s’il te plaît, lâcha-t-il, calmement mais froidement.

La zabrak ne lui répondit pas. Il entendit un petit gémissement, qui ressemblait à un sanglot. Lloyd soupira une nouvelle fois, passa ses mains gantées sur son visage avant de se relever.

- Bon, ben ça va, c’est pas si grave, c’est juste que l’endroit est dangereux et qu’il faut absolument qu’on retrouve l’Inquisitrice, ok ?
- Oui, glapit Kahla d’une voix aiguë.

Dans l’obscurité il ne la voyait plus il devina qu’elle avait enfoui son visage dans ses mains pour limiter les sons honteux qui provenaient de sa gorge.

- C’est juste que je m’en doutais un peu, expliqua-t-il entre deux sanglots. Qu’elle voulait se débarrasser de moi. Je suis trop nulle.

Lloyd devinait désormais un peu sa silhouette, maintenant que ses yeux s’habituaient à l’obscurité. Il hésita, puis finalement s’approcha pour serrer maladroitement son épaule.

- Mais non, j’suis désolé, j’ai dit ça comme ça, j’suis énervé par des choses qui n'ont rien à voir alors j’ai dit n’importe quoi.
- Non, vous avez raison, gémit encore Kahla. Elle… Elle préfère son Kiwi.

La voix de la zabrak se brisa sur ses derniers mots et elle fut agitée de sanglots silencieux. Son front tomba sur la poitrine de Lloyd, qui leva les yeux au ciel en refermant maladroitement ses bras sur l’apprentie.





Bien sûr, l’énergie revint à ce moment dans cette partie du vaisseau, et soudain tout l’endroit, y compris le pont inférieur, fut illuminé. Le hapien put alors voir, au-delà du trou qui béait dans la coursive, le corridor qui se poursuivait à quelques mètres en face d’eux.


Et dans ce couloir, attendant comme eux sur l’autre bord, Dana.
Qui le toisait drôlement.
Darth Hope
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Quand elle était ressortie de la salle des geôliers, les cellules avaient disparu comme par enchantement.
Elle avait contrôlé sa nervosité. Cette épave mettait la solidité de ses nerfs à rude épreuves et elle pensait basculer dans la folie. Plus les heures s’égrenaient, plus elle perdait le contrôle sur ses sens, en particulier celui de l’orientation. Elle héla après Lloyd, après Kahla, en vain. Et une nouvelle coupure d’énergie avait ponctué ses appels angoissants. Elle avait dû tâtonner dans le noir, ses mains heurtant les parois, son souffle pour seul écho. Ses mèches de jais collaient à son front suant et une buée brûlante fuyaient de ses lèvres. Même dans les ténèbres complètes, elle comprenait qu’elle tournait en rond. Dana sentit un gouffre de désespoir s’ouvrir dans sa poitrine et engloutir son âme. Elle s’épuiserait avant même de retrouver Lloyd.

Elle heurta un chariot qui roula dans l’obscurité de la cantina qu’elle traversait à l’aveuglette. Un écho métallique cinglante explosa dans l’air au moment où il percuta d’autres installations. Ses hanches cognèrent des coins de tables. Ses pieds s’écrasèrent contre des éléments abandonnés là avec le crash. Chacun de ses mouvements jaillissait dans l’air et brisait un peu plus la tranquillité des yeux. La colère s’engouffra dans son esprit et se cristallisa en haine. Et ses pas la guidèrent hors de l’espace de restauration et elle atteignit, sous les lumières ressuscitées, l’autre flanc du vaisseau – celui qu’elle avait échoué à atteindre plus tôt. Et portant son regard au-delà de la cavité béante qui l’avait aspirée, sa vision s’écrasa sur deux silhouettes lovées non loin d’une console renversée. Elle reconnut la chevelure blonde.

Elle aurait voulu détourner son attention, mais échoua. C’était comme s’enfoncer une lame dans l’abdomen tout en cherchant désespérant à la retirer. Elle s’engluait dans toutes sortes de sentiments contradictoires. Les prémices d’un rire grondèrent dans sa gorge nouée par la contrariété, mais elle étouffa le tout en se pinçant fermement les lèvres.

-Je t’avais dit de RESTER A L’ECART, hurla-t-elle vers lui et sa voix cisailla l’air obscur entre eux.

Dana leva les mains et invoqua la Force avec toute l’énergie dont elle était capable. Elle se concentra sur les rares filaments d’acier et de construction qui liaient encore l’une partie avec l’autre. Le sol trembla doucement. L’acier grinça, craqua sous la pression télékinétique. Elle ne réussit pas à désolidariser le tout, mais déstabilisa assez sa partie pour que le sol sous ses pieds tangue et qu’elle perde l’équilibre. Elle ne chercha pas à se rattraper et se laissa emporter dans le vide qui l’appelait. Son corps disparut dans le trou qui les séparait.

Cette fois, pas un cri.


























Reste à l’écart.


La connexion avait été interrompue, mais sur le datapad, le message enregistré était plus long. Dans les ténèbres la voix de l’Inquisitrice avait percé encore.

Oublie jusqu’à mon existence.

Un hoquet essoufflé, des mots qu’elle cherchait dans un souffle précaire.

Essaie d’avoir la vie que tu as toujours voulu.






















Un sang poisseux s’échappait de ses narines et colorait ses lèvres alors qu’elle était étendue sur le sol gelé de la salle des machines. Un amas de câble avait douloureusement amorti sa nouvelle chute et l’avait fait rebondir à terre comme une poupée de chiffon. Elle tenta de se relever mais sa tête trop lourde retomba contre l’acier froid. Elle fit un immense effort pour rouler sur le flanc. Des larmes de souffrance perlèrent à ses yeux. Elle avait l’impression qu’elle ne s’en sortirait pas avec une simple côte brisée cette fois-ci. Ses jambes ne lui répondaient plus. Elle leva ses yeux vers l’immensité claire. Quelques débris tombaient encore, accompagnant une nouvelle neige qui finirait bientôt par la recouvrir comme un linceul. Un gémissement échappa à ses lèvres tremblantes. Elle sentait la fraîcheur de chaque flocon qui fondait sur sa peau, se mêlait au sang, sur son visage irisé. Elle tenta de ramper, animée par un dernier sursaut de combattivité, refusant l’agonie.

Le vide était angoissant.
Le silence pesant était angoissant.
Le dernier souvenir qu’elle avait de Lloyd, lové contre une autre femme, était angoissant.
La mort qui viendrait était angoissante.



Elle aurait donné n’importe quoi pour une cigarette et voir jaillir la flamme d’un briquet.



Ses mains agrippèrent une console brisée et elle se tracta à la force de ses bras pour se mettre debout. La sensation dans ses jambes n’étant toujours pas revenue, elle s’effondra lamentablement dès qu’elle relâcha son appui. Ses cheveux jaillirent de sa capuche et s’étendirent au sol, comme le reste de son corps blessé. Elle frappa de ses poings sur ses cuisses ankylosées, geignant de rage. Un craquement sinistre secoua la carcasse du vaisseau et les rares sources de lumières s’évanouirent à nouveau. Ne restait plus que la faible luminosité d’un ciel lointain, qui peinait à franchir les profondeurs où elle était tombée. A quoi bon de la lumière ? Sa vision n'était plus qu'un grand flou de toute façon.




Lloyd Hope
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- DANA !







Le cri avait surgi de sa gorge en la voyant tomber. En lâchant Kahla, bondissant vers le bord, il avait failli chuter à son tour mais l’instinct de survie de son corps le retint et il dérapa contre le métal.

- DANA ! répéta-t-il inutilement.

Ses yeux fouillaient le pont inférieur, dont le sol s’était tordu sous l’effet de la Force, que Dana avait utilisée. Comme un écho aux cris de Lloyd, il y eut au loin un rugissement aigu, et le hapien ne comprit pas tout de suite ce dont il s’agissait. Il voyait au loin la silhouette minuscule qui était tombée plusieurs mètres plus bas. Et elle ne bougeait pas.

- Vous… vous avez entendu ? demanda Kahla d’une voix tremblante dans son dos. On aurait dit… Le terentatek. La Force… ça a dû l’éveiller.

Lloyd resta un moment ahuri, bouche ouverte. Le temps que son esprit frappé d’horreur fît l’équation : la Force attirant la créature vers eux, et Dana demeurant sans défense, plusieurs mètres en contrebas.
Et brusquement l’adrénaline afflua dans ses veines comme des cavaliers furieux. Un tambour dans ses tempes lui sembla compter les secondes qui restaient avant que Kiwi ne surgît des ténèbres pour la dévorer.

Il se propulsa en arrière, bousculant Kahla au passage, pour courir de toutes ses forces, remontant le chemin qui les avait conduits à cette impasse. La panique avait gagné son esprit et mobiliser la Force était devenu difficile, mais il tenta quand même. Pour courir plus vite qu’il ne l’avait jamais fait. Il bondit dans les escaliers, percuta les rampes en passant par-dessus pour descendre plus rapidement, heurter les murs au coin des coursives que les néons éclairaient faiblement. Le hapien descendit ainsi trois étages avant de prendre la direction de la faille du vaisseau.

Il traversa le pont inférieur au moment où un nouveau rugissement aigu surgit, beaucoup plus proche.

Kiwi était là, quelque part.

Lloyd ne s’arrêta pas pour le chercher des yeux. Il bondit par-dessus les consoles, se prit les pieds dans des câblages, s’effondra avant d’arracher ces entraves insupportables. Il se releva et se remit à courir, les yeux rivés vers l’endroit approximatif où il estimait l’avoir vue d’en haut mais, quand cet endroit fut à portée de vue, le corps de Dana n’était pas visible.

- DANA ?! cria-t-il, au désespoir, avant de finalement l’apercevoir.

Elle avait dû se relever et faire quelques pas mais cela importait peu. Il contourna de nouvelles consoles et haletant, il arrivait à la hauteur de son corps quand Kiwi surgit devant lui, le devançant d’un mètre à peine. La créature avait ouvert grand la gueule, prête à n’en faire qu’une bouchée.






Hey Lloyd






Le hapien mobilisa ce qui lui restait d’énergie, ramena la Force autour de lui et se propulsa. Comme une bête en chargerait une autre, il projeta son corps contre le terentatek, le frappant de l’épaule pour le dégager de sa trajectoire avec tout ce qu’il pouvait : son élan, la Force, sa rage, ses muscles entraînés pour il ne savait quel combat, son dépit, les souvenirs des morceaux découpés dans un congélateur. Ça, et tout le reste.

La mâchoire énorme du terentatek se referma dans le vide avec un claquement sec. La créature désorientée dérapa sur le sol de métal incliné tandis que Lloyd se vautrait au sol, emporté par son élan. Il heurta de plein fouet une console, mais ses membres déjà s’agitaient pour se relever, comme un animal frappé d’épouvante voudrait s’enfuir. Il bondit sur Dana et ses bras se refermèrent sans ménagement sur le corps inerte de l’Inquisitrice. Tandis qu’il la soulevait, Kiwi fit un tour sur lui-même, reprenant ses esprits, pour faire face aux deux Sith. Le hapien recula, terrifié, chargé de ce trésor qui comme par enchantement n’avait pas été dévoré. Il percuta derrière lui une paroi, cherchant désespérément une échappatoire. Le terentatek verrouilla ses yeux énormes sur eux et déjà, il se remit à charger.
Lloyd bondit de côté, évitant de peu la bête, et il se remit à courir.

N’importe quelle direction serait la bonne. Il s’engagea dans une coursive, son cœur battant à tout rompre, la respiration haletante. Il tourna à gauche à la première intersection : les lignes droites donnaient trop d’élan à Kiwi, il lui fallait serpenter le plus possible. Comme pour confirmer cet instinct de proie, le prédateur s’écrasa durement derrière eux à cette intersection contre la paroi de métal, mais il ne sembla pas en être plus que cela affaibli : déjà Kiwi se relançait à leurs poursuites, ses griffes dérapant et crissant sur le métal tandis que Lloyd tournait de nouveau à une autre intersection.

Ils arrivèrent soudain dans une grande salle, dotée d’une longue série de tubes gigantesques, plus grands qu’eux, qui couraient sur des centaines de mètres, et le hapien reconnut instantanément ce dont il s’agissait. Sans réfléchir, il courut à l’extrémité de l’un d’entre eux, le plus proche et s’engouffra à l’intérieur. Dès qu’il le put, il y déposa Dana au sol et se releva pour refermer derrière eux l’espèce d’écoutille qui claqua avec un bruit métallique assourdissant. A peine le sas était-il refermé qu’on entendit le terentatek percuter la paroi avec fracas.
Lloyd l’ignora pour se retourner et il s’agenouilla pour reprendre Dana dans ses bras et la serrer contre lui. Il était hors d’haleine, et chaque respiration lui raclait douloureusement la gorge. Entre ses râles désordonnés, ses doigts fébriles tentèrent maladroitement de chercher le pouls de Dana dans son cou.

A l’intérieur du tube, qui ne permettait pas de se tenir debout, il n’y avait aucun néon, aucune lumière artificielle à l’exception d’une double diode au-dessus de la porte du sas qui jetait une faible lueur rouge. Au bout du tube, à plusieurs dizaines de mètres, il y avait un rond blanc : le dispositif était ouvert vers l’extérieur, et on voyait dans une pastille lointaine le paysage blanc de Galidraan.

Lloyd réussit enfin à capter un faible pouls. Il ferma les yeux. Il lui sembla que son cœur enfin était revenu dans sa poitrine douloureuse.

Il la serra contre lui, enfouit son visage dans le cou et les cheveux de l’Inquisitrice, le souffle court, la bouche entrouverte.


Darth Hope
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Une main pâle s’arrima sur l’épaule de Lloyd. Dana s’ébroua contre lui, se servit de sa présence comme appui. Il lui semblait qu’un nerf s’était réveillé dans sa jambe gauche. Elle étreignit le hapien à son tour, comme elle s’éveillait d’un mauvais rêve. Ss grands yeux ouverts fixaient l’écoutille refermée dans le dos du blond, et les deux ampoules rouges dont la lueur dansaient régulièrement. Elle était encore terrifiée, mais elle n’aurait su dire pourquoi. Progressivement, ses orteils, ses chevilles et le reste de ses membres inférieurs s’éveillaient, non sans une douleur sourde et abrasive. Elle avait eu tellement peur. Alors elle le serra davantage pour exorciser sa terreur. Sa paume pressa la nuque du Sith. Ses doigts glissèrent dans ses cheveux froids.

-Il faut sortir…souffla-t-elle contre la chaleur de sa peau, tout près de son cou.

Quand elle se détacha de lui, il put inspecter ses yeux rougis par les larmes, ses lèvres striées par de petites gerçures dans lesquelles sa cicatrice se confondait. Un nouveau coup résonna brutalement contre l’écoutille, enfonçant l’acier par endroit. Kiwi était déterminé.


Ils progressaient accroupis dans le long tube, jusqu’à la lumière au bout du tunnel. Dana avait réclamé une pause à mi-chemin, les jambes flageolantes, le regard embué de souffrance. Il y avait une fracture quelque part dans son corps, mais elle n’aurait su dire où exactement et se mouvoir n’était qu’un long supplice. Les échos du terentatek qui chargeaient l’écoutille blindée n’étaient désormais plus qu’une clameur éteinte. Ils avaient atteint l’extrémité de leur trajet. Les ténèbres avaient laissé la place à la lumière diurne de Galidraan et à son vent glacial qui s’engouffrait dans le conduit. L’inclinaison de l’épave, leur position, offraient une ouverture sur le versant enneigé du Pic. Moyennant un peu d’acrobatie, il était possible de rejoindre le flanc de falaise. A cette simple idée, le corps de Dana se contracta de douleur.

Elle n’y arriverait jamais.

Elle leva sa figure pâle vers Lloyd, tremblante de froid, de souffrance, d’incertitude.

-Je vais pas y arriver.

Il garda le silence, concentré sur le sentier enneigé en contrebas. Elle savait qu’il réfléchissait à une stratégie pour les mener jusque-, tous les deux. Mais il n’y avait pas de draps d’un appartement abandonné de Kaas City, ni de lianes sauvages d’une forêt sombre de Jabiim, ni de quoi la transporter comme le poids mort qu’elle avait toujours été. A cette idée, celle d’être un fardeau, elle sentit son cœur se pincer. Ses yeux consultèrent encore le profil silencieux de Hope. Elle aurait voulu qu’il ne lui sauve jamais la vie sur Korriban. Dana se jeta sur lui pour l’étreindre encore. Elle attendit qu’il réponde à son étreinte, qu’il sente ses larmes chaudes couler en silence, s’immiscer entre sa gorge et le col de son uniforme sombre.

Puis elle le poussa hors du conduit.

Elle entendit son nom jaillir de la bouche du hapien, portée par l’incompréhension et la stupeur. Elle se pencha alors qu’il se rattrapait au relief d’une corniche.

-Rejoins le Sans-Visage et pars d’ici !

Il se démenait pour retrouver l’équilibre, s’accrocher, ne pas basculer dangereusement. Et quand il aurait découvert qu’il ne pourrait pas la rejoindre, elle crut entendre une question à laquelle elle répondit pleine de détermination.

-Je te sauve la vie !

Et elle disparut dans les ténèbres du tunnel, comme si elle s’en retournait pour se cacher et mourir.




L’écoutille grinça dans un bruit assourdissant. Dana sortit du long tube et s’étala au sol, la respiration tremblante. Kiwi semblait avoir abandonné l’idée de forcer et le silence régnait dans cette partie sombre de l’épave. Elle roula sur le dos et fixa un plafond qu’elle ne voyait pas, avalé par une noirceur profonde. Ce vaisseau ne voulait pas la laisser partir. Il attendait qu’elle se fonde en lui, se mêler à son acier maudit, rejoigne tous les occupants qui y avaient trouvé la mort bien avant elle. Ses paupières trop lourdes se fermèrent.










Ses pieds traînaient au sol. Des images floues venaient à son regard par intermittence, ainsi qu’une voix féminine. Kahla avait passé le bras de l’Inquisitrice autour de ses épaules et l’aidait à progresser péniblement. La zabrake s’essoufflait. Des craquements sinistres donnaient la réplique à des grognements lointains. L’apprentie s’arrêtait, retenait son souffle pour calculer à quelle distance le terentatek pouvait bien se trouver. Dès qu’elle comprenait qu’il était hors de portée et ne les avait pas pistées, elle se remettait en marche. Dana alterna entre les périodes de conscience où tout se mêlait et les périodes d’inconscience. Leurs pas se répercutaient prudemment dans les coursives et les salles éteintes, qu’un filet de lumière perçait parfois à travers la coque déchiquetée par le crash.












Lloyd.

Pas de réponse. Le comlink du hapien grésilla de nouveau.

Patron. Tu m’captes ? J’sais pas où t’es. Lloyd.

Nouveau silence, puis la voix de Mumkin résonna encore.

Lloyd. La zabrake est revenue avec Dana. J’sais pas quoi faire. Ptetre préparer de la place dans l'deuxième congélateur. Elle est pas dans un état réparable, j’pense. T’es où ?!




Lloyd Hope
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- MAIS QU’EST-CE QUE TU FAIS !!

La voix de Dana lui parvint quelques mètres au-dessus de lui. Accroché précairement à une corniche rocheuse, après avoir brusquement dévalé une pente abrupte sur les fesses, le hapien leva des yeux paniqués vers le bout du canon qui se découpait dans le ciel blanc au-dessus de lui. Il aperçut brièvement le visage de la Sith avant qu’elle ne disparût.

- DANA ! DANA REVIENS !

Il savait qu’il criait inutilement. Son corps glissait et ses mains serraient une roche friable qui se pulvérisait peu à peu sous ses doigts. Un vent glacial battait son dos, s’engouffrait dans son col et brûlait l’humidité de son cou, là où les larmes de Dana s’étaient écoulées quelques secondes plus tôt. Et dire qu’il avait cru qu’ils allaient s’en sortir tous les deux sains et saufs.

- DANA !

Elle ne l’entendait plus. S’était-elle jetée dans les griffes du terentatek ? Il s’agita pour essayer de remonter, mais soudain un bloc se désolidarisa de la roche et il sentit la gravité l’attirer brusquement.

Il échoua dans la poudreuse, quelques mètres plus bas encore. Son corps roula sur lui-même et il dévala la neige. Sa descente s’arrêta lorsque le terrain devint moins pentu, et il se redressa malgré les douleurs désagréables qu’avaient récolté son corps après avoir été martelé par le sol sous la neige. Sans la poudreuse, il aurait pu se blesser sérieusement, mais il s’en sortait là avec un bon paquet de bleus uniquement et une couche de neige collante recouvrant ses corps.

Son premier réflexe fut d’essayer de remonter vers le canon. Mais c’était impossible : d’une part il était beaucoup trop loin désormais, d’autre part la neige rendait le terrain glissant et l’empêchait de faire le chemin inverse.

- DANA ! cria-t-il encore désespérément.

Sa voix se répercuta sur le flanc de la montagne dans un écho goguenard. Il attendit bêtement, les yeux rivés sur le canon. Elle allait revenir. Elle allait essayer de descendre. Elle n’allait pas repartir stupidement alors qu’il avait fait tout ce chemin. Alors qu’il venait d’épuiser toutes ses réserves pour empêcher Kiwi de la dévorer.

Elle ne vint pas et bientôt, il sentit que son uniforme trempé enveloppait son corps d’un étau glacial.

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-------Il avait marché longtemps à flanc de montagnes, ses bottes glissant dans la neige, quand le grésillement du comlink intervint contre sa poitrine humide. Il pesta, peinant à récupérer le petit appareil en insérant ses gants glacés dans sa veste. Il entendit tout de même les derniers mots de Mumkin, et un mélange confus d’émotions l’assaillit.

- Mumkin ! Mumkin j’suis là. Enfin j’sais pas où j’suis, j’fais le tour du vaisseau j’essaie de revenir le plus vite possible. Tu mets Dana dans ma cabine et l’autre dans la cabine libre. Ça veut dire quoi « pas réparable » ? De qui tu parles, Dana ou Kahla ?
- J’parle de Dana, répondit le dévaronien. Elle est inconsciente et heu… Y’a quelque chose qui va pas. J’sais pas si c’est le froid ou pas mais elle a une drôle de couleur. Pour une humaine j’veux dire.
- Merde. Couvre-la bien. J’arrive, j’fais aussi vite que je peux. Dis-lui qu’j’arrive.

Lloyd coupa la communication et se mit à courir dans la neige. Mumkin répondit quelque chose mais il ne l’entendit pas.

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-------Il arriva au Sans Visage près d’une heure plus tard. La panique et l’adrénaline l’avaient aidé à faire abstraction du froid qui mordait tout son corps, qui le faisait trembler follement. Ses cheveux s’étaient couverts de blanc et même ses sourcils avaient gelé, lui donnant l’air d’une créature irréelle. Il tambourina à la passerelle dès qu’il fut à portée.

- MUM ! MUM OUVRE C’EST MOI !

Aussitôt les vérins de la passerelle s’activèrent et Lloyd n’attendit pas qu’elle fut tout à fait ouverte pour grimper en catastrophe, activant la fermeture derrière lui. Le dévaronien surgit devant lui dans la coursive. Il avait l’air catastrophé, ne remarquant même pas que Lloyd venait de tremper la passerelle – ce qu’il détestait ordinairement.

- Lloyd ! J’ai fait c’que t’as dit mais j’sais pas, elle va pas bien, elle est glacée…

Le hapien ne répondit pas. Il passa en coup de vent devant lui et s’engagea dans la coursive. A l’entrée de sa cabine ouverte, Kahla avait retiré sa bure de fourrure et demeurait dans un treillis sombre, les bras croisés, épaule appuyée à l’écoutille ouverte, comme si elle avait surveillé Dana de loin. Elle se redressa dès que Lloyd arriva à sa hauteur. Elle ouvrit la bouche mais n’eut le temps de dire un mot que le hapien pointait sur elle un doigt menaçant.

- Toi : y’a un nexu dans la soute. Si tu veux pas être son dîner, tu restes dans ta cabine, tu touches à rien, tu te mêles de rien, tu entends rien. C’est clair ?
- Très clair, glapit Kahla, et elle disparut dans la cabine qu’occupait habituellement Dana.

Lloyd s’engouffra dans sa propre cabine en mouillant le sol et referma immédiatement l’écoutille. Il se débarrassa de l’écharpe, de ses gants et de sa veste en les jetant au sol avant de se précipiter au chevet de Dana. La Sith avait quasiment disparu sous trois couvertures que Mumkin avait empilé maladroitement. Effectivement, elle avait une drôle de couleur : ses lèvres étaient violettes, gercées, et son teint très pâle. Était-ce de l’hypothermie ? Il se maudit de n’avoir aucune connaissance valable en médecine. Mais si c’était le froid extrême qui avait pénétré son corps pendant de trop longues heures, il savait tout de même qu’il ne pouvait faire mieux à part la réchauffer.
Il se déshabilla à la hâte, courut dans la salle d’eau où il activa le jet d’eau chaude avant de ressortir. Il jeta les couvertures à terre, et se mit à déshabiller la Sith. Les bottes, la veste, c’était facile. Le pantalon moulant, moins. Il tira comme il le put, arrachant les bas au passage. Il l’assit maladroitement pour pouvoir lui retirer le haut, non sans s’emmêler brièvement les pinceaux avec les cheveux de Dana. Il découvrit alors l’abdomen violacé de la Sith. Avait-elle cassé quelque chose ? une hémorragie interne ? Si c’était ça, il ne pouvait rien faire. Il s’efforça de ne pas paniquer. Il ne fallait pas. C’était peut-être juste un hématome et une côte cassée. Ça et le froid. Faites que ce soit juste ça.
Il ne s’embêta pas à retirer les sous-vêtements. Il ferait ça sous la douche. L’urgent était la chaleur.

Il attrapa la Sith, passant une main sous ses genoux et une main sous ses épaules et il l’emmena dans la salle d’eau, qui s’était remplie de vapeur.

La cabine était étroite. Il dût manœuvrer pour se mettre à genoux et asseoir Dana tandis que les fins jets d’eau s’abattaient sur leurs peaux et leurs visages. Il referma la cabine derrière lui, essaya de l’installer confortablement, sa joue contre son épaule.

Il n’y avait plus rien d’autre à faire qu’attendre.

Alors il attendit, priant pour qu’il y ait encore de la vie dans ce corps, priant pour qu’il y ait encore quelqu’un à sauver.






- S’il te plaît, Dana, murmura-t-il d’une voix tremblante. Je veux pas rester à l’écart. Reste avec moi.






Qu’il n’ait pas encore un cadavre dans les bras. Il ne pourrait pas. Il se découperait lui-même en petits morceaux avant de se mettre au congélateur.






- Me laisse pas, ok ?
Darth Hope
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-Lloyd…

Son prénom avait fusé des lèvres pâles de Dana, suivant un fin filet de vie auquel elle se raccrochait grâce à lui. Elle l’avait entendu supplier. La voix de Hope avait porté depuis un rivage lointain qu’elle voulait atteindre à nouveau. L’eau échauffait sa peau, brûlait son derme par endroit mais le froid s’était installé à l’intérieur. Elle avait l’impression que certains de ses organes avaient gelé. Progressivement, la chaleur des jets vaporeux perçait les couches, pénétrait ses muscles endoloris. Si elle ne s’était pas injectée du kolto, juste avant, peut-être serait-elle morte ? La substance parcourait encore son abdomen et avait péniblement réparer certains dommages. Il s’était dressé comme un barrage pour résorber l’hémorragie interne. Ne restait plus que la douleur d’un corps qui avait atteint trop de limites et l’hypothermie induite par un système immunitaire trop gourmand en énergie. L’eau avait alourdi ses cils et elle cligna des yeux pour en chasser quelques gouttes.

-T’es qu’un con…soupira-t-elle.

Son dernier mot mourut dans un hoquet de douleur. Elle avait bougé, réveillant son corps à vif, mais c’était pour mieux se blottir contre lui, à l’abri, sous la douche désormais brûlante.


Bientôt, il ne sentit plus que son souffle irrégulier et vivide s’évaporer contre son épaule trempée. Dana s’était endormie, emportée par un repos réparateur. Avant de céder au sommeil, elle avait passé ses bras autour de lui, pour le protéger du monde. Et sa figure paisible pesait désormais sur le hapien. C’était un ok. Elle ne le laisserait pas. Elle resterait avec lui. Elle n’avait simplement pas eu l’énergie de le verbaliser. Ses gestes parlaient mieux. Et ils étaient enveloppés d’eau et de vapeur, coupés du monde.




Quelques heures avaient passé. Le vent impitoyable de Galidraan tançait les flancs sombres du Sans-Visage. Des bourrasques neigeuses fouettaient la coque externe au grand désespoir de Mumkin qui espérait que les patins d’atterrissage ne s’enliseraient pas dans la poudreuse qui bientôt gèleraient avec les températures négatives d’une longue nuit. Il surveillait avec assiduité les constantes du vaisseau, peu désireux de faire l’expérience d’un « nouveau crash façon Dathomir ». On l’entendait bougonner dans les coursives quand il faisait l’aller-retour entre les entrailles de l’appareil et le cockpit. Il avait souvent un outil à la main, et un truc à mâchouiller en bouche. Et quand il passait devant la cabine de Lloyd, il n’entendait rien. Il ne savait pas s’il devait s’en réjouir. Il finissait par hausser les épaules. Puis son insouciance se brisait dès que le nexu dans la soute grognait trop fort ou exprimait son envie de sortir en chargeant les parois.

D’autres heures s’étaient écoulées, amenant les occupants du Sans-Visage au cœur de la nuit.
La machinerie du Sans-Visage ronronnait alors que l’énergie des réacteurs servaient à alimenter le système de chaufferie. Ainsi, les cabines et les espaces communs bénéficiaient d’une température confortable. Seules les coursives et la soute goûtaient au froid hivernal. Dana admirait un cachet blanc et minuscule au creux de sa paume blafarde. Elle était assise sur la couchette du capitaine, habillée d’un treillis dans lequel ses jambes flottaient et d’un pull gris à capuche familier. Une couverture pesait sur ses épaules. Elle avala le comprimé ; un antalgique banal qui éloignerait le spectre de la douleur. Le sommeil l’avait aidé à récupérer un peu d’énergie, mais pas à y voir plus clair. Cette mission s’annonçait comme un désastre à venir. Avait-elle encore envie de penser à ce contrat ? A travers le hublot, se découpant dans le vent et les rayons lunaires, le Pic aux Milles Poisons s’élevait au loin. Elle songea à l’épave qui envenimait sa roche d’une Obscurité mortelle. Ses yeux dorés étaient vagues, encore un peu éteints. Elle remarqua l’état désordonné de la cabine et la trouva moins impersonnelle. Chaque objet dérangé, chaque marque de désordre, créait un espace sécuritaire dans lequel elle pouvait être faible. Tout y était calme, sauf peut-être ses les souvenirs ardents des moments d’intimité qu’ils avaient partagés. Toutefois, il manquait quelque chose. La présence de Lloyd.










Ils étaient attablés autour de la table magnétisée de la coquerie. Kahla avait remis sa bure chaude. Un briquet et un paquet de cigarras traînaient face à Dana qui s’empressa de porter une cigarette à ses lèvres fébriles. Les gerçures y étaient moins nombreuses et ses joues avaient retrouvé quelques couleurs. Elle articula doucement pour ne pas que sa précieuse cigarra lui échappe de la bouche.

-Il nous faudrait beaucoup de vinsha. Et Luis est un bon pisteur.
-Et comment vous comptez administrer ça à Kiwi ? s’étonna Kahla.
-J’aimerais parler à Lloyd.

Mumkin poussa un profond soupir.

-Seule.

Autre soupir et le dévaronien fit un signe de la tête à l’apprentie. Il l’escorterait jusqu’à la cabine qu’elle ne devait pas quitter. Sitôt assurée qu’ils étaient bien seuls, Dana alluma son briquet approcha la flamme de sa figure irisée. Sa cigarra s’embrassa immédiatement. Le feu jeta d’ultimes lueurs sur les traits féminins de l’Inquisitrice avant de s’éteindre d’un autre geste. Un verre d’eau à moitié entamée gisait près d’elle. Elle avait repris un peu de forces, mais elle n’aurait plus le droit à l’erreur, elle le savait. Une première inspiration et la fumée de toxine s’évapora ensuite, rejetée par les lippes de la Sith.

-Tu as toujours Jaden ? On pourrait, bourrer son corps de vinsha…trouver un moyen pour que Kiwi le chicote…

Elle passa ses paumes sur son front, massant ses tempes. Réfléchir lui filait la nausée.

-Runà ne doit pas savoir que tu es venu, dit-elle abruptement, le cœur serré d’inquiétude. Est-ce que la vieille est au courant que t’es là pour moi ? Elle s’entend bien avec Runà…j’espère pas.









Lloyd Hope
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Lloyd laissa tomber la fourchette dans sa barquette à peine entamée. Finalement il n’avait plus faim.

- Non. Je ne l’ai plus.

Il avait dit ça sur un ton sans appel.

--------

--------

--------Quelques heures plus tôt, il était resté longuement sous la douche. Il avait doucement rincé Dana, après avoir pris conscience que son propre corps s’éveillait sous les jets brûlants, que le froid l’avait mordu lui aussi, bien que ce ne fût pas si violent que l’Inquisitrice. Puis il avait éteint l’eau, et il l’avait enveloppée dans une serviette avant de la porter jusqu’à sa couchette. Il avait ensuite remis une couverture sur elle. Il s’était essuyé à son tour avant de s’habiller de vêtements secs, à gestes lents. Il ne savait pourquoi il avait si peu d’énergie. Les jours précédents, qui l’avaient démoralisé ? Ou bien tout ce qu’il avait voulu donner pour la protéger du terentatek, qui l’avait épuisé ? Ou bien la sensation de prendre toujours des décisions vaines, de n’être qu’un con. Il ne savait guère.

Il repéra une seringue qui gisait par terre et la récupéra, vérifia qu’il n’y avait pas d’autres traces des jours honteux qu’il venait de passer à part le désordre de sa cabine. Il avait sorti des vêtements propres pour Dana, puis il l’avait laissée tranquille. Elle était vivante, elle avait repris des couleurs, elle devait désormais dormir.

En titubant, il était allé voir Mumkin, s’était enquit de l’état du vaisseau. Le dévaronien l’avait rassuré. Alors il avait dit qu’il irait voir si Luis se tenait tranquille, puis il était descendu par l’échelle. Il s’était assis contre l’hyperdrive, et il avait attendu là en réfléchissant.

--------

--------

--------Maintenant qu’il était là, de nouveau en face de Dana, bien vivante, éveillée, à fumer ses cigarras, il ne savait plus très bien à quoi il avait réfléchi ni quelles avaient été ses conclusions. Et il venait de lui mentir sans la moindre hésitation. Tout plutôt que lui expliquer qu’il avait découpé un homme en morceaux et qu’il l’avait réparti dans des petits sacs. Pourquoi était-ce si problématique ? C’était un Sith. Les vrais Sith faisaient ce genre de choses. Non, ce n’était peut-être pas l’acte en lui-même le problème, c’était plutôt qu’il savait qu’il n’aurait pas été capable de formuler des phrases explicitant cela. Et que si elle savait, peut-être qu'elle le mépriserait autant qu'il se méprisait lui-même. Il voulait oublier. Le congélateur était au fond de la soute, Jaden n’existait plus, il n’avait été qu’un mauvais souvenir qu’il disséminerait dans l’Empire jusqu’à n’avoir plus rien de lui.
Et il retardait déjà sa mission.

- Ça n’aurait pas marché de toute façon, précisa-t-il quand il s’était rendu compte qu’il avait peut-être été un peu sec.

Il soupira.

- Le Seigneur Ghraan est au courant, oui.

Il crut voir de l’exaspération dans le regard de l’Inquisitrice.

- J’avais pas d’autres pistes pour te trouver, se justifia-t-il. D’ailleurs, à ce sujet.

Il se leva en attrapant sa barquette et la jeta à la poubelle alors qu’il y avait à peine touché. Puis il croisa les bras, s’adossant à l’une des parois étroites de la coquerie, toisant Dana.

- C’était quoi, ce message ? Ton truc du genre « je te fais un coucou de mes vacances ». T’essaies de nous faire tuer ou quoi ? Même si j’étais pas venu, Ghraan n’a eu qu’à consulter ton datapad pour t’identifier comme « ma compagne ». Ce qui est dangereux, et absurde.

Ce dernier mot lui avait cisaillé les lèvres mais il tâcha d’ignorer le picotement.

- Deuxièmement, tu réagirais comment si je t’envoyais un message où je suis clairement en danger et où je te demande de pas venir ?

Il faillit lui laisser du temps pour répondre mais se ravisa : il ne voulait pas entendre qu’elle ne viendrait pas. Ni qu’elle viendrait. Il ne voulait pas entendre, c’était tout.

- Si tu veux pas me voir débarquer, autant que tu ne m’envoies rien du tout. J’suis pas… J’ai pas…

Le hapien détourna le regard en soupirant. Il savait que Dana allait mal réagir. Mais qu’arriverait-il si… Il repoussa brutalement l’association qu’il venait de faire dans ses pensées et prit une inspiration. Respire, s’ordonna-t-il.

- Je suis pas raisonnable, ok ? Je vais pas raisonnablement te laisser crever si tu me le demandes. Et le coup que tu m’as fait là-haut, de me jeter dans le vide, c’était sournois.

Il la regardait durement, mais bientôt il attrapa l’éponge avec laquelle il entreprit de nettoyer la table, comme une vieille habitude faisait agir soncorps pendant que son esprit bouillonnait.

- Tu l’avais prévu ou pas ? poursuivit-il, emporté par la misère des derniers jours. Tu t’es vraiment dit je vais le serrer dans mes bras pour endormir sa méfiance et ensuite je m’en débarrasse ?

Oh, il y avait un brin de mauvaise foi dans ses propos et il le savait. Mais la sensation d’avoir été pris au piège l’avait d’autant plus contrarié que c’était Kahla qui avait sauvé Dana pendant qu’il errait dans la neige. Ça l’irritait. Il n’avait tout de même pas fait tout ce chemin jusqu’à Galidraan pour se voir échouer de la sorte. Mais l’Inquisitrice ne comprendrait pas.

Tu n’es pas capable de la protéger toi-même, c’est pour ça que tu te vends au Castellan Noir sur des missions de merde. C’est pour ça que tu n’as pas ta frégate et que tu erres comme un chien ?

Le hapien jeta l’éponge dans l’évier avec un geste écœuré.
Darth Hope
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Sa paume passa sur sa paupière droite, encaissant les tirades de Lloyd. Ses mots étaient la dernière chose dont elle avait besoin en ce moment. Elle passa sur le désarroi qui oppressa sa poitrine quand il évoqua l’existence du message qu’elle n’avait jamais envoyé. Elle crut rire. Son rire mourut dans sa gorge noué epar un sentiment rance : celui du déni. Dans l’urgence de la situation, elle n’avait pas pensé se compromettre, les compromettre, en confiant son datapad à Marcus. De toute manière, songea-t-elle, qu’y avait-il à compromettre puisqu’elle n’était pas quelque chose d’aussi absurde que sa compagne.



Ca peut pousser à faire des trucs un peu… Absurdes.




Est-ce qu’il pensait que tout ce qu’ils avaient vécu ensemble l’était aussi, absurde. C’était la conclusion qu’il lui amenait, comme le vrai Sith qu’il était. Dana fuma avec plus d’ardeur. Ses joues se creusaient, sa bouche s’ouvrait, libérant toujours plus de fumée qui fondait son visage pâle dans un flou presqu’artistique.

-J’aurais dû ne rien t’envoyer, alors. Et ne jamais revenir. Tu te dis que…tu peux pas raisonnablement me laisser crever, mais que tu peux raisonnablement m’insulter, c’est ça ? C’est absurde que je puisse être une compagne ? Akusha sera ravi de l’apprendre. Et il doit plutôt être d’accord, ça vous fait un point commun. De pas vouloir de moi comme compagne.



Elle s’engageait dans une pente beaucoup trop glissante. Elle se ressaisit subitement, dans un léger sursaut, appréhendant ce qu’il aurait pu comprendre. Il fallait se concentrer sur la vieille Ghrann, sur Kiwi, rattraper un semblant de fil cohérent dans cette réalité qui s’effilochait chaque minute un peu plus et fuyait entre ses doigts.




Elle devait reprendre le contrôle.






-Et non, répondit-elle sincèrement après un silence durant lequel elle s’était efforcé d’éviter son regard.


Elle croisa les jambes, se confortant sur la caisse qui la soutenir. Si d’apparence elle semblait assurée, une tempête furieuse ébranlait intérieurement les fortifications de son esprit et ses vents balayait la surface du lac gelé. Si elle ne réagissait pas, il y aurait une nouvelle fissure.

-Il fallait que l’un de nous survive. C’est tout. Ce que j’ai fait avant de te pousser, c’était pour me donner le courage d’affronter la mort qui vient. J’avais juste envie que tu t’en sortes. Sincèrement. Je suis désolée pour le message, ok ? Je ne comptais pas te l’envoyer. Les choses se sont précipitées, je n’ai pas su l’effacer. J’étais avec ces mercenaires incompétents, dans cette forêt immense à servir d’appât. J’étais seule, j’avais envie de…

De te revoir.

Elle se pencha sur la table et jeta son mégot dans le fond d’eau de son verre. Il était absurde d’aller plus loin. Cela ne changerait rien à la situation, ni à l’avancement du contrat sur lequel Runà l’avait engagée. Ses doigts rampèrent jusqu’à son paquet de cigarras. Vide. Elle rejeta la petite boîte d’un geste contrarié. Un léger soupir franchit ses lèvres qu’elle s’empressa d’humecter pour faire passer le goût de la toxine et celui du manque à venir.

-Ca n’a pas d’importance.

Ses doigts saisirent le gobelet et elle quitta son siège improvisé pour se rapprocher de l’évier. Elle s’installa à côté de lui, frôla son épaule et vida le fond d’eau désormais souillée par les cendres de la cigarra. Elle le fit avec précaution, aussi doucement qu’elle articulait ces quelques mots.

-Je serai morte si Kahla ne m’avait pas trouvé.

Elle déposa le verre et releva sa figure vers le blond. Ses yeux dorés étaient plus sévères que ne l’était sa voix, qui ne devint plus qu’un murmure.

-Et je serai morte si tu ne m’avais pas mise sous cette douche brûlante. T’as pas été raisonnable, c’est vrai. T’es pas raisonnable et moi je suis absurde. C’est comme ça que les bonnes équipes se forment, on va dire. Ou les pires.

Dana savait que réussir la mission n’importait plus. Réussir n’aurait aucune incidence sur le futur courroux de Darth Runà quand elle apprendrait qu’elle n’avait pas fait ses preuves sans lui. Elle accepterait sa colère, pourvu qu’elle éloigne ce bras long de Lloyd Hope. Ses doigts s’entremêlaient à ceux du hapien depuis quelques secondes.

-Je cherche juste à ce qu’on survive. C’est tout. Y’a rien de sournois là-dedans. Y’a juste un peu de connerie.

Elle ménagea un silence bref.

-Mais personne a dit que j’étais pas une conne non plus. Alors, je vais te demander de rester. .

Dana souhaitait une nouvelle trêve.


Lloyd Hope
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- Tu es mariée, avait grogné Lloyd entre ses dents quand elle avait évoqué la question de la compagne.

Il avait dit ça comme si cela expliquait tout : sa frustration, l’absurdité du message, ses propos désagréables, l’incapacité de Dana à n’être qu’une compagne. Il l’admettait difficilement, mais cette information lui était restée sur l’estomac depuis leur départ de Jabiim. Qu’Akusha ne voulût pas d’elle ne le consolait pas tout à fait. Ça non plus, il ne voulait pas l’admettre.

Il n’insista donc pas davantage, comme Dana se rapprochait de lui en poursuivant ses explications. Le hapien baissa les yeux, suivit du regard les cendres qui s’écoulaient sur le métal chromé avant que ses pupilles émeraudes n’échouent sur les doigts de Dana qui se refermaient sur les siens. Leur main épousait l’autre avec une familiarité qu’il n’avait pas reconnue auparavant. Un instant, le geste lui parût calmer ses écorchures intérieures.

- Ça tombe bien, dit-il sur un ton plus dégagé, je n’avais pas l’intention de partir.

Le hapien ne sourit cependant pas à son propre humour, il avait levé le regard pour tomber dans l’étendue dorée de Dana. Il lui semblait y deviner les déserts de Ch’hodos, et les flammes des bougies sous la tente de Dathomir. Il soupira en se tournant vers elle et, de sa main libre, il vint poser sa paume sur la joue rosie de Dana. Son pouce passa sur la cicatrice qui barrait la lèvre de l’Inquisitrice, avant de passer sur l’une de ses cernes, soulignant son œil.

- Ne me fais plus ça, murmura-t-il gravement. Manquer de clamser comme ça, dans mes mains, je veux dire.

Il baissa un bref instant les yeux, pinça les lèvres avant de hausser les épaules, comme en signe d’excuse.

- Reste absurde avec moi, ok ?

Il s’humecta les lèvres, hésitant une seconde, avant de les poser sur celles de Dana.

-------

-------

-------A quelques mètres de là, Mumkin s’était installé dans son fauteuil de pilote, les pieds sur le tableau de bord tandis qu’il dégustait le reste du pot de glace qu’il avait emporté avec lui. Il avait gardé une oreille dressée. Certes, il était censé ne rien savoir, et ne rien entendre. N’empêche que, quoiqu’en disait Lloyd, ce ne serait pas la première fois qu’il aurait anticipé le comportement du patron en fonction de ce qu’il entendait de ce qu’il se passait dans sa vie de pauvre Sith en déroute. Et il se faisait un devoir d’agir en conséquence. Il estimait qu’on pouvait devoir la survie de Lloyd, et par conséquent de son poste de pilote du Sans Visage, à au moins 35%. Il se disait qu’une fois sur trois environ, les désastres de son patron avaient été réglé au moins en partie par lui-même. Peut-être qu’il exagérait un peu les chiffres, quand il se vantait dans sa tête auprès d’hypothétiques conquêtes féminines.
Mais comme il n’entendait plus rien, il supposa à raison que les deux fripouilles obscures avaient décidé soit de bouder, soit de se bécoter. Cependant, un petit bruit à l’arrière du cockpit le firt se retourner et il entrevit Kahla qui se glissait derrière lui. Elle s’était faufilée sans bruit depuis sa cabine.

- Hé, lui fit-il. Le patron va vous dégager de là fissa s’il vous trouve ici. Il rigole pas, pour le nexu. Y’en a vraiment un dans la soute.
- J’en doute pas, mais… J’ai un petit problème et… Je me suis dit que vous étiez la personne idéale pour m’aider.

Mumkin arrondit ses yeux jaunes et retira ses pieds du tableau de bord pour s’asseoir plus correctement. Il arrêta de suçoter sa cuillère pour rajuster son veston.

- Ahem, bien sûr, ma p’tite dame. Enfin je veux dire. Dame Kahla. Qu’est-ce que j’peux faire pour vous ?
- Appelle-moi Kahla tout court. Je peux t’appeler Mum ?
- C’est seulement pour les intimes, mais… j’peux faire une petite exception pour toi.

Le dévaronien cligna d’un œil de façon un peu trop appuyée – il n’arrivait pas bien à cligner de l’œil même s’il s’entraînait depuis longtemps – et la jeune zabrake lui répondit avec un joli sourire.

- C’est gentil. Alors voilà, Mum… J’ai besoin d’envoyer un message privé, mais mon datapad ne marche plus, c’est bête. Tu me prêterais le tien ? Je voudrais juste prévenir ma mère que je vais bien et heu… Qu’elle ait quelques nouvelles de moi avant… Avant demain car… Je ne sais pas exactement si je vais survivre. Tu vois ?

Mumkin grimaça un sourire.

- Oh. Je vois. Mais faut pas s’en faire comme ça. Les deux là-bas – il désigna la coquerie au fond de la coursive – ils ont l’air godiches comme ça à se voler tout le temps dans les plumes mais sinon ils s’en sortent pas trop mal, ils vont le capturer le terentatek les doigts dans le nez, tu vas voir.

Il se mit un doigt dans la narine pour accompagner le geste à la parole. Kahla essaya de ne pas être décontenancée.

- Ah ah, rit-elle un peu faussement. Hem. Oui, j’en doute pas, ils sont…

Elle hésita.

- Mignons, hein ? Ouais, faut le dire vite, c’est parce que toi tu les supportes pas tous les jours. J’peux te dire que quand ils se… Enfin bref, pas que je sous-entende quoique ce soit d’intime hein, ils se pelotent pas non plus. Enfin j’en sais rien moi, je suis que pilote, encore qu'en réalité j'aide beaucoup Lloyd dans ses missions, mais…
- Je peux avoir ton datapad ?
- Ah ouais, ouais, bien sûr. Tiens. Attends.

Mumkin attrapa le bloc de données qui traînait sur la console et pianota dessus une minute.

- J’efface juste le dernier message. Car parfois j’ai des personnes très importantes qui… Enfin disons-le clairement, j’ai eu une petite histoire avec une seigneur Sith récemment et depuis elle me harcèle de messages. La pauvre a du mal à passer à autre chose. T’as pas à voir ça. J’suis désolé. La rançon du succès.
- Mmh-mmh, acquiesça sagement Kahla.

Il lui donna son datapad et la zabrak le remercia avec un sourire avant de sortir sans bruit.

-------

-------

-------Dans la coquerie, le hapien sépara son visage de celui de l’Inquisitrice, et la caresse douce de ses lèvres prit fin en même temps que sa main quitta sa joue après l’avoir effleurée une dernière fois. Mais il eut un bref sourire.

- Bon. On va le chercher, ce terentatek ?
Darth Hope
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BAM.


Le revêtement métallique du sol vibra quand Luis jaillit de la soute. Dana était là pour l’accueillir, mais il l’ignora et bondit vers une odeur particulière dont il suivit le fil. L’Inquisitrice leva les yeux au ciel et se mit à sa poursuite, déjà épuisée. Le nexu se cogna contre une paroi en déboulant de l’angle d’une coursive. Les tuyaux et autres composants techniques tremblèrent, certains manquèrent de se dessouder sous le choc.

-Luis reviens là ! s’écria-t-elle en vain.

Trop tard, il se remettait déjà en course. Ses griffes raclaient l’acier du Sans-Visage créant de fines et petites étincelles orangées. Enfin, il surgit dans le cockpit pour se jeter sur un dévaronien qui vit le ciel lui tomber sur la tête. Dana arriva, essoufflée, les joues rougies parce qu’il avait fallu courir.

-Eh LUIS !

Un grognement répondit à son appel, mais l’animal ne se dégagea pas d’un Mumkin qui avait viré du jaunâtre de la bonne mine au blanc de la mort prochaine.

-Je t’ai déjà dit qu’il était pas au menu, fit-elle excédée. Lâche-lui la grappe !

Luis consentit enfin à obéir. Il recula, libérant le cornu de son poids et alla s’installer sur la banquette arrière, trop petite pour lui. Il dut se rouler en boule. Sa queue et ses pattes pendaient jusqu’à terre, mais il trouva la chaleur du cockpit confortable comparé au froid mordant de la soute. Nouveau grognement pour signifier à sa maîtresse qu’il n’était pas près de bouger. Elle secoua la tête et se rapprocha du dévaronien pour se pencher vers lui.

-T’es pas blessé. J’crois qu’il t’aime juste trop.

Ou plutôt, il aimait l’odeur de sa chair appétissante. Tout n’était qu’une question de point de vue, celui de la proie et celui du prédateur.









Une tasse brûlante réchauffait ses paumes. Les néons de la coquerie éclairaient de nouveau tous les occupants du Sans-Visage. Dehors, l’aube pointait timidement, mais la nuit n’avait pas encore tiré sa révérence. C’était une bataille silencieuse qui se jouait dans les cieux entre les lunes de Galidraan et son astre solaire. Le vent ne hurlait plus dans les conduits d’aération et le système de recycleurs d’air, laissant présager que la tempête nocturne était passée et qu’elle avait balayée suffisamment de doutes. Dana portait son manteau grenat par-dessus son pull. Il lui cintrait la taille avec élégance. Elle avait attaché ses cheveux et ne cessait de ramener une mèche frondeuse derrière son oreille. Kahla était adossée non loin de l’écoutille. Mumkin, toujours un peu pâle, se remettait de ses émois en buvant une boisson semi-alcoolisé qui apporta un peu de chaleur dans son gosier noué par le traumatisme d’être la future friandise d’un nexu capricieux – dont la mère ne semblait pas spécialement autoritaire. L’Inquisitrice, elle, était confortablement installé, le postérieur posé sur le bord de la table, les pieds reposant sur l’une des caisses servant de sièges. Elle sirotait son breuvage, savourant le goût amer et rance des herbes médicinales de Kashiina. De temps à autre, elle croisait le regard de Lloyd et l’allumait du sien.

-Bien, décréta-t-elle pour briser le silence qui s’épaississait. Nous avons deux options. Kiwi est encore dans cette épave maudite, cette espèce de caveau Sith improvisé. Ou son affrontement avec nous l’aura poussé à fuir vers d’autres tanières confortables. Vu sa nature « fugueuse », je parierai sur la deuxième option.
-Oui, fit Kahla en écho. Kiwi a pour habitude d’aimer les lieux où le Côté Obscur est fortement présent. Et il existe un lieu plus obscur que le Pic des Milles Poisons sur Galidraan.
-Elle a l’air de proposer de sacrées attractions touristiques cette planète, ricana froidement Mumkin.
-Bref, et ce lieu est ?
-Une ancienne mine, à des lieues au Sud. Elle était exploitée par un Sith qui avait trouvé un filon de minerais précieux qui pouvait servir à fabriquer des cristaux pour des sabres ou…pour de l’alchimie. On dit qu’un jour il y est descendu avec ses droîdes, ses soldats, ses esclaves, et que personne n’est jamais remonté. Depuis, les habitants évitent cet endroit comme la peste.
-C’est loin ?
-Deux ou trois heures de vol avec un vaisseau comme le vôtre. Si Kiwi est parti au début de la nuit, il a déjà dû atteindre cette destination.
-Et qu’en pense notre capitaine ? fit-elle vers Hope avant de tremper ses lippes dans le thé.

Lloyd Hope
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- Je dois m’occuper de Luis, avant.

Il faillit pencher son visage un peu plus, pour réunir leurs souffles qui se cherchaient, mais Dana s’écarta précisément à ce moment et il planta dans l'étendue dorée ses pupilles insatisfaites. Le hapien essaya de la retenir, mais ses doigts glissèrent sur la taille de l’Inquisitrice et ses bras retombèrent le long de son corps tandis qu’il se mordait la lèvre.

- Il en a de la chance, grommela-t-il.

Un frisson le parcourut et il fut obligé de serrer les poings pour faire taire l’envie de son corps de s’agripper à celui de l’Inquisitrice, de s’emparer de ces courbes pour les faire fondre contre les siennes. La dévorer.












In.
Dé.
Cent.


Les bras croisés, Lloyd regardait les lèvres de Dana s’agiter doucement à chaque fois qu’elle s’adressait à Kahla ou à Mumkin. Depuis qu’elle l’avait allumé quelques minutes plus tôt, il ne pouvait s’empêcher de voir dans chacun de ces mouvements, chacun de ses mots, une invitation implicite. Il avait bien sûr refermé sa ceinture, non sans jeter sur les courbes de Dana un regard outré tandis qu’elle quittait la pièce. Maintenant qu’ils étaient tous de nouveau réuni, il la maudissait intérieurement. Il n’arrivait pas à se concentrer correctement. Quand elle lui demanda son avis, il ne répondit pas tout de suite. Il rompit le contact visuel pour se passer une main sur le visage et réussir à réfléchir une minute.

- Ça m’a l’air d’être une bonne piste, dit-il finalement. Kahla, tu saurais nous guider jusqu’à cette mine ?
- A peu près, oui.

La zabrak avait repris un peu d’assurance. La nuit et la chaleur du vaisseau leur avait fait du bien à tous. Sauf peut-être à Mumkin, qui avait essayé de faire des signes au hapien plusieurs fois depuis le début de la conversation : il roulait des yeux en penchant la tête vers le cockpit. Oui, le nexu, je sais Mum, avait essayé de répondre Lloyd par un retour de regard entendu. Mais ils règleraient ce problème plus tard. D’abord, il y en avait un autre.

- La taille de ce terentatek, de ce que j’en ai vu… Il ne rentrera pas dans la soute. Eventuellement, on pourrait envisager de le tracter avec le vaisseau, si on arrive à le calmer. Mais ça demandera un peu de logistique.
- Heuuu… Le tracter avec quoi ? intervint le dévaronien, sur ses gardes.
- Avec des sangles et les câbles d’accroche, pour le déplacer avec le vaisseau. Tu penses que ça va pas tenir ?
- Ben c’est pas ça, comment on va lui accrocher les sangles, c’est surtout ça le problème.

Lloyd haussa les épaules.

- On trouvera bien, on n’a pas le choix. Allez, on décolle, j’ai pas l’intention de rester sur cette mission trop longtemps.

Il appuya ses derniers mots d’un regard insolent vers l’Inquisitrice, avant de passer entre eux pour rejoindre le cockpit.

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------

------Kahla avait eu raison. A peine deux heures avaient suffi pour rejoindre la zone indiquée. La mine était facilement reconnaissable par une grande tour de métal noir qui se dressait au-dessus d’elle. C’est l’ascenseur, avait dit Kahla, et ils s’étaient posés dans la neige tourbillonnante à quelques mètres de l’architecture de métal, dans une vallée où la forêt se trouaient de clairières blanches, comme autour de la mine. Dès qu’ils le purent, les trois silhouettes enveloppées de vêtements chauds descendirent de la passerelle, bientôt suivi de Luis, qui se mit à courir follement dans la neige, heureux de retrouver enfin un espace ouvert dans lequel s’ébrouer. Il les accompagna néanmoins jusqu’à l’ascenseur.

Mais de ce monte-charge, il ne restait plus grand-chose : la nacelle avait disparu, probablement devenue inactive par les ans, mais il y avait un escalier qui s’enfonçait autour du conduit prévu pour l’ascenseur et qui formait un rectangle descendant indéfiniment dans l’obscurité.

- Si le terentatek est descendu, il n’a pu que prendre ce chemin-là, commenta Kahla en se penchant vers le trou avant de reculer, prise d’un frisson. La présence obscure, elle est… Plus intense encore que sur le vaisseau échoué.

Lloyd acquiesça.

- C’est que c’est le bon chemin, dit-il.

Il ouvrit la marche, et commença à descendre les escaliers. On entendit Dana avoir un peu de mal à ramener Luis pour qu’il descendît avec eux, et finalement les quatre membres du groupe débutèrent leur exploration de la mine.

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------Ils avaient mis près d’une demi-heure à atteindre la mine au bout des escaliers. Lloyd avait ramené une torche du vaisseau, et éclairait leur chemin pour compléter les vieilles lampes cathodiques qui étaient pour certaines encore allumées à cause d’un vieux dispositif solaire qui les maintenaient en vie et leur permettait d’éclairer des coursives sombres dans la roche. Les corridors devenaient si étroits que Lloyd devait courber la tête pour éviter de heurter le plafond bas et humide. Très vite, il leur sembla qu’ils pourraient aisément se perdre car plusieurs corridors se séparaient en chemins différents. Ils n’entendaient rien d’autre que l’écho de leurs pas et l’air leur paraissait vicié. En dehors de la torche et des quelques lampes, l’obscurité était profonde. Des insectes s’échappaient parfois en petits groupes désordonnées quand Lloyd braquait sa lampe au sol. Une ou deux fois, Luis essaya d’en attraper afin de grignoter ces protéines inattendues, mais Dana essayait de réfréner les ardeurs de chasseur du nexu. Kahla et Lloyd s’écartaient d’un bond à chaque fois que la bête faisait claquer ses mâchoires énormes. La zabrak laissa même une fois échapper un cri de terreur que Luis manqua de refermer ses crocs sur sa main. Le hapien s’était retourné brusquement.

- Mais chut ! persifla-t-il à l’adresse de Kahla avant de regarder Dana. Tu veux pas le tenir un peu, ton nexu, il va nous faire repérer à force.

Comme pour ponctuer les propos de Lloyd, ils entendirent un drôle de bruit dans un corridor devant eux. Le hapien braqua la torche, mais ils ne virent rien d’autre que le couloir de roche irrégulier qui entamait un virage quelques mètres plus loin. Ils étaient à une intersection, et deux autres chemins s’éloignaient de part et d’autre de leur position. Leurs souffles devant leurs bouches formaient des nuages de vapeur.

Lloyd se retourna de nouveau vers le reste du groupe. Il allait leur proposer un plan quand soudain, ils sentirent tous une secousse dans la Force, qui leur coupa le souffle. Il y eut un mouvement d’énergie, les lampes vacillèrent. L’instant suivant, un grésillement tinta à leurs oreilles et elles s’éteignirent toutes…

Y compris la torche de Lloyd.


Ils se trouvaient dans une obscurité absolue.
Darth Hope
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Luis avait été ingérable depuis sa sortie du vaisseau. S’l reconnaissait en Dana son nouveau Maître, il peinait à lui obéir au doigt et à l’œil. Son dressage rigoureux sur Khar Delba l’avait habitué aux présences humaines et zabrakes, mais seul Moh Trekkar avait véritablement réussi à le dompter. Le chemin aux côtés du nexu serait long avant qu’elle ne puisse complètement le soumettre à sa volonté et les reproches de Lloyd lui arrachèrent une mine outrée. Il avait qu’à essayer, s’il pensait que c’était aussi simple qu’avoir un chien kat au bout d’une laisse.

De toute manière, l’Inquisitrice n’avait pas la tête à maîtriser Luis. La noirceur de la mine, l’étroitesse de ses galeries, et son plafond bas avait fait ressurgir en elle des peurs irrationnelles. Son cœur s’emballait et son pouls cognait douloureusement à ses tempes. Une sueur froide tapissait sa nuque, à la racine de ses cheveux et s’épanchait jusqu’à la naissance de son cou, s’infiltrant sous ses vêtements chauds. Tout était désagréable. En particulier cette sensation imminente de mort par asphyxie. Elle entrouvrit les lèvres, chercha encore de l’air et ne trouva que les ténèbres.





Il n’y eut plus que les battements de son cœur.






Puissants, immodérés, sourds.





L’oxygène se raréfiait, pensa-t-elle en retenant un glapissement d’horreur dans sa gorge nouée par la terreur.

-Allumez vos sabres ! grogna Kahla tandis que jaillissaient de ses poings deux lames pourpres qui éclairèrent à peine leurs visages tordus par l’appréhension.

Parce qu’elle n’avait pas de sabre, Dana plongea une main fébrile dans la poche de sa veste et délogea son précieux briquet. Clic. Rien. Clic, clic. Son pouce dérapait sur le mécanisme, sans assez de force pour l’enclencher. L’angoisse prenait le pas sur des gestes aussi simples. Clic, clic, clic.

Dans le noir, perturbé par la lueur de trois sabres-lasers sith, le son résonnait comme un rire moqueur.

Clic, clic, clic, clic.

Enfin, la flamme s’alluma. Ridicule. Petite. Recroquevillée au bout du briquet. Elle illuminait tout juste les doigts de Dana ainsi que ses lèvres encore entrouvertes et toujours à la recherche d’oxygène. Le reste de sa figure était avalée par la pénombre sinistre qui s’était abattue sur eux. Elle se dirigea vers le trait pourpre qui jetait sur Lloyd une ombre colorée. Sa main s’avança dans l’espoir de saisir la sienne, mais la mâchoire de Luis claqua entre eux et elle dut avorter son geste à la hâte. L’animal s’était dressé entre eux et râlait en direction du hapien. Il finit par dresser enfin l’oreille, attiré par un bruit que leurs oreilles n’avaient pas pu saisir. Sans crier gare, il bondit sur cette piste, prenant de cours sa maîtresse.

-Luis reviens !

Elle se propulsa derrière lui, dérapant sur la poussière gelée de la mine.
Bientôt l’écho de ses appels se fondit dans le silence lointain des galeries.














Dana s’était heurtée à des embranchements. Avalée par les ténèbres, elle avait mis du temps à comprendre être arrivée à des croisements et dirigeait son pauvre briquet vers l’une ou l’autre des routes possibles. Par où était passé Luis ? Sans réfléchir, elle s’engouffra dans l’un des tunnels. Ses pas ralentirent alors que ses blessures récentes menaçaient de paralyser une partie de son corps si elle ne se ménageait pas davantage. Ses semelles frappaient le sol avec régularité, crissaient quand elle écrasait une boue froide et informe. La lueur du briquet arrivait parfois jusqu’aux parois rocheuses aux endroits les plus exigus de la galerie. Alors elle hyperventilait quand elle sentait ses épaules racler les murs, les yeux écarquillés, le visage aussi translucide que la neige galidraane. Elle sentait les larmes d’effroi s’ajouter à l’obscurité ambiante, réduisant davantage sa vision. Et elle soufflait fort, incapable de maîtriser les tremblements de panique qui saisissaient ses membres.

Finalement, la galerie, la recracha au centre d’un espace plus grand qui la libéra du poids de sa phobie dont les échos martelaient toujours son esprit. Le plafond était si haut à cet endroit qu’il était impossible d’en définir la limite, surtout dans cette noirceur presqu’absolue. Dana avança prudemment avant que son pied ne s’enfonce dans de l’eau glacée. Elle recula sans savoir si c’était une flaque innocente, où le début d’un point d’eau plus conséquent.

Et des bruits feutrés emplirent ses oreilles d’une nouvelle peur. Elle devinait des mouvements dans le noir, car si elle tendait bien l’ouïe, elle distinguait l’air qui se déplaçait en même temps que des….présences. Sa main dressa le briquet au plus haut qu’elle le put et elle se figea, immobilisée par la vision cauchemardesque d’un visage aux yeux vitreux, surmontant un corps décharnés aux membres longs et fins. La chose, qui fut humaine un jour, longeait une paroi à la façon d’une araignée. Dana glapit sa stupeur, empêtrée dans les souvenirs de Kaas City. Elle revivait l’angoisse, le son du marteau qui heurtait son crâne. Son geignement avait attiré l’inconnue qui avait tourné son faciès creusé vers sa direction. L’Inquisitrice retint son souffle et recula lentement.




Elle recula encore.




Jusqu’à heurter quelque chose.


Elle voulut hurler mais une main gantée bâillonna sa bouche. Un bras passa autour de sa taille pour l’empêcher de bouger et un souffle chaud échoua à son oreille. Une lame-laser se dressa devant ses yeux, éclairant les alentours davantage que son briquet. Elle découvrit d’autres de ces horreurs ramper au sol, à sa recherche.

Pressée contre Lloyd, dont elle avait reconnu le sabre et le parfum, elle tentait de maîtriser sa panique. Il lui fallut quelques secondes pour calquer sa respiration sur le rythme de celle du hapien.






Il ne fallait plus faire le moindre bruit.



Lloyd Hope
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Lloyd serra Dana contre son torse tandis qu’il balayait l’obscurité devant eux, éclairant brièvement de sa lame rouge les visages décharnés, ornés de yeux vitreux. Il retint son souffle, comme par instinct. Baissant la lame, il en vit d’autres ; les silhouettes rampaient dans leur direction et le hapien fit un pas en arrière silencieux, puis un autre, emmenant doucement Dana avec lui. Ils ne voyaient pas au-delà des visages et corps les plus proches d’eux, mais Lloyd craignait qu’il n’y en eût d’autre. Il avait une sorte de certitude qu’il ne s’expliquait pas, qui venait de la Force : il y avait une armée obscure, une troupe qu’ils ne seraient pas de taille à affronter.

Ils reculèrent encore, empruntant à rebours le chemin qui les avait amenés jusque dans cette pièce. Chaque fois que la botte de Lloyd écrasait des gravillons qui crissaient sous sa botte, les visages semblaient se rapprocher un peu plus et il sentait son cœur bondir de terreur dans sa poitrine.

Tant bien que mal, ils parvinrent à reculer suffisamment pour que les visages ne fussent quasiment plus visibles à la lueur du sabre de Lloyd, et le hapien lâcha doucement l’Inquisitrice. Dans le noir, il chercha la main de Dana pour la serrer de ses doigts libres, et il éclaira le chemin du retour, qu’ils empruntèrent aussi vite que le permettaient leurs pas qu’ils gardaient le plus silencieux possibles. De temps à autre, Lloyd éclairait derrière eux mais bientôt, ils ne virent plus les silhouettes décharnées. Ils ralentirent un peu l’allure, le hapien levant son sabre entre eux quelques instants pour éclairer leurs visages.

- Mauvais chemin, chuchota-t-il à voix basse. Si le terentatek était passé par là, il…

- Haaaaaaaaaaaaaaaaaaa !




Kahla.

Le cri avait glacé le sang du hapien. Il regardait toujours Dana, les yeux écarquillés, en traitant l’information : l’apprentie qui hurlait de terreur, dans une coursive proche de la leur, et qui, irrémédiablement, allait attirer…
Derrière eux, des bruits chaotiques leur parvinrent. Comme si toute une troupe s’était mise à marteler le sol en courant.

Le hapien n’attendit pas une minute de plus. Il récupéra la main de Dana pour l’emmener, et une course effrénée s’engagea. Il n’était plus question d’être silencieux : les pas des deux Sith résonnaient dans les corridors glacés tandis qu’ils s’orientaient avec affolement à la lumière de son sabre laser.

Les galeries étaient labyrinthiques. Ils tournèrent à l’aveuglette, cherchant à semer leurs poursuivants, espérant retrouver l’escalier mais bientôt, les coursives leur parurent trop longues, trop étroites : ils n’étaient jamais passés par là à l’aller. Les tunnels se rétrécissaient, forçant à se courber, à passer parfois de côté. A un moment, ils crurent aboutir à un cul-de-sac et cessèrent leur course brusquement : le sabre de Lloyd éclaira un éboulement dans la roche, des poutres de bois soutenant encore à demi une masse de pierre fendue. Il y avait un petit trou, et on voyait que la coursive se poursuivait au-delà, mais seul un enfant aurait pu se faufiler dans pareille ouverture. Et dans leurs dos, des pas arrivaient précipitamment.

- Merde.

Lloyd colla la garde de son sabre dans la main de Dana.

- Défends-nous, je vais nous dégager un passage, lui ordonna-t-il, abandonnant son arme à l’Inquisitrice avant de se retourner vers la petite ouverture.

Et sans un regard vers leurs ennemis qui arrivaient en se massant un par un dans le corridor, il posa ses mains sur la pierre, là où elle lui semblait la plus mobile, et convoqua la Force pour augmenter ses capacités physiques. Il se mit à pousser et la pierre s’effrita sous ses doigts. Il glissa plusieurs fois tandis que dans son dos, Dana accueillait le premier être décharné du tranchant de la lame laser. Mais à peine le premier était-il tombé qu’il y en eut un autre, et un autre encore. Leurs mains osseuses se tendaient vers les deux Sith, leurs bouches blanches s’ouvraient sur des cris silencieux, des râles gutturaux qui emplissaient la coursive de sons infâmes. Pour dépasser le premier encore debout, les suivants griffaient la pierre de leurs ongles longs, se bousculaient pour atteindre Dana qui tranchaient rapidement tout ce qui s’approchait trop d’eux.
Lloyd ne regardait pas. Il laissa échapper un cri de frustration quand, en repoussant enfin un bloc rocheux, un léger éboulement referma davantage l’ouverture qu’il essayait de dégager. Dans son dos, il sentit la silhouette de Dana se coller à lui, acculée. Il redoubla d’effort. La roche appuyait de tout son poids glacial sur la coursive et il se demanda si à la prochaine tentative, il n’allait tout simplement provoquer leur ensevelissement à tous, définitif.

Finalement, il changea de stratégie et passa une jambe dans l’ouverture, afin de s’asseoir presque à califourchon, ce qui donna davantage de place à Dana mais offrit au hapien une vue d’horreur sur ce que Dana combattait : ils avaient beau ne pas pouvoir se défendre réellement contre le sabre, leur nombre était tel qu’à chaque fois qu’un tombait, deux autres surgissaient en piétinant le corps du premier, si bien que leur surnombre ne pouvait qu’annoncer leur défaite.
Lloyd invoqua son pouvoir à la hâte pour soulever, de toutes ses forces physiques et mentales, une poutre qui barrait la route. Le bois craqua quand il parvint à le soulever un peu au-dessus de lui.

Encore un peu.

Il grognait de souffrance, mais deux morceaux de roche se soulevèrent légèrement

Encore un peu.

Si la poutre se brisait, la pierre retomberait brutalement et l’écraserait. Il fallait qu’elle tienne.

- DANA ! PASSE !

Mais la Sith était aux prises avec deux êtres décharnés, dont l’un soudain réussit à passer la barrière de sa défense. Le corps blanc, vêtue de guenilles sales, les yeux creux et vitreux, les dents sales sous des lèvres presque inexistantes, plongea une main sur le cou de Dana pendant qu’elle en abattait un autre. Lloyd vit les doigts se refermer sur le cou de Dana et il sentit sa volonté le quitter comme si le briquet avait manqué de gaz.

- Non.

Il flancha soudain. Le poids la poutre retomba à demi sur lui, il essaya de stopper la chute avec son épaule maintenant que ses bras tremblaient. L’ouverture se referma presque complètement.

- NON !

Dans la panique, il tenta de donner tout ce qui lui restait. Il releva la poutre, et dès que ce fut à peu près suffisant, il attrapa Dana par la taille et l’emporta brutalement pour la faire passer par l’ouverture, dans laquelle il était lui-même à demi engouffré. La main de l’assaillant fut tractée avec elle. Lloyd le repoussa d’un coup de pied, mais ce mouvement lui fit perdre l’équilibre et la poutre menaça de retomber et les écraser tous les deux. Alors, d’une dernière poussée, il bascula de l’autre côté de l’ouverture en emmenant Dana avec lui, se jetant brusquement à terre. La roche s’effondra dès qu’il lâcha la poutre et dans un grondement sépulcral, l’ouverture fut ensevelie dans un nuage de poussière, emportant les corps qui avaient essayé de suivre Dana et Lloyd dans la suite de la coursive.

Les deux Sith se serrèrent l’un contre l’autre après être tombés durement au sol, Lloyd enfouissant le visage de Dana contre lui, la protégeant comme il le pouvait de son corps.

Mais le reste de la coursive ne s’éboula pas comme il l’avait craint. Le sabre laser, qui gisait à côté d’eux, éclairait le nuage de poussière qui les avait enveloppés et qui fit tousser le hapien.

Après le grondement, il y eut un long silence. Il semblait qu’on entendait vaguement des grattements, au loin. Les êtres qui n’avaient pas été tués dans l’effondrement essayaient toujours de progresser et de les atteindre mais ils n’avaient plus aucune chance. Lloyd les écouta en reprenant son souffle. Il avait du mal à lâcher Dana. Ses bras tremblaient encore de l’effort qu’il venait de fournir.

- Pardon, j’ai…

Non, il n’avait pas d’explication valable au moment de faiblesse qu’il avait eu. D’ailleurs, la Sith ne s’en était peut-être même pas rendue compte. Il ferma les yeux, les rouvrit en libérant enfin un peu l’Inquisitrice. Il tâcha de respirer calmement en la regardant. Il voyait à peine la lueur rouge qui se reflétait dans les deux pupilles de Dana.

- … ça va ?

Il soupira. Il allait lâcher la Sith mais, ses yeux glissèrent dans le cou de Dana, où une minute plus tôt les doigts décharnés avaient essayé de resserrer une étreinte mortelle, et il se ravisa. Il la serra de nouveau contre lui.

Il en avait besoin. Juste une minute.
Darth Hope
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Chacune de ces créatures l’avait privé d’un peu plus d’oxygène. L’étroite galerie tenait plus du tombeau que de l’arène et ses doigts repliés autour de la garde du sabre-laser avaient tremblé. Un œil blafard, une gueule difforme, une main décharnée. Tout ce qui jaillissait du noir, elle l’accueillait d’un mouvement de lame pourpre. Ces choses n’étaient pas des animaux comme il en existaient dans les caveaux Sith. Ce n’étaient pas plus des êtres modifiés par l’alchimie Sith. L’un d’eux avait saisi sa cheville et elle avait dû plonger le sabre dans son crâne jusqu’à ce qu’il n’ait plus le moindre mouvement. Rapidement, Dana s’était sentie acculée, par le surnombre et par sa claustrophobie. Une démence froide menaçait d’étreindre son esprit et elle donnait des coups, encore, pour se maintenir dans la réalité horrifique. Du sang noir jaillissait de ces corps animés par la faim. Il avait strié les traits faciaux d’une Inquisitrice en manque d’air et de ressources. Elle avait l’impression de se battre dans le seul bu de retarder leur mort, qu’il n’y aurait de toute manière pas d’autre issue. Elle l’avait su en venant sur Galidraan. Il n’y aurait jamais d’autre issue. C’était pour cela qu’elle avait envoyé ce message, qu’il devait rester à l’écart de tout.

Une mâchoire claqua près de sa joue et elle dût user de la Force pour repousser un assaillant trop téméraire. Il valsa dans les ténbères d’où, sitôt, il revint. Elle voyait à la lueur carmine du sabre des figures faméliques, à la peau tannée par le temps. Elles se jetaient en direction des battements effrénés de son cœur qui tambourinaient douloureusement. Dana reconnut une chevelure éparse appartenant à un humain, ou un morceau de lekku nécrosé. Toutes ces choses avaient été quelqu’un un jour. Des esclaves du Sith qui avait exploité cette mine, sans se soucier des limites de ses profondeurs et de ses interdits. Personne n’était jamais remonté avait dit Kahla, parce que personne n’avait jamais retrouvé le chemin du retour. Piégés dans les entrailles d’une terre à la noirceur profonde, ces femmes et ses hommes avaient été condamnés à la malédiction de leur maître. Ils avaient passé des journées, des semaines, des mois, des années, des décennies à s’enfoncer plus encore, espérant remonter à la surface. Ils avaient combattu la maladie, la faim, le désespoir de toute chose. Corrompus par la Force obscure qu’avait réveillé le Sith en creusant trop loin, ils n’avaient eu que la survie pour seul air. Ils avaient commencé à dévorer les plus faibles. Et ceux qui avait mangé la chair des leurs s’étaient corrompus définitivement. Enfin toute cette corruption les avait maintenus en vie dans le seul but, de se sustenter encore plus.

Dans un grognement de rage, le front perlant de sueur, Shar rassembla la Force comme on le lui avait enseigné et elle la propulsa contre les corps voraces. Une nouvelle fois repoussés, elle put chercher un peu d’air, mais parmi ceux qui gisaient à ses pieds, l’un se redressa, fraîchement amputé d’un bras. Elle se préparait à l’accueillir quand une paume aux doigts efflanqués avait surgi pour saisir son cou, la prenant de surprise. En arrière-fond, la voix de Lloyd lui parvenait déjà depuis un monde auquel elle ne croyait plus appartenir. La pointe de la lame-laser s’engouffra dans le ventre décharné du mutilé. Elle aurait voulu crier, mais sa trachée s’étrécissait sous la poigne ferme de l’autre créature. Et dans son dos, ses semblables jaillissaient comme une colonie enragée. Elle aurait souhaité hurler parce que le visage d’un Luis Raidun cadavérique s’était substitué au faciès anonyme.

Les phalanges noueuses glissèrent le long de sa gorge alors qu’elle était arrachée à l’horreur. Ses yeux écarquillés devinèrent l’ombre du pied de Lloyd repousser le monstre.

Et tout s’effondra.

Tout.

Sauf les bras du Sith autour d’elle qui tremblaient mais ne faiblissaient pas. Ils étaient tels des murs aux fondations solides entre lesquels, elle s’était réfugiée en attendant la fin ; en attendant que le plafond l’ensevelisse, suivi du ciel et des étoiles. Pendant dans longues secondes, elle avait gardé les yeux fermés, le minois lové contre lui, incapable de bouger. Elle puisait dans cette étreinte tout l’oxygène qui lui avait fait défaut durant son combat et qu’elle retrouvait en humant son parfum familier. Leurs cheveux pleins de sueur avaient accroché la poussière. Cette dernière retombait silencieusement sur leurs deux corps étreints et couvrait leurs vêtements.

En une minute, un calme relatif s’était installé dans la pénombre. Les grattements avaient cessé de l’autre côté de l’éboulement. La poussière ne coulait plus. Des cris de Kahla, plus aucune trace. Juste un silence mortifère et pesant qu’aucun courant d’air ne dérangeait. Ils étaient engagés loin dans la mine. Au moment où ils se détachèrent péniblement l’un de l’autre, Dana crut manquer d’air à nouveau. Alors qu’elle se redressait, aidée du Sith, elle figea ses pupilles dorées dans les siennes.

-Non. Ca ne va pas, répondit-elle enfin. J’suis morte de peur dans ces endroits. Quand c’est trop étroit, quand y’a pas d’air, rien. Je vais pas y arriver, Lloyd. Pas ici.

La dernière fois qu’elle avait avoué qu’elle n’y arriverait pas ; elle l’avait poussé vers la sortie. Et elle s’était condamnée.











En poursuivant le long de la galerie, l’un contre l’autre pour profiter de la faible lueur du sabre-laser, ils avaient atteint une pièce creusée à même la roche maudite de la mine. Les parois étaient soutenues par des charpentes métalliques. Des débris de droïdes jonchaient un sol nivelé, gelé par endroit, boueux à d’autres. Il y avait du matériel de campement, des consoles éteintes et hors d’état de fonctionner, mais également des bureaux de fortunes. Jetés sur des caisses, ou accrochés à des crochets grossièrement plantés dans les murs, des équipements de mineurs : casques, vestes chaudes, ceintures multifonction. Ce lieu avait abrité une certaine activité dans un passé lointain. Il ne restait désormais plus qu’un silence énigmatique d’où jaillissait une obscurité étouffante.

-Tu avais raison, souffla-t-elle à Lloyd. C’est un putain de mauvais chemin. Les galeries sont trop étroites pour Kiwi dans cette partie de la mine. C’est…

Elle ne poursuivit pas son raisonnement qu’il avait parfaitement compris. Si le terentatek n’était pas là, à ce niveau, c’est qu’il fallait aller plus profondément encore. De l’autre côté de la salle, une arche ouverte vers le reste de la galerie. Avant qu’ils ne décident de quitter les lieux, elle lui désigna les consoles sur lesquels des blocs de données dormaient. Dana s’approcha avec prudence, mue par la curiosité. Ses doigts tachés de sang noir, comme une partie de sa figure, se saisirent d’un des blocs. Elle pressa sans grand espoir sur la commande d’activation. L’écran holographique s’illumina si brusquement que sa lueur bleutée agressé les pupilles de l’Inquisitrice, habituées à la pénombre. Visiblement, la batterie de l’appareil fonctionnait encore. Un visage fatigué apparut. C’était un humain, d’un âge avancé. Elle reconnut le décor de la pièce où ils se trouvaient en arrière-plan, mais se concentrait sur l’expression désespérée de l’inconnu dont la voix grésilla hors du datapad.






Y’a eu un éboulement 500 mètres en amont. Crix et Ambert sont morts. Hux lui il pourra plus jamais remarcher. On a perdu quatre droïdes foreurs.
Le vieux Tan avait raison. Y’a quelque chose qui va pas dans cette mine. Mais on est que des esclaves hein ?
J’emmerde les Siths.
Bref j’actualise le plan, faut que je note que la galerie est condamnée. Une de plus.










L’image se coupa brutalement et l’enregistrement recommença.

Dana éteignit le bloc et le replaça sur la console.

-Il a parlé d’un plan ! fit-elle comme si une mouche venait de la piquer soudainement.

Clic, clic, clic. La flamme s’éleva paresseusement dans l’air. Entre ses doigts, la chaleur de son briquet lui donna un pathétique sentiment de réconfort. Elle balade la lueur du feu sur les nombreux datapads abandonnés. Ensemble, ils trièrent à la hâte. Ceux qui ne s’allumaient pas finissaient à terre. Les autres, ils les mettaient précieusement de côté. Ils travaillaient en silence, l’un à côté de l’autre, le corps penché sur les consoles, le souffle suspendu à celui de l’autre pour se remémorer qu’ils n’étaient pas seuls, qu’ils formaient une équipe. Une fois tous les blocs de données triés, ils se concentrèrent sur ceux en état de marche. L’Inquisitrice poussa une exclamation contrariée quand l’un des datapads tomba en rad d’énergie avant même qu’elle ne puisse en fouiller le contenu. Un coup d’œil vers le datapad que tenait Lloyd lui arracha un glapissement optimiste.

-Là, là !

Elle pointa son doigt sur une donnée, enclencha d’une pression son ouverture. En filigrane dans leurs yeux colorés se dessinèrent les schémas d’un plan sur plusieurs niveaux. Il ne restait plus qu’à prier pour que l’énergie de ce bloc de données tienne encore le coup quelques heures, ou du moins, le temps qu’ils enregistrent des repères dans leur mémoire.

-Je suis un peu ahm…un peu nulle pour…l’orientation, les plans alors…bon, on va dire que tu t’en charges. Faut qu’on retrouve Kahla, ou son cadavre. Et Luis.

Elle ne parla pas du cadavre de Luis le nexu, car cela l’aurait beaucoup trop contrariée. En revanche, elle se souvint du cri lointain de la zabrake. Et depuis le temps, elle n’était plus sûre que l’apprentie soit en état de crier.


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