Karm Torr
Karm Torr
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Pwuuuiiirp ! Pwuirp ! Pwuirp ! Pwuirp !
Debout.

Bonk.

Un tout nouveau quasi-Chevalier de Jedi venait de tomber de son lit, victime d’une demi-attaque cardiaque.

Dequidequoiheincomment, balbutia un Loé mal réveillé et échevelé, en plissant les yeux pour distinguer la silhouette qui se dessinait à contre-jour sur le pas de la porte de sa chambre, au Temple d’Ondéron.
Je disais : debout. C’est l’heure de l’entraînement.

Karm pressa le drôle de klaxon qu’il tenait à la main.

Pwuuuuirp !
Mais qu’est-ce que c’est que ce truc, demanda le Kuati en se relevant tant bien que mal ?
Un appeau à espèce inconnue 23 sur PE-34X756.
L’animal n’a pas de nom, la planète n’a pas de nom, mais vous avez déjà fabriqué un appeau ?
L’ExploCorps a l’amour de l’artisanat.

Loé murmura par devers lui une réplique bien sentie sur l’ExploCorps et son amour de l’artisanat, mais il n’empêche que dix minutes plus tard, il prenait le chemin de la salle d’entraînement avec le Gardien.

J’me suis dit que tu serais tout nostalgique de plus te faire réveiller à cinq heures du matin pour te prendre une dérouillée au sabre, alors je voulais marquer le coup une dernière fois.
Maître, vous serez toujours le bienvenu pour me dérouiller à cinq heures du matin.

Silence.

Au sabre, je veux dire.

Karm haussa un sourcil.
Loé détourna prudemment le regard.
Un silence tacite et pudique fut jeté sur cette manifestation de l’inconscient du jeune homme.

Il fallut trois heures pour que Loé finisse les bras en croix sur l’un des tatamis du Temple.

Je ne sens plus mes orteils…
C’est parce que tu manques de légèreté quand tu sautes.
Tout le monde ne pèse pas quinze kilos tout habillé.
Dis donc, Thann a une mauvaise influence sur toi. C’est comme ça que tu fais preuve d’une vénération servile et incontestée pour ton maître déifié ?

Avec un sourire amusé, Loé tenta de se redresser sur les coudes, avant de se laisser retomber.

Je ne sens plus ma colonne vertébrale.
Bien fait.
Pwuuuirp, pwuuuirp.
Ah ouais, j’ai enregistré le son de mon appeau dans ton datapad. Ça, c’est ton alarme qui sonne pour te rappeler de te préparer, on va bientôt voir le Conseil.

Loé récupéra aussitôt tout l’usage de sa colonne vertébrale.

Chevalier.
Il allait devenir Chevalier.

Et s’ils revenaient sur leur décision, demandait-il avec une pointe d’anxiété un peu plus tard sur le chemin qui menait à la salle du Conseil ?
Et si une comète tombait sur le Temple ?

Karm rajusta pour la énième fois sa tenue officielle. Pour une fois, il avait endossé sa bure de Chevalier Jedi. Verdict : ça grattait de partout.

Ben on ne sait jamais… après mûre réflexion, tout ça…
Faire preuve d’humilité face à la Force, répondit Karm cette fois-ci avec le plus grand sérieux, ce n’est systématiquement douter de son mérite. Il y a de l’humilité à accepter ses succès avec clairvoyance : tu te doutes peut-être de toi, mais la Force t’a aidé à traverser les Épreuves. Fie toi d’abord à son jugement, plutôt qu’au tien.
Maître ?
Hm ?
Vous croyez réellement que la Force est douée d’une volonté propre ?
Le fruit n’a pas besoin de volonté pour tomber quand il est mûr.

Silence.

Je suis le fruit ?
Tu es la colonie de fourmis.
Je ne suis pas sûr de comprendre…
Excellent.

Depuis plusieurs mois, Loé consignait dans son datapad une collection des aphorismes les plus inattendus de l’Ark-Ni. De « celui qui rumine a plusieurs estomacs » à « ce qu’on appelle un speeder vole parfois lentement » en passant par « quand on embrasse, on ne dévore pas », ces phrases qui lui semblaient parfois si hors de propos prenaient petit à petit du sens quand il y réfléchissait.

Mais l’heure n’était pas à méditer sur les méandres de l’esprit de son maître. Les deux Sentinelles qui gardaient la porte de la chambre du Conseil se dressaient désormais devant eux et elles ne lui avaient jamais paru si solennelles. Loé sonda son maître du regard.

Il n’y a pas qu’une seule manière d’être un Jedi, ni une seule manière d’être soi-même.

Puis d’un geste de la tête, il lui indiqua la porte et le laissa le précéder dans cette pièce qui inspirait chez les plus jeunes et les moins jeunes de l’Ordre un mélange de fascination et d’inquiétude et où Karm, pour sa part, avait toujours l’air de pénétrer par hasard, après s’être égaré dans les couloirs.

Loé avait choisi de ne pas tenir de cérémonie pour son adoubement, fidèle aux principes de sobriété et de normalité que lui avaient inculqués son dernier maître. Du point de vue de Karm, la pompe protocolaire, comme la bure d’ailleurs, était une manière de se distinguer du reste de la population et cette distinction, la plupart du temps, ne pouvait conduire qu’à un orgueil contraire à l’esprit de bienveillance et de modestie au coeur de leur Ordre.

Selon lui, il fallait apprendre à goûter la valeur des moments exceptionnels en les vivant, non en les transformant en représentation sur le théâtre du monde.
Saï Don
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Le jeune Loé fut accueilli dans un silence songeur. Les douze maîtres étaient réunis et leurs yeux - lorsqu’ils en avaient – scrutèrent les deux individus qui pénétraient dans la Chambre sacrée. Certains d’entre eux n’étaient présents en réalité que par l’intermédiaire de leur hologramme et leur image bleue tressautait parfois subtilement. C’était particulièrement le cas de Léti Geilvta, dont Maître Don soupçonnait qu’elle était encore en train de visiter une planète lointaine où la connexion était précaire.
Le vieillard, lui, était bien sûr présent en chair et en os. Surtout en os. Ses yeux perçants, aussi azur que les hologrammes de la pièce, suivirent les deux silhouettes jusqu’à celles-ci s’immobilisent. Il y eut de brefs saluts solennels, avant que le vieux Maître ne se levât, non sans faire craquer ses articulations douloureuses comme un arbre sinistre secoué par le vent. Mais son visage arborait désormais un sourire jovial.

- Padawan Loé An, Chevalier Karm Torr, soyez les bienvenus. Loé, approchez, je vous prie.

C’était toujours un évènement heureux pour le vieillard de célébrer, même sobrement, la progression d’un des membres de l’Ordre. C’était une grande étape dans la vie de Loé, et si d’aucuns n’appréciaient guère les cérémonials, il était important que l’institution reconnût le padawan comme définitivement l’un des siens de façon formelle, ne serait-ce que pour graver dans le marbre la réussite du garçon… Mais aussi, de façon plus subjective, pour nouer entre Loé et son Ordre un lien affectif qui pourrait l’aider à encaisser les épreuves difficiles qui se dresseraient sans nul doute sur son chemin.

- Padawan An, annonça solennellement le vieil homme, plantant ses yeux dans ceux du garçon, vous êtes ici aujourd’hui, devant nous, pour prêter serment. Cela marquera la première étape de votre vie de Chevalier Jedi. Nous devons nous assurer que vous comprenez ce que cela signifie : que votre vie désormais sera dédiée à défendre nos idéaux, à apporter aide et soutien à vos confrères et consœurs dans cette mission, et à laisser derrière vous toute autre ambition personnelle. Ce que nous vous demandons, padawan An, n’est pas qu’une porte ouverte vers davantage de liberté pour exercer la mission qui est la vôtre, mais aussi un véritable renoncement à toute autre vie que celle pour laquelle nous vous prédestinons. Je vous demande de prendre un temps de réflexion. De chercher en vous les raisons qui pourraient vous faire hésiter, et de les formuler afin que nous vous aidions à prendre votre décision, si nécessaire.

A ces mots, plusieurs des Maîtres Jedi se penchèrent en avant, comme pour scruter le garçon de plus près. Comme s’ils pouvaient y déceler toute noirceur dans son âme, tout doute dans son cœur, toute hésitation qui naîtrait au fond de sa gorge. Il y eut un silence, mais Loé finit par déclarer que sa décision était déjà prise ; il l’avait mûrement réfléchi. Le vieillard acquiesça gravement.

- En ce cas, nous allons enregistrer ce moment important de votre vie, et de celle de l’Ordre. K6-K6 ?

Un droïde protocolaire se déplaça derrière les sièges, façon crabe de Mon Calamari, pour trouver l’angle idéal afin de débuter l’holovidéo. Un petit bip indiqua que l’enregistrement avait commencé.

- Padawan An, veuillez s’il vous plaît tenir devant vous votre sabre laser, poser un genou à terre, et nous rappeler votre nom ainsi que le nom de votre Maître.

Les yeux de Maître Don dévièrent un instant de la silhouette du padawan qui s’exécutait, pour rencontrer les prunelles colorées de l’Ark-ni. Mais il s’intéressa de nouveau au garçon en reprenant la parole.

- Loé An, élève de Karm Torr, chevalier Jedi gardien, vous allez répéter après moi le serment des Chevaliers de l’Ordre Jedi.

Il y eut un silence. Le vieil homme s’éclaircit la voix. Il n’avait pas besoin de lire son texte : il l’avait énoncé tant de fois, et depuis son propre serment, avait connu par cœur de toute façon ces quelques mots qui marquaient définitivement la vie d’un Jedi.

- En accord avec la Force vivante… je fais la promesse solennelle de prêter allégeance… de donner ma vie… et d’accomplir les vœux de la Force universelle. Pour toujours, je déclare être une source de lumière à ceux qui le demanderont. Je préserverai la lumière de toutes mes forces. A cette noble tâche, je dédie ma vie, mon corps et mon âme pour l’éternité. … Par mes mains, par mon cœur, par mon esprit… je servirai, protégerai et défendrai les voies de la paix… de la prospérité et de l’harmonie tout autour de moi. Par mon vœu solennel, je me place dans la voie des désirs de la Force… qu’elle me donne le pouvoir de le faire et que jamais, je ne faillisse à cette noble tâche. Que la Force soit avec moi.

Loé avait suivi les mots du Maître, répétant sagement. Puis tous les Maîtres se levèrent, et chacun à sa façon, répéta au tout jeune Chevalier : que la Force soit avec vous. Il y eut des sourires encourageants, des œillades complices. Maître Deenia resta stoïque dans ses félicitations, Maître Brock grogna comme une menace. Mais tous s’exécutèrent, en réalité, avec le même investissement qui les avait amenés jusqu’ici, à la Chambre du Conseil : le sentiment du devoir, et la volonté de toutes les choses qui restaient à accomplir. Puis chacun se rassit, y compris Maître Don.

- Félicitations, chevalier An et… Chevalier Torr, tous nos compliments pour avoir permis à cette recrue d’atteindre son plein potentiel. Vous savez ce que cela signifie, n’est-ce pas ?

Le vieillard eut un sourire énigmatique. Pendant ce temps, le chevalier An s’était relevé et avait laissé la place centrale à son maître, ayant lui-même compris que son moment de mise à l’honneur était passé, pour que celui du Chevalier Torr pût avoir lieu.

- Chevalier Torr, vous avez conduit la formation de l’un de nos padawans à son terme, malgré votre jeune âge et malgré les épreuves. Vous avez prouvé votre mérite, mais aussi votre parfaite autonomie dans l’accomplissement de vos missions, en témoigne le projet de l’enclave de Dantooïne.

Le vieil humain passa une main dans sa barbe, les sourcils légèrement froncés comme si soudain une idée saugrenue lui était parvenue.

- Mais ! J’y pense. Cette enclave, il est important qu’un Maître Jedi s’y trouve régulièrement. L’équipe qui a mené ce projet a bien doit pouvoir désormais défendre ses valeurs et l’amener à se réaliser pleinement, comme une culture nouvelle. J’y aurais bien envoyé Maître Geilvta mais… Elle préfère les contrées tropicales, en ce moment.

L’hologramme de Maître Geilvta émit un sifflement goguenard, et il y eut quelques rires, en rapport avec les dernières mésaventures de l’humaine bravache.

- Je propose donc, Chevalier Torr, que vous soyez ce Maître. Si bien sûr, vous l’acceptez.

Il y eut un nouveau silence, sérieux celui-ci.

- A un Chevalier, explicita Maître Don, on n’explique pas ce que devenir Maître suppose. Il y a autant de voies à découvrir dans la Force qu’il y a de Maîtres et de façons de l’être. Vous seul saurez ce que cette nomination vous permettra. Mais pour l’Ordre Jedi, vous compter parmi ses décideurs et ses formateurs aguerris sera un honneur, que j’espère vous accepterez.
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