Emalia Kira
Emalia Kira
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Jakos Torfing, RAF (Responsable Administratif et Financier) de la cour d’Ondéron, s’introduisit dans la salle de réunion avec le silence d’un fantôme. Dossiers sous le bras, il était ces derniers temps devenus plus pâle, et ses cheveux autrefois d’un noir de jais étaient parsemés de fins intrus blancs. Avec la même élégance que d’habitude, cependant, il se courba brièvement devant la souveraine, qui lui indiqua de s’asseoir.

Emalia, elle, ne se faisait pas de cheveux gris pour la situation d’Ondéron. D’abord, parce que déjà que quelques rides apparaissaient, elle avait décidé de prendre des gélules riches en catalase pour lutter contre l’apparition de dépigmentation capillaire. D’autre part, parce qu’une Kira ne se laissait jamais abattre par les problèmes : tomber, cela voulait dire abandonner le rempart qui protégeait son peuple, et il n’en était pas question. Cependant, malgré le sourire qu’elle affichait, elle craignait légèrement la réaction de Torfing lorsqu’elle lui annoncerait de quoi avait été fait son dernier voyage sur Rhinnal. Une magnifique soirée, avec les dépenses qui vont avec mais… sans les résultats escomptés.

- Bonjour Jakos. J’ai fait préparer du thé, servez-vous !

Mieux valait ne pas lui demander si ça allait. Et aller droit au but, d’ailleurs, elle n’avait pas que ça à faire. Mais il fallait ménager le pauvre humain, en ce moment.

- Bonjour, votre Majesté, et merci bien, fit le grand RAF en allumant son datapad, où s’affichaient déjà des courbes qui toutes plongeaient dangereusement vers le fond des graphiques comme des explorateurs d’abîmes océaniques.

Il ne se servit pas de thé, mais ne manqua pas d’examiner avec grand intérêt le bibelot posé au centre de la table. Un cadeau venu d’une contrée rare, il faudrait qu’il fasse expertiser cela aussi. Tout ce qui pouvait faire remonter même de façon minime ses courbes était bon à prendre, mais il n’osa pas s’en ouvrir à la Reine pour le moment.

- Bon, j’ai décidé que nous allions abandonner la piste politique.

Torfing la regarda avec une moue désespérée.

- Non, je vous assure, ça ne mène à rien de bon. Vous aviez raison, finalement, mieux vaut se tourner directement vers des établissements financiers.

Elle avait espéré que ses relations puissent lui obtenir quelque faveur financière mais visiblement, ses alliés n’étaient ni riches ni prêteurs, ce qui n’arrangeaient pas ses affaires. Quant à se faire des nouveaux alliés, autant être réaliste : il n’y avait que le pire des criminels qui aurait accepté un partenariat avec elle. Bien qu’elle eût réellement considéré s’allier avec des hutts, elle n’avait pas tellement envie de les voir se traîner dans son palais, ces grosses limaces dégoûtantes, elle essaierait donc encore, pour le moment, de trouver des sources de financement plus digne.

- Vous m’aviez dit que vous aviez passé des offres en revue ?
- Tout à fait, répondit Torfing d’une voix traînante.

Il agita sa main sur son datapad, et une longue liste à laquelle étaient accolé des pourcentages. Il approcha l’écran d’Emalia pour qu’elle pût mieux y voir. La souveraine se pencha en tirant la langue pour essayer de comprendre.

- Voici l’ensemble des établissements financiers suffisamment importants pour être en mesure de nous prêter… l’astronomique somme dont nous avons besoin. Comme vous le voyez, il y en a un nombre limité.

Certes, mais tout de même, il y en avait vingt-deux. Emalia trouvait que c’était plutôt honorable.

- Les pourcentages qui s’affichent à droite sont les intérêts qu’ils proposent pour racheter notre dette.
- QUOI ?!
- Ahem, oui. Alors…
- LES VOLEURS.
- … cela varie en fonction de la durée d’emprunt bien sûr…
- TRENTE-DEUX POUR CENT ???
- … et des assurances que nous prenons pour accompagner le rachat…
- SI JE CROISE UN REPRÉSENTANT DE LA BANQUE CENTRALE CORELLIENNE, JE LUI FERAI MANGER SES LUNETTES, SA CRAVATE ET SA MALLETTE.
- … ainsi que les différentes garanties que nous pouvons proposer. Autrement dit, ces taux peuvent varier.

Emalia se rejeta en arrière au fond de son fauteuil, la mine sombre. Ces banquiers étaient pires que les requins du Sénat. Ces Hutt n’étaient pas si infréquentables, finalement. Mais elle releva les yeux vers Torfing, ses derniers mots étant tardivement traités par son cerveau.

- Des garanties ? Il faut que nous présentions des garanties ? Mais de quel genre ?
- Hypothèque du palais par exemple.
- Qu’est-ce que ça veut dire ?
- Que si nous n’arrivons pas à rembourser le crédit – vous, ou vos descendants – la banque possèdera le palais.
- HAHAHA, fit-elle froidement. Ils ont beaucoup d’humour, ces banquiers.
- Nous n’avons pas le choix.
- Je veux bien payer des sommes astronomiques rien que pour embêter S’Orn et Keto, mais quand même, je ne vais pas vendre mon palais !
- Techniquement, ce n’est pas une vente. Avec une véritable vente, nous tirerions de cet édifice un bien meilleur revenu, que j’estime à…
- N’Y PENSEZ MEME PAS, JAKOS.

Torfing se tut et tous deux retombèrent dans un morne silence. Les oiseaux chantaient jovialement. Emalia avait envie d’en tuer un, histoire de leur rappeler qu’en tant qu’animaux de la cour, ils étaient censés partager ses émotions et pas lui rire au nez. Mais cela aurait été déraisonnable. En plus, certains d’eux valaient des milliers de crédits à eux seuls. Elle les menaça en pensée d’en vendre un ou deux. Les oiseaux s’en fichèrent et poursuivirent leurs joyeux trilles.

Au bout d’un moment cependant, Emalia se pencha de nouveau sur l’écran et examina les noms des établissements. Elle fronça les sourcils.

- L’offre du CBI propose un taux à 26%. C’est presque une année supplémentaire de paiement, c’est odieux.
- Pas plus que les autres offres.
- Oui, mais le CBI… Quel est le détail de leur offre ?
- Là, c’est une simulation bateau que nous avons fait avec leur service Clientèle de Luxe. Ils nous ont attribué un opérateur attitré et sans frais pour monter notre dossier. Les détails sont à discuter, mais nous pouvons l’appeler, si vous voulez. La personne est pour une durée de dix jours réservée à notre étude. Elle est donc normalement disponible, à toute heure du jour et de la nuit.

Ces muuns, ils savaient y faire.

- Sinon, nous pouvons appeler la KSSB, dont le taux est inférieur. Eux aussi ont…
- Non non, appelez le CBI.

Torfing se leva pour activer le gros holocommunicateur à côté de la table, et composa une série de chiffres, suivi du numéro de dossier qu’il avait ouvert avec l’établissement. Ils attendirent sagement qu'une silhouette apparut, mais pour le moment, ils n'avaient droit qu'à une jolie petite musique d'attente.

Tudu du dutu, tudu du du tuuu... Vous êtes en communication avec le Clan Bancaire Intergalactique. Un opérateur va prendre votre appel. Merci de patienter. Tudu du dutu, tudu du du tuuu...
Voyl Clawback
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Coruscant – Quartier des Finances – Tour du C.B.I  - 105e étage, terrasses des employés – 11 :43am cadran planétaire

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A des milliers de parsecs de la verte Ondéron, sur l’une des larges terrasses ensoleillées du quartier des finances de Coruscant, Sam Stocks, en plein déjeuner entre collègues, entendit la petite mélodie familière de son comlink résonner depuis les tréfonds de sa mallette, coincée sous son siège. La petite table comptait quatre employés bavards et enjoués, en ce midi réchauffé.

" Saaaam, j’crois que tu manques déjà à tes clients, rigola une jeune coruscanti au maquillage outrancier, arrête de t’empiffrer et réponds ! T’es payé pour ça ! fit-elle en essayant d’attraper la fourchette du muun en face d’elle.

-Hm, oui, je sais, fit le concerné avec un air las, alors qu’il tentait de terminer son plat sans tacher sa veste, à tout les coups c’est l’autre vioc d’Ondéron… M’a déjà rappelé hier…

-Ondéron ?

-Oui, l’un des membres du gouvernement a été chargé de trouver un moyen de les sortir du bourbier dans lequel la cour de justice les a balancé… ‘cherche à faire racheter leurs dettes, tu vois l’genre. Ce type a l’air aussi enthousiaste à cette idée que mon à l’idée d’aller ramasser des fientes de rancor chez les Hutt ! Un vrai drôle !

-Le pauvre… ricana la jeune femme, il doit pleurer à l’heure qui l’est ! Sérieux, j’ai lu l’un des derniers rapports du Core Analyst… C’est pas la joie sur Iziz… ! M’enfin, vu ce que ça risque d’être dans quelques années ! Tu m’étonnes qu’ils aient pas la foi !

-T’imagines s’ils doivent faire comme Sestria durant la crise des Banques du Noyau ? Les mecs en étaient à vendre les meubles : j’crois que même des siècles plus tard, personne s’en est remis ! Tellement la loose !

-En même temps, y a quoi à vendre sur Ondéron… ? Des Jedi usagés ? "

L’idée fit hurler de rire.

" Avec leur bure en option ! Et une édition deluxe, avec tous leurs accessoires !

-Mais sérieux, Phil, arrêeeete ! J’vais finir par m’étouffer !

Sam termina sa dernière bouchée et sa main plongea sous sa chaise pour tenter de retrouver l’origine de l’appel avant qu’il ne soit trop tard :

" Il sait ce qu'il cherche au moins, ton client secrétaire machin-chouette ? Parce que vue la tronche de la conjecture avec le procès, il va se roussir les moustaches.

-C’est pas lui le commanditaire, c’est sa patronne : la reine. Emalia Kira. "

Il y eu un sifflement admiratif du collègue en question, alors que les jeunes commerciaux repartaient dans leurs bons mots d’un goût douteux de plus belle. L’humain à sa droite lui asséna un discret coup de coude dans les côtes avec un clin d’œil.

« Ouuuuh, Sam, tu me l'avais caché ? On se fait harceler par une reine ? pouffa-t-il plein de grasse malice, tu devrais porter plainte ! Ne même plus pouvoir manger tranquille ! Pas étonnant que tu sois aussi maigre, ahah !

-Ah-ah-ah, fit l’intéressé en roulant des yeux, quel humour Mike ! Tu devrais faire un one man show, un de ces quatre ! J’achèterai des billets, promis ! ça t’évitera de faire salle vide !

-Allez, y a pire, hein ? Avoue ! Perso j’ai vu les holojournaux sur le bal de Rhinnal… Pas maaaal l’ex-Chancelière ! Une robe digne d’un holoshow géant des Yell Sisters ! Et une taille, mon cher ! "

Il dessina un huit avec ses mains, grivois. La petite tablée s’esclaffa de plus belle. De son côté, le commercial fouilla son attaché-case pour y dégotter le précieux holocom.

" Bah, ferme-la un peu, tu veux ? souffla le muun en réajustant son costume, je me mettrai à reluquer les filles des holojournaux quand j’aurais que ça à faire !

-Bwahahah, et mes fesses c’est du bantha ! Allez, bonne chance p’tit veinard ! Tu me raconteras ça ce soir ! "

Une fois en possession de son appareil, Sam Stocks quitta précipitamment ses collègues en les laissant payer l’addition : c’était bien la moindre des choses pour supporter leurs blagues douteuses ! Il s’éloigna jusqu’à gagner précipitamment l'intérieur de la tour. Un dernier lissage de cravate effectué, il activa l’holocom et accepta l’appel entrant. Sa longue expérience de VRP du Noyau lui permit d’enfiler son sourire impeccable de commercial en l’espace d’une seconde, et rien de sa précédente exaspération ne transpira lorsqu’il salua chaleureusement les deux silhouettes holographiques qui apparurent devant ses yeux.

Il salua selon un protocole immuable, récitant avec une aisance enfantine les mêmes mots qu’il prononçait depuis plus de dix ans à chaque nouvel appel :

" Bonjour, Sam Stocks, pour le service clientèle du Clan Bancaire Intergalactique, à votre service ! En quoi puis-je vous être utile ? "

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Muunilinst – Harnaidan – Grande Avenue des Bénéfices – 6 :34pm cadran planétaire

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Bien plus loin encore dans la galaxie, sous un ciel gris et froid, la silhouette noire et longiligne de Clawback remontait rapidement l'avenue, ses chaussures crissant doucement dans la neige qui recouvraient les trottoirs du centre-ville.

" … Et le sujet est revenu sur le tapis, encore une fois. C’est à croire qu’ils sont incapables de changer de disque. Comme si toutes les discussions précédentes n’avaient servi à rien.

-Cela vous étonne-t-il ? Dix ans qu’ils ne savent que recycler des arguments fallacieux. Rien de concret, c’est affligeant. "

Voyl Clawback marchait dans les rues enneigées d’Harnaidan, son comlink à la main, tandis que l’hologramme de Shrithek Fey’lya flottait négligemment au-dessus du petit appareil.

" Je nourrissais quelques espoirs, oui, je vous l’avoue… Etais-je naïf ? Je pense qu’à ce stade, je me suis davantage fié au fait qu’ils allaient sérieusement devoir évoluer sur leurs positions avec la redistribution des cartes politiques. Simple question de logique, du moins de mon point de vue.

-Votre point de vue est celui d’un organisateur et d’un syndicaliste, Feyl’ya. Je ne peux pas vous en blâmer : chacun son rôle. Mais j’aime autant vous dire que d’un point de vue strictement financier, aucune de leur transaction à ce jour n’a jamais démontré la moindre initiative en ce sens ! C’est la triste réalité des chiffres, voyez-vous : ils ne peuvent pas mentir. Contrairement aux êtres conscients.

-Pas si on ne les trafique pas ! Ce n’est pas à vous que je vais apprendre que c’est devenu un sport galactique, depuis quelques décennies ! les précédents gouvernements l’ont appris à leur dépend, et même leurs efforts pour éradiquer la corruption ont échoué.

-Éradiquer la corruption est impossible, conclut le muun avec un air fataliste, autant demander à un Hutt de vivre chichement ! Certaines espèces ont la malhonnêteté dans les gènes.

-On pourrait vous traiter de xénoraciste, avec un tel raisonnement, Clawback !

-Sans nul doute. Ce n’est pas comme si les muuns n’en étaient pas parmi les victimes les plus récurrentes…

-Oh, les bothan pourraient s’en réclamer aussi, croyez moi. Certaines langues de vipère, ici et ailleurs… Mais enfin, des mots, des mots ! Notre réussite prouve qu’ils peuvent toujours parler ! Rien ne remplace les actes. "

Le regard de Voyl se fit acéré. Il sourit à son interlocuteur sans rien ajouter. Il ne pouvait qu’approuver ce dernier point, c’était certain. Agir : c’était son domaine. Là où la plupart des acteurs du FLR se devaient d’occuper les holoécrans pour faire gagner voix et soutiens, lui, en coulisse, avait dû tenir le gouvernail financier et logistique du parti pour lui éviter d’entrer systématiquement en collision avec les ambitions démesurées des uns et des autres. Et, en réalité, après leur victoire aux élections, la bataille ne faisait que commencer. Tout n’était pas d’obtenir le pouvoir, mais bien de le garder.

Une note de musique jaillit du comlink, guillerette : sur le coin de l’écran, Clawback avisa un second appel entrant. "Shiney". D’un geste, il coupa Fey’lya dans son élan :

" Je dois vous laisser, j’ai un double appel.

-Très bien : nous en reparlerons à la prochaine réunion. Vous y serez en holo j’imagine ?

-Sans doute, oui. Je n’ai plus de déplacements prévus tant que nous n’aurons pas terminé les nouveaux plans d’investissement. Autant vous dire, pas avant plusieurs mois.

-Ahah, alors bon courage vieille baderne, et mes amitiés à votre dame !

-Je n’y manquerais pas. Bonne soirée à vous. "

Il coupa la communication alors qu’il parvenait à l’angle d’une rue qu’il connaissait bien. Cela devait faire plus de dix ans qu’il n’y avait plus mis les pieds : toutes ces années, c’était le quartier Fobosi, qu’il avait arpenté aux mêmes heures de l’aube et du crépuscule. Désormais, son Harnaidan natale lui parut presque anachronique. Les façades de marbre, les devantures rutilantes des boutiques, tout semblait éternel, figé dans le temps. Tel était l’idéal des muuns, magnifique et glaçant tout à la fois. En quittant la grande artère, le vieux muun resserra son manteau contre lui, le vent d’hiver le maltraitant d’autant plus en s’engouffrant entre les hauts immeubles.

" Bonsoir, Shiney.

- Navrée de vous déranger, Voyl, mais Lyn attendait impatiemment votre appel… Je me demandais si vous n'auriez pas cinq minutes pour lui parler. "

Clawback fronça les arcades. Comment avait-il pu oublier ça ? Lui, oublier un appel… L’idée le choqua. Mais il devait se rendre à l’évidence : il se souvenait pourtant bien avoir fait cette promesse, dérisoire, à sa fille, quelques jours auparavant. Il n’avait pourtant pas rappelé.

" Est-elle déjà rentrée ? interrogea-t-il pour anticiper une conversation désagréable,

-A l’instant même, fit son épouse avec un mouvement de la tête, elle vient de recevoir ses premières notes d’examen d’entrée ! Je pense qu’elle souhaitera vous les présenter elle-même.

-Avec grand plaisir. "

Et pour une fois, il le pensait. Clawback, incorrigible carriériste et vieux célibataire dans l’âme, ne s’était jamais réellement fait à l’idée d’être marié et père de famille. Si bien qu’encore aujourd’hui, sa « famille » restait un accessoire, une chose qu’il ne parvenait à considérer qu’après tout le reste. Et tout le reste prenait désormais une place absolument colossale dans sa vie de : la gestion d’un appareil corporatiste à l’inertie proportionnelle à sa taille, la gestion de ses affaires personnelles, l’exploration de nouvelles opportunités, l’entretien d'un réseau de contacts chronophage, les rendez-vous avec les clients importants, les réunions interminables sur des sujets de plus en plus graves, un parti politique de plus en plus important à financer... Dans tout ceci, Lyn et Shiney avait rapidement disparue dans un brouillard lointain. Plus tard, lorsque j'aurais le temps... Mais Voyl Clawback n'avait jamais le temps.

Sa réflexion s’interrompit lorsque l’hologramme de Shiney laissa place à celui d’une minuscule silhouette vêtue d’un ensemble élégant, et terriblement austère pour ses six jeunes années.

" Bonsoir père !

-Bonsoir Lyn, répondit Voyl avec l’esquisse d’un sourire, je tenais à m’excuser de ne pas avoir rappelé comme convenu.

-Ce n’est pas grave, dit la petite voix fluette, mère dit que vous avez beaucoup de travail.

-C’est vrai, mais cela ne justifie pas cette négligence. Ta mère m’a dit que vous aviez reçu vos premiers résultats ? fit-il en essayant d’y mettre toute la bonne humeur dont il était capable,

-Oui ! fit la petite muun avec une mine ravie, j’ai eu un A++ en application des mathématiques pluriscalaires !

-Excellent ! Finalement, ton précepteur n’était pas aussi mauvais que ne le prétendait ta mère…

-Mais je n’ai eu que A+ en gestion administrative. "

La nouvelle avait l’air de l’atterrer. Aux yeux du monde extérieur, les exigences des oligarques muuns envers leurs progéniture pouvaient aisément passer pour de la torture. Pour Clawback, qui avait lui-même passé ses plus jeunes années dans ce système implacable, c’était le seul moyen d’assurer à Lyn une sécurité au sein même de sa classe sociale. Un muun inapte était un muun mort, car là où d’autres espèces avaient leurs griffes et leurs muscles pour se défendre, les muuns n’avaient que leur prudence et leur intelligence pour survivre dans une galaxie sans merci. Ainsi, les jeunes héritiers des grandes fortunes muuns étaient placés sur les bancs de leurs écoles dès qu'ils étaient en âge de savoir lire et écrire, soit bien plus tôt que la moyenne des enfants des espèces proche-humaines. Dès lors, c'était une course sans fin à qui aurait les meilleures notes et les meilleures places dans tout ce que la galaxie comptait d'académies prestigieuses. Une vie qui ne brillait, en fin de compte, que par l'absence de vie qui y la composait.

" Alors tu sais sur quoi concentrer tes efforts dans les mois à venir. Je m’assurerai personnellement que tes professeurs prennent en compte tes besoins en détail. Tu feras mieux au prochain test, je te fais confiance. "

Lyn hocha la tête avec gravité. Du haut de ses six ans, la petite muun paraissait en avoir le double. Voyl eut l’incroyable impression de se revoir, des années – des siècles ? – en arrière. Timidement, la petite voix demanda alors, sans trop oser y croire :

" Père ? Est-ce que vous m’emmènerez quand même sur Coruscant après la fin de l’année, comme on l’avait dit ? "

Sans qu’il ne sache vraiment pourquoi, Voyl se sentit brusquement mal à l’aise. Il ne pouvait pas mentir à sa propre fille, alors qu’il avait déjà du mal à le faire avec de parfaits inconnus… Mais en réalité, les projets qu’il avait pu faire devraient attendre. Le CBI lui, n’attendrait pas qu’il ait terminé un voyage en famille pour réclamer des heures de travail.

" Je suis désolé, Lyn, mais nous risquons de devoir reporter ce voyage à l’année prochaine. Je ne peux pas quitter Harnaidan pour l’instant. Mais ce n’est que partie remise : dès que la possibilité m’en sera laissé, nous irons à Coruscant. "

Les yeux mauves de Lyn s’animèrent d’un espoir fou.

" Oh ouiiii ! Merci père ! "

Elle sortir précipitamment du champ du comlink, et Voyl l’entendit pépiller de loin "On va aller à Coruscant ! On va aller à Coruscant !" avec un enthousiasme qu’il n’avait plus l’habitude de côtoyer.

Morose, Voyl éteignit le comlink. Il vérifia l’heure : il ne lui restait guère plus qu’une demi-heure avant sa prochaine réunion. Le muun calcula qu’il avait le temps pour un léger crochet. Il se dirigea à grandes enjambées vers l’une des plus vieilles boutiques du quartier, dans laquelle il n’avait plus mis les pieds depuis une éternité. Seule sa mère, Nia Clawback, y venait encore régulièrement. Elle et sa lignée, les sulfureux Tonith, y avaient leurs petites habitudes depuis des siècles… Lorsque Clawback passa les battants de transparacier, il fut pris d’une étrange nostalgie. Malgré les changements apportés aux arrangements, l’intérieur de la boutique lui semblait presque identique. La vendeuse, elle aussi, malgré les ans, lui sauta dessus avec la même avidité qu’à l’époque… Avec une dose supplémentaire de miel cependant, qui ne devait pas être étrangère à son nouveau poste.

" Monsieur le Directeur Adjoint ! couina la muun avec une joie radieuse, c’est un honneur de vous accueillir dans notre modeste boutique ! Je suis ravie de voir que vous ne nous avez pas oublié ! "

Modeste boutique, pensa Voyl, de plus de cinq-cents mètres carrés en plein cœur de l’un des centres villes les plus cher de la galaxie après Coruscant… Il sourit, son air sinistre habituel accentué par le froid qu’il venait de fréquenter durant un bon quart d’heure.

" Merci de votre accueil, Miss Goodrate. Difficile d’oublier des références comme les vôtres.

-Mais je vous en prie ! Puis-je faire quoi que ce soit pour vous aider ? Nous venons de recevoir notre dernière collection, déjà primée à la Fashion Year Interstellaire ! Tout ce qui se fait de plus tendance ! "

Si Clawback s’était toujours satisfait de sa place d’homme de l’ombre dans les sphères du pouvoir galactique, il n’en était plus de même au sein du microcosme fermé de Muunilinst, où son nom était connu jusque dans les officines des agences de nettoyage. Une célébrité dont il se serait très volontiers passé.

" Je recherche quelque chose de précis, fit le muun en observant les différents échantillons de tissus exposés avec savante recherche sur les mannequins.

-Oh, parfait ! C’est pour vous ? Pour votre femme, peut-être ? fit la muun avec un regard complice sous son rimmel d’ébène. "

Ses griffes manucurées aurait pu l’écorcher vif si elle l’avait voulu. L’image fit grincer mentalement le vieux banquier, qui n’y voyait là qu’une projection personnelle de ses propres idées concernant les femmes. Goodrate était comme la plupart des femmes muuns : absolument charmante et serviable lorsque l’on abondait dans leur sens. D’authentiques scorpions sans pitié dès qu’on s’opposait à leurs combines. En l’occurrence, il savait qu’elle lui cirerait les chaussures toute la soirée s’il la laissait faire, dans le seul but de le faire repartir avec la moitié de la boutique. Du commerce à l’ancienne.

" Non, fit Voyl après une hésitation visible, c’est pour ma fille. "

Hrp:
Emalia Kira
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Tudu du dutu, tudu du du tuuu... Vous êtes en communication avec le Clan Bancaire Intergalactique. Un opérateur va prendre votre appel. Merci de patienter. Tudu du dutu, tudu du du tuuu...

- Une personne réservée à toute heure du jour et de la nuit, mmh ? grogna Emalia, qui se renfrognait à chaque fois que la petite voix répétait la présentation du CBI.

Cela faisait près d’un quart d’heure, maintenant, qu’ils patientaient. Torfing transpirait à grosses gouttes.

- Je vous assure, je l’ai eu hier au téléphone, alors il n’est pas impossible que le décalage horaire ne joue pas en…

Soudain, la musique s’interrompit. Un visage écrasé typique de Muunilist s’afficha dans l’holocommunicateur, affublé d’un sourire professionnel de vendeur de dentifrice.

- Bonjour, Sam Stocks, pour le service clientèle du Clan Bancaire Intergalactique, à votre service ! En quoi puis-je vous être utile ?
- Pas trop tôt, marmonna Emalia dans sa barbe – qu’elle n’avait pas, ses séances régulières de peeling gardant sa peau intacte de tout duvet inconvenant.
- Monsieur Stocks, bonjour, bondit Torfing sur sa chaise, soulagé de voir enfin apparaître son interlocuteur. Monsieur Stocks, je Jakos Torfing, responsable administratif et financier de la Cour d’Ondéron, nous nous sommes parlés hier, rappela-t-il comme si l’individu en question avait pu oublier. Et voici Sa Majesté la Souveraine d’Ondéron, Emalia Kira.

Emalia dévoila froidement à Sam Stocks des dents de charognard, mais resta silencieuse. Elle n’échangeait pas directement avec du petit personnel – sauf le sien ou si elle n’avait pas le choix, bien entendu – elle laisserait donc Jakos faire la conversation. De toute façon, elle n’avait pas les compétences techniques.

- Comme je ne vous l’ai pas caché hier, monsieur Stocks, nous avons consulté un grand nombre d’établissements concurrents aux vôtres afin de réaliser des simulations et rechercher les plus avantageuses. Votre proposition s’élève à 26%. Une offre similaire nous est faite par le KSSB à un taux bien inférieur de 24,2%. Nous ne voyons pas en quoi…

Emalia baissa les yeux sur ses ongles, qu’elle étudia longuement. Stocks et Torfing échangeaient sur des détails techniques qui lui échappaient totalement : on parlait d’amortissement, d’assurance-crédit, de tiers détenteurs potentiels, de contrat de réservation ou d’exclusivité, d’organismes tiers de caution, de clauses abusives, de lissage et de paliers, si bien qu’Emalia était complètement déconnectée de la conversation en deux minutes. Ou comment transformer une Reine en potiche. Elle s’en voulut d’avoir assisté à la conversation, qui visiblement n’aboutissait à rien. Il ne fallait pas avoir fait un doctorat en prêts bancaires pour comprendre que la mine désolée du Muun voulait dire qu’il n’avait guère les moyens de baisser le taux proposé en-deçà de 25%.

- … fiers de vous compter parmi nos clients, disait Stocks comme s’il récitait une vieille comptine qui le rendait nostalgique. Malheureusement, à l’heure actuelle le marché n’est pas des plus faciles et notre pouvoir est très limité…
- Dites plutôt que vous êtes bien trop bas dans la hiérarchie du CBI pour nous proposer quoique ce soit, intervint brusquement Emalia en redressant la tête.

Pour une fois, Stocks ne parut pas savoir quoi répondre tout de suite. Torfing eut un sourire d’excuse à l’attention du muun, mais déjà Emalia enchaînait.

- Ecoutez monsieur Stocks, je connais des gens très haut placés dans la hiérarchie du Clan Bancaire Intergalactique, et je suis outrée du peu de considération qui m’est fait. Je ne manquerai pas d’activer mes contacts pour le leur faire remarquer. Comment vous appelez-vous, déjà ?
- Heu… Sam Stocks, fit le muun qui n’eut pas le temps de s’étonner de la question alors qu’Emalia venait toujours de l’appeler par son nom un instant plus tôt.
- SAM STOCKS, c’est bien noté monsieur, vous allez entendre parler de moi, c’est moi qui vous le dis ! Je connais monsieur Clawback en personne et plein d’autres de ses amis !
- Mais, madame…
- On dit « votre Majesté ».
- Mais, votre Majesté, reprit Stocks, je vous assure que c’est avec…
- Quinze pourcent, ou j’appelle tout de suite mes contacts, trancha sèchement Emalia.

Stocks parut s’étouffer. Torfing lui-même plongea le nez dans son verre d’eau.

- Quinze pourcent, mais c’est surréaliste ! s’indigna Stocks. Sur une somme pareille ! Enfin, je veux dire, votre Majesté, je veux bien négocier jusqu’à 23%, je n’ai pas le droit d’aller en dessous de ce seuil, alors, 15 ! Vous ne vous rendez pas compte !
- Dans ce cas, vous ne m’êtes d’aucune utilité, monsieur Stocks. Appelez-moi votre responsable !

Torfing était si embarrassé qu’il disparaissait derrière son datapad. Il était persuadé qu’Emalia venait de casser leur premier projet de rachat de dette. Et lui qui s’était cru pour toujours couvert de tout problème en travaillant pour une Cour Royale richissime… Et il lui restait encore quinze ans avant la retraite. Il était fichu.

- … allons trouver un terrain d’entente. Je suis sûr que la concurrence ne pourra pas vous proposer mieux. Ecoutez, voilà ce que je vous propose, vous contactez nos concurrents, et en fonction de leur offre, si vous en trouvez des inférieures à 23%, je voudrai bien rediscuter avec vous de ce…
- VOUS VOUDREZ BIEN ??

Emalia avait bondi de son fauteuil, le visage rouge. Torfing se ratatina plus encore dans le sien. La souveraine pointait un doigt accusateur sur la silhouette holographique. Les cris effrayèrent des oiseaux qui s'envolèrent dans le jardin du palais.

- VOUS VOUDREZ BIEN ??? VOUS VOUS MOQUEZ DE MOI MONSIEUR SAM STOCKS !! DEPUIS QUAND DES PETITS EMPLOYES DE PACOTILLE ME DONNENT-ILS L’AUTORISATION DE PRENDRE CONTACT AVEC EUX ??? JE VEUX PARLER A UN RESPONSABLE IM-ME-DI-A-TE-MENT !!

Il fallut plusieurs minutes avant que la Reine ne se calmât. Stocks essaya de s’excuser, de formuler autrement sa proposition, mais la Reine ne voulait rien entendre. Elle ne se tût que lorsque Stocks disparut de l’holocommunicateur. Alors, elle se rassit sagement et se remit à contempler ses ongles. Torfing déglutit avant d’oser placer une excuse à son tour.

- Hum, votre Majesté, je suis navré, les muuns ne sont certainement pas coutumier du comportement à adopter devant une souveraine, encore moins…
- Oh, je sais bien, dit-elle paisiblement, comme si rien ne s’était passé. [/color]

Torfing resta un moment surpris du brusquement changement d’attitude de la souveraine. Une nouvelle silhouette apparut sous leurs yeux. Un autre muun, l’air beaucoup plus austère – si c’était possible – et plus grand. Les deux ondéroniens se penchèrent en avant pour l’observer.

- Votre Majesté, c’est un tel honneur d’être en contact avec vous. Nous nous excusons de l’impair commis par notre employé. Votre offre va être confié à un nouveau collaborateur, s’il y a la moindre chose que nous puissions faire pour…
- Tout-à-fait. Je veux que vous informiez Monsieur Voyl Clawback de cet incident. Ainsi, nous serons certainement plus à même de nous entendre avec votre nouveau collaborateur.

Le muun fut surpris, et parut consulter quelqu’un à sa droite. Mais il finit par acquiescer.

- Ce sera fait, votre Majesté. Votre dossier va être repris par monsieur…


Mais Emalia n’écoutait déjà plus. Elle se fichait pas mal qu’un employé de banque lui eût dit de rappeler, au fond, elle voulait juste que l’on sût en haut lieu et rapidement que des tractations entre elle et le CBI étaient possibles, sans avoir à elle-même devoir faire le geste humiliant de demander à Voyl Clawback de lui venir en aide. Elle se félicita d’avoir été si bonne comédienne.
Voyl Clawback
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Coruscant – Quartier des Finances – Tour du C.B.I - 105e étage – 12 :16 am cadran planétaire

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Sam Stocks restait assis sur l’un des bancs que comptait, statufié ici depuis de longues minutes. Il n’en revenait toujours pas.

" Eh beh, t’en fais une tête ! brailla une voix goguenarde dans son dos, alors, cet entretien ? Hm… ?

-Tu ferais la même dans un cas pareil, répondit Stocks, sinistre,

-Ah ? Vas-y, crache le morceau ! C’est quoi le scoop ? "

Mike Beley s’écroula, plus qu’il ne s’assit, sur le siège à côté de Stocks. Ses yeux détaillaient son collègue alien avec un éclat rieur. Éclat qui s’effaça petit à petit, à la vue du spectacle désolant que donnait Sam, avachi et défait.

" Que la Reine d’Ondéron est une vieille pie mal défraichie à qui personne ne prêtera un tesson de bouteille ! cracha le muun, furieux, en visant la poubelle la plus proche pour y balancer le dernier contenant d’une boisson beaucoup trop énergisante pour son état de frustration actuel. Qu’elle aille se faire voir cette pièce montée ambulante, elle et ses jérémiades d’enfant gâtée pourrie… ! "

L’humain marqua un temps de pur étonnement : jamais il n’avait vu le muun dans un tel état d’énervement. En réalité, voir un muun s’énerver ouvertement était une première pour lui. D’ordinaire, leurs expressions se limitaient au strict nécessaire à la communication interpersonnelle. Fallait-il donc que la reine d’Ondéron ait appuyé sur une plaie ouverte pour faire réagir un type pareil de la sorte ! Mike dégaina discrètement de sa poche un quatre heure, qu'il conservait pour les moments de mou.

" Ah. Laisse-moi deviner : ça s’est mal passé ?

-Mal passé ?! Tu parles ! Son conseiller avait tout préparé, on était presque arrivé à un accord ! gesticula Stocks en se levant d’un bond, mais cette cinglée a tout jeté d’un revers de manche ! On aurait dit le caprice d’une gamine de douze ans ! J’ai rien compris ! C’est n’importe quoi, ces têtes couronnées, ils pigent rien au fonctionnement de la galaxie !

-Si toi t’as rien compris, alors c’est p’tet qu’il y avait rien à comprendre ? souleva l’humain en croquant amoureusement dans sa tablette de chocolat,

-Je l’avais, ce contrat, bordel… J’avais presque un sans faute depuis plus de trois ans et cette harpie vient me bousiller mon palmarès pour une crise de nerfs ! Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?!

-Sûr que c’est n’importe quoi… Mais là, tout de suite, tu devrais surtout te rassoir et te calmer, mon vieux ! "

Stocks planta ses poings sur ses hanches maigres et expira bruyamment, les yeux fermés. Un carré de chocolat disparut entre les mâchoires entrainées du petit humain :

" Mmh. Et maintenant ? Ondéron va devoir aller pleurer misère chez les Hutt ?

-J’en sais rien, et j’en ai plus rien à foutre : on m’a retiré le dossier. "

Stocks finit par se rassoir, les coudes sur les genoux et la tête entre les mains. Il tentait de reprendre contenance, de se débarrasser de cette sale impression d’avoir été trahi sans savoir pourquoi, mais la technique lui manquait.

" Ah ouais, quand même, Lâcha Max avec une mine perplexe, mais, euh… C’est quoi la suite alors ? Ils abandonnent, ou c’est repris ? C’est quand même super chelou, ton affaire ?

-Deal a dit qu’elle voulait faire " remonter l’incident ". Mais quel incident ?! Il a annoncé qu’il devait présenter ça à Clawback ! Non mais t’imagine, ils vont aller sonner à la direction pour ça ? C’est du délire, je te dis !

- Clawback ? Quoi, Voyl Clawback ? "

Mike s’arrêta de mâcher, les yeux ronds de surprise.

" Mais il est plus ici, Clawback ! rigola-t-il, Ils sont pas au courant que la direction l’a muté ? Le vieux corbeau des Coms’ est rentré sur Muunilinst, maintenant. Entre nous, je sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose…

-Je me fiche de savoir si Kira le sait : si elle a donné son nom, c’est qu’elle le connaît, et ça, ça sent mauvais. Il est hors de question que je me retrouve à expliquer un incident inexistant à la direction, sérieux ! Qu’est-ce que je vais leur dire ?! Y a rien à dire ! "

Derrière les immenses baies vitrées de la tour du C.B.I., le soleil brillait toujours avec la même insolance, indifférent à leurs petits malheurs de simple mortels. Pour un peu, Sam aurait souhaité qu'il s'éteigne, histoire d'avoir enfin une raison de prétendre à une authentique "journée de merde".

" Je suis dans le pétrin.

-Mais non, vieux ! T’as rien fait, qu’est-ce que tu veux qu’il t’arrive ?

-Aucune idée, mais je n’ai pas envie de le savoir ! "


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Coruscant – Quartier des Finances – Tour du C.B.I - 210e étage – 1 :52 pm cadran planétaire

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" Vous n’allez tout de même pas aller sonner à la porte de la Direction pour une affaire de… de quoi, je n’ai même pas compris votre problème ! Nous ne travaillons pas de cette manière.

-Écoutez : vous savez comment sont les têtes couronnées de nos jours. Nous nous devons de faire notre possible pour contenter notre clientèle, alors faisons-le ! Connaissant Clawback, l’affaire ne trainera guère : au mieux, il comprendra de quoi il retourne… "

Le manager soupira lourdement en se massant la tempe :

"... Au pire, il nous dira poliment d’aller nous faire voir avec nos banthaneries, et dans tous les cas, nous aurons fait notre travail. "

A des millions de parsecs, de l'autre côté de l'holocommunicateur, une longue minute de perplexité laissa Hudson dans une douloureuse expectative. Il n'aimait pas cet exercice. Qui aimait cela ?

" Très bien, votre missive sera transmise d'ici deux jours. Mais j'aime autant vous prévenir : monsieur Clawback est très peu disponible ces temps-ci. Vous n'êtes pas sans savoir que les budgets prévisionnels pour l'année à venir sont au vote ? Je ne peux pas garantir que votre requête aboutisse rapidement...

-Faites votre possible. Qu'Ondéron ait à attendre n'est hélas pas de mon ressort. "

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Muunilinst – Harnaidan – Quartier Général du C.B.I – 6 :21 pm cadran planétaire

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" Rapporteur, veuillez nous lire la conclusion de nos travaux, afin que ces messieurs puissent en prendre acte dès à présent. "

Cinq heures durant, le Conseil d’Administration du Clan Bancaire Intergalactique avait passé en revue rapports d’activité, bilans comptables, projections budgétaires et tableaux logistiques, compte rendu de brainstorming divers et retours d’expérience de dizaines de services différents. Une montagne d’information avaient été passée au crible, pesée et décortiquée avec une minutie dont seuls les muuns avaient le secret. Le seul greffier humain présent dans la salle avait bravement dépassé les deux heures trente d’attention en continu, avant de s’endormir silencieusement sur son siège pour le restant de la journée. Non pas que les sujets fussent inintéressants, surtout pour les acteurs présents. Mais la forme n'était guère adaptée à d'autres esprits que ceux des calculateurs maniaques qui trônaient autour de l'immense table rectangulaire au centre de l’amphithéâtre.

Voyl, silencieux comme une tombe, regardait le rapporteur du département des Collectes dérouler son interminable laïus – le troisième depuis le début de la réunion le matin même – les mains jointes devant lui sur la surface glaciale de la table. On aurait presque pu le croire fait de marbre, seuls ses pupilles noires aux iris allant et venant au gré des gestes du muun gris et effacé qui leur résumait le fruit de leur précédent travail avec une rigueur des plus appréciables. le vieux banquier faisait sans doute partie des exceptions de la galaxie pour qui ce genre d'exercice n'était pas rébarbatif. Seule l'attente de la mise à exécution de leurs décisions pouvaient encore lui déplaire.

Somme toute, le vieux banquier était satisfait : la plupart, dont celles qu'il destinait à son bon vieux département des Communications, des avaient été votées. A l'exception de trois d'entre elles, auxquelles s'était opposé - et il n'avait bien sûr pas manqué de le noter - Goldfield lui-même, arguant qu'elles engendreraient des dépenses superflues. Voyl s'était renfrogné à ce seul terme, offensé, bien qu'il n'en montra strictement rien. Montrer ses sentiments était un signe de faiblesse, ici bien plus encore qu'ailleurs sur Muunilinst. Mais les dissensions entre le Président Directeur Général et son adjoint n'étaient plus un secret pour personne, autour de la table, et les trois autres figures du conseil comprirent rapidement qu'il convenait de ne pas revenir sur la question.

Le long protocole immuable de leurs signatures terminé, Eser Goldfield mit fin à la séance, et tous les partis présents s’égaillèrent dans le hall colossal du Quartier Général. En embuscade depuis plus d’une demi-heure devant les battants de la grande porte, Mad Hudson, du département des Communications, ne perdit pas une seule seconde pour foncer sur sa cible dès que l’immense silhouette filiforme eut franchi le seuil du grand hall.

" Excusez-moi... Monsieur le Directeur Adjoint ! S'il-vous-plaît, un instant ! Monsieur ? "

Sans daigner ralentir la cadence le moins du monde, Clawback continua son action sans interruption, se contentant de répondre d'une voix sèche à son subordonné, sans daigner le regarder :

" De quoi s'agit-il ? Je suis pressé ! "

Le contraire eut été étonnant. Hudson toussa pour s'éclaircir la voix malgré son essoufflement : encore un peu, et il allait rater la seule occasion d'attirer l'attention de l'éminence grise qui déjà se préoccupait de tout autre chose. Au pas de course, il tenta de se maintenir à sa gauche tout en parlant. Même pour un muun, Clawback était grand, et ses foulées allongées forçaient l'alien à une presque-course des plus désagréables.

" Sa majesté Emalia Kira, rein d’Ondéron, et ex-chanceli…

-Je connais ses titres, Hudson, inutile de me réciter son pédigrée comme une table de trois ! Venez-en au fait, nom d’un crédit ! s’exclama le vieux muun en levant enfin le nez de ses chiffres,

-Eh bien il s’est avéré qu’un " incident " nous a été rapporté par le biais de nos services. Apparemment Madame Kira tenait à vous faire personnellement remarquer que le service qui … lui a été rendu … laissait à désirer. "

Le muun sembla se liquéfier sur la fin de sa phrase, alors que l’immense alien à ses côtés stoppait brusquement sa marche métronome :

" Elle a quoi ?! "

La voix de Voyl avait perdu dix bons degrés en l’espace d’une seconde. Son esprit, occupé auparavant à mener cinq tâches de front, venait de se ré-focaliser entièrement sur son subalterne à la mine atterrée. Il y eut une seconde étrange durant laquelle Hudson crut bon de répéter au mot près ce qui lui avait été rapporté, mais le changement brutal d’attitude du directeur adjoint l’en avait dissuadé tout aussi vite. D’un geste vif qui ne souffrait que l’on tente de s’interposer, la main rapace de Clawback s’empara du bloc de données tenu par son vis-à-vis, et en fit trois lectures consécutives d’un œil sévère.

" En plus d’un siècle, pas une seule plainte de ce genre ne nous est parvenue ! tonna Clawback, dont le masque impassible se fissurait sous le coup de la surprise et de l’indignation, qu’est-ce que ce galimatias inextricable ?!

-En effet monsieur, c’est étrange et… pour tout vous avouer, les employés concernés n’ont pas été bien plus clairs dans leur rapport. C’est assez confus. "

Voyl agita la tête avec agacement :

" Monsieur Hudson, il n’y a aucune place pour la confusion et l’imprécision dans cet établissement ! J’ai très exactement quinze minutes et trente-deux secondes avant mon prochain rendez-vous. Cette histoire doit être éclaircie dans le temps imparti. "

Sur cette déclaration que l’on aurait volontiers prêtée à un droïde, Voyl fit volte-face, les talons de ses chaussures marquant l’impeccable tapis pourpre au passage :

" Dans mon bureau. " ordonna-t-il d’une voix ferme à ceux qui le suivaient.
Hudson ne se fit pas prier.

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Muunilinst – Harnaidan – Quartier Général du C.B.I - Bureau de la direction adjointe – 6 :33 pm cadran planétaire

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" Venez-en au fait. "

Voyl ne comptait plus le nombre de fois où cette phrase devait être prononcée pour que les hors-monde, ou même trop souvent ses propres employés, cesse de se noyer dans un verre d’eau. Pourquoi était-il toujours si difficile d’obtenir les bonnes informations ? Les esprits de la plupart des espèces lui semblaient si inutilement alambiqués et brouillons que sa courte patience n’y résistait plus vraiment, avec le temps.

Quand chaque seconde pouvait coûter des millions, on se devait de les économiser : ce qui était visiblement étranger au trois quart de cette galaxie, peuplée peut-être d’inconscient, de fainéants – ou des deux combinés, allez savoir.

" J’aimerai bien, monsieur, souffla Stocks dont le teint avait viré au crayeux avant même que l’holocommunication ne démarre, mais je n’ai moi-même pas saisi le reproche qui m’est fait !

-Alors remontez le fil de votre souvenir et donnez-nous l’évènement déclencheur de cet évènement. Que voulait Ondéron ?

N'était-il pas lamentable d'en revenir à de tels fondamentaux ? Voyl regrettait déjà d'avoir accepté de traiter cette urgence qui visiblement n'en était pas une. Face au malaise de Stocks, l’intransigeant dirigeant qu'il n'était ne s’émouvait pas le moins du monde. Le VRP ne collait pas à sa vision draconienne de l'attitude d'un commercial de qualité. Prendre en compte l'état de fatigue et de stress de son vis à vis semblait hors de sa portée, et personne dans la pièce n'aurait voulu être à la place peu enviable de la cible qu'il devenait de fait.

" Le... Le fil... Oui, très bien. L'échange avait jusqu'ici été très courtois et au demeurant plutôt positif, au même titre que les précédents. Cette affaire se présentait bien malgré le contexte tendu autour de l'affaire K...

-Bon sang, Stocks, je ne suis pas un client à convaincre avec vos artifices marketing ! le coupa Clawback avec un geste explicite, une exaspération palpable émanant de son faciès sinistre, les faits ! Soyez concis et précis, par le Trésor ! "

L’employé prit une inspiration paniquée, tachant de conserver son masque de calme apparent, alors que toute son attitude démontrait qu’il n’avait qu’une seule envie : disparaître.

"… Un rachat de ses dettes, monsieur. Nous étions presque parvenus à un accord, avec… euh… le responsable financier, je crois ? Un certain M. Torfing. Mais visiblement notre offre ne convenait pas à… »

Un instant, Stocks resta la bouche ouverte, retenant visiblement une parole qu’il aurait sans nul doute regretté pour le reste de son existence.

" … Sa Majesté. "

Voyl se passait pensivement la main sur le menton, l’oreille attentive aux mots de Stocks, mais en pleine prise avec les rouages de ses pensées.

" C’était donc ça. "

Il avait murmuré comme pour lui-même, soudain sujet à une lucidité nouvelle. Un rachat de dettes : pourquoi n'y avait-il donc pas pensé ? Trop accaparé par les problématiques d'administration qui constituaient son quotidien depuis des mois, il avait fini par oublier cette histoire. L'affaire Kira, le procès... et les milliards dus à la République par la planète - qui en dernier lieu, payait pour les actes de sa suzeraine. Il était donc logique qu'un jour ou l'autre, l'ondéronnienne se tourne vers ceux qui pouvaient l'aider à résoudre ce "problème d'ordre financier". Quelle ironie, songea Voyl avec un sourire mental.

" Le taux proposé de 23% était trop élevé. Kir… Sa Majesté exigeait que nous le ramenions à… à 15%. "

Reshord manqua d’avaler de travers. Tous les visages, humains comme muuns marquèrent une stupéfaction incrédule.

" C'est grotesque, enfin ! Ondéron ne trouvera personne dans cette galaxie capable de leur sortir un taux pareil avec leur état financier actuel !

-C'est...C'est ce que j'ai tenté d'expliquer, mais la reine ne voulait rien entendre ! Vous l'auriez vu, monsieur. C'était incompréhensible ! Une vraie furie !

-Cela n'a aucun sens, Stocks. Pourquoi... "

Une lueur anima soudain le regard sombre du vieux banquier. Comme au ralenti, sa main quitta son visage et s’ouvrit devant lui, témoin muette d’une compréhension nouvelle. Et, contre toute attente, au beau milieu du silence perplexe de la petite assemblée, Clawback explosa de rire. Un rire étrange, totalement décalé et qui n'avait rien d'agréable à entendre.

Une seconde, les employés de la banque échangèrent des regards, oscillant entre sidération et peur inexpliquée. Stocks, lui, n'existait plus.

Mais le directeur adjoint avait visiblement du mal à contenir son hilarité incompréhensible. Le menton rentré dans la poitrine, Voyl était encore agité des soubresauts de son rire presque vingt secondes plus tard, un délai qui parut interminable à Stocks. Lorsqu’il releva le nez vers son employé, un rictus infâme étirait encore ses lèvres pâles. C’était parfaitement ridicule. Kira. Stocks. Cette situation, ce taux, ce rapport d’incident… Tout était - définitivement, pleinement, totalement - ridicule… Et pourtant. Ce n’était qu’une vulgaire mise en scène. Un artifice à l'usage des politiciens qui pianotaient sur vos nerfs comme des virtuoses. Qu'elle qu'est été son but final, la reine d'Ondéron avait manipulé le muun pour user d'un sentiment de culpabilité sorti de nulle part sur lui. Un sentiment. Encore et toujours cette illogisme, cette faille dans la cuirasse par ailleurs inébranlable d'un négociateur de haut niveau.

" Mon cher, vous vous êtes fait avoir de la plus belle des façons. Mais ce n’est pas de votre faute : les reines ne sont pas des hommes politiques comme les autres – ni des clients comme les autres, sans doute ! Vous venez de le découvrir à vos dépends. C'est une leçon qu'il convient d'apprendre rapidement, si vous souhaitez sortir de Coruscant et travailler à l'intergalactique ! "

La vision de l’Étoile du Soir dans sa robe lui revint à l’esprit. A bien des égards, le Star Home avait été un épisode éreintant et douloureux, même pour le négociant expérimenté qu’il était alors. Avec le recul, Voyl comprenait à quel point la hapan lui avait appris, à lui qui pensait n’avoir plus rien à apprendre. Encore aujourd’hui, son regard s’affinait, décelait de mieux en mieux les silhouettes translucides des ficelles des uns et des autres.

Quelques années en arrière, Clawback aurait sans doute renvoyé Stocks pour s'être fait avoir de la sorte. Aujourd'hui, il se contenta de le regarder avec une intensité nouvelle, un regard froid et calculateur qui tentait de jauger ce que, par le crédit, il allait bien pouvoir enseigner à un tel garçon... Ou, en l’occurrence, lui demander en échange d'une clémence qu'il ne méritait peut-être pas.

" Je... Je ne vous suis pas très bien, monsieur ?

-Aucune importance. "

Et cela n'en avait en effet aucune : il n'avait servi que de messager. Bien malgré lui, mais au final, la fin de l'affaire ne le regardait plus.

" Confiez le dossier à un commercial ayant déjà l’habitude de traiter avec des nobles, appuya Clawback avec un regard appuyé à l’intéressé, et si vous n’avez personne de disponible immédiatement, confiez la mission à l’un de nos représentants officiels. Uniquement du personnel qualifié pour traiter avec ce type de clientèle.

-Bien sûr monsieur. Je m'en charge d'ici ce soir. "

Hudson prit note, encore perplexe de la scène à laquelle il avait assisté. Il n'était pas certain d'avoir tout compris. Mais entre repartir avec une interrogation, et risquer le blâme pour avoir mis son nez là où il ne fallait pas... son choix fut vite fait. Le muun garda donc ses réflexions pour lui.

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Ils étaient de nouveau seuls, dans l'immense bureau qui surplombait la ville. Reshord referma la porte derrière eux, et, sans attendre que son supérieur n’ait terminé de s’asseoir, vint se planter devant le bureau avec un air inquiet :

" Monsieur… Je… je dois vous avouer que votre réaction, tout à l’heure, m’a quelque peu… ?

-Surpris ? C’est compréhensible. Les raisons de rire de nos jours se font rares. "

Comme pour donner corps à son propre discours, Voyl avait retrouvé sa discrétion et son air sinistre aussi éternels que les murs de marbre de leur bâtisse. Toute trace de son hilarité précédente avait disparue, comme si Hex avait pu seulement les rêver. Il garda pour lui son inquiétude, se contentant de prendre place sur le siège qu'il occupait souvent, face à Clawback, de l'autre côté du bureau.

" J’imagine que ceci ne me regarde pas, mais…fit le secrétaire en cherchant visiblement les mots en basic qui traduisaient le mieux sa pensée,

-Non, en effet, mais, de vous à moi : vous comprendrez. "

Reshord n'était plus, et de loin, un débutant en matière de relations complexes qu'impliquaient régulièrement un statut social élevé. Cependant, en tant que muun de classe moyenne, il n'avait reçu aucune éducation en ce sens, et le peu qu'il en savait, il le devait à son expérience aux côtés de Clawback. Cela, Voyl le savait parfaitement. Si son propre agenda n'avait aucun secret pour son indéboulonnable secrétaire, le lien fonctionnait aussi en sens inverse : les manies et pensées de Reshord n'avait guère de mystères pour lui.

" Pas tout de suite, mais je gage que cela ne tardera pas. "

Une brève réflexion plus tard, il leva l'index pour noter :

" Ah, j’oubliais : dès que vous aurez terminé le rapport de la dernière réunion du Conseil, rédigez-moi un message à destination de Sa Majesté Kira, en ce qui concerne la plainte dont elle nous a fait part.

-Que… ? Je ne comprends pas : vous souhaitez court-circuiter le Trésor sur cette affaire ?

-Ce n’est pas le sujet, Hex. Le Trésor se chargera de traiter le dossier si l’affaire est conclue. Mais pour qu’elle le soit, et à ma façon, je tiens à donner à la souveraine d’Ondéron ce qu’elle veut : en l’occurrence, une porte d’entrée que seul un réseau peut lui octroyer. Ce sont des codes que vous devriez comprendre, depuis le temps que vous gérer mon propre agenda… On ne fait pas remonter une plainte si légère au sommet d'une hiérarchie pour un simple mécontentement de passage.

-Vous souhaitez vous entretenir avec Kira ? A propos de Stocks ? Ou à propos du rachat ? Je ne saisis toujours pas bien. "

Voyl soupira, son immense silhouette noire se détachant sur les hautes vitres derrière lui. Il avait encore plusieurs heures de travail devant lui, mais la fatigue le gagnait. Par réflexe, il avisa sa tasse vide sur un angle de table :

" A propos de beaucoup de choses, j’imagine. Chargez-vous simplement de faire mention de la plainte que Deal nous a fait remonter. Rien de plus : restez vague. Il n’y a rien d’autre à dire, de toute façon. "

Son bras s'étendit jusqu'à ce que sa main se saisisse de l'anse en porcelaine, et il déposa le précieux récipient en face de lui. Reshord le regarda faire avec une expression à mi chemin entre l'interrogation et la résignation.

" Voulez-vous bien vous charger de me ramener un café ? Je risque d'en avoir besoin. "

Le secrétaire s'exécuta en silence, jetant un regard au directeur adjoint par-dessus son épaule en quittant la salle. Ce dernier était maintenant penché sur son datapad, une main soucieuse calant sa longue tête avec trois doigts. Le muun se dirigea machinalement vers la petite pièce attenante au bureau, où étaient disposés tous les accessoires que Clawback avait fait rapatrier de Coruscant pour son usage, dont une machine à café flambant neuve.

Guère plus d'une heure plus tard, une missive parvenait jusqu'aux systèmes de messagerie d'Ondéron, portant le sigle du Clan Bancaire Intergalactique, et un titre des plus explicite pour qui était au courant :

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien]
Emalia Kira
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Jakos Torfing vérifiait une énième fois ses données. Sa présentation FowerFoint débordait de chiffres compilés sur les efforts économiques de la planète sur les dix dernières années et visait à donner l’impression au prestigieux Voyl Clawback que tous les feux étaient au vert dans la balance économique d’Ondéron. Mais la planète de la dynastie Kira n’était pas non plus une planète du Noyau, sa balance commerciale était négative et si ce n’était le rayonnement culturel et touristique, la production agricole n’aurait jamais suffi à elle seule à soutenir l’activité économique d’une telle planète. Et dire que parmi les grandes réussites de cette décennie figurait… Un accord avec Neimoidia pour construire une station commerciale partagée. Il était loin, le temps où Grendo S’Orn et Emalia Kira s’entendaient bien, au grand dam de monsieur Torfing, qui se doutait bien que Voyl Clawback ne serait pas dupe de leur situation délicate.

- Monsieur Torfing, ulula une jeune domestique en passant sa tête dans l’entrebâillement de la porte, Sa Majesté vous attend dans la salle de réception. Elle dit que l’invité ne devrait pas tarder et qu’elle aurait quelques consignes à vous transmettre avant son arrivée.
- Mouais, j’rive, grogna l’humain filiforme.
- Pardon ?
- J’ai dit : oui oui, j’arrive.

La domestique disparut aussi discrètement qu’elle était arrivée et Jakos ne put s’empêcher de vérifier une dernière fois que les transitions entre les slides étaient fluides et qu’aucune coquille ne s’était glissée dans la page de présentation. Après quoi, il se leva subitement, défroissa son costume trois pièces et consulta sa montre. On ne faisait pas attendre Sa Majesté, même si on avait une dent contre ses manières de faire.




-------Dans la splendide salle de réception, Emalia Kira avait croisé les bras sur une robe en satin sombre et arpentait l’espace qui séparait les statues et les volumineuses cascades de tentures de velours. Ses talons résonnaient dans le hall vide à chaque pas. D’ordinaire, lorsqu’elle recevait un invité de marque, elle veillait à ce que sa cour fut présente, comme un témoin des prestigieuses réceptions et de la gloire qui s’écrivait au palais. Mais sur conseil – ou plutôt supplication – de son responsable administratif et financier, la souveraine avait renoncé au banquet, au spectacle vivant et aux cadeaux prestigieux, pour opter pour… Un thé dans un cadre intimiste. Elle devait convenir que cela plairait de toute façon davantage au muun, même si un banquet, ça en jetait toujours suffisamment pour mettre l’invité dans ses petits souliers et le faire se sentir une personne bien peu influente en comparaison d’une Reine telle qu’Emalia Kira. Mais ça coûtait cher. Dernièrement, Torfing n’avait eu que ce mot-là à la bouche. Pour une fois, cependant, elle s’était donc rendue à son avis, devinant aussi que la stratégie de l’intimidation par le luxe n’était pas celle qu’il fallait adopter avec un muun de la trempe de Voyl Clawback.

- Votre Majesté, claironna justement Torfing en arrivant, raide, dans la salle.
- Ah, Jakos, vous voilà enfin !

Emalia se tourna vers l’humain et le détailla de la tête aux pieds, comme pour vérifier qu’il présentait bien. En tout cas, il était dans les mêmes coloris qu’elle : un gris anthracite sans fioriture. Elle-même avait laissé tomber ses belles parures de bijoux pour des perles plus discrètes et une coiffure sévère, serrée sur le haut de son crâne.

- Votre Majesté, tout est prêt dans la salle de réunion. Toutes les informations du dossier sont prêtes à être explicitées et je me suis permis d’éditer aussi sous version papier tous les documents pour les remettre à monsieur Clawback dès son arrivée.
- Oui, bien sûr, très bien. Ne lui sautez pas dessus, tout de même, il aura fait un long voyage et je suis sûr qu’il aura déjà été briefé sur le dossier de façon très précise.
- Tout à fait, mais je pense important de lui montrer le sérieux avec lequel…
- Taratata, le coupa Emalia en levant le nez pour soutenir le regard du grand Torfing. [color=darksalmon]Ce dont il a besoin pour baisser ce taux ce sont des avantages que des chiffres et un dossier de rachat de dettes ne peut lui offrir.
- Si vous le dites.

Torfing retomba dans un silence morne, tandis qu’Emalia se demandait ce que pourrait bien désirer Voyl Clawback. Tout le monde désirait quelque chose. Malheureusement, elle ne connaissait pas assez bien le muun. Enfin, pas encore…

- Votre Majesté, la navette de Monsieur Clawback a été enregistrée à l’Astroport d’Iziz il y a quinze minutes et notre chauffeur a récupéré l’invité pour le ramener au Palais. Il sera là d’ici quelques minutes, tout au plus.
- Ah ! Parfait, faites chauffer le thé, mademoiselle.

Et ainsi la fête allait battre son plein ! Ou... son vide, faute de crédits.

Jakos et Emalia échangèrent un regard. Il fallait espérer qu'au moins la navette privée fut au goût de Clawback. Ainsi que le thé, les biscuits, et la présentation FowerFoint, bien entendu.
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