Luke Kayan
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Ondéron, enfin. L'arrivée avait rempli Luke de joie. L'astroport était certes bondé, mais après vécu sur Coruscant ces dernières semaines, il lui paraissait presque tranquille. Sa félicité atteint toutefois des sommets lorsque le taxi l'arrêta devant les marches du Temple. Les effluves du parc cheminaient déjà jusqu'à ses narines, c'était l'époque de la floraison pour de nombreux arbres et des parfums aussi variés qu'ennivrants se faisaient concurrence. Le jeune Jedi défit son paquetage, rangea soigneusement ses maigres possessions -un datapad, deux rapports à remettre au Conseil, une tenue de rechange, des capsules nutritives non-utilisées qu'il rendrait à la cantine et la lampe torche de Karm qu'il emmenait partout.- puis se doucha rapidement. Lui, d'habitude patient, avait du mal à accomplir ces tâches encombrantes car il n'avait qu'un idée en tête : renouer avec le temple dont il connaissait les couloirs par coeur. Y compris après des semaines d'éloignement, rien ne s'était effacé et ce fut sans une erreur que Luke parvint jusqu'au fameux parc. Nul besoin de le voir pour deviner sa grandeur, tant l'écho de la vie résonnait loin. Le Chevalier visita un parterre de fleurs odorants, offrit une caresse à l'écorce de vieux troncs qui lui avaient souvent servis de dossier et de compagnie lorsqu'il étudiait quand il était Padawan. Mais surtout, il s'approcha du ruisseau, guidé par son infatigable clapotis. Sur ses berges, Luke avait vécu tant de choses, sa rencontre avec Samuel, un novice qui, comme beaucoup d'autres n'avait pas réussi les épreuves pour devenir apprenti. Son premier ami. Son premier maître aussi l'avait trouvé là. Le Hapien ne se rappelait plus de son nom de famille, à l'époque il était alors encore peu éveillé et surtout trop timide, et puis, leur histoire avait été trop courte, trop tumultueuse et brouillonne pour que ça le marque vraiment. Nalkaïr qui avait disparu dès leurs premiers jours ensemble avant de revenir pour renoncer à le former. Le blondinet ne lui en avait pas voulu, peu au fait alors de ce que signifiait perdre une telle occasion pour un aspirant. Il se rappelait seulement avoir souhaité que l'humain "règle ses problèmes" et soit heureux, sans se sentir perturbé d'en revenir aux cours communs. Et puis il y avait eu Saï Don, rencontré dans une salle de classe qu'il fuyait à cause de sa peur du sabre-laser. Leur premier "bonjour" avait étté littéralement un choc. En apparence, bref, mais c'était pour mieux les lier.

Ensuite, le vieux Maître l'avait rejoint sur ces berges où Luke prenait le soleil. C'était en ces lieux où le gamin se sentait un peu plus rassuré qu'il avait entreprit de l'apprivoiser. Des histoires sur la Force malade, c'était ce qui avait poussé le gosse à le suivre alors que naturellement, il ne l'aurait jamais fait avec quiconque, gentil et serviable mais solitaire, effrayé par n'importe quel contact. En ces temps-là, Luke ignorait que c'était sa concentration de Midichloriens, nettement supérieure à la moyenne, qui avait fait douté le Conseil quant à son renvoi auprès de son paternel et de sa gentille belle-mère. Tout comme il ignorait que ce dernier penchait vraiment pour se défaire de lui pour "le laisser se reposer après ses traumatismes qui le condamnaient à ne pouvoir être formé" lorsque Saï avait décidé de le prendre sous son aile. Par la suite, aucun des deux n'en avait discuté mais Luke savait dans le fond qu'il devait ses capacités mentales dites normales (malgré quelques séquelles au niveau affectif ou encore pour le contact physique) et un intellect développé. De même que c'était son mentor qui lui avait permis de rester au Temple en adaptant sa méthodologie à son Padawan si particulier. Lui qui près du ruisseau avait commencé à le former au combat à mains nues sous forme de jeu, lorsqu'il fallait éviter ses mains déjà ridée. Et Ellana Caldin tombée dans le coma, n'était-on pas venu chercher, alarmé, Saï Don et son apprenti alors qu'ils étaient encore près de ce ruisseau ?

Le Hapien avait continué de s'y réfugier adolescent, quand les doutes l'assaillaient ou que des moqueries fusaient -rares heureusement, sachant que dans le monde des civils, elles auraient été déculplées.- Le courant d'eau incessant rafraîchissait les alentours, faisant tomber la température. En été, les berges étaient assaillies mais en hiver, seul Luke restait fidèle à son ruisseau, frissonnant mais collé là, le dos appuyé sur le plus gros arbre dont les racines coulaient jusqu'au fond du lit. Une fois même, à force de s'entêter, il avait réussi à attraper un bon gros rhume.

Le jeune Jedi s'installa sur l'herbe, sa toge s'étalant autour de lui. Il écouta le chant des oiseaux avant de s'adonner à un de ses vieux passes-temps favoris, chercher des insectes. Lorsqu'une onde de Force lui indiqua la présence d'une sorte de libellule, le jeune homme l'invita à venir se poser dans sa main. Depuis son excursion avec son ancien Padawan- parti de son propre chef- Luke avait renoué avec le langage des bêtes, il avait plus de facilité à communiquer avec elles.

Soudain le petit insecte s'envola pour docilement se nicher ... Sur le nez de Saï Don.

- Vu, Maître.

Déclara Luke sans tourner la tête, se rappelant soudain de cette fois où, plus éveillé qu'avant, il s'était caché dans les hautes herbes pour jeter un "bouh" à son maître qui avait fait semblant de se laisser surprendre, évidemment. Depuis, c'était une manie. Ils essayaient de se cacher, mais l'exercice était de plus en plus difficile. Ils se connaissaient trop bien.

- Comment allez-vous ?

Demanda-t-il doucement cette fois en tournant la tête vers son mentor. Saï l'avait éduqué -presque- comme un voyant, ce qui impliquait de se montrer poli et de toujours regarder son interlocuteur en face quand on lui parlait. La libellule s'envola à nouveau, libéré des suggestions de Luke qui l'avait donc persuadé que le nez de son mentor était le meilleur perchoir qui soit, sécurisé, nuageux. La question du jeune Jedi, elle, continuait de planer doucement. Malgré sa légèreté elle était lourde de sens pour le vieil homme qui, lors de leur dernière rnecontre s'était montré assez amer.

Inconsciemment, tranquille, un petit sourire flottant sur ses lèvres, le Chevalier essayait d'installer une atmosphère apaisante et chaleureuse, diluant dans l'air une brise de Force moins odorante que les fleurs, naturellement, mais toute aussi paradisiaque. C'était un fait auquel Saï était habitué, la Force soulignait toujours chacun de ses mots.
Saï Don
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- … difficile à dire, Maître Don. L’ambiance est à l’expectative, mais certaines espérances seront nécessairement déçues. Les opinions divergent au sein même de ce ministère, qui a beaucoup de mal à se structurer.

Le vieillard acquiesçait devant la silhouette holo, aussi haute qu’un droïde astromécano, du chevalier Hatchik, drall de son espèce, qui lui faisait son rapport hebdomadaire. Maître Don était assis sur son fauteuil du Conseil, mais la chambre était vidée de ses occupants. Il n’y avait plus d’audience prévue ce jour ; le grand maître en profitait donc pour régler certaines petites affaires avant de s’autoriser, lui aussi, à reprendre le fil de ses activités quotidiennes.

- Si je peux me permettre, poursuivait le Jedi en levant un doigt devant son visage, nous marchons sur des coquilles vides, comme l’on dit chez nous. Nous ne sommes pas plus assurés, finalement, du soutien de la République envers l’Ordre que lorsque la Reine Kira était au pouvoir.
- Je vois, grommela le vieil homme dans sa barbe. Nous ne sommes donc pas plus avancés qu’avant. Je prends bien en compte vos recommandations, chevalier Hatchik, merci pour votre dévouement. Je verrais ce que je peux faire au sujet d’une plus forte présence Jedi, notamment. Le Conseil ne tardera pas à se prononcer.
- Merci à vous, Maître Don, répondit le drall en s’inclinant brièvement. Je vous donne des nouvelles dans les prochains jours.
- Que la Force soit avec vous.
- Avec vous également, maître.

La silhouette disparut subitement, laissant seul le vieillard qui passait sa main dans sa barbe – signe chez lui d’une intense concentration. Tandis qu’il tournait et retournait certaines problématiques dans sa tête, un droïde s’anima à quelques mètres de là, près des portes. C’était un droïde de protocole ayant une vague apparence humanoïde mais qui marchait plus comme un crabe de Mon Calamari qu’aucune autre espèce sentiente bipède.

- Maître Don, fit la machine dès qu’elle se fut suffisamment approchée de son pas irrégulier. Souhaitez-vous poursuivre la liste des dossiers en attente ? Il vous reste – 182 – dossiers en attente.
- Ah, Cassis Cassis, tu as l’art de donner à toute tâche une apparence de facilité.
- Maître Don, je vous remercie du compliment, mais je ne fais qu’humblement mentionner les données qui sont à ma disposition.
- Bien. Mais j’ai besoin d’une pause. Veux-tu bien mettre en attente le dossier MIN.A.J-75 ? Ma communication avec le Chevalier Hatchik doit y être versée également. Mets-la à l'ordre du jour de la prochaine audience.
- C’est entendu, Maître Don. Dossier MIN.A.J-75 complété et en attente, ordre du jour actualisé. Autre chose, maître Don ?
- Cela ira, merci. A plus tard, Cassis.
- Bonne journée, Maître Don.

K6-K6, ou Cassis Cassis, comme aimait bien l'appeler le vieil homme, se retira avec la même démarche latérale tandis que Maître Don se levait enfin de son fauteuil pour quitter la pièce.


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L’aura familière lui apparut alors qu’il descendait les larges escaliers en colimaçon. Le vieil homme esquissa un sourire et hâta le pas en faisant claudiquer sa canne avec une allure précipitée sur les marches. Deux Jedi qui passaient par là durent s’écarter prestement. Dans le dos du vieillard, l’un des deux humains agita son doigt près de sa tempe, indiquant à son camarade qu’il pensait que leur vieux maître du Conseil n’avait plus tout sa tête. L’autre lui répondit en tournant ses paumes vers le ciel, impuissant.


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Bien sûr, Luke avait directement été au bord du ruisseau. Un endroit chargé de souvenirs pour l’un comme pour l’autre. En l’absence de Luke, Saï ne manquait pas d’avoir une pensée pour lui chaque fois qu’il passait près de cet endroit. Au loin, il apercevait la silhouette de son ancien élève, sa bure étalée au sol, le visage paisible baigné de lumière.

Le vieil homme rangea sa canne – télescopique, il pouvait l’accrocher à sa ceinture comme un second sabre – afin de faire moins de bruit, et quitter le chemin de terre pour s’engager dans les hautes herbes, où le son de ses pas serait absorbé par la végétation humide. Bien sûr, visuellement, il n’avait pas besoin de se cacher ; Luke ne pouvait le voir, mais dans la Force, il s’enveloppait délicatement, se dissimulait comme un arbre parmi les autres. Utiliser la nature et se faire passer pour un élément était l’une de ses techniques les plus aisées pour qu’on ne le remarquât pas lorsque nécessaire. C’était plus une technique de manipulation qu’une véritable dissimulation, mais cela fonctionnait bien.
Sauf qu’un observateur particulièrement avisé pouvait remarquer, comme c’était le cas de Luke, qu’un arbre ne se déplaçait pas. Encore moins sur la pointe des pieds, encore moins en louchant sur son nez quand une libellule se posait sur l’une de ses branches.

L’arbre abandonna et redevint un vieillard chauve qui riait comme un enfant.

- Encore raté, commenta Saï en laissant tomber sa marche discrète pour venir plus franchement rejoindre son ancien élève.

Il s’assit à ses côtés, tous deux faisant face au ruisseau dont le clapotis remplissait l’air et couvrait un peu le chant des oiseaux.

- Je vais très bien, Luke.

Il avait dit ça sur un ton entendu. Qui voulait dire « voyons, ce n’est pas dans ce sens-là que l’un s’inquiète pour l’autre, normalement », mais Luke et lui n’avaient pas besoin d’autant de mots pour se comprendre.

- De retour d’une nouvelle aventure ? s’enquit le vieillard en fermant les yeux pour mieux écouter et ressentir la nature et l’aura pacifique qui les enveloppait.

Il était si loin, le petit garçon qui croyait qu’il ne pourrait jamais devenir un chevalier Jedi comme les autres : maintenant, il était constamment par monts et par vaux, comme tout Jedi accompli.

Luke Kayan
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Un sourire doux, légèrement nostalgique illumina les traits du jeune Jedi. Avant, c'était lui qui constatait souvent "encore raté" parce qu'il avait mis beaucoup de temps à saisir l'ampleur de l'astuce de Saï. Il avait un jour eu le déclic, trouvé l'astuce et découvert son mentor à chaque fois que ce dernier ne compliquait pas trop la tâche.

- J'en suis heureux.

Répliqua Luke d'un ton qui suggérait que Saï se trompait, bien sûr imbibé d'une tendre malice. L'inquiétude pouvait, devait aller dans les deux sens. Quoiqu'il en soit, le Hapien trouvait le vieillard plus en forme que pendant leur dernière rencontre où il avait confié sa fatigue, surtout mentale, par rapport à la nouvelle implication politique des Jedis. Un fait qui ne plaisait guère au blond, également attaché aux traditions prônant neutralité, distance, dignité. Au moins aujourd'hui, Saï retrouvait de l'énergie, alors hors de question d'aborder un seul thème préoccupant.

- Oui ! Enfin, oui et non. J'étais déjà rentré de mission depuis quelques jours mais je suis resté pour aider l'administration avec les papiers pour le Temple. Cela devrait bientôt être fini mais vous savez ce que c'est, la dernière ligne droite d'obtention des permis est un vrai marathon, l'épreuve ultime.

S'amusa le Consulaire qui vouait une patience et beaucoup d'amour aux papiers. Pas ceux mal réalisés, les demandes absurdes, les formulaires extravagants ou les lourdes administrations qui se renvoyaient la balle, non. Les permis honnêtes qui coûtaient des efforts mais protégeaient l'environnement, assuraient les bâtiments, aidaient les gens. Si compliqués soit-elle, l'organisation utile avait toujours trouvé une appréciation chez le jeune Jedi, contrairement aux politiciens qu'il fuyait. Par chance, les voies de la diplomatie étaient aussi nombreuses que pénétrables, la négociation ainsi que le travail auprès de la police de Coruscant, notamment, devenaient ses spécialités, en plus de celle très aimée par ses collègues de l'administration. Il en deviendrait presque connu dans le domaine. Un dossier énorme et ennuyeux à gérer ? Luke les flairait presque de loin pour voler à la rescousse. Comme quoi, sa vie était un pur paradoxe. D'un côté il se posait, de l'autre il courrait la galaxie avec des missions des plus dangereuses comme son petit séjour sur Dxun (sa faute, il avait mal évalué les risques en se proposant avec Karm) ou Stuno IV (la faute au Conseil qui lui avait trouvé un "bon lien" avec Cally Venta, Atoanne têtue de service, ex-Jedi recherchant son lien avec la Force égaré.).

- J'espère pouvoir revenir plus souvent sur Ondéron une fois la construction terminé... Même si la Force me dit que je risque surtout de côtoyer Dantooine.
-Malgré les difficultés, l'Ordre grandissait de jour en jour. Le projet de Karm avait été validé plus tôt que prévu concernant l'enclave. Une démonstration de confiance très encourageante et... Un peu déroutante, certes, car Luke ne savait pas s'il était tout à fait prêt à épauler son ami, l'élève de ce dernier et tous les Jedis impliqués. Il espérait ne plus avoir à enseigner, c'était le principal.- Je suppose que vous vous souvenez de cet entraînement, le premier de la sorte... Quand je ne devais pas me laisser toucher.

Les yeux du Hapien se mirent à briller légèrement. Qu'importe les règles d'autrefois, celles plus souples de maintenant, impossible de se mentir. Il existait entre certains duos, un lien d'attachement profond, renforçateur, inévitable. Luke et Saï avaient été et continuaient d'être fusionnels en quelques sortes. Ils n'arrivaient même pas -ni n'essayaient- de le cacher. Le Hapien se préoccupait de la santé de son maître qui continuait à cavaler par monts et par vaux, tout en se rengorgeant de sa fidélité. C'était l'exemple du Jedi que Luke aspirait à devenir car il s'en rendait bien compte. Être jeune, dormir peu mais récupérer vite facilitait tellement les choses que certaines missions perdaient en valeur. Pour prouver être un véritable Jedi, attaché à ses principes, il fallait continuer à exercer dans la souffrance. Exactement ce que faisait son cher mentor à qui le blond avait épargné, malgré la perche tendue, le compte de sa "nouvelle aventure". Ridicule d'ailleurs car elle lui avait été donné par le Conseil. Après un soupir, il considéra revenir dessus. Priver son maître qui l'avait baigné d'histoires serait un crime.

- J'ai dû expliquer à Maître Venta. Enfin Cally... Les résultats, quelle horreur. Je n'ose imaginer si ce qui lui est arrivé, à elle ou Qune - une Cathar qui devait venir au Temple suite à la perte de ses dons, sans explication car elle n'avait pour sa part tenté aucun rituel, mais qui n'était jamais revenue. Choqué après cette rencontre sur Myyrk ainsi que celle des Ysalamaris le coupant de la Force quelques heures, le Jedi avait à l'époque parlé de Qune à son maître.- nous arrivait. J'ai entendu... Tous les Jedis presque ont entendu parler d'une méthode pour faire perdre la Force à un Sensible, mais si au-delà de la légende de maîtres se réunissant pour effectuer ce terrible rituel, je ne sais même pas si c'est vrai d'ailleurs...- bien qu'il ait connu Janos le prétendu mort, Luke n'avait jamais su que Saï avait participé à un rituel pour le couper de ses dons. Comme certains de ses collègues, il croyait plus à une terrifiante légende qu'autre chose, même si pour des êtres maléfiques, c'était une théorie tentante.-S'il y avait autre chose ? Heureusement, l'artefact qu'elle voulait trouver pour inverser le processus est resté à sa place, normalement inaccesisble. Elle s'est résolue finalement, enfin je crois et nous sommes rentrés.

Oui, leur aînée pourtant d'apparence bien plus jeune avait été retrouvée sur Stuno IV. Luke y avait vécu des aventures dignes d'un Gardien, presque d'une Ombre. Presque oui.

- Il faisait froid - commença-t-il à conter- Plus encore que lorsque nous nous sommes rendus sur Hoth. Il y avait des fissures cachées sous des couches de neige inégales. Parfois, le pied s'enfonçait dans une matière molle, cotonneuse si elle n'avait pas été glaciale, parfois, il rencontrait sèchement un sol dur et inégal. Des roches qui ressortaient je suppose et il y avait le vent qui retardait la marche, luttant contre notre avancée. Le vent était si froid qu'il faisait facilement saigner du nez, mais l'atmosphère était respirable et pure... Pas une seule goutte de pollution contrairement à Coruscant ou Kuat. Je suis sûr que malgré cette ambiance inquiétante, alourdie d'obscur, on pouvait bien voir les étoiles.

Sa manière de conter, étrange car correspondant justement à son point de vue n'en était pas moins intrigante. Il avait pris l'habitude avec les gamins à border le soir, des Padawans qui à la fin, réclamait ses aventures au lieu de celles du Chevalier Turquoise uniquement. Enfin, avant qu'il ne laisse l'enseignement et ses tours de garde du soir à un autre professeur plus expérimenté, plus âgé pour se concentrer sur l'administration.

Saï Don
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Saï avait fermé les yeux, bercé par la brise qui balayait le parc du Temple et faisait bruisser les fougères. Il écoutait la voix de Luke qui, légèrement chantante, se mélangeait avec les clapotis gais du ruisseau. Une harmonie que le vieil homme savait goûter ; il avait mal aux genoux et au dos, il était plus fatigué qu’avant, il oubliait des choses, parfois il n’arrivait plus à bien lire sur son datapad et il dormait avec un dentier dans un verre d’eau sur sa table de nuit mais… il était vivant, et il vibrait dans cette harmonie des siens. A 94 ans, avoir encore le loisir de converser avec ses anciens padawans devenus de grands chevaliers, de sentir sur sa peau le soleil matinal, d’entendre la nature pépier à son oreille… Comment aurait-il pu ne pas être heureux ? La galaxie avait son lot de malheurs, comme toujours. Mais il était vivant, et tant que ce miracle perdurait, il avait confiance en la lumière de l’Ordre Jedi.

- Oh, oui, votre Temple, remarqua le vieillard en réponse à Luke. C’est un beau projet que vous avez là. J’espère que vous aurez de la place pour de vieux maîtres à la retraite, un de ces jours.

Il sourit sans regarder Luke. Le hapan ne voyait pas les sourires, il les entendait dans les voix, c’était donc inutile.

- Bon, je sais, ce n’est pas pour tout de suite, la retraite. Pour des vacances, alors !

En réalité, le vieillard était très curieux de cette initiative ; après la réouverture du Temple de Coruscant, l’enclave de Dantooïne… Et dire qu’il y avait deux petites décennies, ils se demandaient si l’Ordre Jedi n’était pas sur la voie de la disparition, purement et simplement. Les temps avaient beaucoup changé. Leurs efforts avaient payé, même si les Sith eux aussi avaient beaucoup travaillé depuis.

Luke évoqua leurs vieux souvenirs. Saï ne répondit pas, répondant plutôt à travers la Force avec une onde de plénitude. Pour le vieil homme, l’enfance de son ancien padawan s’était déroulée en un clin d’œil ; hier, c’était l’enfant craintif qui se cachait dans sa bure ; aujourd’hui c’était le chevalier accompli qui n’avait plus besoin de lui. Il chérissait ces souvenirs, peut-être plus que Luke ne le devinait.

Le cas de Cally, cependant, rappela les deux Jedi sur un terrain plus sérieux. Le vieillard rouvrit les yeux, pensif. Les inquiétudes de Luke étaient fondées ; pourtant le maître était relativement serein sur la question. Peut-être qu’être coupé de la Force ne l’effrayait pas tant que cela ; pourtant, d’aussi loin qu’il se souvenait, il n’avait jamais vécu sans.

- Les cas de Maître Venta et de Qune Garm, il me semble, sont très différents. Maître Venta a joué avec le feu en cherchant à prolonger sa vie. Ses pratiques peuvent s’apparenter à une sorcellerie obscure. Or, le côté obscur ne donne jamais sans faire payer un lourd tribut à celui qui souhaite s’en servir. C’est ce que Maître Venta a expérimenté : elle a trouvé la jeunesse à un prix qu’elle n’était peut-être pas prête à payer.

Il y eut un silence, durant lequel Maître Don regarda Luke. Son beau visage de hapien aux yeux égarés était comme un masque de porcelaine. On aurait pu avoir peine à croire qu’un tel être ne parcourait pas que les jolis couloirs du Sénat, mais aussi des régions difficiles comme Stuno IV. Et là-bas, il y imaginait les étoiles ? Luke était d’une pureté qu’il n’était pas sûr de revoir chez un autre Chevalier un jour.
Le vieil homme acquiesça en silence, ne souhaitant pas forcer Luke à en dire plus que ce qu’il voulait bien raconter à son ancêtre de maître.

- Ah ! De bonnes jambes pour parcourir de tels récifs ! Que ne donnerais-je pas pour en avoir de nouveau ?

Pas son lien avec la Force, comme l’avait fait Maître Venta, en tout cas. Non pas qu’il était si attaché à la Force, il avait avec elle une relation si ancienne qu’elle était comme impensée ; mais surtout parce que cela signifierait, tout simplement, renoncer à l’Ordre. Et l’Ordre avait encore besoin de lui, semblait-il. A lui les 182 dossiers en attente dans la salle du Conseil, donc.

- Au fait, je vais demander une audience au Chancelier Suprême, dit-il sur le même ton tranquille que s’il avait annoncé avoir commandé un thé vert à la cantina du coin. Je me demandais si cela t’intéresserait de m’accompagner sur Coruscant. Je sais que la politique n’est pas ta passion ; cependant, je souhaite surveiller le Sénat de façon accrue. Notre lien à lui et au gouvernement… Tout cela doit être assaini.

Il y avait aussi une conscience, de la part de Saï, que ses devoirs de Consulaire et ses compétences en la matière, peut-être, rejoindraient la Force avec lui dans quelques années. Il ressentait l’urgence de paver la route pour les générations futures, et ne souhaitait pas leur léguer un Ordre esclave d’une République. Il fallait qu’au moins quelqu’un poursuivît son œuvre de préservation de l’Ordre dans les années futures. Et si ce n’était pas Luke, alors qui ?
Luke Kayan
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- C'est surtout le projet de Karm et de son apprentie. Moi, je les aide au niveau administratif.

Précisa le jeune homme, soucieux de rappeler que ceux qui avaient pensé le projet, travaillé dessus et qui s'étaient rendus sur place étaient le Chevalier Turquoise et sa Padawan. Il se sentait investi bien sûr, mais pas autant que le duo. Une fois le jeune homme s'était même demandé s'il aurait appuyé le projet venant de quelqu'un d'autre. Coruscant avait été érigé il y a peu. Les Jedis n'étaient pas en surpopulation dans leurs Temples (Hélas quelque part), cela faisait beaucoup d'argent et de temps dépensé. C'était surtout l'idée de son compagnon de moderniser l'enseignement qui l'avait touché. Beaucoup de jeunes comme lui s'étaient retrouvés bloqués émotionnellement -quelques soient leurs apprentissages pour renier certains sentiments- sans se sentir aptes à parler. Luke avait aussi eu des problèmes pour comprendre le monde extérieur et c'était pire pour les Jedis ne suivant pas une voie Consulaire, alors oui, ce renouveau pourrait faire du bien à l'Ordre mais lui ne se sentait pas capable d'en faire complètement partie. Il s'impliquait réellement, donnant de nombreuses heures à la rédaction de normes ou des demandes de permis, des recherches d'experts pour recevoir leurs avis ou s'assurer que les fonds provenaient tous de sources honnêtes, sans oublier les factures. Chacune devait être rangée précisément pour rendre les comptes limpides y compris des décennies plus tard. C'était ainsi que le Hapien participait, une belle façon d'aider tout en se maintenant à l'écart inconsciemment, coincé qu'il était entre deux mondes aux idéologies à la fois semblables et différentes. La tradition ou le moderne. L'héritage ou le renouveau. Jusque là il oscillait, prenant un peu des deux. Était-ce la bonne solution ou était-ce trop facile ?

Quant au sujet du cas "Cally/Qune", le jeune Chevalier préféra ne rien ajouter. C'était trop triste, trop déroutant, et il préféra garder la question qui avait envahi son esprit "d'accord, c'est différent, mais alors de quoi a été victime Qune ?" Car contrairement à Saï, le Hapien était terrifié à l'idée de perdre son lien avec la Force. C'était arrivé une fois face à un Ysalamari et il avait cru mourir de peur, de douleur aussi. Sans elle, Luke serait encore plus fragile qu'un aveugle lambda. Il serait doublement aveugle, amputé aussi et muet car presque toutes ses phrases, ses actions étaient soulignées naturellement par une petite onde de Force.

- Mais oui, je m'assurerai de négocier une place au soleil pour tous nos aînés en échange de mon travail. Chambres au rez-de-chaussée et cantines équipées de moulineuses pour faire de la purée.

Saï lui avait appris à sourire facilement des petits problèmes de la vie et de certains tabous. Habituellement coincé, Luke éprouvait une sorte de soulagement à se laisser aller à des conversations plus spontanées. Il n'y avait qu'avec son vieux maître ou Karm -et encore il se retenait parfois avec le dernier- que le blond osait. Plus sérieusement, sans doute un peu trop il ajouta

- Si je le pouvais, je vous offrirais mes jambes. - Soupira le Jedi, amusé et désabusé à la fois. Il voyait bien son maître vieillir, à travers sa démarche notamment. Le processus avait beau être naturel, lui entraîné à se détacher du matérialisme, c'était parfois difficile de voir son aîné souffrir des "petits" tracas dûs à l'âge. Sa propre vieillesse inquiétait moins Luke, peut-être parce qu'elle était plus lointaine ? Mais aussi parce qu'il était suffisamment handicapé pour s'adapter. Inconscience d'une jeunesse encore fougueuse qui ignore la difficulté des pics de douleurs sourds mais constants de l'arthrose. Quoiqu'il en soit, l'esprit encore aventurier de Saï ne correspondait pas à sa forme physique, et c'était bien ce qui peinait Luke, si vaillant soit encore le Maître. D'ailleurs, le Hapien avait beau s'inquiéter, il était encore persuadé que son vénérable aîné le battrait en duel. Il éprouvait ainsi pour lui un étrange sentiment de devoir de protection, de tendresse et de respect. Saï ferait tellement plus que lui avec une nouvelle jeunesse, il allait tellement manquer à l'Ordre une fois en retraite, mais il la méritait plus que quiconque.- C'est hélas et heureusement impossible - car comme l'histoire de Cally Venta l'avait prouvé, la vie devait être respectée, à l'aube, au zénith et au crépuscule. Chacun venait à son heure.- Mais cela ne nous empêche pas d'organiser un voyage. Il y a quelques missions disponibles. J'ai entendu parler d'une épidémie de grippe étrange que des colons auraient transmise aux autochtones, des Gungans, sur Naboo. Cela augmente évidemment les tensions diplomatiques existant déjà. Selon certaines théories scientifiques, la maladie proviendrait plutôt d'algues qui ont naturellement mutées quoiqu'à une vitesse folle pour se protéger de leurs prédateurs, dont les Gungans. Une mission à la fois médicale, scientifique et diplomatique au milieu de paysages grandioses. Ce pourrait être une belle occasion.


Surtout que ces fameuses algues auraient "compris" comment absorber la Force pour évoluer à cette vitesse impressionnante. Cela rappelait à Luke l'origine de sa première affaire avec Saï. Ce dernier avait alors impliqué le petit garçon timide, presque traumatisé mais surtout curieux de la bonne manière : en lui parlant de la Force malade. Content d'avoir trouvé un moyen de faire cavaler son maître sans lui faire prendre d'énormes risques- il ne fallait pas passer des journées entières à se frayer un chemin sur des terres vierges- le Hapien attendait la réponse du concerné. Celui-ci lui fit en réalité une proposition plus... désagréable. Les sourcils légèrement froncés, Luke hésita environ une seconde.

- Bien sûr que je viens.

Si la politique ne l'intéressait plus au point d'essayer de s'en détacher le plus possible, le jeune Jedi comprenait son importance. Il admirait pour ça les Consulaires qui passaient leur vie à se mêler aux histoires du Sénat, tout en essayant d'y échapper. Ceci dit, sa loyauté envers le vieil humain à ses côtés l'avait empêché de formuler un "non" complet dans sa tête. Il avait de suite obtempéré parce que comme il l'avait dit le jour de son adoubement, Luke serait toujours l'éternel apprenti de son maître. Et puis qu'importe, au fond, la nature de leur affaire. Partager ce moment avec son ancien formateur était un privilège. Le Hapien aurait beaucoup donné pour qu'ils aient plus de retrouvailles volées au détour du lac ou un plat de Wons-Wons comme cela arrivait encore. Alors bien sûr, partir des jours entiers, travailler et surtout être à ses côtés, seconder et apprendre encore était une occasion en or.

L'une des raisons du dégoût de Luke pour les affaires politiques trouvait son origine dans les traditions Jedis. Tout comme Saï, il pensait l'Ordre trop dépendant de la République et des enjeux politiques. Pour s'en détacher, il faudrait négocier encore, naviguer sur les eaux troubles des intérêts de chacun, parler, mais c'était à faire, pour un avenir meilleur, plus juste. Aujourd'hui, les Jedis dépendaient trop des désirs du gouvernement et c'était encore pire depuis l'ascension de Grendo S'orn.

- Je suis d'accord avec vous. Avez-vous une idée pour "surveiller" le Sénat comme vous le dites ? À défaut de jambes dans un état correct, nous n'avons, ni l'un ni l'autre, des yeux aiguisés pour le faire.

S'amusa le Chevalier bien qu'il se doutait que le vieil homme avait plus d'un tour dans son sac- et que ce tour n'incluait pas une bonne paire de mirettes pour surveiller les politiciens. L'occasion était juste trop belle pour embêter un peu son cher maître. C'est qu'à son âge, Saï ne devait plus y voir grand chose. Luke était en tout cas ravi de partager du temps avec son ex-mentor, sachant qu'en plus cela servirait les intérêts de son cher Ordre. Une vague de bonheur sillonna la Force, un peu comme lorsqu'il était enfant. Comme s'il ne savait pas que leur mission serait certainement compliquée ou qu'il ne voulait pas encore le savoir. Pour l'instant, le Jedi profitait juste de sa joie à l'idée de rester aux côtés de son ancien maître qui le comblait en lui prouvant sa confiance.

Luke retrouva cependant un air sérieux, prêt à écouter le plan que son vieux maître et ami avait sûrement déjà au moins en partie concocté.
Saï Don
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Le vieil homme écoutait patiemment son ancien padawan. Bien sûr, Luke était désormais un chevalier aguerri. Mais il ne parviendrait certainement jamais, âgé et imparfait comme il était, à se départir de ce petit sentiment protecteur, de cette vigilance au moindre signe inquiétant. D’ailleurs, il devinait sous les récits de Luke de légers troubles intérieurs. Hé oui, la vie d’un Jedi ne se faisait pas sans souci. Cela, Saï ne l’avait jamais caché à son élève. Mais qu’est-ce qui le troublait, au juste ? Il lui sembla que le moment n’était pas encore venu d’en parler.
La conversation dérivait vers les projets de l’Ordre envers la République. Saï prit une petite inspiration, ses yeux azur courant sur le paysage paisible qui s’offrait à eux : les fougères qui ployaient doucement sous la brise au-dessus du ruisseau, quelques arbres aux troncs noueux. Au-delà, les cimes végétales de la jungle d’Ondéron, agitées par les oiseaux sauvages qui jouaient en volant de branches en branches. Au-dessus, les nuages qui s’accumulaient et dérivaient dans le ciel bleu renvoyaient à Saï la couleur de ses prunelles.

Il se sentait parfois si âgé. Il était le ciel, le ciel était lui, et bientôt il en serait ainsi pour toujours.

Mais pas encore, car sa mission n’était pas accomplie. Le vieillard eut un léger rire.

- Il nous faudra utiliser autre chose que nos yeux, en ce cas. Je pensais plutôt à nos oreilles et bien sûr… A la Force.

Maître Don ferma un instant les yeux, pour se plonger dans l’aura paisible qui les entourait, les berçait tous les deux. Ils ne faisaient qu’un avec la nature. Ici, loin du Sénat, tout paraissait si simple. Lorsqu’ils seraient sur Coruscant, il faudrait tenir cette même sérénité au milieu des remous politiques. Un véritablement entraînement, assurément, auquel Luke avait été préparé, il lui semblait, une bonne partie de sa vie.

- Je vais proposer au Chancelier galactique un retrait progressif de la présence des Jedi au sein de la Rotonde, expliqua-t-il d’une voix calme, les yeux toujours clos. Il risque d’y voir une menace, mais aussi une opportunité. Maître Marja ne peut assurer ses fonctions actuellement, pour raison médicale. Il conviendrait de la faire remplacer mais… Comme tu le sais, je ne partage pas sa position. Et bientôt, un nouveau Conseil sera formé…

Y serait-il encore ? Mystère. Il ne le savait pas lui-même. Voilà longtemps qu’il aspirait à une vie plus simple, et Luke le savait. Mais si son devoir lui ordonnait de rester encore, si l’Ordre avait encore besoin d’un Grand Maître tel que lui, alors il continuerait à jouer ce rôle. Jusqu’à son dernier souffle, si besoin était. Il y avait longtemps, très longtemps, il avait prêté un serment qu’il n’était pas question de rompre.

- … Lorsque ce sera le cas, pour repartir sur de bonnes bases, il faudra que nos relations avec le gouvernement républicain soient clarifiées. Et nous allons en profiter pour placer nos pions. En l’occurrence, je veux pouvoir conserver la liberté d’action des Jedi. À tout moment la République peut souhaiter nous limiter encore une fois, et ce ne sera pas dans notre intérêt. C’est donc une négociation qui va se jouer… Mais nous y allons les yeux bandés, Luke, car nous ne connaissons pas bien les pions de la République, ni ceux de l’Empire. Nous ne savons pas quel cheval se cache dans l’ombre de quelle tour, ni même la couleur des pions qui s’avancent vers nous.

Le vieil homme rouvrit les yeux. Son visage avait pris l’air sévère de la réflexion et de la détermination.

- C’est pour cela que nous allons voir le Chancelier en priorité, Luke. Il serait illusoire de croire que nous placerions bien nos pions sans une connaissance aiguë de la situation.

Et par ailleurs, il voulait que Luke apprît les rouages, non plus du Sénat qu’il connaissait déjà, mais cette fois de ce qui se passait dans le huis-clos des bureaux des politiciens : ce qui n’était pas expliqué sur les holonews ni même dans les ouvrages des universitaires d’Alderaan.
Luke Kayan
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Par automatisme, Luke hocha la tête, signe que dans son écoute, il affirmait clairement ses positions... Semblables à celles de son maître. Tous deux avaient eu bien peu de sujets pour les opposer. Non seulement le Hapien avait été naturellement influencé par son mentor, mais sa propre nature lui dictait ces choix. Son goût pour la discrétion allait dans le sens d'une retraite de la Rotonde. Les Jedis soit-disant neutres, gardiens de la paix objectifs n'avaient rien à y faire. Encore une fois, Saï l'étonnait et l'impressionnait. Avoir pensé à agir sous couvert des problèmes de santé de Maître Marja pour justifier cette clarification de statut était d'une grande subtilité. Lui aurait sans doute laissé passer l'occasion, comme quoi à 29 ans, le Jedi avait encore beaucoup à apprendre.

Un rendez-vous avec le chancelier en personne ? Malgré lui, le Hapien haussa un sourcil. Il savait que le vieil homme était respecté et que les accès aux Grands de ce monde lui étaient facilités pour cette raison. Mais quand même... L'ombrageux S'Orn, les recevoir ?

- Comme vous le savez, j'ai déjà eu affaire à lui avant qu'il ne soit nommé. Son caractère était, comment le dire de manière diplomatique... Très différente de celui qu'il présente désormais. Je me rappelle d'un homme dédaigneux, affichant clairement son mépris de l'Ordre Jedi. À moins qu'il n'ait changé et mûri, cela ne fait qu'affirmer vos soupçons... Tout ce qui sera fait ne sera pas à notre avantage ni même dans le but d'égaliser les choses. Prudence donc.

Luke n'appréciait pas Grendo. Il s'en méfiait depuis le début de sa nomination, sans aller jusqu'à le voir comme un fourbe verreux non plus. Sans preuve, inutile de l'accuser. Par contre, il voyait bien que le Verdâtre avait les dents longues et se demandait si cela le mènerait à de la corruption mais inutile de laisser ses pensées aller plus loin. La présemption d'innocence n'existait pas pour faire joli, et le Hapien se gardait de juger des gens suivant la conjoncture qu'ils semblaient adopter aujourd'hui. C'était parfois difficile, surtout lorsqu'on éprouvait un certain ressenti personnel envers cette personne. À l'époque, l'attitude de Grendo l'avait piqué. Cette dernière était déplacée, subtilement certes, mais déplacée quand même et puis, le jeune Jedi n'était probablement pas aussi mature. Aujourd'hui, ça ne l'aurait simplement pas surpris, et puis il était trop vieux pour des caprices du genre gamin blessé ou civil (?). Il est vrai que beaucoup se laissaient entraîner par leurs sentiments mais qu'importe. À chacun son rôle, si eux pouvaient se le permettre pour x raison, Luke non.

- C'est tout de même une bonne idée de s'adresser directement à lui.

Concéda-t-il, conscient que cette fois, Maître et ancien apprenti joueraient une carte peu souvent mise sur table. Adepte de l'enquête type fourmi, tous deux aimaient interroger les petites gens, passer par de discrètes avancées bien construites. Luke avait été à bonne école avec Saï, mais aujourd'hui, ils n'avaient plus le temps, notamment le plus âgé. Le blond n'avait pas oublié que ce dernier lui avait parlé de se retirer. L'idée avait fendu le coeur de l'ex-Padawan, elle avait terrorisé le Jedi convaincu d'avoir le meilleur des dirigeants du Conseil mais soulagé celui de l'ami. Le doyen méritait le repos. Calmement, plein de pudeur, Luke ajouta

- Lorsque le nouveau Conseil sera nommé, vous aurez mon soutien. Quoiqu'il advienne.

S'il semblait hors propos, le vieil humain comme lui savaient qu'il n'en était rien. Que Saï continue dans la voie des Jedis ou parte en retraite, son ancien apprenti resterait à ses côtés pour l'appuyer. Il avait vaguement entendu parler des difficultés que le changement de vie supposait pour un homme habitué à faire mille choses, à être utile à la société. Les anciens Jedis avaient glissé malencontreusement quelques paroles à ce sujet lors de conversations anodines. Sans doute préparaient-ils discrètement Luke à soutenir adéquatement Saï si ce dernier se sentait mal lorsqu'il quitterait ses fonctions. L'homme était équilibré mais savait-on jamais. Au moins, le Chevalier avait quelques pistes pour saisir ce qui pouvait déraper ou pas. Sans s'apesantir plus loin qu'une onde de Force douce et chaleureuse, Luke repris le fil de la discussion.

- Reste à savoir comment aborder le chancelier, à commencer par la manière de demander audience.- Récita-t-il comme un bon Padawan ayant appris ses leçons.- L'urgence mettrait l'homme en état d'alerte mais lui donnerait l'impression d'avoir du pouvoir sur nous, parce que nous ne savons pas régler nos soucis nous-même, sommes déchirés et confessons une situation délicate. La simple demande d'audience prendrait peut-être trop de temps, mais elle suggérerait une approche plus amicale, plus banale, indiquant notre confort et nous mettant sur un pied d'égalité. Ensuite, notre attitude pendant le rendez-vous. Un peu idiots pour qu'il nous sous-estime voire inquiets, dépassés ou flegmatiques, dignes pour qu'il n'ait aucune faiblesse sur laquelle s'accrocher.

Encore une fois, son ancien maître avait enseigné bien des choses à Luke dont l'importance de cette première impression. Puisqu'il ratait la rencontre visuelle, le Hapien devait encore plus soigner la suivante : celle des premiers mots prononcés, de l'attitude sur laquelle son corps se coordonnait automatiquement par chance. S'il jouait la fermeté, le visage du blond, fort de milliers d'années d'apprentissage génétique adoptait l'air sérieux et sa silhouette entière d'ailleurs s'y prêtait. Pareil pour le personnage inquiet. Dans ce genre d'audience, il était important de complètement endosser son rôle, jusque dans la réponse à "ça va?" ou "désirez-vous boire quelque chose ?"

- Vu le personnage, je pencherai pour flatter légèrement son égo en restant humble, en cherchant la véritable négociation. Sans nous applatir mais sans montrer de signes comme quoi nous aurions éventuellement saisi ses intentions.

En résumé : de bons moines conciliants et gentillets, pas assez fûtés pour saisir les intérêts sous-jacents du grand Chancelier (s'il y en avait). Il serait toutefois difficile alors de savoir maintenir sa position.

- Par contre, nous pourrions nous montrer butés sur un point. Céder sur le reste, pour qu'il semble gagner, sauf sur celui qui nous intéresse vraiment.

La négociation biaisée... Dire oui sur de nombreux points dont on se moquait voir inventés (un peu comme dans le marketing, on créait des besoins de toutes pièces), se montrer très conciliant sur tout sauf un point précis. Le point camouflé qui intéressait vraiment.
Saï Don
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- Mmh….

Le vieil homme avait étréci ses yeux azur, qui couraient toujours sur les verts paysages qui s’étendaient devant le Temple Jedi. Il acquiesça lentement.

- Je vois que les jeux de la diplomatie commencent à te connaître, souffla-t-il tandis qu’un sourire étirait ses lèvres parcheminées. C’est une très bonne stratégie, et je sais déjà ce sur quoi nous allons être têtus.

Il n’en dit pas plus, énigmatique.

Soudain le vieil homme étira ses bras au-dessus de lui, faisant craquer ses vieux os sous sa bure usée, avant de placer ses mains noueuses derrière son crâne et de s’allonger. Les fougères se plièrent sous son poids et les brins d’herbes dressés autour de lui formaient comme un rempart qui le dissimulait du reste du monde. Soudain, il paraissait que Luke Kayan était seul de nouveau, assis sur la verdure du parc tandis que son maître s’était fondu dans la nature.

- Oh, au fait.

La voix du vieil homme était parvenue de ce lit de fortune.

- Tu sais, ton ami, le chevalier Torr ? Nous le recevons tout à l’heure en compagnie du padawan Loë An. Nous allons l’adouber, si tout se passe bien. C’est un bel accomplissement.

Il y eut un silence, que seule une brise perturba, jouant avec leurs vêtements, faisant s’envoler une petite nuée d’insectes volants dont l’un virevolta au-dessus d’eux avant de se poser sur le nez du vieillard. Maître Don loucha, mais poursuivit comme si de rien n’était.

- Cela signifie aussi que, selon nos traditions, le chevalier Torr désormais pourra être appelé Maître Torr.

Le vieillard laissa l’annonce faire son chemin dans l’esprit de son ancien padawan. Karm n’était pas beaucoup plus vieux que Luke. Le voir si vite devenir maître devait être une fierté pour son ami. Enfin, ami. Le vieil homme n’était pas dupe. Mais Luke et son ami, donc, étaient des adultes que avaient fait leurs choix et ce n’était pas à un vieux crouton comme lui de s’en mêler. Tant que le cœur du hapien restait dévoué à l’Ordre, Maître Don comptait bien laisser loin de ses yeux et de ses oreilles une intimité qui ne le regardait pas.
Néanmoins, le vieillard s’inquiétait de ce que Luke pût être déçu de lui-même de n’être pas déjà si avancé que Karm. Malgré l’humilité du hapien, Maître Don croyait bien connaître son ancien padawan, suffisamment en tout cas pour savoir que de temps à autre, comme tout un chacun, il avait besoin d’un petit remontant d’estime de lui-même. Mais ce jour ne serait pas celui de Luke, mais bien celui de deux autres Jedi, qui tous deux auraient mérité leurs galons.

- Il serait content si tu étais là pour assister à ce petit évènement, je suppose. Ce n’est pas tous les jours qu’on est officiellement invité à faire partie du club des vieux croûtons.

Au-dessus d’eux, un groupe de nuages s’effilochait, bariolant de nuances couleur crème un ciel radieux comme Ondéron en connaissait beaucoup. Le vieillard ferma les yeux pour mieux respirer cet air de paix, s’en emplir les poumons pour en garder toujours les effluves de son esprit tranquille.

Le silence sembla se prolonger, jusqu’à ce qu’un drôle de grondement s’élevât d’entre les fougères.







- Rrrrrrrrrrron.
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