- Au moins elle, tu lui le dois, Luke. Plus que n'importe qui, Helena a besoin de stabilité, après ce qui s'est passé... Et ne va pas me dire que vous avez des doutes à son propos. Elle exprime sans cesse son enthousiasme. Si vraiment, tu souhaites aussi arrêter son tutorat, alors parlez-en lui directement, moi, je ne prendrai pas note de votre requête.

- Hum... Veuillez m'excuser Maître Krev, nous en reparlerons, je suis occupé Maître.

Luke laissa là le vieux Correllien, ce qui supposait qu'il était réellement en colère. En temps normal, jamais il n'aurait refusé de répondre à un aîné qui le sollicitait, cependant, les jamais chez le jeune Hapien devenaient de moins en moins courants, comme s'il soufflait dans sa vie, un besoin d'indiscipline, soufflé par un Ark-Ni bien connu. Malgré son caractère direct, pour sa part, Krev abandonna l'idée de poursuivre son cadet pour le sermonner. Peut-être avait-il conscience d'être allé trop loin en discutant de ses inquiétudes concernant le blond avec son ami très très proche? Depuis, il avait bien remarqué que le placide Hapien l'évitait, lui dirigeait brièvement la parole avant de s'en aller. Un comportement d'autant plus rare émanant de sa personne qu'il était significatif.

Deux heures plus tard, pourtant, le Chevalier avait donné sa réponse, le ton légèrement adouci mais toujours aussi sobrement. Il continuerait à veiller sur Helena en tant que Tuteur, du moment qu'on se dépêchait un peu de lui trouver un maître, elle qui, comme le soulignait le vieux Corellien avait tant besoin de stabilité.

Faire cours à la jeune humaine n'était pourtant pas un supplice, le jeune Chevalier appréciait sa vivacité d'esprit, son enthousiame et son application. Cependant, après ce qui s'était produit avec Eckthor, ne pas montrer qu'il doutait à chacune de ses leçons patiemment confectionnés devenait une épreuve. Karm devait avoir raison, il avait besoin de faire son deuil, de fermer les blessures pour songer, ne serait-ce que reprendre confiance dans le domaine un jour, ou pas. De plus, bien qu'il l'ait défendu pour le principe face à son dissident de compagnon, le blond n'avait pas confiance envers le Conseil pour lui refiler des élèves. Ce dernier avait déjà agi avec précipitation, le mettant devant le fait accompli avec Eckthor, un acte loin d'être fructueux dont on connaissait le résultat. Certes, le garçon était désormais heureux, loin des Corps qui n'étaient pas sa voie. Luke l'avait propulsé vers son véritable maître ou du moins l'institution qui lui plaisait. À vrai dire, le Chevalier ne savait pas réellement ce qu'il était advenu du jeune humain bien qu'il ne lui souhaitât que du bonheur.

La rumeur concernant le fait que Luke n'avait plus d'apprenti avait courru les couloirs aussi vite que celle, précédente qui s'étonnait qu'il en ait pris un. Connu pour accepter d'aider volontiers les élèves sans pour autant être réceptif à l'idée d'en choisir un en particulier, la nouvelle avait surpris. Quant au fait qu'il ait égaré Eckthor en cours de chemin, et qu'il ait arrêtté les classes, les hypothèses allaient bon train, la plus folle suggérait que l'adolescent était décédé, mais les auteurs ne s'étaient pas encore décidé pour dire qui du destin en lui-même ou Luke étaient le coupable. Par chance, une autre rumeur avait commencé a remplacer l'ancienne. Plus croustillante ou dramatique, elle permettait au moins au chevalier de respirer dans les couloirs.

Pour s'assurer une certaine tranquillité toutefois, le Jedi avait choisi le parc pour la classe d'Helena, nullement au courant qu'il avait décidé d'arrêter de la suivre avant de se raviser grâce à Krev, une semaine après, juste à temps pour l'heure habituelle de l'adolescente. Le Hapien l'appréciait, mais hormis une courtoisie élémentaire, il ne montrait pas beaucoup son attachement. Par peur de subir la même déception qu'avec Eckthor peut-être, ou par respect pour le défunt maître qu'il ne voulait pas remplacer. Aimable, patient et bien disposé, le Chevalier l'était. Néanmoins, il y avait en lui encore ce protocole protecteur. Son calme contrastait avec la joie de vivre qu'Helena emmenait partout avec elle, l'exprimant d'ailleurs sans aucun complexe.

- Bonjour Padawan Sword. Ne vous en faites donc pas pour les cours, c'est bien normal.- En plus d'être une manière de rassurer l'humaine quant au fait qu'elle ne le dérangeait pas, cette phrase avisait aussi qu'il ne la traitait pas mieux qu'une autre. Aucun privilège dans son coeur. Helena était une élève dans le besoin et il aurait répondu à toute autre demande de ce genre de la même façon. De toute évidence, vu ses annulations massives de cours où il s'était fait remplacer pour s'occuper d'autre chose, c'était un mensonge.-- C'est toujours moi qui décide de la classe que nous allons faire, pour une fois échangeons les rôles. Je vous laisse le choix. Qu'aimeriez-vous travailler? Et que consideriez-vous nécessaire de revoir? Pour lequel des deux devrions-nous opter selon vous?

Que fallait-il suivre? Le coeur ou la raison? Diriger la classe sur ce qu'elle aimait ou devait améliorer, là serait le choix de la jeune fille. Cependant, il n'y avait aucun piège, aucun test. Luke voulait sincèrement la laisser diriger. Récompense pour son comportement exemplaire lors des classes ou simple fatigue du professeur qui se demandait parfois comment vraiment organiser ses cours?

[HJ: Il me semble que Revan n'a pas encore existé à notre époque ^^, mais je peux me tromper, je ne localise très mal cette époque!]

Qu'avait-il donc fait? Aurait-il touché à une vis maîtresse, la desserrer pouvait-il expliquer l'innondation soudaine? Si Luke possédait cette patience à toute épreuve qui lui permis d'écouter la demoiselle jusqu'à la fin de son exposé, il n'en restait pas moins dérouté. Emmêlé dans les fils sauvages des pensées d'Helena, le jeune homme pris de longues secondes avant de trouver une extrémité pour commencer à tirer et s'en libérer. Par où débuter?

- Pour commencer, la persuasion est beaucoup trop élaborée pour s'y mettre maintenant, en une seule séance. Une introduction éthique sertie de profondes réflexions est prônée avant de s'y lancer, et le parc n'est pas idéal pour ça. D'ailleurs, très peu de Jedis apprennent volontairement à la maîtriser disons. C'est une capacité qui se développe sur le long terme, bien malgré nous lors de situations extrêmes.

- Après y avoir eu recours plusieurs fois, Luke se débrouillait dans le domaine, mais c'était plus dû à son taux de Midichloriens et son entraînement général en lien avec la Force qui l'avaient permis. Il n'avait jamais spécifiquement travaillé ce pouvoir, en quelques sortes, honteux. S'il existait des cours à ce propos pour des branches bien spécifiques comme celle des Ombres, l'apprentissage pur, visant à maîtriser la pensée des gens était rare et surtout, il requérait une patience infinie, sertie de longues introspections. Inutile d'être un génie pour deviner qu'une adolescente bouillonnante se fatiguerait dès les premières minutes de l'explication, si volontaire soit-elle.-

- Concernant le fonctionnement de vos yeux, je ne suis pas le plus indiqué pour vous livrer le mode d'emploi- S'amusa-t-il, heureusement très libéré quant à son handicap. Qu'on lui fasse une réflexion sur son homosexualité - jamais vraiment élucidée, mais quelques malins commençaient à y voir clairs à cause d'une relation soupçonnée et mal cachée par une certaine personne!- aurait immédiatement fermé son visage ainsi que son esprit. En revanche, ce qu'il prenait pour un trait d'humour osé quant à sa cécité l'avait fait sourire. À moins qu'Helena ne veuille quelques astuces d'aveugle pour éviter de trop se cogner? Ou... Carrément lui demander sa canne?. - Mais je suppose qu'en regardant devant vous, en allant moins vite que le suppose clairement le débit de vos paroles, le nombre de bleus devrait diminuer.-

Soupira le Jedi, malgré lui amusé par la gamine survoltée. Si ses gestes allaient aussi vite que les mots ne fusaient hors de sa bouche, après avoir été propulsés par un cerveau garni d'idées désordonnés, il était étonnant qu'Helena soit encore debout, sans plâtre autour du bras ou des jambes. Finalement, elle se débrouillait bien.

- Quant au sabre-laser, je ne pense pas qu'aux vues de vos précédentes révélations, apprendre le lancer soit une bonne idée.

Sa maladresse supposée nourrie par une aversion à l'épée de lumière risquait, de fait, de réduire le Temple en poussière, un exploit que les Siths n'avaient pas réussi à accomplir. Non, décidément, il serait dommage qu'Helena soit l'auteure d'une telle catastrophe. Encore une fois le Jedi ne put s'empêcher de vouloir rire, d'ailleurs, un sourire s'était cette fois, creusé un passage jusqu'à ses lèvres timidement étirées. Impossible de rester complètement sérieux avec cette adolescente. Afin qu'elle ne se sente toutefois pas attaquée ou vexée, le Hapien se dépêcha d'apporter quelques précisions.

- De fait, j'ai moi-même une grande faiblesse et ce depuis toujours, avec le sabre-laser. En reprenant les bases, depuis le début, d'abord avec des techniques simples, j'ai pu m'améliorer un peu, ceci dit ce ne sera jamais mon fort. Ce n'est pas quelque chose que l'on doit abandonner sous prétexte de ne pas être doué, mais ce n'est pas non plus une fatalité. On dit de certains Grands Consulaires qu'ils ne dégaignaient jamais leur arme. Je pense qu'il faut être, dans notre cas, prêts mentalement à tout recommencer, accepter que nous n'aurons jamais un bon niveau tout en essayant de se surpasser avec pour seul comparaison, notre nous d'hier. C'est le seul moyen de nous améliorer sans se frustrer.

Déclara doucement Luke qui avait expérimenté ce désespoir de fournir d'immenses efforts pour un résultat mitigé.

- Organisez vos pensées, ne parlez pas avant d'avoir trouvé ce qui vous conviendrait réellement, en prenant aussi en compte votre environnement et votre interlocuteur. Les circonstances décideront aussi de votre choix.

Analyser, savoir se diriger à telle ou telle personne, choisir un moment précis pour chaque chose. Voilà ce qui permettait de trier les multiples idées qui galopaient dans le cerveau. Si difficile cela soit-il à imaginer, Luke avait été un petit garçon très imaginatif, particulièrement créatif qui écrivait bien. Il avait même dû, lors de ses brèves périodes de "folie", dû fatiguer son maître avec ses propres idées qui fusaient de partout. Saï, vieil homme sage, lui avait appris à concilier ses envies avec ses besoins et ce que ce moment pouvait lui offrir. Au croisement de ces différents critères, ne demeuraient que deux ou trois possibilités.

- Je suis Consulaire, il y a donc des chances que si vous désirez une classe avancée dans un domaince, ce sera celui de la Force. Pour un nouvel apprentissage, basique, je peux aussi vous apporter quelques techniques au sabre. Quant à l'histoire approfondie, songez qu'un membre de l'EduCorps pourrait faire votre bonheur.

Fit doucement le jeune homme en essayant de guider l'élève sans la forcer ou choisir à sa place, une subtilité assez difficile.

Quant à la dernière question d'Helena, elle parut encore plus délicate au Chevalier. Intrigué et involontairement un peu sur la défensive, il répondit sobrement. Une réponse académique que les maîtres les plus traditionnels auraient applaudi.

- Et bien j'ai 27 ans, je suis au Temple Jedi depuis mes dix ans, et j'ai eu l'immense chance d'avoir Saï Don comme Maître. Ce dernier m'a, aux vues de mes capacités et défauts, dirigé vers la voie du Consulaire, ce que j'ai finalement adopté de bonne grâce après un temps d'adaptation. Le Hasard m'a aussi mené à apprendre la guérison.

Bref, il était un Jedi comme un autre, sans passé intéressant. Ce qui comptait était son entrée dans l'Ordre, les leçons tirées de ses erreurs qu'il ne cachait pas. Rien d'autre n'était passionnant en ce qui concernait le Chevalier, et c'était sans optique de mentir ou d'occulter quoique ce soit qu'il avait répondu. Dans son esprit Helena n'attendait pas grand chose de plus que son parcours professionnel, parce qu'il était Jedi, petit point faisant partie d'une immensse communauté, infiniment plus importante que sa personne.

- Qu'entendez-vous par le fait que les gens n'essayent plus de se connaître? Que me raconteriez-vous
pour que je vous connaisse selon votre définition ?

Interrogea-t-il, mal à l'aise mais curieux. N'étaient-ils pas en train de le faire présentement? De se connaître? Et nul besoin de savoir qui pensait quoi pour être solidaires ou servir leur cher Ordre. Chacun partageait des idéaux communs qui les menaient à avancer ensemble, alors pourquoi pousser? Paradoxalement, Luke était le premier à écouter attentivement les histoires de ceux qui l'entouraient, à essayer de les consoler ou d'en tirer des leçons sur leur personnalité afin de s'adapter plus tard. Sans doute que dans son sens, il se sentait trop inintéressant ou mal à l'aise à l'idée qu'on fasse de même avec lui. De toutes manières, hormis son horrible enfance, il n'avait rien à raconter et, non, parler des coups reçus, de son séjour à l'hôpital ou de sa réeducation avec une adolescente n'était pas une option. La majorité des adultes ignoraient d'ailleurs sa misérable vie d'avant l'Ordre, bien qu'il lui soit arrivé une ou deux fois de mentionner sa chère Belle-mère humaine ou son père, honnête ambassadeur à Coruscant. Eux méritaient quelques mots, pas Maria Kayan, ni le Luke faible, triste, attardé de cette époque colorée mais tellement noire à la fois.

- Nous allons plus vite jusqu'au jour où l'on tombe et on se casse quelque chose. Viennent alors des jours, parfois des semaines de convalescence pendant lesquels nous perdons le temps que nous avons essayé de gagné, et plus encore.

Répliqua Luke calmement. Sa propre nature, tranquille, avait été indubitablement renforcée par son éducation avec un vieil homme déjà très sage qui prônait la lenteur et l'anticipation. Se lever plus tôt que quiconque, commencer doucement et finalement, arriver devant les pressés qui avaient fait les choses à moitié, au dernier moment. La fable était connue, déclinée sous forme de multiples contes ou métaphores. Le handicap, enfin, avaient achevé de convaincre le Hapien quant à cette philosophie, surtout lorsqu'il s'en était un peu dévié à l'adolescence. Aujourd'hui, son jeune âge et l'influence de Karm seules avaient dissipé en partie cette tendance, sans quoi ce serait peut-être déjà un de ces vieux somnifères garnis de savoir mais qui exaspéraient de part leur lenteur parfois exagérée.

- Et si, au lieu de vouloir tout connaître, tout survoler, nous nous attachions à étudier en profondeur quelques aspects qui en méritent la peine? D'abord eux, puis s'il y a encore le temps, chercher à savoir le reste. De toutes manières, y compris le plus véloce des animaux, le plus féroce des voyageurs n'aura le temps de parcourir la Galaxie dans son entièreté. C'est encore une question de choix.

Difficile de croire, en l'écoutant que Luke s'était aussi exaspéré, pire encore, qu'il avait accepté la voie des Consulaires comme la sienne plus tard qu'Helena qui semblait déjà s'y diriger. Mû par son désir d'avancer, d'être utile, le Hapien négligeait les mots qui l'avaient pourtant soutenu, ceux avec qui il avait toujours eu une affinité, parce que les résultats s'observaient sur le long terme, et que le processus était lent. La Padawan en revanche semblait déjà séduite par ce chemin, même si Luke demeurait prudent. Cet éclair de désir aurait pu apparaître soudainement parce que la voie des Consulaires sous-entendait qu'ils utilisaient moins le sabre. Dans un sens, il était normal qu'un élève faible avec l'épée de lumière y voit son sauvetage.

- Il est vrai que vous avez un bon lien avec la Force. Mais les Consulaires ne font pas que ça, je veux dire éviter le sabre-laser ou étudier la Force. Ils négocient, discutent, se plongent dans des papiers administratifs, cherchent la minuscule erreur dans les comptes d'un redoutable escroc, cachés dans leur bureau. Ce sont souvent des diplomates, parfois des chercheurs. La patience est un des atouts majeurs que cette voie réclame. Il faut également apprendre à cerner les gens, leurs intentions et parfois, certes, recourir à la ruse. Devoir tremper dans la politique est l'aspect qui me déplaît le plus j'avouerais, mais il faut aussi y passer.

Déclara le Jedi, préférant énumérer les exigences de cette voie beaucoup moins brillante, aux yeux de beaucoup, y compris au sein de leur propre Ordre, que celle des Gardiens.

- Mais vous avez encore le temps pour choisir, nous allons donc méditer et travailler le lien avec la Force. De plus, je peux diriger quelques classes vers la voie du Consulaire afin que vous voyez ce que ça donne. Je vous préviens qu'il y aura des devoirs, et pas des plus plaisants. Attendez-vous à remplir votre datapad d'articles de droit.

À ces mots, son ton s'était légèrement adouci quand même, il voulait effrayer Helena, mais juste assez pour la faire réfléchir quant à son choix, pas la faire fuir directement. Il serait inconvenant qu'elle renonce à continuer avec lui après qu'il ait accepté de continuer le tutorat. En outre, Maître Vrek l'accuserait certainement d'avoir fait exprès.

- Je ne connais pas beaucoup la vie au-dehors du Temple.- Confessa Luke qui était du genre à volontiers accepter, en maîtresse, la sagesse naturelle, instinctive de ceux qui, malgré leur jeune âge avaient plus d'expérience que sa personne dans un domaine.- - Mais êtes-vous bien sûre de ne pas perpétrer un jugement hâtif et trop général? Je vous trouve bien pessimiste quant à la société. Pourquoi vouloir protéger ces gens qui n'ont pas le temps, son égocentriques?

À vrai dire le Hapien s'était déjà posé sincèrement la question, mais il en revenait toujours aux mêmes raisons, aussi simples que clichées et vraies. Ces civils étaient des êtres complexes, remplis de défauts et de qualités. Capables du pire comme du meilleur selon les informations et le vécu du Jedi. Il avait vu des femmes sans diplôme s'acharner à se rassembler pour devenir des guérisseuses hors pairs, dédiées aux plus pauvres. De la même manière, il avait déjà participé au démantelage d'un réseau de trafic d'organes d'enfants. Les premiers valaient la peine de la nuance et leur protection, d'autant plus que les Jedis n'étaient pas dépourvus de défauts, eux non plus.

- Tout le monde n'est pas aussi expressif que vous, Padawan.

Se disant, Luke avait souri malgré lui. Un geste qui disparu pour laisser place à la surprise lorsqu'il entendit Helena lui déclarer une vérité assez étonnante, inquiétante même. Si le blond était calme de nature, il pouvait cependant être bienveillant et avait tendance à le montrer de plus en plus depuis quelques années. Ainsi, sans être un modèle de bonhomie, il n'était pas si rare de voir ses lèvres s'étirer. Karm avait eu raison, le départ d'Eckthor avait dû le marquer très profondément pour qu'une apprentie remarque qu'il n'avait jamais souri jusque là, pendant leurs cours. Des cours qui avaient commencé avant que son élève ne choisisse une autre voie. Probablement parce que les tensions invisibles se nouaient déjà et que Luke connaissait instinctivement la fin de tout ça. Pas spécialement malheureuse mais difficile pour lui, douloureuse aussi. Un long travail s'annonçait pour le Jedi qui devait accepter le mal être qui l'envahissait au lieu de se persuader en surface que tout aille bien pour l'adolescent, était la seule chose qui comptait.

- ... Et bien. Je... Pour en revenir à votre passé, je vous remercie pour le partage.

C'était tout ce qui lui était venu à la bouche, pas terrible pour un éloquent Consulaire, mais la joie de cette jeune fille y compris lorsqu'elle évoquait la mort de son maître le surprenait. Derrière son caractère en apparence très enfantin, Helena révélait une facette très mature qui pourrait peut-être, effectivement, démontrer des capacités pour devenir Consulaire. Elle paraissait en plus se satisfaire de peu, être constante et loyale à leur Ordre. Tout ce que pouvait apprécier Luke et qui aurait tendance à le rassurer quant à... à quoi au juste? Son avenir auprès d'un Jedi qualifié. Et puis c'était tout.

- Si la voie du Consulaire vous plaît, et que vous démontrez de bonnes dispositions, que vous faites des efforts, je parlerai de vous à une connaissance. C'est une diplomate reconnue, une experte dans le domaine de la Force, et elle cherche précisément un ou une Padawan. Vu son âge, une adolescente déjà formée lui conviendrait.

Proposa-t-il, persuadé d'offrir un cadeau à la jeune fille, une récompense en vue afin de la pousser à avancer bien qu'elle ne semblait pas en avoir vraiment besoin.

- Et bien allons-y pour la classe, à votre avis, comment pourriez-vous approfondir votre lien avec la Force?

Demanda le professeur, décidément décidé à endosser le rôle d'élève pour toute l'heure.

Tout voir, tout apprendre et savoir, les jeunes ouverts d'esprits avaient cette tendance optimiste à désirer connaître le plus de sujets possibles, contrairement aux passifs centrés sur eux-mêmes et leur poussée d'hormones. Le trop plein d'enthousiasme d'Helena avait donc quelque chose de rassurant bien qu'il faudrait veiller à ce que cela ne verse pas dans l'arrogance. Décidé à la laisser cheminer, Luke se contenta d'un hochement de tête.

La suite l'étonna davantage. Miss Sword, plus qu'inquiète quant à l'ennui que pouvait provoquer la voie du Consulaire, semblait ravie. Son dossier avait beau parler d'elle comme d'une adolescente appliquée, sérieuse et à jour dans ses devoirs, il était difficile d'appliquer à cette tempête bouillonnante d'énergie, une pile de papiers à lire, souligner et surligner dans tous les sens, isolée dans un bureau. De prime abord, donc, la surprise était plutôt bonne mais le Hapien se méfiait. Il savait qu'inconsciemment, des initiés essayaient de s'auto-convaincre du bien-fondé d'une voie, parce qu'ils se sentaient isolés, perdus au milieu des autres, alors briller aux yeux d'un maître devenait une option pour atteindre le statut de Padawan. Eckthor en avait été un bon exemple, premièrement enchanté à l'idée de sortir des Corps, il se contentait volontiers de Luke, le couvrant d'une admiration discrète qui l'avait aidé à gagner en confiance. La chute n'en avait été que plus dure lorsque l'apprenti s'était rendu compte de leur différence. Sans vraiment s'en cacher, désormais habitué à avoir un Maître et sans la pression de devoir achever sa formation seul, ses exigences avaient augmenté, il avait choisi Karm Torr en modèle. L'Ark-Ni, aventurier et dynamique, en un mot cool l'attirait davantage. Certes, l'adolescent n'avait jamais caché favoriser la voie du gardien alors qu'Helena semblait préférer celle du Consulaire, mais Luke se méfiait.

Sa méfiance augmenta lorsque l'adolescente exprima sa colère. Surpris, le Chevalier posa son regard fixe dans celui de son interlocutrice, la contemplant sans bouger d'un cil, l'air indéchiffrable. Il se concentrait autant pour cacher ses émotions, sa peur mêlée à sa déception, que pour trouver ses mots et maîtriser sa voix lorsque ceux-ci sortiraient de ses lèvres. L'expression utilisée par la jeune requérait toutefois un minimum de fermeté, et ce fut donc, sourcils froncés que le Jedi s'adressa à elle.

- Veuillez maîtriser votre langage ainsi que vos émotions mademoiselle. refourguer? Je vous parle d'une Maître reconnue, qui a fait ses preuves en éduquant déjà plusieurs Padawans. Tous aujourd'hui sont d'honnêtes Jedis qui apportent beaucoup à l'Ordre. L'un d'eux, helàs mort jeune, a même laissé son nom dans notre Histoire après une négociation qui évita une terrible guerre. - Son ton s'adoucit légèrement lorsqu'il se rappela que certains collègues lui avaient narré la terrible peur de ne pas trouver de Maître, de finir dans les Corps, celle que lui, privilégié par sa faiblesse n'avait jamais connu. Pour le protéger et l'aider, Saï Don l'avait choisi à 9 ans. - - En outre, je ne suis que votre tuteur, la formation d'un jeune Jedi est beaucoup trop complexe pour se contenter de quelques heures par semaine. Il vous faudra suivre un maître partout où il va, observer, noter ses actions, échanger avec lui et profiter de leçons personnalisées. Un jour vous aurez besoin d'une telle personne pour vous encadrer et progresser. Que je parle de vous à Maître Carreras ne vous assurerait pas une place de Padawan, mais cela reste une belle opportunité car vous aurez l'occasion de lui démontrer combien vous être déterminée. Je veillerais à vous présenter personnellement si vous le méritez, il est hors de question de vous abandonner, au contraire, je souhaite vous donner une excellente occasion d'apprendre auprès d'une des meilleures. Encore une fois, si nos cours portent leurs fruits alors mettons-y nous sans tarder.

Persuadé que la gamine s'accrochait à lui parce qu'elle ne connaissait rien d'autre et voyait donc en sa personne son unique porte de sortie, le Chevalier espérait la rassurer. Si elle se concentrait, travaillait, s'appliquait, il l'aiderait à se dégager de la pauvre masse d'initiés rêveurs pour trouver un maître, une pointure dans son domaine en plus. L'idée, loin de s'en débarrasser était de lui permettre d'évoluer.

Bien sûr, il associait les mots d'Helena parlant de lien spécial avec lui comme de la pure peur couplée au fait que.elle ne connaissait rien d'autre que son défunt maître ou lui. Elle s'attachait donc sans savoir au premier venu. Au tuteur qui semblait lui montrer de l'intérêt et avait l'air assez gentil pour être supportable. Le but était de finir la formation, et Luke pouvait comprendre ce besoin vital, ce rêve mais la fin ne devait pas justifier les moyens. Helena ne serait pas heureuse avec lui. Elle devait pré Dre son temps voir et évoluer, évaluer aussi les différentes voies, connaître d'autres personnes afin de choisir adéquatement son lien parce que quoiqu'elle en dise, le Padawan avait son mot à dire... Mais le maître aussi et lui ne se sentait pas prêt à réitérer l'expérience.

- C'est en effet un exercice intéressant, surtout qu'il a l'avantage d'instiller le calme. Ce dont vous semblez avoir bien besoin.

Ce n'était pas un reproche, sinon un constat. Obéissant donc à l'élève-maître, le blond s'assit dans l'herbe et ferma les yeux.

- Je vous laisse diriger la méditation.

- C'est surtout à Maître Carrerras que vous avez manqué de respect, mais comme je n'ai moi-même guère été offensé et qu'elle n'a pas entendu vos récriminations, considérons le chapitre clos.

Avant tout soulagé que la gamine n'insiste pas dans sa folie, justifiée par une peur d'initiée assez logique, le Jedi n'insista pas. Helena s'était excusée et la gêne qui dansait dans la Force illustrait bien sa sincérité. C'est donc paisiblement que le duo s'assit dans l'herbe. Luke laissa l'adolescente gérer la méditation, bien qu'il connaisse parfaitement les pas à suivre. De fait, c'était un de ses exercices préférés lors de sa tendre enfance, surtout lorsqu'il avait compris que le but n'était pas de s'endormir, en tailleur, au premier rang. Helena aussi semblait apprécier cette activité, ce qui était plutôt rare à son âge et surtout, contradictoire si l'on prenait en compte son caractère explosif, ses émotions à fleur de peau. C'était tout à son honneur.

La voix hésitante de la Padawane commença à se transformer, adoptant une tonalité plus ferme quoique toujours aussi suave. Presque mystique. La Force accompagnait ses mots, et clairement, son esprit. Lui-même doté d'un taux de Midichloriens très supérieur à la norme reconnut que la jeune fille avait du potentiel. Il n'aurait su dire, beaucoup trop modeste pour ça, si elle le dépassait à son âge, mais sa maîtrise était déjà prometteuse. Luke se laissa porter, pénétrant le courant de leur Alliée sans le cisailler, tout en douceur, afin de ne pas en modifier le cours. Presque imperceptible en son sein, il rejoignit l'aura d'Helena sur laquelle il veillait passivement, discret gardien. Autant dire que le Hapien avait peu de travail à faire car l'adolescent baignait dans son élément, jouait avec les vagues, s'adaptait au calme d'un immense lac sage. Elle perdait ce côté enfantin, boudeur et perdu pour prendre l'allure d'une future Chevalière de leur Ordre, digne, fière, en lien avec la natur...

Craignant un problème lorsqu'il sentit Helena sortir de la méditation précipitamment, Luke rouvrit les paupières. Comme lorsqu'on s'éveillait trop vite d'un profond sommeil, il sentait une douleur passagère mais encombrante cogner ses tempes, son coeur lui-même était agité de soubresauts irréguliers. Il lui fallu une poignée de longues secondes pour prendre la mesure des propos d'Helena. D'abord bouche bée, le Chevalier sembla la fixer, posant sur elle, son regard vairon si particulier. Expressif au possible malgré leur cécité, ils exprimèrent une grande surprise mêlée à une sorte d'incompréhension qui se métamorphosèrent en... Amusement pur. D'ailleurs, impossible d'empêcher un rire cristallin de franchir la barrière de ses lèvres habituellement scellées avec soin, pour n'exprimer que le strict nécessaire. Pondération, dignité, calme étaient les expressions que valorisaient les Jedis et que lui, en cet instant n'exprimait guère, victime de ce qui s'apparentrait presque -s'il n'y mettait pas toute sa volonté pour l'éviter- à un fou rire. Par chance, il se contrôlait un minimum, assez pour exprimer une sincère stupeur, laquelle provoquait un genre d'amusement nerveux sans en arriver à l'hilarité. Au moins, Helena pourrait se vanter d'avoir obtenu du sérieux Chevalier, une petite part de spontanéité. Toujours stupéfait, le Consulaire laissa échapper son étonnement par le biais d'une phrase certes... Peu réfléchie.

- Vous ne l'aviez pas vu? - petit arrêt légèrement gêné, enfin son rire se tarit. Il commençait à se sentir un peu mal d'ailleurs, tant à cause de son amusement que l'expression malencontreuse. D'habitude ça ne le dérangeait pas plus que ça de parler de "voir quelqu'un", ce n'était qu'un mot intégré à son vocabulaire mais étant donné la situation, ce pouvait ajouter un certain malaise. - - Je veux dire, ce n'est pas vraiment un secret.

Si on avait expliqué à Luke que sa cécité ne se remarquait pas de prime abord -bien qu'avec le temps, l'iris avait perdu un peu de sa couleur, ou s'était voilée, impossible à savoir.- Helena et lui se côtoyaient depuis assez longtemps pour que ça se remarque. En général une heure suffisait aux plus astucieux, 3 pour ceux qui m'étaient moins car il y avait toujours des indices, rien que dans sa manière de longer les murs ou ne pas suivre un regard qui bougeair de trop. En outre, le heune homme savait que c'était aussi une de ses caractéristiques communes. Inutile de s'en vexer, tout comme ce Maître Chadra-Fan était le "petit" de l'Ordre ou Feu Ekkt le "colosse", lui était "l'aveugle". Cela faisait partie de son identité, et ça avait certainement forgé son identité. Quelque part, ce fait l'avait toujours arrangé parce qu'on ait tendance à le traiter normalement -ce qu'il préférait- ou comme un handicapé, il n'avait pas à se présenter comme tel. On s'y attendait en le rencontrant et cela rendait les choses bien plus faciles.

- Depuis mes 7 ans. Ça fait longtemps, ne vous inquiétez pas.

Dit le blond avec une certaine douceur, finissant par lire dans le silence de la jeune humaine toute sa tristesse.

- Je veux dire. Ce n'est pas grave. Enfin, ça m'ait égal, je me suis habitué. Hum.

Un peu mal-à-l'aise parce qu'il ne savait pas comment désamorcer la situation, Luke se tu. S'il avait agi comme d'habitude, le Chevalier aurait repris la méditation comme si de rien était mais il sentait confusément que c'était un de ces instants dont Karm lui avait parlé. De ceux où il fallait interpréter un peu le code, s'en éloigner pour devenir plus compatissant. Alors le jeune Jedi resta simplement silencieux, autorisation implicite pour Helena de réagir comme bon lui semblait, comme elle en avait besoin.

- Il est vrai que l'on bande les yeux des apprentis lors de séances au sabre-laser pour affiner leur lecture de la Force. Je ne sais pas si notre affinité s'améliore mais la privation d'un sens oblige en tout cas à mieux écouter les autres et... Je n'aime pas le mot mais, exploiter notre lien avec la Force au maximum. Ceci dit, voir a aussi ses avantages, beaucoup plus que la cécité. Je vous enjoins donc à ne pas négliger vos pauvres yeux autrement que pour de courtes séances éducatives.

L'enthousiasme de cette gamine était aussi fatigant que touchant. Après avoir découvert que son tuteur était aveugle, la voilà en train de s'imaginer gambader dans les couloirs, un bandeau posé sur ses pauvres prunelles privées de travail 24 heures sur 24. Luke la connaissait suffisamment pour la croire capable d'une telle folie. Helena avait une perspective du raisonnable assez particulière, ce qui forçait souvent le Chevalier à la mettre en garde pour des détails alors que ça ne lui serait jamais venu à l'esprit avec d'autres. Mais qui à part l'adolescente voudrait jouer le jeu du non-voyant plusieurs heures d'affilée?

- C'est tout à votre honneur de vouloir... Hum... Comprendre les gens comme moi? Entrevoir -le mot est bien choisi aussi !- petite boutade faisant référence à celle de Miss Sword. Au moins, elle avait bien réagi aux propos de Luke au lieu de se rouler en boule, pleurer, s'excuser ou le lamenter. Il avait apprécié.- mais c'est encore mieux de profiter de ce que vous avez, aiguiser ta vue, observer, lire tout ce que vous pouvez. Bref, je ne crois pas que sur le long terme, cette histoire de bandeau apporte beaucoup. Rares seront les situations où vous vous retrouverez dans le noir.

Sauf si la jeune fille se battait avec lui un jour. Luke cherchait à éliminer la lumière précieuse aux voyants pour gagner un avantage, il avait déjà usé du stratagème dans un parking où il avait eu l'occasion de saccager l'installation électrique afin d'échapper à ses poursuivants avec un ex-otage à sauver. La méthode n'était ni très orthodoxe ni très sympathique pour les électriciens mais la femme s'en était sortie, les ravisseurs perdus avaient finalement pu être semés avant d'être arrêtés. Ceci dit, ceux qui prétendaient que la cécité rendait certains Jedis meilleurs que ce qu'ils l'auraient été voyants était de la fiction, une belle prose qui faisait doucement sourire Luke. Dans la majorité des cas, son handicap le pénalisait. Qu'il ne s'en formalise pas était une chose, qu'il s'en enorgueillisse en était une autre.

- Je ressens des émotions.- enfin sensément! Trop parfois même!- seulement je les contrôle. On ne demande pas à un Jedi d'être comme un droïde, sinon ce serait dangereux. La compassion, l'empathie sont des émotions et ce sont parmi les principaux piliers de notre communauté. Sans cette dernière, nous serions tous éparpillés à vivre notre vie en solitaire, ermites égoïstes. Le code n'est pas à lire littéralement - Karm serait si fier de lui en l'entendant, alors que lui était plutôt interloqué par ses propos, cependant il continua, convaincu que c'était dans une certaine mesure, assez vrai.- Il faut approfondir, creuse. Ainsi, lorsqu'on nous dit qu'il n'y a pas d'émotions sinon la paix, on peut interpréter cela comme "ne pas avoir d'émotions dangereuses ou trop prononcées." Un Jedi doit savoir les écarter lorsqu'il doit prendre une décision importante, pour le bien commun. Quant à la peur, en fait, personne n'en est dénué sinon les fous et les désespérés, deux catégories iraisonnées. Encore une fois, il faut se contrôler, gérer et ne pas se laisser emporter par la spirale. La méditation, le dialogue avec des pairs, la remise en question sont autant de voies qui nous aident à prendre les bonnes décisions. Ce que vous faites en vous ouvrant, or je sais que c'est parfois difficile, c'est donc très bien.


Ayant encore du mal à situer la limite entre le trop d'émotions, le pas assez et le juste milieu, Luke ne se sentait pas forcément à l'aise de prêcher sur ce thème, cependant il devait bien répondre à l'Adolescente. De ce fait, il tentait de faire un mélange entre ce que Karm aurait pensé et lui, sans oublier la colle, l'élément qui reliait ces modes de pensées: L'Ordre.

- Les membres de l'AgriCorps s'extasient devant une petite plante qui grandit, sans cet amour, leurs soins seraient moins efficaces, les Guérisseurs sont animés par le désir d'aider leurs patients et leur transmette compassion et empathie, les Gardiens épuisés sont soutenus par leur volonté d'arrêter le criminel et les Consulaires par leur foi envers les mots. Sans émotion, nous serions dangereux, aussi dangereux qu'avec trop. C'est une question de dosage. Réponse théorique facile, application beaucoup plus complexe.

Certains maîtres excentriques faisaient parler d'eux, drôles, presque ridicules, explosant de joie sans s'en cacher, farceurs à leur grand âge tandis que d'autres se démarquaient par leur rigidité, une discipline à toute épreuve. L'Ordre n'était heureusement pas une secte qui prônait l'uniformisation des esprits, ni l'élimination des sentiments, il conseillait juste de se méfier des décisions prises sous le coup de la passion. Ceci dit, c'était cette passion qui permettait de prendre des paris risqués comme l'avait fait Maître Krev en le laissant soigner Karm, et c'était d'ailleurs ce qui avait sauvé l'Ark-Ni. Où était donc la limite? Dans le triste, froid pourcentage de réussite? Peut-être, mais Helena n'avait pas besoin de connaître sa triste théorie. Elle grandirait entourée de Sages, de son maître qui la guideraient pour la pousser à apprendre elle-même ce genre de choses.

Malgré les propos de Luke, la jeune fille ne renoncerait pas. L'idée amusa le concerné qui la félicita intérieurement de ne pas mentir en promettant de ne pas s'y essayer, simplement. Elle avait du caractère derrière ses apparences de "petite groupie", ce qui finalement ne déplaisait pas au Jedi. Lui-même tranquille, docile se retrouvait dans ces relations avec des personnes plus déterminées, dont le chemin déviait de la grande route tracé par ses aînés qu'il s'était appliqué à suivre. Karm lui avait enseigné le goût de l'aventure, de la bravade tant qu'elle fut légère et n'implique pas la souffrance d'autrui. Il vivait ces moments épicées à travers les gens qu'il cotôyait, par procuration, comme lorsque Karm lui racontait ses ultimes déboires avec de vieux Consulaires grognons mais considérés comme sages auxquels lui-même ne se serait jamais opposé quoiqu'il en pense. Helena était encore jeune, il faudrait veiller à ne pas trop encourager son côté rebelle, cependant de ce qu'il lui connaissait, l'adolescente avait un véritable fond de gentillesse qui devrait la protéger de dérives sérieuses. Un Maître posé, sachant expliquer le pourquoi du comment sans punir inutilement achèveraient d'en faire une future Chevalière plus sage sans pour autant gommer son caractère pétillant.

Maître Oïsha à qui Luke voulait un jour présenter Helena était une femme très sévère, n'admettant guère le manque de discipline, et à cette pensée, il sentit le doute s'installer. Un doute qui s'effaça rapidement aux vues du palmarès de la talentueuse Consulaire. On prétendait -et le blond y croyait volontiers- qu'elle connaissait la constitution de Coruscant et d'Ondéron par coeur, passait plusieurs heures par semaine à se maintenir informée des mises à jour des lois, une femme organisée, toute dévouée à son Ordre. Son nom était l'un des premiers à avoir été inscrit dans les livres d'Histoire à titre anthume [H: j'ai appris ce mot aujourd'hui!]. Bérangère Oïsha était indéniablement ambitieuse, et son éducation Jedi freinait à peine ce trait qu'on lui pardonnait étant donné son talent. Elle n'admettait pas de faux pas de ses apprentis, les menant à un niveau très haut grâce à une éducation sans concession quoique juste. C'était bien mieux pour l'avenir d'Helena que de terminer aux côtés d'un Chevalier aveugle qui ne briguait même pas au rang supérieur. Un déviant qui avait cédé à la chaire. Les mots convaincus d'Helena a ce propos ne firent que le conforter dans son idée, la gamine devait absolument plaire à Oïsha.

- Le Code s'est légèrement assoupli en la matière, des maîtres reconnus ont eu des enfants, ceci dit, leur relation fut tolérée parce qu'ils savaient où était leur priorité.- Pourquoi parlait-il de ça lui? Malgré son air impassible, le sang battait à ses tempes. C'était comme si inconsciemment, le jeune Jedi avait besoin d'obtenir l'approbation, le pardon de la jeune fille, sans mème qu'elle sache devoir lui pardonner quoique ce soit.- L'idée de dosage semble en tout cas la plus indiquée, c'est une image assez juste, oui.

Souffla-t-il en guise de conclusion, sentant que son coeur allait exploser, de honte, de peine et de colère envers sa propre personne. D'autant plus qu'il savait très bien qu'il serait incapable de quitter Karm, contrairement à Jason dont il aurait pu se défaire si le Conseil, au courant, le lui avait exigé. Non sans une certaine difficulté, le Chevalier avala sa salive, les propos d'Helena ne firent qu'alimenter sa gêne. Elle le voyait tel un aîné en qui elle pouvait avoir confiance. Seul l'assouplissement des règles calmait ses sentiments paradoxaux qui le hantaient encore vis-à-vis de sa relation.


- Bien sûr, je serai disponible.

- Affirma Luke, néanmoins persuadé qu'une fois associée à un bon maître, que ce soit Bérangère ou non, n'aurait plus besoin de lui. La jeune fille continuerait probablement de le saluer par éducation, mais il ne serait plus qu'un souvenir, peut-être même un peu douloureux, de ce passé confus. Une passerelle qui mènerait Helena à trouver sa voie. Ce pouvait finalement être son rôle, à Luke, justement, de guider les gens vers la personne qui leur correspondait. Un pont, un éphémère professeur qui devait veiller à ne pas trop s'attacher à ceux qui n'attendaient qu'une bonne nouvelle pour partir. En soi, ce n'était pas dénigrant, pourvu qu'il se fasse à l'idée dès le début, ce pouvait même être satisfaisant.-

La méditation repris, le Hapien suivit sans difficulté la jeune fille qui démontrait de bonnes capacités pour se lier à la Force. Elle était vite passé de l'excitation, du stress au calme, ce que Maître Oïsha ne manquerait pas de noter. Un bon point pour Helena. le caractère trempé, les émotions à fleur de peau de l'adolescente ne feraient pas peur à la vieille femme qui se chargerait, une fois l'apprentie sous son aile, de la façonner. Façonner, le verbe dérangea le Jedi, mais, à nouveau il se souvint du succès triomphant de Bérangère. Elle avait eu 4 apprentis et tous avaient réussi à devenir Chevalier, un chiffre presque inédit. À ses côtés, Helena qui doutait en ses capacités réaliserait son rêve. Elle deviendrait une excellente Jedi, meilleure que lui, Luke y comptait fermement.

En réponse à la douce chaleur qui se diffusait autour d'eux, Luke répondit par une brise qui porta les ondes bienveillantes, elles envahirent le parc, faisant tourner la tête de petits initiés qui, sans savoir pourquoi ou comment s'approchèrent un peu afin de profiter de la sensation. Le bien-être s'installa dans les lieux, surprenant Luke qui ne croyait pas trouver aussi rapidement l'épicentre de l'aura de l'apprentie. Il n'avait pas oscillé une seule fois, s'était calqué sur sa présence, avait adopté son rythme et nourrissait la méditation. Tous deux la vivaient ensemble, auras enlacées un peu à la manière dont celle de Karm et la sienne se mêlaient, sans équivoque, bien sûr. C'était une union pure, dénuée de sentiments adultes, juste deux âmes qui voguaient au sein de la Force, se ressourçaient et s'alimentaient l'une l'autre avec un naturel déconcertant. Luke avait pourtant déjà travaillé avec des apprentis plus puissants que la brunette, des Miralukas, des Mirialans ou des Kiffars intrasèquement liés à la Force.

Il rouvrit les yeux, encore un peu hébété par cette séance qui s'annonçait commune pour lui. Celle d'un professeur accompagnant les pas d'une élève au sein de la Force, toutefois, la réalité avait bien différente, car c'est côte à côte qu'ils avaient médité, évoluant en harmonie. Ils avaient chacun apporté un peu de leur pouvoir afin de propulser l'autre plus haut. Même avec Eckthor avec qui il était sensé être proche, jamais Luke n'avait ressenti ça.

- Et bien, c'était productif, je n'ai pas eu à vous guider. Félicitations pour votre concentration à toute épreuve.

Désormais une fatigue sereine envahissait le corps du Jedi, il était apaisé, satisfait, heureux. Oui, content et bien là, avec cette adolescente qu'il aurait voulu encore fuir il y avait peu.

- Qu'avez-vous pensé de cette séance?

Demanda-t-il d'un ton aussi détaché que possible. Il l'avait complimenté, certes, mais ne voulait pas entretenir son espoir de devenir son apprentie. Ce qui s'était produit entre eux était normal. Entièrement normal, ils avaient juste été dans un bon jour.