Absalom Thorn
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La villa qui étendait ses bras de pierre sur les rives du lac offrait un spectacle bucolique : au bout du parc qui dévalait jusqu’aux berges depuis son perron monumental, des saules pleureurs, inclinés par-dessus la rive, laissaient courir leurs feuilles dans l’eau claire. Qui aurait cru que dans ce domaine paisible, où vivait d’ailleurs un poète, se trouvait depuis quelques jours un génocidaire machiavélique ?

Absalom Thorn était descendu chez ses parents. Il occupait dans le manoir familial une aile qu’on avait toujours soigneusement entretenue pour ses visites pourtant de plus en plus rares. L’affection de sa mère ni de son père n’avait jamais faibli, mais il est vrai qu’elle naissait plutôt de la fierté que de la tendresse. Les crimes que l’on supposait à leur fils ne les rebutait guère. D’abord, ils s’exerçaient le plus souvent contre des créatures inférieures, contre cette masse grouillante qui abondait dans la galaxie, mais qui, aux yeux de bien des Hapiens, était une quantité négligeable, sinon par le nombre, du moins par la valeur. Ensuite, toute grande entreprise exigeait des sacrifices considérables. Elle était en quête de science, il était en quête d’art : leur fils s’était plongé dans la Force, et voilà tout.

Le domaine Thorn donnait à comprendre combien les capacités prodigieuses de Darth Noctis avaient puisé dans un terreau favorable. Outre les manipulations génétiques patientes qui avaient précédé sa naissance, et qui avait sélectionné, autant que l’ADN lui permettait, l’intelligence et la beauté, l’opulence de la famille, toute entière dédiée non à l’oisiveté mais à l’excellence, avait formé dans les premières années de sa vie un esprit excellent sur lequel les enseignements des Jedis avaient pu se développer.

La vie de Darth Noctis avait commencé de la manière la plus inégale et il avait été illusoire, de la part des Jedis, de croire pouvoir l’amener à plus d’humilité.

Je vois que ton projet suit son cours, déclara son père, Balor Thorn, le fameux poète.

Ils lisaient les nouvelles.
Chez les Thorn, on n’écoutait pas les nouvelles de l’Holonet.
C’eût été une passivité digne des gens du commun.

Le Chancelier arrive demain, confirma Absalom, plongé dans l’examen des derniers flux de capitaux, qu’il transférait, petit à petit, depuis le sommet d’Ossus, vers une myriade de comptes et de sociétés, de coffres et de prête-noms, à travers la République, les mondes indépendants et l’Espace Hutt.

Depuis quelques semaines, le monstre tentaculaire de son organisation s’était mis en mouvement, silencieusement, imperceptiblement. C’était un tentacule replié ici qui se déroulait là. Et un autre. Et encore un autre. À son arrivée au sein de l’Empire, Absalom avait rapidement jugé que l’instabilité de l’État rendait incertaine toute installation sur une planète particulière et il avait pris soin de laisser l’essentiel de ses ressources pour ainsi dire volantes. Avait-il prévu, à l’époque, qu’il procéderait quelques années plus tard à son exfiltration ? Probablement pas.

Il avait pris cette résolution en quelques secondes, lors de sa conversation avec Darth Khorrog, en se reposant moitié sur ses réflexions, moitié sur son instinct, à travers la Force. Face à cet hologramme, dans une bibliothèque du palais royal d’Ossus, il avait contemplé tout ce qui lui paraissait vicié dans l’Empire : la colère, l’obsession militaire et le pouvoir du clergé. La sclérose menaçait, et c’était une sclérose contraire à ses projets.

La rectrice de l’Académie des Sciences, lut à haute voix son père, madame la professeure Ivana Cairn, remettra à Son Excellence le Chancelier Suprême de la République un prix pour le paix, couronnant ses contributions notables à la stabilité galactique, essentielle aux échanges des savants et au développement des savoirs. Certains y voient la volonté des milieux intellectuels de notre planète d’aller vers une plus grande ouverte envers la République, une ouverture que de nombreuses grandes entreprises appellent aussi de leurs vœux.

Comme à son habitude, Absalom entendait bien faire d’une pierre plusieurs coups. Rentrer en contact avec Grendo, après que ses agents aient soigneusement préparé le terrain, dans certaines sphères du pouvoir républicain. Faire pression sur les politiciens les plus traditionnels d’Hapès, pour pousser à une ouverture économique, à son avis nécessaire à la prospérité future de la planète. Et rendre tous ceux qui profiteraient de la visite du chancelier et de son entourage pour faire fleurir leurs affaires redevables à sa mère, orchestre officieuse de l’événement, c’est-à-dire redevable à lui.


*


Sur la scène du grand auditorium de l’Académie des Sciences, les discours s’étaient succédé et, enfin, on avait laissé la place au chancelier, pour qu’il accepte son prix. Dans un petit salon de lecture particulier, à quelques étages de là, assis sur un fauteuil, Absalom suivait la retransmission. Il était libre de ses mouvements, sur Hapès, qui n’était pas une terre républicaine et dont il était, somme toute, l’un des plus remarquables produits, mais la prudence l’avait invité à la discrétion et, depuis son arrivée, il s’était fait fantomatique.

Ses rendez-vous avaient été nombreux, mais ils avaient été retirés. Il avait vu, parmi celles et ceux qui comptaient dans le monde des affaires, de la culture et de la politique, de la science et de la religion, les personnes qui lui étaient les moins hostiles. La méfiance qu’inspirait la République, la réputation de la famille Thorn, l’excellence évidente de son patrimoine génétique, tout cela se combinait pour lui attirer beaucoup d’indulgence et, à vrai dire, on lui pardonnait plus aisément d’être un Sith que d’être un mâle.

Applaudissements.

Les discours étaient finis.

L’enthousiasme là-bas se mêlait de beaucoup de soulagement. Certains académiciens ne pensaient qu’à retrouver leurs bureaux, d’autres songeaient passionnément aux petits fours et les plus âgés ne rêvaient que de tituber jusqu’aux toilettes. L’auditorium se vidait peu à peu alors que l’on guidait le chancelier dans les coulisses. En chemin, la rectrice de l’Académie lui présenta une scientifique notoire, une généticienne brillante, un grand nom, lui assurait-on, de cette science tenue en si haute estime sur Hapès : Cala Thorn.

Cette femme de plus de soixante ans avait la beauté singulière mais froide des Hapiennes d’un certain âge. Son regard d’un intelligence redoutable rappelait immanquablement celui de son fils, mais il était dénué de cette chaleur bienveillante que Darth Noctis semblait contre toute attente capable de manifester même à ses plus féroces ennemis. Pour Cala Thorn, le monde n’était apparemment qu’une série de faits et des phénomènes, à calculer, expliquer et cataloguer, mais, avant toute chose, à disséquer.

On s’échangea de banales amabilités. Cala Thorn n’avait aucun penchant naturel pour la cordialité du monde, mais une solide éducation suppléait à son manque inné de douceur. Chemin faisant, on proposa au chancelier de se reposer quelques instants dans un salon particulier, avant de devoir se plonger à nouveau dans la foule comme dans une arène, et cette proposition avait été faite d’un air entendu.

Or, en effet, la porte se referma derrière eux et la professeure Thorn sans que leur sillage n’y fût admis.

Ah, Votre Excellence, quelle heure et incroyable coïncidence, s’exclama Absalom avec un enthousiasme tout naturel en quittant son fauteuil.
Je vais vous laisser discuter, déclara un peu brusquement la généticienne.
Merci, mère.

C’était du respect plutôt que de la tendresse qu’il y avait dans le regard que la mère et le fils s’échangèrent, avant que celle-ci ne quitte les lieux.

Votre Excellence, la courtoisie me pousse à préciser d’emblée que je ne suis pas là pour vous assassiner.

(C’est que les Siths avaient leur petite réputation.)

Au contraire, figurez-vous que j’ai ces derniers temps votre bonne fortune presque autant à coeur que la mienne. Le prix que vous venez de recevoir n’est qu’un témoignage, je le crains bien modeste, de ma bonne volonté. Je peux vous servir à boire, peut-être ?

C’est quand même bien urbain, un seigneur du mal.
Grendo S'orn
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S'orn n'avait rien d'un académicien, pourtant il avait eu l'impression de captiver la foule de la même manière qu'il eu captivé son électorat lors d'une campagne. Nulle banderole à son effigie, nul cri d'un partisan hystérique, que le gratin d'Hapès, du monde trié sur le volet pour cette réception où champagne se mêlait aux petits fours. Le neimoidien était habitué à ce genre d'événement, mais c'était la première fois qu'il recevait un prix pour la Paix. La paix ... Un rêve ambitieux , presque inatteignable qui prenait sans doute une certaine forme d'utopie au vu des récents événements. Pourtant, la paix avait ses avantages. Sous le couvert de la paix l’on pouvait déporter la dissidence, sanctionner la presse, mener purges et saignées, l'ont pouvait aussi se maintenir au pouvoir ... et faire d'une République ... Son Empire.

- Darth Noctis ! J'exige des explications immédiatement ou je fais mander ma sécurité ! haussa-t-il le ton en reculant doucement vers la porte fermée quelques secondes plus tôt par celle qu'Absalom venait de nommer Mère.

Mère ? Ainsi, l'infâme conspirateur Sith était issu d'Hapès. Rien d'étonnant en observant cet agaçant faciès quasiment parfait. Mais que faisait-il ici ? Et que lui voulait-il exactement ? Aux dernières nouvelles, Darth Noctis avait quitté Ossus bien avant l'arrivée du Haut Inquisiteur Darth Khorog. La peur d'être arrêté et mis sous fers sans doute. L'Inquisition Sith n'était décidément plus ce qu'elle était auparavant ... pourquoi ne traquait-elle pas cet individu jusque dans les tréfonds de la bordure extérieure ? N'avait-il pas mis en danger la fragile paix que le neimoidien désirait tant arracher à cet Empire belliqueux et querelleur ?

- Votre bonne volonté ? Je ne dois ce prix qu'à ma capacité à ramener l'Ordre et la Paix dans cette Galaxie. Un objectif que vous avez bien failli mettre à mal si l'Inquisiteur Khorog ne vous en avait pas empêché. Savez-vous comment les médias républicains vous ont surnommés à la fin du Sommet ? Vil conspirateur ...

S'orn prenait des risques à parler de la sorte, des risques inconsidérés d'ailleurs mais il ne pouvait s'en empêcher. Les mots sortaient plus vite qu'il ne réfléchissait avant de les prononcer. Le neimoidien était seul, sans défense, se rapprochant chaque minute un peu plus de la porte de sortie comme pour s'enfuir et demander l'aide de sa garde qui ne devait être très loin ...

- Et je m'étonne fortement de vous voir encore en liberté. L'Empire ne traque-t-il plus ses traîtres ?

Darth Noctis n'était ni plus ni moins qu'un traître à sa Nation. Telle était l'image que les médias avaient fais de lui des semaines encore après la fin du Sommet pour la Paix. Mais S'orn ignorait tout du parcours du jeune Sith, qui de toute évidence, avait réussi à s'extirper de cette mauvaise situation d'une manière ou d'une autre. Il ne doutait guère de l'ingéniosité d'Absalom tant il avait littéralement brillé lors du débat qui les opposait quelques mois plus tôt. Peut-être devait-il l'écouter après tout ? Ne venait-il pas de dire que sa bonne fortune lui tenait presque autant à coeur que la sienne ? La curiosité du neimoidien était piquée à vif mais il restait toujours sur ses gardes.

- Que me voulez-vous Sith ?! lui aboya-t-il au visage en atteignant enfin la porte de sortie, toujours prêt à filer dès que l'occasion se présentait.

Absalom Thorn
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Sa sécurité ?
Appeler sa sécurité ?
Absalom se retint d’adresser au Chancellier son regard le plus surpris. S’orn pensait-il vraiment que sur ce monde, sur son monde, et face à un Seigneur Sith, un petit contingent de gardes du corps serait plus efficace qu’une goutte d’eau jetée sur un brasier ? Mais le Neimodien était de toute évidence mal à l’aise et le Sith n’avait pas la moindre intention de le terrifier.

Comment m’ont surnommé les médias républicains ? Si mes souvenirs sont bons, « le doux visage de l’Empire ». Je me souviens de ce documentaire produit par une holochaîne d’Alderaan sur ma carrière de diplomate de l’époque où j’étais un Padawan à aujourd’hui, et je dois avouer, chacun a sa vanité, que j’ai été touché par le spectacle de tous ces traités de paix. Pas de verre d’eau, donc ?

L’Hapien n’était pas dupe. Si l’Inquisition avait tenté de sauver la face en le jetant aux lions pour dissimuler ses horaires, sa réputation au sein de la République était loin, très loin d’être aussi désastreuse que S’orn ne voulait bien le suggérer. Et c’était bien normal : chacun pouvait se reporter aux images du Sommet, mais aussi à son parcours de Jedi, infiniment mieux attesté, documenté, enregistré et vérifiable que les exactions qu’il avait commises depuis qu’il avait rejoint l’Empire.

Le Sith se servit un verre d’eau avant de s’installer à nouveau dans son fauteuil.

En revanche, je dois bien reconnaître que nombre de mes collègues impériaux n’ont pas partagé cette flatteuse ouverture d’esprit. Ce n’est pas une surprise, au demeurant : je n’étais jamais été très populaire parmi les fanatiques religieux.

Il marqua une pause, puis conclut d’un ton dégagé :

Vous non plus, il me semble.

Il faisait allusion aux relations en demi-teinte du Chancelier avec l’Ordre Jedi, que les protestations de bonne volonté lors du Sommet n’avaient pas entièrement suffi à dissimuler. Pour sa part, le Seigneur Sith avait pu mener ses affaires dans une relative tranquillité — consolidée par quelques assassinats bien placés — tant que l’Impératrice avait été une figure absente et largement lointaine, dans le règne fantomatique avait ménagé une grande liberté au Seigneur. Mais la faiblesse du trône impérial, qui laissait les coudées franches à une Inquisition rétrograde, avait changé la donne.

Mais pour en venir droit au but, je suis ici pour faire preuve de générosité. C’est que, voyez vous, je fonde de grands espoirs sur votre règne. Pardon, sur votre mandat.

Absalom déposa son verre sur la petite table à côté de son fauteuil, pour croiser les doigts.

Ma situation en Empire, vous ne l’ignorez pas, est devenu compliquée. J’ai toujours été partisan d’une certaine souplesse idéologique. La paix avec la République, le pluralisme en interne et une intégration économique à l’échelle galactique. Pour favoriser les échanges et ouvrir assez de libertés pour que toutes les composantes de la société puissent faire preuve de la créativité nécessaire à une société d’abondance.

Une créativité qu’il exerçait pour sa part principalement à travers ses recherches pour la Force et la science, mais dont il savait pertinemment qu’elle dépendait de façon systématique d’un progrès d’ensemble.

Ce point de vue a toujours été marginal, mais, bon an mal an, il a été toléré tant que le pouvoir central se sentait assez fort pour se faire respecter malgré de menues divergences. La situation a changé, et mon erreur a été de ne pas avoir anticipé à quel point les faiblesses d’hier étaient devenues profondes. La relative vacance du trône impérial a créé un appel d’air pour les intégristes religieux dont le programme est, pour le dire sobrement, sensiblement différent du mien.

Il était vrai aussi que Darth Noctis ne s’était jamais impliqué en politique que dans la stricte mesure où ses actions étaient nécessaires à la préservation de sa propre liberté de pousser un peu loin sa découverte de la Force et qu’il n’avait jamais consenti les efforts qui auraient pu le mettre en situation d’influer durablement sur le cours de la politique impérial.

Darth Khorog n’est que l’un des visages d’une nouvelle génération de Seigneurs Siths, pour qui le pluralisme est une abomination, la paix un instrument passager qui permettra de faire le ménage en interne avant de redoubler d’efforts contre la République et la créativité un danger impérieux à étouffer à tout prix. Ils ont opportunément profité de la médiatisation du sommet pour galvaniser les franges les plus obscurantistes de ce qu’il reste d’opinion publique au sein de l’Empire et pour explorer les conditions d’une trêve purement opportuniste.

Darth Noctis se demandait encore quelle part de calcul et quelle part d’anticipation réfléchie il y avait eu de la part de l’Inquisition dans les événements des dernières semaines mais, au bout du compte, c’était sans importance pour lui.

La poursuite de ma coopération avec l’appareil d’État impériale a été bien entendu gravement compromise. Fort heureusement, comme je ne doute pas que vos services de renseignement vous l’aient appris, mon pouvoir économique au sein de l’Empire n’a jamais reposé sur des possessions territoriales, mais plutôt sur des capacités logistiques et une organisation assez flexible pour être déplacée et remobilisée en un temps relativement court.

Absalom s’était toujours méfié de l’attachement à la terre. Les planètes impériales étaient trop fragiles et la situation trop volatile selon lui pour qu’une seigneurie fondée sur un monde ou un secteur puisse suffire à garantir la sécurité. Il avait préféré dès le début déployer un réseau de bases, de centres de recherche, d’alliances de circonstance et d’investissements, aux marges de l’Empire et ailleurs, que de planter le moindre drapeau dans la moindre capitale.

Quoique mon pouvoir si l’on peut dire temporel au sein de l’Empire ait considérablement diminué, je dispose toujours d’une fortune personnelle considérable, de loyautés bien placées de tous les côtés de la frontière et d’un réseau de fidèles dont il me semble qu’un rapport récent de l’Ordre Jedi les décrivait… Attendez, quels étaient les mots, déjà ? Des zélateurs fanatiques dont la fidélité au Seigneur Sith confine à l’idolâtrie.

Gourou, c’était une bonne situation.

Ces ressources, je me propose de les mettre dans une large mesure à votre disposition, pour vous aider à consolider la République et à conserver une avance dans les négociations, voire les confrontations avec l’Empire. Et je suis sûr que vous me comprenez bien, Chancelier Suprême.

Car l’une des raisons qui motivaient cette conversation pour Absalom, c’était qu’il n’avait pas le moindre doute sur l’intelligence de son interlocuteur.

Je n’ai aucune sympathie particulière pour vous. Ni antipathie, à vrai dire. Le fond idéologique de votre programme m’importe peu. Mais vous avez un tempérament pragmatique et une lucidité concrète qui ne s’embarrassent pas de principes inutiles. Ce pragmatisme est plus rare qu’on ne le croirait, dans notre Galaxie, à l’heure actuelle : il a été relativement absent des hautes sphères républicaines ces dernières années et on le chercherait certainement en vain dans celles de l’Empire.

Dans l’Espace Hutt, c’était une autre histoire, mais Absalom ne s’étendait jamais sur son attachement très particulier à cette partie-là de la Galaxie.

Je recherche la stabilité pour le monde qui m’entoure et une relative liberté personnelle. Le pouvoir politique et la fortune ne m’intéressent que dans la mesure où ils sont des moyens pour approfondir mes connaissances. Ma fortune est sûre et mon pouvoir politique…

D’un geste de la main, il embrassa la pièce qui les entourait et, par extension, la planète qui les accueillait :

… viendra ici, je l’imagine, en temps et en heure. J’ai des ambitions considérables, c’est vrai, mais aucune qui ne contrarie les vôtres. J’ai été rejeté de l’Ordre Jedi puis de l’Empire parce que mon point de vue allait à contre-courant de l’orthodoxie religieuse. Mais vous, vous n’avez pas d’orthodoxie. De temples, et de rituels au fond de vallée désertique, et de capuches sombres, et de chants sacrés.
Grendo S'orn
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Grendo, ce vil scélérat à la langue généralement bien pendue garda ses lèvres scellées l'espace d'un bref instant. Un silence pesant, presque inconfortable régnait dans le salon privé dont la décoration était à l'image du reste de la bâtisse, quoique un peu plus oppressive selon les goûts du neimoidien. Ses pensées, elles, tourbillonnaient dans un flot incompréhensible, ses yeux désespérément fixés sur son interlocuteur qui observait chacun de ses gestes. Noctis n'était guère d'une grande aide pour détendre l'atmosphère, adoptant cette même attitude suffisante qu'il avait eu au cours du débat holo-télévisé datant de quelques mois déjà. Maudit soit ce Sith et ses semblables.

- Hapès n'est qu'un nid de vipères prêtes à s'entre dévorer. répondit-il, presque naturellement, au laïus du jeune Absalom. L'on ne comptait plus le nombre de complots et de tentatives d'assassinats en vers la Reine Espara. Une situation d'instabilité telle, qu'elle avait forcée le Consortium à se refermer davantage sur lui-même, bien plus qu'au cours de cette dernière décennie. La position centrale d'Hapès lors du débat du premier Sommet Galactique pour la Paix à bord du Starhome semblait bien lointaine aujourd'hui ...

- Je ne peux que saluer votre noble ambition de ramener la stabilité sur votre monde. Mais je crains que vous ne soyez que peu éligible vu votre ... genre. Après tout, ne sommes-nous pas sur un monde qui prône le matriarcat au point de ramener l'homme à l'état de vulgaire géniteur ? S'orn ne cachait rien de son dégout pour ce type de gouvernement. Le matriarcat. Ce mot, une insulte dans la bouche du neimoidien qui résonnait et s'enfonçait semant colère et chaos dans son esprit trop étroit. Le matriarcat. Douce chimère que de penser qu'une femme pouvait être l'égale d'un homme.

- Dois-je en conclure que vous ne faites pas partie des partisans de la Reine Abasalom ? en s'imaginant prédatrice, Espara Astarta était-elle définitivement entourée d'une horde de loups prêts à la dévorer toute crue ? L'esprit du neimoidien était désormais ouvert, aiguisé, le Sith avait réussi à piquer à vif sa curiosité. Mais qu'attendait-il de lui exactement ? Le faire monter sur le trône d'Hapès ? Impensable, S'orn n'avait que très peu de pouvoirs sur ce secteur de la Galaxie, bien que l'instabilité politique de cette région jouait inévitablement en sa faveur. Disposer d'un pion au sein du Consortium pouvait être aussi intéressant que dangereux pour ses plans futurs. Mais le jeu en valait peut-être la chandelle après tout.

- Comme vous devez vous en douter Darth Noctis, je n'ai que très peu confiance dans les gens votre espèce. Ce ne serait pas la première fois qu'un Sith, ou ex manipulateur d'une force obscure peu importe comment vous vous qualifiez aujourd'hui, jouerait de faux semblants, de complots et d'intrigues. Vous parlez de ressources, de richesses et de connaissances mais je crains d'avoir besoin d'un véritable acte de votre bonne foi avant de m'engager davantage dans une quelconque entreprise qui nous lierait vous et moi. S'orn souriait, mais il était en réalité complètement terrifié à l'idée de s'associer pour la première fois de sa vie à un Sith. Etait-ce le prix à payer pour consolider les frontières de la République et celui de son règne comme venait si justement de le dire son interlocuteur ? Le plus dur lorsqu'on était au pouvoir c'était de le garder, se répétait le neimoidien sans cesse. Se pouvait-il qu'Absalom ai lu dans ses pensées ? Fragile, apeuré mais convaincu que cet entretien pourrait lui apporter un potentiel nouvel allié, le Chancelier se décida finalement à se rapprocher du Sith pour s'entretenir avec lui, face à face.

- Si nous devons parler affaire, un verre de brandy ne sera pas de refus.
Absalom Thorn
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Oh, je ne pensais pas m’engager dans la vie publique de façon trop… directe, reprit le Hapien, après que son interlocuteur eut souligné les difficultés inhérentes à l’idéologie hapienne. Fort heureusement, le Consortium est un univers à la fois plus compliqué et plus ordinaire qu’il n’y paraît de l’extérieur. Plus compliqué, en cela qu’il y a d’autres privilèges que ceux du genre que l’on peut exercer, tant qu’on ne tient pas à être sous les feux des projecteurs et plus simple en cela que ces privilèges sont souvent les mêmes qu’ailleurs.

Il se releva avec cette souplesse gracieuse et maîtrisée qui trahissait non seulement l’excellence des manipulations génétiques menées par sa mère pour garantir le prestige de sa progéniture, mais aussi probablement une bonne dose de sorcellerie sith. Darth Noctis approchait de la quarantaine mais son apparence était comme figée dans une beauté inaltérable, nourrie de l’énergie vitale de bien des victimes sacrifiées à l’autel de sa vanité.

Un brandy corellien vint ambré un verre à fond épais qu’il déposa sur la petite table à côté du fauteuil occupé par le Neimodien. Sur Hapès, donner un objet de la main à la main eût été au mieux un signe de familiarité, au pire une insulte.

Le Sith réintégra son fauteuil.

Je suis né dans une famille suffisamment influente ici pour me garantir un certain statut. Ma mère est l’une des généticiennes les plus respectées de la planète et vous savez sans doute le prix que les Hapiennes mettent à cette science-là. Du reste, ma fortune familiale aussi bien que ma fortune personnelle m’ont permis d’être un investisseur incontournable dans certains secteurs vitaux et comme, contrairement à d’autres mâles, je ne parais pas décidé à renverser l’ordre établi…

Le Seigneur haussa les épaules d’un air indifférent. Il avait toujours été reconnaissant à l’Ordre Jedi de l’avoir extirpé d’une planète où tous les avantages de sa naissance auraient malgré tout et fatalement dû s’incliner face à la vérité de sa biologie. Être un mâle homosexuel sur Hapès, c’était vivre avec une double tare. Longtemps, il avait soupçonné sa mère d’idées progressistes. Si elle n’avait pas voulu changer la société hapienne, pourquoi avait-elle investi toute sa science dans un enfant sans avoir pris la peine de changer le sexe de l’embryon ?

Quoi qu’il en soit, je n’aspire ni à régner sur Hapès, ni à devenir, je ne sais pas, maire de la capitale ou quelque chose dans ce genre-là, comme je n’ai jamais essayé avec beaucoup de conviction de devenir empereur. La politique et les affaires, la conquête de ce pouvoir-là, ce sont de nobles vocations, mais qui exigent une dévotion entière, comme toutes les vocations. La mienne est dans la Force. Chacun son métier, disons.

Absalom était à peu près certain que l’exercice d’un pouvoir exécutif sur n’importe quel territoire aurait fini par l’ennuyer, et que l’ennui l’aurait poussé à commettre des erreurs. Sa patience avait ses limites, c’était une faiblesse de caractère sans aucun doute, que de vouloir constamment courir à l’aventure plutôt que de s’atteler à la mise en ordre du monde, mais c’était une faiblesse qu’il doutait de jamais pouvoir surmonter.

Quoi qu’il en soit, croyez bien que je comprends vos réticences. Et je ne doute pas que si nous avions un Jedi ici avec nous, même le plus tolérant et le moins mal disposé, il vous enjoindrait de quitter la pièce avant de me régler mon compte. De tenter de me régler mon compte, tout du moins. Mais vous me connaissez, Chancelier. Au moins un peu. Vous vous êtes renseigné sur moi, j’imagine, avant et après le sommet. Je suis un personnage public. Les informations ne manquent pas.

Des informations lacunaires, dont la fiabilité était sujette à caution, il est vrai.

Et je ne suis pas un homme complexe. Ni… Particulièrement mystérieux. Ma psychologie n’est pas tortueuse. Mes opinions sont rarement secrètes. Mes goûts et mes penchants sont bien connus, tout comme mes hostilités. J’aime la Force. La science. L’art. Et les hommes. Je n’aspire qu’à m’ouvrir les mystères ésotériques et physiques de l’univers et à me délasser dans les bras des mâles que j’aurais conquis. Les complots, les machinations, les plans alambiqués… Ce sont des nécessités d’une époque comme la nôtre et pour des êtres comme nous, mais elles ne me procurent en soi aucun plaisir particulier.

Il ne nierait pas que les conspirations procuraient un plaisir intellectuel parfois très vif, comme toute affaire compliquée, mais c’était un plaisir que l’on retrouvait, avec de moins ennuis et de plus vastes bénéfices selon lui, dans l’étude de la Force et de la Galaxie.

Chancelier, je ne suis pas un méchant d’holosérie. Je n’élabore pas depuis une saison un plan tortueux pour vous attirer dans ce salon à l’autre bout de la Galaxie et vous faire tomber dans un piège dont je vois mal, malgré tout le génie que mon égo démesuré me pousse à me prêter à moi-même, de quelle manière et à quelle fin j’aurais pu le concevoir pour qu’il se révèle efficace contre quelqu’un comme vous.

(Mais où trouvait-il le temps de regarder des holoséries au juste ?)

Vous êtes le chancelier de la République. Et un politicien brillant. Ce n’est pas une flatterie, mais une vérité je crois largement admise. Pour imaginer quelque chose contre vous, réunir les informations, déployer des moyens, il m’aurait fallu y consacrer une part considérable de mes ressources pendant un temps infini. Je ne nie pas que certains de mes anciens collègues s’essaient volontiers à ce genre d’exercices, quand, ayant atteint trop vite leurs limites dans l’étude de la Force, ils cherchent des exutoires à leurs ambitions frustrées, mais pour ma part, je préfère employer mon temps plus utilement.

À se couper les ongles de pied.
(Par exemple.)

Ne pas avoir à m’embarrasser d’interminables machinations à rebondissements en tiroir dignes des feuilletons pour ménagères désoeuvrées, c’est l’un des nombreux avantages à m’être éloigné de l’Empire. Ça et ne plus avoir à fréquenter des illuminés qui rigolent comme des bossus quand ils font frire de pauvres malheureux avec les éclairs qui leur sortent du bout des doigts.

Noctis, c’était notoire, se montrait capable quand les circonstances l’exigeaient d’une extraordinaire brutalité, mais personne ne pouvait prétendre que son manque de scrupules confinait à un plaisir pris aux souffrances d’autrui et le goût prononcé de ses anciens confrères pour les tortures les plus baroques lui avait toujours semblé une grave faiblesse de caractère.

Ceci n’est pas un piège.

Spoiler:

Je cherche à pouvoir circuler avec une relative liberté au sein des terres républicaines. À pouvoir investir en relatives transparences sur diverses planètes, pour garantir la pérennité de mes moyens financiers. Éventuellement, à réhabiliter mon image, au moins dans certains secteurs, pour favoriser mes recherches. En quelque sorte une relative immunité. En échange, je suis prêt à transmettre ce qu’un Seigneur Sith comme moi sait de l’Empire. Les accès holonet, les programmes de développement économique et militaire confidentiels, la cartographie des acteurs sur telle ou telle planète, la structuration des ressources. Un lien avec les personnes qui, sur place, me sont demeurées fidèles.

Pour lui, naturellement, cela ne changeait pas grand-chose : l’Inquisition l’avait imprudemment désigné comme un traître, et elle avait donc créé elle-même l’ennemi qu’elle prétendait combattre. De ce côté-là, Noctis, qui avait déjà tout perdu, n’avait plus rien à perdre, et par conséquent tout à gagner.

Bien sûr, je vois l’opportunité d’un partenariat plus… ambitieux…, mais j’ai bien conscience qu’une formule modeste puisse vous paraître plus prudente.
Grendo S'orn
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- Impensable renchérit S'orn en haussant les épaules d'un air presque offusqué, ... imaginez un instant l'avis de l'opinion publique si on venait à apprendre que le Gouvernement de la République s'affaire à donner une immunité à un ex Sith ayant presque réduit à néant nos espoirs de paix lors du récent Sommet. Impensable.

Direct et sans fioritures, sa spécialité comme toujours. On sentait néanmoins dans l’attitude du neimoidien une part de doute, une réflexion intérieure qui le forçait à creuser davantage l'idée pour en trouver une autre solution. Méditant religieusement sur le sujet, il n'aurait jamais pris la peine d'y réfléchir si l'appât du gain n'était pas si énorme. Un traître impérial en passe de lui divulguer les moindres secrets de son ancienne Nation avait une grande valeur à ses yeux et le Hapan en était clairement conscient jouant de sa position au cours de ces négociations.

- A moins qu'on vous remette une fausse identité pour pouvoir circuler au sein du territoire républicain. Vous seriez libre de vos mouvements, libre de pouvoir aller et venir sans craindre l'arrestation, d'investir dans ce que vous désirez ... il laissa expressément sa phrase en suspens laissant le soin à Darth Noctis d'imaginer ce qu'il pourrait faire au sein de cette immense République qui lui ouvrait littéralement les bras. On comprenait bien vite au ton utilisé par le neimoidien que cette proposition ne pourrait guère être trop discutée. Le simple fait d’obtenir ce genre de concession de la part du Chef de l'Etat semblait déjà dire beaucoup. Une chance à saisir ni plus ni moins, ou bien de longues heures à tenter d’arriver à un compromis plus qu'incertain.

- Mais ce genre de privilège a un prix Absalom et vous me voyez ravi d'apprendre que vous êtes prêt à le payer sans regarder à la dépense. Bien que l'heure soit aux négociations de paix ... je ne peux m'empêcher d'imaginer un avenir bien plus destructeur si l'Empire se lançait à nouveau dans une conquête de territoires comme ce fût le cas autrefois. Peu me reprocherait d’anticiper un scénario catastrophe. Mon rôle est de protéger ma Nation, et si vos informations peuvent nous donner un avantage sur le terrain en cas de reprise des hostilités, vous m'en voyez ravi. encore fallait-il espérer que ces futures révélations ne soient pas fausses, mais le neimoidien comptait bien demander l'aide de la Sureté de l'Etat et de la Défense au cours d'une éventuelle réunion de l'Etat Major pour aborder ce genre d'interrogation. Sans surprise aucune voilà ce que je vous demande en retour; la position exacte des flottes de l'Empire. Mais surtout quelle flotte est affectée à la défense de Dromund Kaas et des précisions quant aux défenses de ce monde.

Darth Noctis pouvait bien renverser le cours du conflit ravageur en passe d'être relancé si aucun traité de paix n'était négocié sur Ossus. La paix ... un contretemps malheureux entre deux combats, une pause méritée certes mais une vulgaire illusion, un mirage ni plus ni moins, afin de relancer les industries, de reconstruire les infrastructures. Tous se laissaient séduire, endormir, par sa promesse, tous se surprenaient à espérer, à la souhaiter. Tel l’opium du peuple, elle engourdissait le bon sens, la logique, faisait tarir la rage vengeresse de la veuve et de l’orphelin. Mais S'orn lui-même était convaincu que la Guerre reprendrait tôt au tard. Selon lui on ne gagnait pas les guerres par la force des armes, mais par les filouteries et les magouilles de quelques rares initiés dans son genre qui tiraient les ficelles à l'ombre des regards indiscrets. La Galaxie était bâtie ainsi, un bordel d'individualistes, cherchant toujours le moyen de satisfaire leurs propres intérêts.

- Et un listing complet des agents impériaux sur notre territoire. la crise de Paakuni, quelques années plus tôt avait ouverte une brèche entre les deux grandes puissances. Une porte ouverte par laquelle des nombreux agents impériaux-sith étaient entrés sur le territoire républicain en toute impunité. Qu'ils soient saboteurs ou espions, la Sureté de l'Etat devait à tout prix traquer et éliminer ces infâmes rats de la Nation pour ne plus craindre une destruction de l'intérieur.

- Vu vos résidus de loyautés au sein de l'Empire, vous m'excuserez l'expression, cela ne devrait pas être trop difficile, je me trompe ? par cette question loin d'être innocente, le neimoidien testait littéralement l'utilité du jeune Hapan. S'associer à un Sith restait une entreprise risquée, la première de toute sa vie, mais s'il s'avérait aussi utile qu'il le disait et le prouvait, pourquoi ne pas s'engager davantage dans un partenariat encore plus ambitieux comme le laissait supposer Darth Noctis ...
Absalom Thorn
Absalom Thorn
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Je crains que vous ne me sous-estimiez, Chancelier, déclara le Sith après avoir écouté avec une attention pensive les propositions du politicien.


Il avait comme souvent cette attitude si étrange, presque dérangeante pour un Seigneur Sith, de bienveillance songeuse. De ses longues années au sein de l’Ordre Jedi, il avait conservé le principe cardinal d’une égalité de tempérament en toutes les circonstances et d’un souci authentique de cerner les aspirations des autres et les raisons de leurs décisions. On ne l’imaginait nulle part moins à sa place que dans de rudes conseils de guerre impériaux ou dans les chambres de torture des citadelles obscures, qui allongeaient leurs ombres inquiétantes sur des mondes désertiques.


Mais vous vous sous-estimez peut-être plus encore que vous ne ne sous-estimez moi-même, ce qui ne manque pas de me surprendre, pour tout vous dire.


Un changement certes rafraîchissant, après quelques années passées à côtoyer des Seigneurs Siths tous plus persuadés les uns que les autres d’être sur le point de dominer la Galaxie.


Vous me sous-estimez en croyant que j’ai besoin de vous pour circuler sur le territoire républicain avec une identité secrète, particulièrement dans la mesure où je ne cherche guère à frayer avec les mondains dans les salons de Coruscant. J’ai servi cette République pendant une décennie comme diplomate, j’ai vu défiler ce qu’elle compte d’artistes et de savants aux dîners de mes parents, mes livres sur la macroéconomie des systèmes multiplanétaires servent de manuels en première année de certaines de ses facultés et j’ai transmis mes idées les plus solides à de jeunes doctorants prometteurs qui les ont publiées sous leur nom pour faire avancer leur carrière et qui, désormais redevables, siègent dans les conseils d’administration de banques planétaires et de fonds monétaires sectoriels.


Dès les premières années de sa vie de Padawan, à suivre son maître de négociations en négociations, et de traités de paix en accords commerciaux, Darth Noctis avait compris que le nerf de la guerre, pour les gens ambitieux, n’était pas d’abord et avant tout l’argent, mais les relations.


Mon argent soutient des entreprises de cette République, je connais les mercenaires de ses frontières, ses trafiquants et ses passeurs. Et quand je ne veux pas que l’on me remarque, la Force me dissimule aux regards indiscrets. Ni les identités d’emprunt, ni les facilités de circulation ne sont ce qui me manquent. Ma vie serait sans doute beaucoup plus simple avec une identité consolidée par l’État central, mais c’est un confort dont je saurais sans peine me passer.


Au fond, pour sa réhabilitation, Absalom n’était pas absolument certain que la Chancellerie fût même nécessaire. C’était le chemin le plus direct pour rentrer de plain pied dans la vie républicaine, mais la Bordure d’un État qui exerçait un contrôle sans cesse plus difficile et incertain sur ses périphéries ne manqueraient pas d’universités à la recherche d’un professeur prestigieux et de gouvernements planétaires en quête de conseillers bien connectés, jusqu’à en faire valoir leur souveraineté.


Mais vous vous sous-estimez si vous croyez qu’après avoir remporté une élection suprême dans un contexte si difficile, ce soit à l’opinion publique de vous dicter votre conduite, plutôt qu’à vous, profitant de votre état de grâce, de façonner cette opinion. Vous vous sous-estimez si vous pensez qu’un homme avec vos ressources, votre charisme et votre soutien, dans un contexte de guerre où le peuple est prêt à tous les récits épiques qui lui donneront confiance dans la détermination et l’intelligence de ceux qui le dirige, ne serait pas capable de faire comprendre que…


Noctis haussa les épaules.


Que, par exemple, il y a une dizaine d’années, un politicien neimodien brillant et clairvoyant, capable de prendre des risques considérables pour sauver une République d’un danger mortel et de l’impéritie de ses dirigeants, ait pris les mesures qui s’imposaient et recruté un Chevalier Jedi pour faire ce que le Conseil décati d’une institution dépassée n’avait pas le courage ni les moyens de faire : infiltrer un agent au sein de l’Ordre Sith, pour préparer, patiemment, laborieusement, l’extraction d’informations essentielles à la survie de la République. Là où les maîtres jedis ont échoué avec tous leurs pouvoirs magiques et toute leur sagesse prétendue, mais jamais démontrée, ce politicien a réussi à inspirer, former, guider ce jeune homme qui, ébloui par son charisme et la profondeur de ses visions, a bien sûr accepté de mettre sa vie entre ses mains pour le bien-être de la République.


Nul doute qu’Absalom n’éprouverait aucun scrupule à jouer l’admiration quasi filiale pour cette figure tutélaire.


Et ne serait-ce pas la preuve, comme l’avait déjà suggéré ses quelques mois au ministère de la sécurité intérieure, de ce politicien n’est pas qu’un spécialiste du commerce, mais véritablement un homme qui a une compréhension profonde et précise de la guerre, dans ce qu’elle exige aussi de plus détourné et de plus extraordinaire ? En ces temps troublés, qui de mieux pour inspirer notre jeunesse à l’héroïsme nécessaire de notre avenir commun et pour imposer le respect à un État-Major qui court le risque d’être dangereusement gangrené par les illuminations sectaires d’une religion d’un autre temps ?


(Absalom et l’Ordre Jedi, ce n’était pas précisément une grande histoire d’amour.)


Ce n’est qu’une histoire parmi d’autres. Vous savez comme moi que plus les temps sont extraordinaires, plus les récits qui nourrissent l’imagination populaire doivent se hisser à la hauteur de la légende. Ceci étant dit…


Il s’était penché en avant, le regard brillant, pour son récit. Son dos revint s’appuyer contre le fauteuil, quand il conclut d’une voix douce :


… je comprends que vous trouviez votre pouvoir encore trop mal assis pour jeter les premières pierres d’un culte de votre personnalité, qui serait si utile à l’espoir populaire. Je ne doute pas que vous soyez entouré de conseillers en communication qui, formés toujours dans les mêmes écoles de Coruscant, et exposés à la valse des sondages et des solutions clés-en-mains plutôt qu’à la réalité imprévisible de la Galaxie, préfèrent des solutions éprouvées, fût-elle tièdes, à l’audace des conquêtes grandioses.
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