Lauren Aresu
Lauren Aresu
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   La pièce ressemblait à une petite salle à manger au plafond haut, caractéristique du Temple d’Ondéron, fermée d’une grande porte qui laissait échapper un sifflement à chaque ouverture ou fermeture. Une table ovale en verre en occupait la majeure partie, légèrement excentrée vers le haut de l’espace et entourée de six chaises aux larges dossiers. En face, accolé au mur froid et gris, trônait un canapé aux symboles sobrement brodés, fils d’or cousus sur le tissu pourpre. De grandes draperies descendaient en cascade des fenêtres, tirées aux extrémités pour laisser passer le plus de lumière vespérale possible.
   Seule personne assise, Lauren fermait les yeux et chantonnait doucement la discrète musique qui flottait dans l’air. Autour d’elle étaient regroupés une demi-douzaine de jeunes padawans, invités pour l’occasion. La jeune fille ne comptait guère d’amis proches ici, mais eux avaient toujours fait preuve de gentillesse et de compréhension à son égard. Alors elle les appréciait comme l’on apprécie une compagnie rassurante. Ils demeuraient debout, commencèrent à frapper dans leurs mains et entonnèrent un « Joyeux Anniversaire » bruyant.
   La porte siffla. La silhouette à la taille déliée de Saery et la présence plus imposante de Yann, son mentor, firent leur entrée. Lauren tendit l’oreille. Un doux crépitement perçait du joyeux tapage.
   « Ça y est ! Tu peux ouvrir les yeux ! crièrent-ils, le gâteau posé devant elle.
   — Maître ! Yann ! Vous êtes là ! »
   L’Echani se précipita à leurs cous, tour à tour, les étreignant d’une tendre accolade.
   « Bien sûr, répondit-il. Pensais-tu que ton maître et moi-même raterions ton anniversaire ?
   — J’espère bien que non, gronda Saery d’une voix taquine. »
   C’était rare de voir ainsi Saery, plus décontractée. Derrière son air jovial, elle ne déviait jamais de ce qui l’animait habituellement ; entre ses missions et ses secrets.
   « Allez vite, souffle ces bougies, j’aime pas le chocolat saveur cire ! lança-t-elle. »
   La padawan s’exécuta. Elle prit une longue inspiration puis souffla plusieurs secondes jusqu’à éteindre toutes les bougies pétillantes, seize en tout. Le silence qui avait religieusement accompagné son geste se mua en cris et applaudissements.
   « Te voilà grande maintenant ! Assez grande pour voler le sabre de maître Oel-Kin sans glisser dans une flaque d’eau, hein ! »
   Saery sourit et Lauren lui répondit par un regard faussement vexé. Prenant dans sa main un couteau d’argent, elle coupa plusieurs parts, neuf au total, et les distribua dans les assiettes. La coutume Echani voulait que l’on donne les deux premières parts aux personnes que l’on estime le plus. Seule à connaître cette tradition perdue depuis que sa mère, son père et elle-même fêtaient ses anniversaires en compagnie de ses premiers copains, plus jeune, elle passa en revue les personnes présentes.
   D’un geste assuré, elle prit la première assiette et la déposa dans les mains de Saery, son maître. Au fond d’elle, une chaleur emplit sa poitrine, la chaleur que l’on éprouve lorsque l’on est si reconnaissant envers quelqu’un que les mots ne suffisent plus à lui rendre hommage.
   Elle attrapa la deuxième et s’approcha de Yihlapa, la jeune Twi’lek bleutée. Lauren n’oubliait pas leur amitié, la seule qu’elle connut, et les moments qu’elles avaient vécu ensemble. Voler le sabre d’Oel-kin au prix de la douleur de la Twi’lek en faisait partie.
   Elle n’omit pas Yann, non plus, qui avait cru en ses capacités quand elle n’y croyait plus elle-même. A son arrivée au Temple, sa confiance en elle ne tenait qu’au fil de leur complicité et de sa bienveillance qu’il avait soigneusement protégé.
   Bafka, un Twi’lek musclé et blagueur, Alliali et Lyndave, deux humaines qu’elle avait rencontré pendant qu’elles trottinaient, exténuées, dans les bois d’Ondéron lors d’un exercice physique, et Mukhenn, un humain aux cheveux roux qui lui avaient valu les moqueries de ses camarades, reçurent aussi leur part. Bafka ouvrit le bal des questions, animé comme toujours de sa voix de stentor aux sonorités taquines.
   « T’as enfin été fabriquer ton sabre ? T’as vu, c’est pas mal de laisser tomber les breloques du Temple, je suis sûr que Yann les avait déjà quand il était jeune !
   — Petit malin ! Tu n’insinues quand même pas que je suis vieux ? »
Saery retroussa son nez et lança d’un air détaché :
   « A défaut d’être vieux… Il est vrai que tu en as bien la tête.
   — Saery… »
   Bafka reporta son attention sur l’Echani.
   « Oui ! J’ai été sur Hoth avec maître Saery, expliqua-t-elle. Je sais pas si c’était nécessaire ou si c’était seulement pour savoir si je résistais au froid qu’elle a choisi cette destination. Mais finalement, j’y suis arrivée ! Il est blanc, blanc comme mes yeux et mes cheveux. On pense à la mode !
   — Tu as eu l’occasion de le tester ? s’enquit Lyndave.
   — Autrement qu’en gesticulant dans l’air ? Non, pas encore. Et heureusement !
   — Heureusement ? (Muhkenn parut étonné.) C’est ce qu’on cherche non, à tester nos sabres ?
   — Je t’avoue que je préfère mon gâteau au chocolat. »
Chacun reprit patiemment la dégustation du fondant. Les bruits des cuillères raclant les assiettes précédaient les mastications sonores de certains. Une musique plus entrainante succéda à un son jazzy. De tous, Yihlapa était la plus effacée. Elle participait à l’effort joyeux de son visage expressif, mais ne pipait mot. Jusqu’ici muette elle aussi, Alliali pointa d’un air curieux sa cuillère vers Lauren et s’éclaircit la gorge.
   « Mmh. Dis, c’était comment sur Anoat et Arda ? Vous aviez bien été dépêchées là-bas, non ? »
   Lauren hocha tristement la tête, ce que la jeune humaine ne parut pas déceler. Saery demeurait attentive. L’astre continuait de descendre à l’horizon, teintant les murs de capucine qui réchauffait l’austère couleur grise. Pourtant, sans même le comprendre, Alliali avait jeté un froid dans l’esprit de l’Echani, rappelant à elle des souvenirs qu’elle avait espéré enfouis à jamais. Elle prit sur elle.
   « Oui, sur Anoat, il gelait au point que nous serions mortes en quelques secondes sans nos combinaisons. Et Arda… Comme partout où l’Empire passe…
   — J’ai entendu mon maître évoquer une arme chimique sur Arda, c’était vrai aussi ? C’était pourquoi vous y étiez ? »
   La curiosité dévorante dont Bafka faisait preuve s’était substituée à son expression habituellement facétieuse. Dans un mouvement lent, Lauren chercha Saery des yeux.
   « Nous en avons entendu parler, mais… nous n’étions pas là-bas pour ça. Tout ce que je sais, c’est que l’Empire continue de flétrir tout ce qu’il touche. Il est–
   — Avoue ! C’était une mission secrète ? Et tu as tué des impériaux ? Allez, raconte-nous, à nous pauvres padawans ! (Lyndave poussa un soupir.) Que j’aimerai moi aussi partir en mission avec mon maître, mais il dit « tu n’es pas assez mature pour m’accompagner partout, pas encore. » Gna gna gna, en ria-t-elle. »
   Quelques rires accompagnèrent sa comédie. L’atmosphère sembla se détendre.
   Pas Lauren. Tu as tué des impériaux ? Face à elle, le petit centre d’opération détruit prenait forme à nouveau, les tours remplies de machines renversées, grésillant des plaintes continues. Sous l’une d’elle, elle revit les yeux suppliants, gonflés de sang, du jeune impérial aux jambes broyées jusqu’au bassin. Le gargouillement morbide qui s’échappait de sa bouche alors qu’il suppliait. Mais ils s’en étaient allés.
   « Lauren ? Tu vas bien ?
   — O-Oui, oui, oui ! Désolé. J’étais ailleurs. Et non, je n’ai pas tué d’impériaux.
   — Oooooh nooon, lâchèrent-ils en cœur, inconscient du traumatisme qu’ils venaient de réveiller ».
   Saery posa une main rassurante sur son épaule, ses peurs se dissipèrent… jusqu’à la prochaine fois.

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