Zerath Ular'Iim
Zerath Ular'Iim
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Les moteurs ronronnaient avec douceur, accompagnés d’une vibration régulière et légère dans l’habitacle. L’appareil naviguait comme sur une mer cotonneuse ; aucun air ne perturbait sa trajectoire, nulle résistance ne s’opposait à son avancée. Sa poussée était formidable et continue – mais surtout elle était silencieuse. Les sons semblaient amortis – feutrés par un phénomène curieux d’acoustique. Tel était le trait principal du voyage hyperspatial ; hors du cockpit, les étoiles s’allongeaient en des stries infinies et blanches qui projetaient dans l’habitacle des prismes lumineux surréalistes, des ondulations opalescentes qui s’échouaient par vagues paisibles sur les angles internes du mobilier, découpaient de leur remous étonnant et intangible les arêtes du vaisseau et de chaque objet embarqué.

C’était un vaisseau cargo de taille modeste ; le terme officiel employé dans la marine républicaine pour désigner pareil appareil était « reconditionné ». En effet, produit issu d’une compagnie marchande purement civile, il n’avait nul usage pour l’armée Républicaine sur le front ni même pour les tâches d’approvisionnement – fut-ce en conflits armés comme en opérations pacifiques. En outre il ne portait point d’insigne de la République. Sa coque obsolète était d’un gris uni - écaillé par endroit, signes d’une peinture épuisée par des années d’exposition aux rudes conditions stellaires et d’un entretien approximatif. Cet appareil n’était guère neuf au premier regard, et son nom était le Derelict-426. Il avait tout de civil, en externe comme en interne ; hors des zones de confort aménagées pour l’équipage – modestement composé de quatre personnes – le Derelict faisait montre d’une économie remarquable de tout système de défense aussi bien que de décorations. Les courbes de l’habitacle étaient rustiques, et certaines plaques semblaient avoir vu des jours meilleurs. Un contrebandier sans doute n’aurait point touché à l’appareil à part pour en voler des pièces détachées !

Mais c’était là toute sa fonction : le Derelict était en apparences parfaitement obsolète. L’on n’avait point par négligence laissé sa peinture en si piteux état, pas plus que son intérieur. Et s’il était vrai que l’usage de l’appareil était rare et qu’il avait, cinq années durant, passé le plus clair de son temps sous une bâche dans un hangar, il n’en demeurait pas moins un appareil destiné à l’infiltration, sous ses airs de faux vaisseau cargo. Tout ceci, Zerath l’avait naturellement exposé à ses deux camarades. Ils se tenaient à présent dans la salle de séjour principale. Une table circulaire rivetée solidement au sol de l’appareil et cerclée de bancs en acier forgé leur servait de lieu de réunion ainsi que pour déjeuner. Ils étaient en voyage depuis à présent l’entièreté de journée.
Après avoir laissée la tropicale Ondéron au point d’un jour tiède, ils avaient fait une première escale en milieu d’après-midi dans le système de Jiroch. Pour toutes ses qualités, le Derelict se devait de faire un nouveau plein de carburant, non pas pour ses moteurs mais pour son chauffage. De surcroît, ils avaient acquis là trois lourdes rectangulaires caisses de matériel - l’achat réglé longtemps à l’avance, passée au nom de la société minière de Tlaxcala; obscure entreprise dont l’existence nébuleuse était attestée par un compte en banque et quelques actions de particuliers disséminées aux quatre coins de la galaxie, une filiale minuscule destinée à l’exploration de l’espace profond, là où nulle route hyperspatiale n’osait s’aventurer, pour y entretenir les premières colonies que la civilisation ne savait approvisionner.

« - Notre objectif dans cette mission est double, disait à présent le prélat, dont les doigts effilés caressaient sur la table plusieurs photographies. Pardonnez le manque de précision de ces images ; nos sondes ne peuvent guère s’approcher autant que nous le souhaitons de Anoat, et nos espions ont eu les plus grandes difficultés du monde pour nous faire parvenir pareilles photographies sans compromettre définitivement leur couverture. Les plus récentes images nous proviennent de Gerrenthum, voisine de Anoat, qui a émis de récentes plaintes au sujet de la planète même et affirme que le monde se serait lancé dans une course à l’armement. Lors d’une bataille où je prenais part il y a quelques semaines, j’ai vu moi-même une flotte frappée des symboles Anoati épauler l’Empire, cherchant à nous défaire d’un étau vicieux. Si nous sommes parvenus à mettre en déroute nos ennemis, il n’en demeure pas moins qu’un monde armé et sanguinaire supplémentaire dans le cortège impérial est indésirable.
Notre objectif primaire est donc d’observer de nos propres yeux le monde, afin de trancher quant à son implication impériale, mais aussi de déterminer la magnitude de son hypothétique armement industrialisé. Nous avons obtenu à cet effet deux coordonnées principales, qui correspondent à deux lieux. Ainsi que nous pensons Anoat affiliée à l’Empire, nous désirons confirmer au-delà de tout doute ces soupçons : c’est pour cela, jeune Lauren, que j’ai réclamé l’aide de maître Vespen et vous-même.

Au pôle extrême sud de Anoat se trouve un complexe. Nous en ignorons la fonction exacte, si ce n’est qu’il est massif d’après les images qui ont pu nous parvenir. La nature de ce complexe est obscure, il pourrait parfaitement être une base militaire où sont conçues et accouchées les armées futures de ce monde. Il nous faudra percer le secret de ce complexe et déterminer ce qu’il abrite ; car si important édifice sera révélateur du gouvernement Anoati et de ce qu’il peut bien chercher à dissimuler, loin de notre regard et hors de la portée de ses pacifiques voisins.
Notre deuxième point phare se trouve en plein coeur de la capitale, à Anoat Polis ; là réside une usine de production réputée terriblement imposante et il est probable qu’à travers cette dernière et le complexe polaire nous obtenions l’image représentative et complète que nous espérons de la situation.

Les services du renseignement Anoati sont réputés redoutables. Ainsi, nous ne pouvons nous rendre n’importe où à la légère, ni n’importe comment. Ici entre en jeu ma contribution dans toute cette affaire. 
» Dit Zerath, et ce faisant son bras squelettique pointa l’une des caisses acquises sur Jiroch.

« - Nous passerons pour une équipe de colons en départ vers les espaces sauvages à qui nous interrogera. Fort du manque crucial d’information quant à la politique de la planète mais de sa nature sanguinaire, je pense les cyborgs et droïdes haïs avec la plus fervente ardeur. Pour cette raison, maître Vespen, jeune Lauren, vous serez les mineures, tandis que j’occuperai officiellement le rôle de votre aide droïde ; votre esclave, en des termes plus rudes. Mes fonctions exactes seront l’exploration des milieux hostiles – où vous ne pourriez vous aventurer sans danger, la confirmation des cartes établies par les instruments de bord et de la stabilité du terrain...Tout ce qui pourrait mettre en danger la précieuse vie d’un colon mais guère celle d’un remplaçable et dispensable droïde. Quant au fait que vous me fassiez porter des vêtements...Nous dirons ici avec votre permission jeune Lauren que vous me tenez de votre père, qui m’a acquis sur le monde de Charros IV. La valeur sentimentale justifiera bien assez cette petite excentricité à mon sujet – sans même considérer l’envie de ne pas susciter la peur à la vue d’un corps mécanique. Je serai, en effet, vêtu et habillé aussi chaudement que vous.

Anoat est un monde glacé, ceci vous le savez déjà ; j’ai pris toutes les précautions pour que ma tenue soit égale à celle d’un humanoïde. Certes la taille moyenne des vôtres n’est pas celle des miens, mais je passerai pour un peu plus grand que la moyenne et plus large, mais fort heureusement toute autre anomalie de stature sera évincée par nos tenues – ainsi que mon visage, soigneusement dissimulé.

Comme nos outils et notre cargaison, nous oeuvrons pour la corporation Tlaxcala, une petite filiale commerciale à peine remarquable, si ce n’est que correspondant parfaitement à nos exigences, car spécialisée dans l’envoi de petites équipes d’explorateurs dans les régions sauvages – encore que jamais pour des missions très longues, comme vous le concevez fort bien.

Il est crucial que je le précise : nous atterrirons en premier lieu au pôle sud. Là, il est de la plus grande importance de ne pas être vus, aperçus, ni même d’adresser la parole à qui que ce soit. Le Derelict est un appareil furtif au sens qu’il échappe aux radars et capteurs. Il n’a cependant pas la faculté à se rendre spontanément invisible à l’oeil nu, ni de tromper l’esprit de celui qui se souviendrait l’avoir aperçu par quelque curieux artifice technologique ! Nous passerons le temps qu’il faudra proches du complexe ; plusieurs moto-jets sont chargées dans la soute pour assurer nos déplacements. Lors de cette première phase, il conviendra d’observer en silence d’abord notre objectif. Une fois que nous serons assurés de sa nature, nous pourrons ou bien effectuer un premier contact : en affirmant notre alibi d’un saut en hyperespace malencontreusement interrompu et du besoin d’une urgente réparation, nous pourrons nous rendre à Anoat Polis et ainsi quitter cette région sans craindre d’hostiles représailles.

Cependant je ne pense pas cette solution idéale, car elle amènerait sur nous l’attention des si réputés services secrets de Anoat, ce qui rendrait notre deuxième observation plus laborieuse. Aussi ne puis-je que préférer de n’effectuer aucun contact dans cette première phase à moins d’une question de vie ou de mort. Je ne pense pas que les effectuer dans l’ordre inverse soit préférable ; car les autorités de la planète sans doute verraient-elles d’un mauvais œil que nous demeurions pour aller à l’un de leurs complexes isolés plutôt que de partir vers notre prétendue tâche d’exploration. Ce serait là s’attirer les courroux de leurs présumées forces de surveillance et également détruire notre alibi.

Je dois également vous prévenir que ce premier lieu est polaire en tous les sens du terme ; pour cette raison avons-nous réapprovisionné le Derelict, qu’afin que nous ne manquions de rien – et surtout pas de chaleur. Cependant il nous faudra dissimuler notre vaisseau dans la neige au plus tôt – sitôt notre arrivée dirais-je. J’ai lu que c’était là la façon des colons lorsqu’ils avaient pour la première fois investis Hoth, et qu’un véhicule ainsi protégé était pareil à une base souterraine ; plus aisément chauffée qu’à découvert dans le vent arctique.

Nous compléterons notre histoire si besoin est à ce sujet sans peine : vous êtes des colons et avez ainsi décidé qu’il convenait d’explorer le pôle – désert si ce n’est de ce complexe – afin de déterminer où nous étions, avant de nous envoler dans quelque direction que ce soit et d’ainsi sceller notre mort par perte de carburant : nous prétexterons ignorer sur quel monde nous nous trouvons et le tour sera joué, car il est bien des mondes glaciaux dans la galaxie – et les appareils de bord même du meilleur colon ne sont pas exacts.
 »

Il y avait, à côté des photographies, qu’il passa à ses deux camarades, également des colliers, en filin d’acier souple mais solide ; au bout de chacun pendait une petite carte, où était gravée un nom.

« - Ces colliers sont usuellement utilisés par Tlaxcala, comme un moyen d’identifier ses colons – lorsque leurs dépouilles sont découvertes par d’autres colons des années voire décennies plus tard. Il s’agit de duranium, un matériau résistant à la grande majorité des intempéries – si ce n’est peut-être la fureur de vos lames laser et de quelques autres manifestations farouches de la fureur divine sur les mondes les plus cruels et reclus de l’espace profond. Prenez le temps de les mémoriser, chacun d’eux et ensuite mettez les autour de votre cou ; d’une part il vous sera ainsi plus aisé de ne pas vous tromper lorsque nous devrons parler sur la planète. D’autre part, il convient de respecter un minimum les protocoles. Je serai pour ma part BR-00; ne prenez plus la peine de me vouvoyer sitôt arrivés à notre destination car je serai dès lors votre esclave le plus dévoué. Il y en a un pour chacun de vous, un pour moi et naturellement un pour notre pilote.  »

Zerath se pencha en avant. L’interpelé n’était guère présent dans la salle de séjour ; il était actuellement en train de se reposer dans ses quartiers.

« - Lui connaît déjà son rôle et l’a répété à maintes reprises. Il incarnera un homme fraîchement incarné à votre petite équipe. Votre père, jeune Lauren – qui est soit dit en passant votre feu compagnon maître Vespen, est mort il y a sept ans d’une fièvre verte de Saccatoras. C’est une pathologie purement fictive, aussi n’hésitez guère à inventer tous les symptômes les plus délirants du monde si vous vous en sentiez le besoin. »

Il ne pensait pas que les rôles de mère et de fille poseraient problème aux deux Jedi, puisqu'elles étaient - il le supposait du moins - bel et bien ainsi liées par le sang. Peut-être peineraient-elles bien plus à s'adresser familièrement à lui, de même que lui aurait une certaine peine à ne pas demeurer un tant soi peu formel. Cependant pareilles façons pouvaient être excusées par une programmation particulière de son prétendu cerveau droïde, aussi aurait-il un jeu moins complexe à jouer que ses deux compagnes. Il ne s'en inquiétait cependant que peu: le binôme Jedi ne lui avait-il pas été recommandé tout spécialement pour l'infiltration?

Le vaisseau s'ébranla. À cet instant surgit hors de sa cabine le pilote, droit vers le cockpit, tandis que les turbulences s’intensifiaient. Le vaisseau approchait de sa sortie de l’hyperespace, en un mot : ils arrivaient. D’ici une vingtaine de minutes, ils poseraient la botte sur ce monde de neige sanglante. Comme ils quittaient Ondéron au lever du jour viendraient-ils sur Anoat avec la nuit.
Lauren Aresu
Lauren Aresu
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À peine rencontrés, ils avaient fait route vers l’astroport du temple où se trouvait apparemment leur vaisseau. Le cyborg, Zerath — Lauren ne se souvenait déjà plus de son nom à particule, paraissait bavard. Bien plus loquace que ne l’était son maître et ses phrases semblaient plus complexes que nécessaire. Sans plus de formalités qu’un hochement de tête, elle emboîta le pas à la Jedi.

Le dégoût se lut sur le visage de la jeune Echani lorsqu’ils aperçurent le vaisseau décrépi. Certains souvenirs faisaient à nouveau surface. Ça n’était pas la première fois qu’elle embarquait dans de tels engins et un sentiment de déjà-vu s’insinua dans son esprit. Son père et elle avaient souvent été obligés de voyager ainsi, debout dans des pièces bondées de monde voire même, parfois, dans des cales nauséabondes. Dans ces cas-là, leurs déplacements furent rarement plaisants et jamais ils ne s’y sentirent en sécurité, à juste titre la plupart du temps. Mais par chance, malgré l’odeur désagréablement familière, Lauren voyageait en bien meilleure compagnie, quoique le cyborg l’inquiétât un peu, et pour des raisons différentes. Mieux encore fut-elle rassurée de contempler un intérieur bien plus désaffecté que l’extérieur et ne put s’empêcher de rire devant les bêtises de Maître Vespen. Elle aussi avait été tentée d’attraper ces poignées bien trop brillantes.

Alors même que le soubresaut caractéristique du passage en vitesse supraluminique secoua la carlingue grinçante, le pilote s’éclipsa prestement. Chacun profita de tout ce temps pour se reposer, imagina-t-elle. Ils déjeunèrent et finirent par se retrouver devant un Zerath qui ne tarissait pas d’explications et de phrases compliquées. Très vite perdue, Lauren jeta un regard désespéré en direction du visage familier de son maître. Tout ceci lui était-il destiné ? Vraisemblablement, vu que la Jedi avait annoncé, à peine quelques minutes plus tôt, « il est temps de t’expliquer ce que nous allons faire, chère padawan » et, jusqu’à preuve du contraire, elle demeurait la seule padawan à bord. Peut-être pourrait-elle, discrètement, demander un résumé plus tard ? Ou bien cela la ferait-elle passer pour une andouille ? Elle recentra son intérêt sur l’homme et fut de nouveau déconcentrée par son bras artificiel. Bien plus perfectionné que le sien, il n’y prêtait plus attention et, quoique simplement animé par un discours flambeur, Lauren suivait des yeux ses mouvements lestes.

Ainsi s’écoula un certain temps, Lauren n’aurait su dire combien exactement, avant que le cyborg ne cesse de parler. De leur mission n’avait-elle uniquement retenu qu’ils atterriraient au sud, proche d’un complexe inconnu puis qu’ils se dirigeraient vers Anoat Polis afin de se renseigner sur une usine tout aussi inconnue. Le point important étant la discrétion ce que la jeune padawan jugea logique s’ils s’embêtaient à voyager dans un vaisseau branlant. Si tel était le cas, alors le cyborg avait vraiment parlé pour ne rien dire, pensée qu’elle passa sous silence. Il avait même évoqué son père, chose qu’elle ne préférait pas relever ; après tout, Zerath ne savait rien de sa disparition. Elle fit cependant taire ce sourd lancinement qu’il créa involontairement.

D’un pas rapide, le pilote réapparut alors que le vaisseau tremblait.

« ETA : 20 minutes, lança-t-il. » Voilà un pilote avec un goût prononcé pour les holo-films, mais c’était amusant.

Ils se séparèrent, chacun enfilant des vêtements chauds, des combinaisons protectrices, rassemblant l’attirail qui servirait à leur survie et leur mission. Lauren fut tout juste prête à temps, alors que les tampons des pieds du vaisseau touchaient le sol avec un chuintement. Fébrile, réellement stressée maintenant, elle tendit sa main gauche vers le sabre, rassurant, qui pendait à sa ceinture. Un sabre de prêt, certes, mais qui demeurait bel et bien létal ce qui fit courir un frisson le long de son dos. Toujours dans les pas des deux adultes, ils pénétrèrent dans l’immensité glaciale, blanche, où un vent sifflant faisait danser les flocons. Même si leur équipement empêchait le froid de s’y glisser, le bruit et la vision de ce paysage la fit frémir, mais qu’est-ce que c’était beau.

Elle découvrit ce que les petites fenêtres sales du vaisseau lui avaient caché. Enfonçant ses pieds dans la neige profonde, grasse, elle put contempler tout son loisir l'imposant pic enneigé qui perçait les épais nuages, légèrement sur leur droite. Chaque pas demandait à la padawan de relever consciencieusement les genoux pour éviter de s'affaler dans le linceul froid.
Ils avaient atterri dans son ombre et les crêtes déchiquetées continuaient loin derrière eux. Pendant un instant, elle craignit que les moteurs vrombissants n'aient fragilisé la neige qui recouvrait les rocs d'un chaleureux manteau. Sur le flanc de ces monts inégaux, dominés par le monumental sommet, la glace battue par le vent s'était muée en dessins uniques. Mais ce qui frappa le plus la jeune Echani, c'était l'absence totale d'arbres et de sapins. Avaient-ils disparus, chassés par le froid ou bien étaient-ils profondément ensevelis par le duvet qui tombait incessamment ?

A perte de vue, devant eux, s'étendait le blizzard qui voilait les dents rocheuses acérés et empêchait toute vision précise. Elle crut cependant discerner, très loin devant, une forme noire arrondie qui se détachait curieusement sans contour tranché, mais elle n'aurait pu détailler sa vision. Après quelques instants, ils déchargèrent les motos-neige et entreposèrent rapidement le matériel dessus. Ça y est, les choses sérieuses commençaient.
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Anonymous

Saery prit le temps d'écouter Zerath exposer ses plans. Pour montrer l'exemple à sa padawan, elle prenait soin d'accorder toute son attention au sergent. De temps en temps, elle vérifiait que Lauren soit elle aussi bien concentrée. Cependant, la jeune fille avait l'air un peu assommée par tout ce qu'on lui expliquait là. Par ailleurs, Saery se retint de sourire en voyant le visage décomposé de sa protégée. La padawan avait encore du chemin à faire : être Jedi impliquait aussi d'avoir l'esprit vif.

Les plans du sergent Ular'Iim étaient détaillés. Peut-être un peu trop, même, pensait l'ombre. C'était comme si celui-ci s'était laissé emporter en pensant à l'occasion de faire parler son imagination. Cependant, elle estimait qu'il valait mieux profiter du mal qu'il s'était donné pour aller dans son sens : tout lui serait plus facile à retenir s'il en était le créateur. Et puis, ses idées n'étaient pas si mauvaises.

— Il est vrai que Lauren pourrait passer pour ma fille... Dit-elle tout bas, après le court silence qu'elle s'était accordée pour réfléchir sur le plan de Zerath.

C'était presque à contrecoeur qu'elle l'admettait. Elle aurait en effet pu avoir une fille âgée de 13 ans. Même si, dans son cas, elle ressemblait plus à sa grande soeur qu'à sa mère. Il fallait dire que Saery avait l'air jeune, même pour une morellienne.

— Oui... Hm... Nous ferons comme ça, alors. S'il nous arrive d'avoir à nous expliquer, cette histoire fera très bien l'affaire. Tu as très bien pensé ton coup, BR ! Lança-t-elle sur un ton bien plus familier, en montrant sa propre plaque qu'elle tenait du bout des doigts. Je serai donc Shilen, pour ce voyage.

D'un regard, Saery jeta un oeil à la plaque de Lauren qui, elle, se faisait toute petite. Il aurait été dommage de ne pas connaître le nom de sa propre fille.

— Jusque là, tout va bien. Pour ce qui est de notre visite au pôle, cependant, je crains qu'il ne nous faille revoir quelques éléments du plan. Couvrir ce vaisseau de neige comme de bons colons, par exemple, nous prendrait bien trop de temps.

D'un doigt, elle dessina un cercle comme pour montrer le volume de la pièce dans laquelle le groupe se trouvait.

— Nous ne comptons pas rester ici des semaines ou des mois. Et, si nous sommes chanceux, quelques flocons viendront nous couvrir sans nous n'ayons rien à faire. Et puis, quoi qu'il arrive, nous faire repérer près d'un complexe aussi important serait un échec total. Que nous soyons des colons égarés ou non, je vois très mal nos amis d'Anoat nous laisser repartir sans mener d'enquête. Nous n'avons pas non plus le luxe d'attendre que celle-ci se termine pour reprendre notre chemin. Aussi, dans l'éventualité où il faudrait nous extraire rapidement, j'apprécierais que notre moyen de transport ne soit pas cloué au sol à cause de la neige. Fuir, quitte à changer de plan, serait une bien meilleure option. Anoat est déjà sous alerte, de toute façon. Les systèmes comme celui mis en place ici sont malheureusement bien habitués à l'espionnage. Alors, une alerte de plus ou de moins ne fera pas la différence.

La Jedi mit son collier autour de son cou avant de poser ses mains liées sur la table, tout sourire.

— Mais, tout ira bien, il suffit de ne pas nous faire prendre !

Quelques dizaines de minutes plus tard, la grande trappe arrière du cargo s'ouvrit pour s'écraser dans la neige. Tandis que le pilote déchargeait les motojets, Saery s'avança dans la neige. Elle pouvait sentir le froid mordant de l'air qu'elle respirait à travers le vêtement qui lui couvrait la moitié du visage. Derrière les grandes lunettes qui protégeraient ses yeux, elle pouvait à peine voir les formes se dessiner au loin derrière le blizzard. En ajustant sa capuche blanche, elle se tourna vers sa padawan et parla fort pour se faire comprendre :

— Bon ! Il neige, il fait froid, il y a du vent, mais on s'entend quand même parler ! C'est déjà ça.

Saery remarqua que Lauren s'attardait sur l'horizon.

— Si tu cherches le complexe, ma chère fille, nous en sommes encore loin ! On n'aurait pas osé atterrir aussi près.
Lui dit-elle, pendant qu'elle dépliait son holoécran.

En regardant à travers la carte transparente qu'elle tenait, la Jedi remonta dans la soute pour en ressortir assise sur une motojet qu'elle faisait lentement avancer tandis que le pilote amenait celle de son sergent jusque devant la trappe. D'une main, Saery tendit son appareil refermé vers Zerath, comme pour l'interpeler.

— Je vois vers où nous devons aller, je vais passer devant ! Je compte sur vous pour ne pas vous perdre !

Il aurait été bête de devoir revenir sans le sergent, après tout. Saery, qui se montrait pourtant aussi professionnelle qu'elle le pouvait, estimait secrètement que la présence de Zerath n'était pas vraiment nécessaire. Bien qu'elle respectait le sens du devoir du prélat, l'ombre préférait agir avec des gens formés plutôt qu'avec des espions improvisés. Sans lui en dire un mot, bien sûr, elle se tourna vers Lauren :

— Allez, en selle, padawan. Et accroche-toi bien ! Dit-elle en enfilant les lunettes qui pendaient à son cou.

Très vite, les trois infiltrés se mirent en route. Saery, pressée d'en finir du laborieux trajet, fonçait à toute vitesse à travers les grandes étendues neigeuses. La moto de la Jedi avait une large visière pour bloquer le vent, mais, à l'allure à laquelle elle allait, ce n'était pas suffisant pour empêcher le froid de la faire trembler par moments. Au moins, cachée derrière elle, Lauren n'avait pas ce problème. Ou peut-être avait-elle froid, elle aussi ? Elle n'aurait pas su le dire, avec les vibrations du moteur qu'elle entendait à peine à cause du vent.

Parfois, quand la neige formait de grandes vagues immobiles, Saery ralentissait pour éviter d'avoir à récupérer le sergent après un saut mal contrôlé. Avec son corps refait et cette neige peu dense, les risques étaient moindres, mais peut-être que le cyborg craignait le froid lui aussi.

Ce n'est que bien plus tard qu'elle put poser le pied à terre. Toute cette route lui laissa le temps de se demander s'il n'aurait pas été plus judicieux de se poser un peu plus proche, malgré les risques !

Presque arrivés à destination, Zerath, Lauren et Saery avaient pris de la hauteur et s'apprêtaient à cacher leurs motojets au milieu des piques de roches et de glaces qui les entouraient. Les yeux derrière une paire de macrojumelles, Saery s'adressa à ses deux compagnons de route :

— C'est étrange... Tout semble désert, ici.

En contrebas, de nombreux bâtiments grisâtres aux toits blanchis par la neige se serraient les uns aux autres. Un long soupir fit naître un brouillard d'entre les lèvres pâles de la Jedi.

— Un souterrain ? Je déteste les souterrains...

Elle passa ses jumelles à Lauren avant de rester un temps à réfléchir. On n'y voyait pas grand-chose, avec ce temps. Les yeux fermés, elle tendit sa main droite en avant. Après quelques instants, elle fit part de ses maigres découvertes :

— Nous ne sommes pas assez près. Je perçois bien du mouvement dans la Force, mais je ne saurais pas dire ce qu'il se passe là-bas. Lauren, n'hésite pas à me dire si tu vois quelque chose.

Saery se tourna ensuite vers le sergent :

— Nous pouvons attendre de voir s'il y a du changement depuis ici, mais je pense qu'il va nous falloir nous rapprocher. Nous n'obtiendrons sûrement rien d'intéressant d'aussi loin.

Il était de toute façon plus ou moins prévu de mener une enquête approfondie, mais le sergent était-il prêt à se mettre en danger, lui ?

Zerath Ular'Iim
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Un vent glacial descendait régulièrement des sommets écharpés, chargé d’une neige gelée qui le transformait en cinglantes rafales de givre. La petite équipe, s’abritant dans une gorge tortueuse entre les dents rocailleuses couvertes d’un manteau épais et solidifié par des semaines d’une purga australe incessante, observait de loin leur premier contact avec ce qui semblait la civilisation Anoati. Zerath, derrière ses macrojumelles, distinguait difficilement les bâtiments – situés plus de dix kilomètre en aval. La technologie permettait déjà cette formidable prouesse de vision distante qu’aucun œil ni kaleesh ni humain n’aurait su égaler, mais elle atteignait hélas ici ses limites, car les images des macrojumelles étaient d’une bien piètre qualité. L’on était pourtant en présence d’un modèle MX-3309, le dernier cri en la matière dans l’armée républicaine, avec une distance focale pouvant atteindre jusqu’à 15 kilomètres. Malheureusement les conditions météorologiques étaient défavorables – et c’était là un euphémisme. De sa main gauche il rajusta le col de son manteau, fermant au maximum la fermeture éclair ; par instants le vent s’y engouffrait et le faisait frissonner, malgré les épaisses couches qu’il portait en dessous. Tout cybernétique était-il, il possédait cependant toujours des portions organiques ; et ces portions n’appréciaient guère le froid, lui qui venait d’un monde tropical et chaud. Le blizzard à leur arrivée avait profondément inquiété le prélat, car il aurait été fou de s’engager à travers ce dernier et d’espérer en ressortir vivants. Fort heureusement le temps s’était rapidement dégagé et, guidés par maître Vespen, ils étaient enfin arrivés là, sains et saufs. À nouveau le reptilien observa les bâtiments noirs, agglutinés les uns contre les autres. La distance était trop grande pour pouvoir jauger quoi que ce soit. Ce qu’il pouvait cependant juger, c’était que le lieu était certainement immense ; car il apercevait d’ici une masse sombre quasiment uniforme qui formait à n’en point douter le coeur principal du complexe. Il faudrait s’approcher pour distinguer plus avant ce qui pouvait bien se cacher ici, au coeur des étendues inhospitalières et gelées.

« - Avançons en effet. » dit simplement Zerath, avare une fois n’était pas coutume de paroles. Il n’avait qu’un désir ; éclaircir le mystère le plus efficacement possible. Le Kaleesh, en effet, sentait un malaise peser sur ces monts. Il lui semblait que les vents masquaient avec générosité des sons plus affreux que les simples hurlements du blizzard à travers les couloirs montagneux. Il n’aurait su dire si c’était son mal-être ou son intuition forgée par des années d’expérience qui lui murmurait actuellement la sourde impression que quelque chose, loin de leur perception, tapie d’entre les ombres arctiques les épiait.

L’on convint de laisser ici les véhicules. Zerath s’exécuta – aida même autant qu’il le pouvait, guidé par l’expertise de maître Vespen – mais c’était presque à contre coeur : il ne pouvait se défaire de sa funeste impression, pourtant n’en souffla-t-il rien à ses camarades. Et elle ne le quitta guère alors qu’ils s’approchaient, à présent en raquettes, vers cette ville distante érigée dans un creux cerclé de pics, une vallée protégée par une barrière naturelle.

Or, l’équipe ne progressait que difficilement ; la gorge d’où ils étaient parti s’était transformée à présent en une crête érodée où ils progressaient en file indienne, leurs pieds chaussés de raquettes pour ne pas s’enfoncer profondément dans la neige qui formait tantôt des plaques gelées et luisantes, tantôt des amoncellements poudreux que le vent chassait avec ferveur. Ici, la roche jaillissait en dents éparses comme de la bouche d’un vieillard frappé du scorbut à la gencive blanche et enflée. Là, il fallait contourner, car les reliefs se stoppaient net en un à-pic qui s’achevait trois cent mètres plus bas dans une crevasse que jamais la lumière solaire ne devait éclairer. Leur avancée était rendue de surcroît difficile par le soin qu’ils devaient prendre à ne pas laisser d’empreinte trop évidente ni à se faire repérer. Il était certain que la ville en contrebas regorgeait de miradors qui surveillaient ceux qui cherchaient à sortir aussi bien que ceux qui cherchaient à entrer ; et de leur position surélevée ils auraient tôt fait d’être repérés. Ce soucis de discrétion était une difficulté supplémentaire, outre les conditions climatiques dégradées.

Parfois, on faisait une halte, s’abritant sur un plateau de fortune pour y chercher à la fois du repos mais aussi pour observer l’objectif, cette ville aliénée à son propre monde, assiégée par les reliefs et fortifiée pour contenir ses propres habitants plutôt qu’un envahisseur. La distance, hélas, n’avait pas immensément diminuée, car les monts véritablement cerclaient la cité, et la pente était trop raide – trop propice aux avalanches aussi pour qu’on se risque à une descente directe. Il fallait poursuivre le long de cette affreuse saillie, en bord de précipice, battue sans cesse par la purga cruelle.

Alors que le groupe progressait toujours – si laborieusement – Zerath fit halte, campant ses pieds là où la neige et les roches se mêlaient assez pour former une position stable.


« - Nous ne pouvons continuer ! » dit-il, mais le vent engloutissait sa voix et la noyait dans ses hurlements stridents et furieux, faisant battre avec véhémence sa capuche doublée de fourrure. Il leva sa main droit vers le ciel, pointa le soleil. L’expédition s’était mise en route depuis le vaisseau quelques trois heures auparavant, alors que le soleil était encore bas, pareil au début de matinée. À présent l’astre, suivant sa course, était arrivé comme en fin d’après midi. À ce rythme, il ne faudrait pas plus d’une heure pour que vienne la nuit polaire ; c’était un phénomène habituel aux pôles, où la durée du jour et de la nuit variaient drastiquement selon la période de l’année, menant parfois à des nuits blanches, parfois à des jours noirs, où pendant plusieurs mois ou la Lune ou le Soleil disparaissaient complètement. L’entre-deux donnait naissance à des jours où la nuit s’étirait ou s’écourtant immensément selon la saison ; et visiblement ils arrivaient alors que les nuits dominaient sur les jours – car un ensoleillement de cinq heures était risible au mieux.

Zerath ne craignait pas la nuit ; jamais n’avait-il eu peur du noir sur Kalee. Pourtant il était en ce lieu inhospitalier quelque chose qui le dérangeait – et ce n’était pas le froid. Le petit groupe était isolé, loin de toute aide ; si le moindre incident devait se produire, ce pouvait bien être l’équipe entière qui trouverait sa perte dans ces sommets. Et si valeureuse maître Vespen, si réputés les chevaliers de son ordre, le prélat ne pensait pas que ce soient les plus bienveillants des dieux qui veillent sur cet endroit parjure. Il n’avait aucun désir d’être encore ici une fois que viendrait le noir – et surtout ce qui pouvait bien s’y tapir, loin du monde civilisé.
Lauren Aresu
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Lauren n’était pas familière avec la neige et l’idée de voyager sur une moto pour la première fois l’avait d’abord rendue joyeuse avant qu’elle ne fut assise derrière maître Vespen, filant à toute allure, engloutis dans le blizzard opaque. Les mains enserrés autour de la taille de Saery, secouée, elle se risqua à pencher légèrement la tête de côté pour voir où ils allaient. Une puissante bourrasque envoya sa tête vers l’arrière et releva ses lunettes protectrices. Le vent glacial fouetta son visage avec force. Désorientée, d’une main hésitante, l’autre toujours agrippée à l’épais manteau de son maître, elle les remit en place. Ses yeux brûlaient et ses paupières s’agitaient frénétiquement. La douleur se calma finalement et, heureusement, ils étaient arrivés à destination.

Malgré ses raquettes, elle s’enfonçait jusqu’à mi-mollet dans cette neige collante. Le groupe surplombait la vallée, loin en contrebas. Ce ne fut que grâce à la paire de macro-jumelle tendue par la Jedi qu’elle discerna elle aussi les toits gris, ternes.

« Je suis désolée, Maître. Mais je me heurte aux mêmes difficultés que vous. Toutefois, je crois reconnaître des miradors, à certaines extrémités. Je ne pense pas qu’un tel lieu, perdu dans la neige, ne soit normalement gardé à moins d’être important, comme on le pensait, explicita-t-elle. »

Elle avait le sentiment que maître Vespen et Zerath avaient probablement déjà noté la présence de ces miradors. Néanmoins, pour éviter une simple réponse négative, elle s’était dit qu’elle ferait montre de son observation. Puis, après un dernier balayage de l’impressionnante vallée qui s’étendait devant eux, elle reposa les jumelles dans la poche d’où la Jedi les avaient sorties.

Au fond d’elle, Lauren était épuisée. Trois heures qu’ils arpentaient un dénivelé sinueux à flanc de montagne. Toujours aussi abondante, la neige rendait les pas difficiles. Elle n’autorisait pas l’erreur dans les passages escarpés où la moindre chute aurait été fatale. Sous son manteau, elle transpirait à grosses gouttes, rendant le tout plus inconfortable encore. Mais elle ne bronchait pas et encadrée de Zerath, qui ouvrait la marche, et de maître Vespen derrière elle, elle essayait de marcher dans les traces du cyborg, ses enjambées souvent trop grandes pour les siennes.


Sur cette corniche rocheuse prise dans les glaces, légèrement enfoncée dans le flanc montagneux et protégée, ils restèrent pensifs. Dans la nuit qui s’annonçait noire, ils pouvaient continuer et prendre de l’avance au risque de ne pas arriver vivants. Ou bien, ils pouvaient s’établir ici le temps d’une ou deux heures, reposer leurs muscles endoloris et se rassasier des provisions qu’ils avaient emportées. Toutefois, ils n’avaient guère emporté plus que cela. Pas de source de chaleur suffisante ni d’attirail en tout genre pour établir un quelconque camp de fortune. S’immobiliser ainsi était un péril qu’ils ne pouvaient ignorer.

Au loin, vers la droite des installations qu’ils dominaient, un discret point noir appurut à l’horizon. Deux lumières, une rouge et une blanche, clignotaient successivement. Lauren se décala de plusieurs pas, afin d’avoir un vue plus dégagée et réalisa alors. Elle retourna vivement auprès du groupe et tapota un peu paniquée l’épaule de maître Vespen.

« Maître, je… je crois qu’un vaisseau approche, balbutia-t-elle. »

Il n’avait pas fallu longtemps à la padawan pour faire le lien entre les deux. Si le vaisseau passait trop bas au-dessus d’eux, en considération de l’épaisse couche de neige récente qui ne s’était pas encore solidifiée, il y avait fort à parier que le manteau ne résisterait pas aux vibrations. Le vaisseau continua sa course dans leur direction, ignorant leur présence, et décrit un arc de cercle derrière eux. Lorsqu’il réapparut dans leur champ de vision, sur la gauche, il effectuait une manœuvre de descente lente pour se poser en contrebas, à l’abri d’un bâtiment.

Le silence fut roi pendant les minutes suivantes. Personne ne s’autorisait un mouvement. « Craaaac ». Le son résonna. Des bruits sourds, de la glace qui se brise. Plusieurs autres sons du même type se succédèrent, de plus en plus rapprochés les uns des autres.

Sur le pic à leur gauche, légèrement surélevé à environ huit cent mètres d’eux, un mouvement attira leur attention. Déjà, dévalant le sommet, ils parvenaient encore à apercevoir la longue fissure qui décrivait un quart de cercle vers la gauche. La neige se détacha et commença à courir dans un épais nuage nébuleux. Ils entendaient très bien le grognement que cela menait et ressentaient même les vibrations jusqu’ici. Pétrifiée, elle jeta son regard en direction des deux adultes.
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Saery, qui suivait Zerath et Lauren le long de cette corniche enneigée, remarqua que sa padawan peinait de plus en plus à avancer. Forte de ses années d'expérience et d'aventures, la Jedi arrivait à s'en sortir un peu mieux que son élève. Cependant, l'épreuve était pénible et, elle aussi, commençait à fatiguer. Cela faisait plusieurs dizaines de minutes qu'elle suivait Lauren sans vraiment réfléchir à là où elle mettait les pieds, en pensant qu'il était incroyablement malchanceux que ce trajet soit la seule route "sûre" vers le complexe qu'il leur fallait observer. Anoat n'avait très probablement pas choisi cet emplacement pour le bâtir sans raison.

Sans prévenir, Lauren s'éloigna du chemin tracé par Zerath. Saery, sans même ralentir, prit la seconde place dans leur marche. Très vite, sa padawan revint pour l'interpeler et la sortir de son intensive concentration :

— Maître, je… je crois qu’un vaisseau approche. Lui dit la jeune fille.

Saery leva les yeux elle aussi. En tendant l'oreille, tout le monde comprit qu'il allait falloir faire attention. A leur grand malheur, le vaisseau passa non loin des pics que nos alpinistes improvisés arpentaient. Les vibrations commencèrent à secouer la neige et à faire trembler la glace. Machinalement, Saery mit sa main sur l'épaule de Lauren pour la rapprocher du bord de la montagne que le groupe longeait. Si Saery, elle, ne se sentait pas particulièrement en danger, elle comprenait cependant que Lauren et Zerath s'inquiètent de voir la neige s'écrouler en amont. Si elle avait été seule, Saery n'aurait eu qu'à sauter en sécurité et à attendre que l'orage passe. Malheureusement, Lauren et, surtout, Zerath ne pouvaient probablement pas échapper à une avalanche aussi simplement. C'était bien dommage, d'ailleurs, car il ne leur restait pas longtemps avant de se faire emporter par l'écrasant poids du manteau qui s'effondrait là-haut, au-dessus d'eux.

Saery considérait de faire appel à la Force pour protéger ses alentours, mais cette solution était risquée et épuisante. Elle savait que certains maîtres étaient capables d'incroyables prouesses grâce à la télékinésie, mais pourrait-elle, elle, résister à une avalanche ? Pendant sa réflexion, elle posa le regard sur Lauren. La pauvre fille semblait terrorisée.

— Je te prierais de bien vouloir t'abstenir de paniquer intérieurement pendant que j'évalue la situation, ma chère padawan ! Lança Saery, assez fort pour se faire entendre par dessus le grondement de l'avalanche et les sifflements du vent.

Derrière ses lunettes et le tissu qui masquait son visage, Saery affichait un sourire nostalgique. Elle avait été jeune et impressionnable, elle aussi.

— Tout est sous contrôle, ou presque !

Saery se dirigea vers le bord de la corniche pour mieux voir la montagne au-dessus de laquelle se formait une lourde vague de neige qui s'approchait dangereusement du petit groupe. Cela ne faisait aucun doute, courir ne les aiderait pas à échapper au poids de la neige qui leur arrivait dessus. La Jedi jeta un oeil en contrebas, pour essayer de trouver des options. Heureusement pour elle, il y avait encore assez de lumière pour y voir et les flocons tombaient abondamment du ciel. Ceux-ci avaient laissé de doux coussins humides là où le terrain voulait bien le permettre. Saery s'interressa ensuite à nouveau à l'avalanche et tourna ses pensées vers la Force. Grâce à elle, elle perçut que le groupe n'arriverait pas à se mettre hors de danger en utilisant leurs jambes. Elle chercha, chercha et chercha encore, mais elle ne parvint pas à trouver d'autres solutions plus délicates. Résignée et pressée par le temps, elle se tourna vers ses deux camarades.

— Venez par là, je vais vous montrer quelque chose ! Dit-elle en leur faisant de grands signes vifs des deux mains.

Saery avait très certainement l'air trop calme pour être honnête, mais elle n'avait pas vraiment le temps de tout leur expliquer.

— Ça va secouer, mais faites-moi confiance !

Les yeux fermés, elle tendit ses deux mains vers Zerath et Lauren. La Force les arracha du sol pour les faire doucement léviter. Quand la Jedi ouvrit les yeux, elle leur donna un dernier conseil :

— Serrez les dents !

D'un coup, Saery balança ses deux bras vers le vide comme si elle voulait se débarrasser des deux qui lui bloquaient la vue. Le cyborg et la jeune fille, jeté de la corniche comme deux boulets d'un canon invisible, volèrent pendant plusieurs dizaines de mètres avant d'être à nouveau retenus par la Force. Cette fois cependant, il s'agissait juste de les ralentir pour éviter que leur corps ne se brise au contact de la neige. Car, poudreuse ou non, la densité de celle-ci la rendait impitoyable ! Et, bien que freinés par l'intervention de Saery, cela n'empêcha pas Lauren et Zerath de s'écraser et de s'enfoncer dans cette neige toute fraîche et humide.

Quelques secondes plus tard, la Jedi tendait sa main vers sa padawan pour l'aider à se dépêtrer du trou qu'elle avait creusé en atterrissant et se dirigea vers Zerath pour lui porter assistance à lui aussi. Bien plus haut et plus loin, la vague de neige accompagnée de quelques rochers s'effondrait là où le groupe se serait encore trouvé sans l'intervention de la Force.

— Allez ! On bouge, on bouge ! On n'est pas encore tout à fait tirés d'affaire, tant qu'on est ici ! Pas le temps de se plaindre ! Ajouta-t-elle en se tournant vers sa padawan, qui avait certainement du plus mal vivre l'atterrissage qu'un cyborg au corps d'acier.

Après quelques pas seulement, elle s'adressa au sergent :

— Je ne sais pas pour vous, mais moi je ne perds pas une seconde de plus ici ! Si on s'arrête de bouger dans ce froid, c'est la mort qui nous attend. Et si la nuit vous empêche d'avancer, j'ouvre la voie ! Dit-elle toujours aussi haut, pour bien se faire entendre au milieu de tout le vacarme ambiant.

Ce que Saery se garda de dire, cependant, c'est qu'elle n'avait aucune idée de comment reprendre une route correcte pour arriver à leur objectif. Mais, au moins, ils n'étaient pas ensevelis sous plusieurs tonnes de neige !



Zerath Ular'Iim
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Le vaisseau s’était éloigné; un silence de mort s’était abattu sur le groupe entier, figé par l’appréhension autant que par le froid. Zerath, pendant plusieurs secondes, ne pouvait plus entendre que les battements frénétiques de son coeur résonner dans ses tympans, ses yeux embrassant chaque mont avec crainte. Derrière les silhouettes déchiquetées des sommets se découpait le jour mourant qui projetait des reflets glacés sur les neiges hivernales. Le vieux kaleesh ne pouvait entendre que son coeur, battant la chamade après la course rapide et laborieuse dans la neige pour rejoindre une cachette improvisée. Toum toum, toum toum, toum toum...Il inspirait régulièrement, tentant de reprendre un rythme de respiration normal, un goût d’acide dans la gorge. L’air glacé lui poignardait les poumons, mais il se forçait cependant à maîtriser son rythme, en un mot se calmer. Il n’était pas un athlète, mais il demeurait encore maître de son esprit !

Il fallut quelques temps pour que l’ombre du vaisseau disparaisse enfin. Alors, Zerath se résolut à risquer d’à nouveau parler. Il y eut un roulement, comme d’énormes billes de plomb. Le son ricocha d’une montagne à l’autre, les échos du phénomène étrange se répondirent alors que venait un grondement sourd, lointain. Le sol se mit à trembler légèrement ; loin au-dessus d’eux un nuage enflé et blanc s’était élevé et commençait à dévaler la pente. Le Kaleesh n’avait jamais vu ce phénomène, mais il avait déjà vu des volcans sur son monde natal. Ses yeux s’agrandirent alors qu’un frisson tiède rampait de ses membres à son échine. Il n’avait plus de chair pour que ses mains tremblent, pourtant ses doigts n’étaient plus immobiles. Il connaissait fort bien les nuages de cendre mortels qui dévalaient à une affreuse vitesse les pentes des monts embrasés. Il savait les ravages des coulées pyroclastiques – et avait appris à fort juste titre à les redouter, les nuées noires qui ravageaient jusqu’aux armées les mieux préparées.

« - Lamkaar *! » clama-t-il, tant pour lui que pour les autres ! Ils n’avaient pas de temps, ils devaient absolument s’échapper ! Zerath ignorait si le flot blanc qui approchait d’eux les gèlerait ou les brûlerait, mais il était certain d’une chose : ils devaient y échapper ou mourir. Il était habitué à oeuvrer dans les situations désespérées – ainsi avait été son quotidien de guerre des années durant, mais cette situation était différente. Il ne commandait pas les siens, il ne pouvait compter que sur lui et l’équipe restreinte pour survivre au flux enragé qui descendait pourtant en une lugubre paix blanche...Il embrassa du regard la corniche où ils se trouvaient. Ils avaient élu refuge derrière un talus de neige abrité directement derrière le chemin. Si le talus offrait une descente secondaire, il était certain que la coulée s’y engouffrerait en un torrent furieux. Rebrousser chemin ? Ils progressaient trop lentement avec leurs raquettes. En quatre enjambées hâtives, Zerath alla en bord de précipice, cherchant désespérément une solution. Son effort le plus rude était de maintenir un flot de pensées cohérentes et de ne pas céder à la panique. Il ne savait que trop bien le sort funeste réservé aux malheureux piégés dans les lamkaar de Kalee. Le précipice offrait un aller simple pour une chute vertigineuse. Le manteau neigeux empêchait de distinguer ce qui pouvait bien les attendre ; au mieux une épaisse couche de neige. Au pire des roches sous la surface, ou une crevasse où ils chuteraient et seraient ensevelis à une mort certaine. L’Ular’Iim porta à nouveau ses yeux vers le monstrueux nuage. Une vague de terreur menaça de le submerger. Un nuage monstrueux s’était enflé sur tout le flanc de montagne ! Il était affreusement proche ! Ils n’avaient pas même une minute ! Zerath sentit son échine se mettre à trembler de façon incontrôlée. Il n’y avait probablement pas d’alternative. Quarante secondes restantes. Ils n’avaient certes pas emporté de quoi monter un camp, mais ils avaient un minimum de matériel ; outre des casques ainsi que du matériel d’excavation basique, Zerath avait surtout avec lui des demi cercles énergétiques ; on aurait pu les prendre pour des boucliers pareils à ceux arborés par les Gungans, cependant ils n’auraient pas arrêté le moindre tir de blaster. C’étaient des protections physiques, non énergétiques – et tout à fait désuets de e fait. C’était un matériel qui avait de cela de pratique que le bouclier étant par nature désactivé quasiment en permanence, il suffisait de transporter le réacteur - qui prenait considérablement moins de place. En toute hâte, le reptilien rejoignit ses deux compagnes, générateurs en main. Trente secondes restantes. Il avait seulement deux boucliers. On pouvait probablement se répartir en deux et un, tenter un saut dans la neige. Ils glisseraient, peut-être gagneraient du temps, fuiraient la coulée...Beaucoup de peut-être. Cependant on ne construisait pas tous les plans sur des certitudes. Il ne comptait pas se laisser enneiger. Et que Orlynn le clément, abondant en générosité lui vienne en aide s’il se trompait.

Mais Zerath n’eut pas le temps de détailler son idée, si folle pouvait-elle sembler : maître Vespen assura qu’elle avait une solution. Le Kaleesh se sentit soudain arraché au sol, soulevé par une force invisible et impérieuse. Il battit instinctivement l’air de ses main, cherchant une emprise, une attache, un appui – en vain. Ses yeux tombèrent un instant sur la Jedi face à lui, qui le soulevait pareil à une poupée de chiffon. La dernière image qu’il vit fut celle de cette jeune femme aux cheveux nacrés, les deux mains levées, derrière laquelle approchait en un hurlement qui se faisait assourdissant une muraille incarnée de neige. Puis ce fut la chute.

La corniche s’éloigna à une vitesse brusque, le vent mugissait continuellement en des tons aiguës, graves, puis plus aucun son ne vint, si ce n’était une vibration continue et désagréable qui saturait complètement les capteurs auditifs du cyborg ; les bourrasques monstrueuses malmenèrent même dans sa chute Zerath, qui se sentit pivoter sur lui-même. Et comme la plateforme s’éloignait à une vitesse ahurissante venait à présent à un rythme dément le sol. Le vent plaquait complètement Zerath, le compressait en une position désagréable. Ses yeux étaient rivés sur un bas-relief de la pente, qui s’approchait rapidement. Le vent, soudain, sembla se lever, comme si quelque faveur divine l’avait un instant allégé...Orlynn avait répondu à ses prières ! Mais Zerath n’était guère tiré d’affaire : avec sa vitesse actuelle, il allait à n’en pas douter heurter de pleine force cette pente puis rouler en contrebas. Il n’y survivrait pas. Il n’avait pas de pouvoir, pas de capacité mystique, pas de Force. Il n’était pas un Jedi, il n’était pas un Sith. Sans doute la jeune Lauren saurait-elle fort de ses apprentissages, fort de sa généalogie sensitive se tirer de ce mauvais pas.

L’Ular’Iim empoigna solidement l’un des générateurs entre ses deux mains. Il pressa l’un des boutons. Aucune réaction ; l’appareil avait été congelé par le froid. Le sol continuait de s’approcher. Le Kaleesh anticipait bientôt le choc !


« - Alwhamia naabib Al’qalb...Alwhamia naabib zhabaa...Alnabil Shaaz’rak dohaq art’awhum... »

C’était une invocation rituelle, adressée au dieu Shaaz’rak, de la Fissure Abyssale. « Prière » n’était pas tout à fait exact ; sans doute aurait-on préféré le terme de malédiction en langage commun. Et c’était assurément un serment damné que récitait Zerath ; une invocation aux flammes de l’enfer le plus glacé, le bûcher de la perdition, les brasiers du vide ! La fine pellicule glacée sur le bouclier, devant ses yeux, sembla fondre partiellement. Une étincelle rouge naquit sur les bordures, un crépitement électrique léger pétilla. Un oriflamme s’épandit en un disque coloré, clair et brillant. Des échardes de braise s’échappèrent et se mêlèrent aux flocons furieux.


« - Nab und zaabniiiya !  **»

Le disque s’acheva, brûlant d’énergie faite solide. Soudain l’air rencontra une résistance supplémentaire. Zerath subit un premier choc, mais s’accrocha à sa protection de fortune, conjurée de force. Il devait s’orienter correctement…Prendre le bon angle…

Choc avec le sol. Brusque. Violent. Le corps du cyborg bougeait à sa volonté, ce qui signifiait qu’à l’inverse il ne se mouvait guère sans qu’il le décida (à l’exception de ses mains qui parfois semblaient désireuses d’une existence propre) ; tout autre être vivant se serait sur ce choc cassé la nuque et n’aurait pas survécu, mais la condition particulière de Zerath le maintint par chance bien en vie. Il sentit soudain un vertige et une forte chaleur lui monter à la tête et perdit connaissance.


Lorsque Zerath revint à lui, il était enfoncé profondément dans la neige, dos contre terre. Il inspira profondément et se releva, tentant de retracer ce qui lui était arrivé. Le sentiment terrifiant de la chute lui revint rapidement, ainsi que les images de la corniche s’éloignant hors de son contrôle. Il se souvint avec un frisson épouvanté le sol qui approchait à une vitesse folle, puis son idée et sa prière à Shaaz’rak pour dégivrer son bouclier de fortune...Il palpa instinctivement de sa main droite là où il aurait dû tenir le générateur qui lui avait sauvé la vie. Il n’y sentit nul contact. Il baissa les yeux. Son avant-bras droit entier manquait. Le cyborg demeura hébété un moment, détaillant sans vraiment comprendre l’absence complète de sa main, son poignet, de tout jusqu’au coude, manche incluse. Choc, surprise, déception se mêlèrent et tourbillonnèrent un moment dans son esprit...Pour livrer lieu à un détachement complet. C’était le sang froid et des années d’expérience qui reprenaient enfin le dessus sur l’instinct, en une interjection simple et sentencieuse : on ne priait pas Shaaz’rak impunément. Un bras était un bien maigre prix à payer pour avoir la vie sauve, de surcroît, mais cela compliquerait assurément la suite de la mission, songea le prélat. Il secoua la tête, délogea un peu de neige qui s’était infiltrée dans sa capuche, observa l’endroit où il était tombé.

Il avait atterri à la vérité sur un rocher qui lui aurait très certainement brisé le dos, si son bouclier ne lui avait pas sauvé la vie une seconde fois. Ce dernier gisait dans la neige, encore fonctionnel ; au centre gisait l’avant bras arraché du cyborg, en bien piteux état. Les crépitements rouges pourléchaient le membre, cherchant à en consumer l’acier. C’était bien le prix qu’il avait nommé dans sa prière...Un bras pour sa sauvegarde. Shaaz’rak, il fallait l’admettre, avait œuvré vite et bien. Il faudrait procéder à un contre-rituel, songea Zerath. Il leva les yeux vers les sommets. Il avait dévalé une pente à pic qui, à présent qu’il l’observait de cet angle, n’était pas si redoutable qu’il l’avait supposée ; c’était plus un surplomb rocheux défavorable qu’une pente à proprement parler. S’il s’était trouvé peut-être quelques cinq mètres plus à gauche ou à droite, il aurait atterri dans la poudreuse à n’en pas douter. Il aurait même suffit qu’il soit à la place de la jeune Lauren pour que...

Catastrophe ! La jeune Lauren ! Il l’avait parfaitement oubliée. Pourtant elle avait chuté avec lui, projetée par maître Vespen ! Et qu’en était-il de cette seconde ? Il revint rapidement vers son générateur, s’y agenouilla et l’éteint. Il se brisa en échardes lumineuses qui éclatèrent et s’étouffèrent dans la nuit avec une impulsion de vapeur d’eau, puis ramassa son membre brisé. À cet instant une main lui tapota l’épaule. Il tourna le regard et croisa celui de maître Vespen. Elle...Elle était vivante ? Mais la chute...La hauteur...L’avalanche ? Comment avait-elle pu…


«- Je ne sais pas pour vous, mais moi je ne perds pas une seconde de plus ici ! Si on s'arrête de bouger dans ce froid, c'est la mort qui nous attend. Et si la nuit vous empêche d'avancer, j'ouvre la voie !»

Elle avait raison, songea Zerath. Il se remit debout et fit volte-face, déchargeant son sac pour y mettre son bras, à défaut d’un meilleur endroit.

« - Je ne peux que vous donner raison. Maintenant que nous sommes là, il semble que faire demi tour ne soit plus une option. Il nous faut cependant quelque base où nous reposer sitôt le jour disparu, ce qui ne saurait tarder.  »


***

Et ainsi l’équipe s’était-il mise de nouveau en route. La chute, pour toute l’expérience traumatique qu’elle pouvait bien constituer, avait néanmoins eu un bénéfice – et non des moindres : le chemin sur lequel ils progressaient actuellement était plus large et abrité que la corniche originale. Si certaines portions demeuraient battues par un vent furieux qui rendait la marche laborieuse – même pour Zerath et son corps d’acier, parfois arrivait-on cependant à des revers où les éléments ne faisaient que s’engouffrer en sifflant, mais où la chute n’était plus une menace, guère plus que les avalanches. Le camp demeurait encore trop lointain pour être véritablement atteignable. La quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau était considérablement allongée, car il fallait faire le tour plutôt que prendre le chemin plus rapide – et mortel - d’une descente immédiate. Il était clair qu’ils n’atteindraient pas leur objectif avant la venue du noir, cela était une certitude dont même la jeune Lauren devait avoir conscience à présent.

Aux dernières lueurs du jour, un blizzard funeste s’était levé. C’était une purée de pois si épaisse que Zerath – malgré toutes les qualités de sa vision – ne parvenait pas à voir nettement à plus d’un mètre devant lui. Les trois s’étaient liés mutuellement d’une corde de vie afin de ne pas se perdre. La neige s’amassait à un rythme rapide sur l’équipe ; régulièrement le prélat délogeait de son unique bras valide plusieurs centimètres de flocons qui avaient tôt fait de revenir. Il leur fallait trouver un abri. Le cyborg savait fort bien que, sa peau étant hermétiquement scellée, il ne ressentait que peu le froid. Il soupçonnait cependant que ses deux compagnes n’avaient pas une telle chance ; il fallait s’arrêter. Pour toute l’assurance dont faisait montre maître Vespen, l’Ular’Iim doutait malgré tout que la Force puisse les préserver du froid mortel qui les attendait dans ce maudit blizzard. S’ils y passaient une heure de plus, lui-même périrait assurément.


« - Maître Vespen ! » appela-t-il à travers le vent, et il tira tant sur sa corde avant, rattachée à l’interpellée, qu’à celle arrière pour captiver l’attention de la jeune Lauren. Il montra de son unique main valide sur la droite une direction, perpendiculaire à celle qu’ils empruntaient actuellement.

« - Il me semble distinguer une cavité où nous pourrions trouver refuge ! »

Il tourna le regard en arrière, vers la padawan Lauren. Si cette dernière faisait le moindre signe indiquant qu’elle désirait s’arrêter vers cette cavité, Zerath lui-même s’y dirigerait. Il n’avait pas l’intention d’avoir la mort d’une enfant sur la conscience, encore moins de devoir l’annoncer à sa mère. Sa responsabilité, en tant que membre placé au centre du trio, était de veiller que ceux derrière lui ne se perdent pas dans les neiges. Il ne comptait pas faillir.






* : Signifie « Torrent de fer noir », désigne les coulées pyroclastiques, redoutées sur Kalee à juste titre autour des volcans pour leur létalité absolue.

** : Prière Kaleesh généralement redoutée par les guerriers, Shaaz’rak étant un dieu révéré comme « Celui de l’Abîme » et en conséquence craint par son existence même. Il symbolise l’Inconnu et cristallise la peur la plus primaire de tout être vivant. Il est aussi associé à la mort et la pénitence. Sa symbolique inclut notamment les flammes d’Al’qalb, réputées comme brûlant l’âme de leurs victimes et servant également selon les mythes et textes de portails vers le Vide incompréhensible aux esprits mortels – et affreux même aux autres dieux. Peu sont ceux assez courageux ou fous pour invoquer le nom de Shaaz’rak, plus rares encore ceux assez désespérés pour employer cette commande impérieuse à la divinité la plus redoutée et ancienne de tout le panthéon Kaleesh. Elle peut cependant être traduite quoi qu’approximativement en tant que :
«  La main aux flammes d’Al’qalb je sacrifie...Le bras aux feux du vide et de l’anéantissement je sacrifie...À Shaaz’rak le Fou dans sa demeure endormi je sacrifie… Cet aspect de ma chair pour mon ambition. »
Lauren Aresu
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« Serrez les dents ! »

C'est précisément ce que fit Lauren. Elle se tenait immobile et la seule chose à laquelle elle s'attendait, c'était de recevoir les tonnes de neige qui ne demandaient qu'à l'ensevelir, oubliée à jamais. Elle réalisa pourtant qu'elle n'était pas si immobile que ça, bercée dans les airs par une force, littéralement comprit-elle en jetant un oeil vers Saery, qui n'avait aucun mal à la transporter. Lauren contempla la suite de la scène comme si elle n'était qu'une simple spectatrice d'un film qui se serait déroulé de manière accélérée. La neige accueillit sa chute et elle s'y enfonça d'un bon mètre, la tête la première. Puisant dans une énergie et une force que jamais Lauren n'aurait soupçonnées chez son maître, aux traits si juvéniles, celle-ci leur avait sauvé la vie. A peine sortie de ce congélateur grandeur nature, accrochée au bras de la Jedi qui la tirait de cette poudreuse mouvante, un sentiment de fierté gonfla sa poitrine. Cette même Jedi l'avait choisie comme padawan et cela signifiait tout à ses yeux. Sa tête tournait, son visage rougi par le gel piquait.

Elle leva les yeux vers la crête, maintenant derrière eux. Le grondement, plus sourd, continuait au loin. Sans intervention, ils y seraient morts et le froid aurait conservé leurs corps, seul témoignage de leur présence ici. Elle tourna la tête dans l'autre sens et, succédant à la fierté, une profonde déception l'envahit. L'usine apparaissait toujours si éloignée. Ils avaient dévalé, contre leur gré, plusieurs centaines de mètres d'un coup, et ça ne leur faisait grâce que d'une trentaine de minutes de marche au maximum.

Maître Vespen poussait déjà le groupe à reprendre la marche pendant que Lauren époussetait les derniers morceaux de neige qu'elle ressentait comme de petites piqûres froides. Elle réarrangea ses affaires, reboutonna sa veste et réajusta ses lunettes pour stopper le froid qui s'y engouffrait déjà. Après s'être orientée dans l'espace, la padawan s'orienta dans le temps. L'astre lançait difficilement ses derniers rayons, bataille perdue contre cette neige qu'il ne ferait jamais fondre. La nuit approchant, elle conclut qu'il devait être environ 20h. Concentré sur leur situation, tourmentée par une avalanche, elle n'avait pas fait le rapprochement avec la nuit polaire, plus longue.

Pendant qu'ils marchaient, Lauren ne l'évoquait pas à voix haute, mais elle doutait parfois de la préparation de cette mission si impérieusement présentée par le cyborg, au Temple. C'était important, crucial et ils devaient faire preuve de discrétion, de professionnalisme. Pourtant, ils s'étaient posés sur un plateau particulièrement éloigné du lieu et s'étaient rapprochés de des pics montagneux. Ils avaient été frappés de la difficulté de la tâche, ensuite, avant d'être surpris par une avalanche qui, sans les pouvoirs de Saery, aurait réduit leur mission à néant avant même que celle-ci n'ait réellement commencé. Et maintenant, savaient-ils seulement où ils se trouvaient ?

« Là ! pointa-t-elle sur leur gauche, vers l'arrière. Regardez ! La cicatrice de l'avalanche, il me semble qu'elle s'est déclenchée ici. »

Le relief indiquait qu'ils avançaient dans une petite cuvette, entourée d'imposants dômes neigeux. Pour en sortir, ils prirent un chemin, large, sur leur gauche également qui longeait, éloigné de deux ou trois cents mètres, le pic qu'elle indiquait. Son rythme lui semblait moins épuisant qu'il ne l'était tout à l'heure. Devancée par Saery et Zerath, elle profitait du chemin ainsi créé pour économiser ses forces. Ils ne pouvaient prendre la ligne droite qui les séparait de leur objectif, escarpée et trop visible. Aucun d'eux n'avait soumis d'objection à ce qu'ils effectuent ce détour. L'usine, qu'ils distinguaient encore sous une forme noire peu à peu engloutie par l'obscurité, se trouvait à leur droite. Très vite, assaillis par le blizzard déroutant, ils durent s'encorder et Lauren sentit celle-ci se tendre. Le trio avait également allumé leurs lampes frontales qui ne les aidaient guère à voir le chemin tant les flocons dansaient incessamment sous leurs yeux dans un ballet dont ils n'entendaient pas la mélodie. Celle de Zerath se tourna vers la padawan.

Au début de leur périple avait-elle loué leurs sacs à dos légers, désencombrés d'un équipement superflu, en plus ! Maintenant, Lauren le regrettait. Leur deux options semblaient les mener à la mort : soit inertes et morts de froid, soit ils marcheraient, s'y perdraient et seraient morts de froid, aussi.

« Même si m'asseoir et boire quelque chose de chaud est une pensée douce, je pense que nous devons continuer, dit-elle, cherchant du regard l'approbation des deux adultes. Il sera peut-être plus aisé d'arriver en pleine nuit plutôt qu'en journée où nous serons plus visibles encore que cette avalanche. Mais..., elle reprit son souffle, si le blizzard nous cache, il est-... »

Son pied heurta une petite congère, dont la glace durcie en son centre était camouflée par un manteau sans cesse plus épais.

« Il est quand même violent, finit-elle par dire. Mais je crois en maître Vespen, on va mourrir si on s'arrête. Est-ce qu'on sait seulement par où on entrera, une fois sur place ? » Elle posa cette question comme si elle tombait sous le sens, ce qui était le cas. Ils se retrouveraient face à la barrière qu'ils avaient aperçu au début de la journée. C'était du moins ce qu'ils pensaient être une barrière : des poteaux gris, ternes, s'étendaient à intervalles réguliers, mais rien ne paraissait les relier. Electrique, sans doute. Puis ils arriveraient devant les murs froids, comme les poteaux, qui mesuraient plusieurs mètres de hauteur, Lauren aurait juré. C'était sans compter qu'ils devaient avant tout parvenir là-bas.

Lorsqu'ils dépassèrent la cuvette, ils longèrent ce chemin à flanc de montagne. Le groupe dut éteindre ses lampes. Ils progressaient comme des machines, leurs pas dictés par leur inconscient, silencieux. Ils avaient réduit la distance de plusieurs kilomètres. Ils marchaient, marchaient, marchaient encore. C'était comme si cette immensité ne voulait pas d'eux. Ce n'était peut-être pas la nature qui ne voulait pas d'eux, mais ce que cachait Anoat et ces bâtiments. Lauren consomma, durant le trajet, sa ration énergétique concentrée. Le noir l'empêchait de voir l'état de la mixture, ça n'était peut-être pas plus mal. Aussi, enveloppée dans le voile neigeux, décida-t-elle de s'adonner à un exercice de projection mentale. Elle se concentra, le bruit monotone du vent coupait le flot des pensées. Son esprit fureta d'abord assez proche, elle sentit le cyborg, puis Saery. Comme elle, ils étaient fatigués. Puis loin, plus loin, plus loin encore.

Et Lauren s'arrêta. La corde se tendit à nouveau, obligeant les deux adultes à stopper leur élan. Elle se rapprocha, dépassa Zerath pour atteindre son maître.

«  Maître, il me semble que nous sommes plus proche que prévu ! souffla-t-elle dans un chuchotement au creux de l'oreille de la Jedi. » Elle n'avait d'abord senti que le froid et le vide. Puis son esprit s'était heurté à une présence vivante. Engourdie, elle n'avait pu déterminer si elle était humaine ou animale, hostile ou pacifique.

« La Force m'indique qu'un être vivant se trouve proche de nous, regardez vous aussi ! dit-elle en évitant soigneusement de céder une deuxième fois à la panique. »

Avaient-ils tant progressés ?

Une lueur apparut, à environ cinq centre mètres d'eux. Trop diffuse, clignotant à cause du blizzard qui n'avait pas faibli, elle pointait dans leur direction, encore trop loin pour distinguer l'équipe immobilisée. Lauren demeura silencieuse, cette fois.
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Saery trouva enfin un rythme de croisière satisfaisant, mais il fallait que Lauren intervienne pour la couper dans son élan. La padawan lui indiqua que quelqu'un, ou quelque chose était présent dans les hauteurs. Quand la Jedi leva les yeux, elle vit une faible lumière briller, clignoter et s'agiter. Aussitôt, elle revint à Lauren :

— Oui, eh bien qui que ce soit, ou quoi que ce soit, on va le laisser tranquille ! Je n'ai pas vraiment l'impression que cette lumière nous soit adressée, elle bouge de manière assez hasardeuse !

Elle fit signe à Zerath de reprendre la route. Il ne fallait pas traîner dans ces montagnes, car, en plus de l'environnement déjà très hostile, il s'y trouvait quelqu'un, ou quelque chose, qui pourrait compromettre leur mission. Avancer sans perdre de temps et s'éloigner de cette lueur lui semblait être une idée tout à fait respectable.

De temps en temps, Saery jetait un regard vers là où venait la lumière. Par moments, celle-ci était éteinte et puis, à d'autres, elle pointait vers le ciel avant de s'agiter dans quelques directions aléatoires. Sous son épais manteau, la Jedi sentait la nuit rafraîchir l'air pendant qu'elle cherchait une explication logique à la présence de cette étrange lueur. Au bout d'un moment, son attention finit par tourner vers le souffle de Lauren qui tremblait derrière elle. Sa padawan commençait à avoir du mal à tenir dans les rudes conditions de cette expédition. Saery tira sur sa corde deux fois, pour que le sergent s'arrête un instant. Elle s'approcha de Lauren et frotta vivement ses bras de ses mains gantées.

— Allez, on dira que tu t'es bien accrochée jusque là !

Assez brusquement, elle ouvrit l'une des poches qui se fermaient grâce à du velcro, sur les épaules de son élève. Elle fourra son gant à l'intérieur pour appuyer sur l'un des boutons qui s'y cachaient. Elle tapota ensuite le bras de sa padawan, pour bien refermer le tout, et alla chercher l'interrupteur de son propre manteau. Saery, curieuse et assez tyrannique, s'était gardée d'expliquer que leur équipement leur permettrait de se tenir au chaud durant la route. Elle voulait voir comment son élève allait réagir à la situation et, franchement, elle s'était attendue à ce que celle-ci se plaigne un peu plus. Heureusement pour Lauren, il ne fallut pas longtemps pour que les résistances ne commencent à chauffer l'intérieur des manteaux. Fière de son espièglerie, Saery se contenta de sourire avant de reprendre la route.

Après quelques dizaines de minutes, le petit groupe s'arrêta. Un étrange grognement avait résonné à travers les montagnes pendant de longues secondes. Saery leva alors les yeux, mais elle ne vit pas de lumière. Elle n'arrivait absolument pas à percevoir d'où le son était venu, ce qui ne lui laissait rien présager de bon. Pour se parer à toute éventualité, elle attrapa son sabre que son manteau bien fermé rendait difficile d'accès. D'un air assuré, elle fit signe à Zerath de reprendre la marche. D'ici une petite demi-heure, elle espérait enfin arriver assez près du complexe pour l'observer correctement. Ce n'était pas le moment de se faire sauter dessus par une bête sauvage.

Seulement une cinquantaine de mètres plus loin, Saery s'arrêta à nouveau. En retirant le mousqueton qui l'attachait aux deux autres, elle les prévint :

— Alors, ne paniquez surtout pas, mais nous allons nous faire attaquer par quelque chose de très énervé.

Saery alluma son sabre et se servit de sa lame jaune pour montrer le danger, mais rien ne semblait se trouver là. Malgré l'absence apparente d'assaillant, elle lança son arme en avant sans hésiter. Le disque doré que formait la lame en tournant sur elle-même s'enfonça dans la neige avant de ressortir et de commencer à revenir vers sa propriétaire. Saery avait l'air d'avoir manqué son coup, mais un long cri strident indiqua au groupe que ce n'était pas le cas. Dissimulée sous le manteau blanc de la montagne, la créature s'empressa de foncer sur ses proies. En se déplaçant sous la neige, elle créait une traînée qui trahissait sa position et montrait qu'elle progressait bien plus aisément dans les montagnes que les trois alpinistes. Quelques mètres au-dessus du groupe alerte, elle sauta hors de la neige pour lui plonger dessus. Ce n'est qu'une fois celle-ci éclairée par les deux lunes d'Anoat, dont la lumière peinait à percer à travers le blizzard, que Saery put voir que la bête ressemblait à un énorme mille-pattes recouvert d'épaisses écailles grises et blanches. Celle-ci semblait sauter, mais le reste de son corps, pourtant, était encore sous la neige, ou peut-être même sous la montagne ! Sa tête brillait comme du métal chauffé à blanc et était presque aussi large que les épaules de Zerath. Elle s'apprêtait à emporter le prélat avec celle, mais Saery la repoussa grâce à la Force avant que celle-ci n'en eût le temps. Ce véritable monstre écaillé, en chutant, fut arraché au sol par son propre poids. En on voyait enfin le bout ! Celle-ci faisait au moins une vingtaine de mètres de long !

Pendant que la grande créature tombait, Saery s'approcha du bord de la corniche pour mieux l'observer.

— Ouf ! Je ne l'imaginais pas si... immense.

Elle put voir la bête s'écraser contre la roche et sentir son poids faire vibrer la montagne à cause du choc. Cette fois, cependant, ça ne semblait pas être assez pour causer une nouvelle avalanche. En contrebas, le mille-pattes se mit à se tortiller dans tous les sens et sa tête se mit à briller plus intensément encore. D'un coup, il sembla reprendre le contrôle de lui-même et fonça dans la neige pour commencer à escalader la montagne. En voyant la vapeur dégagée par la plongée de la bête, Saery réalisa qu'elle devait creuser sous la neige en la faisant fondre, ce qui expliquait qu'elle se déplaçait aussi aisément malgré la densité de l'épais manteau des montagnes.

— Et si tenace ! Il revient ! Tenez-vous prêts, parce qu'il a l'air de n'avoir que nous à se mettre sous la dent. Lança-t-elle à ses compagnons d'infortune.




Zerath Ular'Iim
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Quel dieu infâme avait bien pu créer pareille abomination ? De quel abîme répugnant était venue cette existence impie, parjure par tout ce qui la composait ? Zerath vint au bord de la corniche, tentant de percer du regard l’obscurité de la nuit. La vision d’un Kaleesh ne se limitait pas qu’aux couleurs ; elle se complétait par une perception de la chaleur et du froid, une vision thermique limitée. La neige fondue formait des gouttes rouges, plus chaudes, sur l’étendue bleue de froid ; et pareille à une traînée sanguinolente, elle descendait dans le gouffre. Les yeux de Zerath tombèrent un instant sur le corps titanesque d’une créature profane. Elle luisait, comme embrasée ; et si longue était-elle, d’anneaux qui s’agitaient et se contorsionnaient à l’image d’un vil scolopendre. La distance qui la séparait du groupe était de trente mètres peut-être, et le Kaleesh avait du mal à imaginer qu’elle puisse survivre à pareille chute pour repasser à l’assaut.

Elle plongea dans le flanc de la montagne, pareille à un ver infect – dont elle devait tenir une certaine parenté assurément. Ainsi, l’intuition du prélat avait vu juste. Il était bien dans ces monts une atrocité tapie qui patientait pour embusquer ses proies inconscientes. Était-ce pourtant d’elle qu’il avait soupçonné une hostilité, des heures auparavant ? Il n’aurait su le dire, mais de ceci il était sûr : si effroyable cette existence, elle ne prendrait nul du groupe cette nuit.


« - Nharjuu m’in aliliha’at uwla iik raldyyn yuqati uhn mhraan algh’a bad ! Nharjuu m’in aliliha’at almawt liman lumist balad Ular’Iim shifra ! * » dit Zerath. Et à ces mots, il tira hors de son sac une vibro-épée, qu’il tint de son seul bras valide. Comme pour l’exposer aux yeux des astres – invisibles dans le ciel neigeux, il la leva haute et droite, encore muette car il ne l’avait guère allumée. Il était des traditions qui ne s’oubliaient jamais, seulement qu’on tempérait avec l’expérience et l’âge. Mais pourtant, il accrocha simplement la lame à sa ceinture et sortit ainsi son générateur de bouclier, qu’il tint au creux de sa main. Il en sortit un deuxième, qu’il rangea dans l’une de ses poches. Il pourrait le donner à l’une de ses compagnes Jedi si le besoin s’en faisait sentir.

« - Mon printemps est loin derrière moi, dit-il avec exaltation à l’intention de maître Vespen, et la main trop prompte est futile contre la chair de cet animal ! Je n’ai point vos armes, mais je vous le dis : la mort nous attend si nous l’affrontons sur son terrain de chasse. Cet Ular’Iim est à vos côtés, maître Vespen, cependant voyez : car l’espoir réside dans le chasme derrière nous et vous ne sauriez laisser votre chère padawan en proie à l’indécision ! Nous sommes l’échine de ce groupe !  »

Il remit le sac sur son dos et, s’assurant que la Jedi était à sa suite, il se dirigea vers la jeune Lauren, immobile sous l’abondance de poudreuse nacrée. Les yeux d’aspic noyés de vert incandescent de Zerath tombèrent sur la benjamine du groupe, emmitouflée sous ses couches protectrices.


« - Ne restez pas près du bord, Suivez-moi, car nous ne pouvons combattre en cette terre, et pourtant fuir serait folie ! »

Mais il n’alla pas jusqu’au bout de sa pensée. Ses yeux captèrent soudainement sous la surface du sol une calorification, proche, soudaine ! Son sang ne fit qu’un tour. De deux doigts il attrapa la fille qui lui faisait face au poignet et la tira, à sa gauche, loin de la trajectoire, là d’où venait maître Vespen. Les humains ne savaient curieusement pas percevoir la chaleur, cela Zerath n’en avait que trop conscience. Il y eut une cataracte de neige fondue, plusieurs éclaboussures et une vapeur tiède, qui formèrent un nuage orange aux yeux de l’alien. Tout bougeait au ralenti ; le sol qui venait d’éclater en blocs de neige trempés, les nuages de gouttelettes mêlées à la poudreuse encore fraîche, la chute des flocons, tout s’était soudainement ralenti. Au milieu de l’excavation, une forme amarante, un basilic écailleux pourtant doté de bras anguleux terminés par des doigts trapus, pareils à ceux des lézards. Son visage était un trou noir constellé de dents, surmontée par un casque osseux qui, à la vue calorifique de l’Ular’Iim, brillait comme une étoile. Et avec la vitesse d’une comète la bête avait surgit : à présent avec la vitesse d’une comète elle tomba sur lui. C’était de la folie songea-t-il.

Il leva sa main gauche, où toujours résidait le générateur, pressa l’activation. Le mur de flammes se dessina, crépitant. Avant qu’il ne puisse achever de prendre forme, la bête percuta violemment ce dernier. L’impact secoua Zerath de plein fouet ! Résonna et roula sur les montagnes comme la chute d’un roc ! Autour de lui, les flocons se soulevèrent en nuages ! Les pieds de Zerath dérapèrent en arrière sous l’assaut brusque ! Il avait l’impression d’avoir heurté par une locomotive. Le souffle lui manqua, ses oreilles ne saisissaient plus aucun son si ce n’était les tambours affolés de son propre cœur ! l’Ular’Iim glissait ! La charge de la bête le faisait glisser sur le sol neigeux ! Il dérapait en arrière, à une vitesse qu’il ne pouvait estimer dans les ténèbres. Son bras grinça. Son gant, trop proche du prédateur, s’enflamma. Le bouclier d’énergie faite solide se fissura sur les bords. Plusieurs étincelles s’en échappèrent et moururent dans la nuit. À ce rythme il ne tiendrait pas trois autres secondes. C’était de la folie songea-t-il. Ce bouclier était conçu pour supporter des chocs pouvant aller jusqu’à plusieurs tonnes et pourtant il...Cédait ? Il ne pouvait pas perdre un second bras...Pas en terrain ennemi. C’était de la folie songea-t-il. « - Et ? » lui aurait répondu Cin, sa bien aimée. « - N’est-ce pas précisément parce que c’est absurde que c’en est si intrigant ? ». Zerath retint un râle endolori. Son existence se jouait sur les prochaines secondes. Sa main lâcha le générateur : le bouclier se séparait en écailles brisées sous le crâne osseux du mastodonte furieux. Il n’avait pas le choix, surtout il n’avait pas le temps. Le vieux Kaleesh plongea la main vers sa ceinture et revint droit devant lui.

« - Nab und zaabniiiya.  »

Un mur de flamme naquit entre ses doigts : le bouclier se renouvela soudain, atténuant une seconde fois l’impact de la bête. Le bras – pourtant cybernétique – du prélat tremblait, grinçant sous l’effort. Il n’avait pas cherché son épée à sa ceinture, mais le second générateur. Le premier bouclier avait affaibli l’impact de la créature, mais il n’avait pas suffi...Que se passerait-il alors, s’il élevait un second mur protecteur, juste avant que le premier ne se brise ? C’était de la folie pure, mais...Ça n’était pas parfaitement dénué de sens. Les flammes pourléchaient à présent son avant-bras, laissant à nu sa structure squelettique et pâle. Il sentit que la neige était, là où il se tenait, plus glacée, moins glissante. Ses raquettes avaient été arrachées par le choc initial, dévoilant ses serres. L’impact de la créature – par la grâce des dieux ou l’aide des deux Jedi qui l’accompagnaient – s’était fait moindre. Zerath laissa ses deux pieds s’accrocher à la neige, et de son corps tout entier, avec un hurlement de rage, avec toute l’énergie et la volonté qui habitaient encore son être, il se mit à lutter pour contrebalancer la charge du prédateur.



*Prière Kaleesh dont une traduction pourrait être « Puissent les dieux accorder leur fureur à ceux qui combattent ! Puissent les dieux accorder la mort à ceux touchés par la lame de cet Ular’Iim »
Lauren Aresu
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    D’aventures et de connaissances théoriques, Lauren savait que le bestiaire galactique comportait parmi les plus singulières et hideuses créatures, toutes plus meurtrières les unes que les autres. Dans les archives du Temple Jedi, il n’était pas rare de lire des ballades, des écrits anciens, des histoires plus ou moins vraisemblables narrant les péripéties de héros contre les plus viles espèces. De ces ouvrages dont Lauren était avide, jamais elle n’aurait pensé faire face à l’une d’elle un jour. Cette peur confuse qui l’avait envahie lorsqu’elle avait détecté la source lumineuse n’était rien comparée à l’effroi glaçant, pire que le gel, qui s’emparait de son esprit. Surtout après la mise en garde de Maître Vespen. Propulsée par la Jedi, dévalant la paroi en contrebas du groupe, elle semblait plus enragée que jamais, plus résignée encore à faire des intrus son repas.

    Proche, très proche du cyborg, la couverture blanche s'affaissa brusquement et l'abomination fusa, portée par un nombre incalculable de pattes aux allures squelettiques. Deux de celles-ci, de chaque flanc, étaient terminées de doigts crochus sortis des pires cauchemars enfantins. La partie supérieure de sa tête, elle présuma, émettait une vive lumière et une intense chaleur. Sa gueule béante, affamée, était hérissée de dents plus pointues que des aiguilles, placées en cercles concentriques successifs et couvertes d'une salive gluante. L'absence d'yeux ou d'un quelconque organe similaire intrigua Lauren. Elle releva cependant deux sillons, minuscules à côté de son organisme massif, à la base de son crâne osseux. L'insecte offrait à leur vision son gigantesque corps écailleux et annelé que ses muscles animaient d'ignobles vagues.

    Une main métallique, celle du cyborg, empoigna son bras sans ménagement, d'une telle force qu'il aurait aisément pu briser les os de la padawan si elle n'avait pas porté toutes ces couches vestimentaires. Elle fut jetée vers Maître Vespen qui, d'un geste assuré, l'empêcha de dévaler la pente mortelle. Derrière elle, un éclair puis un grésillement fendirent l'air. Lauren dut plisser les yeux et se protéger de son bras pour distinguer le cruel combat qui se déroulait devant elle. Dans un concert de lumières orangée et blanche, de crépitements et d'éclats, le bien maigre bouclier énergétique de Zerath résistait contre la charge, gueule grande ouverte, de l'immonde ver. Comme si l'excroissance osseuse lumineuse reflétait l'humeur de celui-ci, elle brillait plus intensément encore au fur et à mesure des assauts infructueux de ses dents contre l'énergie brute que leur compagnon tenait à bout de bras. Une odeur de chair brûlée, infecte, emplit l'air. La créature, elle, n'en tenait pas compte.

    Plusieurs fissures zébraient maintenant le bouclier, crachant des volutes de fumées aussitôt emportées par le vent. Les larmes aux yeux, sans même attendre les instructions de la part de son maître, Lauren tira son sabre qui illumina la nuit d'une nouvelle lueur. Le combat des lumières. Le bourdonnement caractéristique de l'arme n'aurait su se faire entendre au milieu de la cacophonie, entre le blizzard qui ne faiblissait pas et la lutte acharnée qui s'étirait dans le temps. La padawan claqua ses pieds entre eux avec force pour faire tomber les raquettes, qui la gênerait, et s'élança dans la neige tassée par leur piétinement. D'une flexion puis d'une extension de ses jambes, aidée par la Force, elle bondit sous le cou de la bête et plongea sans remord son sabre au travers de sa gueule. Elle le retira instantanément. Un cri, strident, plus fort que tout ce qu'elle avait pu entendre, s'éleva. Portée par l'adrénaline, elle s'écarta vivement. Le ver avait abandonné son oeuvre et secouait maintenant sa tête violemment de droite à gauche. Le râle d'agonie continuait de vriller ses tympans. Puis, d'un dernier va-et-viens, il s'éloigna et plongea à nouveau sous l'épais manteau neigeux. Le hurlement s'étouffa.

    Lauren s'approcha du cyborg, visiblement épuisé, éreinté par l'effort fourni. Du mieux que le put, elle tenta de le soutenir. Comment se sortiraient-ils de cette situation ? Leur mission semblait si loin, maintenant. Pire encore, le mille-pattes n'était vraisemblablement pas mort, juste blessé et sans doute encore plus courroucé. D'ici quelques dizaines de minutes, il reviendrait probablement à la charge, déterminé à les ingérer d'un coup d'un seul. Deux choix s'offraient au groupe : le terrasser ou fuir. Aucune de ces deux options n'était appréciable. L'Echani reprit ses esprits, l'épinéphrine ne dispensait plus ses effets. Elle respirait par longues inspirations, brûlantes.

    « Je crois... Je crois que j'ai une idée ! s'exclama-t-elle tout à coup. Je crois que j'ai une idée pour lui échapper ! répéta la padawan. »

    Les regards se tournèrent vers elle, lourds de sens.

    « Tout à l'heure, alors qu'il bondissait, j'ai eu le temps de remarquer qu'il ne possédait pas d'yeux. Rien ! Sa tête, c'est juste l'os luminescent et sa bouche vorace. Donc, on peut se demander comment il nous repère. Il peut, vu la nuit et le blizzard, nous repérer de deux façons : nos mouvements ou notre chaleur corporelle qui, même atténuée par les vêtements, n'est pas absente. »

    Les regards se firent plus impatients.

    « Bon, je veux juste dire que j'ai vu deux sillons, au-dessus de sa gueule. Et ils ressemblent fortement aux fossettes que possèdent les serpents ! »

    Les reptiles de la famille des serpentes, elle se souvenait d'un datapad instructif à ce sujet, pistaient leurs victimes grâce à ces fossettes capables de « sentir » la température, des fossettes sensorielles. Elles détectaient le rayonnement infrarouge et les changements de températures jusqu'à 0,003°C. Un mécanisme impressionnant qui leur permettait de chasser dans la nuit noire.

    « C'est ce qui doit lui permettre de repérer les températures différentes que nous formons dans le paysage ambiant et froid, reprit-elle. Si nous utilisons nos couvertures de survie, peut-être pourrions-nous brouiller les pistes ? »

    Qu'elle ait raison ou tort, leurs possibilités n'étaient pas infinies et l'idée, lancée littéralement dans le vent, pourrait éventuellement leur sauver la vie avant le retour de l'immondice.
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Saery s'était préparée à la prochaine attaque de la créature, mais ses mouvements furent si rapides que Zerath dût se défendre lui-même. Et, quand elle voulut lui porter assistance, c'est finalement Lauren qui se lança à l'assaut de la bête pour lui faire pousser un puissant et inquiétant hurlement. Très vite, le mille-pattes s'enfonça sous la neige pour échapper à la lame blanche que tenait la jeune fille.

Un peu secouée, par le bruit comme par l'étrange sentiment de n'avoir rien fait, Saery écouta le discours de sa padawan sans vraiment se concentrer dessus. Elle était fière de voir son élève faire montre de tant de courage, mais elle ne savait pas vraiment comment réagir à l'étonnante inutilité dont le maître avait preuve. Mais elle était une Jedi capable de se maîtriser, son orgueil devait faire place au pragmatisme. Saery ne devait pas perdre la face devant sa padawan !

Lauren lui parla de serpents, d'un organe lui permettant de percevoir les températures et le mouvement. Enfin, quand elle proposa d'utiliser les couvertures de survie, la Jedi ne comprit pas de suite où son élève voulait en venir. En fait, elle était trop occupée à penser à la suite de ce voyage.

— Finement observé, Lauren, mais je crois que cette bestiole a eu son compte. Lui dit-elle en se tournant vers la vallée que formaient les montagnes, comme si elle s'attendait à y voir la créature. Nous devrions être tranquilles, à présent.

Elle se tourna vers ses compagnons pour reprendre la route, mais elle sembla stoppée net.

— Tiens. Il vous manque un bras. Nota-t-elle, à l'attention du sergent.

Saery n'avait pas eu l'occasion de le voir jusque-là. Elle imagina que la bête avait été plus violente que prévu. Ce bras devait pouvoir se faire remplacer, mais ça ne l'empêchait pas de se sentir coupable pour autant. Elle sonda Zerath du regard. Le kaleesh ne semblait pas souffrir, elle reconsidéra donc la dérangeante idée qu'elle venait d'avoir. Faire demi-tour après tout ce chemin serait contre-productif.

— Vous avez l'air de plutôt bien le vivre.

D'un coup, son sérieux laissa place à une certaine candeur, à peine forcée.

— Alors ne laissons pas ce détail nous retarder, en route !

La longue traversée des montagnes reprit. Cette fois, Saery resta à l'affut du moindre mouvement. Si la créature comptait se montrer à nouveau, elle la sentirait venir. Elle estimait cependant que les chances de se faire attaquer étaient très basses. Après tout, ce n'était pas dans les habitudes des grands prédateurs de revenir à la charge après avoir été blessés.

Après presque deux heures de marche supplémentaires, au détour d'un immense rocher noir, le groupe put enfin à nouveau voir le complexe. Cette fois, les bâtiments étaient bien visibles derrière les longs murs qui les encadraient. De nombreuses lumières étaient allumées et quelques projecteurs dessinaient de grands cercles de lumière sur le sol d'acier que quelques droïdes s'efforçaient à déneiger. Ce complexe était une véritable ville qui semblait refuser de céder à la nuit.

Quelques gros véhicules traînaient de larges remorques vers diverses plateformes. Certaines d'entre elles étaient vides. D'autres accueillaient de massifs vaisseaux comme celui qui avait provoqué l'avalanche qui avait failli emporter les trois espions. Ces cargos devaient transporter les conteneurs que remontaient les nombreux ascenseurs qui plongeaient jusqu'au coeur de ce qui devait être une mine souterraine. Saery, les yeux derrière ses jumelles, cachées des flocons sous le gros rocher, elle exposa la situation à Lauren et Zerath :

— Point positif : avec tout ce petit monde qui s'agite là-bas, il n'y aura pas de senseurs de périmètre.

Elle marqua une pause, puis zooma sur quelques gardes kedorzhan chaudement vêtus.

— Point négatif : il y a du monde, justement.

Elle prit le temps de bien observer, mais elle ne trouva que des militaires et des droïdes, pas de prisonniers. Elle chercha longuement autour de grands bâtiments tous similaires les uns aux autres, en pensant qu'il s'agissait de dortoirs, mais elle n'aperçut personne.

— Je ne vois toujours rien d'assez compromettant. Je crois qu'il va vraiment falloir aller voir ça de plus près. Il nous faut ramener quelque chose de concret.

Elle s'assit en tailleur, la route avait été dure. Tour à tour, elle observa Zerath et son bras coupé, puis Lauren, puis le pic à partir duquel elle avait vu la base la première fois. Celui-ci se trouvait si loin que la Jedi félicita intérieurement son groupe d'avoir si vite progressé, mais il allait falloir s'économiser pour le retour.

— Bon, je crois qu'on n'a pas vraiment le choix. Dit-elle, en revenant à sa padawan. Je vais y aller et voir ce que je peux récupérer d'utile. Je compte sur vous pour surveiller et voir s'il y a du mouvement. Et pour m'aider à sortir, si nécessaire.

Il fallait garder Lauren d'aplomb pour retourner jusqu'au vaisseau. Le cyborg, lui, allait probablement avoir du mal à se faire aussi discret que l'ombre Jedi. Ça n'arrangeait pas Saery, mais elle n'avait pas peur d'aller fureter toute seule dans la base. Elle craignait plutôt de devoir y passer plus de temps que prévu et de faire attendre sa padawan dans le froid trop longtemps. Mais la prendre avec elle impliquait de laisser le kaleesh blessé livré à lui-même.

Elle espérant garder ses compagnons en bonne forme. Après tout, ce camp avait été placé à cet endroit car il était très difficile d’accès. La présence d'une créature aussi féroce que celle qu'ils avaient croisée n'était sûrement pas un hasard non plus. Le gouvernement d'Anoat avait décidément l'endroit parfait pour installer ce complexe, loin des regards indiscrets.

— À moins que vous ayez aussi préparé un plan pour cette situation, sergent ? Demanda Saery, en fixant la manche vide du manteau du cyborg.






Zerath Ular'Iim
Zerath Ular'Iim
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Le Kaleesh tomba lourdement au sol, tandis que la monstruosité disparaissait, engloutie par la neige dans un tonnerre de rage et de douleur, repoussée par l’arme embrasée de la padawan Lauren. Zerath demeura ainsi sur son séant, dans l’épaisse couche de neige, hébété et essoufflé, enfoncé profondément dans la neige qui craquetait doucement sous son poids au milieu des cascades tourbillonnantes de flocons. Des langues embrasées qui avaient avalé sa manche il ne demeurait à présent avec le vent glacé rien que des languettes de tissus fumantes et irisées. Le bord de la manche gauche formait un charbon irrégulier, pareil à un parchemin, toujours iridescent et émanant une noire fumée, odorante, âcre. De la main jusqu’au coude, tout avait été consumé – une exhalaison fétide de plastique venait maintenant de l’habit, mais Zerath n’en tint pas compte. Ses yeux observaient la padawan affolée, et tandis que sa mère, alerte, les rejoignait tous deux, notre cyborg se remettait sur ses jambes, aidé de la cadette du groupe.

« - Bien frappé ! Dit-il d’un enthousiasme ardent dans la nuit polaire. Vous avez la main sûre, jeune Lauren, car d’une allonge une seule vous avez renvoyé à sa tanière bête pareille ! Les dieux vous ont véritablement octroyé leur valeur ! »

Il ramassa le seul générateur encore fonctionnel, considérant un moment le dispositif. À cet instant, la maître Jedi du groupe remarqua l’absence de bras du Kaleesh. Les yeux du reptile luisirent, malicieux.

« - Cet humble prélat ne peut se soustraire sans conséquence aux débâcles aériennes des culbutes de corniches. Cependant si les architectes qui ont jugé ce corps digne d’être sauvé étaient maîtres des circuits, ils étaient de pauvres biologistes. Ne craignez pas pour moi les afflictions de la chair maître Vespen ; pas pour mes parts machines du moins ! La technique qui les a accouchées vous ne trouverez nulle part dans notre galaxie – et elle a de sensible au Vivant ce que les dieux ont de considération pour les lâches : bien peu de choses en réalité. »


Il ne fallut guère longtemps au groupe pour se remettre en route. Zerath en était à présent certain : il y avait bien en ces Jedi une écharde divine, comme il l’avait soupçonné, mais il ne savait guère quel aspect des Immortels s’était incarné en la Force. Cela devait être cependant un pouvoir ancien, précédant les premières étoiles. Cette intuition il ne pouvait la préciser pour l’heure ; il n’avait pas vu les premières nébuleuses au crépuscule de l’univers, mais il aspirait bien à voyager aux plus distants systèmes, où les lois étaient réputées étranges et où l’exactitude matérielle s’effondrait, avalée par les factualités de faits inconnus et intemporels qui dictaient l’entropie de réalités entières. Et Cin serait à ses côtés pour ce voyage.

Sous le couvert de l’obscurité, enfin ils arrivèrent à proximité du complexe. Le blizzard s’était apaisé. Entre deux éclaircies dans le plafond nuageux apparaissaient parfois, fugaces et brillantes, les deux lunes d’Anoat. Elles jetaient une clarté livide sur la vallée, découpant nettement les profils montagneux qui se dressaient pareils aux murs d’une immense forteresse. Hélas, ça n’était pas un envahisseur qu’on tentait de garder au dehors, mais bien des prisonniers qu’on voulait conserver en dedans. Et sous les rayons lunaires, Zerath percevait autour de la ville une souillure ; hors des murs qu’on avait érigé pour conserver les détenus s’étalait une mare de crasse noire qui avait avili la neige devenue de pétrole. Une pollution, toussée sans doute par les usines et les chantiers en dedans de cette cité-prison, un glaire immonde et visqueux qui pesait dans l’air mais qui n’était visible que par son empreinte toxique sur le sol. Ils évitèrent soigneusement d’entrer dans le périmètre néfaste prématurément, demeurant à la frontière où la neige conservait encore sa pureté afin de mieux observer ce à quoi ils faisaient face.
A l’abri des rochers, ils élurent une cachette de fortune. Tandis que maître Vespen observait les environs, le prélat entamait l’ouverture de son sac à dos. La tâche était laborieuse, rendue plus complexe encore par le fait de n’avoir qu’un bras. À plusieurs fois il s’y reprit, patient, persévérant. Il finit par se résoudre à piéger sa sacoche entre ses deux jambes pour que sa main n’ait qu’à procéder à l’ouverture de la poche principale. Il en extirpa un coffret de fer clouté ainsi qu’un torchon. Dans la neige il déposa le torchon, et par-dessus la boîte d’acier. Elle s’enfonça de quelques centimètres dans la poudreuse sous son propre poids – et elle mesurait aisément vingt centimètres de long pour moitié moins de large et autant de haut. Son fer était épais, blindé même peut-être. Sommaire au possible à l’oeil nu, sans atours si ce n’étaient quelques motifs curieux qui s’étendaient sur sa largeur : des dessins tribaux des langues du nord de Kalee.


« - Posez un instant vos jumelles, maître Vespen, autorisez-vous de reprendre votre souffle, entama-t-il à mi-voix. Longue fut notre marche, et si brillantes nos prochaines actions, elles ne sauraient cependant être entreprises sous la menace de l’ennemi même des plus braves guerriers ; ou prétendriez-vous que cette marche et cette action feraient taire en vous les nécessités fringales les plus élémentaires ? »

Ses griffes ouvrirent le coffret ; et en son sein se trouvaient empilés de larges lambeaux musculeux et inertes. Zerath sortit de son sac une gourde, puis tendit à ses hôtes le coffret d’acier. Une odeur forte émanait de la boîte, piquante, sucrée pourtant, et une flagrance de plantes curieuses et étrangères se mêlait au fumet discret de ce plat qu’on aurait aisément pu méprendre pour la viande crue de quelque grande bête abattue dans les établissements de Coruscant ou d’Ondéron. Comme pour montrer l’exemple, il s’empara d’un des lambeaux – et il était solide, plus proche du biscuit que de la viande ! Il le déposa un instant sur sa cuisse gauche, tandis que de sa main il défaisait les points d’attaches du masque mortuaire qui lui servait de visage.


« - Croyez que les miens n’empoisonnent point les mets qu’ils offrent à leurs hôtes ; si tout demeure autorisé sur le champ de bataille il n’en est rien hors de ce dernier et de nos pratiques sacrées nous ne dévions guère en cet aspect. Ce sont des biscuits Naen Sheelal. Le goût est loin de vos nourritures fades, aussi n’avalez pas avec précipitation et ne craignez pas de boire, car alors votre faim et votre soif seront épanchées avec certitude. Traitez avec respect ces biscuits, poursuivit-il, plus sévère. Ce sont là les plats des guerriers pour les miens, et un grand honneur de pouvoir les goûter. Sans doute êtes vous les deux premières non Kaleesh à en savourer dans la galaxie toute entière. »

Il ôta partiellement son masque, afin de pouvoir manger et boire. Par respect pour ses hôtes mais également par tradition il se détourna, loin de la vue de ses deux compagnes. Ainsi étaient les rites de son genre, qui portaient avec fierté un masque d’os en guise de visage et ne se dévoilaient qu’à leurs bien-aimés, aveux de faiblesse et de vulnérabilité ainsi que de confiance. Il bu avec délice et avec délectation savoura ses propres Naen Sheelal, goûtant l’air glacé sur sa peau affreusement brûlée, toujours en rémission.
Les délices n’étaient certes pas confectionnés, comme le voulait la tradition, avec la peau de poissons Shoni, car il n’était nul met de Kalee qu’il ait pu trouver sur Coruscant ou Ondéron. Zerath avait ainsi, de son propre chef, remplacé les précieuses chairs du poisson prisé par une autre espèce marine, une truite sauvage des lacs de Iziz. Les biscuits Sheelal n’avaient besoin que d’une chose : la peau du poisson, privé de ses écailles. C’était une préparation laborieuse, que peu hors de la sphère religieuse maîtrisaient, mais que le prélat avait fait sienne. Et de son monde s’il n’avait pu emporter de mets frais il avait cependant rapporté des épices étrangères à la galaxie. Si fades étaient les plats du monde extérieur ! Il leur manquait une dimension, c’était la différence que l’on voyait à observer un disque ou à toucher une sphère, véritablement. Les arômes des biscuits Sheelal étaient riches, complexes et – bien que Zerath l’ignorât – certains étaient imperceptibles aux humains, qui ne disposaient pas exactement du même système gustatif que les Kaleesh. Le vieil alien se délecta des délices aux flagrances délicates et élaborées jusqu’à s’en trouver rassasié ; il était à ce plat un mystère, son étrange capacité à assouvir les appétits en quelques bouchées.

Après une gorgée finale de sa gourde, qu’il rangea promptement, le Kaleesh se sentit plus reposé et prompt à réfléchir. Il aurait souhaité s’il le pouvait s’autoriser le temps d’une méditation à la vérité, mais il savait que ç’aurait été une requête bien déraisonnable, en plein froid polaire et proche d’un lieu qui ne désirait que sa mort. Il rajusta son masque. Pshhhh firent plusieurs capsules, et à nouveau il se trouva dans le monde pressurisé qui favorisait sa lente cicatrisation.


« - À présent je puis vous répondre. Je n’avais certes pas anticipé la perte de mon bras, mais contemplez ! La douleur ne m’afflige guère et je n’aurais pas présumé de mes propres compétences. Jamais n’avais-je supposé avoir à user de la force pour mener à bien notre tâche en ce lieu. Et si les lunes sont clémentes, alors le reste de la nuit ne me mettra pas en défaut. J’avais anticipé que nous aurions cependant à entrer, oui. Et cela nous n’aurions su le faire en posant pour des colons. »

Il tira hors de son sac un boîtier sommaire, qui n’affichait rien qu’un minuscule écran et quelques boutons.


« - Ce sont des boîtiers D4A-RECK3. Une vieille technologie qui m’a toujours été fort utile sur mon monde – encore qu’elle y soit tout sauf vieille. Il semble que dans vos mondes plus évolués elle soit parfaitement obsolète mais je l’affectionne cependant. Des boîtiers simples à armer ; une fois allumés ils mémorisent vos déplacements. L’écran établit les trajets ; forme une carte sommaire, pour le retour et la fuite, mais aussi pour ceux qui viendront après nous. Une cartographie simpliste et surtout, qui ne perturbe nulle alarme. Quant aux défauts de mon déguisement suite à nos quelques...Cahots récents, voyez. »

Et il extirpa hors de son sac une couverture miteuse qui ne couvrirait certainement pas plus que son buste et laisserait à découvert ses jambes. Elle était noircie ici, tachée là de quelque hydrocarbure indéfinissable qui jamais n’était parti au lavage, et elle portait l’odeur pestilentielle d’une bête sauvage qu’on aurait noyée dans la pollution incarnée.

« - Je n’aurai nul mal à me faire passer pour quelque vagabond enfermé ici, esclave droïde ou agent égaré par une programmation défectueuse depuis longtemps laissée à l’abandon. Si vaste est ce complexe, probable que les vigiles ne tiennent pas le registre précis dans leur mémoire de tous les détenus, car la mortalité doit être comparable au flot qui vient peupler ce chantier. »

Il se tira vers le haut du rocher pour à son tour observer. Après quelques secondes de silence, il finit par dire :

« - Il me faut pénétrer dans ce complexe. Il y a là-bas quelque installation qui semble plonger sous terre. Voyez la gueule sombre d’acier et de filins ! Voyez les patrouilles qui arpentent chaque rue, et ces droïdes pareils à des sauterelles mécaniques. Qu’ils semblent insignifiants d’ici, qu’ils semblent nombreux et anonymes... »

Ses yeux étudièrent quelques secondes encore l’endroit. Régulièrement, des grands wagons de fer remontaient du gouffre situé au coeur de la ville. Ces wagons, amenés sur des rails – certains étaient inachevés encore - étaient ensuite acheminés vers des entrepôts. Ils en ressortaient par un autre circuit, avant de replonger de là où ils étaient venus. Et chaque étape était encadrée et surveillée.

Il redescendit du rocher.


« - Il nous faut descendre, au nez et à la barbe de tous, ceci est assuré. À cet effet, maître Vespen, il nous faudra entrer loin de leur surveillance. La neige sera propice ; à flanc de montagne ils sont certains renfoncements qu’ils n’ont pas encore déblayé et qui offriront un passe muraille suffisant. Nous nous déplacerons pour rejoindre la sortie de ces...Wagons qui leur sert à extirper je ne sais quelle richesse hors du monde. Si les dieux sont avec nous, nous saurons ouvrir ces machines infernales pour nous y loger et descendre, loin de leur vigilance. »
Lauren Aresu
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  Au sol, seuls subsistaient leurs pas . De larges palmes laissées par leurs raquettes qu'ils devaient taper entre elles de temps à autre pour en décoller la neige. Les seules empreintes que cette neige ait sans doute connue et les seules qu'elle connaîtrait jamais. Allongée, sa mine juvénile cachée dans son épais cache-cou, Lauren savourait de pouvoir enfin s'asseoir. Les muscles de ses jambes relâchaient leur tension et des décharges indescriptibles remontaient parfois le long de celles-ci. Tout trois postés sur cette bute rocheuse, l'enfant qui sommeillait en elle jubilait tant qu'elle dut se contenir de « faire l'étoile ». Comme le lui avait appris sa mère. Bras et jambes étendus, balayant la poudreuse avec joie. Elle rit. La pensée, fugace et légère, lui procura un apaisement instantané, malgré tout ce qu'ils venaient de braver et tout ce qui les attendait encore.

  En s'approchant du mystérieux complexe, ils s'étaient enfoncés au coeur même de la vallée. Les vents glacés s'écrasaient sur les pics et collines alentours, affaiblissant en partie l'indomptable blizzard. Le silence les enveloppait, discordant avec les « psssschit », les beuglements de travailleurs ou les frictions stridulantes des chariots qui s'élevaient parfois. Lauren considéra le cyborg qui, inhabile, dévoila une petite boite métallique. Son ventre, appâté, grogna longuement malgré l'en-cas qu'elle avait avalé plus tôt. Elle répondit un « merci » timide et se pourlécha pensivement les lèvres. Pourquoi les empoisonnerait-il alors que Saery et elle étaient sa seule chance de sortir d'Anoat vivant ? La padawan haussa les épaules et entreprit de mastiquer l'aliment inconnu.

  La consistance du biscuit lui rappela d'abord ceux avec lesquels ils petit-déjeunaient le matin, au Temple. Comme des sablés, un peu sec. Le goût, de prime abord, s'apparentait à celui du papier, loin de la saveur sucrée qu'elle attendait. Pire encore, ses joues commencèrent à brûler tandis que l'irritation gagnait sa langue, puis sa gorge. Elle mima une quinte de toux pour essuyer, discrètement, son oeil larmoyant. Tout en reprenant sa respiration, elle adressa un signe de tête positif à Zerath, lui qui semblait tout à son aise. Pour leur compagnon, cette nourriture possédait une signification précise, signification qui embrasait pourtant sa bouche aussi sûrement qu'un feu dévorant les poils d'un Wookie. Elle inclina la tête vers Saery, invisible à Zerath, pour ouvrir la bouche et inspirer goulument... ce qui eut pour effet d'aggraver son mal-être.

  « C'est... bon ! Ça réchauffe..., bredouilla-t-elle. »

  Il se remit à parler, rassasié. Elle jeta, en prenant soin de toujours le faire en cachette, des regards envieux vers la bouteille qui dépassait, non loin. Elle attendit, courageuse. T'as déjà vécu pire. Cette pensée ne lui apporta aucun réconfort. A l'heure actuelle, elle aurait pourtant tout donné pour planter son visage dans la neige et crier de tout son être. Inconscients, désira-t-elle ainsi, de son combat silencieux, les deux adultes présentaient deux plans tout à fait différents. Saery souhaitait y aller seule, ordonnant à la jeune padawan de faire du babysitting de cyborg blessé. Zerath escomptait plutôt sauter tous ensemble dans un chariot, à l'aveuglette, droit dans l'antre énigmatique.

  « Même si, commença-t-elle en articulant curieusement, l'idée de foncer dans un chariot sans savoir où nous allons ne me réjouit pas, je n'ai pas envie que nous nous séparions. Je suis désolée, maître, mais je ne suis pas rassurée de vous voir partir ainsi. Nous ne savons rien de cette base et notre surveillance ne serait pas efficace. Malgré tout, peut-on vraiment s'infiltrer avec... – elle réfléchit à la manière de le dire – enfin, je veux dire... Vous êtes, euh, massif et en fer. »

  Ah bah, bravo toi. Déjà, son esprit la fustigeait. Elle tendit la main vers la bouteille et but deux longues gorgées, à peine consolée. Sa bouche était toujours en proie au biscuit satanique.

  « Ne le prenez pas mal, s'empressa-t-elle de rajouter avec un sourire crispé. »

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Une fois arrêté, Zerath retrouva la parole. La façon dont il s'exprimait amusait Saery, elle lui trouvait un petit air exotique qui tranchait pleinement avec l'environnement dans lequel le petit groupe se trouvait. Un peu perplexe d'abord, elle décida de l'écouter et de prendre le temps de souffler. Le temps lui était précieux, mais le repos était important lui aussi. Saery était une Jedi entraînée pour faire face à de nombreux dangers sans broncher. Et pourtant, il lui fallait bien admettre que le trajet avait grandement puisé dans ses ressources. Elle entreprit de manger l'une des rations qu'elle avait emportées avec elle, mais le prélat lui présenta un autre plat.

Étaient-ce des biscuits, ou bien de la viande séchée ? Saery ne savait pas réellement ce qui se trouvait devant elle. Cependant, la forme et l'odeur ne l'enchantaient point. Elle observa le kaleesh un instant. Il comptait réellement l'inviter à manger ça ?

— ...Sans doute êtes-vous les deux premières non Kaleesh à en savourer dans la galaxie tout entière.

Saery n'avait plus vraiment le choix, elle était dos au mur ! En cachant sa résignation, elle prit l'un des biscuits. Elle prit soin de ne pas se presser et de montrer au prélat tout le respect qu'il demandait. Si les goûter était un honneur, il lui fallait savourer l'expérience. Aussi peu ragoûtante serait-elle.

Le prélat tourna le dos aux deux Jedi. Saery porta alors le biscuit à sa bouche et tenta de montrer l'exemple en ne bronchant pas. Jusqu'au dernier moment, elle cacha son appréhension. C'était un biscuit normal, tout à fait normal ! Et puis, au moment de croquer, elle hésita. L'arôme qu'elle s'apprêtait à goûter avec ses papilles lui brûlait déjà les narines. Alors elle ferma les yeux, fit un début de grimace et mordit. D'un coup, elle se redressa et se retint de gémir. Les kaleesh n'avaient aucun sens gastronomique ! Ils devaient s'amuser à tartiner toutes les épices les plus brûlantes qu'ils devaient trouver sur ces biscuits ! C'était la seule explication !

La larme à l'oeil, elle finit d'avaler sa bouchée avant de se tourner vers Lauren. Ses yeux trahirent sa douleur et ses joues se mirent à rougir. Elle souffla longuement et silencieusement tout en agitant sa main libre vers son visage, pour se faire de l'air. Malgré son palais embrasé et les larmiches qui s'apprêtaient à tomber du coin de ses yeux, elle pouffa doucement en voyant que sa padawan, elle aussi, avait du mal avec ce biscuit trop piquant. Un sourire entendu plus tard, elle prit son courage à deux mains pour mâcher le reste de sa portion avant de l'avaler et de boire à grandes gorgées. Enfin, elle essaya de faire passer le goût en croquant dans l'une de ses propres rations. Jamais la fadeur de ces biscuits pâteux qu'elle emportait avec elle ne l'avait autant satisfaite.

Une fois qu'il eut fini sa part, Zerath revint vers les Jedi. Il leur exposa un plan afin de s'infiltrer dans la base. Il voulait passer par des wagons qui revenaient des entrepôts pour retourner au coeur des mines. L'idée ne lui plaisait pas, mais Lauren insista pour ne pas que le groupe se sépare. Saery réfléchit un instant. Elle trouvait que le sergent était bien gentil, mais son idée demandait d'entrer dans un wagon en marche ou de se faufiler dans les hangars. De plus, à l'intérieur des mines, les chances de trouver de précieuses données étaient bien moins élevées que dans les quartiers des officiers qui devaient se trouver à la surface. Résignée, elle soupira.

— Cette histoire de wagons ne m'inspire rien. J'ai déjà été dans une mine. C'est une longue histoire, mais j'aidais un contact important à y récupérer quelque chose. Il a voulu passer par les wagons, je m'y suis opposée. Il était trop confiant et a filé sans moi. Quand j'ai enfin pu arriver jusqu'à lui, je l'ai retrouvé mort. Ce n'est qu'en voyant d'autres wagons arriver à toute allure que j'ai compris qu'ils n'avaient pas de freins. Ils s'arrêtaient net à l'aide des répulseurs arrière du wagon qui le précédait. Il a surement été tué sur le choc de son arrivée.

Elle roula des yeux, comme si ça ne lui faisait ni chaud ni froid.

— Bref, on fera attention à regarder s'il y a des bosses, des répulseurs ou des freins ! Ajouta-t-elle en se levant.

Tout ça pour offrir l'occasion à sa padawan de se faire la main. Saery se trouva un peu laxiste, sur le coup.

Sans plus attendre, le groupe se mit en route vers l'entrepôt en suivant la route indiquée. En s'approchant discrètement, Saery réfléchissait déjà à comment elle allait détourner l'attention des gardes pour pouvoir se faufiler dans l'un des wagons. Elle entendait des bruits de pas dans la neige. Il n'y avait probablement pas grand monde.

Presqua arrivée aux hangars, Saery fit signe aux deux autres de rester en retrait. Lentement, mais sûrement, elle s'approcha pour observer les alentours. Au loin, une grue tenait quelques caisses en suspens dans les airs, dans un grand filet. Les yeux de la Jedi s'illuminèrent : c'était trop tentant. Avec un petit geste et beaucoup de concentration, elle délogea une goupille qui tenait le crochet. Tout s'écroula dans un fracas qui alerta tout le monde. De son côté, la voie était libre ! D'un geste de la main, elle fit signe à Lauren et à Zerath de la suivre.

Quelques instants plus tard, ils entrèrent dans l'entrepôt par l'une des grandes portes. À l'autre bout de la grande salle, quelques gardes regardaient par les fines fenêtres leurs collègues s'alerter dehors. Et, non loin d'eux, quelques wagons arrivaient lentement pour en rejoindre d'autres qui étaient déjà arrêtés.

— Sergent, je vous laisse l'honneur de choisir notre voiture. Chuchota-t-elle, comme si elle l'invitait formellement.


Zerath Ular'Iim
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« - Nous n’aurons pas besoin de freins, dit Zerath de son timbre synthétique et métallisé. Je n’ai peut être qu’un bras, mais la jeune Lauren est mon bouclier, et vous maître Vespen êtes notre épée. Il ne fait aucun doute que des matières aussi triviales que des freins sauront être réglées. Les dieux sont avec nous ! »

Et à présent, plusieurs minutes plus tard, après avoir arpenté les rues désertes et mortes de ce complexe, après avoir mené une course pressée et fugitive dans l’ombre des maisons inhabitées, armé dans sa seule main libre d’un holo appareil photo, à présent ils étaient face à l’oeuvre accomplie : face aux wagons et à présent il fallait choisir. Le prélat, à la vérité,ne connaissait strictement rien aux machines. Il n’était pas un expert et ne voyait en ces wagons nulle différence. Il aurait tout aussi bien pu en prendre un au pur hasard, mais ça n’était pas là la façon d’un émissaire des dieux. Il inspira, figea le hangar dans une photographie silencieuse. Il observa de surcroît le petit boîtier, à présent accroché à sa ceinture,qu’il avait mentionné à ses deux compagnes. Ce fil d’Arianne serait fort pratique pour ressortir de la ville en sens inverse.

Là, dans l’obscurité silencieuse de l’entrepôt, les wagons glissaient sur leurs rails magnétiques en douceur, au bourdonnement de leurs rétropropulseurs. C’étaient comme de gigantesques sarcophages songea l’alien tribal, car ils faisaient bien cinq pied de long pour moitié moins de haut et de large. S’y loger ne serait guère compliqué, s’ils parvenaient à forcer l’un d’eux. En ces affaires, le Kaleesh ne pouvait que se laisser guider par ses deux camarades Jedi ; n’était-ce pas précisément aux fins de l’infiltration qu’elles étaient présentes, après tout ?
Tandis que la maître et sa progéniture s’échinaient sur le wagon sur lequel le prélat avait jeté son dévolu, ce dernier immortalisait ce qu’il pouvait de cette antichambre à leur plongée dans les enfers. Les droïdes de plomb et les gardes de fer, visibles depuis les fenêtres extérieures il prit soin de photographier. Les tuyauteries complexes et les rails sur lesquels progressaient les répulso-trains il s’assura de ne pas manquer. Plusieurs affiches sur les murs semblaient prôner quelque culte à la technologie et au productivisme. Elles n’étaient guère dans une langue que Zerath savait lire ; il les photographia également, l’on trouverait bien un expert en terres républicaines.

Sur les recommandations hâtives de ses camarades, Zerath sauta dans le zagon qu’ils s’étaient libéré. On y aurait tenu sans grande difficulté, si ça n’était par la présence de nombreuses roches, qui emplissaient le fond, restreignant l’espace disponible de façon drastique. Etait-ce cela ? Un site d’extraction ? Zerqth n’était point géologue, aussi conclut-il que ces pierres pouvaient peut être constituer une autre part pertinente à rapporter à l’attention de la Chancellerie. Il n’eut guère le temps de poursuivre cette pensée ; les deux Jedi fermèrent pour ainsi dire le couvercle de leur train improvisé. L’appareil se mit à prendre une course uniforme douce, le long de son rail encore en terrain plat, si ce n’était par un dénivelé modeste. L’avancée du véhicule était automatique ; pour autant, passerait-on les gardes ?
Lauren Aresu
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  En dépit des bourrasques et des grincements, le martèlement monotone des bottes et les cliquetis des jambes droïdes rythmaient l’avancée discrète du petit groupe. Les gardes divertis par un fatras de bruits assourdissants, la voie maintenant libre leur offrit une route directe vers les wagons. Ils étaient rangés en colonnes sur cinq lignes qui descendaient, après être sortis de l’entrepôt, vers des profondeurs à peine éclairées par quelques lampes murales uniformément disposées. Lauren ne prêta que peu d’attention au milieu dans lequel ils évoluaient, elle tentait de raisonner par objectifs et menaces. Tous trois unanimes, ils choisirent un des wagons, tant pour sa taille légèrement supérieure que son faible chargement, et y brisèrent les chaînes afin de s’introduire dedans. L’air chaud et confiné agressait les narines, âcre. Les pierres, qu’elle ne discernait qu’à peine une fois le wagon refermé, semblaient noires et pointues, comme éclatées. Certaines parties reflétaient même la lumière qui s’infiltrait par de petits interstices au gré des lampes qu’ils dépassaient.

  Pour la jeune padawan, leur voyage improvisé parut durer une éternité, ballotés faiblement par les rétro-propulseurs silencieux. Aucun d’entre eux ne savait où ils allaient ni comment, s’ils jouaient de malchance, ils seraient accueillis. Ils s’enfonçaient dans les mines, Lauren le sentait. Elle se tenait, le pied calé contre l’avant du wagon, pour ne pas presser tout son poids contre maître Vespen qui se trouvait devant. Cela dit, elle jugea promptement que placer l’imposant cyborg derrière était une erreur.

  Finalement, freinés par les propulseurs du wagon précédent, ils arrivèrent saufs, leur existence insoupçonnée. Très vite, le trio sauta hors de son étroite carriole. Comme son maître, Lauren n’avait pas senti de présence vivante dans les environs proches et saluait avec une joie non dissimulée l’air moins vicié. Malgré tout, des fumées noirâtres s’échappaient des plaques métalliques qui recouvraient dorénavant les tranchées et une odeur carbonisée prenait toujours à la gorge. Le sol avait été laissé en l’état, piétiné et tassé par les passages successifs. L’endroit s’avérait être une « gare de triage » où divers wagons arrivaient et repartaient dans des directions différentes. Peu fréquenté par les détenus et les gardes, seuls les droïdes d’entretien y erraient si besoin. Le groupe joua ainsi de chance. Leur wagon, déjà, s’en allait sur un chemin proche. D’ici, ils entendaient les sons sifflants des lasers qui entamaient la précieuse roche. Ils s’engouffrèrent dans l’une des sorties, collés contre la paroi froide et humide afin d’éviter les chariots qui fonçaient le long des rails, aveugles aux obstacles. Ils débouchèrent dans les tunnels miniers. Lauren étouffa un hoquet de surprise : la structure qui les soutenait craquait à de nombreux endroits et grinçait d’une sinistre mélodie. Elle lançait des regards apeurés vers le métal fissuré. La sécurité était inexistante et à chaque arrivée de vaisseau, l’ensemble geignait de manière insistante. Comment l’avalanche de tout à l’heure n’avait-elle rien endommagé ?

  Ils s’infiltraient, désormais courbés, dans les galeries. Le réseau ressemblait à une vaste toile d’araignée, les tunnels adjacents communiquaient par des passages plus restreints. La concentration se lisait sur les traits de la padawan, tandis le groupe avançait à la recherche d’un poste de garde. Une détonation puis un cri résonnèrent, des voix s’élevèrent, véhémentes. D’autres détonations suivirent, à proximité. Saery, Zerath et Lauren prirent rapidement l’un des passages. L’endroit était toujours désert, mais les vociférations se rapprochaient. Ils échangèrent un regard inquiet, figés. Plusieurs déflagrations ébranlèrent les murs. Subitement, plus aucun bruit. Les exclamations cessèrent aussi singulièrement qu’elles avaient commencées. À leur droite, un escalier menait vers l’étage supérieur par une porte qui s’ouvrit sèchement. Un jeune humain sortit en courant, son visage déformé par la détermination. Ses godillots usés raclaient le sol et sa combinaison, perforée au bras gauche, se teintait d’une couleur écarlate. Il clignait frénétiquement des yeux, chassant la sueur et les larmes, fuyant des ennemis invisibles. Des traces poussiéreuses striaient sa figure, sale, qui ne se différenciait pas de ses cheveux coupés courts. Il portait un numéro, 2562. Déstabilisée, Lauren ferma les yeux. Était-ce le nombre de détenus retenus dans cet enfer ?

  Tapis et cachés par un coude que formait la galerie, ils virent le forcené se précipiter dans leur direction, haletant. Ils ne possédaient qu’une fenêtre précaire.

  « Nous devons l’aider ! chuchota-t-elle. Il est blessé au bras ! »

  Le temps qu’elle prononça sa supplique, l’homme atteignit leur position. Il stoppa sa course. Un voile de surprise passa sur son visage, fugace.

  « Je… Vous… Aidez-moi ! Aidez-moi, je vous en prie. Je…, hoqueta-t-il, désespéré. » Submergé par la douleur et l’épuisement, il tomba à genou.

  D’un geste doux, elle prit le bras du prisonnier, conjectura-t-elle, et considéra la plaie béante qui ne cessait dégouliner sur son membre anémié.

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Saery ne regarda qu'à peine l'état du jeune homme.

— Occupe-toi de lui. Dit elle à Lauren, sans prendre le temps de réfléchir.

Laissant le blessé aux mains de sa padawan, Saery se détacha du groupe pour se montrer dans le couloir d'où de lourds bruits de pas arrivaient. D'un coup, un tir de blaster lui passa sous le nez. Elle se stoppa net, surprise, puis perplexe.

— Eh bien. On ne perd pas de temps !

Devant elle se tenait un grand kedorzhan caché derrière un masque à gaz. Il tenait blaster encore fumant qu'il pointait vers l'intruse.

— Qui êtes-vous ?! Lança-t-il, prêt à tirer à nouveau.

— Du calme, du calme. Il n'y a personne d'intéressant par ici et le fuyard a disparu. Répondit-elle, en faisant un lent geste de la main en direction du garde énervé.

La brute grogna et fit de suite demi-tour. Sous son masque, il marmona les mêmes mots qu'il venait d'entendre. Saery, elle, se contenta de sourire avant de recoiffer sa frange.

— Voilà qui est fait... Dit-elle tout bas, en revenant vers les autres.

Elle mit un genou à terre pour se rapprocher du malheureux que Lauren aidait du mieux qu'elle pouvait. Sa blessure n'était pas jolie à voir, mais sa vie n'était pas en danger. Alors qu'elle s'arrêtait à parler, elle releva le nez, surprise par de nouvelles détonations qui firent vibrer les murs. Sans les cris qui accompagnaient tout ce vacarme, l'ombre aurait pu croire qu'ils creusaient avec de la détonite. Elle revint au jeune homme.

— Tout va bien, tout va bien.

Il serra les dents et grimaça. Il n'avait pas l'air d'accord avec Saery.

— Qu'est-ce qui se passe, là-bas ?

Le blessé souffla à plusieurs reprises, pour lutter contre la douleur et se retenir de hurler. Enfin, il se calma.

— Une révolte ! J'ai... désactivé nos chaînes. Nous sommes libres !

Les explosions et les gardes, pourtant, disaient tout le contraire.

— Désactiver les chaînes ? Il y a un centre de commandes ou quelque chose du genre, dans les environs ?

Vivement, le jeune homme hocha la tête.

Le malheur des uns faisait le bonheur des autres. Mais même si Saery pensait à sa mission, elle s'intéressa à la situation des prisonniers :

— Bien. Et pour la suite de votre plan ? Que font les autres, une fois les chaînes retirées ?

— On... détourne un cargo et on se tire de cette maudite planète !

Saery détourna le regard. Elle avait l'air navrée. Il y avait peu de chance pour que ces gros engins disposent d'un hyperdrive. Ils devaient très certainement se contenter d'amener leur cargaison ailleurs sur la planète pour la raffiner. De plus, sortir d'ici et atteindre ces vaisseaux allait être difficile. Il fallait croire que de nombreux prisonniers étaient décidés à risquer leur vie pour une infime chance de quitter cet endroit...

Finalement, le petit groupe allait devoir se contenter de remplir leur mission d'origine. C'est donc presque à contrecœur qu'elle se décida à répondre.

— Bon, avant tout, tu vas nous amener au centre de commande. De là, on verra ce qu'on peut faire pour vous aider. Et moi, je récupérerai des informations qui, je l'espère, suffiront à nos chers clients.

Elle jeta un regard à Zerath.

— Vous voulez que j'y retourne ?! Lança l'humain, plus vif d'un seul coup.

Saery sourit en hochant la tête.

— Hm mh ! Fit-elle, presque trop joviale.

— Mais, il y a les gardes, maintenant ! Et je suis blessé ! Vous allez faire comment ?

— J'aviserai une fois sur place. Pour l'instant, en marche !

Elle se releva pour s'adresser au sergent. Elle releva son vêtement pour cacher son visage et remit ses lunettes. Le jeune homme, lui, avait l'air encore sous le choc.

— Pouvez-vous l'aider à marcher, sergent ? Ma padawan et moi risquons d'avoir besoin de nos mains. Aussi, essayons d'éviter de montrer nos visages. Notre séjour sur Anoat ne s'arrête pas là et, malheureusement, je crains que nous ayons à être un peu moins subtils que prévu.


Zerath Ular'Iim
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«  - Vous êtes trop flatteuse maîtresse. Si maître Ammond était encore parmi sans doute rirait-il de bon coeur de votre humour…Un simple droïde de maison, officier dans l’armée… »

Le regard de Zerath s’abîma sur le prisonnier. Il avait parlé d’un ton neutre, mais il espérait cependant que ses deux compagnes saisiraient son sous-entendu latent. Le duo de Jedi avait délibérément accepté d’aider un prisonnier dont la simple existence représentait une menace pour leur anonymat – pire, pouvait même dévoiler leur présence aux services Anoati ! Le vieux Kaleesh voyait là la merci noble des Jedi – et il la saluait. S’il avait été seul, peut-être aurait-il tué ce prisonnier pour lui épargner un trop long tourment et ne pouvait s’encombrer d’un poids. S’il comprenait bien l’envie d’épargner des vies, il ne pouvait cependant tolérer que des informations aussi cruciales que le but de leur présence ou des indices sur leur identité réelle. Et son intervention était plus que toutes choses un rappel à l’ordre : être sous terre ne pouvait aucunement être une raison valide pour laisser leur identité voler en éclats subitement. Mieux valait se montrer prudents que confiants. Ils n’avaient aucun ami en cette terre maudite, et il se passerait encore plusieurs révolutions de Anoat avant qu’ils ne quittent cet endroit parjure ; mieux valait-il ne pas éveiller les soupçons pendant ce temps.

Il porta son attention sur le prisonnier, comme l’aurait certainement fait un robot-servant. Il ne pouvait qu’en supposer les façons, car son monde avait bien des choses mais il n’était de servants que des Kaleesh et point de machines. La jeune Lauren était aux prises avec une plaie sanglante d’où s’échappaient par palpitation des vagues carmin. Être maître mystique avait des implications plus vastes que garder la vérité divine. Si Zerath percevait dans les cycles astronomiques les présages des grands immortels, il avait cependant des préoccupations parfois plus réelles. Si nombreuses les guerres qui avaient déchirées son monde, plus nombreux encore les pèlerins qui s’effondraient sous l’arche principale du temple, aux portes de la mort. Ô combien, par Shrupak, combien de voyageurs avait-il du ainsi amener dans l’enceinte du bâtiment, sur lesquels il avait veillé avec sa bien-aimée ! Combien de soins avait-il prodigué !

Sur cette expérience, bâtie de pratiques sur un monde reculé, parmi les siens à la peau écailleuse, il jugea cependant d’une voix compassée, graveleuse de fatigue et – comme à son habitude – d’un acier grave :


«  - Ce saignement n’est que surface. Un pansement pressé en amont saura le tarir. »

Il laissa le soin à la jeune Lauren de comprendre où il voulait en venir. Il ne fallut guère longtemps pour qu’on détermine que le Kaleesh parlait là d’un pansement compressif ; encore moins pour le poser et stopper ainsi ce qui avait semblé au premier abord une terrible hémorragie, à présent un saignement certes impressionnant mais guère fatal.

A présent l’humain s’appuyait sur l’épaule droite de Zerath, où n’était attaché nul bras. Armé de son fidèle appareil, le Kaleesh poursuivait sa tâche de photographie : l’existence des galeries et même de cet homme constituaient à ses yeux des éléments aussi cruciaux que le complexe à la surface. Il ne pourrait jamais établir une carte complète du lieu, mais à minimum pouvait-il tenter de capturer son essence. Plusieurs nouvelles explosions retentirent. Une clameur bestiale et vile semblait provenir de chaque corridor. A de nombreuses reprises, leur guide improvisé décidait d’une direction avant de changer d’avis, indiquant qu’il avait parlé trop vite, qu’il ne se souvenait plus exactement avec la panique, que c’était compliqué.

Par chance, sa blessure au bras ne l’avait pas que fait tomber de détresse devant le trio ; elle avait également disséminé une trace que l’on suivait à présent, assurément plus fiable pour revenir au point initial du jeune mâle humain, ce supposé centre de commandes d’où avait débuté la révolte.

«  - Votre plan était donc de vous échapper à l’extérieur ? » s’enquit le Kaleesh à l’intention de leur compagnon improvisé. Ils venaient d’arriver dans une salle exiguë, creusée dans une pierre si dure que les outils n’avaient pu que tracer des sillons grossiers en guise de paroi et de plafond. L’humain opina du chef. Leurs voix étaient avalées par les murs fermes, mais pourtant l’homme parlait d’une voix faible. L’adrénaline lui avait donné des ailes dans les premiers instants de la discussion, à présent il retombait dans les abîmes de la faim et de la fatigue.

« - Désactiver nos chaînes par le centre de commandes...gagner la surface...Cargo pour fuir. »

Le reptilien ne commenta pas immédiatement. La piste sanglante que le fuyard avait laissée derrière lui s’était à présent raréfiée au point qu’on ne pouvait plus s’en servir comme de fil conducteur vers son point de départ. Sous le regard entendu du groupe, l’homme scruta les couloirs pendant plusieurs longues minutes. Il avait la plus grande peine à demeurer conscient. Ses traits étaient faméliques, ses gestes fébriles. Il toussa d’une quinte grasse – malade, avant de dire :

« - Il faut prendre à droite, je crois. »

On s’engagea ainsi à droite, le long d’un boyaux étroit qui descendait en zigzag inégaux et tortueux. Il faisait sec, car l’humidité s’était depuis longtemps changée en glace, car il régnait ainsi qu’à la surface un froid mordant. Maître Vespen et sa fille avançaient en avant-garde à pas de loup, tandis que Zerath soutenait toujours l’homme – qui à son humble avis n’avait guère besoin de support compte tenu de la modeste blessure qu’il avait subi. Un bambin Kaleesh n’aurait pas même pleuré de pareil maux. S’il était à ce point épuisé, ça n’était pas de la perte de sang mais bien d’autre chose.

«  - Et sans cargos ? » demanda l’alien de sa voix synthétique.

« - S’éloigner en profitant du jour. » répondit dans un râle l’autre. Le prélat fronça les sourcils. Il fallait pour cela que les fugitifs parviennent à monter à la surface, échappent à la garde fournie et musclée qui se trouvait en haut, et parvienne d’une façon ou d’une autre à survivre toute la nuit, avant de s’engager dans les landes polaires. Et pour y trouver quoi ? Il n’y aurait aucun cargo là-bas. Ils mourraient égarés dans les passes et cols tortueux qui cerclaient le complexe, frigorifiés, dévorés pour les plus chanceux. Tous pourtant devaient avoir conscience des environs, du péril terrible où ils se trouvaient s’ils tentaient pareille échappée sans une assurance minimale au sujet des cargos. Il jeta un œil à l’accoutrement de leur guide improvisé et imprévu. Il portait des vêtements sommaires, une veste matelassée qui sans doute aurait été d’une utilité prudente de jour – d’une inutilité criante la nuit. Les chaussures qu’il portait étaient élimées, percées par endroit, rongées de sel. Il périrait bien vite dans les landes glacées, enseveli sous le blizzard dans une tombe de neige. De nouvelles explosions retentirent. Les murs vibrèrent. Des colonnes de poussière s’étirèrent en volutes du plafond avec le sifflement d’un serpent à sonnettes.

Le groupe parvint à une suite de couloirs plus large. Portés par une roche sans doute plus propice, une suite de sons ; on distinguait la course rigoureuse de bottes lourdes. On entendait des cris, sauvages, presque animaux, on entendait des tirs d’armes laser. Brusquement, l’homme s’effondra vers l’avant ! Zerath l’attrapa alors qu’il perdait l’équilibre. Quelle maladresse était-ce...L’humain était flasque comme un poisson sans arêtes. Le Kaleesh l’étendit au sol, sur le dos, puis s’assit lui-même en tailleurs à son côté, observant le ventre du pauvre singe à la peau rosée. Celui-ci se soulevait régulièrement, quoi que perturbé par des à-coups irréguliers. Il respirait donc encore. Il l’observait depuis plusieurs minutes en silence quand il nota soudain que les lèvres de l’humain s’agitaient de façon quasi imperceptible. Il tendit l’oreille et parvint à distinguer des paroles : « cargos...partir... » murmurait-il. L’Ular’Iim se remit sur pieds et s’approcha des deux Jedi, qui s’étaient arrêtées un peu plus loin pour monter la garde et déterminer le mouvement qui s’accomplissait dans ces sous-terrains labyrinthiques.


«  - À présent la situation est rendue limpide, entama-t-il en confidence. Ce jeune mâle est famélique et son esprit sans doute s’est égaré autant que son corps. Qu’il y ait du vrai ou non dans ses paroles, la main qui tient les chaînes se trouve en haut assurément et là également les signaux pour tenir les prisonniers en laisse. Ce qu’ils ont détruit ici, je le soupçonne et le redoute, n’est sans doute qu’un relai primaire et sans valeur. Cependant il est matière plus urgente que de déterminer le fond des affirmations de cette pauvre âme ; j’avais espéré que le tumulte s’apaise, pourtant il est évident que ces couloirs ne trouveront pas de paix ce soir. Quoi que ces malheureux aient cru accomplir sera étouffé avant la levée du jour, j’en ai peur. Et sous peu certainement, les gardes en haut jugeront-ils prudent de sceller les accès à la surface, tant que les fauteurs de trouble n’auront pas été matés. »

Il plongea quelques secondes dans le silence, avant de reprendre, toujours d’un ton compassé qui contrastait avec les cris – plus rares à présent – qu’on distinguait au loin, dans quelque galerie distante.


«  - Nous devons cesser notre recherche immédiatement et quitter cet endroit. Si vous souhaitez poursuivre votre investigation je ne vous en empêcherai guère, car vous saurez, j’en suis assuré, revenir malgré tous les barrages. Mais tel n’est pas mon cas. »

Il désigna l’homme étendu au sol.

«  - Celui-ci est une récompense inespérée. J’étais dubitatif envers votre décision de le sauver, jeune Lauren, mais votre perspicacité sans doute sera-t-elle fructueuse. Je vous présente mes plus sincères excuses, votre discernement est à la mesure de votre lame. Car toutes les images que nous pourrions ramener ne sauront jamais égaler ce que celui-là porte en lui et sur son corps. Bien que je déplore son état, nous devrons l’emporter avec nous. J’ai dans mon sac une couverture, dont je l’envelopperai afin de le porter quand nous serons à l'extérieur. Cependant et tant que nous ne serons pas retournés à notre point de départ, loin de cette planète parjure, vous demeurerez mes maîtres et moi votre modeste serviteur droïde; que s'il tombait à nouveau aux mains de ses geôliers notre identité ne soit pas rendue apparente, car notre mission serait compromise. »

Ses yeux étaient incandescents dans la pénombre, d’une émeraude palpitante et irrégulière.

«  - Grâce à mon D4A-RECK3 je saurai revenir sur mes pas, même sans vous. Avancez sans crainte, si vous souhaitez aller au fond de cette histoire, car cet humble Kaleesh saura même sans votre présence sortir hors de ce dédale. Maintenant livrez moi votre décision. »
Lauren Aresu
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  Lauren dardait le cyborg d’un regard noir, médusé. Ses paroles étouffaient les cris et les foulées cadencées des forces inconnues, dérobées à leur vision. Ils s’étaient arrêtés, sous les soutènements gémissants, tandis que l’homme s’écroulait, éreinté. Zerath se mit à parler, plus que de mesure, comme à son habitude. Cette fois-ci, la padawan ne put qu’accuser le coup et lever les yeux au ciel. Leur massif compagnon méconnaissait-il tout de telles situations ? N’avait-il jamais posé les pieds dans une zone d’affrontement ? Ses jointures blanchissantes, enserrées autour de son sabre éteint, témoignaient de sa sourde agitation. 

  Le rescapé explosa d’une toux rauque. Il se releva sur ses coudes et cracha une glaire noirâtre, sale. Sans se formaliser du filet qui dépassait de ses lèvres entrouvertes, il se laissa choir à nouveau, fiévreux. Lauren n’osait qu’à peine imaginer les atrocités qu’il avait dû endurer. Le groupe ignorait tout de lui. Ce pouvait être un prisonnier politique que l’odieux personnage à la tête de cette planète avait évincé ou simplement une vermine issue de la pègre locale. Et rien ne justifiait un tel traitement inhumain qui manquait, à chaque minute supplémentaire dans cet endroit, d’arracher des larmes à la jeune fille. Elle s’interdisait à l’y abandonner à nouveau. Ils n’étaient pas en mesure de sauver tout le monde, mais ce serait toujours une âme libérée. Elle s’approcha délicatement de lui et déposa ses deux mains sur son front moite. Quelques secondes suffirent pour que les profondes rides creusant son visage s’estompent. Il cessa de prononcer des paroles décousues. 

  « Je l’ai juste calmé, lâcha-t-elle en se relevant d’une flexion des genoux. »

  L’Echani reporta son attention sur Saery, puis sur le cyborg. 

  « Si vous m’autorisez à être franche, je pense que c’est une idée suicidaire. Vous considérez que vous pouvez soutenir un homme qui ne possède plus aucune force, de surcroît lorsqu’il vous manque vous-même un bras. Et vous semblez croire que rebrousser simplement chemin vous permettra d’atteindre la sortie, comme si de rien n’était. Il est plus que probable que la zone d’où le détenu s’est échappé soit quadrillée par les gardes ennemis à l’heure qu’il est. Et je ne parle même pas des wagons, sachant que vous devrez trouver des chariots qui repartiront vers la surface. Je gage qu’ils seront fouillés et inspectés. Imaginons que vous accédiez à l’entrepôt d’où nous venons. Les soldats n’en étaient absents que par l’intervention de maître Vespen et, du fait des révoltes que nous soupçonnons, ils y seront de retour, plus attentifs que jamais. Si enfin, vous atteigniez la toundra glaciale, il n’y a aucun moyen pour vous de retourner au vaisseau, à plusieurs kilomètres d’ici. Et ce n’est pas une couverture qui sauvera l’homme. – Elle fit un geste contrit vers lui. — Regardez son état, il est fiévreux et il délire probablement. Mais la révolte est bien réelle et il ne tiendra pas dix minutes dans le froid que nous n’avons bravé, pourtant équipés, qu’avec difficulté. »

  Elle déglutit, la bouche pâteuse. La poussière omniprésente donnait à sa salive un goût terreux déplaisant. Elle regarda à nouveau maître Vespen. Lauren mobilisait ses forces pour dissimuler le désespoir que l’énumération qu’elle venait d’exprimer avait fait naître en elle. 

  « Je vous avoue, maître, que je n’ai pas d’idées. Nous sommes dans une situation épineuse et je ne sais pas comment en sortir. – Sa voix se brisa lorsqu’elle se risqua à formuler tout haut ce que tout le monde pensait peut-être tout bas. — Pouvons-nous seulement l’emmener ? »

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Saery observa sa padawan s'alarmer devant la proposition du sergent. Le kaleesh voulait s'échapper en emportant l'un des prisonniers comme témoin, mais ça ne suffisait pas à l'ombre Jedi. Elle avait été envoyée pour récupérer des informations, pas pour une mission de sauvetage. Cependant, elle ne pouvait pas nier qu'un témoin pourrait être utile. Et puis, elle avait du mal à se convaincre d'abandonner tous ces prisonniers si mal traités. En sauver au moins un l'aiderait peut-être à se donner bonne conscience.

Lauren, qui attendait l'avis de son maître, semblait fermement opposée à la décision du cyborg. Il s'agissait peut-être d'une idée dangereuse, mais l'insurrection offrait une diversion idéale pour une fuite tout autre que celle des prisonniers. Saery s'apprêta à répondre, mais une nouvelle détonation fit trembler le sous-terrain. La Jedi entendit un bruit et jeta un regard par dessus son épaule, ce n'était que de la terre qui tombait du plafond.

— Si tu doutes des chances de survie de notre nouveau colis, je pense que tu ferais mieux de l'accompagner.

Saery estimait surtout qu'il était plus sûr pour sa padawan de faire demi-tour avec Zerath. Ainsi, elle s'échappait d'une mine où les gardes risquaient de tirer à vue. Et elle, en bonne ombre Jedi, pouvait s'occuper d'extraire quelques informations sur ce camp. Tout comme elle l'avait prévu avant que l'on décide de transformer cette infiltration en sortie de classe.

Un son métallique retentit et de nouvelles vibrations l'accompagnèrent. Les yeux de la Jedi s'illuminèrent, comme si elle savait exactement ce qui était en train de se passer. À cause du bruit et du vêtement qui masquait son visage, Saery haussa la voix pour se faire entendre :

— En fait, ce n'est plus une suggestion. Tu accompagnes le sergent, Lauren ! Et pas de questions !

Sans attendre de réactions, elle se mit à courir pour s'éloigner des deux autres.

— On se retrouve à la surface !

En suivant les gyrophares qui venaient de s'allumer à cause de la dernière longue secousse, Saery se rapprocha d'une zone où les murs étaient renforcés de plaques de taule maladroitement rivetées les unes aux autres. Elle était passée devant des droïdes perdus qui ne cherchaient qu'à faire leur travail dans les étranges conditions du secteur. Elle croisa quelques prisonniers qui couraient elle ne savait où. Elle avait évité des couloirs où elle avait entendu des cris et des tirs. Elle avait manqué de peu d'être repérée par quelques soldats qui cherchaient probablement les fuyards et elle se retrouva à ralentir après avoir rattrapé deux gardes qui patrouillaient là. La Jedi avança d'abord doucement pour ne pas se faire entendre, mais elle s'impatientait à mesure que les secondes passaient. Elle n'avait pas vraiment de temps à perdre.

Le pas léger, elle accéléra pour se rapprocher des deux kedorzhans masqués. Alors qu'elle s'apprêtait à les attaquer, elle vit qu'une porte allait nécessiter un code. Elle se baissa et fit appel à la Force pour se fondre dans le décor. Au-dessus d'elle, le regard de l'un des deux gardes scrutait l'allée pendant que son collègue tapa un long code. L'épaisse porte s'ouvrit sur une pièce grise où plusieurs postes étaient occupés par deux imposants opérateurs. Les deux kedorzhans devaient traverser le fameux centre de commande que Saery espérait tant trouver pour continuer leur ronde. Merveilleux.

Avant que ceux qu'elle suivait ne s'approchent de l'autre porte de cette petite salle, Saery apparut derrière eux, comme si elle sortait de nulle part. D'un grand coup donné avec la tranche de sa main, elle tenta d'assommer l'un d'entre eux, mais ses vêtements étaient trop épais et solides. Celui-ci se retourna et ne chercha pas à comprendre. Il frappa avec la crosse du gros fusil blaster qu'il tenait entre ses grandes paluches. L'ombre Jedi l'évita, et attrapa elle aussi l'arme. En accompagnant son geste, elle fit forcer l'arme sur les poignets de son propriétaire et s'en empara.

— Quoi ? S'exclama-t-il, surpris.

Cette fois, c'est dans son visage que fila la crosse du blaster. Juste avant que l'épais canon de celui ne vienne percuter le masque de l'autre garde, qui n'avait pas eu le temps de réagir. L'un des opérateurs se leva et tira deux fois avec son blaster en criant, comme pour se donner du courage. L'ombre Jedi, se pencha pour laisser les deux tirs lui passer sous le menton, puis elle appuya sur la gâchette de l'arme qu'elle lui faire cracher une rapide rafale. Le recul de ce tir à la hanche la surprit, si bien qu'elle faillit tuer sa cible. Elle la toucha en haut de la jambe, alors qu'elle comptait lui viser les pieds. Elle avait ajusté sa prise au dernier instant. Puis elle visa le dernier kedorzhan. Celui-ci leva les mains pendant que l'autre opérateur se tordait de douleur. Saery s'approcha du souffrant en gardant l'autre en joue. D'un geste rapide, elle l'assomma à lui aussi, avant d'éviter un tir du second garde qu'elle n'avait pas réussi à sonner avec un simple coup. Le rayon rouge laissa une trace noire entre les pieds du second opérateur, encore assis. Celui agita les bras avant de se plier sur lui-même, effrayé.

Saery ne s'attarda pas sur le cas de ce dernier et se tourna vers le soldat qui s'était relevé. Il ajustait sa visée pour ne pas toucher celui qui se trouvait derrière l'intruse. Cette fois, Saery ne se laissa pas surprendre par le recul du fusil qu'elle tenait et tira entre les deux mains du garde qui n'avait pas eu le temps de viser. L'arme fumante se mit à produire un son étrange. Par réflexe, le soldat la jeta au loin, de peur que la cellule d'énergie n'explose. Il leva les mains tandis que l'infiltrée s'approchait de lui. D'un coup de crosse, elle l'assomma pour de bon, cette fois. Elle s'avança ensuite vers celui qui était encore assis à son poste.

— Non, non ! Je fais juste mon travail ! Dit-il.

Paniqué, il ne savait pas si l'intruse allait le "tuer" lui aussi. Saery haussa les épaules.

— Désolée, moi aussi. Tout le monde au lit !

Un grand coup de crosse vint cogner le crâne gris du malheureux. N'ayant pas trop le temps de plus s'occuper de tout ce petit monde. L'ombre Jedi se contenta de les débarrasser de leurs armes qu'elle entassa sous le tableau de commande qu'elle allait commencer à explorer. À première vue, elle eut du mal à y comprendre quoi que ce soit. Les mines n'étaient pas réellement son terrain de jeu favori. Elle décida de faire sauter quelques caches en espérant trouver l'une des prises couramment utilisées pour permettre aux droïdes de se connecter à tout ce petit monde informatique. Après quelques essais infructueux, elle repéra enfin de quoi brancher son holoécran .

Quelques courtes minutes plus tard, elle fouillait dans les données du relais de commande dans lequel elle se trouvait.

— Pas de liste de noms... Juste des rapports de rendement, quelques plans d'excavation... Murmura Saery, pour se tenir compagnie à elle-même pendant sa recherche.

Elle chercha encore un peu et s'interrompit en entendant du mouvement. Derrière elle, l'un des gardes se réveillait en frottant son visage. Elle se leva et lui porta un coup avec le petit blaster qu'elle avait pris à l'opérateur. Le voilà à nouveau gentiment endormi ! Avec dégoût, la Jedi regarda sa propre main. Qu'elle se trouvait barbare, parfois !

Elle revint à son holoécran. Celui-ci avait continué de faire défiler les fichiers du relais. Elle n'arrivait pas à avoir accès au centre de données de la mine, mais les nombreux documents sur le secteur que ce poste gérait lui suffiraient à avoir de solides preuves de l'existence du complexe minier, surtout avec l'aide d'un témoin.

Sans chercher à trier quoi que ce soit, elle débrancha son appareil pour emporter tout ce qu'il avait pu extraire. Ensuite, elle balaya du regard les nombreux petits écrans des panneaux de commande pour s'assurer qu'elle avait bien accès à ce qui avait produit le désagréable son qui l'avait alertée. Là, elle vit une sorte de dessin technique. Une machine plus grande que large était représentée avec des traits verts. Un boîtier y clignotait en rouge, à la base d'une sorte de console qui se trouvait à mi-hauteur de celle-ci. Elle était sur une passerelle encerclait le gros outil d'excavation : il s'agissait d'une immense foreuse laser. C'était le genre d'appareils que l'on utilisait pour percer de profonds puits ou, dans ce cas, pour creuser le coeur du secteur minier.

Saery comprit que les longues secousses qui avaient balayé toute la zone avaient été causées par une activation manuelle de la machine. Depuis ici, il avait été possible de l'interrompre. Faire tourner l'engin était dangereux, surtout lorsque la mine était en alerte ! La Jedi réfléchit un instant et regarda dans son dos pour voir le tas de kedorzhans qui n'avait pas l'air prêt de se réveiller. Ceux-là n'empêcheraient pas la foreuse de tourner. Elle tourna un potentiomètre et appuya sur quelques boutons. Quelques secondes plus tard, les secousses reprirent. Cette fois, elles étaient particulièrement violentes. Saery l'avait réglée tout juste au maximum de la puissance recommandée. Si le danger n'était pas imminent pour ceux qui se trouvaient loin du laser, les tremblements, eux, dérangeraient fortement ceux qui tenteraient de viser avec un blaster. Fière de la petite assistance qu'elle apportait à la révolte, ainsi qu'à l'échappée de son groupe, l'ombre Jedi mit les voiles.

Très vite, elle se rendit compte que courir sur un sol secoué par d'irréguliers tremblements n'était pas chose aisée. Heureusement, ce n'était pas tout à fait impossible. Sur le chemin du retour, elle croisa de nouveaux visages qu'elle ignora royalement. Elle fit au-revoir de la main à deux gardes qui n'arrivaient pas à lui tirer dessus quand ils s'aperçurent de sa présence qu'elle ne cherchait même plus à dissimuler. Pour leur échapper, elle prit simplement quelques virages pour improviser son chemin du retour. De temps en temps, elle regardait le boiter que lui avait prêté le prélat. L'objet était peu gros pour son utilité, certes, mais il remplissait sa fonction. Quand elle rejoint enfin le chemin qu'elle avait tracé, elle décida de le suivre pour revenir jusqu'aux wagonnets. Cette mine tremblante et poussiéreuse n'allait pas lui manquer !

Le trouble qu'elle avait semé en plus des révoltés lui ouvrait la grande voie. Cela avait aussi du aider Lauren et Zerath dans leur échappée.


Zerath Ular'Iim
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Ainsi Zerath et Lauren revenaient-ils à présent sur leurs pas. Le prélat avait hissé le corps du prisonnier inconscient sur son épaule à la façon d’un vulgaire sac de pommes de terre. C’était un avantage de son corps ; car sans muscles pour hurler d’épuisement, il n’était que son esprit pour maintenir la cohésion de son être. Et si après cette rude nuit le Kaleesh sentait ses neurones étirés hors de leur habituelle zone de confort, il était bien loin des flammes dans lesquelles sa jeunesse avait été forgée : siens les plus rudes tests de la bataille, qui brisaient ou forgeaient les caractères. Ses années vertes étaient loin derrière lui, mais il en avait conservé cependant une quiétude naturelle qui ne le quittait que très rarement.

Les échos de courses diverses résonnaient dans les boyaux ; on y distinguait des bottes cloutés, la marche hâtive de machines au pas mécanique et austère. Parfois, une secousse lointaine s’élevait des couloirs derrière eux, comme le grondement sinistre de quelque titanesque créature souterraine. Le voyage s’effectuait dans le plus grand silence. Si la jeune Lauren elle-même n’était pas particulièrement loquace, le Kaleesh lui-même n’élevait pas la voix plus. Il ne fallait plus faire le moindre son, pas à une heure si critique, pas alors que se jouait le succès ou l’échec de leur infiltration – si succincte avait-elle pu être. De surcroît, le prélat avait été grandement déçu par les remarques de la fille de maître Vespen. L’humaine aux cheveux de nacre avait sans doute encore beaucoup à apprendre. Grâce à leur dispositif D4A-RECK3 parcourir le chemin inverse dans les galeries exiguës était bien plus rapide que l’aller ; s’ils avaient pris bien une bonne heure à l’aller, par des virages inutiles et des tergiversions longues aux intersections ils n’avaient pris que quelques dizaines de minutes, lancés comme des ombres au milieu des ténèbres étroites et souterraines.

Ils vinrent bientôt face aux wagons, muets comme des tombes. Là se tenait, fixant du regard les véhicules improvisés, un grand bipède au visage de rongeur. Vêtu de haillons, il lorgnait autour de lui, orientant son museau de mulot, flairant l’air. Il se figea. Le binôme s’était accroupi derrière un renfoncement des murs. Le rat sans oreilles fit quelques pas sur la gauche, s’éloignant des rails, la truffe en l’air. Zerath ne parvenait qu’à discerner les contours de sa fourrure. Les autres détails étaient perdus, écrasés par sa vision thermique qui, en cette heure glacée de la nuit, prédominait largement sur sa perception des couleurs. C’était un Kedorzhan qui se tenait là ; son genre formait la majorité de la population sur Anoat mais pour autant c’était la première fois que le kaleesh en apercevait un de ses propres yeux. Il n’en avait guère qu’exhumé des informations et des images durant ses recherches préliminaires autour d’Anoat et de son système, jamais n’avait-il pu en rencontrer en terre républicaine. Dans la grotte n’étaient que deux sons. Le premier était ce sifflement caractéristique et grave des wagons descendant le long de leur rail magnétique avant de ralentir, puis de filer à nouveau dans des abîmes plus profonds encore, là où l’on extrayait la richesse qu’on convoitait ici. Le second étaient les profondes inspirations du rongeur à l’odorat extrêmement développé, aux épaules larges, pareil à un étrange loup garou.

Zerath nota soudain qu’il portait un insigne sur son torse, qui n’apparaissait à ses yeux que parce que l’habit était d’un blanc délavé et sale, l’insigne noir ; c’était un symbole qu’il avait vu auparavant et que son esprit identifia immédiatement. Un symbole récurrent sur les affiches de l’entrepôt, le symbole qu’il avait trouvé sur les carcasses de machines à la surface de Destrillion.

Le symbole de Anoat.

Mais cet insigne manquait sur le torse de l’humain qu’il portait avec lui, songea le prélat. L’humain était vêtu d’une veste polaire épuisée et de mauvaise fabrique, mais il en portait une cependant ; les vêtements de ce Kedorzhan étaient pires, c’était tout juste une étoffe portée sur sa fourrure. Alors il comprit ; il n’était pas un prisonnier : c’était un esclave gardé pour l’unique qualité que son genre pouvait offrir par son odorat développé. Ce Kedorzhan était un limier, lâché par les gardes pour mener la traque et dépister ceux qui pouvaient bien s’enfuir. Et ce fin pisteur venait de saisir une odeur nouvelle dans le couloir : une odeur forte, songea Zerath, l’odeur du sang séché.

Il ne pouvait raisonnablement communiquer avec la jeune Lauren. Qui savait de surcroît ? L’apprentie Jedi ne pouvait peut être pas traverser tout le couloir en assez peu de temps pour mettre hors d’état de nuire le Kedorzhan avant qu’il ne sonne potentiellement l’alerte. L’unique main valide de Zerath fouilla silencieusement dans son sac à dos. Le monstrueux rongeur s’approchait à pas précautionneux, sentant les murs avec attention, comme prêt à prendre la fuite au premier mouvement suspect ou au premier fumet étranger. Les doigts du shaman reptilien se fermèrent sur un petit boîtier, dont il commençait à connaître drôlement bien les formes. Il en déverrouilla lentement les sécurités, murmurant mentalement une prière de pardon à ses dieux, à Cin, à son peuple tout entier. C’était hérésie la plus dure qui soit que d’avoir à en venir à pareille extrémité. Mais la nécessité écrasait les besoins rituels ; et si les traditions devaient être préservées, la survie primait cependant car son peuple nécessiterait tôt ou tard le retour de son guide.

Il lança ainsi dans un couloir adjacent, le coeur brisé et à grands regrets un biscuit Naen Sheelal.

Le rongeur, attiré soudain par une odeur nouvelle et bien plus forte, se détourna et prit l’angle.


Ainsi et sur l’héroïque sacrifice du biscuit tant prisé, le binôme parvint à atteindre les wagons et revenir à la surface. Comme il l’avait soupçonné, les gardes s’étaient en majorité pressés vers les mines même. Si le prisonnier était effectivement un poids, il était pourtant certain que le grabuge de ses camarades sous la surface allégeait le fardeau de diversion des sentinelles ; bientôt et sans péripétie aucune la jeune humaine et le cyborg âgé se trouvaient à nouveau dans les landes enneigées. Comme il l’avait annoncé, Zerath enveloppa le prisonnier d’une couverture thermique, la sienne ; dans ce cocon hermétique au froid, il pourrait être transporté sans périr d’hypothermie. Un nouveau blizzard s’était levé, dans la vallée cette fois. Ce qui aurait auguré la mort de voyageurs dans d’autres circonstances s’avérait une chance inespérée pour l’équipée, mais l’Ular’Iim n’en doutait guère : ça n’était point une coïncidence, c’était une opportunité créée par les astres. Ce n’était pas un heureux hasard, mais une main tendue octroyée par l’inéluctable avancée des mécanismes cosmiques.

Et ainsi contacta-t-il leur pilote, resté à bord du Derelict. Le blizzard offrirait la couverture visuelle dont le vaisseau furtif aurait besoin pour passer le col et venir les chercher. Le temps de trajet serait sans doute proche du temps qu’il faudrait à maître Vespen pour s’extirper des mines par ses propres façons. Tout s’agençait pour ainsi dire de façon exemplaire. Le prêtre de la guerre rangea son dispositif de communication longue portée puis s’abrita sous l’abri de fortune – sorte de tente – qu’on avait érigé à la hâte, non loin du point d’où ils avaient observé le complexe quelques heures auparavant pour décider de leur méthode d’infiltration, sous le couvert de ces grands rochers noirs, juste hors du cercle de crasse et de pollution toxique vomies par cette usine d’excavation étrange. Dans la tête, son regard passa d’abord sur la jeune Lauren, puis sur le prisonnier, encore inconscient. C’était une bien belle récompense qu’il ramènerait avec lui. Il n’était qu’à espérer que rien ne lui arrive pendant le voyage. Il veillerait sur son état, à ce malheureux humain qui avait en cette nuit fatidique croisé un destin dont il ne soupçonnait pas encore toutes les implications.


Il fallut bien une heure pour que le Derelict, enfin, atterrisse. Il s’était posé à une distance plus éloignée du complexe, par difficultés de la météo plutôt que par peur d’être repéré. Les neiges étaient de nouveau si fortes qu’on ne distinguait rien à plus de cinq mètres de distance. On y porta en toute hâte le prisonnier avant de défaire le campement, avant d’y attendre, dans la chaleur rassurante du vaisseau, le retour de maître Vespen. Le brave pilote, fidèle membre de l’armée républicaine, s’alarma de l’état de Zerath, à qui il manquait un bras. Après s’être assuré de l’inconscience véridique de l’humain repêché dans les mines, on s’interrogea : peut-être était-il un espion ? Le Kaleesh, désireux de s’en assuré, mit l’homme à nu, afin qu’on observe son corps. On lui fit passer un scanner sommaire dans la minuscule salle médicale du Derelict – après tout supposé destiné à des voyages longs, mais l’on ne trouva nul dispositif implanté chez le jeune mâle, qui semblait après tout n’être qu’une âme égarée. On s’échina alors à lui prodiguer des premiers soins sommaires ; on le vêtit de vêtements plus chauds et on le mit dans l’une des couchettes douillettes du vaisseau, tandis qu’au dehors le givre et le vent se déchaînaient. Le Kaleesh, songeur et fatigué, résolut de méditer, tandis que leur pilote partait s’assoupir, afin d’être reposé pour repartir avec l’appareil. Zerath conseilla à la padawan privée de maître d’imiter l’exemple de son compère humain mais il ne vérifia point si Lauren s’exécutât ou non ; il était probable qu’elle s’inquiéterait pour sa maître, malgré l’assurance que le prélat lui susurra quant au retour prochain de sa mentor. Sur ces derniers mots encourageants, il s’isola et se mit en tailleur, pour se laisser porter par son inconscient et sa méditation dans les sphères les plus recluses de son esprit et de l’univers inconscient.

Ce fut au milieu de la nuit que maître Vespen reparut enfin. Elle n’était guère victorieuse dans sa traque, ou que de peu d’informations. Cependant ces informations pourraient, entre les mains expertes des services du renseignement, révéler des mécanismes subtils du camp, de sa gestion des ressources à défaut de savoir qui pouvait bien se trouver dans ces mines. Zerath accueillit chaleureusement l’humaine et l’on partit tirer le pilote hors de sa torpeur, alors que les deux Jedi se réunissaient. Il fallut également déblayer l’épaisse couche de neige qui s’était agglutinée sur le Derelict, fort de son immobilisme au milieu du blizzard. Sitôt cette tâche hâtivement effectuée, on se pressa derrière la chaleur protectrice des sas, à la lumière artificielle loin de la nuit glacée ! Et là-dessus, dans un tremblement angoissé, le vaisseau se souleva, au milieu des bourrasques de vent. Pour s’éloigner de la vallée. Pour quitter ce pôle parjure.

Mais ça n’était guère que le début. Ils avaient vu ici un chantier, une excavation d’une matière au fond des montagnes, quelque minerai qui - Zerath commençait à le soupçonner fortement - devait servir à la conception peut-être des légions qu’il avait vu à l’œuvre sur Dubrillion. Était-ce sur ce monde que s’était créée l’armée qui avait ravagé le monde pacifique ? De ces monts éventrés qu’on avait extirpé l’argile ferreuse pour les blindages et les canons des machines de guerre lâchées en légions noires sur la terre de Destrillion aux heures où l’affrontement contre le moff Stoker battait encore son plein ? Il leur fallait gagner la capitale. En ce lieu, peut-être Zerath trouverait-il les réponses qu’il cherchait.

Pour l’heure, cependant, il lui fallait trouver le sommeil. Sa méditation avait apaisé certains de ses doutes, mais levé bien des questions. Il observa un instant la baie vitrée du Derelict. On apercevait au dehors des murs sans fin de flocons blancs énormes, qui venaient s’écraser sur la vitre. Au-delà, l’obscurité de la nuit polaire.
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À l'intérieur du vaisseau approchant le spatioport d'Anoat Polis, Saery finissait d'enfiler sa veste. Porter ces vêtements la rapprochait de son alias habituel : Aljia. Cette fois cependant, les habits n'étaient ni usés ni aussi typiques que ceux que portait le genre de contrebandiers qu'elle incarnait durant ses longues sorties. Son nom avait donc changé, lui aussi. Elle se prénommerait Shilen et serait une sorte d'exploratrice travaillant pour une petite société minière appelée Tlaxcala. Il lui fallait faire preuve de l'audace d'une femme de terrain et savoir garder la contenance de quelqu'un représentant sa compagnie. Quand elle eut finit d'ajuster ses manches, son expression changea. Le regard pétillant, elle rejoint la petite salle commune qui se trouvait entre les cabines et le couloir qui menait aux commandes du vaisseau furtif.

Elle s'appuya contre le mur, les bras croisés, pour observer Lauren et Zerath qui avaient eux aussi fini de se préparer. Sur une petite table, son holoécran continuait de faire défiler une partie des informations qu'elle avait réussi à extraire de la mine. Il y avait bien un camp de travail difficile à atteindre sur Anoat. C'était un lieu trop surveillé pour n'être qu'une simple exploitation minière. Saery n'avait rien pu faire pour la révolte qui y avait éclaté, mais elle espérait que leur expédition donne une bonne raison à la république pour mettre le pied sur cette planète.

Cependant, la condition des prisonniers de ce camp n'était pas sa priorité. Le minerai qui y était extrait devait être traité quelque part. Et c'est là-bas que Gerrenthum soupçonnait Anoat de construire une armée que la planète aurait mise au service de l'Empire, selon le sergent Ular'Iim. Il fallait donc chercher une usine. Une gigantesque usine, pour être exact. Selon les informations initiales, le vaisseau furtif ne devait pas s'en poser trop loin. Son dispositif anti radar avait d'ailleurs été désactivé, afin de ne pas avoir l'air trop suspect. Après quelques échanges avec le spatioport, le pilote se tourna pour expliquer la situation au reste de l'équipage :

— Nous allons être escortés. Ça commence bien.

Ce n'était pas vraiment étonnant, pour Anoat. Le vaisseau fut vite encadré par deux chasseurs qui vinrent veiller à ce que rien ne sorte de la normale. La planète devait être sous alerte. Saery se demandait si son petit détour dans la mine n'y était pas pour quelque chose. Mais c'était peu probable. Les autorités devaient simplement toujours être sur leurs gardes.

— Bon eh bien les enfants, on se prépare à un chaleureux accueil de la part de nos amis kedorzhans.

La voix de la jeune femme avait perdu de sa splendeur, comme si la retenue dont faisaient preuve les Jedi s'était dissipée.

— J'espère simplement qu'ils ne nous accueilleront pas à coup de blaster, j'ai déjà eu ma dose.

Elle roula des yeux avant de rejoindre le cockpit. Elle agita ses deux mains, comme les sécher après les avoir lavées. Tels les artistes et les sportifs accablés par des gestes qu'ils ne contrôlent plus vraiment, Saery entrait dans son personnage. Elle s'approcha du pilote pour retirer l'un des caches.

— Euh, pardon, mais qu'est-ce que vous faites, là ? Demanda le pilote, surpris.

— On est censé être en panne, il me semble.

La Jedi chercha un instant avant d'attraper un petit câble du bout des doigts. Elle le débrancha avec soin, mais ça n'empêcha pas les lumières du vaisseau de trembler. Un son électrique se fit entendre à l'arrière de l'engin.

— Tant que ça n'est pas rebranché, l'hyperdrive refusera de se lancer. Si cette sécurité à sauté et que quelqu'un s'amuse à le vérifier, ça justifiera l'interruption de notre voyage.

Le pilote hocha la tête et cligna des yeux, il n'arrivait pas à le croire. Cette jeune femme passait son temps à mettre le bazar dans ce vaisseau ! Amusée, Saery lui accorda un sourire avant de repartir.

— Bon allez ! Ma fille adorée, mon brave BR, il va falloir être convaincants. Alors si vous pouviez ne pas trop parler ce serait par-fait.

Quelques minutes plus tard, le vaisseau atterrit sur une plateforme que le vent faisait grincer. Le ciel gris, pollué par les nuages noirs que crachaient les grandes cheminées des usines de la capitale, n'éclairait qu'à peine l'arrivée du petit groupe qui descendait par la trappe du vaisseau. Quatre soldats trapus les attendaient.

— On s'arrête là ! Pas un pas de plus sans qu'on ait fait le tour du vaisseau. Ordonna l'un des kerdozhans.

— Il me semble que notre pilote vous a pourtant déjà expliqué la situation. Répondit Shilen, agacée.

Le museau de celui qui semblait commander se rapprocha du visage blanc de la jeune femme. Il expira longuement. Son haleine manqua de faire tousser la Jedi tant elle était meurtrière.

— C'est vous, la patronne ?

Saery hocha la tête, pleine d'assurance. Le chef la regarda un instant et recula son gros nez pour se redresser. D'un coup, il se mit à rire.

— Vraiment ? Une gamine, chef d'expédition ?

La gamine fronça les sourcils et serra son poing qu'elle ramena devant son visage. Après un soupir, elle se détendit.

— C'est toujours la même chose... Oui, c'est moi la boss ! Croyez-le ou non, j'ai peut-être votre âge. Bref...

Elle posa sa main sur l'épaule de Lauren avant de la tirer un peu vers elle.

— Voici ma fille. Même nom de famille, vous voyez ?

Du pouce, elle désigna les deux plaques qu'elles portaient autour du cou.

— À l'intérieur, notre pilote s'occupe de notre malade. Je vous déconseille d'ouvrir l'infirmerie sans prendre de précautions, à moins que vous ne vouliez passer la nuit sur le trône. Ajouta-t-elle plus bas, comme pour mettre le garde au secret.

Le kedorzhan sembla pris d'un frisson de dégoût.

— Et voilà, vous connaissez tout le monde, maintenant. Bon, on peut y aller ? Je dois trouver une pièce assez rare, notre amie n'est plus toute neuve... même si on en prend soin.

Shilen leva les yeux, pour admirer fièrement son vaisseau (enfin, le vaisseau que sa compagnie lui prêtait depuis plusieurs années, surement). Elle espérait que ces soldats n'allaient pas compliquer les choses.



Zerath Ular'Iim
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Il était étonnant que les kerdozhans s’intéressent à l’âge d’une humaine, nota mentalement Zerath. Il savait que la population de Anoat comportait une proportion non négligeable d’hommes et de femmes ; peut-être une forme de spécisme s’était-il développé de la part de l’espèce dominante à l’égard de la minorité secondaire ? Cependant s’ils s’étaient habitués à voir des humains, comment pouvaient-ils supposer que maître Vespen était une jeune pousse ? Peut-être était-ce par ce dédain typique des discriminations, cette caractérisation aveugle et hâtive : s’ils avaient gardé un œil plus neutre auraient-ils compris qu’on était là face à un individu adulte d’un âge déjà mûr et guère une humaine femelle à la sortie de l’âge adolescent. Mais fort de leur antipathie s’étaient-ils enorgueillis d’une catégorisation directe et sans conteste. Cette hypothèse satisfit l’esprit du Kaleesh. Il demeurait immobile au côté de sa prétendue maîtresse. Sous son masque polaire, ses yeux suivaient les gros rongeurs bipèdes qui avaient entamé un tour précieux et méticuleux du vaisseau, armes au poing, le museau renfrogné.

Le groupe avait laissé derrière lui le pôle et ses monts parjures. Zerath avait profité du temps à sa disposition pour mobiliser le pilote et tenter de rattacher et raccorder son bras. Le brave homme avait ouvert de grands yeux, face à une technologie qui lui était proprement étrangère mais le prélat connaissait ce corps ; ses hôtes Xi Char lui avaient enseigné les manœuvres les plus élémentaires, si ses membres venaient à faillir. Ceci incluait la maintenance régulière nécessaire à sa condition cybernétique. Sous la guidance de l’Ular’Iim, le maître du Derelict avait réussi à effectuer les soudures les plus critiques. Si certaines pièces pour parfaire la cohésion du bras ne pourraient être acquises qu’en terre civilisée et hospitalière, le résultat global était cependant suffisant pour la suite du voyage. Un droïde amputé d’un bras aurait par trop de raisons attiré les regards – on ne pouvait s’offrir le luxe d’une attention poussée du redoutable gouvernement.

Les rongeurs passaient au crible le vaisseau, chaque parcelle observée, inspectée, détaillée avec une suspicion renouvelée. Ils n’aimaient guère les humains et il était clair que toute excuse bonne pour enfermer « Shilen » et sa fille serait la bienvenue. Deux d’entre eux encadraient le trio d’espions républicain, tandis que deux se séparèrent du groupe amassé sur la plateforme d’atterrissage. Ils pénétrèrent dans le vaisseau. On entendit des objets malmenés avec une force brute. On ouvrait les caisses avec un agacement sans cesse plus marqué, on claquait les portes de placards en ne trouvant point d’outil miraculeusement compromettant. Bientôt le duo revint à la charge en quittant le Derelict. L’un entama une palpation méticuleuse de la jeune Lauren, puis de maître Vespen. L’autre humait l’air de son museau allongé, qui frémissait parfois de quelque odeur captée au gré du vent.

Il s’approcha alors de Zerath et commença à renifler autour de lui. Il s’approcha de quelques centimètres, puis recommença à sentir, sur ses vêtements, ses bras, ses épaules, son visage. Il se figea subitement. Puis prit une dernière inspiration, avant de se tourner vers son camarade, qui venait d’achever sa fouille - infructueuse au grommellement grognon qu’il laissait échapper. Son camarade s’approcha de lui et murmura par couinement quelque confidence, désignant de sa patte griffue et velue le Kaleesh. Ils échangèrent quelques secondes encore. L’Ular’Iim adressa un regard à ses deux camarades Jedi mais demeura silencieux. Sous son masque de ski, son regard était difficile à discerner. « Ne faites rien » aurait-il aimé pouvoir leur signifier silencieusement, mais son masque de ski dissimulait ses yeux, seule fenêtre de ses expressions faciales.

Le binôme revint dans sa direction, d’un pas légèrement sautillant. Des deux museaux effilés on voyait s’étirer des dentitions d’aiguilles en des sourires ladres et maniaques. Celui qui devait tenir le rôle de meneur de groupe s’approcha du Kaleesh et, à l’image de son collègue, se mit à humer l’air autour du cyborg, qui demeura muet comme une tombe. Le gros rongeur bipède s’arrêta, puis hocha de la tête à l’affirmative envers son camarade.


« - Tu sens l’acier. Duranium. Tu caches des armes ?  »

« - Je suis BR-00, dit le Kaleesh d’une voix aussi uniforme qu’il lui était donné de parler. Sa voix grave aux inflexions de tonnerre tranchait avec celle plus aiguë et nasillarde de l’énorme mulot-garou. Droïde multi-fonction au service de maîtresse Shilen. »

Le rat plissa les yeux.

« - T’as une drôle d’odeur en dehors du duranium...Une odeur de couleuvre. On fabrique les droïdes avec de la peau de serpent d’où tu viens ? »

Un frisson tiède parcourut l’échine de Zerath. Il pouvait dissimuler sa nature reptilienne sous un masque et une armure, mais cacher l’odeur était une autre paire de manches. Maudit soit le fin flair des kerdozhans ! Les émotions du Kaleesh manquèrent un instant de se déchaîner, mais il devait rester calme. Rester ferme, le succès de la mission – non, leur survie dépendait de ses prochaines phrases ! Sans s’octroyer le luxe même d’une respiration – car ç’aurait été dévoiler sa nature de cyborg et trahir son alibi du droïde – il dit :


« - Huile de vipère Oongdra et extrait d’alazhi rouge. Utilisés pour lubrifier mes articulations. Recette de Charros IV. »

Il y avait une odeur que les deux souris monstrueuses ne pouvaient avoir manquée : c’était celle du bacta, qui était appliqué en un bain mince sur la peau de Zerath pour favoriser sa cicatrisation. Si ses odeurs corporelles étaient très fortes, il était certain cependant que celle du bacta était non moins caractéristique. Ils attendaient sans doute de voir son excuse, pour le piéger sur un potentiel mensonge – ou une explication partiellement insuffisante. Ces rats étaient plus futés qu’ils n’en avaient l’air.


« - Alazhi rouge... » siffla le kerdozhan d’un air soupçonneux, lourd de malice.

« - Plus connue pour son utilisation dans la composition du célèbre bacta. »

Le duo échangea un regard. Le kerdozhan le plus proche du pseudo BR-00 porta la main vers sa cuisse, vers son arme. Les yeux du Kaleesh passèrent furtivement sur maître Vespen. Elle et sa padawan étaient entourées par seulement deux gardes. Elles pourraient s’en occuper rapidement. La question problématique : est-ce que Zerath pouvait réellement s’occuper des deux face à lui ? Compte tenu des facéties de son corps, il était tenté de penser que non. Il ne portait aucune arme visible – il avait pris soin de dissimuler sa vibro-épée aux couleurs républicaines dans un recoin du Derelict, une de ces fameuses « caches de contrebande ». Il ne portait pas de blaster, pas de poignard, pas d’outils. Ses générateurs de bouclier et son matériel d’alpinisme ? Une vibropioche, mais dans son sac à dos. Il pouvait peut-être briser la mâchoire de celui face à lui...L’autre sortirait probablement son arme pour tirer. Il fallait le neutraliser avant. Lancer le sac dans son ventre. Charger, ouvrir le sac, tirer la pioche, fracasser son crâne. Non, trop compliqué, il serait incapable d’ouvrir le sac avec ses mains. Fracasser la mâchoire du second d’un vigoureux coup de poing ? Il fallait toujours avaler la distance qui les séparait. Et il était sur ses gardes. Le temps qu’il neutralise le premier, le second avait tout le loisir de la réaction et de la contre-attaque. Ou pire. D’appeler des renforts.

Le garde droit devant Zerath tira de sa ceinture une petite radio et la porta à ses lèvres.


« - Secteur OK. Rien à voir. »

Et là-dessus le quatuor partit.

Si Zerath avait eu des muscles aux jambes et vingt ans d'expérience en moins, il se serait effondré d'émotions sans doute. Mais ni son âge avancé ni son corps artificiel ne lui autorisaient pareils émois. Aussi demeura-t-il campé là, immobile, sur ses pieds, tandis que le groupe de gardes s’éloignait du Derelict, hargneux de n’avoir rien trouvé.

Le Kaleesh patienta plusieurs minutes, s’assurant que les gardes ne revenaient pas en plus grand nombre. Il s’approcha alors de maître Vespen.


« - Maître Shilen, je crains que mes fonctions d’expression ne soient défaillantes. Pourrions nous y remédier pour que ceux qui doivent m’entendre en soient capables ? »

C’était une phrase codée. Zerath redoutait fortement que les gardes n’aient placé lors de leur fouille quelque mouchard, sur eux comme sur le vaisseau ; il ne pouvait se permettre de parler en toute sincérité et dans ses façons usuelles.

« - Je demande votre permission de n’aller à la recherche de notre précieuse pièce qu’une fois mes fonctions rétablies. »
Lauren Aresu
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  Lauren frémissait au contact des mains étrangères qui courraient le long de son corps. Son inconfort se lisait sur son visage fermé. Les yeux clos, elle esquivait le regard interrogateur des kerdozhans qui avaient pénétré leur vaisseau. Leur grande bouche barrait leur large figure à l’allure caustique. Seuls deux petits orifices, dans lesquels deux globes s’agitaient, surmontaient un proéminent nez. Les bras d’abord écartés, elle enfonça, une fois la fouille finie, les mains dans les poches du pantalon rapiécé qu’elle portait pour l’occasion, silencieuse.

  Leur œuvre conclue, l’un d’eux cracha quelques ordres dans une radio et ils descendirent du vaisseau d’un pas lourd. Le cyborg brisa le silence de ses paroles nébuleuses.

  « Pourquoi vos fonctions serai – ». La main de Saery se plaça subitement devant sa bouche. Elle porta ensuite l’index à ses lèvres.

  « Nous devons conti – ». Un « chut » plus ferme s’éleva. L’Echani renonça à poursuivre.

  « Je crois avoir remarqué un changement, en effet, répondit la Jedi. Je suis persuadée que notre ami pourra te préparer un nouveau module d’ici notre retour. Nous n’avons pas de temps à perdre. »

  Lauren demeura muette. Zerath acquiesça, le pilote également. Aussi désagréable cela était-il de ne pas comprendre la situation, elle se doutait qu’un détail lui avait probablement échappé. Ils récupérèrent leurs armes, sans mot dire, et s’extirpèrent du vaisseau.

  Anoat Polis, capitale et centre névralgique de cette planète maudite. De grandes usines, aux imposantes cheminées, déversaient des nuages noirs, indigestes, qui rendaient le paysage triste et fuligineux. La ville semblait ainsi hérissée, protégée comme une châtaigne dans son bogue. La souillure y régnait en maître dans chaque recoin. L’omniprésente poussière à l’aspect sépulcral recouvrait les façades des infrastructures autrefois brillantes. Ils cherchaient une usine, ils en avaient trouvé des dizaines.

  Une cinquantaine de mètres plus loin, Saery lança un regard réprobateur en direction de sa padawan.

  « Apprends à tenir ta langue quand je te le demande. Les kerdozhans ont peut-être installé des micros, nous n’en sommes pas sûrs. Ce n’est pas le moment d’éventer la raison de notre visite, n’est-ce pas ? expliqua-t-elle d’un ton plus grave.

  — Je comprends, maître, confirma Lauren. »

  Ils étaient obligés d’élever la voix pour couvrir le grondement incessant du balai des vaisseaux. De toutes parts, des ouvriers rompus à la tâche chargeaient et déchargeaient de colossaux cargos. Au-dessus d’eux, une gigantesque verrière chapeautait le spatioport, baignant les lieux d’une lumière terne.

  « Comment les habitants du coin, surtout avec leur odorat développé, vivent-ils dans ce tombeau ? demanda-t-elle en grimaçant. »

  Ils continuaient de faire route, se frayant sans ménagement un chemin au milieu d’une foule de travailleurs bourrus.

  Était-ce dans ces usines qu’ils transformaient le minerai excavé depuis la mine ? Que transportaient ces cargos ? Lauren n’en doutait pas. Parmi tous les visages qu’elle apercevait, bien peu devaient savoir ce qu’il se passait à des milliers de kilomètres d’ici. Et pourtant, indirectement, ils vivaient et s’enrichissaient tous sur le dos des prisonniers et esclaves qui laissaient leur vie, déjà enterrés dans ce qui serait leur hypogée. Le Code Jedi proscrivait les émotions et par tous les dieux aurait-elle aimé ne rien ressentir en ce jour. Son père et elle en avaient enduré, des horreurs. Mais c’était bien peu comparé à toute cette souffrance. Pire encore que sa douleur, celle des autres résonnait en Lauren comme un écho se réverbérant sur les hauts plafonds du Temple.

  « Par ici ! coupa maître Vespen, en virant vers la gauche. Nous allons louer un speeder, l’usine se trouve à plusieurs kilomètres. »

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