Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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Yeux rivés sur cet horizon à couper le souffle, Ragda Rejliidic senti soudain un afflux d’émotions rayonner depuis son cerveau jusqu’au reste de son volumineux corps poisseux. Si fort, que l’espace d’une seconde qui lui sembla un millénaire, des picotements cutanés lui déclenchèrent une série de frissons presque douloureux. Tout son système nerveux s’était emballé, soumis à ce flot inintelligible, mélange chaotiques de sensations et de souvenirs émiettés, qui venait de prendre possession de toutes ses facultés cérébrales… Jusqu’à ce qu’une bourraque viennent le chasser, comme un coup de balais sur les poussières d’un passé perdu à jamais. Il secoua sa large tête triangulaire, laissa échapper un soupire sonore. Malgré cette tristesse qui ne semblait plus vouloir quitter son regard globuleux, un sourire s’esquissa sur les traits disgracieux du Hutt.

Boz Pity. Plus qu’un nouveau foyer… Un nouveau départ. Cette pensée se mua en son for intérieur en un ilot de sérénité. Non, plus qu’un ilot. Un roc inébranlable autour duquel se cristallisa sa pensée recomposée. Un havre mental à l’intérieur duquel il pouvait sauvegarder sa raison alors que le tourbillon émotionnel, telle une tornade, menaçait de le déchiqueter. Le poids de ses échecs pesait sur sa conscience, le mutilant de l’intérieur comme autant de coups de poignards. Sordide ironie du destin. Plus il passait de temps ici, sur ce monde, entouré des Refugiens, plus cette sensation lui semblait insoutenable. Il avait arrêté de courir après le pouvoir, arrêté de comploter contre ceux qui l’entouraient… Et à l’instar du lièvre qui stoppe sa course effrénée pour reprendre sa respiration, le terrible prédateur qu’était devenue sa conscience si longtemps étouffée s’était jeté sur lui pour le dévorer. Alors il s’était bâti autour de lui une armure derrière laquelle il refoulait ses sentiments, se noyant corps et âme dans cette mission qu’il s’était lui-même donnée : celle de maintenir à flot l’économie de Refuge… Mais lorsque le poids sur ses épaules menaçait de lui rompre sa colonne cartilagineuse, il montait ici, sur ce qui se rapprochait le plus du toit du monde, afin de quitter son masque d’impassibilité, et de laisser libre cours à ses émotions, ses souvenirs douloureux.

Le vent siffla de nouveau, fouettant son visage, son corps nu couvert de mucus. Frais, revigorant, sous ce soleil dont, déjà, malgré l’heure matinale, les rayons dardaient d’une chaleur implacable. Juché sur son chariot répulseur, à flanc du canyon millénaire qui protégeait de sa masse Refuge à une centaine de mètres en contrebas, Ragda ne parvenait à se détacher du panorama grandiose. Seule cette vision de nature sauvage l’apaisait dans ces moments où il sentait le besoin de relâcher la pression.

Ainsi il se tenait là, à quelques centimètres seulement du précipice, les yeux perdus dans le lointain, le visage déformé par un rictus difficilement descriptible tant ses traits s’étaient relâchés. Et comme à chaque fois qu’il montait ici, l’espace d’une folle et unique seconde, il entendit comme une voix, à l’intérieur de son crâne, expression d’une pulsion perfide, qui lui ordonnait d’en finir, une bonne fois pour toute. La chute aurait été à coup sûr mortelle, à n’en point douter… Une fin rapide, facile… Un seul geste, et tous ses problèmes, toutes ses pensées, tous ses regrets disparaitraient, brisés en mille morceau à l’instar de sa boite crânienne. Mais à peine cette idée fut-elle née, qu’elle fut refoulée. Jamais, au cours de sa vie, Ragda ne s’était laissé dicter ses actes par des pulsions aussi primaires, jamais il n’avait cédé à la facilité. Le mot abandonner ne figurait pas dans son vocabulaire…

Ce sursaut lui fit cligner des yeux. Il réalisa n’avoir esquivé le moindre geste depuis de longues, très longues minutes. Ainsi, au lieu d’ordonner à son chariot répulseur d’avancer, il se laissa choir en arrière, mollement, tas de graisse et de bourrelets de peau informes. Sous lui, les coussins cramoisis se déformèrent sous son poids, presque au point d’éclater. Ses yeux quittèrent l’horizon arboré de l’autre côté du canyon, pour se fixer sur les nuages vaporeux au-dessus de sa tête. Blancs, éparses, annonciateurs d’une journée magnifique. Il inspira profondément… Puis expira. Renouvelant l’opération jusqu’à définitivement chasser cette pulsion malsaine d’autodestruction.

Puis, il ferma les yeux, tenta de faire prendre forme, dans son esprit, cette idée de roc inébranlable au cœur de la tourmente de ses sentiments refoulés. L’image lui parue d’abord floue, avant de prendre une forme plus concrète… Une ile rocheuse flottante au milieu du néant, étrangement proche de la forme de son chariot répulseur. Il s’imagina dessus, allongé, calme, serein, comme endormi. L’air frais, les chants des oiseaux matinaux, la caresse du soleil…. Tous ces éléments extérieurs alimentaient sa pensée intérieure. Mais rapidement, l’environnement changea. Tout autour de son ilot se formèrent des volutes obscures, zébrés d’éclairs aveuglants qui tonnaient comme des centaines de tambours de guerre. Le vent se leva, sifflant de plus en plus fort. Un cyclone se formait… Et il se retrouvait au centre de son œil. Le visage du Hutt se crispa tandis que sa volonté cherchait à le chasser. Mais irrémédiablement, la tempête se rapprochait… Elle l’englobait de sa masse… Jusqu’à ce que son ilot de sérénité ne fusse plus qu’un tas de roches déchirées par les vents chaotiques, désintégré par la violence de ses émotions incontrôlées.

Alors, rouvrant les yeux, Ragda se redressa, hurlant à l’horizon :

« PUTAIN DE CONNERIES DE MERDE ! »

Sa petite main s’empara du datapad posé sur le tableau de bord de son chariot… Et dans un geste de pure colère, il le jeta dans le vide devant lui. L’appareil mis plusieurs dizaines de secondes avant de percuter avec une violence folle le sol, à proximité de Refuge. Il explosa en une myriade de morceaux, réduit en bouillie par la force de l’impact.

« Fait chier ! » reprit-il, cherchant du regard un autre objet à jeter, avant de reprendre péniblement le contrôle de son être. « Connerie de méditation ! J’y arriverais jamais ! » Il s’était tellement concentré que ses paupières lui avaient pressé les orbites au point de les rendre douloureuses. « Tu m’entends la Force hein ?! Espèce de... de... De je sais pas quoi !! » Cria-t-il encore, crachant postillons sur postillons, son petit doigt rageur levé vers les cieux indifférents à ses états d’âme. Il pesta encore de longues minutes, frustré par un sentiment d’impuissance insoutenable. Il se sentait comme un estropié… Doté d’un pouvoir mais incapable de le contrôler… Entrer méditation lui demandait des efforts inimaginables. Déjà plus qu’une année que Velvet tentait de l’aider… Mais peine perdue… Elle-même finirait par abandonner. Elle lui avait conseillé plusieurs fois d’arrêter de chercher à repousser ce passé qui le hantait un peu plus chaque jour, de l’embrasser, de l’intégrer comme était un élément à part entière de ce qu’il était devenu aujourd’hui. Tout cela avait du sens en soit… Dans la théorie tout du moins… Mais dans la pratique. Conneries ! Bien trop de choses lui tournaient en permanence dans la tête pour y faire le moindre vide ! Par deux fois, elle avait même tenté d’entrer directement dans son esprit pour lui montrer la marche à suivre… Mais les Hutt disposaient d’une résistance naturelle aux pouvoirs mentaux de la Force. Elle n’y était parvenue… A sa connaissance, seule une personne avait été capable de les passer : Halussius. Lorsque l’Ex-chancelier l’avait torturé mentalement. Il était clair que l’Artorien disposait d’un grand pouvoir, alors décuplé par une profonde rage.

Peut-être lui faudrait-il encore du temps pour digérer ses regrets. Avec du recul, il avait l’impression que sa vie n’avait été qu’un château de cartes instables, dont chaque étage n’était formé que d’une couche supplémentaire de mensonges et de trahisons destinés à cacher ceux du dessous. Aveuglé par ses ambitions, il s’était fait happé corps et âme par ses machinations… Jusqu’à tout perdre. Presque tout perdre.

Par vengeance envers ses frères, il avait orchestré la chute du clan Rejliidic, bien des années avant de devenir Ministre de l’économie… Puis il avait pactisé avec Ynnitach, dans le dos d’Halussius, lui offrant l’ex-Chancelier sur un plateau en échange de quelques miettes de pouvoir lui semblant à présent bien vaines… Certains avaient été sur le point de le découvrir. Maudis Janos. Il avait fallu mentir toujours plus, faire échouer les négociations sur Flydon Maxima au prix d’un véritable bain de sang. Et pour couvrir cela, il lui avait fallu encore trahir, l’impératrice cette fois. Même la création de la Ligue des Mondes Périphériques n’avait été qu’un écran de fumée pour cacher d’autres machinations.

Mensonges, encore des mensonges… Jusqu’à ce que Borenga parvienne à lui mettre la main dessus, et le fasse chanter pour le rallier à sa cause. Même là, Ragda s’était imaginé que ces nouvelles intrigues lui permettraient de couvrir ses arrières. Mais la crise de Makem Te lui avait explosé au visage. La LMP arrêtée, il n’avait eu d’autre choix que de s’exiler, d’offrir ses services à son nouveau maitre… Qu’il avait ensuite trahi, espérant gagner le respect des autres Kajidic, pour la plupart opposés aux méthodes du Seigneur de Guerre Borenga. Là encore… Peine perdue. Les Hutt s’étaient servis de lui pour éradiquer cet adversaire gênant… Avant de lui offrir en retour une minuscule planète déserte, Boz Pity, où, certainement, ils espéraient qu’il disparaitrait pour le reste de sa longue et insignifiante vie.

Un terrible résumé. Mais, par-dessus tout, il regrettait une chose : la perte de sa progéniture, Alan, enlevé par le Temple Jedi après la découverte de sa sensibilité à la Force. Le pire, c’était qu’il ne se souvenait qu’à peine de lui, tant il avait abusé des stimulants intellectuels durant cette période, au point d’en faire une overdose qu’il lui avait valu une grave opération du cerveau. Et…

Ragda fut soudain coupé dans ses pensées. Malgré ses pouvoirs limités, la Force lui offrait une sensibilité accrue à son environnement direct. Sans avoir besoin de tourner la tête, il sut qu’une personne approchait. Son aura le fit frissonner, alors que les souvenirs de la torture mentale lui revenaient par bribes en mémoire. Halussius.

« Ne me dites pas que vous êtes venu terminer le travail… » fit-il, s’efforçant de ricaner malgré la peur viscérale que l’Artorien lui inspirait. La phrase avait été lancée comme une boutade. Ragda savait pertinemment qu’Halussius aurait pu cacher sa présence s’il avait désiré le surprendre. Il inspira profondément, de nouveau le regard rivé sur l’horizon. « Je me suis toujours posé une question, Halussius. Pourquoi moi ? Pourquoi, dès notre première rencontre, m’avoir choisi comme Ministre de l’Economie ? » Cette époque semblait si… loin. « Avez-vous senti quelque chose en moi ? Comme un écho dans la Force ? Même si ma sensibilité s’est révélée après la naissance d’Alan, j’imagine qu’il devait émaner de moi une aura différente de celle des autres ? Vous n'allez quand même pas dire que ma tête vous inspirait confiance... » A vrai dire, Ragda ignorait lui-même pourquoi cette question lui venait à l’esprit à cet instant précis. Peut-être était-ce d’avoir ressassé le passé qui l’avait conduit à cette réflexion. Ou bien, de manière plus perfide, cherchait-il à savoir si Halussius lui avait caché quelque chose durant toutes ces années, comme lui-même l’avait fait…
Halussius Arnor
Halussius Arnor
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La Force... Depuis son séjour sur Anoth et le temps passé en compagnie d'Atheras, Halussius l'envisageait de manière différente. Énergie mystique ayant sa volonté propre, du moins une forme de volonté ou énergie fondamentale à l'origine de l'univers et le maintenant dans un tout ? Il avait été élevé dans la philosophie de la première hypothèse et n'était adepte de la seconde hypothèse que depuis quelques années maintenant. La vérité résidait peut être dans le fait que la Force est une chose qui dépasse la compréhension générale et que si elle est bien extérieure à notre univers et de fait présente par accident, d'après ce qu'Atheras lui avait révélé, alors le plus sage serait encore d'admettre que jamais la véritable nature de la Force, ni son fonctionnement intrinsèque ne seront jamais connus des sensitifs comme des non sensitifs de cet univers.

Qu'elle est une volonté propre ou non, produit d'une forme de conscience, Halussius devait admettre que si la Force ne lui avait pas transmis un pré-sentiment le poussant à faire un pas de côté, il se serait prit le datapad s'essayant au vol sur la tête, violemment. Regardant l'espace d'un instant l'objet démantelé par l'impact, l'ancien Jedi leva ensuite les yeux au ciel, tentant de voir d'où l'objet pouvait venir. Il ne remarqua aucun vaisseau ni transport d'aucune sorte que se soit au loin ou aux abords de Refuge. Son regard se posa alors que ce qu'il cru voir comme étant une ombre se mouvoir au bord du relief surplombant la vallée de Refuge.


 *Curieux...*

Halussius détourna alors le regard et se pencha légèrement pour se saisir de la partie de l'enveloppe du datapad encore saisissable. Aussitôt, ses fins récepteurs olfactifs s'en trouvèrent sollicité lorsque la discrète mais néanmoins caractéristique odeur de sécrétion propre à une espèce très particulière se présenta à eux. Halussius en était familier. Il reporta son regard sur les hauteurs laissant son esprit à ses réflexions...

Le chemin menant sur les hauteurs du relief n'était pas une promenade de santé... La pause qu'il était contraint de s'octroyer rappelait à Halussius qu'en dépit de ses connaissances et de ses maîtrises de la Force, il restait un être de chaire et de sang. Non pas qu'Halussius se soit découvert une quelconque forme d'orgueil ou de supériorité, ce n'était pas dans sa nature ni dans son caractère, mais prendre conscience de sa condition modeste par rapport au reste de l'univers était l'une de clé pour accéder à certains usage de la Force... Mais pour revenir à des considérations plus primaires, Halussius se disait que par chance, il ne lui restait plus qu'un tiers du sentier à arpenter pour atteindre le plateau rocheux. Il pouvait heureusement s'aider de son bâton pour poursuivre sa ascension.

Arrivé à une centaine de mètres de sa destination, Halussius ne put se retenir d'enlever sa longue veste plaquée de renforts métalliques blindés. Elle restait très légère certes mais totalement superflus et pesante en la circonstance. Aussitôt retirée, Halussius put se délecter du vent léger courant le long du sentier, transperçant le tissu humide de sa chemise et apportant une fraîcheur salvatrice à sa peau. Mais ce n'est pas la seule chose qui attira les sens d'Halussius... Il percevait une présence dans la Force à présent, toute proche de lui. Cette présence lui était familière à présent bien qu'ayant subit une évolution. Comme il l'avait pensé en bas, en observant le datapad, cela ne pouvait être que le seul Hutt de Refuge.

Il poursuivit donc son chemin jusqu'à en avoir la confirmation visuelle. Ragda se tenait là, toujours accompagné par son élévateur personnel... Lui aussi avait perçu sa présence en témoigne l'interpellation à son encontre. Halussius se stoppa l'espace d'une seconde en fixant son regard sur Ragda. « Terminer le travail... »... Il n'en était plus là... Ils n'en avait cependant jamais réellement parlé entre eux... De ce lien si singulier entre eux... Halussius percevait la frayeur de Ragda. Pourtant, Halussius dégageait presque naturellement une aura apaisante dans la Force depuis qu'il avait quitté Anoth et Atheras. Ragda n'y était peut être pas sensible...

Alors qu'il achevait de s'approcher du Hutt, Halussius l'écouta poursuivre ses questionnements. Cela ne manquait pas de pertinence... Tout en écoutant Ragda finir, Halussius se mit à quelques mètres de lui, et s'assit par terre. Il déposa son bâton à côté de lui ainsi que sa veste un peu plus loin avant de mettre ses jambes en tailleur et de reprendre son souffle à la faveur de la brise qui balayait le plateau... Il faisait comme si de rien n'était... Mais après une minute, sa voix s'éleva jusqu'à Ragda.


 « Qui ferait confiance à un Hutt, en toute conscience ? »

Il marqua une pause en esquissant un petit sourire amusé.

 « Non, je n'ai pas senti ni lien ni écho dans la Force... A chaque fois que je tentais de te percevoir dans la Force, je me heurtais à un mur. J'étais loin de me douter que tu avais un lien latent avec la Force.

Pourquoi je t'ai choisi à l'époque ? Tout simplement parce que tu étais comme moi, un étranger, une anomalie dans cette sphère si spéciale de la politique... Ils ne nous faisaient pas confiance, ils se disaient tous que nous n'avions pas notre place là où nous étions... Je voulais leur montrer que nous pouvions améliorer la situation...

Lorsque je te regardais, je ne voulais pas voir le Hutt roublard et calculateur que tu étais, je voulais voir le Hutt qui avait tout le potentiel pour accomplir un travail remarquable.


Ragda et lui étaient côtes à côtes, séparés de plusieurs mètres. Halusisus regardait vers l'horizon, puisant dans ses pensées profondes pour répondre aux interrogations de Ragda... Il s'était lui même posé ces mêmes questions et n'avait réussi à trouver la réponse que sur Anoth.

 « Ne crois pas que j'étais naïf, Ragda. Je n'ignorais rien des combines et des petits « arrangements » que tu orchestrais lorsque tu étais ministre. Une fois réformé, j'avais demandé aux Renseignements de te surveiller et de me rendre compte. Mon autorité de Chancelier me permettait de faire passer certaines choses sous silence, d'en faire purement et simplement disparaître d'autres... Pourquoi je le faisais ? Je ne me l'explique pas, encore aujourd'hui. Peut être avais-tu réussi d'une certaine manière à me faire croire que je pouvais te faire confiance et qu'au fond toutes ces magouilles n'étaient pas à prendre en compte...

Mais je t'ai sous-estimé, je l'avoue. Je n'ai pas vu venir cette entente entre Darth Ynnitach et toi... et ta trahison.

Vois-tu... tu as trahis la République, tu m'as trahis moi, tu m'as presque fais assassiner et chercher à prendre le pouvoir... Mais cela, je pouvais le supporter. Mais tu m'as déçu ce jour là, lorsque nous étions autour de la table avec Ynnitach et que tout s'est révélé. Trahir quelqu'un est une chose, Ragda, mais la déception est le plus mortel sentiment que l'on peut susciter chez une personne.


Ragda Rejliidic
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« J’ai trahi et déçu beaucoup de monde… » Répondit Ragda, le regard perdu sur l'horizon. Les mots s’étaient échappés de sa large gorge, comme dotés d’une vie propre, alors que son esprit peinait à réprimer cette peur instinctive que même l’aura apaisante de l’ex-chancelier ne parvenait à calmer. Ses tripes se nouèrent un peu plus, tandis que son cœur s’emballait sous sa graisseuse poitrine. Un flot de sensations écœurantes le firent frissonner, alors qu’il repensait aux tortures que lui avait infligés son vieil ami. Jamais, auparavant, un être avait su pénétrer ses défenses mentales pourtant naturellement solides. Ce… Viol… Lui avait laissé une marque qui ne s’effacerait jamais complètement avec le temps. Cette frustration se fit rapidement l’écho d’une sourde colère, née de l’impuissance qu’il avait ressentie, ce jour-là, incapable de résister aux assauts furieux d’un être en qui il avait eu un jour toute confiance. La déception… Oui, il ne connaissait que trop bien cette sensation. « Mais toi aussi tu m’as déçu, Halussius » reprit-il, s’étonnant lui-même de la froideur tranchante avec laquelle il avait prononcé ces mots accusateurs. « Je ne te demande ni de comprendre ni d’excuser mes choix… Mais d’entre nous d’eux, un seul a tenté d’assassiner l’autre. Et c’est toi. »

La colère fit naître en lui un regain de courage, de témérité. Ragda tourna son énorme tête difforme pour poser son regard globuleux dans celui de son ex-ami. A cet instant, il ignorait ce qu’il y trouverait… Mais n’ayant plus rien à perdre, excepté une vie brisée, il se sentait prêt à tout affronter, même le pire. « Jamais je n’ai cherché à te nuire… J’ai fait de très mauvais choix, pour de très mauvaises raisons. J’ai choisi de sacrifier des vies innocentes dans l’optique d’acquérir plus de pouvoir personnel. Je ne le nie pas, j’en assume chaque jour les conséquences… Mais jamais, jamais je n’ai désiré ta capture. Ce n’est pas moi qui t’es poussé, ce jour-là, à prendre le commandement des armées Républicaines pour sauver ton monde natal. Alors que toi… Tu étais prêt à me tuer de tes propres mains. Tu es entré dans mon esprit, pour mieux me torturer. Si Velvet n’avait été là… » La conclusion de cette phrase mourut avant même de sortir de sa large gorge. Il secoua la tête. « Ai-je mérité ce qui m’arrive ? Certainement. Mais jamais je n’aurais pensé que tu puisses tomber aussi bas, mon vieil ami… Alors oui, je connais très bien ce sentiment de déception dont tu parles… »

Cette tirade, Ragda l’avait prononcé d’une traite, sans reprendre sa respiration, ne laissait place à aucune interruption. Il vidait son sac de tout ce qu’il avait accumulé depuis ses retrouvailles mouvementées avec l’ex-chancelier. Étrangement, la colère se dissipa rapidement, laissant à la place un vide qu’aucune émotion ne désirait combler. « J’ai fait de très mauvais choix, pour de très mauvaises raisons. » répéta-t-il, en un murmure à peine audible. « Je ne sais pas comment l’expliquer. Sur le moment ceux-ci me semblaient… Evidents. J’étais comme aveuglé par une soif boulimique de pouvoir. Plus j’en obtenais, plus j’en voulais… Et j’étais prêt à tous les sacrifices pour l’obtenir. Presque tous.

N’oublie pas que je suis venu en personne te sortir des griffes de l’Impératrice. J’aurais pu rester au chaud sur Coruscant, te laisser moisir dans ses geôles tout en profitant des miettes de pouvoir que j’avais grapillé en ton absence. Au lieu de ça, j’ai pris un risque, j’ai fait un pari. Bien sûr je ne l’ai pas fait sans arrière-pensée ! Je me voyais déjà revenir en sauveur, doté d’une notoriété qui m’aurait permis de briguer le poste de Chancelier Suprême… J’avais tout prévu ! Mais, j’ai perdu. L’Empire m’a roulé. Le Sénat m’a poignardé dans le dos.

J’ai échoué. Et cet échec a été le premier d’une longue série… Mais sache ceci : ce risque que j’ai pris pour toi, jamais je ne l’aurais pris pour personne d’autre. »


Ragda inspira profondément pour reprendre son souffle. Peut-être que sa logique était biaisée, peut-être Halussius ne verrait jamais ces événements de la même manière. D’ailleurs il ne s’attendait pas à ce que son vieil ami le croit sur parole. Bien trop de mensonges les séparaient. Ragda n’était même plus certain de se croire lui-même, tant mentir était devenu pour lui une seconde nature, au point d’en déformer ses souvenirs. Pour autant, ces mots, il les avait lâchés avec assurance, même si au fond de lui une terrible question l’assaillait. Il parlait de lui-même au passé, comme un être ayant profondément changé. Mais avait-il réellement changé ? Cette soif de pouvoir avait-elle disparue ? Ou était-elle seulement endormie, n’attendant que le moment où il recouvrerait un semblant de puissanxz pour resurgir ? Il l’ignorait, sincèrement.

« Depuis que j’ai pris conscience de l’existence de la Force, je cherche des réponses. Velvet tente de me guider sur la voie du repentir… D’après elle, je dois assumer mes choix, les assimiler comme étant une part du moi que je suis aujourd’hui. Mais je n’y arrive pas. Mes erreurs me hantent. » dit-il, avant que son regard ne devienne plus intense, comme cherchant à sonder l’âme de son interlocuteur. « Et toi, comment fais-tu pour être aussi… Serein ? Comment fais-tu pour trouver cette paix intérieure que tu projettes autour de toi avec tant de… Facilité ? » Tous deux, par leurs choix, à cause leurs échecs, portaient sur les mains le sang de victimes innocentes causées par la chaîne d’événements violents s’étant succédés depuis la débâcle d’Artorias. Oui, Ragda avait trahi. S’il avait agit différemment, le désastre aurait pu être évité, tué dans l’œuf… Mais à ses yeux, Halussius portait lui aussi sa part de responsabilité, lui qui s’était jette tête la première dans la bataille sans en mesurer les conséquences.

D’une certaine manière, se dit-il, leurs destins avaient été tracés dès l’instant où Halussius lui avait proposé ce poste de Ministre. Cette pensée lui arracha un sourire mélancolique. « Te rends-tu compte que notre première rencontre, cette proposition que tu m’as faite… N’est autre que le point de départ de la guerre que nous vivons aujourd’hui ? » Devait-il y voir là l’œuvre de la Force ? Etait-ce Sa volonté ? Avaient-ils été les pions d’une entité mystique que certains croyaient dotés d’une conscience propre ? Il l’ignorait. Il ignorait tant de chose sur la Force… Mais, pour autant, à ses yeux, il lui apparaissait clair qu’un lien étrange existait encore Halussius et lui. Sinon comment expliquer qu’ils se puissent retrouver aujourd’hui, face à face, à poser les premières pierres d’un refuge qui menaçait de remettre en cause la vision manichéennes des Ordres Sith et Jedi… Quelles en seraient les conséquences ? Ne seraient-ils pas les architectes d’un nouveau schisme ?

Une bourrasque plus violente que les autres chassa ces folles pensées. Le vent emportait dans son sillages les parfums enivrants de fleurs exotiques. Des feuilles arrachées aux arbres de l’autre côté du canyon échouèrent sur les bourrelets poisseux du Hutt, prisonnières du mucus. Ragda se senti comme l’une d’elle, prisonnier d’une toile si grande, nommée Force, qu’il n’en distinguait ni les tenants, ni les aboutissants. Peut-être était-ce la crainte d’avoir été le jouet d’une puissance dont il ne comprenait rien qui l’empêchait d’avancer ?
Halussius Arnor
Halussius Arnor
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Le regard dispersé dans le vague de l'horizon n’empêchait pas Halussius d'écouter Ragda avec toute l'attention dont il savait faire preuve. Il l'écoutait et à mesure que les propos de Ragda se suivaient, un petit sourire de plus en plus prononcé se dessinait sur les lèvres de l'ancien Chancelier suprême. Tout en écoutant, il arrivait à percevoir légèrement les modulations de l'humeur de con compagnon hutt, ce qui le poussa à le regarder l'espace d'un instant avant de reposer son regard sur l'horizon.

 « Ragda... Beaucoup pourrons te ressembler dans cette galaxie mais aucun autre ne pourra t'égaler. »

Il ponctua sa phrase d'un léger éclat de rire spontané et sincère qui n'avait rien de moqueur ou de désagréable.

 « Hahaha !! Tu n'as pas cherché à me nuire ? Allons voyons... Crois tu vraiment à ce que tu dis ou tu as peur d'accepter la réalité ? Tu l'as dis toi même tu as fais des choix dans le but d'acquérir plus de pouvoir encore que tu n'en avais en étant ministre... Mais au détriment de qui allait ce faire ce gain de pouvoir ? Qui possédait plus de pouvoir toi dans la République ?

Mon ami, je veux bien croire que tu ne voulais pas attenter à ma vie... Mais tu as cherché à me nuire en tant que Chancelier suprême pour ton propre profit... Et tu me reproche maintenant d'avoir fais mon devoir en contradiction avec ta forfaiture ? Honnêtement, Ragda, à quoi tu t'attendais ? Pensais tu vraiment que tu arriverai à tenir Ynnitach dans ta main, de près ou de loin ?

Tu as tenté un coup de poker sans prendre en compte tous les éléments... Lorsque l'on joue à ce genre de jeu, mon ami, il faut en accepter les risques et les conséquences et surtout que les événements puissent t'échapper...


Son regard s'était tourné vers Ragda, les mots étaient ce qu'ils étaient... Halussius ne transmettais cependant aucune animosité ni même une seule once de rancœur et de colère. Il arborait toujours ce regard aimable et avenant, comme si Ragda et lui partageaient de belles anecdotes.

 « Je comprends ta déception, Ragda. Mais on récolte ce que l'on sème... Vois tu, de part ta condition naturelle, tu ne pourras jamais subir et être affecté comme je l'ai été sur le vaisseau de Ynnitach. Tu ne pourras jamais comprendre ni ressentir ce que cela fait d'être exposé à une source si intense du Côté obscur...

Celui que j'étais sur ce vaisseau, celui que tu as connu est mort, Ragda. Tu as participé à se disparition, comme Ynnitach et tout comme moi, par mes propres erreurs. On ne peut changer cela... J'ai mis du temps l'accepter, crois moi mon ami. Te vas devoir t'habituer à ce nouveau moi comme je vais devoir m'habituer à ce nouveau toi.


Il marqua une pause tout en se levant tranquillement. Après avoir réajusté et épousté quelque peu ses vêtements, il ajouta.

 « J'étais sincère lorsque j'ai voulu te tuer. C'était un choix précis et bien pensé. Mais il me manquait une donnée... Je ne regrettes pas ce que je t'ai subir. Mais aujourd'hui, je suis tout aussi sincère et déterminé à ce que nous puissions travailler ensemble et nous entendre. »

Il s'était approché de Ragda, suffisamment pour discerner sa peau suintante... Comme pour l'apaiser ou bien lui témoigner un quelconque geste amical, Halussius posa sa main sur son épaule grasse d'une étreinte amical et masculine. Il resta là un instant avant de retirer sa main, qu'il sentait légèrement graisseuse mais n'y accordant pas d'importance.

 « La sérénité ne vient pas d'un seul coup, Ragda. Il faut la chercher et, avant cela, se mettre en l'état de la recevoir. Je ne te cache pas que la tâche est considérable...

Pendant des années, j'ai laissé mes choix, mes remords, ma colère, ma peine et ma terreur me hanter... à tel point que j'avais décidé de renoncer à la Force, à cause du danger que j'étais devenu. Mais j'ai reçu un soutien... que je dirai inattendu.

Ce que Velvet te dis est vrai... il faut que tu assumes tes choix, les erreurs et les conséquences que cela à produit. Les assumer ne veut pas dire les cautionner ou encore faire comme si de rien n'était, non. Les assumer c'est accepter les émotions et les sentiments que cela provoque en nous...


Derrière eux, le sol se trouvait parsemé ici et là par des petits trous peu profond rempli par de l'eau de pluie et de l'eau de condensation... Tandis qu'il parlait à Ragda, Halussius tendit la main vers l'une de ces flaques stagnantes et lorsqu'il eut fini prononça un seul mot.

 « Nén... »

Aussitôt l'eau de la flaque s'éleva et fila directement au creux de la paume de la main d'Halussius. Mettant sa main entre lui et Ragda, Halussius regardait la masse d'eau qui formait à présent une sphère parfaite.

 « Ce que tu ressens à la pensée de tes erreurs, il ne faut pas que tu le rejette. Cela fait partie de toi... »

Halussius leva légèrement la main dans laquelle se trouvait la sphère d'eau et placa son autre main en dessous. L'eau s'écoula alors d'une main à l'autre et se reconstitua en une sphère. Halussius répéta la démonstration plusieurs fois avant de reprendre.

 « Nos émotions, négatives ou positives, sont comme de l'eau. Parfois de simples ruisseaux mais qui peuvent se transformer en véritables torrents. Mais quelque soit l'intensité, cette eau ne stagne pas, elle s'écoule... comme nos émotions. Ils faut les laisser couler et t'en détacher. »
Ragda Rejliidic
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Halussius n’avait rien compris, pensa le Hutt, la face pincée en un rictus de dépit, ses énormes yeux devenus des fentes à peines visibles sous les bourrelets de ses sourcils. Ou alors… Il ne voulait pas comprendre. Quoi qu’ait pu faire Ragda, jamais il n’avait cherché à l’atteindre personnellement. Bien au contraire, le fait qu’ils se soient avec le temps lié d’une amitié sincère, l’avait conduit à accélérer ses plans : cause racine de la succession de ses échecs. Mais cette pensée, le Hutt se la garda bien pour lui, tout au fond de son esprit, sachant pertinemment ils pourraient débattre pendant des heures sur le sujet sans jamais parvenir à le faire entendre à son interlocuteur. Insister n’aurait fait qu’envenimer leur relation brisée alors même qu’ils réapprenaient à vivre à proximité l’un de l’autre. A mieux y réfléchir, Halussius ne pouvait pas comprendre. Pas qu’il soit limité comme la plupart des humains qu’il ait fréquenté… Non… Leur passif commun avait élevé entre eux un mur d’incompréhension qui peut-être ne disparaitrait jamais totalement. L’ex-Chancelier semblait s’être résolu à accepter le fait que Ragda puisse regretter ses choix, et… Probablement parce qu’il tenait Velvet en haute estime, il avait su mettre de côté sa colère pour le bien de Refuge. Pour sa part, Rejliidic, désireux de profiter de cette seconde chance, avait promis à Velvet de ne chercher querelle à cet ex-ami pour qui il gardait une profonde rancune. Une rancune doublée d’une peur viscérale alors que les images de ce viol mental lui revenaient inlassablement en mémoire.

Là s’arrêtait leur relation présente. Leur amitié n’était plus qu’un tas de cendres. Des cendres ayant cessées de fumer depuis des années déjà. Une relation brisée en mille morceaux, au milieu desquels seule Velvet œuvrait à l’instar d’un tube de colle grossière. Certes l’image n’avait rien de flatteuse, surtout pour la Mirialan. Mais elle témoignait pourtant d’un sordide état de fait que ni le Hutt, ni l’ex-Chancelier ne pouvaient ignorer.

Pour autant, à chaque fois qu’il repensait à leur relation passée, le Hutt ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine… nostalgie. Il se revoyait au Sénat, dans son rôle de Ministre de l’Economie. Tout semblait alors si… simple. Bien avant que la galaxie ne soit déchirée par les conflits opposant la République et l’Empire… Bien avant que Borenga, pion d’une puissante Sith toujours cachée dans les ombres, ne le contraigne à quitter son ancienne vie. Il se remémorait ces interminables réunions, ces conseils des Ministres, ces débats autour des réformes constitutionnelles, de la refonte de l’économie Républicaine… Ces jeux d’esprits, ces joutes verbales, ces guerres intellectuelles, lui manquaient terriblement. En était-ce de même pour Halussius ? Ou bien celui-ci était-il passé à autre chose ? Par expérience, Ragda savait que les humains pouvaient s’adapter rapidement aux changements : leur courte espérance de vie les poussait à rebondir avec célérité. Les Hutts, eux, pouvaient vivre dans la rancœur et les regrets pendant des décennies entières avant de se reprendre en main…

Il résultait de toutes ces pensées un maelstrom de sentiments contradictoires indescriptibles. Pour le bien de Refuge, pour Velvet, pour tous ces souvenirs, en mémoire à cette amitié passée, Ragda lui aussi désirait, sincèrement, trouver un équilibre lui permettant de travailler de nouveau avec Halussius. Les mots du Jedi se firent l’écho de cette conclusion, bien qu’il gardât le silence, ne voulant couper son interlocuteur dans son laïus théorique qu’il connaissait déjà. Velvet lui avait tenu pratiquement les mêmes propos, à plusieurs reprises. Rien de nouveau donc… Qu’avait-il espéré en abordant le sujet ? Il n’existait aucune formule miracle lui permettant de balayer d’un seul coup tous ces freins qui l’empêchaient d’atteindre l’ataraxie nécessaire au développement de ses pouvoirs latents. Certes, il savait que d’autres, particulièrement les adeptes du côté obscurs, puisaient dans le chaos de leur psyché torturée pour y parvenir… Mais Velvet lui avait strictement interdit de procéder ainsi, lui affirmant que faute d’une maitrise suffisante, il se ferait littéralement dévorer de l’intérieur…

Soudain, Ragda fut coupé dans ses réflexions. Halussius venait de tendre le bras, un geste que le Hutt ne fut en mesure d’interpréter avant de voir la sphère d’eau se former sous son regard médusé. Il savait parfaitement que cette énergie universelle nommée Force se trouvait en toute chose… Et que par conséquent ceux qui la maitrisaient pouvaient accomplir bien des exploits. Mais… Manipuler l’eau avant tant de précision et de facilité apparente… Cela tenait presque du tour de prestidigitation.

« Comment… » fini-t-il par demander, cherchant déjà à comprendre les mécanismes dont usait le Jedi pour parvenir à un tel résultat. En un éclair, les sages paroles s’étaient évaporées de son esprit à présent dévoré par la curiosité. Ragda plissa un peu plus des yeux, cherchant à étendre sa conscience jusqu’à celle de son interlocuteur, au travers des sens qui lui donnaient la Force. Il l’imaginait comme des tentacules palpant le visage d’Halussius… Mais celles-ci buttaient contre le rempart impénétrable de son esprit. Si fissure il y avait, sa maitrise grossière ne lui permettait de s’y introduire…

Peut-être parce qu’il ne la comprenait pas vraiment, Ragda ne parvenait à utiliser la Force sans lui attribuer une apparence physique plus ou moins improbables. Aussi, lorsqu’il comprit que l’esprit du Jedi lui était inaccessible, il ravisa sa stratégie… Il ferma les yeux, se concentra encore plus. Cette fois, il cherchait à ressentir ce qu’il appelait lui-même le « flux » de la Force. C’est-à-dire la manière dont Halussius canalisait cette énergie mystique pour plier l’élément liquide à sa volonté. Dans son esprit, ce « flux » pris la forme d’un ruissellement, qui parcourait le bras du Jedi, pour s’enrober autour de la sphère si parfaite. L’image devint de plus en plus concrète. Bientôt apparu dans son esprit l’idée d’un canal, où une succession d’écluse à présent grande ouverte permettait le passage d’un courant d’aspect calme… Mais à mesure que sa conscience approchait, le Hutt réalisait la terrible puissance qui sa dissimulait dessous… Il frissonna, puis recula instinctivement, alors qu’une sensation de danger lui nouait les tripes… Il rouvrit les yeux, dégoulinant de mucus. L’effort avait été bien plus rude qu’il ne l’avait estimé.

« Je… » fit-il, le souffle court. « Tu vas te foutre de ma gueule… » reprit-il, cherchant à mettre des mots sur ces sensations. Son implacable esprit d’analyse assemblait les pièces d’un puzzle dont le motif demeurait illisible. « Mais l’espace d’un instant, j’ai cru percevoir comme… Un torrent d’émotions… Un peu comme… Je ne sais pas comment l’expliquer… Comme si un flot déchaîné s’écoulait entre de solides digues capables de le canaliser… » Il soupira. « Laisse tomber, ce que je dis n’a aucun sens ! C’est n’imp… » Il fit un geste de la main, alors qu’une vague de colère se propageait sous son crâne, « … orte qu… » Et soudain, la boule d’eau explosa…

Une explosion incroyablement silencieuse, mais qui fit bondir le Hutt sur place, alors que le liquide glacé éclaboussait ses bourrelets chauffés par le soleil. Il ouvrit une large bouche, avant de lâcher :

« Heu… Ce n’est quand même pas moi qui ait fait ça ? Si ?! »
Halussius Arnor
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Halussius venait de se laisser surprendre par Ragda et son éclat de colère. Mais c'est avec la mine amusée qu'il essuyait son visage trempé de l'eau de la sphère qui venait d'imploser. Il était presque même en train de rire. Il n'avait rien pu faire contre cet élan de colère qui s'était emparé du Hutt et qui venait de frapper tel un éclair zébrant de le ciel tumultueux d'un orage, il n'en n'avait pas eu le temps. Mais il avait perçu pleinement la frustration qui l'avait précédé...

 «Oh mais je crois bien que si ! C'est un bon début... Mais tu as beaucoup de travail devant toi, mon vieil ami. Ahahah ! La douche de ce matin n'était peut être pas suffisant après tout.... Je te remercie ! »

L'ancien jedi usait de ce ton amusé avec bienveillance et sincérité. Observant Ragda, il se disait combien cela devait être difficile pour lui. Il découvrait la Force, cette énergie incroyable et son lot de sensations et de perceptions nouvelles qui allait avec. Pour avoir envahi son esprit, Halussius savait le chaos de contradictions qui hantait Ragda. Il avait voulu lui faire payer ce qu'il considérait comme une traîtrise et une forfaiture, mais là à cet instant, il se rendait compte que son intervention fut superflue. Car si la nature venait de lui octroyer ce don rare qu'est la sensibilité à la Force, il s'agit au moins pour le moment, d'un cadeau empoisonné pour l'ancien ministre.

 « Tu sais Ragda, la colère peut être un puissant vecteur pour canaliser la Force, une formidable source de pouvoir. Velvet à dû te le dire... et tu viens de l'expérimenter à l'instant. La colère spontanée fait naturellement réagir le côté obscur de la Force qui délivre alors une énergie brute qui n'est commandée que par l'instinct. Les Sith le comprennent très bien et ils savent en user et... ils en abusent aussi au point d'en devenir dépendant, addicte même. Comme avec toutes les addictions, l'esprit meurt. »

Un discours moralisateur ? Ce n'était en aucun cas l'intention d'Halussius. Son but était juste d'informer Ragda, il venait d'expérimenter pour la première fois ce qu'était l'énergie brute de la Force, même l'espace de quelques secondes. S'il avait perçu la colère, Halussius n'avait cependant pas perçu le côté obscur en Ragda, ou du moins il s'était manifesté de manière si brève et avec si peu d'intensité, quand bien même il avait fait exploser la sphère aqueuse, qu'il était catégoriquement impossible qu'il ai imprégné le Hutt. Finissant d'essuyer les dernières gouttes d'eau de son visage, Halussius reprit.

 «La description que tu avais commencé à faire était très intéressante je trouve. Pourquoi avoir stoppé à ce moment là ? Qu'est ce que tu as ressenti exactement ? »
Ragda Rejliidic
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Le Hutt se renfrogna, percevant le sourire naissant de celui qui se prétendait un Non-Jedi comme une moquerie. S’amusait-il de son ignorance ? De sa maladresse ? Telles furent ses premières pensées, preuves accablantes du manque d’assurance qui résonnait en lui à chaque fois qu’il tentait d’aborder des sujets aussi flous que les concepts de la Force. Mais les traits disgracieux du gastéropode ventripotent se détendirent dès que l’ex-Chancelier ouvrit la bouche. Son ton apaisant ne laissait planer le moindre doute quant à son état d’esprit. Loin de la moquerie, Halussius s’adressait à lui avec une bienveillance ponctuée d’une once presque agaçante de paternalisme. Il ne le considérait comme un égal… Non, plutôt comme à un élève, un aspirant… Une attitude qui fit poindre des bribes d’irritations dans l’esprit du Hutt, qui se sentait rabaissé à un rôle inférieur qui était pourtant bien le sien en cet instant. Mais, cette fois, plutôt que de laisser ses sentiments exploser, il prit sur lui pour les contenir. Perde le contrôle : voilà ce qu’il détestait par-dessous tout. Bien plus que d’être mésestimé. Ainsi, il prit une profonde inspiration, bloqua sa respiration quelques secondes, avant de souffler lentement. Son rythme cardiaque ralentissant, Ragda recouvra la pleine possession de ses facultés mentales jusqu’alors malmenées par ses doutes et ses questions intérieures.

Il fallait savoir faire taire son égo et se montrer honnête avec soi-même : Halussius avait raison. Ragda ne savait presque rien de la Force. Et s’il désirait emprunter ce chemin… S’y investir corps et âme… Il lui faudrait parcourir un long, très long chemin avant d’espérer acquérir des facultés semblables aux siennes. Par chance, les Hutt disposaient d’une espérance de vie extrêmement longue… Mais, aussi d’une impatience légendaire. Sordide contradiction de la Nature.

Ainsi, le Hutt laissa son interlocuteur terminer ses explications. Il acquiesça en silence, alors qu’il évoquait Velvet. Oui, elle lui avait expliqué bien des choses. Ragda savait, comprenait… Mais malheureusement ces connaissances théoriques ne lui apportaient nullement les clés nécessaires pour outrepasser ses blocages, ses réticences. Puis il haussa les deux bourrelets couverts de mucus qui lui servaient d’ersatz d’épaules :

« Je n’en sais rien… » dit-il, hésitant, à la recherche des mots justes, essayant de se remémorer ce flot de sensations qu’il avait ressenti quelques instants plutôt. « … C’est difficile de mettre des mots sur quelque chose d’aussi… Abstrait. » Il grimaça, yeux mi-clos, espérant qu’ainsi, se déconnectant de la réalité qui l’entourait, il parviendrait à puiser dans sa mémoire pour recoller les pièces de ce puzzle au motif indescriptible. « Depuis que j’ai pris conscience de cette… Force… J’éprouve la nécessité de mettre des… Images… sur ce que je ressens. »  Expliqua-t-il, en guise de préambule, convaincu que cette courte introduction permettrait à son interlocuteur de mieux appréhender les paroles qui suivraient. « Tu me connais, Halussius. Je suis un être pragmatique. J’ai besoin de réel, de concret. Même lorsque j’abordais des questions aussi complexes que l’économie souterraine générée par les spéculations boursières à l’échelle galactique, je pouvais me raccrocher aux chiffres, aux flux financiers, à autant de données et de variables qui bien qu’abstraites pour le commun des mortels, s’imbriquaient dans mon esprit comme autant de fils sur un canevas. Toutes ces données, leurs évolutions, tout cela, je pouvais aisément me le représenter, le comprendre… Et donc interagir avec. » Il secoua la tête « Mais avec la Force, c’est impossible. » Il soupira. « Alors, oui, ses applications peuvent avoir des effets parfaitement observables… Comme ton petit tour… Mais comment agit-elle ? Pourquoi ? Cette Force dispose t’elle d’une volonté propre, s’agit-il seulement d’un outil ? Je pourrais entendre un bon millier de fois vos réponses, à Velvet et toi, que je n’arrivais pas mieux à me la représenter. Je ne sais pas… Peut-être ne suis-je tout simplement pas capable d’appréhender son coté mystique, voire spirituel… »

Cette dernière phrase sonnait comme un aveu. L’aveu de son incapacité à comprendre ce qu’on essayait de lui enseigner depuis des mois. Il tenait là, peut-être, l’une des raisons pour lesquelles il ressentait comme un blocage. Trop de doutes pour un esprit aussi pragmatique. « Tout cela pour dire » reprit-il, après avoir marqué une courte pause pour laisser le temps à son interlocuteur de comprendre ce qu’il venait d’exposer. « Que j’ai besoin de concret. Ainsi, intuitivement, j’associe chaque nouvelle sensation que je découvre à des images, à des éléments physiques auquel mon esprit peut se raccrocher… » L’explication la plus ardue allait commencer. Ragda s’imposa un flot de parole très lent, pesant chacun de ses mots afin de s’assurer d’être le plus précis possible.

« Lorsque tu as… créé… cette sphère d’eau, passé l’effet de surprise, j’ai voulu comprendre comment tu parvenais à une telle prouesse. Pour cela, j’ai cherché à étendre mes perceptions, mon esprit, jusqu’au tiens, désireux de ressentir ce qui se tramait à l’intérieur à cet instant précis… Mais… Mais je me suis heurté à un mur impénétrable. Ton esprit est pour moi comme une forteresse.

Alors, plutôt que d’abandonner, je me suis dit que je pouvais peut-être… Je ne sais pas comment le dire avec des mots de Jedi… Suivre… Le flux… De la Force… Je pouvais sentir sa présence à l’intérieur de même de toi, comme si son essence coulait à travers ton bras, jusqu’à la sphère, l’enrobant d’un carcan suffisamment solide pour forcer l’eau à conserver sa forme.

Je me suis focalisé dessus. Et une image m’est alors venue. Celle d’une rivière. Mais, rapidement, ce décor idyllique s’est mué en cauchemar… Un torrent démonté, violent, qui menaçait de m’emporter malgré la présence de digues qui lui imprimaient son cheminement… »
Il soupira de plus belle. « Ça n’a vraiment aucun sens, n’est-ce pas ? » Il ricana. Un rire jaune emprunt d'incertitudes. « Mais le pire… Reste… Cette… Ce maelstrom d’émotions contradictoires que j’ai ressenti une fraction de seconde seulement, avant de revenir à la réalité. A la fois comme une morsure glaciale et une brûlure ardente. C’est impossible à décrire avec des… mots… Je ne sais pas… Comme si ce torrent véhiculait des émotions à l’état brut : à la fois sombres et lumineuses. Mêlées, imbriquées. »

Il rouvrit les yeux, s’attendant à découvrir le visage moqueur de son interlocuteur qui ne pouvait que réagir à ces propos dénués de sens, que par le rire ou le dépit. Ragda ignorait lui-même lequel des deux pouvait être le pire. Rire, moquerie ou dépit, déception. Etait-il tout simplement irrécupérable ? Trop vieux pour remettre en perspective sa conception même du réel ? Voilà pourquoi les Jedi entreprenait la formation de leurs membres dès leur plus jeune âge, pensa le Hutt. Les esprits matures résistaient naturellement à toutes ces sensations insensées, inexplicables.
Halussius Arnor
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Au delà de l'apparence qui était la sienne, Ragda avait quelque chose de touchant. Halussius le regardait avec les mêmes yeux que ceux que la Magistère Eya Oms avait posé sur lui à l'époque. Il se trouvait dans la même situation que Ragda, exactement la même. Atheras lui avait retirer tout lien avec la Force afin de lui permettre de se reconstruire et de redécouvrir la Force. Lorsque son lien avec elle commençait à se renouer, l'ancien Jedi n'avait pas encore fait le point sur son passé et sur le chaos émotionnel de son esprit. Dès qu'elle l'avait perçu, Eya lui avait porté ce même regard bienveillant qu'avait Halussius aujoud'hui.

"Cela m'avait presque manqué.."

Entendre Ragda parler de chiffres et d'analyses lui avait rappelé un bref instant leur passé commun. Un souvenir lointain dans son bureau à la chancellerie... Ragda s'enflammait alors d'enthousiasme pour cette chose qu'il aimait temps... les chiffres.

"Il va être difficile d'appréhender la Force comme tu le fais les chiffres et l'économie. Hum... imagines qu'il n'existe peut être pas de réponse à ta question ? Ou du moins pas le genre de réponse que tu attends."

La chose n'était pas facile à comprendre. Halussius lui même, bien que fort du savoir d'Atheras et de sa vie sur Anoth, n'était pas en mesure de répondre.

"Comme toi, je me suis posé cette question... Qu'est ce que la Force est réellement ? Les Siths et les Jedis l'utilisent différement mais ils en ont la même idée quand à sa nature. Mais la vérite Ragda... c'est que l'on ne pourra jamais comprendre la Force au delà de ce des capacités que nous possédons... dans cet univers.

Une nouvelle pause se fit dans les paroles d'Halussius. La chose n'était pas facile à envisager pour un esprit aussi méthodique et carthésien que Ragda pourtant, tous deux partageaient ce même trait de caractère qu'est le pragmatisme mais de manière différente. Halussius se détourna un instant de Ragda pour faire quelques pas sur le côté et se mettre au bord du canyon.

"Le premier pas vers ta compréhension de la Force sera d'admettre cette vérité élémentaire. Nous ne pourrons jamais là comprendre entièrement tout simplement parceque la Force est une chose extérieure à notre univers.

Elle nous est parvenue d'une autre dimension, par accident il y à des milliards d'années alors que notre univers venait à peine de se former. Ce que nous appelons la Force n'est que le résidue de l'énergie primaire brute qui constitue un autre univers que le nôtre. J'ai eu le privilège de rencontrer un de ceux qui vivent dans cet autre univers... c'est lui qui est à l'origine de tout ce que je sais à présent. C'est grâce à lui que j'ai pu renaître... et que je suis l'illuminé que je suis aujourd'hui !"


L'autodérision n'était pas la qualité première d'Halussius, mais il avait su la cultiver un peu ces dernières années.

"Crois moi mon ami, admettre que l'on ne sera jamais en mesure de comprendre comment une chose fonctionne mais que cela ne nous empêche pas de la faire fonctionner... C'est une libération !

Je ne sais pas pourquoi cette énergie qui nous est extérieure et que l'on appelle la Force réagi avec nos émotions et produit ses effets en fonction de leur nature et de leur intensité. Peut être que dans un autre univers, soumis à d'autres normes fondamentales, la Force serait complétement différente de celle que nous connaissons, voir ne produirait aucuns effets. Je ne sais pas... Mais dans notre univers, je sais que nous pouvons l'appréhender, la maîtriser et en développer son plein potentiel.

Mais pour cela, Ragda, il va falloir que tu sois honnête envers toi même et qu'avec ce pragmatisme que je te connais, tu n'hésite pas à te confronter à chacune des émotions que tu ressens. Car chacune de ses émotions n'est qu'un avatar de ta personnalité. Je peux t'aider à les dissocier, à les démêler une par une... Mais toi seul pourra leur faire face.
Ragda Rejliidic
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« T’es encore plus timbré que ce que je pensais… » Lâcha le Hutt, ses yeux globuleux écarquillés après le monologue pour le moins fantaisiste de son ancien ami. Une autre dimension ? Des êtres issus d’un univers parallèle ?! Ragda secoua lentement la tête, de gauche à droite, alors qu’il peinait à assimiler toutes ces extravagances. « Le pire c’est que t’es sérieux… » reprit-il, en un murmure à peine audible, formulation à voix haute d’une pensée bien trop pesante pour rester muselées entre ses lèvres inexistantes. Il n’en doutait point. Ces affirmations n’avaient rien d’un piteux trait d’humour destiné à dédramatiser ses propres doutes et questions insolubles. Ragda rouvrit la bouche, mais plus aucun mot ne voulait en sortir. Que pouvait-il répondre ?! Un malaise s’installa entre les deux êtres. Du moins c’était ce que ressentait le Hutt. Difficile de dire ce qui se tramait réellement sous le crâne du non-Jedi. L’espace d’une seconde, Ragda se surpris même à s’interroger sur la santé mentale de l’ex-chancelier… Après tout ce qu’il avait vécu… La guerre, la défaite, les coups de poignards dans le dos, l’humiliation, l’isolement… Personne ne ressortait totalement indemne de ce genre d’épreuve. Ragda ne le savait que trop bien. Il leva les yeux au ciel, résigné, avant de rompre ce silence devenu bien trop pesant :

« Ok. Admettons. » dit-il, sur le ton de la reddition, abandonnant net toute tentative d’explication logique et sensée. « La Force, tout ce qui nous entoure… » Ses petites mains gesticulaient dans tous les sens. « … Tout cela est un héritage de je ne sais quel cataclysme surnaturel survenu à l’aube des temps entre plusieurs dimensions parallèles… » De toute sa vie, il n’avait jamais entendu pareille connerie. « Ok. Ok… Aussi fou que cela puisse paraître… Et je te jure que de l’extérieur ça l’est complètement… Je veux bien essayer d’y croire. Ou pas. Je n’en sais rien… Mais… Franchement. Pourquoi tu me racontes ça ?! C’est sensé m’aider à y voir plus clair ?! Halussius… Sauf le respect que j’ai pour toi : t’es vraiment le pire précepteur qu’il m’ai été donné de rencontrer ! Et j’exagère à peine ! »

Confusion. Toutes les pensées qui s’entrechoquaient dans son esprit désorganisé ne se résumaient plus qu’à ce seul mot. Qu’avait-il espéré en partageant ses troubles avec son vieil ami ? Ragda commençait à se poser sérieusement la question. Peut-être naïvement – de cette naïveté que seuls les désespérés peuvent faire preuve – il avait espéré que le Non-Jedi lui apporte en un claquement de doigts des réponses, des clés pour mieux appréhender ce qui le dépassait. Peine perdue. Halussius se tenait devant lui, comme un bon vieux temps… Mais l’être qu’il dévisageait n’avait plus rien de celui qu’il avait jadis côtoyé. Il ne restait de lui plus qu’un illuminé portant le masque trompeur d’un sage. Ou bien l’inverse. Ragda ne savait plus quoi en penser.

En lui, de nouveau, se mit à gronder l’insidieuse frustration. S’en était trop. Oui trop. Subitement, l’envie de jeter définitivement l’éponge lui effleura l’esprit. Ce qu’il fit, d’une certainement manière, assenant ces mots avec une froideur morbide :

« Je vais être franc avec toi : toutes ces… Croyances… Ne m’intéressent pas. Et je ne suis pas monté jusqu’ici pour débattre sur des sujets aussi… aussi… » Il ne parvenait plus à dissimuler son agacement « Absurdes.

Tout ce que je veux, moi, c’est parvenir à… à… à contrôler mes pouvoirs ! Le faire miens ! Je veux manipuler la Force, la plier à ma volonté, comme le font tous les Jedi et les Sith ! Et pourquoi je n'y arrive pas hein ?! Tu ne m'aide en rien !

Ça… Ca fait des mois que je m’entraîne… Et pour quels résultats ?! Même un humain de six saurait faire mieux ! Et j’en ai ma claque. Je suis las, fatigué, démotivé. Alors… Franchement… Je n’ai pas envie d’écouter tes histoires à dormir debout… »


Ragda soupira. Un soupir théâtral qui concluait une tirade qui, bien que prononcée avec agressivité, transpirait d’une honnêteté non feinte. A peine eut-il refermé la bouche, que le Hutt pris conscience de la teneur de ses propos. Était-ce une si bonne idée que de provoquer un être qui avait tenté, quelques mois plus tôt, de le tuer de sang-froid ? Ragda grimaça, avant de déglutir bruyamment. Même l’aura apaisante du non-Jedi ne parvenait à faire taire la peur qui lui nouait les tripes… Aussi, rapidement, il édulcora ses mots :

« Ecoute. Halussius. Je… N’y voit rien de personnel. C’est juste que… Tu vois, je me suis toujours considéré comme un être doté d’une prodigieuse intelligence, d’un esprit d’analyse hors du commun. Par le passé, je suis parvenu à maîtriser, à exceller même, dans ces domaines aussi complexes que l’économie de marché galactique, ou le piratage informatique multicouche. Je croyais être une personne… Tenace. Robuste. Résiliente même. Mais toutes ces histoires de Force m’ont faire prendre conscience de mes propres limites… Je commence sérieusement à croire que je n’ai pas les compétences requises pour devenir un pseudo Jedi… »

Ce n’était cet épais sang brunâtre qui coulait dans ses veines, mais de la frustration pure à l’état liquide. Pour la première fois de sa vie, Ragda esquissait l’idée même d’abandonner ses ambitions. Ses petits membres boudinés en tremblaient. S’il avait eu des dents, elles se seraient certainement mises à claquer. Diverses images lui revinrent à l’esprit. D’autres moments difficiles de sa vie… Il commençait à suer abondement, réalisant une évidence qui depuis si longtemps refusait de prendre forme dans son esprit. Alors les digues cédèrent. Les digues à l'intérieur même de son esprit qui parvenaient jusqu'alors à contenir ce trop plein de frustration accumulée par des années d'échecs... Et sa décision fut prise... Les mots s'échappèrent de sa bouche avant même qu'il n'ait eu le temps d'y penser :

« Je crois que tout est dit. J’abandonne. Je… » Il balaya de sa petite main l'air devant lui, d'un geste brusque destiné à repousser toute idée de retour en arrière.

Mais le Hutt se figea. Yeux écarquillés, bouche bée. Face à lui se tenait non plus Halussius. Mais une silhouette humanoïde couverte de mucus. Il venait de projeter sur son interlocuteur une vague de ce liquide visqueux et malodorant qui jusqu’alors dégoulinait mollement de ses bourrelets graisseux. Ragda cligna des yeux, peinant à croire qu’il était le responsable de ce… Les mots lui manquaient. Il leva sa main pour l’observer de près, incrédule, avant de secouer la tête, désireux de se réveiller de ce mauvais rêve…. Et comme rien ne semblait fantasmé, une seule série de mots s’extirpa de sa large gorge rendue sèche par la stupeur :

« Putain de merde… »
Halussius Arnor
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Complément stoïque face à ce que Ragda venait de lui infliger et de lui dire, Halussius prit cependant sur lui-même pour ne pas céder au haut-le-cœur qui cherchait à le saisir de dégoût. Le mucus avait ceci de particulier qu’il exhalait une odeur indescriptible et innommable, digne des plus grandes fosses à putréfaction que l’on trouvait sur certaines planètes.

L’ancien chancelier n’osait ouvrir la bouche et ne respirait que par de brèves inspirations de ses narines. Sans trop attendre, il commença à essuyer son visage avec sa main droite tandis qu’il effectuait un grand geste dans le vide avec la main gauche pour se débarrasser du mucus visqueux qui la couvrait. La tâche n’était pas simple… Plus il essayait d’enlever le mucus de son visage et plus il avait l’impression d’en ajouter. Baissant la tête, il constatait l’étendu des dégâts sur ses vêtements dont les auréoles naissantes indiquaient que la sécrétion visqueuse était en train de les infiltrer.


 « Voilà, pourquoi tu échoues. »

N’arrivant visiblement pas à se dégager suffisamment à son goût, Halussius concentra son esprit sur la Force et l’envisageant comme une extension de sa main. Passant sa main devant son visage, le mucus se décollait à mesure qu’elle passait. Le plus gros du moins… Une fois son visage plus ou moins dégagé, Halussius relâcha le mucus accumulé sur le sol sans aucun bruit, formant une sorte de flaque mousseuse et visqueuse.

[color=green] « Tu appliques les schémas que tu connais à une matière qui ne répond à aucunes des règles et aucuns des principes que tu as appris à maîtriser à force de travail et persévérance. Tu éprouves de la frustration, ton esprit se braque et se ferme à toute autre perspective.

Bien que cela puisse être déroutant, est-ce vraiment mauvais de découvrir que l’on a des limites ? Que toi même, tu as des limites ?

La Force nous dépasse tous Ragda ! De part sa nature même, elle nous rappelle à chaque instant que nous sommes des créatures limitées… mais aussi qu’elle peut faire de nous des êtres illuminés et combien nous pouvons briller, resplendir et être fort à l’intérieur de limites qui sont les nôtres.

Ce que tu viens de réussir de faire n’est pas un accident, Ragda. C’est ton inconscient qui s’est manifesté ! C’est cette partie de toi qui tentes de te faire comprendre que tu t’obstines à suivre une voie qui ne pourra te mener qu’à l’échec et à la frustration. »[color]

Une grande quantité de muscus s’écoula alors sur le sol tandis qu’Halussius enlevait sa veste et la tordait pour l’essorer. L’odeur était toujours aussi dégoûtante, c’est pourquoi il lança la veste au loin pour éloigner l’odeur.

 « Tu entends, mais tu ne veux pas écouter, Ragda. Ces « croyances » comme tu dis, elles ont fait de moi celui que tu vois en fasse de toi. Elles sont « absurdes » peut être… mais pourquoi avoir cherché à infiltrer mon esprit tout à l’heure ? Je serais incapable de faire ce que je peux faire si je m’en étais tenu à la vision des Jedis ou des Siths.

Crois-tu que cela à été facile pour moi ? Tu le sais bien je crois, nous ne sommes pas si différents l’un de l’autre. Se remettre en question n’est jamais une chose facile, consentir à des sacrifices encore moins… »


A sa manière, Halussius parlait avec toute la franchise dont il pouvait faire preuve. Peut-être était il en train de remettre Ragda à sa place mais c’était dans le seul but de le mettre face à la réalité. Après quelques instants, Halussius fini par ramasser sa veste et à reprendre le chemin par lequel il était arrivé et se tourna pour regarder Ragda.

 « Je te l’ai dis, je peux t’aider Ragda… Le véritable défi pour toi n’est pas d’apprendre à maîtriser la Force, mais d’apprendre à te maîtriser toi même… et apprendre accepter de t’engager sur une voie qui t’échappe et qui ne dépend pas de toi. »

Tournant les talons, Halussius commença à s’éloigner de lui, mai sil ajouta ceci.

 « Tu en es capable Ragda ! Et c’est seulement lorsque tu l’auras compris que la Force tu conduiras jusqu’à moi. »

Tranquillement, la veste poisseuse sous le bras, Halussius s’en alla laissant Ragda à ses réflexions. Mais ce n’est pas pour autant que l’ancien jedi en avait fini avec lui. Non. Son intention n’était pas de retourner à Refuge. Il prit le chemin de la clairière qui lui servait de sanctuaire… attendant que Ragda trouve comment le rejoindre.
Ragda Rejliidic
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Le cri d’un oiseau, très haut dans le ciel, pareil à une tâche sombre, minuscule, sur un fond bleu azur, brisa le silence jusqu’alors seulement ébréché par le souffle du vent. Un silence lourd, qui reposait sur les épaules du Hutt comme une masse informe qui lui comprimait la carcasse, au point de lui couper la respiration. Devant lui, la silhouette de son ancien ami disparaissait presque sous le mucus que le soleil de plomb rendait d’autant plus visqueux. Ragda s’était attendu à bien des réactions : dégout, colère… Il eut même la vision fugace de sa propre mise à mort… Il ignorait de quoi était capable Halussius à présent. Bien trop d’années et d’événements les séparaient. Mais celui-ci s’adressa à lui avec une telle froideur qu’il en frissonna. Sa voix, aussi tranchante que le fil d’une lame, taillada son égo, son amour propre, son orgueil. Ses mots lui firent l’effet d’un coup de poignard, porté à son cœur. Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais manqua de mots. Il n’y avait rien de plus douloureux que de se retrouver face à ses propres limites, d’en prendre conscience. Il pouvait tourner autour du pot, détourner la conversation, continuer d’agir comme il l’avait toujours fait : rien ne saurait lui faire oublier les mots de son ancien ami.

Ainsi, il resta muet, immobile, figé dans une réflexion qui dépassait de loin ses capacités intellectuelles pourtant bien au dessus de la moyenne. Sous son crâne s’entrechoquaient sentiments et sensations qui n’auraient jamais dû coexister. Il VOULAIT maitriser ce fabuleux pouvoir… Mais s’en DONNAIT-il réellement les moyens ? Bien que bon nombre de ces préceptes lui semblent farfelus, qu’avait-il à PERDRE en les embrassant à pleine bouche ? Ne fallait-il pas qu’il ACCEPTE ses échecs, ses limites, son impuissance à mettre des mots et des images sur cette mystérieuse énergie, pour enfin être CAPABLE de passer outre ses réticences qui l’interdisaient d’EVOLUER ?

Il s’était attendu à bien des réactions oui… Mais pas à celle-ci : après son sermon, le non-Jedi lui tourna le dos, visiblement déçu, comme un aveu de sa propre incapacité à enseigner à un être aussi borné que lui. Plusieurs images défilèrent dans son esprit. Des moments clés de sa vie. Ses années difficiles au sein du clan Rejliidic où il avait nourri d’année en année un sentiment de frustration qui l’avait conduire à trahir tous ses parents… Ses premières armes en politiques sur Bakura, où il avait su faire usage de ses talents informatiques pour détruire une à une les réputations de ses adversaires… Les années au sommet de la pyramide Républicaine. Ministre de l’Economie, Ministre Spécial pendant l’absence d’Halussius dont la capture résultat de ses tractations secrètes avec l’Impératrice… Les mauvais coups et les trahisons s’enchainaient ainsi, jusqu’ la plus récente : Borenga l’avait dominé au moins d’en faire son serviteur servile. Il s’était vengé, il avait ruiné une partie de ses plans avant d’envoyer Velvet l’achever.

Bien qu’il rejetait usuellement ces notions trop naïves de bien et de mal, Ragda ne pouvait que constater que ses actes, jamais, n’avaient été dictées par autre chose que son égo surdimensionné, bafoué ou avide de pouvoir. Refuge représentait un nouveau départ, une nouvelle chance, une opportunité de tirer un trait sur les démons de son passé pour opérer un visage à cent quatre-vingt degrés… Mais comment TRADUIRE ces nouvelles opportunités en réussites s’il refusait, fondamentalement, de modifier la manière dont il abordait l’univers et ses secrets. Cette réflexion fendit l’armure qu’il s’était construit au fil des années, et derrière laquelle il dissimulait ses doutes au profit d’une détermination malsaine qui n’avait eu de cesse que de blesser ceux qui l’entouraient… Et il réalisa une chose :

Là, ici, maintenant, il se tenait face à un moment charnière de son existence. Il pouvait ignorer les paroles d’Halussius, le laisser partir et continuer d’agir comme il l’avait toujours fait… Ou bien il pouvait baisser sa garde, mettre de côté son ego, et s’élancer à la poursuite de son ami qui s’éloignait d’un pas décidé…

« Bordel de merde ! » cracha-t-il enfin, ayant pris une décision qui, il en était certain, aurait des répercussions sur le reste de sa longue vie. « Halussius ! Ne me force pas à te courir après ! » De ses petits doigts boudinés mais néanmoins agiles, il actionna les commandes tactiles de son chariot. Les répulseurs bourdonnèrent, tonalités sourdes et graves, avant de le propulser à une vitesse folle sur les traces du non-Jedi déjà distant d’une dizaine de mètres. L’appareil décrivit un large arc de cercle, puis s’arrêta en dérapant pour lui barrer la route.

« Attend ! » fit-il. Son cœur battait si vite qu’il approuvait des difficultés pour parler, comme essoufflé après une course. « Halussius… Tu ne peux pas me laisser comme ça ! » Reprit-il, avec une maladresse seulement due à son manque d’expérience lorsqu’il s’agissait de faire tomber le masque pour se montrer honnête. « Je… Tu… Tu as raison. Sur un point au moins. La Force me dépasse… Je le reconnais. » Il marqua une pause, afin de faire du tri dans ses pensées. « Je… Si je t’ai manqué de respect, pardonne moi mon vieil ami. Mais essaye de te mettre à ma place ! Je suis perdu, dépassé. Je ne comprends rien ! Vos explications n’ont aucune logique ! Vous me demandez d’appliquer des préceptes qui n’ont aucun sens ! » Le « vous » désignait à lui fois lui et Velvet. « Et je… Bordel. » Un geste de la main chassa ses derniers doutes. « Ok ! Ok ! Je veux bien essayer de faire un effort, de croire à toutes tes histoires… Je veux bien mettre de côté mes doutes, mes réticences… A bien y réfléchir, je n’ai rien à y perdre, même si une part de moi se refuse à suivre aveuglément des concepts aussi flous. Je… Tout ce que je veux, Halussius c’est changer, évoluer… Dans ma vie, j’ai fait quantité de choix douteux, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Et je suis intimement convaincu que seul mon implication dans l’initiative Refuge, et la maitrise de mes pouvoirs latents, me permettra de devenir une autre personne… Le fait que nous nous tenions, ici, face à face, après toutes ces années, prouve que la Force elle-même nous a conduit l’un à l’autre. Je… J’ai besoin de toi, Halussius. De ton savoir, de tes conseils. » Il approcha de quelques centimètre, puis se pencha en avant, avec une lenteur due aux efforts surhuttains qu’il devait accomplir pour rejeter toute forme de dignité mal placée. Ainsi il courba l’échine devant celui qui avait été à tour de rôle son supérieur hiérarchique, ami, pion malheureux et ennemi mortel. « Halussius. Apprend moi. Enseigne-moi. Je te jure de faire tout mon possible pour ne plus te décevoir. » Les paroles sortirent finalement avec une facilité qui le déconcerta, comme si ces mots avaient toujours été présent en lui, n’attendant qu’une ouverture pour se libérer de leur étreinte et s’échapper. Une attitude d’infériorité, une relation maitre-élève consentie, qu’il n’avait su développer avec Velvet, malgré tout le respect qu’il lui devait. Avec Halussius, tout lui semblait plus facile et naturel : peut-être était-ce dû au fait qu’il avait déjà passé des années à le « servir » en tant que Ministre de l’Economie. Le cadavre de leur ancienne relation permettrait peut-être d’en faire naitre une nouvelle, même s’il fallait passer par un apprentissage qui mettrait à rude épreuve l’orgueil du Hutt.

Oui, cette pensée s’imposa à lui comme une vérité. Velvet avait été sa subordonnée, à la fois en tant que Fantôme et Rejliidic. Sa poule de luxe aux yeux des autres sénateurs qui ignoraient tout de ses fonctions réelles de garde du corps sensible à la Force. Il la respectait, reconnaissait la qualité de ses pouvoirs, admirait même sa froide détermination qui dissimulait un être bien plus sensible qu’elle n’osait se l’avouer elle-même… Mais elle restait, dans sa tête, une personne à qui il avait donné des ordres, et dont il ne parvenait à accepter pleinement l’autorité. Avec Halussius, ce serait différent… Il l’espérait. En tout cas, cette entrevue avait eu un mérite inespéré : celui de chasser les peurs qu'il éprouvait depuis que le non-Jedi s'était introduit dans son esprit pour le torturé. En soit, c'était déjà une conclusion positive... Quoi que puisse lui répondre celui qui serait peut-être, bientôt, son nouvel ami.
Halussius Arnor
Halussius Arnor
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Un panache de poussière naturelle se souleva aussi vite qu’il se dissipa sous l’effet de la bise lorsque le chariot en lévitation de Ragda passa à côté d’Halussius pour lui barrer la route. L’ancien Jedi resta silencieux tout le long des propos du Hutt. Son regard était inexpressif mais ses yeux lui portait la plus grande des attentions.

Observant son ancien collaborateur, Halussius commençait à ressentir presque comme une certaine émotion face à sa sincérité. Il connaissait Ragda maître de la manipulation et des faux-semblants, expert dans l’art de camoufler et tromper quant à la véritable nature de ses sentiments. Mais à travers la Force, il n’était pas possible d’user de tels subterfuges, pas face à Halussius et, de surcroît, pas avec son niveau de maîtrise. Sa sincérité autant que son embarras à s’y plier se percevaient à travers la Force.

Voir Ragda ainsi, la tête inclinée, se soumettant à son enseignement avait quelque chose de touchant. Mais surtout, Halussius savait combien cela pouvait coûter à l’ancien ministre, sacrifiant volontairement une part de son amour propre. Alors qu’il avait toujours la tête baissée, Ragda put sentir la main d’Halussius se poser sur son épaule droite.


« Ragda, ce n’est pas moi que tu dois avoir à cœur de ne pas décevoir. Tu viens de te faire une promesse à toi même en déclarant vouloir changer et devenir une autre personne. C’est toi même que tu ne dois pas décevoir en ne trahissant pas ta parole. Je t’ai proposé mon aide, tu l’acceptes et je sais combien cela te coûte, mon vieil ami… Ce qui fait que je suis encore plus disposé à te la donner et à t’aider. »

Retirant sa main, Halussius lui adressa à nouveau un regard bienveillant et assuré, comme il savait les faire.

« Saches qu’à partir de ce moment, tu vas entrer progressivement dans un autre univers... »

Il disait vrai. Même si pour l’heure, le lien entre Ragda et la Force n’était que balbutiant, Halussius était pleinement convaincu qu’à force de travail et de bonne volonté de la part du Hutt, ce lien allait croître et se renforcer.

« Il existe une clairière non loin d’ici, ce sera le lieu idéal pour que tu débutes. Je vais aller me changer, si tu le permets et… nous nous retrouverons directement là-bas. C’est à une ou deux heures de marche au plus. »

Halussius fit quelques pas de côté de manière à contourner Ragda et son chariot de transport et de se remettre sur le sentier.

« Tu sauras quel chemin prendre en faisant appel à la Force. C’est une tâche qui est à ta portée, fais-moi confiance mon ami. Laisse-toi seulement… guider et porter par elle comme une brindille sur un cours d’eau. »

L’apprentissage de Ragda venait ainsi de commencer… Halussius le salua avant de reprendre sa route initiale en s’éloignant rapidement. Il ajouta toute fois ceci tant qu’il était encore à portée de voix.

« Et je saurais si tu as fait appel à des cartes ou à une localisation orbitale... »

Halussius disparut quelques secondes après, comme voilé par la lumière du soleil ou part ce nuage poussiéreux qu’une bourrasque souleva derrière lui. Il ne prit pas directement la direction de la clairière mais celle de Refuge, afin de se laver et de changer ses vêtements souillés.

Ce n’est que quelque deux heures plus tard qu’il foula l’herbe drue de la clairière, animée par la seule faune environnante. Ragda n’était pas encore là… Lâchant simplement son bâton, qui restait parfaitement droit de lui-même, Halussius s’approcha du bord de l’étang et commença à méditer en attendant le Hutt.
Ragda Rejliidic
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La silhouette du non-Jedi disparut, emportée par une bourrasque tiède, aux relents rendus acres par l’amertume qui gagnait les humeurs du Hutt. Une frustration décuplée par son incompréhension, sa surprise. Ragda resta là, immobile, figé dans une minéralité séculaire, perdu entre l’envie d’hurler au vent, et d’exploser d’un rire ironique. A quoi pouvait bien rimer cette histoire de clairière ?! Telles furent les seuls mots qui tournèrent sous son crâne glabre plusieurs minutes durant, alors, qu’une fois de plus, il ne parvenait à comprendre celui qui fut Chancelier.

« Gnagnagna carte, gnagnagna localisation orbitale… » pesta-t-il, à demi-mot, ignorant si Halussius pouvait encore l’entendre. « Et comment je suis sensé la trouver, moi, cette foutue clairière ?! Bordel… ». Ragda baissa ses énormes yeux globuleux vers le tableau de bord de son chariot répulseurs, et lutta contre l’envie subite de passer un coup de fil. Le fameux joker « coup de fil à un ami » : Velvet saurait probablement la localiser… Mais elle poserait des questions. Il lui faudrait alors tourner autour du pot, mentir peut-être… Au risque qu’Halussius découvre le pot aux roses. Raaah. Pourquoi fallait-il que tout soit toujours aussi compliqué avec la Force ?! Il n’existait donc aucun ouvrage du genre « La Force pour les nuls, en 50 leçons ?! ». Pourquoi sans cesse passer des jeux ou des épreuves toutes plus stupides les unes que les autres ?! Il repensa à ces heures passées devant la flamme d’une bougie, essayant de la souffler sans même esquisser le moindre geste. Un exercice que Velvet affectionnait tout particulièrement.

Mais Halussius avait soulevé un point vital avant de disparaître. Cette promesse, Ragda se l’était faite à lui-même. Comment espérait-il pouvoir changer, s’il se trahissait à peine le pacte scellé ? Il soupira – soupir théâtral – avant de secouer lentement la tête. « Par où commencer… » pensa-t-il, à voix haute, balayant l’horizon du regard. « A une heure ou deux de marche hein… Pour un humain j’imagine… » Son implacable logique venait de se mettre en branle, chassant d’un coup de pied mental ses doutes et ses questionnements inutiles.

Qui dit clairière dit forêt… Oui. Mais il y en avait tout autour de lui, pratiquement à perte de vue. Cette région de Boz Pity, au climat tempéré, ne manquait de végétation. Un océan vert, rendu inextricable par l’absence prolongée d’espèces intelligentes désireuses de le remodeler à leur convenance. Refuge se logeait dans l’ombre protectrice du canyon à présent dans son dos. Celui-ci, large de plusieurs dizaines de mètres, voire d’une centaine par endroit, s’élevait comme un rempart naturel. La fameuse clairière d’Halussius ne pouvait se trouver que de ce côté-ci de la formation géologique. Une heure ou deux… Sachant qu’un homme devait progresser d’environ trois kilomètres par heure… La zone de recherche s’étendait sur un maximum de six kilomètres. Surement bien moins compte tenu du terrain difficile. Fort heureusement, les forêts de ces contrées tempérées n’offraient que peu de dangers. Pas de super prédateurs, pas de plantes carnivores, pas de lianes étrangleuses. Les murs de ronces s’avéraient probablement être le pire péril à affronter.

Toute ces réflexions ne lui apportèrent strictement aucune réponse. Il inspira, expira. Il se serait massé les tempes si ses bras n’avaient pas été aussi courts. Puis il finit par de résigner : utiliser la Force, hein…

Rejliidic ferma les yeux, tout en se laissant glisser sur les coussins conformables de son chariot répulseurs. Rapidement, ses muscles se démentirent, tout comme ses bourrelets. L’épais mucus qui suintaient de ceux-ci se figea. Le temps se figea lui aussi. Il glissait à présent, mollement, sur le sol rocailleux de son ile mentale. Ce havre de paix qu’il s’était créé pour se réfugier loin des pensées parasites qui polluaient ses humeurs. Un petit morceau de terre, nu, désertique, aux dimensions bien ridicules. Cette fois-ci, l’océan infini qui l’entourait ne semblait vouloir le dévorer. Ni vagues immenses, ni vent violent ne l’empêchait d’avancer vers le centre de l’ile. Ragda fit une halte, contempla les flots baignés des éclats dorés de l’astre diurne. Il savait tout ceci imaginaire… Mais, tout lui paraissait pourtant si réel par moment. Chaque être possédait-il cette capacité de pouvoir s’enfuir dans son propre esprit, d’y bâtir un asile ? Ou était le privilège des manipulateurs de la Force uniquement ? Un espace connecté à la Force, accessible par la méditation ? Encore des questions. Trop de questions. Ragda les chassa, craignant que celles-ci n’attirent de nouveau un typhon tropical. Calme, sérénité… Il avait un but, un objectif. Il devait se focaliser dessus : trouver cette clairière. Aussi, il continua de progresser mentalement, gagnant le piton rocheux qui dominait son ile de sa masse sombre. A mesure qu’il avançait, tortillement de queue après tortillement de queue, le Hutt sentait une boule grossir dans ses entrailles… Et ce pour une bonne raison : il détestait cet endroit, depuis qu’il avait découvert que…

Il s’immobilisa. Ici le temps et l’espace n’avait plus de réelle signification. Rejoindre le promontoire pouvait prendre une seconde comme des heures. Certaines fois, il n’y parvenait tout simplement pas. Comme si son ile, une part de son esprit en réalité, échappait à son contrôle, disposait de sa propre volonté, échos de la Force elle-même. Ou pas du tout. Il n’en savait rien. Face à lui, floue, se tenait une silhouette évanescente, dont les traits, grossiers, ne pouvaient qu’être devinés. Ceux d’Halussius. Inerte, telle une statue de brume. Des centaines d’hypothèses avaient traversé l’esprit de Ragda lorsqu’il l’avait découverte, au cœur de son ile… Et il avait fini par conclure qu’une part infime du Non-Jedi s’était retrouvée piégée ici, lorsque celui-ci l’avait torturé mentalement, bien des mois plus tôt. Un fragment, ou un écho. D’où ce lien qui semblait exister entre les deux êtres que tout opposait, même le passé. Ragda s’approcha encore. Il n’osait la quitter des yeux. Enfin, lorsqu’il ne fut plus qu’à deux mètres, il se racla la gorge. « Heu… Salut. » fit-il, maladroitement, se sentant aussi mal à l’aise que stupide. « Si tu es bien ce que je pense que tu es… Tu dois bien savoir toi… » Une phrase sens réel sens : mais qu’étaient les mots lorsqu’on déambulait dans les méandres de son propre esprit ? D’abord, rien ne se passa. Strictement rien. Ragda regretta d’être monté jusqu’ici, d’avoir perdu le peu de temps dont il disposait à la recherche d’une réponse qui lui échappait… Mais, soudain, la silhouette floue s’anima. Le Hutt eu un mouvement de recul. Le visage d’Halussius se tourna vers l’horizon… Par réflexe, il l’imita.

L’océan avant disparu. A la place s’étendait une vaste forêt, dense, mais percée en son cœur d’un étang paisible, autour duquel l’herbe rase, grasse, s’imposait aux arbres centaines. Ceux-ci, malgré leur taille, n’empiétaient sur la clairière, comme si la nature elle-même respectaient le côté sacré de ce lieu en connexion avec la Force. Plusieurs particularités géologiques s’encrèrent dans la mémoire du Hutt. Un ru non loin qui alimentait de ses eaux cristalline l’étang aussi lisse qu’un miroir. Il disparaissait derrière un escarpement, un bosquet d’arbres aux fruits si rouges qu’il ne pouvaient être ignorés… Mais à mesure qu’il mémorisait ceci, l’imagine s’évaporaient, comme un écran de fumée soufflé par le vent tiède qui venait de se lever. Elle s’échappait à son regard comme les souvenirs d’un rêve au réveil. Il pesta, tenta de la retenir… Mais le vent ne faiblissait pas… Il lui caressait le visage avec un tel… réalisme !

Il sursauta, ouvrit les yeux en catastrophe, pour découvrir son chariot répulseur lancé à pleine vitesse entre les arbres. Un frisson de terreur lui parcouru l’échine. Comment ?! Il baisse les yeux sur le tableau de commandes, pour découvrir sa propre main, posée dessus. Personne d’autre que lui ne le pilotait ! Geste réflexe, il la décolla précipitamment de l’écran tactile. Le chariot fit une embardée, dérapa, manqua de s’écraser contre un arbre millénaire. Mais fort heureusement, il eut suffisamment de sang froid pour en reprendre le contrôle avant que cette expérience ne lui coûte la vie. Il immobilisa l’engin, tremblant de peur, le corps couvert d’une couche épaisse de mucus. Merde ! Il regarde à gauche, à droite. Rien, personne. Il se trouvait seul face à la nature sauvage. Ici, dans l’ombre des frondaisons d’arbres bien plus vieux que lui. L’humus sous les répulseurs dégageaient des relents de végétation en décomposition, humides, qui, étrangement, n’avaient rien de désagréable. L’odeur d’une nature saine, préservée, intacte. Mais l’émerveillement céda presque instantanément place à de multitude de questions, une fois de plus. La Force l’avait, semble-t-il guidée jusqu’ici, dirigeant sa main alors que son esprit déambulait dans ses pensées méditatives. Mais, en rouvrant les yeux, le sortilège s’était rompu. Il ignorait tout de sa position… Et comme le chariot répulseur, flottant à plusieurs centimètres au dessus du sol, ne laissait pratiquement pas de traces, il lui était impossible de rebrousser chemin. Qu’allait-il faire ?! Les instruments refusaient de se connecter à un quelconque réseau : nulle couverture ne s’étendait jusqu’ici. Il était seul, définitivement seul… Sans aucun moyen de faire marche arrière. Sans moyen d’envoyer un signal de détresse, un appel à l’aide.

Cette réalité fut difficile à accepter. Ragda n’affectionnait pas particulièrement les promenades en pleines natures. De mémoire, jamais il ne s’était enfoncé aussi loin dans les étendues sauvages de Boz Pity, ni même d’une autre planète. Il ignorait presque tout de la faune et de la flore locale. Ses connaissances en survie frisaient le zéro absolu. Qu’allait-il boire ou manger s’il ne parvenait à s’extirper de cette végétation soudain devenue oppressante par sa démesure ? Non. Il ne pouvait pas, il ne devait pas se laisser ainsi guider par la peur, la panique ! Il lui fallait se reprendre… Et trouver une solution ! Peut-être que s’il parvenait à trouver un point de repère, il pourrait…

Le vent tiède cessa de souffler l’espace d’un instant. Quelques secondes tout au plus. Mais suffisamment longtemps pour que le Hutt perçoive le clapotis de l’eau jusqu’alors couvert par le bruissement des feuilles. C’était un bon début. Il réactiva les répulseurs, puis pris la direction d’où il estima que les sons provenaient. Il ne s’était pas trompé. Un minuscule ru s’étirait non loin, filant entre les branches et les feuilles mortes. A peine assez profond pour permettre à la vie de s’y développer. Ragda repensa à sa vision. S’agissait-il du même ? Il l’ignorait… Mais faute d’autre idée, il décida de suivre son écoulement, estimant que de toute manière, il finirait bien par le conduire quelque part. Le sol meuble n’entravait en rien la progression de son chariot. Par deux fois, des hululements le firent sursauter. Des yeux brillants le surveillaient sous les frondaisons, dans les buissons. Il espérait que son odeur âcre suffirait à repousser, à elle seule, les prédateurs.

Après plus de trente minutes de pérégrination, le ru devenu rivière disparaissait dans une faille géologique. Crevasse crée par la fracturation de la roche blanchâtre sur laquelle reposait la forêt. La piste s’arrêtait ici, au milieu de nulle part. Ragda pesta de longues minutes, maudissant ses idées stupides ! Il était bien avancé maintenant ! Des échos lui parvenaient de la fissure, longue d’une dizaine de mètres, large de quatre. Le chant des profondeurs, chaotique, puissant, profond. Il se pencha un peu plus, espérant profiter des rayons de l’astre diurne bien haut dans le ciel pour voir quelque chose, au fond… Mais soudain, la vase sous le chariot se délita sous les assauts du rayonnement artificiel généré par les répulseurs. Ragda bascula.

« Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !!! » hurla-t-il, à plein poumons, avant de plonger la tête la première dans une eau glaciale, déchaînée. Fort heureusement, son instinct de survie l’avait poussé à prendre une profonde inspiration avant de disparaître dans les flots, entraîné par sa propre masse. Le chariot suivit sa route, et manqua de peu de lui fendre le crâne. L’engin alla se fracasser contre des rochers. Ragda lui, par chance, fut aspiré par un courant plus fort, qui l’envoya s’échouer sur le sol lisse d’une grotte souterraine. Un puits de lumière ridicule, très loin au-dessus de sa tête, plongeait la cavité dans une semi-pénombre guère rassurante. Ragda roula sur lui-même, péniblement. Puis il parvint à se redresser. Les Hutt, malgré leur masse imposante, disposait d’une musculature adaptée à leur morphologie… Enfin, dans les limites du raisonnable : certains Hutt ne parvenait plus à se mouvoir par eux-mêmes…

Il pivota, cligna des yeux le temps que ses pupilles d’adaptent à la faible luminosité. Quelque chose, à la limite de son champ de vision, lui fit vivement tourner la tête. « Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !!! » hurla-t-il, découvrant une créature gigantesque, au crane osseux, qui l’observait de son œil unique. Une orbite vide en réalité. Alors même qu’il cédait à la panique, Ragda réalisa qu’il ne trouvait face aux restes squelettiques d’un Gargantelle, espère native de Boz Pity, disparue depuis bien des millénaires. Les chairs depuis longtemps dévorées ou décomposées n’avaient laissé qu’un amoncellement d’os étonnement bien conservés. Il semblait que le géant, haut d’une quinzaine de mètres, se soit assoupis ici, le dos calé contre la paroi. De ses six bras, il n’en restait plus deux encore intacts. Les autres gisaient non loin, avec tout un tas d’autres que le Hutt ne sut identifier. Il tenait un bâton, entre les phalanges de sa main gauche. Enfin un bâton pour lui, un tronc d’arbre pour Ragda. Ses cris se répercutèrent en échos multiples, avant de mourir lentement. Puis vint le silence, seulement perturbé par le mugissement des flots étouffés par l’épaisseur de la roche. Il y avait quelque chose de majestueux dans ce témoignage du passé. Ce monstre s’était jadis tenu sur ses deux jambes, avait eu une vie, des idées, des pensées…

« Ne me dis pas que toi aussi tu cherchais la clairière… » ironisa-t-il, conscient qu’il parlait à un cadavre qui jamais ne lui répondrait. Le surréalisme de la scène lui sauta au visage, mais il n’en n’avait plus rien à faire. Il regardait autour de lui, à la recherche d’une issue. « Mais, sauf ton respect mon vieux, j’espère vraiment ne pas finir comme toi. » Maudit Halussius ! Le Non-Jedi l’avait entrainé dans une aventure mortelle !

Rien ! Il n’y avait aucune sortie à cette saloperie de grotte ! Les parois rocheuses attestaient de la violence des forces naturelles qui l’avaient creusée. Probablement qu’elle arborait un aspect tout autre lorsque le Gargantelle s’y était… assoupi. Ragda l’observa encore. Une flèche taillée dans un roche sombre coiffait son bâton. Une lance ?  S’agissait-il d’une arme ou d’un objet de cérémonie ? Les minutes s’étirèrent, devenant une heure, peut-être deux. Ou trois. Ou dix. Le Hutt perdait toute notion du temps à mesure qu’il abandonnait l’idée de trouver une issue. Mais étrangement, il ne paniquait plus. Une certaine sérénité lui emplissait l’âme même. Oui, il allait peut-être mourir ici, dans une lente agonie… Mais le calme qui planait ici l’apaisait jusqu’au plus profond de son être. Ici, il n’avait plus besoin de se poser des centaines de questions. Il n’y avait rien pour lui polluer l’esprit, personne avec qui réagir. Seulement lui et les ténèbres. Il s’affala contre la paroi, juste à côté du géant. Tous les opposaient, excepté la mort…

En réalité, il ne s’était écoulé guère plus d’une heure. Mais, comme à son habitude, Ragda se laissait à aller aux extrêmes. Il se voyait déjà terminer ses jours ici, dans cette grotte, mourant lentement mais surement de faim. Et, oui, l’agonie durerait des semaines, voire des mois, compte tenu de ses réserves de graisse…

« Et si tu me racontais ton histoire ? » fit-il, levant les yeux vers le crane à l’orbite unique. « Comment si tu allais me répondre… Je débloque… » Il soupira, mais continua. « Tu vois, moi si je suis ici, c’est à cause d’un ami… Enfin, il l’était. Jusqu’à ce que je le trahisse. Oui, c’est une longue histoire… Mais j’ai comme l’impression qu’on a tout notre temps non ? » Il marqua une pause pour permettre à son interlocuteur de lui répondre. Ou pas. La conversion dura ainsi de longues minutes. Jusqu’à ce qu’il aborde un sujet épineux. Celui de la Force. « Tu vois, le problème, c’est que je n’y comprends rien ! Alors, ils me demandant d’arrêter d’y réfléchir, de simplement ressentir les choses… Mais je n’y parviens pas ! Je ne sais pas… Je crois que je n’y crois pas… » A peine avait-il prononcé cette dernière phrase, qu’un événement improbable le fit faire un véritable bond de côté. Son cœur manqua de lâcher :

L’un des bras du géant venait de dégringoler du squelette. Celui qui tenait jusqu’à présent le bâton. Il n’en restait plus qu’un tas d’os brisés. Le tronc d’arbre, lui, gisait plus loin. Il avait frappé le sol avant tant de violence que les échos vrillaient les tympans du Hutt, la poussière soulevée lui irritant les muqueuses. Il mit plusieurs minutes à retrouver un rythme cardiaque normal. Des sueurs froides lui parcouraient les bourrelets. La peur de sa vie. Son regard se posa sur l’énorme bâton, dont lah pointe dardaient en direction des flots d’où il avait émergé. Il releva la tête. « Tu essayes de me dire quelque chose ? Que je dois avoir la foi ? Que je dois croire en cette Force, en ces enseignements, même si ma logique s’y refuse ? » De nouveau ses yeux se posèrent sur la rivière souterraine qui léchait le sol lisse. « Que je dois… Au sens propre comme au figuré, me jeter à l’eau… Et si le Force le veux, alors j’émergerais là où je suis sensé aller… C’est bien ça ? » Il haussa les épaules. Après tout, pourquoi pas… Quitte à mourir sous terre, autant que ce soit rapide.

Sans un regard en arrière, sans un adieu à son nouvel ami « slash » guide spirituel improvisé, Ragda se laissa tomber dans les flots glacés. Il prit une profonde inspiration, puis y plongea la tête la première. Les Hutt disposaient d’une affinité toute particulière avec l’élément liquide. Ils pouvaient aisément rester en apnée une heure durant. Se donner corps et âme à la Force n’avait jamais eu autant de sens. Dans les eaux froides, le Hutt se détendit, se laissa porter par le courant tantôt calme tantôt infernal. L’eau l’enveloppait de cette étreinte rassurante, presque maternelle. Il aimait l’eau. Il avait toujours aimé l’eau. Il s’y senti si léger, si leste, si libre de se mouvoir. Plusieurs fois il percuta violemment des rochers ou des parois. Mais son corps graisseux lui offrait une protection naturelle au choc, tout comme sa peau épaisse le préservait des écorchures.

Après des minutes interminables, soudain, un éclat lumineux perça au travers de ses paupières closes. Ragda les rouvrit. La lumière éclatante du soleil lui brula la rétine.

Il émergea de l’eau, avec fracas. Une horde d’oiseaux sauvages s’envolèrent à tire d’ailes, en panique totale. Il toussa, cracha ses poumons, peina à reprendre sa respiration… Et lorsqu’il recouvra l’entièreté de ses sens, il se découvrit flottant dans les eaux calmes d’un étang alimenté par la rivière souterraine. Il roula sur lui-même, dans l’eau… Pour se retrouver face à face avec la silhouette assise en tailleur du Non-Jedi.

« Halussius ! » hurla-t-il, balançant sa queue massive pour nager dans sa direction, à grand renforts d’éclaboussures. L’étang n’était pas bien large, il ne lui en fallut que trois pour regagner la rive. « J’ai réussi bordel ! J’ai réussi ! Tu ne vas jamais me croire ! » Il se hissa péniblement sur le bord, roula encore pour se redresser sur son abdomen gras. Il paraissait tout autant exténué que surexcité. Un petit mammifère, semblable à un écureuil à six bras, un peu trop curieux, s’approcha de lui. Sur Boz Pity, les bêtes ne connaissaient la peur des espèces intelligentes. Ragda l’ignora d’abord. « C’est une histoire de fou ! Et tout ça c’est de ta faute ! J’aurais pu y rester avec tes conneries ! » L’écureuil approcha encore. « Mais je… je crois que j’ai senti quelque chose. Je me sens… comme… Plus en phase avec ce qui m’entoure à présent. » Comme pour le prouver, Ragda tendit son index boudiné vers la créature. Celle-ci eu un mouvement de recul avant d’approcher son petit nez. « Tu vois, je… » Soudain elle mordit dedans. Ses petites dents pointues transperçèrent sans résistance le cuir pourtant épais du Hutt. Ragda hurla plus de surprise que de douleur, tout en esquissant des moulinets frénétiques pour se débarrasser de la pauvre petite bête. La force centrifuge lui fit finalement lâcher prise. Elle réalisa un vol planté impressionnant, retomba tête la première dans l’étang…
Halussius Arnor
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Le calme et la quiétude de la clairière était vraiment apprécié d’Halussius. Propice à la méditation et au repos, l’ancien chancelier avait usé de ses dons pour faire de cet endroit un sanctuaire dans lequel la Force irradiait de toute part. Car si dans l’univers commun il ne s’agissait que d’une simple clairière, dans l’univers de la Force tel que le percevait Halussius, l’endroit ressemblait à un temple, une forteresse, une citadelle… La Force était déjà présente naturellement lorsqu’il découvrit cet endroit, mais a une intensité plutôt faible. Grâce à la maîtrise de ses arts mystiques, il avait transformé ce petit filon de Force qui courait dans la clairière en une véritable source, tel un puits inaltérable dans lequel la Force se déverse à l’infini en une myriade de lignes d’énergie.

Ces lignes de Force, Halussius les modela de telle sorte à ce qu’elles constituent un bâtiment à force de travail et de méditation. C’est ainsi qu’en se mettant en état de méditation, l’esprit d’Halussius pénètre dans le monde de la Force, cette dimension dont il ignorait encore l’existence il y a quelques années, et trouve le repos dans ce sanctuaire chimérique cependant réel.

Halussius était justement en train de parfaire les détails de sa réalisation lorsque l’eau de l’étang s’agita du tumulte de l’apparition de Ragda. Bien que ses yeux restèrent fermés, Halussius ne manquait aucun geste ni aucune parole de son ami et à présent disciple, car d’une certaine manière, l’univers de la Force était à la fois une dimension distincte mais aussi une dimension qui se superposait à l’univers commun. La discrétion légendaire du Hutt n’était cependant pas de nature à troubler le non Jedi qui restait parfaitement concentré. Ce n’est que lorsque il perçut le petit mammifère plonger dans l’eau que son esprit quitta la dimension chimérique pour le monde réel. Ses yeux se rouvrirent calmement. Halussius se leva alors et se dirigea vers le bord de l’étang. Là, il commence à enjamber le bord pour poser un pied à la surface de l’eau, puis le second. Il se tenait debout bien droit à la surface de l’eau comme s’il marchait sur un sol tangible. Chaque pas qu’il faisait propageait des cercles à la surface de l’étang jusqu’à ce qu’il arrive au mammifère.

Le petit écureuil savait visiblement flotter, mais il était incapable de se déplacer, continuant d’agiter ses pattes et sa queue sans succès. Halussius se mit alors à croupie et tendit sa main vers l’écureuil qui presque aussitôt lui grimpa dessus, remonta son bras et alla se positionner sur son épaule tout en ébouriffant le poil devant le regard amusé de l’ancien chancelier qui était en train de refaire le chemin inverse. Il remonta le bord végétal de l’étang et l’écureuil s’en alla aussitôt.

Le regard amusé d’Halussius se portait alors sur Ragda qui se remettait encore de ses émotions...


 « Hé bien, mon vieil ami, voilà que tu viens de faire ton premier pas dans ce nouvel univers. Mais je pense qu’il va te falloir aussi continuer à travailler dans le monde réel. »

Halussius se remit alors assis non loin de son bâton qui restait toujours debout sur le sol, parfaitement droit.

 « Je suis content, Ragda. Tu as réussi à venir jusqu’ici en usant de rien d’autre que ta perception de la Force. Crois-moi, malgré les frayeurs que tu as pu affronter, je t’assure qu’il ne te serait rien arrivé.

Dis moi à présent ce que tu ressens après cela ? Tu dis te sentir plus en phase avec ce qui t’entoure… dis m’en plus.
Ragda Rejliidic
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« Premier pas, premiers pas… Facile à dire pour un bipède… » laissa fuser le Hutt, vexé. Usuellement, il ne se formalisait pas pour si peu. Les nombreuses années passées au sein de la République lui avait appris à accepter ces expressions que les humanoïdes formulaient sans même s’en rendre compte. Faire le premier pas, prendre les jambes à son cou, couper l’herbe sous le pied… Il en existait des milliers, sinon des centaines. Mais aussitôt qu’il explosait son agacement, un sentiment inattendu de quiétude l’apaisa. Il lui fallut plusieurs longues secondes avant d’en comprendre l’origine : Halussius. Il émanait de l’ex-Chancelier. L’Artorien avait toujours été charismatique… Mais à présent, il irradiait de lui cette aura de quiétude que l’on attribuait habituellement aux grands sages. Son regard, plein de compassion, tua toutes les répliques cinglantes avant même que le cerveau du Hutt n’ait pu les suggérer. Ragda inspira. Soupira. Avait-il vraiment été en sécurité tout au long de son périple, comme l’affirmait Halussius ? Son esprit lui hurlait que non, que les torrents souterrains auraient pu le déchiqueter en un instant. Pourtant il se tenait là, certes éreinté, mais en un seul morceau, sans la moindre égratignure. Devait-il y voir là l’expression d’une force supérieure l’ayant protégé de son mystique écrin ? Ragda était las, las de lutter pour comprendre. Aussi, pour une fois, il décida de rendre les armes, d’abandonner toute tentative logique d’interprétation… Il acceptait les faits, dogmatiquement.

Ses yeux globuleux s’étrécirent en deux fines fentes alors qu’il cherchait comment exprimer une réponse à la question, en apparence simple, de l’ex-Chancelier. Que ressentait-il ?

« Une pulsation. » dit-il, finalement, hésitant, convaincu que les mots seuls ne pourraient jamais lui permettre de décrire ce qu’il éprouvait en cet instant. Cette épreuve l’avait poussé dans ses retranchements, l’avait contraint à ouvrir béant le pont-levis qui scellait les murailles mentales dressées autour de son esprit cartésien. Et par cette brèche, à présent, s’engouffrait une myriade de sensations, transmises à son cerveau par des synapses dont ils ignoraient jusqu’alors l’existence. En résumé : il s’était ouvert à la Force, et celle-ci coulait à présent en lui… Non : elle avait toujours été là… Mais maintenant, il ne pouvait plus l’ignorer. Il en prenait pleinement conscience. La mystérieuse énergie occuperait à l’avenir un rôle prépondérant dans sa vie, qui dépasserait probablement sa simple existence…

Foutaises !

Ragda chassa ces pensées d’un revers de main mentale, pour mieux se concentrer sur l’instant présent, comme le lui avait seriné Velvet lors de leurs exercices de concentration. Halussius, en bon professeur, n’avait ouvert la bouche. Il lui offrait l’opportunité d’approfondir cette première impression. Il ferma les yeux. « Je sens la vie. » reprit-il, un peu plus confiant. « Elle pulse tout autour de nous. Des plantes aux animaux… Du sol lui-même. Il vibre. Je… » Comment l’exprimer ? Une image, une métaphore s’imposa en lui. Celle d’une masse d’eau, un étang, un lac, qu’importe. La surface, telle un miroir aurait dû refléter les cieux infinis. Mais chaque bourrasque, chaque mouvement : de la feuille qui tombe mollement de l’arbre, jusqu’à l’insecte qui se pose pour boire, provoquait des ondes de choc pareilles à des vagues concentriques, certaines quasi-imperceptible.

Si l’univers avait été ce lac, alors ces ondes aurait été sans nulle doute les fluctuations de la Force. Les sentir offraient la capacité incroyable de comprendre toutes les mécaniques visibles et invisibles qui relaient les êtres, les objets et les éléments entre eux.

Alors même que toutes ces pensées nébuleuses prenaient vie, Ragda compris qu’il n’y comprenait rien en vérité. Ses propres réflexions sonnaient en lui comme une langue étrangère. Chaque suggestion de réponse déclenchait une cascade de questions métaphysiques. Le silence du Non-Jedi, le poussait à en dire encore plus.

« Je crois que je les perçois à présent… Mais pas précisément. Tout est mélangé, flou. Un bain bouillonnant, grouillant. » Le Jacuzzi de la vie aurait-il pu plaisanter si la situation ne prêtait pas tant au sérieux. « Tout ce qui nous entoure produit des échos dans la Force. Des ondes, des vagues, qui s’échouent aux limites de ma conscience. » affirma-t-il, lui-même surpris par la poésie qui se dégageait de ces derniers mots… Mais très rapidement, le courant reflua. La herse retomba. Son esprit se referma. Il rouvrit les yeux. Cligna plusieurs fois des paupières. La lumière crue du soleil lui irritait la rétine, preuve que cette introspection avait duré bien plus longtemps que son horloge interne l’estimait. Il avait tant forcé sur les paupières qu’elles lui paraissaient lourdes, presque douloureuses.

« Plus rien. » conclut-il, alors qu’il cherchait du regard le Chancelier. Seul le vent chantant entre les branches des frondaisons lui répondit. Il était seul. Halussius s’en était allé. Le Maitre Gris l’avait laissé seul face à lui même. Ragda pesta. Saleté d’Artorien ! A moins qu’il n’ait mis trop de temps à lui répondre, perdu dans ses pensées et son appréciation de la Force.

Mais, malgré tout, il se sentait… différent. Un Hutt nouveau, enfin prêt à embrasser cette nouvelle vie qui s’offrait à lui depuis de longs mois déjà. Il regarda à gauche, à droite, leva les yeux au ciel. La course de l’astre diurne, déclinante, lui indiquait la direction à suivre pour rejoindre Refuge… Il lui faudrait une bonne heure pour rejoindre la petite communauté… En rampant. Une épreuve en soit pour un Hutt ventripotent devenu dépendant de son chariot répulseur.
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