Karm Torr
Karm Torr
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— Je ferais même pas livrer mes poireaux ici.
— Hmm hmm.
— Non mais sérieux, regardez ce type. Regardez !

Karm leva distraitement les yeux de son datapad.

— Hmm ?
— Une cicatrice immense.
— Ça arrive.
— J’suis sûr qu’il s’appelle Torbal le Tueur ou quelque chose comme ça. Non mais regardez ! Des yeux de tueur.
— C’est les sourcils qui font ça.
— Des têtes de mort tatouées sur les mains !
— C’est la mode, qu’est-ce que vous voulez…
— Ce sera un miracle si on s’en sort en vie.
— Ecoutez, docteur, finit par soupirer le Jedi, vous êtes parfaitement en sécurité ici, mais j’comprends que l’atmosphère, disons, euh… peu académique des lieux…

Le type tatoué était en train de se curer le nez avec une pièce détachée de speeder.

— … puisse vous paraître intimidante. Si vous alliez faire un tour aux baies d’observation ? Le vaisseau arrive que dans une heure, ça vous détendra de regarder la ceinture d’astéroïdes.
— Et l’espace infini, et froid, et sans oxygène, et…

Karm fut bien obligé de plonger son regard dans celui de l’historien. Inspiration. Expiration. Grâce à la Force, l’Ark-Ni tentait de communiquer à son interlocuteur un peu de son calme et un peu de sa confiance. Somme toute, ce qui les attendait ne présentait aucune difficulté : aller à la rencontre d’un vaisseau qui transportait les résultats d’une fouille archéologique sur une planète désormais déserte du secteur voisin, s’assurer que la cargaison ne contenait rien qui contrevînt aux règles de la République en matière de transport d’artefacts anciens, et délivrer la feuille de route qui autoriserait le catalogage par le programme conjoint du Temple de Coruscant et du centre universitaire « Sorties du désert : traces archéologiques des mondes dépeuplés ».

Un.
Jeu.
D’enfants.

On inspire.
On expire.

Quand Karm sentit que l’historien n’était plus au bord de l’apoplexie, il fit passer ses doigts devant ses yeux et murmura :

— Vous allez vous reposer à la baie d’observation.
— Je vais me reposer à la baie d’observation, répéta l’universitaire d’un ton absent.
— Le spectacle des astéroïdes va vous paraître apaisant.
— Le spectacle des astéroïdes va me paraître apaisant.

Karm lui adressa un demi-sourire et l’homme se releva, en partance pour la prochaine étape de sa séance de sophrologie de l’espace. Le Jedi le suivit un instant du regard, avant de reprendre sa lecture. La station spatiale où il avait pris leurs quartiers n’était certes pas la plus luxueuse de la Galaxie, mais elle était la plus proche et, dans cette région en bordure de la République, à deux encâblures de l’Espace Hutt, et toute proche de l’Empire, ils auraient pu tomber sur un cadre bien plus sinistre.

— J’aime les banthas.
— J’vous d’mande pardon, répondit à Karm à Torbal le Tueur.
— J’aime les banthas.

Encore un qui sniffait les rejets de l’hyperdrive.

— Ah. Euh. C’est bien.

Torbal le Tueur passa son chemin.
Karm s’était fait un nouvel ami.
Il l’observa passer la porte. Ensuite, il observa la porte hermétique tomber d’un coup sec, alors que les alarmes rugissaient. L’apocalypse ! La fin du monde ! Une attaque des pirates de l’espace !

— A tous les voyageurs de la station… à tous les voyageurs de la station… problème de pressurisation dans les toilettes des secteurs 7, 8, 9 et 10… je répète… à tous les voyageurs de la station… problème de pressurisation dans les toilettes des secteurs 7, 8, 9 et 10… déchets organiques et gravité réduite… tenez-vous éloignés des cabines en attendant la réparation… cardez votre calme… déchets organiques…

L’annonce tourna plusieurs fois en boucle avant que les sirènes ne se taisent. Par acquis de conscience, Karm jeta un coup d’oeil au numéro peint en gros sur le mur en face de lui. 5. Le voilà préservé d’une rencontre malheureuse avec les conséquences souvent difficiles de ce que l’on servait dans les cafétérias locales. Le Jedi rangea son datapad et se releva, pour faire un tour dans le module où il se trouvait enfermé par les portes de sécurité. On n’était jamais trop prudent.
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TISJESS – Je ne t'ai pas encouragé à tuer qui que ce soit, ici.
YULPI – Vous plaisantez ?! Vous passez votre temps à essayer de me convaincre que la vie des gens que je croise vaut blassba ! C'est juste pour me dire ça que vous m'avez fait partir en mission avec vous ? Déjà que ça m'escagasse d'être planté sur ce trou à me barboler comme un purée de rat crevé...

Le Sluissi plissa les yeux en réponse au ton peu respectueux employé par son apprenti à son égard. Yulpi était excédé et cela avait pour conséquence non pardonnable de lui faire manquer de respect au Guerrier Sith qu'il avait pour maître.

TISJESS – Je t'ordonne de baisser d'un ton, Apprenti.

Ces mots sonnèrent comme une claque, faisant redescendre Yulpi qui réalisait parfaitement avoir franchi la ligne. Laissant passer quelques secondes, le Sluissi reprit :

TISJESS – Ce n'est pas parce que la vie insignifiante d'un badaud que tu croise ne vaut rien, que tu as pour autant le devoir de la lui ôter. Chaque vie peut se montrer utile sur ton chemin.

Yulpi fit l'effort de ne pas couper la parole à son maître, mais ça le démangeait. Non, une vie ne valait pas rien, quoi qu'il en soit.

TISJESS – Tu dois simplement apprendre à ne pas te poser d'entrave. Tu accordes trop d'importance à autrui, et ce faisant tu te brides. Ces gens ne valent rien, la Force a décidé de ne pas leur donner le don que tu as. Vas-tu gâcher ce don en te rabaissant à leur niveau ? Tu pars en mission avec moi pour te forger l'esprit et apprendre à te libérer des entraves que tu te poses toi-même. Tes émotions vont et viennent à fleur de peau, mais tu les inhibes. C'est un gâchis, alors que tu as du potentiel, Apprenti Bepads.

Et qu'est-ce que ça pouvait lui faire, à Tisjess, que Yulpi décide de « s'entraver » et d' « inhiber ses émotions » ? Allait-il essayer de le faire croire qu'il avait pitié de lui, qu'il n'agissait que par simple devoir de lui donner les clés pour devenir puissant ? Toutefois, Yulpi n'osait plus rien dire. Tisjess avait autorité. Mais il n'avait pas la bonne pédagogie pour convaincre Yulpi que le Code Sith était fait pour lui. A l'Académie, tout le monde parlait de liberté ; mais la liberté passait-elle forcément par le mépris de ceux qui ne maîtrisaient pas la Force ? Faire la guerre aux Jedis ne devait pas impliquer d'écraser les innocents qui n'avaient rien à voir avec cette histoire de Côté Obscur et de Côté Lumineux. Tisjess était trop empressé de voir Yulpi changer de mentalité. Puisque c'était quelqu'un de frontal, il ne pouvait qu'aller au conflit avec son apprenti en le braquant, au lieu de se concentrer sur ses points forts et de chercher des moyens détournés de l'attirer vers le Côté Obscur.

YULPI – J'ai besoin de souffler un coup, Maître, sinon je vais continuer à vous manquer de respect.

Sur ces mots, Yulpi partit d'un pas saccadé, le regard braqué sur le sol, dans le vide. Il ne regardait même pas où il allait, et ne leva la tête que quand une alarme le fit sursauter. Une voix robotique alerta l'équipage et les passagers d'un problème de pressurisation dans les toilettes de quatre secteurs de la station. Les sas se fermèrent, isolant chaque secteur. Yulpi avait laissé Tisjess dans le secteur 7 et se trouvait maintenant dans le secteur 5. Il n'était donc pas concerné... à l'inverse de son maître, à qui il souhaita mentalement bonne chance pour ne pas rencontrer un étron volant. L'idée le fit rire, plus nerveusement qu'autre chose, comme un moyen d'essayer de se calmer.

Le prestige de l'Ordre Sith n'en devrait pas être éraflé, puisque tous deux voyageaient en tenue civile pour cette mission. Yulpi portait une chemise à lacets vert forêt sans manches et un pantalon beige souple. Pieds nus, comme depuis le premier jour de sa vie, il avait défait les lacets de sa chemise pour laisser apparaître son torse en partie. En somme, il était vêtu de façon très décontractée. Son sabre-laser était caché par un repli de son pantalon formant une sorte de poche spécialement cousue à cet effet. Sa chemise était juste assez longue pour couvrir le léger relief que cela formait.

Finissant de rire en s'imaginant Tisjess assailli par les relents sans gravité des toilettes de son secteur, Yulpi se remit à grommeler. Il n'était déjà pas jouasse de devoir faire étape sur cette station où il s'ennuyait ferme, et le voilà piégé et retardé à cause d'un problème de plomberie. Il avisa un mur, une caisse, et prit son élan, un appui sur la caisse, bondit sur le mur et effectua une pirouette, retombant agilement sur ses deux pieds. Il s'occupa comme il pouvait et ne fit pas tout de suite attention à la personne qui s'approchait.
Karm Torr
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— On peut savoir ce que vous fabriquez ?
— Qui ça ? Moi… ?

Karm se composa son expression la plus innocente, devant le droïde de maintenance qui venait de le surprendre à trifouiller dans les câbles de la station.

— Je vous connais, vous, les Charognards de l’espace, insista le droïde en pointant sur lui un doigt accusateur.

Les Ark-Ni n’avaient pas toujours une excellente réputation chez les habitants robotiques de la Bordure Extérieure. Pour beaucoup de droïdes, le sens du bricolage tout personnel des nomades de l’espace était une insulte aux principes le plus fondamentaux de l’ingénierie robotique. Et puis les Ark-Ni étaient souvent soupçonnés de trafiquer les stations spatiales et d’embarquer illégalement les pièces que les intéressaient — préjugés infondés, certainement, mais qui avaient la vie dure.

— Et sinon, les réparations, ça avance ?

Le droïde roula ses yeux artificiels dans une mimique d’exaspération. Silence. Karm attendait. Silence. Le robot n’était pas décidé à bouger et le Jedi dut abandonner son poste. Il rempocha son datapad et passa son chemin, en se promettant de trouver une autre borne quelques coursives plus loin. Hacker le système de la station était encore le meilleur moyen de suivre l’avancée des travaux et de s’assurer que les incidents de plomberie ne recouvraient pas en réalité des problèmes plus sinistres.

Quelques mètres plus loin, il surprit deux types occupés à forcer sans grand succès une porte de sécurité. Leurs regards se croisèrent. Les deux hommes adoptèrent une expression dégagée. A peine Karm avait-il passé son chemin qu’ils se remettaient à l’ouvrage. La patience et l’inactivité n’étaient pas les forts des voyageurs qui passaient par ce genre de stations. Habitués à régler leurs problèmes par eux-mêmes dans les secteurs déserts de la Bordure, ils avaient du mal à se ranger aux consignes de sécurité qu’une voix désincarnée leur serinait depuis les hauts-parleurs.

Nouvelle coursive, nouveau spectacle. Un… Qu’est-ce que c’était que ce truc ? Karm fouilla le vaste répertoire d’espèces que tout voyageur galactique digne de ce nom renfermait dans sa mémoire, mais il connaissait trop peu Naboo, et les Gungans étaient trop rares dans le reste de la Galaxie, pour qu’il fût capable de les reconnaître du premier coup d’oeil. Mais les têtes-à-têtes avec des espèces exotiques faisaient partie de la vie de tout bon explorateur.

Et la curiosité du Jedi était titillée.
N’était-ce pas, après tout, son domaine de spécialité ?

Il traversa en quelques pas la distance qui le séparait de l’étranger.

— Y a des conduits dans la coursive B24 qui font d’excellentes barres asymétriques, si jamais t’as envie d’étoffer ton répertoire.

Ni l’attitude, ni l’accoutrement de Karm n’annonçaient le Chevalier Jedi. Fidèle à ses habitudes, Karm avait laissé la bure de l’Ordre au placard pour adopter des vêtements de civil, pour se fondre dans la masse des pilotes et des navigateurs, des mercenaires et des entrepreneurs à la dérive qui peuplaient ce genre de stations. Ses cheveux en bataille, son Basic familier, et cette espèce d’aisance naturelle qui était propre aux Ark-Ni dans les vaisseaux et les stations, tout annonçait l’aventurier des étoiles, habitué à naviguer entre les astéroïdes et entre les lois.

— J’essaie d’me trouver un spot tranquille pour accéder au mainframe de la station, et voir un peu ce qu’ils fabriquent dans les autres niveaux, des fois qu’il y ait une panne plus grave et qu’on nous dise pas.

Il jeta un regard autour d’eux pour vérifier qu’aucun droïde acariâtre n’allait surprendre leur conversation.

— Des fois, ça te dirait pas de me filer un coup d’main ? Les robots du coin sont du genre pointilleux, j’ai besoin de quelqu’un qui surveille mes arrières.

En appeler à la solidarité des voyageurs galactiques était un prétexte comme un autre de passer un peu de temps avec cette espèce inconnue.

— J’m’appelle Torr, au fait.

Fidèle aux habitudes de son peuple, Karm n’avait donné que son nom de famille à l’étranger. Et ses mains étaient restées dans ses poches. Ses yeux, qui réfléchissaient comme toujours la lumière de la station pour briller d’un bleu qui trahissait une humanité peu ordinaire, cherchèrent ceux du Gungan, pour tenter de démêler ses intentions — sans l’aide de la Force : mieux valait être prudent.
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KARM – Y'a des conduits dans la coursive B24 qui font d'excellentes barres asymétriques, si jamais t'as envie d'étoffer ton répertoire.

Manquant de sursauter comme s'il était pris la main dans le sac en train de faire quelque chose de répréhensible, Yulpi tourna la tête vers la personne qui venait de s'adresser manifestement à lui. Une Humaine svelte aux cheveux en bataille de couleur argentée. Une poitrine assez plate pour donner un doute à Yulpi : était-ce bien une femme ? Comme chez toutes les races mammifères, les femelles Humaines avaient des mamelles, situées chez elles au niveau de la poitrine, qui produisait un renflement que l'on ne retrouvait donc pas chez les mâles. C'était en général, pour une race non mammifère, un moyen facile de distinguer hommes et femmes. Yulpi ne put se servir de ça chez son interlocutrice. Il pensa avoir affaire à une femme mais n'en fut pas sûr.

Quoi qu'il en soit, Yulpi accueillit la réflexion avec bonhomie. Puisqu'il se faisait chier sur cette station spatiale aux défauts de plomberie, il n'attendait qu'à trouver des personnes voulant bien papoter avec lui pour tuer le temps. Il rit :

YULPI – Ah ouais pourquoi pas, faudra que j'aille tâtonner ces barres pour me dépoteler, de toute façon tout ce qui peut m'éviter de me barboler ici, ce sera sipli !

Yulpi ne faisait pas attention à son argot, et il y avait probablement trois mots que son interlocutrice n'allait pas réussir à comprendre dans cette phrase.

KARM – J'essaie d'me trouver un spot tranquille pour accéder au mainframe de la station, et voir un peu ce qu'ils fabriquent dans les autres niveaux, des fois qu'il y ait une panne plus grave et qu'on nous dise pas.
YULPI – Tu crois ?

Ce problème de plomberie pouvait-il vraiment cacher un autre problème plus grave ? Yulpi n'y avait pas songé. Il s'était simplement marré en imaginant Tisjess devoir esquiver des étrons et des nuages d'urine flottant en apesanteur, mais s'il était en danger, ce serait tout de suite moins drôle. Même s'il venait de se séparer de lui après un petit accrochage, il n'avait pour autant pas envie qu'il lui arrive du mal. Et s'il pouvait l'aider, alors Tisjess finirait peut-être par être bien content que Yulpi eût gardé une certaine capacité d'empathie.
Enfin, inutile d'imaginer de tels trucs, l'Humaine voulait juste s'assurer qu'il n'y avait pas de problème plus grave de caché, rien ne permettait de dire que c'était bien le cas.

KARM – Des fois, ça te dirait pas de me filer un coup d'main ? Les robots du coin sont du genre pointilleux, j'ai besoin de quelqu'un qui surveille mes arrières.

Justement l'Humaine jetait un regard tout autour d'eux comme pour s'assurer qu'aucun droïde ne pouvait surprendre leur petite discussion.

YULPI – Haha, c'est vrai qu'ils sont cabotins ces tas de ferraille !

Au final, même si Yulpi n'avait pas matière à s'imaginer le pire et se disait que cette Humaine se faisait probablement du souci pour rien, il avait là l'occasion parfaite de tuer l'ennui. Parce que s'échauffer contre le mur, ça irait bien cinq minutes, mais Yulpi n'était pas venu ici pour une séance d'entraînement, il avait tout ce qu'il fallait sur place à l'Académie de Korriban. Il se tourna donc face à l'Humaine et s'avança vers elle avec le sourire.

YULPI – Allons-y, si si, ça m'occupera !
KARM – J'm'appelle Torr, au fait.
YULPI – Yulpi !

L'Humaine ne chercha pas à lui serrer la main, alors tant pis. Ce n'était pas forcément à interpréter comme un manque de politesse. Yulpi se mit à marcher à côté d'elle. Quand le problème serait résolu, il lui faudrait retourner voir Tisjess, mais en attendant il allait profiter de cette nouvelle rencontre.

YULPI – T'es toute seule ?
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Quand on passait son temps dans les dédales des stations spatiales, dans les terminaux des astroports miteux aux recoins les plus improbables de la Galaxie et dans les civilisations que personne n’avait pris la peine de découvrir, on développait une aptitude certaine à se frayer un chemin entre les particularités linguistiques de ses interlocuteurs. Les paupières légèrement plissées, Karm tentait de se faire une idée approximative de ce que pouvait bien lui raconter son nouvel interlocuteur.

Haussement d’épaules.

— On est jamais trop prudent, déclara Karm, d’un air dégagé, quand l’autre l’interrogea sur ses suspicions.

D’un geste de la tête, une fois les présentations faites, le jeune homme indiqua le chemin qu’ils emprunteraient. Il n’avait pas exploré la station de fond en comble mais, sauf à tomber sur des ingénieurs excentriques, il y avait en général quelques principes d’organisation fondamentaux.

— Non, j’accompagne un type, on est là pour récupérer des trucs qu’on se fait livrer.

C’était du précis.

— Mais le mec était en pleine panique spatiale, poursuivit Karm qui, en bon Ark-Ni, ne songea pas une seule seconde à corriger Yulpi sur son genre, alors j’l’ai envoyé se détendre quelques ponts plus haut. Pour le coup, j’suis pas sûr que…

La phrase resta comme souvent inachevée mais il n’était pas difficile de deviner qu’il doutait que l’archéologue revienne tout guilleret dans son excursion improvisée en apesanteur au milieu des déchets organiques de la station.

— Et toi ? Tu voyages seul ou c’t’une excursion de groupe ?

Yulpi était assurément le seul de son espèce que Karm eût croisé à bord de la station, mais les vaisseaux qui passaient dans le secteur étaient réputés pour leur équipage bigarré, comme c’était souvent le cas dans la Bordure, et le gymnaste des couloirs était peut-être bien entouré.

— C’est la première fois qu’j’vois quelqu’un comme toi, rajouta-t-il.

La remarque était un peu directe mais les Ark-Ni n’étaient pas connus pour leur sens du tact. Pour eux, la politesse était une affaire de clarté et d’honnêteté, certainement pas de circonvolutions et de faux-semblants. L’éducation jedi avait arrondi bien des angles chez Karm, mais il restait souvent fidèle à ce qu’on lui avait inculqué dans la petite enfance.

D’un nouveau geste de la tête, il désigna l’un des panneaux métalliques du couloir, dans lequel s’enfonçait une borne de contact pour les droïdes. Le jeune homme s’accroupit et l’examina soigneusement, avant de poser la main dessus. Les yeux à demi-fermés, il se plongea dans la Force, pour détecter des pièges éventuels, alarme ou système de sécurité additionnel. Il était loin de se douter que ce petit tour de passe-passe avait peu de chance de passer inaperçu aux yeux de son compagnon de voyage.

— OK, murmura-t-il finalement, en rouvrant les yeux.

Les multiples poches de son pantalon furent visités pour en tirer quelques outils. Rompu aux voyages en solitaire, dans des conditions souvent peu idéales, Karm avait l’habitude de transporter tout un atelier avec lui. Les Consulaires ambassadeurs avaient leurs lettres protocolaires et leurs cadeaux diplomatiques : lui, il avait de quoi découper, et souder, et sonder. La borne fut promptement soulevée, puis déconnectée avec soin, avant que le datapad du Jedi ne vienne en prendre la place.

— J’doute que ça passe totalement inaperçu, précisa-t-il à l’intention de sa vigie, pour inciter Yulpi à garder l’oeil ouvert.

Les doigts de l’Ark-Ni pianotaient sur l’écran de l’appareil. La cybersécurité des systèmes auxiliaires d’une station-relai plus que périphérique n’était pas exactement un défi de premier ordre, mais il n’était pas pirate informatique pour autant, et il tâtonnait pour trouver son chemin dans l’architecture des données. Il essayait d’interpréter ce que l’ordinateur voulait bien lui dire, sans qu’il eût besoin de forcer les codes d’accès principaux.

— Ouais, leur système de gestion des déchets est une antiquité. C’est la compression qui coince, surtout. Les conduits passent trop près des moteurs, ça chauffe, les gaz de fermentation s’accumulent, la pression fissure l’enveloppe. Classique.

Karm se dit qu’il passait décidément trop de temps avec les ingénieurs de la République chargés d’installer les systèmes de gestion des eaux dans les colonies de réfugiés de guerre qu’on installait dans la Bordure.

— Encore quelques secondes, j’essaie d’voir comment ils s’y prennent pour réparer, qu’on sache si on est bloqués ici deux heures ou deux jours.

Mais quelques secondes, c’était peut-être plus qu’ils n’en avaient, à en juger par le roulement métallique qui commençait à se faire entendre à l’autre bout du couloir.
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KARM – Non, j’accompagne un type, on est là pour récupérer des trucs qu’on se fait livrer.

Réellement, Yulpi se moquait un peu de savoir ce que Torr faisait ici sur cette station ou qui était son compagnon. Il voulait juste savoir si, oui ou non, elle était seule ; les précisions étaient superflues. C'était en fait une façon indirecte de pouvoir ensuite annoncer que dans son cas, il y avait un Sluissi qu'il devrait rejoindre. Aussi sympathique que pourrait se montrer Torr, il n'était pas seul et ne pourrait pas rester longtemps traîner avec elle. Et par curiosité, il voulait savoir ce qu'il en était de son cas, à elle.

KARM – Mais le mec était en pleine panique spatiale, alors j’l’ai envoyé se détendre quelques ponts plus haut. Pour le coup, j’suis pas sûr que...

… qu'il soit plus détendu maintenant ? Yulpi pouffa de rire. Alors qu'il avait laissé Tisjess sur une petite dispute, s'était ensuite amusé en imaginant son maître faire face à des étrons flottants, pour finalement redevenir maussade à cause de l'ennui de la situation, voilà qu'il redevenait jovial en discutant avec cette Humaine du nom de Torr. Tout ce qui pouvait lui occuper l'esprit était bon à prendre, de toute façon.

KARM – Et toi ? Tu voyages seul ou c’t’une excursion de groupe ?

Et voilà, exactement la question que Yulpi espérait se faire poser en retour ! Torr ajouta :

KARM – C’est la première fois qu’j’vois quelqu’un comme toi...
YULPI – Un Gungan, tu veux dire ?

Torr venait de s'exprimer de façon très directe, ou alors au contraire pas assez, au lieu de dire neutrement « quelqu'un de ta race », elle préféra dire « quelqu'un comme toi », comme si la race de Yulpi la mettait mal à l'aise. A moins qu'elle ne parlât pas du tout de sa race mais d'autre chose, mais alors Yulpi ne comprenait pas le sous-entendu.

YULPI – Je rencontre pas beaucoup de gens « comme moi », pour te dire, de toute façon.

Yulpi ne sut lui-même s'il venait de dire ça sous l'effet d'une pointe de vexation ou s'il avait voulu se laisser aller à un trait d'humour.

YULPI – En tout cas, non, j'suis pas seul. J'suis venu avec un Sluissi qu'est resté piégé dans le secteur 7. J'espère qu'il a eu la bonne idée de rester éloigné des toilettes...

Fallait-il encore que Torr sache ce qu'était un Sluissi...
Tout en parlant, Yulpi s'était déplacé avec Torr dans le couloir. Torr lui avait demandé de surveiller ses arrières, mais il ne savait pas exactement ce qu'elle comptait faire. Torr s'arrêta devant une sorte de panneau électrique. Pour Yulpi, c'était simplement une borne de rechargement pour droïdes, mais il n'y connaissait rien et ne savait pas trop ce qu'un droïde pouvait avoir d'autre comme utilisé de se brancher là-dessus. Torr s'agenouilla devant et posa une main sur le panneau. Et elle fit quelque chose d'étonnant pour le moins.

Les yeux mi-clos, elle eut tout d'abord l'air d'une Sith en pleine méditation pour détecter des choses à travers la Force. Et Yulpi ne crut pas si bien dire : il perçut bel et bien des ondes dans la Force provenant de Torr.
Il resta un instant hébété, ne croyant pas ce qu'il venait de percevoir. Torr venait-elle de lire dans la Force ? Vraiment ?!
Comment avait-elle fait si elle n'avait pas été formée ?
Non, elle avait forcément été formée... Mais par qui ? Elle ne ressemblait pas à une Sith ni à une Jedi...
Et en même temps, Yulpi se dit que cette réflexion était idiote puisque lui-même ne ressemblait pas à un Sith, et pourtant...

Alors que Torr était concentrée dans son mic-mac, à retirer le panneau pour accéder au réseau avec son datapad, Yulpi essaya de la sonder. Il voulut au moins observer la couleur de son aura. Et il ne perçut que le Côté Lumineux de la Force en elle.
Merde...
Etait-ce possible ?
Et Torr n'avait-elle encore rien perçu chez lui ? Ne se doutait-elle vraiment pas le moins du monde qu'elle bavardait avec un Sith ?

D'un coup, la dispute avec Tisjess repassa dans l'esprit de Yulpi. Il ne voulait pas tuer le premier venu qui représenterait une quelconque gêne pour lui. Mais un Jedi...

En pleine confusion, Yulpi réalisa en retard que Torr attendait de lui qu'il fasse le guet. Il faillit hésiter mais il sentit un trouble dans la Force aussitôt suivi par le bruit de petites roues métalliques. Un sale droïde mécano n'avait pas trouvé de meilleur moment pour taper l'incruste.

Yulpi se dirigea vers lui d'un pas ferme, tapant presque du pied sur le sol. Il croisa au coin du mur le droïde venant d'un couloir perpendiculaire.

YULPI – Pas besoin de toi ici, merci !

Le droïde mécano se permit une petite réflexion sur son manque d'élégance et argua avoir reçu un étrange signal de perturbation, mais pour Yulpi, ce fut du charabia. Voyant l'insistance du petit être de métal, le Gungan s'agaça.

YULPI – Discasse, j'te dis !

Le droïde insista encore, poussant contre les jambes du Gungan, qui perdit son sang-froid : il attrapa le manche de son sabre-laser, sans l'allumer, l'utilisa pour frapper le droïde en plein œil, et le remit dans sa poche. Il repoussa ensuite le droïde d'un coup de pied, le faisant glisser sur ses roulettes sur quelques mètres.

Yulpi revint ensuite vers Torr, la mine sévère. Il avait complètement changé de physionomie, en comparaison avec le début de leur rencontre. Il n'y avait même pas besoin de lire dans la Force pour comprendre qu'il venait de se passer quelque chose dans sa tête. A forciori, Torr pouvait sentir une certaine menace émaner de lui. Yulpi se serait bien placé derrière elle pour pointer son sabre-laser sur sa nuque et l'interroger, mais il n'allait pas pouvoir avoir l'effet de surprise.

YULPI – Hey l'Humaine, t's'rais pas Jedi par hasard ?...
Karm Torr
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— Tu fais dans le tact et la délicatesse, dis donc, murmura Torr sans se retourner, occupé à contourner les dernières sécurités, pour grappiller quelques miettes d’information en plus.

Quoi qu’il en soit, Yulpi s’était montré convaincant, à sa manière, et le Jedi put finir ce qu’il lui restait de son travail et replacer soigneusement la borne de connexion, pendant que dans son dos, on méditait son assassinat. Il avait fini de visser la protection quand Yulpi lui posa sa question et, aussitôt, il sentit la menace dans la Force. L’aura du Gungan.

Son cerveau se mit à fonctionner à toute allure. Yulpi avait toutes les chances d’être un Sith. Un Apprenti ou un Guerrier, à en juger par son âge, encore que la chose fût difficile à estimer, chez une espèce inconnue. Karm n’était pas désavantagé dans un combat singulier, mais si Yulpi voyageait accompagné, alors il n’était pas impossible qu’un Seigneur Sith malodorant et particulièrement irrité se promenait quelques niveaux plus haut.

Il était sans doute préférable de s’essayer à un peu de diplomatie.

— Ark-Ni, pas humain, précisa Karm en s’essuyant les mains, avant de se relever lentement, très lentement, pour ne pas avoir l’air agressif.

La plupart des scientifiques considéraient les Ark-Ni comme des humains avec leur lot de mutations mais les Ark-Ni avaient souvent une autre opinion sur la question. Karm se retourna vers son interlocuteur.

— Et Jedi, oui.

Le regard littéralement lumineux de Karm avait commencé à détailler Yulpi avec beaucoup d’attention, au cas où le Sith ne se sentît l’envie de l’agresser séance tenante. En même temps, il essayait de se remémorer la disposition des coursives, l’encombrement, tout ce qui pouvait former le terrain de leur futur combat.

— Après, tu vois, j’ai pas spécialement envie d’me castagner, parce que vu l’état de la station, un coup de sabre qui part du mauvais côté et on se retrouve avec une nouvelle vague d’emmerdes, et j’veux dire, très concrètement, quoi.

D’un geste de la tête, il désigna la borne qu’il venait de réajuster.

— J’pense qu’ils en auront fini dans trois quatre heures. Après, chacun peut partir de son côté.

Et pourquoi pas ? Il avait réussi à collaborer avec Kael, son camarade d’infortune et son compagnon d’armes pour une poignée d’instants, dans une geôle lointaine, et il avait survécu sans heurt à sa rencontre avec Darth Noctis. Plus le temps passait, plus Karm voulait croire qu’entre les Siths et les Jedis, il pouvait exister, au moins parfois, au moins dans les têtes-à-têtes, une autre voie que celle de la traînée de corps mutilés et fumants que la guerre avait laissé dans leur sillage.

— Gungan, c’est de Naboo, pas vrai ? J’ai lu le nom quelque part, genre en passant, dans une description de la planète, mais j’avais jamais vu les images. C’est un peu comme nous. Les Ark-Ni, j’veux dire. En dehors de la Bordure, personne nous connaît, et même dans le coin, on nous croise pas tous les jours.

Karm naviguait à l’instinct. Comme tous les Jedis, il avait suivi des cours de diplomatie et de résolution des conflits, mais sa formation avait été tant dominée par les arts martiaux et il avait été si longtemps convaincu de son manque entier de charisme, qu’il ne s’y était jamais beaucoup appliqué. Depuis quelques mois, bien sûr, depuis qu’il avait rencontré Luke, son consulaire de compagnon, et qu’il avait pris la décision de devenir Maître, il avait observé plus attentivement les méthodes de conciliation, mais il avait l’impression que le chemin qui lui restait à parcourir demeurait immense.

Il lui semblait que créer une communauté d’expériences était un bon début.

— J’étais sur Naboo, y a quelques semaines. J’ai vu que la capitale. Mais en général, les villes, c’est pas trop mon truc. J’fais plutôt dans l’exploration, tu vois. La boue et la végétation, c’est plutôt mon domaine.

Les arts martiaux, c’était son domaine, mais ça ne cadrait pas très bien avec ses tentatives pacifiques.

— Tu fais quoi, toi ? Moi, à part sorcier et guerrier et… Ouais, j’y connais pas grand-chose, aux répartitions du travail sith. Mais j’suppose que vous avez des spécialités et tout, aussi, non, pas vrai ? Selon vos aptitudes puis vos préférences. Histoire de pouvoir vous développer.

Certains Jedis imaginaient sans doute qu’il y avait des spécialités exotiques comme « Torture », « Génocide » ou « Death Metal Industriel », mais Karm espérait quelque chose d’un peu plus inoffensif.
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KARM – Ark-Ni, pas Humain...

Yulpi ne savait même pas ce qu'était un Ark-Ni. Cela ne faisait que quatre ans qu'il avait été retiré de Naboo, de toute manière, et malgré ses quelques voyages intergalactiques, il lui restait encore beaucoup de races à découvrir. Et cette Ark-Ni ressemblait en tous points à une Humaine, aux yeux de Yulpi ; ce devait donc être une autre de ces races de Proches-Humains issus d'hybridations interraciales qui finissaient par toutes se ressembler.

KARM – Et Jedi, oui.

Merci de confirmer, même si Yulpi aurait été étonné d'une réponse contraire. La Jedi Ark-Ni, donc, se mit à le détailler du regard mais anticipa la menace qui pesait sur elle :

KARM – Après, tu vois, j'ai pas spécialement envie d'me castagner, parce que vu l'état de la station, un coup de sabre qui part du mauvais côté et on se retrouve avec une nouvelle vague d'emmerdes, et j'veux dire, très concrètement, quoi.

Yulpi n'était plus d'humeur à goûter aux traits d'humour. Lui, il aurait bien « castagné » cette sale Jedi qui avait eu le malheur de lui adresser la parole, parce qu'emmerdes ou pas emmerdes, cette Jedi était de fait une ennemie. Une ennemie dans la même situation merdique que lui, toutefois, et à qui il n'aurait pas fait le moindre mal avant de savoir dans quel camp elle était. Devait-il donc l'agresser par précaution, dans l'idée de ne pas la laisser porter le premier coup ? Devait-il traiter les Jedis individuellement ou les considérer tous foncièrement mauvais par principe ?

KARM – J'pense qu'ils en auront fini dans trois quatre heures. Après, chacun peut partir de son côté.

Ce serait très étonnant que cela se finisse comme ça. D'autant plus que Tisjess ne l'accepterait pas. Yulpi serait obligé de lui rapporter cette rencontre, et l'affrontement aurait bel et bien lieu, peu importe le pacifisme affiché de cette Jedi.

KARM – Gungan, c'est de Naboo, pas vrai ? J'ai lu le nom quelque part, genre en passant, dans une description de la planète, mais j'avais jamais vu les images. C'est un peu comme nous. Les Ark-Nis, j'veux dire. En-dehors de la Bordure, personne nous connaît, et même dans le coin, on nous croise pas tous les jours.

Yulpi fut assez désarçonné par ce soudain intérêt pour sa race. Torr se rappelait avoir entendu parler des Gungans comme une race civilisée de Naboo, et Yulpi se demanda un instant pourquoi Torr revenait sur ce point. C'est en se répétant ses dernières phrases qu'il comprit que Torr faisait une comparaison entre leurs deux races : à peine connues, même en images. Mais ça ne s'arrêta pas là :

KARM – J'étais sur Naboo, y a quelques semaines. J'ai vu que la capitale. Mais en général, les villes, c'est pas trop mon truc. J'fais plutôt dans l'exploration, tu vois. La boue et la végétation, c'est plutôt mon domaine.

Voilà un autre point commun entre eux deux. Yulpi pencha la tête sur le côté, interloqué. Une vague de nostalgie l'emplit assez soudainement alors que Torr évoquait encore Naboo. En l'entendant parler de boue et de végétation, Yulpi repensa à Gumo, et son cœur se comprima, pompant une larme jusqu'à son œil gauche. Il se dépêcha de l'écraser contre la paume de sa main.

KARM – Tu fais quoi, toi ? Moi, à part sorcier et guerrier et... Ouais, j'y connais pas grand-chose, aux répartitions du travail sith. Mais j'suppose que vous avez des spécialités et tout, aussi, non, pas vrai ? Selon vos aptitudes puis vos préférences. Histoire de pouvoir vous développer.

Merci de rappeler que cette discussion se tenait entre un Jedi et un Sith, car Yulpi commençait déjà à avoir l'esprit qui dérivait. Il se recentra sur la situation. Il était évident qu'il n'allait pas donner une claque maintenant à Torr alors que cette dernière ne faisait qu'entamer une discussion non armée et sans aucune menace.

YULPI – Arrête...

Le Gungan expira un coup en tapant du pied au sol nerveusement. Evidemment, à cet instant, si l'on n'était pas dans sa tête, on ne pouvait pas deviner ce qu'il voulait que Torr arrête. Aussi reprit-il :

YULPI – Arrête de parler de Naboo, comme si t'y étais allée... Oui, la capitale, bravo, et pourquoi vous appelez ça “capitale”, hein ? Capitale pour qui ? Au nom de qui ? Tu n'as pas vu un seul Gungan dans cette prétendue “capitale” ! Bah non, puisque j'suis le premier qu'tu vois ! La vérité c'est que je n'ai jamais vu un seul Jedi se déplacer sur Naboo là où il y avait besoin de se déplacer ! Pas un seul d'entre vous n'a levé le petit doigt, et c'est partout pareil. Parce que vous vous en moquez. Les Gungans, vous vous en jetez le pli de tissi. Qui irait se carabouiller la bigne pour un petit tas de zugzus qui barbotent sous la flotte ? C'est vrai, hein ? Les Humains de la surface, ceux de la “capitale”, c'est tellement plus importants ! Même pour des Jedis !

On aurait pu croire que la colère de Yulpi était passée, mais voilà qu'elle remontait déjà. Ca commençait à ressembler à une forme sévère de bipolarité ; en tout cas, ça pouvait aux yeux de quelqu'un qui ne connaissait pas Yulpi.

YULPI – Moi non plus j'aime pas les villes.

lâcha-t-il soudainement, étant le seul à voir un rapport avec ce qu'il venait de dire. Il disait ne pas aimer les villes mais il devait être plus précis : il n'aimait pas les villes sur modèle humain. Les villes sous-marines de son peuple, bien sûr qu'il y était à l'aise et qu'il aimait y vivre. Il savait simplement qu'il n'y vivrait plus jamais.

YULPI – Une fois je suis allé sur Coruscant. C'est moche et ça sniffe. La plupart des gens vont te dire que la boue, c'est cracrabouya, mais pour moi ce sont les villes comme celles de Coruscant qui le sont. La boue c'est juste de la terre et de l'eau, rien de sale.

Maintenant qu'il avait, pensait-il, clôturé le sujet de Naboo et la beauté de sa planète par rapport à une planète industrielle, il revint sur une question déjà posée mais qui prenait une autre tournure maintenant qu'il savait que Torr était une Jedi :

YULPI – Et l'aut' zugzu que t'accompagnes pour vous faire livrer des trucs, c'est un Jedi, lui aussi ?
Karm Torr
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Fort heureusement, Karm, lui, ne s’énervait pas facilement. Moitié à cause de l’éducation ark-ni, moitié à cause de la formation prodiguée par l’Ordre Jedi, le jeune homme était un compétiteur intergalactique en matière de flegme. La tirade remontée de son interlocuteur sur Naboo, sa capitale et ses peuples fut donc accueillie par une patience attentive.

Si Karm avait été un Sentinelle bien formé, il en aurait sans doute déduit tout ce qu’il y avait d’utile sur la manière dont Yulpi avait été recruté et le genre d’arguments que l’Empire Sith devait employer pour discréditer l’Ordre Jedi aux yeux de certaines espèces minoritaires, sur une planète comme Naboo. Mais en biologiste et en Gardien, le jeune homme avait d’autres préoccupations.

En l’occurrence, éviter d’en arriver à une confrontation et, dans le cas contraire, y survivre. Mais s’il avait rencontré un Sith dans un tel endroit, s’il lui avait même par hasard adressé la parole, n’était-ce pas nécessairement que la Force les avait rapprochés l’un et l’autre, avec un dessein particulier ? En bon mystique, Karm était convaincu que cette conversation ne devait rien au hasard.

— T’essaies de savoir si Saï Don traîne pas dans le coin et si tu risques de te le prendre sur le coin de la tronche ?

Karm haussa les épaules.

— Non.

Il aurait peut-être été plus sage de mentir, mais les principes solidement ancrés de l’Ark-Ni s’y refusaient.

— J’suis avec un historien. Archéologue. Un scientifique, quoi. Remarque, tu vas me dire, il a peut-être un sacré coup de blaster et des talents de catcheur bien cachés, on sait jamais. Les universitaires sont toujours pleins de surprise.

Étrangement, il en doutait.

— ‘Fin bref, ouais, Coruscant, ça craint. Y a un Temple Jedi, là-bas, j’essaie d’y passer le moins de temps que possible. Le seul truc cool, c’est genre la bibliothèque et les laboratoires, mais j’préfère voyager. J’explore, j’fais d’la cartographie, de la recherche en biologie, ce genre de trucs.

Tout honnête qu’il fût, le Chevalier évitait soigneusement d’évoquer sa vie de Gardien, ses missions de combattant et de commando, pour laisser celui qui serait peut-être bientôt son adversaire dans un combat singulier sous-estimer ses aptitudes en la matière. L’Ark-Ni avait très tôt compris que son apparence androgyne, et même un peu fragile, pouvait être un atout de taille.

— Mais mon peuple, les Ark-Ni, c’est dans ce genre de trucs qu’ils vivent, déclara-t-il en désignant d’un geste de la tête les parois métalliques. des stations, des vaisseaux spatiaux. Entièrement nomades. Y a des gens de chez moi, jamais de leur vie ils mettent le pied sur un vrai sol, sur une vraie planète, ni rien. Que du métal, et des câbles, et des moteurs. A la rigueur des astéroïdes.

Des marins au très long cours sans port d’attache, en somme, une existence bien difficile à imaginer pour ceux que les Ark-Ni appelaient les « planétaires ».

— Souvent, on nous appelle les Charognards de l’espace. On est pas toujours super populaires, quoi.

La malédiction des gens du voyage. Et une manière de dire que Karm, dans une certaine mesure, comprenait ce que c’était qu’une vie passée dans l’ombre de peuples plus puissants.

Ils furent interrompus par un ronflement soudain de la station et de nouvelles alarmes. Karm haussa un sourcil mais, presque aussitôt, les alarmes s’éteignirent et la même voix automatique, probablement programmée depuis quelque ordinateur des niveaux supérieurs, assura :

— La situation est sous contrôle. La situation est sous contrôle.
— Rassurant, commenta Karm d’un ton égal.

Il laissa quelques instants son intuition embrasser les structures métalliques tout autour d’eux, l’enchevêtrement de câbles, la vie même de la station, mais, en dehors de la présence de Yulpi devant lui, rien ne l’alertait sur un danger imminent.

— J’ai la dalle, conclut-il. On va s’chercher un truc à manger ?

Partager la nourriture, ça aussi, c’était un pilier de l’entente entre les peuples.
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KARM – T'essaies de savoir si Saï Don traîne pas dans le coin et si tu risques de te le prendre sur le coin de la tronche ?

Yulpi fut interloqué par cette réflexion sortie de nulle part. Yulpi savait que Saï Don était un membre éminent de l'Ordre Jedi, ce qu'il avait appris lors des cours élémentaire sur l'organisation de l'Ordre Jedi, mais la pensée de le rencontrer, ici qui plus est, ne lui avait même pas effleuré l'esprit, et Yulpi se demanda bien comment une telle idée avait pu venir dans le crâne de cette Ark-Ni. Ca sortait de nulle part, c'était absurde, et pour y trouver une raison, Yulpi se demanda si ce n'était pas une tentative d'humour ratée. Seulement, ça n'y ressemblait définitivement pas, à voir l'Ark-Ni confirmer que non dans le plus grand sérieux, comme si Yulpi avait eu besoin de cette confirmation.

KARM – J'suis avec un historien. Archéologue. Un scientifique, quoi. Remarque, tu vas me dire, il a peut-être un sacré coup de blaster et des talents de catcheur bien cachés, on sait jamais. Les universitaires sont toujours pleins de surprise.

Ca ne répondait pas tout à fait à la question de Yulpi qui visait l'éventuelle nature de Jedi de cette personne. Les Siths avaient des archéologues, surtout qu'il y avait du travail sur Korriban en ce domaine, qui ne savaient pas bien se battre mais qui n'appartenaient pas moins à l'Ordre Sith. Alors c'est vrai que quand on dit “Sith” on pense avant tout à un utilisateur de la Force maniant le sabre-laser. Et en ce même sens, Yulpi avait sa réponse : non, le compagnon de Torr n'était pas un Jedi.

Torr poursuivit la conversation en rebondissant sur le commentaire de Yulpi au sujet de Coruscant, puis parla de son peuple. Les Ark-Ni étaient surnommés les Charognards de l'Espace. Charmant. C'était un peuple ayant mauvaise réputation, au mode de vie nomade. A en croire Torr, beaucoup d'Ark-Ni n'avaient même jamais posé le pied sur une planète de toute leur vie. Yulpi en déduisit que pour subvenir à tous leurs besoins, ils devaient donc se livrer au pillage, ce qui expliquait leur mauvaise réputation et notamment l'emploi du mot “charognard” pour les surnommer.

Les alarmes cessèrent leur tintamarre et la voix synthétique annonça que la situation était sous contrôle. Torr lâcha un commentaire peu enjoué, comme si elle voulait toujours se méfier d'une anguille sous roche.

KARM – J'ai la dalle. On va s'chercher un truc à manger ?

Yulpi avait seulement un petit peu faim, mais l'appétit pouvait venir en mangeant. Il était cependant intrigué par la désinvolture de Torr, qui affichait une volonté de papoter comme si de rien n'était, laissant de côté le fait qu'elle était Jedi et son interlocuteur Sith. Yulpi ne savait pas comment il devait le prendre : devait-il se méfier lui-même, au cas où Torr envisagerait de lui planter un couteau dans le dos ? Aurait-elle refusé de se battre frontalement par couardise ? Etait-elle sincère dans cette attitude que d'aucuns qualofieraient de naïve, ou bien était-elle une vaurienne attendant d'avoir amadoué le Gungan pour le tuer par surprise ?

YULPI – Alors ça ne te dérange pas, que je sois un Sith ? Tu veux bavarder et grignoter avec moi comme si de rien n'était ?

Autant lui poser la question directement pour voir comment elle allait répondre. Yulpi pourrait se faire une meilleure idée de son honnêteté. D'un autre côté, on pouvait lui rétorquer que lui-même n'avait pas encore porté le moindre geste agressif envers la Jedi. Après l'accrochage que Yulpi venait d'avoir avec Tisjess quelques dizaines de minutes avant cette rencontre, il se voyait mal sauter à la gorge de la première Jedi venue. Pourtant, c'était bien ce qu'on attendait de lui, non ? Les Jedis oppressaient les Siths, faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour éteindre leur flamme et définitivement effacer leur peuple de l'univers ; il était donc logique pour un Sith de vouloir tuer un Jedi à vue sans se poser de question. Et ce n'est pas comme si Yulpi fuyait le combat, d'ordinaire... Il fallait toutefois observer qu'il préférait largement les combats sans mise à mort, où le vainqueur était le premier à mettre l'adversaire KO ou à le pousser à l'abandon. Tuer des gens, Jedis ou pas, n'avait jamais été son kiff.

Tout en discutant, Yulpi se laissait emmener par Torr vers la salle de restauration.

YULPI – Et qu'est-ce que tu étais venue faire sur Naboo ? T'y es allée en tant que guerrière, en tant que sorcière, ou en tant qu'exploratrice ?

Ce serait étonnant que Torr y soit allée en tant qu'exploratrice, vu qu'elle n'avait visité que la « capitale » alors qu'elle disait elle-même que les villes n'étaient pas son truc. Peut-être qu'elle n'avait pas eu trop le choix, de toute façon, si ça avait été une mission de son ordre.

YULPI – Qu'est-ce que les Jedis peuvent avoir à faire là-bas ?
Karm Torr
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— Hmm.

Bonne question.

— Ben si, ça m’dérange. Mais bon.

Encore une réponse tout en implicite, typique des Ark-Ni. Fort heureusement, Karm avait été éduqué loin de la Flotte et les conversations avec lui n’étaient pas aussi nébuleuses que celles que l’on pouvait tenir avec d’autres membres de son peuple.

— Mais t’sais, y a des tonnes de gens avec qui j’suis pas d’accord, dans la vie, si j’me mettais à essayer de tous les tabasser à vue, on serait pas sortis d’la cantina, poursuivit-il en prenant le chemin d’une cantina, justement.

Il jaugea la réaction de Yulpi du coin de l’oeil et poursuivit :

— On peut pas toujours parler qu’avec des gens qui nous ressemblent et qui partagent totalement nos idées, pas vrai ? Hé ouais, des fois, on se retrouve à parler à des gens qui sont théoriquement nos ennemis jurés. Mais souvent, c’que j’ai remarqué, c’est que ce sont les institutions qui sont des ennemies jurées, et que les gens qui sont à l’intérieur des institutions, on leur demande pas toujours tellement leur avis.

Et ça aussi, c’était une réflexion typique des Ark-Ni, naturellement méfiants de tout ordre établi, particulièrement lorsque celui-ci prenait la forme d’une méga-structure administrative. Il y avait beaucoup de choses qui dérangeaient Karm, au sein de l’Ordre. L’autoritarisme du Conseil, l’obsession pour des traditions formalistes plutôt que pour l’esprit du Code, les liens avec la bureaucratie républicaine, la tentation de la sclérose organisatrice.

Il aimait l’Ordre, mais il le voyait comme un matériau à réformer, comme une promesse plutôt qu’un accomplissement. Or, dans ce monde-là, nombre de Padawans et de Chevaliers avaient du mal à trouver leur place, et participaient, pour le compte d’une République en laquelle ils avaient de moins en moins confiance, en des missions qu’on décidait ailleurs à leur place. Alors il imaginait sans peine qu’il en allait de même chez les Siths et que le Guerrier ou l’Apprenti du commun était parfois prisonnier de logiques administratives ou politiques sur lesquelles il n’avait pas grand pouvoir.

Selon Karm, si la paix pouvait survenir un jour, si le Côté Obscur pouvait être assimilé, et bien assimilé plutôt qu’anéanti, ce serait à travers une solidarité au moins implicite, nouée entre les guerriers, à travers une communauté d’intérêts, plutôt que par l’intervention providentielle de leurs élites politiques, impériales ou républicaines, soudain accessibles à la raison. En somme, l’Ark-Ni n’était pas loin de croire en la lutte des classes et en la solidarité internationale du prolétariat.

— Là, demanda-t-il, en désignant d’un geste de tête une cafétéria déserte, la perspective de fuites sanitaires ayant apparemment coupé l’appétit aux passagers de la station, ?

Un droïde prenait les commandes avant de servir des plats aux saveurs parfois difficiles à distinguer les unes des autres. Il y avait pire restaurant hyper-routier, dans cette Galaxie, mais on était loin du grande luxe, ou même du confort simple des aliments cultivés dans de véritables fermes. Le choix de Karm fut strictement nutritionnel et il opta sagement de ne pas s’interroger sur la composition de la bouillie qu’on lui présenta.

— Donc, Naboo. J’y étais pour une enquête. Y a un moment, j’étais sur Belsavis, j’sais pas si tu connais ? C’est une planète où y a une super vieille prison, très sécurisée, que la République utilise parfois aussi. Moi, j’y étais pour parler avec un ordre religieux hospitaliers. Des sœurs qui vont de planète en planète pour apporter des soins, dans les recoins reculés de la Galaxie. ‘Fin bref. J’suis sur la planète et tout, et là, y a une épidémie trop chelou qui se déclenche, et de fil en aiguille, on comprend que c’est une attaque bactériologique orchestrée par quelqu’un. On commence à mener l’enquête et ça nous amène vers un labo basé sur Naboo, appelé Harmonia.

Une bonne partie de l’histoire était laissée de côté : la présence de Luke, l’évasion de deux Siths de leur cellule dans la prison, l’implication de Darth Noctis dans ce qui semblait bien être un sombre complot. Karm était certes partisan de la franchise, mais c’était une franchise soigneusement contrôlée.

— Mais ça a rien donné. Le laboratoire pharmaceutique avait l’air clean, ‘fin, pas plus problématique qu’une autre grosse société, et c’était un peu un cul de sac. Possible qu’ils cachaient juste très bien leurs secrets… Mais bon, les enquêtes criminelles, c’est pas tellement ma spécialité. Définitivement, j’préfère la pleine nature.

La morale de l’histoire, qui suggérait que les humains de la capitale de Naboo étaient peut-être des psychopathes corrompus, pouvait ne pas déplaire à Yulpi.

— Tu y retournes, toi, des fois, sur Naboo ? Moi, les miens, je les revois quasi jamais.

Cette fois-ci, c’était la mission diplomatique auprès de la Flotte Ark-Ni et de ses précieuses stations de ravitaillement que le Jedi passait sous silence.

— Mais en même temps, j’me dis, quand on vit comme nous, qu’on parcourt la Galaxie, qu’on voit des tonnes de choses, c’est peut-être difficile de retourner chez soi et de se poser dans un vie normale, tu vois c’que j’veux dire ? Enfin, j’sais pas comment c’est, chez les Siths, mais j’imagine que vous aussi, vous voyagez beaucoup.
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KARM – Ben si, ça m'dérange. Mais bon. Mais t'sais, y a des tonnes de gens avec qui j'suis pas d'accord, dans la vie, si j'me mettais à essayer de tous les tabasser à vue, on serait pas sortis d'la cantina.

Ah mais Yulpi était bien d'accord avec cette philosophie ! Et encore il ne voulait même pas appeler ça une philosophie, c'était juste une évidence pour lui, la question ne se posait même pas ; et pourtant Tisjess essayait... quoi ? De faire de lui une brute sanguinaire ? « J'aime pas ta gueule alors j'te bute » ? C'est en tout cas ainsi que Yulpi caricaturait les choses, et vu l'enseignement de son maître, il ne savait plus trop comment agir face à un Jedi, entre sa propre idée que tout ennemi ne méritait pas la mort, et la philosophie destructrice de son maître et, plus généralement, d'un certain nombre de personnes parfois haut gradées à l'Académie Sith.

Torr était une Jedi, donc, de fait, une ennemie. Les Siths étaient en guerre contre les Jedis et contre la République. Pourtant, il n'était pas là sur un champ de bataille. Tuer Torr ici sur un coup de tête ne ferait avancer aucune cause. Yulpi ne pouvait pas se laisser dicter de tuer n'importe quel Jedi à vue alors qu'il n'avait, à titre purement personnel, rien à leur reprocher, si ce n'est leur pacifisme qui tranchait avec l'image de sauveurs de la galaxie qu'ils voulaient bien se donner.

Yulpi était donc rassuré par la philosophie de Torr, sous réserve qu'elle essaie de le manipuler, évidemment. Normalement, ils devraient pouvoir manger et discuter sans effusion de sang.

Torr pointa une cantina en demandant à Yulpi si ça lui convenait. Le Gungan hocha la tête et se dirigea avec l'Ark-Ni vers le droïde dédié aux prises de commande. Il n'y avait pas un seul client dans toute la cantina. Soit personne n'avait faim à cette heure-ci, soit les fuites sanitaires avaient coupé l'appétit à tout le monde... soit la cantina était à éviter. Yulpi préféra miser sur un simple manque d'appétit des gens se trouvant dans le même secteur de la station qu'eux, que ce soit à cause de l'heure ou à cause des évènements. La cantina avait l'air d'un établissement banal n'ayant rien à se reprocher.

Les plats servis par le même droïde furent assez peu engageants, mais Yulpi ne s'attendait pas à du luxe, de toute façon, et il n'était pas toujours mieux servi à l'Académie de Korriban.

Il écouta Torr en mangeant lentement, n'ayant lui-même pas ultra faim et ne faisant qu'accompagner son interlocutrice dans son repas. Il secoua la tête quand Torr lui demanda s'il connaissait la planète Belsavis. Torr expliqua être allée sur Naboo dans le cadre d'une enquête criminelle portant sur une attaque bactériologique. Mais en résumé, ça n'avait été ni en tant que guerrière, ni en tant que sorcière, ni en tant qu'exploratrice, qu'elle s'était déplacée sur la planète natale du Gungan ; mais en tant qu'enquêtrice, et apparemment, ce n'est pas un rôle qui lui allait bien.

KARM – Tu y retournes, toi, des fois, sur Naboo ? Moi, les miens, je les revois quasi jamais.

Yulpi secoua encore la tête, baissant le regard.

YULPI – Techniquement, je pourrais... Enfin, je pense... Mais je n'ai personne à retrouver là-bas... Enfin, si, peut-être...

Il pensait évidemment à Gumo.

YULPI – Mais soit il est vivant, et je lui manque... soit il est mort, et j'ai peur de le découvrir en revenant chez moi... Ca me tiraille... S'il est vivant, il doit se demander si je l'ai abandonné, il ne doit pas comprendre pourquoi il ne me voit plus... Mais... je ne serais de toute façon pas capable de revenir chez moi...

Yulpi sentait déjà les larmes lui monter aux yeux. Il serra les paupières un coup, redressa le museau, inspira un grand coup...

YULPI – Enfin ! Parlons d'autre chose ! Je vais nous chercher de l'eau !

Yulpi se leva de sa chaise, avisa le pichet vide sur la table hors de portée de bras, et darda sa langue pour s'en saisir, l'amenant à sa bouche où il n'eut qu'à glisser sa main dans l'anse. Il se dirigea vers la fontaine à eau, posa le pichet et laissa la machine le remplir. Pendant ce temps, son regard fut attiré par un Trandosien et un Duro qui scrutaient la cantina depuis l'extérieur. Il eut une sensation bizarre... Une intuition... Pas qu'une intuition toute bête, non : c'est bien à travers la Force qu'il ressentait quelque chose. Une mauvaise intention.

Yulpi attrapa le pichet et revint vers Torr sans avoir fini de le remplir. Il s'assit et parla à voix basse :

YULPI – Regarde discrètement les deux zugzus devant la cantina. J'ai trop l'impression qu'ils mijotent une broutille. Sois prête à intervenir. Enfin, je peux me tromper...
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Karm hocha lentement la tête. Il comprenait un peu ce que Yulpi voulait dire, sans savoir qui était Gumo. Lui, il était parti jeune, très jeune, et il avait quitté les siens pour mener une vie entièrement différente, mais il savait que les Siths n’étaient parfois séparés de leur famille qu’à l’adolescence ou même à l’âge adulte, quand des liens très étroits s’étaient formés. Karm était persuadé que la frustration que ces adieux provoquaient nécessairement jouaient un rôle essentiel dans la rage que l’Empire cherchait à développer chez ses guerriers.

Souvent, pendant son adolescence, sa mère lui avait manqué et puis, petit à petit, il n’en était pas fier, les souvenirs étaient devenus moins précis. Il avait oublié sa voix et la tendresse de ses bras, il s’était fort une autre famille ailleurs, et, quand il l’avait revue, bien plus tard, quelques semaines avant de rencontrer Yulpi, il s’était senti à la fois familier et étranger. Plus il y réfléchissait, plus il lui semblait que les Jedis — et les Siths, peut-être — devaient fonder des familles, qu’il y avait là des liens trop nécessaires à la plupart des espèces pour être si aisément balayées.

Mais c’était un sujet douloureux et il fut d’accord pour le laisser de côté. À la place, il observa les prouesses linguales de son interlocuteur.

— Pratique, commenta-t-il sobrement.

Puis son attention se reporta sur les deux énergumènes de l’autre côté du couloir.

— Hmm…

Karm plissa les yeux et laissa la Force affluer en lui. Lire dans les esprits, ce n’était pas sa spécialité. Peut-être seulement dans les intentions, dans la fraction de seconde qui précédait le geste, parce que c’était ce qui était le plus utile dans les batailles, et que les batailles, c’était toute la raison de sa formation à lui. Mais le danger — le danger pouvait se repérer, se détecter, pour peu qu’on y fasse suffisamment attention.

— … j’crois bien que t’as raison, souffla l’Ark-Ni d’une voix à peine audible.

Et les intuitions de deux utilisateurs de la Force qui convergeaient, c’était presque une certitude. Une certitude sur quoi ? Braquage ? Sabotage ? Pour les deux types, la cantina n’était occupée que par un droïde, une sorte de batracien et une demi-portion aux yeux phosphorescents. Une proie facile, pendant que la sécurité était occupée ailleurs. Ils échangèrent un regard et s’approchèrent de l’établissement.

— ‘Tain, les mecs, on peut dire qu’ils ont mal choisi leur moment, quand même, déclara Karm en se laissant glisser de son tabouret.

Se retrouver à braquer une cantina quasi déserte dans une station de troisième zone à un recoin de la Galaxie pour tomber nez-à-nez avec un Sith et un Jedi, c’était un sacré manque de chance, que le Trandosien ne mesurait pas encore, en dégainant un blaster pour lancer :

— Les crédits ou la vie.
— ‘Coutez, les gars, on fait que bouffer tranquille, on a pas un sou. Tout filé au droïde.

Autant que possible, Karm préférait éviter les affrontements. C’était la philosophie jedi, n’est-ce pas ? Une philosophie dans son cas un peu paradoxal, tant il était vrai qu’il aimait se battre.

— Nous la fait pas comme ça, t’as vu tes bottes ?
— Pardon ?
— Tes bottes, là.
— Si c’est la Fashion Week que vous cherchez, vous vous êtes gourés d’adresse.
— T’as des bottes de bourgeois, fais nous pas croire que t’es fauché. Aboule le fric ou je te pulvérise la carotide.

Le Duro baragouina quelque chose d’incompréhension et son comparse rajouta :

— Ouais puis les bottes aussi, tant qu’à faire.
— C’t’une obsession, ma parole.

La voie diplomatique ne paraissait pas très prometteuse. Karm se le reprocha en lui-même. Un négociateur plus habile aurait sans doute pu manoeuver ces deux brutes épaisses. Et lui-même avait sans aucun doute fait des progrès considérables en la matière, ces dernières années, mais il partait de loin et son penchant naturel pour l’humour pince-sans-rire n’aidait pas toujours à dégripper les situations.

— Bon, Yulpi, j’prends le fétichiste des pieds et j’te laisse l’autre, OK ? On les abîme pas trop, ils pourraient encore servir.

Il craignait un peu que le Sith ne se mette à trucider tout le monde sans discernement. De son côté, il balança en tout cas un coup de pied dans son tabouret, qui vola à travers la pièce, dans une trajectoire dont la précision reposait un peu sur la Force. Un coup de blaster partit au plafond alors que le siège percutait le braqueur au front, et l’Ark-Ni s’était déjà élancé vers sa proie.
Yulpi Bepads
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Torr se concentra dans la Force, Yulpi le sentit car l'aura du Côté Lumineux lui revint, évidente, pulsante. Bizarrement, ça n'avait rien de désagréable. C'était presque même le contraire. La Jedi – car Yulpi continuait de croire que c'était une femme, n'ayant jamais été corrigé – dégageait une certaine aura apaisante. Pas de quoi se mettre à méditer ou à s'endormir tout à coup, mais c'était comme une bonne tisane dont on appréciait l'odeur de plantes en fermant les yeux. Toutefois, Yulpi garda bien les yeux ouverts. Pour se donner l'air innocent et ainsi ne pas rendre les deux « zugzus » méfiants, il servit de l'eau à Torr et joua négligemment avec le pichet, observant une toute petite trace de mucus laissée par sa langue qui, oui, était bel et bien « pratique », ainsi que l'avait commenté l'humanoïde qui avait invité le Gungan à partager un repas. D'autant plus pratique que Yulpi avait une langue trois fois plus longue que ses congénères. Il était déjà pratique de pouvoir saisir un objet avec une langue d'un mètre, c'était encore plus pratique d'avoir une langue de trois mètres. Yulpi avait ainsi une très grande portée pour attraper un objet. Oui, c'était très « pratique ». Et il fallait être un Gungan et s'appeler Yulpi pour avoir cet atout.

KARM – J'crois bien que t'as raison.

S'ils étaient deux sensitifs à percevoir de mauvaises intentions chez les deux loubards à travers la Force, il n'y avait pas de coïncidence. Le Duro et le Trandosien s'échangèrent un regard et s'approchèrent un peu plus, prêts à passer à l'action sur une cantina mal protégée et n'ayant que deux clients qui ne payaient pas de mine. Torr se glissa de son tabouret pour se mettre debout en commentant :

KARM – 'Tain, les mecs, on peut dire qu'ils ont mal choisi leur moment, quand même.

Ils croyaient que la cantina était mal protégée, sauf qu'à leur insu, les deux seuls clients présents étaient un Sith et un Jedi. Yulpi ricana, abondant dans le commentaire de Torr. Le Trandosien fut le premier à dégainer son arme, pour réclamer à Torr ses crédits. Torr balança alors un joli mensonge pour gagner du temps, Yulpi se leva lentement de son tabouret et contourna la table pour se tenir prêt à agir.

Le Trandosien ne se laissa pas berner, remarquant que Torr portait des bottes chères, ce que Yulpi aurait été incapable de dire. Pourtant le Trandosien avait autant les peids nus que lui, il était étonnant qu'il s'y connût en bottes puisque de nature il n'en portait jamais. Il devait bien exister des chaussures pour Trandosiens, adaptées à leurs griffes, mais de mémoire, Yulpi avait toujours rencontré des Trandosiens pieds nus. Avec leurs écailles, c'est pas comme si ça leur faisait super mal de marcher sur des cailloux.

En tout cas, le Trandosien insista pour avoir tous les crédits de Torr... et ses bottes en plus. Mais qu'est-ce qu'il allait foutre des bottes de Torr, sérieux ? Il comptait les revendre ? C'était un braqueur si pitoyable qu'il voulait même se faire du fric avec des bottes d'occasion ?

KARM – Bon, Yulpi, j'prends le fétichiste des pieds et j'te laisse l'autre, ok ? On les abîme pas trop, ils pourraient encore servir.

Yulpi se marra, de quoi énerver les deux braqueurs mais peu importe, Torr avait beau être une Jedi, il aimait bien sa façon de parler. Décontractée, voire effrontée, elle ne palabrait pas et savait aller droit au but sans oublier le sens de l'humour. On ne s'ennuyait pas, avec elle. Non, elle était une Jedi, mais Yulpi n'avait pas envie de la tuer.

YULPI – Puis franchement je vois pas ce qu'il ferait de tes bottes ! C'est pas comme s'il en avait l'utilité...

Yulpi regarda le Duro, qui avait l'air plus décontenancé que son ami Trandosien. Autant ce dernier restait sérieux et déterminé, autant le Duro montrait que la situation ne lui convenait pas, avec deux victimes qui n'avaient pas du tout l'air effrayées à l'idée de se faire braquer. Au moins, le Duro était intelligent : il devinait vite qu'il y avait anguille sous roche. Mais tant pis, il allait prendre.

Yulpi tendit le bras vers lui, et crocheta ses doigts : à distance, le Duro eut l'impression d'avoir sa main sur sa gorge. Seule la Force l'empoignait et l'étranglait. Comme tout bleu qui subissait pour la première fois un Étouffement de la Force, il porta ses deux mains à sa gorge pour essayer de se défaire d'une main qui n'existait pas, laissant le temps à Yulpi de faire plusieurs pas faire lui jusqu'à n'être plus qu'à deux mètres... et à la même distance du Trandosien qui s'était avancé vers Karm et qu'il avait maintenant sur son côté. Il arracha le blaster des mains du Duro avec sa langue qu'il ne rétracta pas, au lieu de cela, il tourna la tête en gardant la langue déployée et essaya de frapper l'arrière du crâne du Trandosien avec le blaster.

Après cette petite attaque pour le moins baroque, Yulpi rétracta sa langue et cracha le blaster par terre. Le Duro se rendit déjà, même si ses mots furent difficilement articulés à cause de l'Étouffement. Yulpi relâcha son pouvoir au moment où il s'élança sur lui et lui délivra un coup de pied circulaire acrobatique en pleine mâchoire. Il ramassa le Duro avec une clé de bras et lança au Trandosien :

YULPI – Désolé, je n'ai pas de bottes à t'offrir, moi ! Mais je peux t'offrir celles de ton copain, si tu veux !
Karm Torr
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Un coup de tabouret et un coup de blaster à l’arrière du crâne, ça ne vous remettait pas exactement d’aplomb. Le Trandosien avait tiré quelques salves au petit bonheur la chance, mais, dans sa tumultueuse rencontre avec deux clients beaucoup trop vindicatifs à son goût, ses talents de sniper avaient considérablement souffert. Le faux-plafond avait été sa principale victime et il n’était parvenu à mettre Karm en joue qu’au moment où la main du Jedi se refermait sur son poignet.

— Trop tard[/color], souffla l’Ark-Ni, avant de tordre d’un geste sec le poignet de son adversaire, puis de le faire rouler par-dessus son épaule pour l’écraser par terre.

Le Trandosien eut malgré tout la présence d’esprit de tenter une balayette, évitée avec aisance par un Jedi définitivement trop entraîné pour lui. L’instant d’après, le talon de Karm lui coupait la respiration. La bataille n’avait pas duré plus de quelques secondes et les deux clients, sans surprise, l’avaient largement dominé. Aucun sabre n’avait eu besoin de faire son apparition pour régler le problème et le silence était revenu dans le petit établissement.

Une silence de courte durée, parce qu’une quatre droïdes de sécurité se dressaient désormais dans l’encadrement de la porte. Leurs canons étaient obstinément pointés vers les braqueurs : les enregistrements de sécurité ne laissaient aucun doute sur les rôles respectifs endossés par les quatre belligérants dans cette petite affaire.

Le Jedi retira lentement le pied du Trandosien, qui eut le bon sens de ne tenter aucun geste brusque. C’était les risques du métier. Trois des quatre droïdes empoignèrent fermement les deux braqueurs, pour les escorter vers les cachots de la station. Dans ces zones grises où le droit galactique, qu’il soit impérial ou républicain, ne s’exerçait jamais qu’à moitié, le destin des deux bandits n’était pas très clair, mais Karm était prêt à parier qu’il impliquait un peu de travail forcé et puis une expulsion en bonne et due forme dans le secteur voisin, où ils reprendraient, somme toute relativement indemne, une existence criminelle qui n’était probablement pas frappée au sceau du succès.

Le troisième droïde, chef de la petite troupe qu’on reconnaissait aux bandes rouges peintes sur son plastron, s’approcha du Gungan et de l’Ark-Ni, pour leur tendre le bras.

— C’t’une invitation à danser, demanda Karm, de son ton absolument sérieux ?
— Témoignage.
— V’z’avez pas les enregistrements et tout ?
— Témoignage.

Karm soupira. Dans les stations de seconde zone, les droïdes de sécurité n’étaient pas exactement des foudres d’intelligence et les propriétaires préféraient passer l’argent dans leurs canons que dans leur simulateur de conversation. Les mains dans le poche, le Jedi se lança dans un récit laconique :

— Mon pote et moi, on était en train de bouffer tranquille, les deux mecs se pointent, nous braquent, on se défend parce que voilà, ils sont pas super doués, on les neutralise, et vous arrivez.
— Nom.
— Ben j’en sais rien, t’sais, ils se sont pas exactement présentés.
— Nom.
— Ah, moi ? Torr.
— Race.
— Ark-Ni.
— Non-reconnue. Race.

Le jeune homme leva les yeux au ciel.

— Humain.
— Sexe.
— Non merci.
— Sexe.
— ‘Tain, mais c’est le recensement public, ton histoire, là, ou bien ?
— Se…
— Masculin.
— Témoignage enregistré.

Le droïde, aussi conciliant qu’un datapad mal réglé, pivota ensuite avec une parfaite rigidité pour tendre son bras enregistreur à Yulpi, et recommencer sa série de question. Karm en profita pour, sur la pointe des pieds, lancer un regard par dessus l’épaule mécanique du robot. Apparemment, les portes qui scellaient les sections de la station étaient en train de se rouvrir les unes après les autres. La panne avait dû être contenue et, dans quelques minutes, le maître de Yulpi referait probablement son apparition, ainsi que son archéologue à lui.

La perspective de devoir fausser compagnie au Gungan ne l’enchantait guère. Les réactions de Yulpi l’intriguaient. Ils avaient utilisé la Force l’un à côté de l’autre, et Karm avait bien senti le Côté Obscur émaner de son associé d’un instant. Mais il y avait quelque chose d’autre, quelque chose que son propre manque d’expérience l’empêchait de bien comprendre, mais qui dormait là, au fond d’un esprit qui, peut-être, n’était pas aussi irrémédiablement Sith qu’on aurait pu le croire.
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Le Trandosien fut mis à terre par Torr, plaqué sous sa jambe, le temps pour quatre de droïdes de sécurité de se dépêcher sur les lieux de l'incident et de braquer les deux délinquants avec leurs canons. Au moins, Yulpi et Torr n'eurent pas besoin d'expliquer la situation et de convaincre qu'ils étaient du bon côté, du côté des “victimes” ; peut-être les droïdes étaient-ils reliés au réseau de télésurveillance de la station et que leur analyse, même par une IA, avait mis en évidence le rôle de chacune des quatre personnes impliquées dans l'incident. Sans parler du fait que le droïde serveur pouvait servir de témoin, et, a priori, son témoignage serait des plus fiables. Un droïde pouvait-il mentir, se tromper ou omettre des détails importants ? Yulpi ne le pensait pas.

Le Trandosien et le Duro furent emmenés par trois des droïdes. Le dernier resta avec les “victimes” pour prendre leur témoignage. Il tendit d'abord une main vers Torr, qui demanda si c'était une invitation à danser. Yulpi pouffa de rire. Non mais elle était sérieuse ?! Yulpi adorait son humour. Pour une Jedi, elle n'avait pas de balai coincé dans le derrière. Bon, pour ce que Yulpi savait des Jedis, en même temps... Il se rappelait très bien de sa confrontation avec un Jedi Humain du nom de Kolin, sur Lorrd, et celui-ci n'avait eu aucune attitude ampoulée, ni même aucune sagesse à vrai dire, ce Jedi s'était laissé emporter par de vives émotions le conduisant à des gestes destructeurs, et il avait plus terrorrisé qu'autre chose l'enfant qu'il s'était donné la charge de protéger. Comme quoi, en-dehors de Korriban et de l'Empire, on racontait beaucoup de bêtises sur les Jedis.

Mais il y avait Torr, maintenant. La seule personne qu'elle venait d'inquiéter l'avait mérité. Elle avait de l'humour, se comportait avec une grande désinvolture, elle amusait Yulpi en fait. Alors, fallait-il vraiment en rester à l'opposition Siths contre Jedis, et lui faire du mal alors que jusqu'à présent elle n'en avait fait aucun ? Yulpi avait envie d'apprécier cette personne. Mais il savait que Tisjess ne serait pas de cet avis. Puisque les problèmes de canalisations de la station étaient apparemment réparés, il n'y avait que peu de temps avant que le Guerrier Sith rejoigne son Apprenti.

Son témoignage recueilli, Torr dut renseigner son état civil : nom, race, sexe. Sa race d'Ark-Ni ne fut pas reconnue par le droïde, alors elle se présenta comme Humaine. Mais là où Yulpi tomba des nues, c'est quand elle se dit de sexe masculin.
Yulpi la regarda avec un gros point d'interrogation sur le front alors que le droïde se tournait déjà vers lui pour réclamer son témoignage. L'insistance métallique finit par accrocher son attention.

YULPI – Euh... ben... pareil, quoi, j'ai vécu la même chose.
Droïde – Témoignage.

Yulpi devina qu'il devait absolument fournir sa propre version avec ses propres mots, et soupira, déjà lassé par cette formalité.

YULPI – Cabotine de boîte de ferraille... Pffff... Alors... Je mangeais avec... cet Humain... et je suis parti me chercher un pichet d'eau quand j'ai vu les deux braqueurs approcher. Je suis retourné à ma table, l'air de rien, mais ils nous ont interpelés, ils voulaient notre argent et... les chaussures de l'Humain, et on s'est défendus. Voilà.
Droïde – Nom.
YULPI – Yulpi.
Droïde – Race.
YULPI – Gungan
Droïde – Sexe.
YULPI – Masculin.

Et ce fut fini. Le droïde remercia machinalement – au sens propre du terme pour le coup – les deux victimes et s'en alla. Yulpi tourna derechef la tête vers Torr, et finit par s'exclamer :

YULPI – Jalbi mais t'es un mâle, en fait ?! Depuis le début je te parle comme si t'étais une femelle et tu me dis rien...

Ou alors elle vient de mentir au droïde ?

Il y avait de toute façon une chose plus importante à discuter. Une fois la mise au point faite sur le sexe réel de Torr, Yulpi voulut s'entretenir avec lui sur la suite des évènements. Le cloisonnement des secteurs de la station avait été levé, et Yulpi était donc censé retrouver Tisjess au plus tôt malgré leur petite dispute. Et de toute façon, Tisjess lui-même finirait par le retrouver, et si Yulpi se trouvait avec Torr à ce moment-là, ça ferait du dégât.

YULPI – Bon, euh... parlons de choses sérieuses... Comme je t'ai dit, je suis venu avec un Sluissi, qu'est resté dans le secteur 7 pendant le problème de la station. Bon, euh, tu dois t'en douter, c'est un Sith lui aussi. En fait c'est mon maître. Donc, voilà, si jamais il me voit avec toi, eh ben... moi j'suis cool, j'ai pas envie de broutiller au final, mais lui il est plutôt du genre à attaquer un Jedi à vue, quoi. Et pas qu'un Jedi, d'ailleurs, quand il trouve que c'est nécessaire. D'ailleurs c'est pour ça que je me suis chipoté avec lui, avant que tu me trouves.
Karm Torr
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— Hm ? Ah, oui. Un mâle.

Et un garçon, probablement. En vérité, Karm ne se posait pas beaucoup de questions sur le sujet, un désintérêt à l’égard du sexe et du genre typique des membres de son peuple, mais qui posait des problèmes considérables pour la plupart des autres civilisations.

— Après, bon, j’t’avoue, qu’on me prenne pour un meuf, un mec, ou quoi que ce soit d’autre, ça me perturbe pas des masses. Chez moi, tout ça, c’est…

Le jeune homme haussa les épaules. Difficile d’expliquer ce qui, justement, n’était pas un sujet à ses yeux. C’eût été comme de lui demander d’élaborer une réflexion autour de ses ongles de pied. La plupart des Ark-Ni auraient été incapables de comprendre ce que la distinction entre mâle et femelle pouvait impliquer pour le reste de la Galaxie : pour eux, ce n’était guère qu’un aspect de la reproduction, un détail pour ainsi dire biomécanique dont les conséquences culturelles et sociales étaient à peu près nulles.

— ‘Fin bref. Viens, on s’arrache, avant qu’ils ne décident de revenir à la charge pour collecter de nouvelles preuves.

Il était attaché à la justice plutôt qu’à la loi et les procédures judiciaires avaient tendance à lui paraître fastidieuses. À son avis, la complexité des enquêtes et des procès servait plutôt les puissants que les opprimés, parce qu’ils étaient les seuls à pouvoir s’offrir le luxe de la comprendre et de la maîtriser. Alors puisqu’ils avaient donné leur témoignage et qu’il estimait que c’était amplement suffisant pour réparer les torts du jour, d’ailleurs peu considérables, il n’éprouvait aucun zèle bureaucratique à s’assurer que tout était en ordre.

— Des fois, j’me dis, les mecs comme ça, c’est pas la taule qu’il leur faut, c’t’un programme de réinsertion sociale, tu vois ? Là, ils vont être bannis ou croupir deux semaines en prison, puis ce sera reparti comme avant, parce qu’on leur aura ouvert aucune opportunité alternative.

Mais le sujet des nécessaires réformes de l’approche carcérale qui prédominait dans la périphérie républicaine fut rapidement remplacé par la préoccupation plus pressante mais guère plus joyeuse de l’arrivée prochaine du maître de Yulpi. Karm s’arrêta de marcher, les mains dans les poches, pour considérer l’Apprenti Sith d’un air pensif.

— Ça craint. J’veux dire, si toi ça te branche pas du tout, et tu te disputes avec lui, parce que le mec est un psychopathe et tout, ça doit être super difficile à vivre. Pour arriver à tracer ton propre chemin, te faire ta propre morale et tout ça.

Comme souvent ces derniers mois, Karm regrettait de n’être pas mieux formé à cerner la complexité et la diversité des profils de Sith. En rencontrant Darth Noctis, il s’était rendu compte que tous les Siths ne rentraient pas dans le moule des sanguinaires colériques qu’on décrivait volontiers dans les couloirs des Temples Jedis et il avait le sentiment confus qu’en radicalisant son discours sur ses ennemis pour les besoins de la guerre, l’Ordre s’était privé des ressources nécessaires pour convaincre ceux qui, comme Yulpi, naviguaient finalement entre deux eaux.

— Ma Maître était un peu comme ça. C’était une Jedi, mais elle a viré franchement tarée, genre terroriste. Pour elle, tout se résolvait toujours par le combat, par la violence. J’ai eu de la chance de pas finir aussi allumé qu’elle.

De la chance ou de la force de caractère.

— Des fois, j’crois qu’il faut savoir couper les ponts avec les gens toxiques comme ça, surtout quand on sent intimement que y a un problème. ‘Fin bref, j’te dis ça, mais évidemment, c’est toujours facile de commenter quand on voit ça de l’extérieur et tout.

Est-ce qu’il aurait dû proposer, là, maintenant, à Yulpi de le rejoindre et de quitter les territoires impériaux pour tenter de se reconstruire en République ? Est-ce qu’il surinterprétait les réticences dont le Gungan témoignait à demi-mot ?

— T’sais quoi, j’vais te donner mes contacts sur l’Holonet. On sait jamais. Si des fois t’as envie de faire une exploration avec moi, de prendre un vrai repas tranquille, ou de chasser des braqueurs pour le sport, ça peut être sympa. J’aime bien ton style.

En parlant, Karm avait dégainé son datapad pour transmettre ses données à Yulpi. C’était sans doute utopique de sa part de croire que son influence maladroite pourrait jamais tirer le Gungan de l’obscurité dans laquelle il allait s’enfoncer, mais n’eût-il pas été criminel de ne pas essayer ?

— Puis j’vais embarquer mon historien à l’autre bout de la station, on va éviter de croiser ton chef sanguinaire et ça devrait bien se passer.
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Torr voulut s'en aller de là avant que les droïdes ne reviennent éventuellement à la charge pour collecter plus de preuves. Yulpi estimait qu'ils en avaient assez : les caméras de surveillance seraient analysées, le témoignage des deux “victime” était enregistré, les deux délinquants étaient mis aux fers, que fallait-il de plus à ces droïdes ? Yulpi s'était senti bien à papoter avec Torr. Ils avaient été interrompus pendant leur repas, et à cause de ça ils devaient s'en aller ?

YULPI – Mais j'ai même pas fini mon repas !

Bon, il ne restait pas grand-chose. Il fit toutefois quelques pas vers la table pour attraper son dessert de loin avec la langue – “loin” était relatif, mais saisir un objet à plus de deux mètres de distance sans appeler la Force, on pouvait considérer ça comme “loin” quand on n'avait pas la langue de Yulpi – puis revint à côté de Torr en grignotant, un petit sourire satisfait aux lèvres.

KARM – Des fois, j'me dis, les mecs comme ça, c'est pas la taule qu'il leur faut, c't'un programme de réinsertion sociale, tu vois ? Là, ils vont être bannis ou croupir deux semaines en prison, puis ce sera reparti comme avant, parce qu'on leur aura ouvert aucune opportunité alternative.
YULPI – Tu crois ? Tu me diras, avec tous les délinquants récidivistes qui traînent dans l'univers... Je pense que même dans la République, vous devez avoir des lois un peu bidons pour ce genre de cas.

Yulpi parlait de la République comme si c'était quelque chose à quoi il avait toujours été extérieur. Il était pourtant né sur Naboo, et y avait vécu jusqu'à ne la quitter pour l'Ordre Sith que cinq ans plus tôt que l'instant présent de son dialogue avec Torr, à l'âge de vingt-deux ans. Seulement, il était un Gungan, et Naboo était une planète récemment colonisée par la République à l'échelle de l'Histoire. Les Gungans peuplaient les espaces marins de Naboo bien avant que la planète ne fût annexée à la République. Aux yeux de Yulpi, cette annexion, et donc les contacts avec les colons républicains, n'avaient apporté que des mauvaises choses. Dans un monde idéal, ça aurait pu bien se passer. Ca n'avait pas du tout été le cas. Et les Jedis n'étaient pas intervenus pour empêcher ça. Non, forcément, ils n'étaient que le bras armé de la République, ils n'allaient donc pas empêcher cette dernière de s'étendre aux dépens de peuples indigènes.

Alors, oui, Naboo avait beau appartenir à la République officiellement, et Yulpi avait beau n'avoir quitté la planète qu'il y a cinq ans, il ne s'était jamais considéré comme républicain, et ne risquait pas de s'y mettre.
Alors, il se disputait avec Tisjess, son maître, mais lui, au moins, il lui avait tendu la main à un moment où la République avait détruit sa vie. Yulpi lui était loyal pour ça.

KARM – Ca craint. J'veux dire, si toi ça te branche pas du tout, et tu te disputes avec lui, parce que le mec est un psychopathe et tout, ça doit être super difficile à vivre. Pour arriver à tracer ton propre chemin, te faire ta propre morale et tout ça.
YULPI – J'ai pas dit que c'était un psychopathe.

Yulpi rectifia Torr assez sèchement.
L'Ark-Ni, qui était donc bel et bien un homme, un “mâle”, bien que son appartenance sexuelle fût étrangement un détail insignifiant pour lui, parla de son ancienne maître, une « tarée, genre terroriste ».

KARM – Des fois, j'crois qu'il faut savoir couper les ponts avec les gens toxiques comme ça, surtout quand on sent intimement que y a un problème. ‘Fin bref, j'te dis ça, mais évidemment, c'est toujours facile de commenter quand on voit ça de l'extérieur et tout.

Yulpi commença à regarder Torr d'un œil un peu suspicieux. Ca ressemblait à une étrange invitation à quitter l'Ordre Sith, ça... Le Jedi ne faisait peut-être que son travail, après tout. Un peu sournoisement. Mais ça restait grossier. Il ne savait rien de Tisjess, et se permettait déjà de conseiller à Yulpi de couper les ponts avec lui ; il y avait seulement fort à parier que ce conseil n'était pas désintéressé. Torr venait de rencontrer Yulpi, il ne lui donnait pas un conseil d'ami ; il lui donnait un conseil de Jedi. Ce n'était pas désintéressé.

KARM – T'sais quoi, j'vais te donner mes contacts sur l'Holonet. On sait jamais. Si des fois t'as envie de faire une exploration avec moi, de prendre un vrai repas tranquille, ou de chasser des braqueurs pour le sport, ça peut être sympa. J'aime bien ton style. Puis j'vais embarquer mon historien à l'autre bout de la station, on va éviter de croiser ton chef sanguinaire et ça devrait bien se passer.

Torr avait déjà dégainé son datapad, prêt à partager des contacts avec le jeune Gungan Sith. Ce dernier eut un petit sourire pincé. Il n'en voulait pas à Torr mais voulait quand même mettre les choses au clair avec lui.

YULPI – Dis... Tu s'rais pas en train d'essayer de me recruter, toi ? Non parce que, moi aussi j'aime bien ton style, j'te le dis franchement, t'as l'air d'un gars cool, et l'espace d'un instant t'as réussi à me faire oublier que t'es un Jedi et que je suis censé te tuer. Mais là t'es en train de me dire qu'il faudrait que je quitte mon maître pour me diriger vers tes contacts à toi ? Tu prends tes narines pour du corail, toi !

Yulpi finit de manger son dessert et jeta le déchet dans une poubelle au passage, alors qu'il marchait toujours avec Torr.

YULPI – Y'a juste des gens que ça dérange moins que d'autre de tuer. Tu vas pas traiter un soldat de psychopathe parce que pendant la guerre il tue les membres du camp ennemi ! Mon maître a juste une vision très pragmatique des choses : si tu accordes trop d'importance à la vie d'autrui, tu te mets déjà des chaînes. C'est le Code Sith. Se libérer de ses chaînes. Bon, voilà, moi je suis juste pas encore prêt à tout. C'est tout. Mais ne traite pas mon maître de psychopathe.
Karm Torr
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— C’t’imagé, faut pas t’stresser, j’ai une façon de parler particulière.

Pas tout le temps, certes, depuis que le Conseil s’était mis en tête de lui offrir des cours de communication avant de ne pas faire sombrer les projets de l’Ordre lors de ses auditions avec les sous-commissions du Sénat, et depuis que son compagnon Luke veillait à son éducation rhétorique.

— ‘Fin bon, j’essaie pas de te recruter. Enfin et non, je suppose que quand on croit en quelque chose, on essaie toujours un peu de recruter les autres, sinon ça veut dire qu’on n’y croit pas assez fort. Mais j’suis pas un recruteur, je suis pas un prosélyte et je suis pas une Sentinelle.

Fort heureusement pour chacune de ces fonctions, d’ailleurs. Karm aurait été bien incapable de les remplir. C’était une chose d’avoir l’air cool et accessible au détour des conversations, c’en était d’une autre de déployer des discours bien calibrés pour convaincre les autres de se convertir à l’Ordre Jedi. De toute façon, il n’était même pas sûr que les conversions que l’on obtenait par la force de la propagande religieuse étaient véritablement profitables aux organisations qui les accueillaient.

— Après, bon, se mettre des chaînes, dans la vie, c’est pas nécessairement une mauvaise chose. J’imagine que la voie du Côté Obscur, la maîtrise de la Force, chez les Siths, ça repose sur des exercices comme chez les Jedis, et que ces exercices impliquent une part d’ascèse. L’ascèse, c’est une privation et des chaînes qu’on se met pour obtenir quelque chose d’autre en retour. Parler de la liberté sans l’envisager dans un rapport dynamique, ça me paraît pas toujours très productif.

Du coin de l’oeil, Karm observait les allées et venues dans les couloirs de la station qui, petit à petit, reprenaient leur activité. On était loin des grandes stations centrales des routes commerciales, perpétuellement bourdonnantes d’affaires, où se pressaient dans les coursives bondées toute la bigarrure de la Galaxie. Malgré tout, des dizaines et des dizaines de marchands, d’ingénieurs en transit, de pilotes, de voyageurs, allongeaient le pas pour rattraper le retard que les incidents de plomberie avaient introduits dans leur agenda.

Mais, désormais, Karm s’attendait à tout instant à voir des malfrats surgir d’entre les rangs, et la vigilance lui paraissait être de rigueur. Il n’en poursuivait pas moins la conversation.

— Genre, par exemple, c’est bien de manger, c’est agréable et tout, mais quand on mange trop, on met en péril sa santé et sa liberté de mouvement. Alors la liberté de se faire plaisir et d’expérimenter des choses positives en mangeant, elle est dans un rapport de négociations dynamiques avec la liberté de bouger et d’être longtemps en bonne santé, pas vrai ? Bon, ben, pour les meurtres et tout ça, c’est un peu la même idée, il me semble.

Toujours nulle trace de son historien. Karm commençait à espérer que le scientifique n’ait pas fait une crise de panique à cause des incidents imprévus et ne se soit pas retrouvé roulé en boule dans un coin de la station.

— Quand on tue, on supprime des potentialités dans la Galaxie. Des gens qui nous auraient peut-être apportés des choses intéressantes, directement ou indirectement. Même pendant la guerre. Tuer quelqu’un sur le champ de bataille, c’est un prisonnier en moins pour nous aider à comprendre l’ennemi, c’est un point de vue dont on se prive sur un conflit, c’est un meurtre qui nous plonge dans l’ignorance et entraînera peut-être beaucoup d’autres morts. En fait, je dirais même que la liberté de tuer, c’est l’inverse du pragmatisme : le pragmatisme voudrait que l’on conserve autant que possible toutes les potentialités du monde.

Karm prenait soin de laisser de côté les considérations purement morales et métaphysiques sur la valeur de la vie, dont il supposait qu’elles ne toucheraient guère un Sith qui avait lancé le débat sur les rails du pragmatisme et d’une sorte de realpolitik.

— Et y a le même discours dans l’Ordre Jedi, hein. Qu’il vaut mieux tuer les Siths que de tenter de les faire prisonniers ou de les convaincre du meilleur fondé de nos manières. Que c’est plus rapide, plus raisonnable, plus efficace, et par conséquent plus pragmatique. Mais à mon avis, chez les Siths comme les Jedis, quand les gens parlent de pragmatisme comme ça, ce dont ils parlent surtout, c’est d’une solution de facilité, qui est précisément l’inverse du pragmatisme.
Yulpi Bepads
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Comme s'il avait été pris la main dans le cas mais sans rien encore entre les doigts, Torr se défendit d'avoir essayé de le recruter. Il admit toutefois qu'il était naturel d'essayer de convertir quelqu'un à sa cause quand on y croyait vraiment. Certes, Yulpi comprenait ce qu'il voulait dire... mais là ça restait grossier. Il avait quand même parlé de couper les ponts avec son maître et de se diriger plutôt vers ses contacts à lui ! Ca voulait dire ce que ça voulait dire ! Oui, Torr était pris la main dans le sac et prétendait ne pas avoir voulu y dérober quoi que ce soit. Peu convaincant. Yulpi accepta de ne pas traîner sur le sujet, Torr avait de toute façon compris le message.

La réflexion vira sur de la philosophie. Autour du fait de se mettre des chaînes, et du vrai sens de la liberté. Yulpi craignait de tomber sur son maître en déambulant dans les couloirs au fil de sa conversation avec Torr. Ca finirait avec au moins un mort. Et ce serait bien con, parce que Yulpi appréciait cette conversation. Torr, en bon Jedi, essayait d'expliquer en quoi le pragmatisme de Tisjess et le Code Sith ne faisaient pas sens.

KARM – J’imagine que la voie du Côté Obscur, la maîtrise de la Force, chez les Siths, ça repose sur des exercices comme chez les Jedis, et que ces exercices impliquent une part d’ascèse. L’ascèse, c’est une privation et des chaînes qu’on se met pour obtenir quelque chose d’autre en retour. Parler de la liberté sans l’envisager dans un rapport dynamique, ça me paraît pas toujours très productif.

Cette réflexion fit ricaner Yulpi, qui ne put s'empêcher de lâcher :

YULPI – Toi, tu connais pas grand-chose au Code Sith !

Yulpi avait déjà parlé avec des gens à l'Académie qui considéraient que si un Apprenti tuait son maître, cela signifiait de facto qu'il avait réussi à s'élever au-dessus de lui et qu'il méritait donc le respect, et non le blâme. Comment parler d'ascèse avec une telle optique ? Torr essaya toutefois de trouver un exemple pour illustrer son propos :

KARM – Genre, par exemple, c’est bien de manger, c’est agréable et tout, mais quand on mange trop, on met en péril sa santé et sa liberté de mouvement. Alors la liberté de se faire plaisir et d’expérimenter des choses positives en mangeant, elle est dans un rapport de négociations dynamiques avec la liberté de bouger et d’être longtemps en bonne santé, pas vrai ? Bon, ben, pour les meurtres et tout ça, c’est un peu la même idée, il me semble.
YULPI – Euh... Non, j'suis désolé, j'suis pas convaincu par ton exemple. Quand le Code Sith parle de briser ses chaînes, ça parle pas de se retenir de bouffer comme un glouton pour éviter l'obésité et le diabète ou une cirrhose ! Ca, c'est un choix que tu fais volontairement, que seule ta conscience te dicte parce que tu accordes de l'importance à ta condition physique. C'est pas ça, des “chaînes”.

Yulpi se rendit compte qu'il venait de couper la parole à Torr, et le laissa reprendre son fil. Et si, jusque là, il avait essayé d'expliquer le Code Sith en contrant les arguments du Jedi, il entendit des propos qui commençaient à mieux correspondre à sa vision des choses, là où il était justement en désaccord avec Tisjess.

KARM – Quand on tue, on supprime des potentialités dans la Galaxie. Des gens qui nous auraient peut-être apportés des choses intéressantes, directement ou indirectement. Même pendant la guerre. Tuer quelqu’un sur le champ de bataille, c’est un prisonnier en moins pour nous aider à comprendre l’ennemi, c’est un point de vue dont on se prive sur un conflit, c’est un meurtre qui nous plonge dans l’ignorance et entraînera peut-être beaucoup d’autres morts.
YULPI – Ah, mais je suis bien d'accord avec toi !

Torr en vint à la conclusion qu'au contraire, ne pas tuer quelqu'un était plus pragmatique. Yulpi fit la moue. Il n'aurait pas tourné les choses comme ça. Même s'il était en désaccord avec Tisjess, il comprenait ce que ce dernier voulait dire par “pragmatisme”. Torr critiqua une façon de pensée similaire au sein de l'Ordre Jedi, considérant qu'il valait mieux tuer un Sith à vue, et estimant que c'était plus de la facilité que du pragmastique.

YULPI – Alors bon, non, quand mon maître parle de pragmatisme, c'est que si quelqu'un te fait obstacle, ça sert à rien de se retenir de le tuer à partir du moment où il n'a rien à t'apporter. Enfin j'pense que c'est plus dans ce sens-là. Mais bon il est pas là pour le dire à sa manière, et de toute façon il en discuterait pas avec toi. Mais oui, c'est sûr, c'est la solution de facilité. Enfin, “facilité”... Pour moi c'est pas facile de tuer un zugzu qu'a rien demandé, mais bon... Je comprends quand même ce que veut dire mon maître. Mais pour moi on ne tue pas comme ça ! Déjà parce que ça peut être contre-productif, comme t'as dit, et puis tuer c'est tuer, jalbi c'est pas rien ! A la guerre, sur le champ de bataille, oui, ok, on se pose pas cette question, on se blinde et c'est la vie ou la mort, mais là, comme ça, dans la rue, ou ailleurs, c'est pas la guerre partout, on tue pas comme ça !
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— Hmm…

Les interruptions du Gungan avaient été invariablement accueillies avec un regard pensif et perplexe, et Karm se demandait si c’était lui qui s’exprimait mal ou si c’était son interlocuteur qui n’était pas rompu aux débats philosophiques. D’ailleurs, les Siths avaient-ils des débats philosophiques ? Des cours de spiritualité ? Des réflexions théoriques ? Autant de genres qui, même au sein de l’Ordre, battaient de l’aile, à mesure que les fanatiques à la Marja tentaient de substituer la résolution violente à la réflexion et le fondamentalisme à la tradition.

Il laissa la conversation filer cependant, parce que le temps pressait et que l’impératif était probablement de trouver au moins un semblant de consensus, plutôt que de se plonger dans des arguties probablement inutiles sur le court terme. Ainsi donc, il se retrouva à hocher lentement la tête quand Yulpi souligna ce qui devait être, pour beaucoup de gens, dans la Galaxie, une évidence.

— Après, j’imagine que même dans l’Empire, on tue pas les gens comme ça. Sinon, indépendamment même de l’aspect moral, la société fonctionnerait pas. En fait, c’est ça aussi, mon problème, avec les codes qui enjoignent à tuer facilement pour s’épargner des obstacles : c’t’invariablement favorable à ceux qui sont déjà puissants. C’est toujours plus facile de se débarrasser des conséquences sociales et politiques d’un meurtre quand on a une position favorisée dans l’ordre social et politique. Si un riche zigouille un pauvre, il est tranquille, alors que l’inverse est rarement vrai. Du coup, la liberté de tuer, c’est beaucoup moins un principe d’organisation éthique qu’un principe de hiérarchie socio-économique.

Et c’était un reproche qui, à son sens, s’adressait aussi bien à la République qu’à l’Empire, même si, dans les territoires républicains, cette violence prenait le plus souvent des formes indirectes.

— Généralement, y a deux catégories des avocats de la violence directe comme facteur d’organisation sociale : les révolutionnaires et les privilégiés.

Plus de vingt ans passés au sein de l’Ordre n’avaient pas éradiqué en Karm les principes anarchiques qui structuraient la pensée et la société ark-ni. Karm hésita un instant à faire allusion à la situation coloniale de Naboo, qui aurait illustré à grande échelle son propos, mais il jugea préférable de ne pas remuer le couteau dans la plaie. De toute façon, au détour d’une nouvelle baie, il aperçut une silhouette familière au loin. D’un geste de la tête, il désigna un humain d’une cinquantaine d’années, avec des lunettes carrées, qui faisaient les cent pas près d’un mur.

— C’est mon historien. Il est vivant, c’t’un bon début, par contre, il a pas l’air calmé. J’vais finir par me reconvertir en psychothérapeute, si ça continue.

Le jeune homme considéra encore quelques instants l’objet de sa mission, avant de se détourner pour faire face à Yulpi.

— Bon, j’vais devoir te laisser là. C’était cool d’avoir quelqu’un à qui parler pendant qu’on attendait.

Et surtout cool de ne pas avoir eu à se trucider respectivement.

— Prends soin de toi, puis fais moi signe, si jamais tu fais un tour hors du territoire impérial, on se croisera peut-être. De préférence pas sur un champ de bataille. En tout cas pas l’un contre l’autre.

Après tout, Karm était, au fil du hasard, un spécialiste des alliances inédites, avec des Siths, avec des mercenaires pour le compte des Impériaux, alors qui lui disait qu’il ne se retrouverait pas un jour à collaborer à nouveau avec Yulpi ? Le jeune homme salua le Gungan d’un signe de tête, avant de se détourner pour fendre la foule et retrouver à grands pas un historien que le Sith put apercevoir de loin se fondre aussitôt en protestations, devant un Ark-Ni toujours stoïque.

En quelques secondes, Karm avait embarqué son protégé loin de la baie, pour disparaître dans les coursives de la station, l’esprit plein de sa rencontre avec le Gungan. Il avait toujours la fâcheuse impression d’avoir laissé passer, par maladresse, une occasion en or de ramener un être entre deux eaux vers le Côté Lumineux de la Force. Et ne devait-il pas comprendre que la Force elle-même, en en le poussant sur le chemin de Siths qui cherchaient plutôt à collaborer avec lui qu’à le combattre, lui faisait comprendre qu’il avait un rôle à jouer dans un équilibre nouveau ?
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