Absalom Thorn
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— … et en plus, ça gratte.

Le sable et Ana Su, ce n’était pas une grande histoire d’amour.

— Tu sais…

L’Inquisitrice s’interrompit. Elle avait sentit une ombre dans la Force — une ombre encore plus sombre que le reste de la planète, et ce n’était pas peu dire. Même elle parvenait à pousser la patience pourtant légendaire de Noctis à bout. Elle était sa favorite à bien des égards, presque une amie, si toutefois un Seigneur Sith pouvait avoir des amis, et la familiarité qu’elle entretenait avec lui la conduisait parfois au faux pas. Parfois, elle oubliait qui était l’Hapien, ce qu’il était, et elle s’approchait dangereusement de l’irréparable.

La jeune femme posa un genou à terre, tête courbée, et murmura :

— Pardon, Maître.
— Attends moi au speeder.
— Bien sûr.

Elle avait du mal à respirer mais elle ne savait pas si c’était à cause de la honte et de la peur, de la chaleur étouffante de Korriban ou de la volonté de Noctis. L’ancienne Jedi se releva néanmoins, en veillant à ne pas croiser le regard trop pénétrant du Seigneur, et s’éclipsa sans rien ajouter, finalement soulagée de s’en être tirée à si bon compte. Noctis se détourna et recommença à contempler l’horizon.

Ils avaient garé le landspeeder quelques mètres plus bas, dans une petite caverne naturelle jouxtant le sentier qui grimpait le long du plateau désertique, du côté est du canyon, et ils avaient fait le reste du chemin à pied. Un canyon au milieu des sables, ce n’était sans doute pas le cadre le plus commun pour un entretien d’embauche, mais après quelques jours passés sur Korriban, à l’occasion de la réception d’Odium, Noctis était las de sa suite, de l’Académie, de l’astroport.

Il fréquentait peu l’Académie, dont il trouvait les pratiques trop sectaires. Du reste, aucun souvenir personnel ne l’y rattachait : sa formation à lui avait été faite sur les routes spatiales et au service de l’Ordre Jedi et, de la même manière, ses proches fidèles étaient d’anciens Républicains, que les pouvoirs du Seigneur Sith avaient su corrompre. Pour Noctis, Korriban était ainsi surtout le lieu des destins trop communs, de ces hommes et de ces femmes qui finiraient invariablement par fournir la chair à canon des gloires militaires siths.

Mais même lui devait reconnaître que c’était un vivier de candidats enthousiastes et passablement inconscients, où l’on pouvait facilement trouver de quoi remplir une ou deux missions. Et en pleine guerre, il éprouvait toujours le besoin d’élargir sa base de recrutement et de s’associer même aux parties de l’Empire avec lesquelles il éprouvait le moins d’affinité. Il avait donc décidé de prolonger son séjour sur la planète, pour y repérer deux ou trois talents prometteurs, susceptibles de lui servir dans ses projets.

Il avait suffi d’en parler un peu autour de lui pour que la rumeur se répande comme de la poudre. Korriban était pleine de jeunes apprentis très ambitieux qui n’attendaient qu’un signe d’un Seigneur de passage pour se lancer dans une vie d’aventures. On espérait ainsi qu’à force de bons et pas toujours loyaux services, on parviendrait à se faire un nom, à grimper dans la hiérarchie, peut-être même à devenir calife à la place du calife.

Comme Noctis avait la solide réputation de veiller à l’avancement de ceux qui se montraient utiles à ses côtés, les candidats n’étaient pas rares, même si certains préféraient, par prudence ou à cause de valeurs mal placées, s’abstenir de s’associer à ce Seigneur trop peu conventionnel. Ce jour-là en tout cas, Noctis avait rendez-vous avec un humain de Naboo, un apprenti que les dernières batailles avaient, dit-on, un peu éprouvé.

Il n’avait pas vocation à récupérer toutes les brebis égarées de l’Empire mais c’était d’un guerrier dont il avait besoin, et précisément d’un guerrier de Naboo. Pour ces deux qualités associés, il était prêt à fermer les yeux sur un certain nombre de défauts.

— Je vois que vous avez trouvé votre chemin.

« Voir », c’était une façon de parler, parce que l’Hapien ne s’était pas détourné de sa contemplation du canyon, en sentant à travers la Force l’apprenti arriver. Les mains dans les poches, son manteau d’or et de pourpre animé par le vent, avec sa voix douce et ses traits angéliques, Noctis n’avait pas exactement le physique terrifiant d’un Seigneur Sith et, quand on avait entendu parler de lui sous le surnom du Boucher de Kano-IV, on devait s’imaginer quelque chose de bien différent.

— Pour quelqu’un de votre planète, je suppose que la tristesse monotone des déserts de Korriban doit avoir quelque chose de déprimant, non… ?
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Depuis la cérémonie donnée par Darth Odium, j'avais de nouveau investi l'académie. Je croisais régulièrement d'autres apprentis avec lesquels j'avais grandi. Certains me saluaient gravement, d'autres me lançaient des regards profondément haineux. Lors de mon adolescence, j'avais massacré quelques dizaines d'apprentis, dans l'espoir de me faire un nom, d'être remarqué par des Sith accomplis. Ce bien avant d'être remarqué par Darth Raventes et Darth Anetherion, et de vivre toutes les péripéties qui étaient venues après.

Byss, Félucia, Makem Te... toutes ces batailles m'avaient éloigné de ce désert immense et sans frontières qu'était Korriban. Pourtant, il s'agissait bien du seul endroit où je me sentais chez moi.
J'y avais repris les entraînements, reprenant avec la même rigueur qu'auparavant ma formation martiale, un peu mise en pause depuis ma défaite deux ans auparavant. J'exécutais les katas et les exercices physiques complexes, avec pour seule motivation ma colère, toute la violence sécrétée par mon cœur déçu et malade.

Alors que je suivais ma routine de bretteur aigri, j'entendis à nouveau parler d'un seigneur Sith bien particulier. Les sobriquets qu'on lui attribuait étaient nombreux, mais celui de "boucher de Kano-IV" m'intriguait tout particulièrement. En effet, j'avais déjà repéré Darth Noctis lors de la réception du vieux Chagrien. Il faut dire que la tenue de soirée bleue, et l'attitude de ce que je devinais être un hapien, à en juger par son physique si particulier, touchant du doigt la perfection, avaient eu de quoi me marquer. Mais j'aurais tout de même voulu savoir comment il avait pu acquérir une telle réputation. "Boucher" ça n'était pas rien. J'avais moi-même beaucoup de sang sur les mains, après plusieurs années à combattre en première ligne pour l'Empire, mais cela n'avait jamais suffit à me raccrocher à un tel titre.
Toujours est-il que les bruits de couloir selon lesquels le fameux Darth Noctis recherchait un bras armé pour une mission finirent par me parvenir. Je crois pouvoirs affirmer que j'étais sans nul doute la plus fine lame de toute l'académie. Si l'on recherchait un apprenti pour effectuer une tâche impliquant de se salir les mains, j'étais tout désigné.
J'hésitai un moment avant de postuler. La dernière fois que j'avais offert mes services à un supérieur, Darth Anetherion m'avait trahi et ordonné mon assassinat. Or, de l'impression que j'avais eu, le hapien n'avait pas l'air d'un individu auquel je pourrais me fier. Mais les circonstances étaient telles que je ne pouvais me permettre de rater une telle occasion, d'autant que ce seigneur était réputé pour permettre la progression de ceux qui se rangeaient à ses côtés. Aussi, lorsque je parvins à décrocher une entrevue avec lui, je n'hésitai pas une seconde avant de me mettre en route, une fois les jour J venu.

Je connaissais bien la région où l'entrevue était fixée. Il m'était régulièrement arrivé de m'y balader, pour fuir la proximité et la tension de l'académie. Après avoir revêtu mon armure, la peau protégée de la morsure du soleil par une bure épaisse, j'enfourchai un speeder, en prenant soin de ne pas découvrir ma peau. Le bas de mon dos, après avoir été brûlé au troisième degré par l'explosion de cette maudite grenade, était encore bien trop sensible aux rayons de l'astre rouge.
Alors que je m'approchai du lieu de rendez-vous, j'eus l'idée de sonder la Force pour trouver la position précise du Seigneur. Mais avant que je ne prenne cette initiative, je ressentis subitement une obscurité abyssale, là, tout près de moi. Cela devait certainement être volontaire de la part du seigneur Sith.

Je garai mon speeder à une vingtaine de mètres de lui. Mon visage dissimulé par mon casque, je doutais qu'il ne me reconnaisse. De toute façon, il était peu probable que mon souvenir l'ait marqué durant la cérémonie d'Odium.
Il me tournait le dos, le regard plongé dans l'horizon, faisant face à l'un des plus profonds canyons de cette vallée. Avant même que je n'aie annoncé mon arrivée, celui-ci me prit de cours une fois de plus, en me saluant d'une part, puis en parlant de Naboo, en évoquant mes origines.

-Me voici Seigneur. Je vous remercie de m'accorder un peu de votre temps. lui dis-je, pas pressé pour un sous de le contredire.

En effet, si les archives impériales confirmaient bel et bien que j'étais né sur Naboo, je n'y avais pas grandi. Ma jeunesse avait été sacrifiée pour faire de moi une bête de foire, de la chaire à canon prête à être sacrifiée pour ravir les plaisirs pervers d'ordures embourgeoisées.
Voulant jouer franc jeu, je poursuivis alors :

-Pas vraiment. Je n'ai pas grandi sur Naboo. Mais n'ayez crainte, je connais déjà ce système.

Par humilité, je choisis de ne pas lui confier que j'avais déjà exploré la planète pour me venger des mes tortionnaires, ni que j'y avais terrassée une des padawan de l'ordre jedi. Autant ne pas lui confier ce genre de détails. Je préférais éviter de passer pour une brute orgueilleuse. J'hésitai une seconde à lui parler de mon rapport à Korriban, je me ravisai, ne voulant pas l'embarrasser de paroles futiles.

-Que puis-je faire pour vous servir ? conclus-je en m'inclinant.
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— Ah.

Après cette remarque fort peu explicite, Noctis resta plongé dans un silence contemplatif, à peser le pour et le contre. C’était de quelqu’un de Naboo qu’il avait voulu, précisément, d’un enfant du pays pour ainsi dire, capable de se fondre dans le paysage sans trop attirer l’attention. Valait-il bien la peine de prendre des risques inutiles en employant quelqu’un qui avait perdu peut-être le sens de ses racines ?

Le silence qui s’était abattu sur le canyon devint petit à petit de moins en moins naturel, à mesure que les réflexions de Noctis le poussaient à consulter la Force et que la Force qu’il invoquait pour le guider était sombre et froide. Le vent s’était tu, les lézards s’étaient cachés dans les crevasses, et même la lumière du jour paraissait avoir baissé un peu.

Puis, brusquement, Noctis déclara :

— Marchons un peu.

Il se retourna pour faire face à Syn et lui adressa l’un des sourires d’ange innocent dont il avait le secret. N’importe qui lui aurait confier sa grand-mère sans se poser de questions.

— Avec la guerre qui approche, débuta le Seigneur Sith, les liens commerciaux avec Naboo sont de plus en plus distendus. Il reste toujours la possibilité de recourir à des contrebandiers mais l’exercice est compliqué et délicat, et de plus il est inutilement coûteux. Par conséquent, j’essaie de diminuer les intermédiaires pour me procurer ce dont j’ai besoin.

Rentrer dans le détail des plans de Darth Noctis, c’était un peu comme se jeter à l’improviste, sans torche et sans fil, dans un labyrinthe inextricable conçu par un architecte un peu trop zélé, mais le Sith faisait de son mieux pour être aussi clair que possible. Tout en parlant, il jaugeait Syn du regard — d’un regard qui allait profondément, plus profondément que les habits et les armures, que la chair et les os : d’un regard qui fouillait l’âme.

— J’ai donc décidé de me porter acquéreur d’un certain nombre d’installations. Enfin, par une série d’intermédiaires. Vous voyez le genre.

Peut-être pas. Tous les guerriers siths n’étaient pas rompus au monde subtil et passionnant des holdings financiers.

— Hélas, il n’y a pas vraiment de vendeur pour ce que je cherche à acquérir en ce moment et vu la rentabilité du produit, il est peu probable que qui que ce soit cherche à se séparer de ses actifs avant un moment. Sauf, bien sûr, si ces actifs venaient à être gravement compromis, si la confiance du public était entamée, bref, si leur immobilisation paraissait finalement plus coûteuse que leur liquidation. Vous me suivez ?

Et sans attendre la réponse, Noctis enchaîna :

— J’ai besoin de quelqu’un pour aller poser quelques bombes aux bons endroits, incendier une ou deux cibles, liquider deux ou trois cadres influents, bref, déstabiliser l’entreprise. C’est un travail alternativement brutal et délicat, et les actions devront être espacées les unes des autres de quelques jours, le temps d’observer l’évolution des prix, de sorte qu’il faudrait être capable de rester sur place entretemps, tout en faisant profil bas. D’où la nécessité de recourir à un natif.

Il n’avait toujours pas dit précisément ce qu’il comptait acheter sur Naboo, certes.

— Et dans les circonstances actuelles, qui rendent difficiles tout mouvement de personnel important hors de l’Empire et en pleine zone républicaine, à moins de vouloir voir rappliquer destroyer du destroyer, ce serait une mission essentiellement solitaire et par conséquent somme toute assez dangereuse. Mais ce serait aussi l’occasion pour un jeune homme capable qui aurait connu quelques déconvenues de prouver qu'il sait rebondir et pour un guerrier de montrer qu’il sait faire preuve de doigté et de finesse quand la situation l’exige, et qu’il n’est pas par conséquent condamné à demeurer perpétuellement un simple acolyte.

Ils étaient arrivés en marchant à pas lents à l’autre bout du plateau rocheux. Noctis s’arrêta là et, tourné vers Syn, il recommença à l’observer intensément.

— Sans parler, bien sûr, de la rémunération substantielle, à moins que le candidat ou la candidate retenue ne préfère d’autres formes de récompense.

Et ces autres formes de récompense, c’était bien sûr le privilège d’intégrer le cercle restreint d’un Seigneur Sith, avec les perspectives sur le long terme que cela ouvrait inévitablement.
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La révélation que je venais de faire sur mes origines semblait avoir déçu mon interlocuteur. Le silence qui s'ensuivit me troubla beaucoup, même si je fis de mon mieux pour ne pas le lui montrer. A force de côtoyer des seigneurs comme l'étaient Darth Riakath, j'avais fini par craindre le moindre mécontentement de ces titans de l'obscurité. J'eus peur l'espace d'un instant que Darth Noctis ne se retourne brusquement pour me foudroyer de toute sa puissance.
Et alors que mes muscles se crispaient déjà, le seigneur se retourna en me gratifiant d'un sourire éblouissant. J'étais soulagé qu'il ne puisse pas voir à travers mon casque mes yeux s'écarquiller. Il était indéniable que cet individu était d'une classe et d'une élégance innée. Il semblait avoir tout pour lui, sauf une raison d'être surnommé "boucher".

J'adorais ce type d'individus complexes, bien plus difficiles à cerner que la plupart de mes camarades. Dans un Empire où la plupart des gens importants faisaient deux mètres, pesaient deux kilos, et étaient soit des armoires à glace, soit des folles furieuses sanguinaires, un tel Seigneur Sith tranchait dans le paysage. S'il n'avait pas déjà capté toute mon attention, j'étais désormais captivé par le personnage. Aussi, je lui emboitai le pas, et faisait de mon mieux pour comprendre ce qu'il voulait m'expliquer.
J'avais toujours été éloigné de ce genre d'intrigues. Je n'avais jamais été que le bon soldat, qui menait à bien ses missions, et avait l'avantage de ne pas poser trop de questions. Néanmoins, je soupçonnais que mon supérieur souhaitait mettre à l'épreuve ma capacité à comprendre la situation et ses enjeux.

Je crus comprendre qu'il parlait d'armes, ou tout du moins, à quelque chose qui y ressemblait. Apparemment, il existait sur Naboo des individus qui pourraient lui fournir ce que je pensais être des armes, mais ces potentiels fournisseurs n'avaient pas de raison de répondre à sa demande. Pourtant, étant donné le rang et l'accoutrement du Seigneur Noctis, j'avais du mal à imaginer qu'il puisse exister quoi que ce soit qu'il ne puisse s'offrir.
Mais là, j'en arrivais dans ma réflexion aux questions indiscrètes, qui ne devaient surtout pas franchir le palier de mes lèvres, afin de ne pas être indiscret. Car l'indiscrétion, c'était très probablement juste ce qu'il manquait pour me disqualifier.
Je continuai d'avancer dans les pas du Sith accompli, le regard, bien que dissimulé, grave, les sourcils froncés, signe de ma concentration. De la façon dont mon supérieur décrivait la mission qu'il semblait me destiner, cela me rappelait Darth Anetherion, des années auparavant. A l'époque déjà, j'avais du éliminer d'autres Sith, ravager un bureau d'agents secrets... autant de tâches similaires à celles pour lesquelles je m'apprêtais à signer. Quant à survivre et rester sur Naboo, rien de plus simple. Après tout, j'avais passé plus d'une année à vivre sous une fausse identité, ici même, sur Korriban, entouré d'apprentis sanguinaires et déjà familiers. Alors m'établir sur Naboo...

-N'ayez crainte Seigneur. Je ne vous décevrai pas. Cependant, comme vous l'avez souligné, la mission est dangereuse. Aussi, je vous conseille de ne me donner vos instructions qu'au compte-goutte. Moins j'en saurais, plus vous serez en sécurité. En particulier si je suis confronté à des jedi.

Si je venais à être capturé -ce qui n'était pas envisageable, mais deux précautions valent mieux qu'une- je serais certainement confronté aux jedi, lesquels seraient potentiellement capables de forcer les portes de mon esprit. Il était donc plus sûr que je ne connaisse que le minimum syndical des plans de mon employeur.
De plus, la référence implicite à mes récents ébats, mais surtout mes échecs, dissipa mes doutes. Darth Noctis n'avançait pas sans savoir où il allait. Il savait qui j'étais, il était renseigné. Je n'avais bel et bien pas affaire à un plaisantin ou un parvenu. De plus, il avait touché du doigt une flagrante vérité : je devais à nouveau faire mes preuves. Et je n'étais pas du genre à rater de telles opportunités. Le Seigneur acheva sa courte marche, et me fit face. C'est lorsque mon regard put enfin s'attarder sur lui, droit devant moi, que je sentis véritablement pour la première fois l'écart de vécu, mais aussi bien sûr de puissance.
Il me fallait demeurer le plus stoïque et impassible possible pour rester crédible dans mon rôle d'apprenti efficace et furtif. De plus, je voulais tenter de le surprendre. Ou au moins, lui montrer que je n'étais pas un pédant insolent et cupide de plus sur cette planète aride.

-Me remplir les poches ne m'intéresse pas. Ce que je veux, c'est un nom. Et pourquoi pas allonger mon bras.
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— L’un ne va pas sans l’autre, évidemment, mais je vois ce que vous voulez dire.

Noctis aimait l’argent — c’était ce qu’il avait découvert en quittant l’Ordre Jedi, poussé d’abord par la nécessité de mener ses expériences mystiques plus à son aise. Avec les Siths, il avait retrouvé la liberté de disposer de ses biens et il avait pu donner libre cours à son génie d’entrepreneur. Mais il n’aimait pas l’argent pour lui-même mais plutôt pour tout ce qu’il permettait d’accomplir : le nécessaire, bien sûr, pour les recherches, pour la protection, mais aussi le superflu d’un luxe qui avait aussi son utilité.

— La vérité sur l’Empire Sith, c’est que, comme toutes les méritocraties, il est rare qu’un mérite sans moyen puisse s’élever indéfiniment. Il y a un seuil où tous les talents rencontrent la nécessité de s’organiser et toute organisation exige des financements : le militaire talentueux qui devient seigneur de guerre doit affréter des vaisseaux, l’occultiste qui veut se transformer en sorcier éminent entretenir ses acolytes, l’administrateur capable qui se rêve politicien d’envergure financer ses réformes.

Aux apprentis, dans les couloirs de Korriban, on vendait souvent une réalité différente. Noctis en avait entendu beaucoup, des discours qui présentaient l’Empire comme le monde idéal pour tout ambitieux capable et déterminé qui pouvait prétendait-on s’y élever à la seule force de ses sabres lasers ou de ses éclairs lumineux. Mais les gens démunis plafonnaient en simples guerriers, et si même ils trouvaient l’opportunité d’assassiner un Seigneur puissant dans l’espoir de prendre sa place, sans moyen pour se soutenir, ils finissaient rapidement au cachot.

— Se remplir les poches est sans intérêt mais mieux vaut être en position de se les vider.

Ces conseils n’avaient pas pour seul objet d’entretenir la conversation : il servait à l’Hapien pour évaluer à quel point le jeune homme qui lui faisait face était réceptif à des réflexions complexes. Du reste, Noctis n’était pas de ces Seigneurs qui maintenaient ses subordonnés dans une ignorance relative, afin de pouvoir se prémunir d’éventuels complots. Pour sa part, il voulait être entouré de personnes aussi capables et bien informées que possible, et qu’elles pussent en devenir menaçantes n’était alors qu’une motivation supplémentaire pour parfaire ses propres aptitudes.

— Quant à en trop savoir sur la mission, ma foi, si vous étiez capturé, je veillerais à vous faire libérer et si cela s’avérait impossible, je veillerais à apaiser vos tourments.

C’était ce que l’on appelait l’art des euphémismes.

— J’investis dans mes associés et pour que cet investissement ne soit pas vain, je les protège à la mesure des services qu’ils me rendent.

C’était sa conception de la féodalité qui liait pour lui le Seigneur Sith à celles et ceux qui le servaient : comme les vassaux avaient des devoirs envers leur suzerain, le suzerain en avait envers ses vaisseaux et s’il n’était motivé par un sens de l’honneur, du moins devait-il l’être par son propre intérêt bien compris. Pour Noctis, personne n’était assez important pour ne pas être sacrifié mais personne n’était assez négligeable pour ne pas être protégé.

Il tira de son manteau un holoprojecteur de poche qui s’alluma pour faire flotter entre les deux Siths un hologramme représentant Naboo. Une vue rapprochée montra une zone en particulier de la planète.

— Voici ce qui serait votre terrain d’opération. C’est là que se développent les activités d’Harmonia, une société d’exploitation agricole, de parfumerie et d’extraction végétale, notamment spécialisé dans les fleurs de Milla.

C’était ainsi cette plante aux propriétés psychiques qui retenait l’attention du Sith, très loin des armes que l’Apprenti qui lui faisait face avait pu s’imaginer.

— Il serait bon que vos actions préservent autant que possible les récoltes de milla, mais le reste du patrimoine agricole me préoccupe moins. Cela dit, je recommande de viser plutôt les bâtiments administratifs ou commerciaux, voire les quais de chargement et les transports, que les engins agricoles eux-mêmes. Mais tout cela, c’est à voir une fois sur le terrain.

Ceci étant dit, pour l’heure, il avait surtout parlé au conditionnel. Il lui restait à bien évaluer Syn et c’était ainsi que l’entretien débutait à proprement parler.

— Comment verriez-vous votre avenir, s’il s’avérait que cette mission vous était confiée et que vous reveniez couronné de succès ?
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Un phrase simple. Quelques mots avaient suffi à me mettre face à mon manque de réflexion. Moi qui n'avait pas tendance à voir plus loin que le bout de ma lame, je n'avais jamais véritablement réfléchi aux questions financières. Darth Raventes, ma première maîtresse, m'avait laissé de quoi vivre, et je n'avais jamais cherché plus loin. Or, comme venait de me le rappeler le Seigneur Noctis, l'argent était un moyen incontournable pour arriver à ses fins. Une nouvelle preuve qu'un fossé de pragmatisme nous séparait. Il faut dire que j'avais parlé sans assez y réfléchir. Encore une fois, mon arrogance m'avait poussé à ne pas choisir mes mots avec plus de décence.

J'étais également surpris d'entendre la vision que le Darth entretenait de ses collaborateurs, voire ses sous-fifres. Combien de fois avais-je entendu les Seigneurs de l'ordre répéter que nous n'étions que des larves tout justes bonnes à dépérir ? La Dame Noire elle-même m'avait rétorqué, alors que j'étais effrayé et possiblement mourant, que la vie des faibles n'avaient ni intérêt ni importance. Même sa façon d'évoquer une possible funeste destinée pour moi était édulcorée. Mais quel était donc son vécu ? Pourquoi ce Seigneur était-il si différent de ses semblables ?

Deuxième coup de massue, ou de réalité, selon les points de vue : ce que je pensais être des armes était en réalité... des plantes ! Encore une fois, à des années lumières de ce que j'avais pu imaginer. Nouveau retour à ma réalité de pur produit de la violence de l'ordre, et de la galaxie plus généralement, j'avais été incapable d'envisager qu'autre chose que des armes puissent intéresser un de mes supérieurs, surtout en temps de guerre.

Cependant, le fait que le hapien ramène sur le tapis le sujet de la mission me soulagea un peu. Je pris en note chaque mot qu'il prononça. Il ne me faudrait surtout pas rater le moindre détail de ses instructions. Je n'étais pas du genre à faire le travail à moitié. Je me faisais la promesse à moi-même de tout faire pour préserver les champs, quitte à y laisser un œil ou une jambe. Probablement aurais-je plus de chance de surprendre en bien mon employeur en répondant à ses moindres désirs une fois sur le terrain plutôt qu'en essayant de le prendre au dépourvu avec des mots aussi maladroits que ceux que j'avais employé précédemment.

Et cette pensée pessimiste fut presque prophétique, car Darth Noctis me posa alors une question des plus profondes. Le genre de question dont on devine qu'elles vont servir de fondations au jugement de votre interlocuteur. C'était là encore une mise à l'épreuve, une façon de me cerner. Or, comme je n'avais moi-même pas cerné le Seigneur, je préférai autant ne pas tenter de jouer un rôle, car cela aurait été suicidaire. Prenant alors mon courage à deux mains, je choisis alors de lui annoncer :

-Si je venais à réussir, je crois que j'en profiterais pour poser les bases d'une nouvelle réputation. Plus jeune, j'ai fait preuve d'une violence aveugle, qui me poursuit encore aujourd'hui. Dans l'avenir que j'imagine, je suis reconnu par la cause, par l'ordre que je défends. C'est là tout ce que je veux. De la reconnaissance. Et même si dans un premier temps, vous devez être le seul à me témoigner cette reconnaissance, je saurai m'en contenter. La finalité de tout ceci, c'est que, moi qui suis fils de rien, je meure en étant devenu quelqu'un.

J'avais parlé avec le cœur, sans prendre de pincette. Un jeu dangereux, certes, mais si mes motivations convenaient au Sith accompli, ce risque pourrait vite devenir des plus rentables.
Absalom Thorn
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— L’ambition, donc. C’est une puissante motivation, surtout quand elle vise à la reconnaissance des autres.

Mais la quête de la reconnaissance en elle-même, Noctis la jugeait vaine — un jugement que l’on formulait toutefois bien à son aise, quand on était un Seigneur Sith.

— C’est le grand jeu d’équilibriste des Siths que de tenter de trouver un compromis entre le désir de la gloire et la nécessité de rester dissimuler pour opérer en toute quiétude. Avant que l’Empire n’existe et nous offre une protection relative, la nécessité l’emportait sur le désir, évidemment, et comme vous le savez, la nécessité est la mère de toutes les inventions.

C’était une manière particulièrement tordue — une spécialiste de Noctis — pour suggérer qu’à certains égards, l’avènement de l’Empire avait fait plus de mal que de bien aux Siths, en créant en leur sein des intrigues de cour, toute une petite politique intérieure, tout un public de pairs, de supérieurs et subordonnés attentifs, une vaste mascarade en somme qui absorbait bien des énergies, lesquelles auraient pu être utilement employées à d’autres projets.

Parfois, Noctis n’était pas loin de penser que la refondation impériale avait été l’un des pires développements pour le progrès des Arts Siths.

— Quoi qu’il en soit, il faut beaucoup de sagesse à un guerrier pour reconnaître que la violence est parfois trop séductrice. La colère est une vertu précieuse, parce qu’elle donne l’énergie d’agir, et la violence un instrument nécessaire, qu’il faut savoir manier…

Et on devait se douter que celui qu’on appelait le Boucher de Kano-IV n’était certes pas avare de violence quand la situation l’exigeait.

— … mais quand on se laisse absorber par elles, on ne devient jamais qu’un acolyte. Certains de mes… pairs… des autres Seigneurs, encouragent la colère et la violence chez ceux qui dépendent d’eux, parce que c’est un excellent moyen d’avoir des agents efficaces mais surtout des agents dont le savoir n’excèdera jamais ce qui est strictement nécessaire au champ de bataille. Et ainsi ces guerriers se retrouvent contrôlés par leur violence bien plus qu’ils ne dominent par elle.

Comme souvent avec Noctis, la conversation avait pris une tournure philosophique qui n’était pourtant pas dénuée d’application pratique, aux yeux du Seigneur Sith : elle lui permettait de jauger l’aptitude de Syn à considérer les mesures brutales comme des outils au service d’un projet plus vaste et non comme des fins en elles-mêmes, et par conséquent la capacité du jeune homme à remplir une mission qui exigerait parfois autant de patience et de subtilité que d’explosifs et de décapitation.

— Vous avez été blessé, à ce qu’on m’a dit, et par un combattant qui était votre inférieur. C’est un échec, indubitablement. Mais les échecs ont cela d’utile qu’ils invitent à la réflexion et à la réforme de soi-même.

Une réforme que l’Apprenti avait manifestement entreprise, si Noctis devait en croire ses propos.

— J’aimerais que nous poursuivions cette conversation à visage découvert. Et je veux dire : littéralement. Vous faites un candidat idéal.

Noctis effleura la montre à son poignet pour projeter une carte de Korriban. En quelques gestes, il afficha la région où ils se trouvaient et le chemin que l’on pouvait emprunter pour rejoindre ses appartements, non loin de l’Académie.

— Retrouvons-nous là-bas.

Le Sith s’éloigna de sa nouvelle recrue pour rejoindre la silhouette sombre qui était apparu en haut du chemin qui menait jusqu’au sommet du plateau : celle d’Ana Su, l’Inquisitrice qui le secondait en de nombreuses circonstances. Quelques instants plus tard, le speeder à deux places décollait de la caverne où ils l’avaient laissé pour filer vers la ville, laissant derrière lui un tourbillon de sable. De tout le trajet, Ana n’osa reprendre la parole et Noctis fut laissé à ses réflexions. En Syn, il voyait assurément un potentiel certain, digne peut-être d’un intérêt supérieur à la seule mission sur Naboo.

Les appartements que Noctis occupait sur Korriban s’étendaient en duplex sur les deux dernières étages d’une haute tour non loin du spatioport. Depuis les larges baies vitrées, on pouvait observer les vaisseaux qui arrivaient et qui partaient. Syn fut accueilli par Ana Su sur la plateforme privative où se rangeaient les speeders de celles et ceux qui venaient rendre visite au Seigneur. La présence de l’Inquisitrice Sith était comme une menace froide et constante, et son visage entièrement dissimulé par le capuchon de sa bure laissait peu deviner ce qui lui passait par l’esprit.

L’intérieur du duplex était décoré avec une sobriété élégante, en suivant les traditions de Korriban : on y trouvait les couleurs de l’art local, des statuettes et des talismans siths, des tapisseries brodées de formules incantatoires et de bien des objets se dégageaient une aura de puissance en sommeil, qui témoignaient bien qu’il s’agissait là d’artefacts siths. Un Echani d’une vingtaine d’années au physique fort avantageux était installé dans l’un d’un vaste canapé, absorbé par une compétition d’arts martiaux que l’Holonet retransmettait en trois dimensions.

À l’étage où Syn fut ensuite conduit, c’était un Twi’Lek bien peu vêtu qui était occupé à prendre des notes en examinant une caisse pleine d’objets à l’air antique.

— Notre Maître voyage rarement sans ses compagnons, glissa l’Inquisitrice.

La remarque n’avait rien d’innocent : elle était un piège béant tendu sous les pieds de Syn, parce qu’Ana Su guettait la plus petite marque d’homophobie, qui plus sûrement que n’importe quel autre impair, aurait plongé l’Apprenti dans la disgrâce aux yeux du Seigneur Sith.

— Il se lave.

Pour chasser le sable du désert — Syn poursuivait la renommée, Noctis poursuivait la beauté. Chacun sa passion coupable.

— Mais mettez-vous à l’aise, suggéra froidement Ana Su, en désignant d’un geste circulaire les fauteuils de la bibliothèque où elle avait fini par conduire l’humain.
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J'eus la curieuse sensation de précisément comprendre chacune des paroles de Darth Noctis. Comme si tout ce à quoi il faisait référence avait un écho dans mon histoire. J'avais déjà du agir dans l'ombre dans l'Empire, lorsque j'avais assassiné de multiples cibles pour le compte de Darth Anetherion. A l'époque, rien ne m'aurait rendu plus fier que de hurler sous tous les toits que j'étais parvenu à tuer des guerriers Sith accomplis. Cependant, ma discrétion était non seulement voulue par mon employeur, mais de plus, j'aurais pu être jugé et exécuté pour de tels actes.

J'eus ensuite une pensée pour toutes ces années passées à tuer dans les couloirs de l'académie de Korriban, avant que Darth Laduim ne prohibe le meurtre. A cette époque, mon unique objectif était de me faire remarquer, mais aussi de noyer mon chagrin dans le sang. La vie avait été tellement injuste avec moi, que j'étais à l'époque l'esclave de ma colère. J'étais alors une sorte de bête sauvage, prête à infliger sa peine aux autres. Je pensais alors que ma colère me rendrait puissant, et que cette puissance me rendrait libre, comme nous l'enseignait le code Sith. Mais la réalité avait été toute autre, car je m'étais empêtré dans mon propre malheur, fermé aux autres, recroquevillé sur ma propre violence. Aussi, le discours du Seigneur Sith faisait parfaitement écho à mon propre vécu tumultueux. Pour le lui signifier, je hochai légèrement la tête.

Evoquer Makem Te implicitement fut une véritable douche froide. Comme le soulignait mon interlocuteur, j'avais été vaincu par un homme qui, à ce que j'avais compris, n'était même pas un soldat républicain, encore moins un jedi. Un moins que rien qui était parvenu à me blesser grièvement. En témoignait l'état de mon dos, ainsi quela légère brûlure imprimé sur mon pectoral droit, infligé par son ultime tir de blaster.
J'aurais pu essayer de me valoriser, rappeler que juste avant cette défaite, j'avais déjà remporté une victoire éclatante sur Félucia, en défendant le territoire impérial face à un jedi que j'avais envoyé au tapis, et ce au prix d'un coup de sabre laser qui m'avait assez sérieusement blessé.
Ma défaite face à ce bandit ne venait en effet pas de nulle part. Je m'étais empressé de rejoindre Makem Te, déjà blessé et fatigué par mes combats sur Félucia. J'avais payé le prix de mon empressement. Mais au fond, je ne le regrettai pas. J'avais fait mon devoir, même si les membres de l'ordre semblaient incapables de me reconnaître cela. Mais comme chacun de mes échecs, j'en sortais grandi. Chacune de mes cicatrices était un pas de plus vers le guerrier que j'aspirais à devenir.

Depuis le début, j'avais très peu parlé, ne voulant pas paraître impoli, ou sans manières. Pourtant, lorsque Darth Noctis affirma que j'étais un candidat sérieux pour exécuter cette mission, j'eus du mal à réprimer mon enthousiasme. J'étais réellement flatté, car ce Seigneur Sith, pourtant moins effrayant que d'autres Sith éminents que j'avais côtoyé, m'intimidait sans doute plus que beaucoup d'entre eux. Il avait quelque chose de profond et d'honorable. Qu'un tel être m'accorde de l'intérêt me flattait. Aussi, après avoir noté dans un coin de ma mémoire l'emplacement à rejoindre, j'eus du mal à contenir ma satisfaction en acquiesçant par un solennel :

-Je ferai selon vos désirs.



Un peu plus tard, je rejoignis le lieu de rendez-vous, garant mon speeder sur une plateforme prévue à cet effet. Je fus accueilli par une ce que je devinais être femme, encapuchonnée, qui ne dégageait pas la moindre amabilité. J'étais presque même sur mes gardes, prêt à me défendre au cas où la situation s'envenimerait. Il faut dire également que j'étais particulièrement anxieux car à visage découvert, ce qui était particulièrement rare. Dévoiler mon identité et mon visage à n'importe qui me mettait mal à l'aise. Je portai toujours mon armure, mais j'avais troqué la bure pour une tenue de combat laissant apparaître la plus grande de mes fiertés, mon sabre laser. J'avais également ôté les protections de mes mains, y compris mes griffes d'acier. Ainsi, j'avais l'air d'un simple soldat en armure intégrale, et non plus de la machine à tuer, image que j'affectionnais par ailleurs.

J'emboîtai le pas de la silhouette emmitouflée. L'endroit était magnifique, et singulièrement peuplé. Nous croisions ainsi deux humanoïdes, tous deux peu vêtus, laissant apparaître des corps taillés pour le plaisir des yeux. Au cours de mes années d'entraînement, j'avais appris à faire la différence entre la musculature développée pour l'esthétisme, comme l'était celle des deux inconnus peuplant les quartiers du Seigneur Sith, et la musculature forgée par les combattants aguerris tels que moi, plus sèche, moins nervurée, moins lisse, souvent parsemée de cicatrices.
Cependant, la présence d'un Twi'Lek, et le fait que ces deux hommes soient parfaitement à l'aise alors qu'ils vivaient chez un être des plus dangereux, me mit la puce à l'oreille. Il était probable que mon potentiel employeur ne s'adonne à certains plaisirs charnels avec d'autres membres de la gente masculine.
Le sexe était un sujet plutôt tabou dans l'empire. A titre personnel, je ne cherchais pas à m'attacher à qui que ce soit. Je ne partageais pas les probables goûts de mon hôte, mais étant donné mon faible pour les esclaves Twi'Lek fournies par l'Empire à ses troupes, j'étais bien loin de pouvoir juger qui que ce soit. Très loin de pouvoir le faire, et très loin de vouloir le faire. Ce que faisait les autres membres de l'ordre dans l'intimité ne m'intéressait pas, loin de là.

Nous finîmes enfin par rejoindre une bibliothèque, dans laquelle la femme encapuchonnée m'invita à me délasser en attendant que mon hôte n'aie fini de se laver. J'eus une pensée amusée en songeant que j'avais décidément un sacré passif avec les bibliothèques. C'était déjà dans des décors similaires que j'avais côtoyés Darth Balir et Darth Raventes, deux seigneurs Sith qui m'avaient profondément influencé.
Profitant du petit répit offert par ma guide, je marchai nonchalamment le long de la bibliothèque, laissant mes iris rouges parcourir la reliure des ouvrages.
Absalom Thorn
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— Comme vous le voyez, j’aime la lecture.

La voix de Noctis s’était élevée comme par enchantement derrière l’Apprenti, comme si le Sith était apparu de nulle part. Les livres nombreux de la bibliothèque s’alignaient sur des étagères interminables et, sur leurs tranches, on pouvait découvrir des titres rédigés dans des langues parfois bien exotiques. Plus loin, d’autres livres étaient conservés sur des supports numériques, et il devait y avoir là des milliers d’ouvrages de savoir accumulé.

Noctis rejoignit Syn près de l’un des rayonnages. Il avait revêtu un pantalon sombre aux jambes bouffantes, une tenue qui rappelait le style de certaines des peuplades qui vivaient dans les oasis désertiques. Son torse était nu, et sa musculature, que l’on aurait cru dessinée par un artiste plutôt que forgé par la nature, n’était pas de celle que l’on éprouvait au combat. D’ailleurs, aucune cicatrice ne venait le défigurer — aucune imperfection, même, sur sa peau d’une pureté impeccable.

Plus que jamais, toute la distance qui séparait les Hapiens des autres proche-humains se faisait sentir. Mais il se dégageait quelque chose de plus de la beauté de Noctis : quelque chose de dangereux, de presque menaçant, comme de ces plantes magnifiques mais vénéneuses qui trompent ceux qui les contemplent par leurs couleurs éclatantes.

Il dégageait un parfum qui venait sans doute des huiles et des savons qu’il avait employés pour se laver, un parfum troublant, qui laissait soupçonner aux esprits aguerris ou aux herboristes expérimentés que le Seigneur mêlait à ses baumes et à ses crèmes des plantes dont les senteurs envoûtantes contribuaient à affaiblir l’esprit de ceux qui l’entouraient. Il y avait les poisons qui tuaient et ceux qui asservissaient.

D’un geste de la main, Noctis désigna deux fauteuils qui se faisaient face.

La bibliothèque était terminée par une baie vitrée qui donnait sur l’astroport et le ballet incessant des vaisseaux. Noctis avait toujours aimé ce spectacle : l’activité des voyageurs et des commerçants lui rappelait que la Galaxie vivait de ces circulations nombreuses, de ces intrications subtiles, de ces échanges éminemment complexes, et que toute tentative de la réduire à la simple marche d’une conquête militaire était vouée à l’échec.

— Que savez-vous faire de la Force ?

Vaste question.

— Trop souvent, dans les couloirs de l’Académie, ici, les apprentis sont captivés par le combat, par le sabre et les techniques. Ce n’est pas mon art favori, c’est évident et notoire, mais j’en comprends l’intérêt. Mais la passion que l’on peut avoir pour les choses martiales s’exerce parfois au détriment des autres aspects de la Force. Et ce sont ceux-là qui me préoccupent surtout.

Noctis était un Sorcier Sith, quoique ses méthodes fussent peu orthodoxes. Les talismans, les statuettes, les décorations occultes qui peuplaient son appartement en témoignaient assez.

— Et sur Naboo, il arrivera que le sabre et les explosifs soient inutiles et que vous ayez à vous reposer sur vos autres qualités. Sur la Force, sur la ruse, sur un peu de jugement. Je sens en vous le guerrier et vos états de service vous font honneur, quelque défaite que vous ayez pu essuyer. Nulle carrière au demeurant n’est faite que de victoire. Mais je veux sentir en vous quelque chose de plus. Ce qui fait de vous un Sith et non un mercenaire.

Alors qu’il parlait, le regard de Noctis s’était plongé dans celui de Syn et c’était peut-être pour cet interrogatoire qu’il avait demandé à ce que l’Apprenti ôte son casque. De seconde en seconde, ce qui les entourait, les vaisseaux, les livres, les amants du Sith, l’Inquisitrice, semblait se dissiper dans le lointain, jusqu’à ce que seul demeure le regard d’un bleu perçant qui se plongeait dans l’âme de Syn.

La voix douce du Seigneur Sith résonnait dans l’esprit de l’Apprenti plus encore que dans la pièce.

— Parlez moi de ce que renferme votre cœur, parlez moi de votre destin. Parlez moi de la Force.
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Le Seigneur Sith avait surgi de nulle part. Pris au dépourvu, je n'eus même pas le temps de dissimuler ma surprise. Mon hôte était presque nu, et une fois de plus, je pus constater la magnificence de son physique. Il y avait quelque chose de bien trop pur, bien trop immaculée dans son physique. Comme si le commun des mortels n'avait jamais pu y toucher. Cette perfection venait encore de renforcer le fossé qui nous séparait déjà. J'avais le sentiment de n'être que l'ébauche d'une idée grotesque de bretteur, et d'être placé à côté d'une splendide statue de marbre, confectionnée avec minutie pour représenter l'idéal du Seigneur Sith. Sage, brillant, éblouissant.

Après qu'il eut désigné deux fauteuils disposés l'un en face de l'autre, je m'assis, adoptant la posture la plus droite et noble que je savais adopter. Je voulais me montrer le plus réceptif possible, lui témoigner toute mon attention.
Sa question me déstabilisa, une fois de plus. Mais avant que je ne puisse y répondre, il décrivit un problème que je connaissais bien. Les lacunes dans la formation des apprentis qui privilégiaient le sabre à leurs pouvoirs, phénomène que je connaissais personnellement, pour en être victime. Ce n'était pas un choix que j'avais fait, car cela résultait avant tout de mon incapacité à m'être attiré les faveurs d'un maître. Après le départ de Darh Raventes, j'avais toujours refusé de suivre les instructions de mes supérieurs, du moins dans le domaine de l'apprentissage de la Force.
Lors d'un cours, j'avais défié l'autorité de Darth Riakath, laquelle m'avait presque tué pour me punir. Lors d'un autre, j'avais attaqué de front Darth Odium lui-même, face à une classe bondée d'apprentis de l'académie. Cette arrogance m'avait coûté des années de retard dans la maîtrise de mes pouvoirs.

Cependant, même si mes pouvoirs n'étaient pas parfaitement contrôlés, cela n'impliquait pas que je sois pour autant moins capable de réussir la mission que Darth Noctis me destinait. J'avais d'ailleurs noté avec plaisir qu'il avait troqué l'usage du conditionnel par celui du futur, lorsqu'il avait évoquer la dite mission. En effet, je savais me servir d'une multitude d'armes, du blaster aux armes blanches, voire lourdes. Je savais disparaître, me déplacer furtivement. Je savais manipuler, assassiner, dissimuler, analyser. J'étais d'ailleurs ravi que mon hôte connaisse déjà mes réussites passées. Ce qui étaient encourageant et flatteur. Une fois de plus, je choisis de jouer franc jeu face à mon hôte, espérant que ma sincérité saurait le convaincre :

-Je dois vous avouer que vis-à-vis de la maîtrise de mes pouvoirs, ma formation pèche. Mais il ne s'agit pas là d'un choix de ma part. Et je suis tout de même capable d'en faire usage, bien qu'il arrive qu'ils me fassent défaut.

Je faisais surtout référence à mes éclairs. Ceux-ci faisaient partie intégrante de mon personnage. Ceux-ci étaient d'une violence réputée au-dessus de ce qu'il était coutume de voir parmi les apprentis. Cependant, ceux qui me connaissaient plus personnellement savaient également qu'il m'était difficile de les contrôler, et que bien souvent, il arrivait que la majeure partie de ma foudre ne se disperse dans le vent. Autre point faible : à part mes éclairs, mes pouvoirs ne s'étaient jamais étendus au-delà de ce qui était communs aux novices de Korriban.

-Mais n'ayez crainte Seigneur, je suis tout à fait capable de mener à bien ce type de mission malgré ces lacunes. Lacunes que je compte bien combler le plus tôt possible. Si vous choisissez de me faire confiance, je gage que vous ne le regretterez pas. J'ai bien d'autres compétences.

Alors même que je venais de finir ma tirade, je sentis l'atmosphère changer radicalement. Les yeux de Darth Noctis perce le voile qui dissimulait mes pensées les plus profondes. J'eus le sentiment déroutant qu'il s'invitait dans mon esprit, que celui-ci était alors nu, entièrement à sa merci. Je me sentis alors comme acculé, d'autant que sa question était profondément intime. J'eus le sentiment d'être comme hypnotisé, que les paroles du Sith n'étaient pas seulement prononcées à haute voix, mais aussi directement dans mon esprit. Accablé, je détournai le regard. Je laissai s'installer un cours silence, le temps de trouver mes mots, de choisir la démarche à adopter.
Lorsque je confrontai à nouveau mon regard vermeille à l'azur du sien, je choisis alors de lui livrer mes sentiments les plus personnels.

-En réalité, je n'ai jamais aimé me battre. Mais c'est la seule chose que j'aie jamais su faire. Je crois que je serai obligé de lutter toute ma vie. Il y a déjà un moment que j'y suis résigné. Mais j'aimerais laisser quelque chose de plus grand que moi. Je ne suis toujours qu'un petit garçon malheureux, entraîné uniquement à tuer. Un garçon révolté par tant d'injustice. L'Empire c'est l'ordre. L'Empire c'est la force. Et une part de moi veut toujours éradiquer cette injustice. La Force est un moyen, un don de plus pour peut-être mener à bout ces idées.
Absalom Thorn
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Un silence méditatif avait suivi les explications de Syn. Noctis appréciait l’honnêteté de l’Apprenti même si, en tout état de cause, mentir à un Seigneur Sith eût été un exercice au mieux compliqué, au pire suicidaire. En tout cas, Syn paraissait fort différent de ces apprentis bravaches qui pullulaient dans les couloirs de l’Académie, et qui n’avaient de cesse de vouloir convaincre tout un chacun qu’ils étaient déjà et les plus forts, et les plus sages. C’était un aveuglement dangereux dont Noctis jugeait nécessaire de se prémunir.

Après un moment, le Sith déclara :

— Je vois.

Et petit à petit, les bruits revinrent : le murmure étouffé de l’astroport de l’autre côté de la baie vitrée, la rumeur des commentateurs sportifs dans le salon du premier étage, le bruit du jeune Twi’Lek qui continuait à faire l’inventaire méticuleux des objets acquis il y a peu.

— Vous irez sur Naboo. Vous accomplirez votre mission avec succès. Et quand vous reviendrez, nous veillerons à ce que vos lacunes soient comblées.

C’était une déclaration ambiguë, parce qu’on ne savait pas très bien ce que Noctis proposait, exactement. De suivre un entraînement personnalisé ? D’intégrer le groupe — d’aucuns auraient dit la secte — qu’il dirigeait ? De devenir son apprenti ? Et, en vérité, le Seigneur lui-même n’avait pas d’idée précise sur la question. Syn lui paraissait plein de potentiel, l’un de ces diamants bruts qui, malgré une longue expérience, restait presque entièrement à tailler, mais il comptait encore le mettre à l’épreuve.

Le Twi’Lek fit son apparition à la porte de la bibliothèque.

— Oui, Maître ?

De toute évidence, le Seigneur l’avait convoqué d’une manière ou d’une autre, sans rien dire.

— Le dossier Orchida, je te prie.

Le Twi’Lek disparut quelques secondes dans le bureau attenant à la bibliothèque avant de revenir tendre un disque à Noctis. Les mains croisées dans le dos, il attendit docilement derrière le fauteuil de son maître, au cas où celui-ci aurait encore besoin de lui. Noctis tendit le disque à Syn.

— Vous trouverez ici des informations bancaires pour vos frais sur Naboo, la liste de quelques contacts dans les forces de l’ordre locales, à utiliser avec parcimonie, et quelques noms de passeurs de confiance, pour sortir des frontières de l’Empire. Bien sûr, sentez-vous libre d’utiliser vos propres associés si vous le préférez. Pour ma part, je surveillerai vos actions de loin mais il sera difficile pour vous de me contacter. Mais si une difficulté grave devait surgir, ayez foi en moi.

Et ce n’était pas une expression qu’il utilisait à la légère. Ceux qui entouraient Noctis, semblables en ceux là aux fidèles de Darth Nero, avaient tendance à considérer leur maître comme une sorte de dieu ou, tout du moins, comme un prophète.

— Je ne suis pas exactement pressé : s’il vous semble qu’une préparation un peu longue est nécessaire pour mener à bien la mission, prenez le temps qu’il vous faudra. Dans ce cas précis, je préfère un travail bien fait que rapidement exécuté.

Noctis s’interrompit pour relever les yeux vers le Twi’Lek. Il le remercia en ryl, le Twi’Lek répondit d’un signe de lekku satisfait avant de s’éclipser. Noctis reporta son attention sur Syn.

— Il est rare que l’on excelle dans une chose que l’on n’aime pas. Ce qui vous fruste dans le combat, c’est peut-être l’absence d’une Force à laquelle vous êtes si sensible. C’est en puisant dans la Force, qui est votre nature profonde, en joignant ses pouvoirs à vos talents martiaux, que vous donnerez à ces derniers le sens secret qu’ils sont susceptibles de renfermer pour vous. Pour l’heure, vous vivez comme un musicien talentueux qui se forcerait à jouer avec une main attachée dans le dos. La liberté est une conquête qui donne du sens même aux contraintes anciennes.

Et Noctis eut un sourire rassurant, et même sincèrement bienveillant, spectacle assez rare au sein de l’Empire Sith.

— J’ai d’autres affaires à régler. Si tout vous parait clair, je vous confie cette mission et nous nous retrouverons quand vous l’aurez réussie.
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Une fois de plus, Darth Noctis n'avait pas employé le conditionnel. Avec de tels hommes, qui respiraient à ce point l'intelligence, le choix des mots en disaient long. Or, avec cette façon de coordonner sa phrase, je compris qu'il ne doutait pas que je puisse réussir, et cela, c'était totalement inédit. Pour la première fois de ma vie, j'eus envie de réussir pour honorer la confiance que l'on plaçait en moi, et pas uniquement pour relever un défi. Mon hôte avait raison : j'irais sur Naboo, et rien ne saurait me détourner de la réussite.
Je fus également intrigué par le sens de sa phrase. M'aiderait-il à palier les manques qui demeuraient dans ma formation, et peut-être enfin m'élever dans la hiérarchie par delà les autres apprentis de l'ordre.

Le Seigneur me remit un disque, après que le Twi'Lek que j'avais remarqué plus tôt le lui ait rapporté, convoqué sans que j'aie remarqué quoi que ce soit. Décidément, il y avait plus d'un mystère fascinant qui entourait ce Sith au visage d'ange.
Je commençais déjà à préparer mon plan. Depuis mon association avec Darth Anetherion, j'avais appris à saboter les entreprises plus ou moins secrètes, sans être remarqué pour autant. Là, ma tâche n'étais pas forcément différente. Il me suffirait d'œuvrer avec plus de patience, et de savoir jouer sur les bons leviers les uns après les autres, pour tirer les vers du nez de cette entreprise de botanique. Mais au final, je finirais par obtenir ce que je voulais.

Darth Noctis avait raison. Si j'avais vraiment haï le combat, j'aurais arrêté de combattre longtemps auparavant. Mais peut-être mon incapacité à recourir à mes pouvoirs avaient fini par me donner le sentiment de n'être jamais qu'un fantassin. Il me fallait à présent enterrer le soldat pour devenir enfin un Sith accompli, et j'avais la certitude qu'un homme comme Darth Noctis pouvait m'aider à atteindre ce statut.
Lorsqu'il m'invita à partir, je ne voulus pas lui infliger plus longtemps ma présence, ni même l'accabler de questions embarrassantes. Une fois de plus, j'optais pour un silence respectueux. Le sourire de mon hôte avait eu quelque chose de chaleureux, ce qui n'étais jamais arrivé en des années de fidélité envers mes supérieurs.
Je levais, puis me dirigeait vers la sortie, sans un mot. Avant de ne disparaître pour de bon, je me retournai et gratifiai mon employeur d'une révérence, déclarant solennellement :

-Je vous remercie de votre confiance Seigneur. Merci de croire en moi. Vous n'aurez pas à le regretter.
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