Karm Torr
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— Tranquille. Bouge pas. Bouge surtout pas.

À entendre Karm présenter certaines de ses missions d’exploration, on aurait pu croire que sa vie était pleine de vacances tranquilles dans des climats exotiques. Il suffisait de marcher en pleine nature, de prendre quelques notes, quelques clichés holographiques, de placer des sondes à des endroits stratégiques et de quitter la planète avec de précieuses données. Bref, un jeu d’enfant.

La réalité du terrain était sensiblement différente, comme Luke le découvrait, alors qu’un arbre à mi-chemin entre l’animal et le végétal venait d’enrouler une racine assassine autour de son cou. Le bois souple se tordait lentement mais sûrement et si l’Hapien pouvait encore respirer, il n’aurait pas ce luxe très longtemps. Karm, cependant, n’avait pas l’air de s’inquiéter, ce qui suggérait bien que la situation avait quelque chose d’ordinaire et que ses missions étaient beaucoup plus mouvementées qu’il ne voulait bien le reconnaître.

— Respire. Et cache toi dans la Force. Comme si tu étais enveloppé d’un voile. Comme si tu étais dans un repli du monde.

Tout près de Luke, Karm faisait courir ses doigts sur la racine qui avait grimpé contre l’Hapien. Deux heures plus tôt à peine, ils s’étaient posés en chasseur dans une petite clairière, avant de pénétrer dans la forêt de quelques dizaines de kilomètres, qui les séparait des falaises donnant sur l’océan. Karm avait jugé la structure géologique des falaises trop fragile en apparence pour supporter le poids même d’un petit vaisseau, en tout cas son atterrissage, alors il avait commencé leur randonnée en forêt.

L’esprit du l’explorateur courait le long des branches, se mêlait à la sève de la plante, tentait de pénétrer les intentions presque animales de l’arbre. Couper dans le vif était exclu : l’arbre pouvait réagir vivement et resserrer dans un ultime réflexe son étreinte qui deviendrait alors meurtrière. Il fallait d’abord essayer de comprendre comme cet être vivant réagissait. S’il considérait Luke comme une proie ou un prédateur. Ou peut-être même simplement un autre tronc sur lequel grimper.

Pour l’Hapien, le voyage relevait quasi de l’excursion pédagogique. Quoiqu’il fût conscient de l’obstacle sérieux que constituait la cécité de Luke, Karm était persuadé qu’il n’y avait pas de raison que son ami soit tenu à l’écart de certaines des activités de l’Ordre et il lui semblait que si Luke devait un jour prendre un Padawan, il était préférable d’avoir une idée, même superficielle, du quotidien de l’ExploCorps.

Mais c’était aussi un moyen de se retrouver tous les deux, absolument seuls dans un immense système solaire, loin du regard des autres, loin aussi des agitations criminelles, et de faire le point sur leur relation, leurs attentes, les pouvoirs qui se développaient dans leur intimité, à travers la Force. C’était une vraie mission, pour Karm, donc, mais aussi une retraite méditative.

— … voilà…

Pendant une fraction de seconde, le vrombissement d’un sabre laser se fit entendre et puis la racine relâcha d’un coup son étreinte, libérant Luke. Le sabre de Karm était éteint avant que le bois ne touche le sol et l’arbre ne parut pas décider à répliquer.

— C’est un système symbiotique, il a essayé de voir si tu étais, genre, un bon candidat pour la greffe. Quelque chose comme ça.

Karm prit le coup de Luke entre ses mains pour le palper avec beaucoup de douceur et s’assurer qu’aucune blessure ni aucun renflement ne suggérait un empoisonnement. Tout était normal. Un incident sans gravité, donc. L’Ark-Ni déposa un baiser sur le front de son ami et ils reprirent leur marche. Il progressait beaucoup plus lentement avec Luke que seul, c’était évident, mais ça n’éveillait chez lui aucune frustration.

Quelques jours plus tôt, il avait été dans les couloirs du sénat, pour sa seconde audition de la sous-commission, préparée avec l’aide d’Evran en plus de celle de Luke cette fois-ci, et il était beaucoup trop heureux de retrouver un cadre plus en harmonie avec ses aspirations que celui des salons de politiciens.

Tout autour d’eux, c’était le printemps. Il faisait une vingtaine de degrés, un peu moins à l’ombre des arbres, et les cris des espèces inconnus laissaient comprendre que c’était la saison des accouplements. De grands arbres souples se pliaient régulièrement aux vents, comme des roseaux épais qui abandonnaient librement leurs racines et leurs lianes à toutes les opportunités et, plus bas, des buissons de fleurs sauvages libéraient des senteurs épicées. Déjà, les deux Jedis pouvaient entendre, venu de plus loin devant eux, le fracas des vagues d’un vaste océan qui se heurtait contre les falaises.

Karm avait repéré cette planète lors d’une mission de reconnaissance dans le secteur, du genre de celles qui consistaient d’abord à repérer les atmosphères respirables depuis l’espace, avant de considérer l’opportunité d’atterrir plus tard pour une exploration détaillée. Il ne s’attendait pas à trouver quoi que ce soit de particulier : la plupart des planètes était sans histoire et, une fois convenablement étudiées, elles étaient ajoutées à l’inépuisable catalogue de colonies prospectives, attendant d’éveiller l’intérêt de quelqu’un.

— T’sais, je crois que ce serait possible de faire avec les plantes comme avec les animaux. J’veux dire, d’entrer dans leur esprit, peut-être pas leur esprit mais… leur manière d’être dans la Force. Y a des biologistes qui font ça, dans l’ExploCorps. Mais bon, ils sont vachement intelligents, aussi, faut dire…
Luke Kayan
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Comme s'il eût avalé une boisson acide, Luke sentit sa propre salive lentement descendre le long de son œsophage à l'étroit. La froideur du ramage de l'être feuillu qui entourait presque amoureusement son cou gracile le paralysait. Au moins, ce fait l'aidait à accomplir les ordres de Karm: éviter de bouger. En cet instant, un parmi une petite dizaine, le Hapien regretta d'être venu. Non pas parce qu'il était avec Karm, bien au contraire, sinon parce que l'impression de ralentir ce dernier devenait véritablement gênante pour son ego. Il se sentait constamment inutile, mettant à l'épreuve la patience du Chevalier Turquoise, lequel se montrait extrêmement vertueux à son égard. Sans s'agacer de ce nouveau retard imposé, son compagnon le libéra puis repris la route, guidant le jeune homme qui sentait encore sa gorge le brûler. Heureusement, à part une petite marque rouge qui disparaîtrait rapidement, le blond ne garderait aucune séquelle. De fait, il était probable que la sensation désagréable qui s'installait désormais dans ses poumons n'était due qu'à un phénomène aussi simple que naturel et frustrant: la fatigue. Habitué à un entraînement rigoureux en salle ou sur terrain plat, le Hapien peinait à suivre l'Explorateur sur un chemin encombré de plantes en tout genre. Il répondait donc avec un temps de retard à son ami, attendant un passage salvateur un peu moins "désordonné".

- Merci. Ouf. Dis-moi, charmante rencontre... En ce qui concerne les Maîtres de l'ExploCorps, ils se sont surtout entraînés, ce sont des Jedis très expérimentés et doués dans leur domaine que certains ont tendance à sous-estimer. Je ne crois pas que la communication avec les bêtes ou les animaux requiert de l'intelligence, une qualité plus froide et calculatrice, sinon un certain instinct. J'avais commencé à développer un peu ce pouvoir étant plus jeune. J'adorais les sauterelles ou les petits insectes qui se promenaient dans l'herbe et dont je sentais les vibrations. C'est la patience et disons... L'observation qui m'ont permis de m'initier un tant soi peu à ce don. Cela dit, je n'ai jamais rien ressenti chez les arbres. La Force coule en eux, clairement, mais ils étaient statiques et sourds à mes appels. Si certains membres de l'ExploCorps le font, cela signifie simplement que mon niveau n'est pas suffisant.

Lorsqu'un Jedi souhaitait calmer une bête enragée par la faim ou une blessure, il faisait, selon Luke en tout cas, appel à son propre coeur, son essence première habituellement évitée. Pendant ces rares moments, le Hapien délaissait sa formation, son esprit raffiné et ses manières, certes, guindées voir ennuyeuses. Il avait toujours ri le plus naturellement du monde en jouant avec les sauterelles, et s'était un jour amusé comme un fou avec un Gizka. Oui, un Gizka. Il faut dire que le jeune homme adorait le côté naturel des animaux. Il était parfois reposant, même pour lui qui adorait philosopher et fatiguait voir traumatisait les Padawans, de délaisser les hautes réflexions pour se retrouver sous un aspect primaire.

- En tout cas, je pense que ce système symbiotique n'avait pas envie de discuter.

Grimaça légèrement le blond en massant son cou, plus dans un geste symbolique pour marquer son souvenir aussi douloureux que récent qu'autre chose. Il ne souffrait plus grâce à l'intervention rapide du Chevalier aux mèches bleutées.

- Par manque de temps, je présume, et parce que j'ai parfois oublié comment oublier, comment être simple, oui... C'est cela, simple, j'ai égaré un peu ma capacité quoique sommaire à me faire amis des insectes. Parfois cela me manque. Je me souviens avoir été jusqu'à réussir à proposer une partie de saute-mouton à une sauterelle.

Un rire léger accompagna le souvenir de Luke qui se souvint de sa surprise lorsqu'il avait sentit un poids s'installer sur son nez. Ensuite il avait rebondit sous le saut de la bestiole. L'aventure lui avait tellement plu qu'il avait passé son après-midi à inviter d'autres petites bestioles à lui grimper dessus.

- Cet après-midi champêtre a fini à l'infirmerie après que j'ai réussi à "apprivoiser" un lézard...
Un lézard à la peau venimeuse, cela dit.

Le Hapien venait de se rappeler de l'épisode, douloureux physiquement mais surtout psychologiquement surtout à l'époque. Il avait ensuite boudé Dame Nature qu'il jugeait être "passée du côté obscur" pendant un certain temps. En grandissant, l'adolescent si calme avait préféré les livres en braille à la découverte sur le terrain. Plus récemment, son lien s'était quelque peu érodé avec la belle verdure, suite à son exploration sur Myrkr.

- Connais-tu les Ysalamaris? J'en ai rencontré, ce fut une des pires tortures... Pardon.

Il s'arrêta, soudain conscient de ses propos. Cela ne faisait pas si longtemps, Karm avait été attrapé par un membre revanchard d'Action Secrète, ayant participé aux attentats du Trépidant, il avait été battu sans ménagement. Et même si le Hapien estimait réellement que perdre la Force avait été une de ses pires expériences, ou qu'il connaissait le sens de la torture après avoir été un enfant maltraité, séquestré sur Korriban par les Siths puis brisé sur Hapès, il ne jugeait pas son intervention fine. D'autant plus que la réaction de Karm avait suscité presque plus de soucis que le fait, déjà sordide en lui-même. Le fait que Luke évoque autant de sentiments lui étant passé par l'esprit à ce moment, quand le Chevalier Turquoise était demeuré impassible face à ses propre souffrances ne risquait-il pas de blesser ce dernier? Afin de rassurer son si sensible ami-quoiqu'il s'en défende, Karm était en réalité très fragile, très sentimental dans certains domaines.- le Hapien lui envoya une onde de Force apaisante et tendre.

En attendant, il reprit la marche, attentif aux ordres du guide. Luke s'était déjà rendu sur certaines planètes mais jamais elles n'avaient été aussi désertes que celles-ci-Hormis Vonghaï- et c'était alors pour étudier la Force. Des échantillons aussi précis que ceux qu'ils étaient sensés récupérer, voir au contraire, généraux, lui coûtaient plus d'efforts. Il ne savait pas où mettre les mains, que sentir, dans ce paysage où tout était nouveau, lui ne voyait que le même paysage noir.
Karm Torr
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— Jamais, non.

Et comme à chaque fois que le sujet de sa séance de torture à bord d’Ala Galada revenait sur le tapis, la conversation se heurtait au mur de Karm, pour qui cet incident continuait à paraître accessoire. Comme il l’avait expliqué à l’époque à Luke, il ne se réveillait pas la nuit, il ne s’arrêtait pas de parler pour remuer soudain des souvenirs ténébreux et on aurait juré qu’il ne lui était rien arrivé. La seule chose qui le peinait vraiment, c’était sa propre insensibilité, qu’il craignait pathologique, à un événement qui aurait probablement dû être traumatique.

— On va faire une pause.

Il sentait bien que Luke fatiguait et, d’ailleurs, la progression était nécessairement plus éprouvante pour son ami que pour lui-même. Question d’habitude et d’entraînement.

— Faut juste un genre de clairière.

Et ils durent ainsi marcher pendant dix bonnes minutes encore, avant de trouver un endroit où les arbres s’écartaient, autour d’un gros roche qui affleurait là, le signe selon Karm que la clairière n’était plus très éloignée. L’Ark-Ni abandonna son gros sac à dos au pied de la roche et fit jouer les muscles de ses épaules sous sa peau pour se détendre un peu, avant de s’agenouiller près de Luke assis par terre.

— Laisse moi voir.

Les doigts de l’Ark-Ni revinrent sur le cou de Luke, en ce qui tenait à vrai dire plus d’une caresse que d’une auscultation.

— Tu d’vrais réessayer. Avec les sauterelles, les insectes. Les forêts seraient moins difficiles pour toi si tu profitais de ce que les autres en perçoivent.

Lui-même ne procédait pas autrement. Très souvent, il s’orientait en puisant dans les impressions des bêtes qui l’entouraient, les mieux placées pour le guider. Parfois, même, mais il ne s’en rendait pas vraiment compte, il écoutait la Force pour décider de son chemin et, à travers elle, c’était la forêt ou la jungle elle-même qu’il interrogeait, comme un écosystème.

— On s’entrainera ensemble, s’tu veux. D’ailleurs. À c’propos.

Le cœur de l’Ark-Ni s’accéléra un peu. Ses doigts quittèrent le cou de Luke et, assis sur ses talons, il fixa l’Hapien. Il avait préparé tout un discours, il y avait beaucoup réfléchi, mais voilà que le moment était venu et que ses mots lui échappaient.

— L-Luke.

Bon début.

— Je… ‘Tain, j’avais écrit un truc super, pour que ça ait l’air un peu classe et tout, et je m’en souviens plus, c’est trop la loose.

Mais il n’était pas homme à se laisser désarçonner par la loose, alors il se décida à improviser.

— Depuis que je te connais, j’ai l’impression d’être vach… beaucoup plus sage et beaucoup plus intelligent. D’être aussi beaucoup plus heureux. Avec toi, je découvre plein de choses, sur le monde et sur moi-même. Des fois, souvent même, je me dis que j’apprends plus à tes côtés qu’avec tous les Maîtres de quand j’étais Padawan. Et plus on passe du temps ensemble, plus j’ai envie de passer du temps avec toi. Plus je te trouve intéressant, et sage, et drôle, et touchant, et désirable. Je… Euh… Je t’aime. Et… Et avant de te rencontrer, je savais pas ce que ça pouvait vouloir dire, et maintenant que je te connais, ça me parait mais tellement, tellement évident. Alors…

Alors je veux être le Jedi que tu mérites, et le compagnon que tu mérites. À travers toi, je comprends mieux ma place dans l’Ordre et je veux rendre hommage. Alors je voudrais te donner quelque chose.


C’était une cérémonie ancienne de l’Ordre à laquelle Karm se livrait là, une cérémonie qu’il n’était pas certain d’accomplir avec tout le décorum souhaité, mais qu’il réalisait de la manière qui lui semblait la plus sincère. Le jeune homme décrocha donc son sabre de sa ceinture, prit la main de Luke, plaça l’arme à l’intérieur et le poussa à refermer les doigts.

— Je me confie à toi et je te protègerai, toi, si tu te confies à moi.
Luke Kayan
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Un peu craintif quant à l'exposition sur papier-perdu- de Karm, Luke accepta de s'assoir après avoir vérifié qu'aucune racine symbiotique ne pouvait surgir de sous Terre. Il n'avait décidément aucune amitié pour ce genre de bestiole ne sachant pas si elle était plante ou animale, mais c'était peut-être ce qui expliquait l'agressivité de ces dites créatures qui fascinaient son ami: de ne pas avoir d'identité propre. Mais le blond eût à peine le temps d’y réfléchir d'avantage, amusé par sa théorie un peu décalée que Karm se lança courageusement dans sa tirade. Comme il n'avait pas sa feuille, Luke avait pensé qu'il aurait abandonné, choisissant de mettre à plus tard sa déclaration. Fier de son ami si peu loquace, le jeune homme lui offrit toute son intention, accompagnant ses propos d'une onde de Force chaleureuse. Il savait combien cela coûtait au Chevalier Turquoise de faire preuve d'éloquence, y compris avec lui comme seul interlocuteur, alors sans papier, la situation paraissait aussi farfelue qu'anodine, mais pas pour Luke. Il était fier de son ami. Cependant ce sentiment honorable et solitaire fut bientôt rejoint par la surprise. La main encore posée là où Karm l'avait précédemment ausculté, Luke demeura paralysé, l'esprit entièrement tourné vers la sensation de froideur qui s'était emparé de ses autres doigts, en parallèle avec la gêne qui brûlait désormais ses joues, le contraste était stupéfiant.

Malgré lui, le Hapien referma ses doigts sur le sabre-laser de son ami et redressa doucement la tète vers lui.

- Drôle? Tu es vraiment indulgent.

Le jeune homme ne put retenir un sourire gentiment moqueur, principalement dirigé envers sa propre personne. Amusant était un adjectif que personne n'aurait employé pour le désigner en tant normal, sauf lorsqu'il lui prenait le désir soudain de saluer un poteau avec effervescence.
En règle général, Luke était un peu coincé, totalement fonctionnaire dans son attitude, absorbé par son travail, bourreau de la paperasse, amoureux guindé des bonnes manières -exigeant de fait une simplicité sincère dans le processus, sous peine de se vexer.-. Et pour alimenter davantage encore le côté soporifique du personnage, c'était un philosophe invétéré, enfermé dans son monde, il ne s'apercevait pas quand s'arrêter. Mais soit, si Karm le trouvait amusant, c'était sans doute parce que l'Amour rendait aveugle...

Rougissant, confus, touché mais aussi inquiet des proportions que leur amour prenait-car il éprouvait lui aussi beaucoup d'affection pour Karm, inutile de s'en cacher. Bien qu'il le montre moins, c'était aussi fort de son côté- le Hapien prit le temps de choisir ses mots. Via la Force, celui qui aimait habituellement les mots, transmis pendant une petite minute à son compagnon, tout ce qu'il pouvait ressentir, y compris ses craintes. Néanmoins, le Chevalier Turquoise pouvait désormais être certain que Luke valorisait énormément sa présence, évoluant aussi positivement à ses côtés. Certes son aîné ne l'épargnait pas dans cette forêt, véritable défi pour lui, mais le Hapien avait envie de le faire, d'y parvenir, sachant qu'en plus il avait la chance que Karm ne se fâche pas quant à sa lenteur frustrante. Encore une fois, l'amour rendait vraiment aveugle, car Luke avait de véritables difficultés sur ce terrain, même s'il apprenait rapidement.

- Je... euh?

Mais en parlant précisément de cécité, l'oreille du véritable handicapé du duo tressaillit. Son cerveau avait déjà enregistre le froissement symptomatique, annonciateur d'une très mauvaise nouvelle. Aussitôt Luke réagit, allumant le sabre-laser de son ami, en une fraction de secondes. Il se releva et jeta son bras en avant dans un geste défensif. Aurait-il décidé d'occire son compagnon décidément trop attaché à lui, compromettant son rang confortable dans l'Ordre Jedi? Apparemment non. Du moins pas encore, au contraire même puisque le Hapien s'était dressé pour faire face à un de ces êtres symbiotiques dont les racines-tentacules s'étaient approchées par derrière Karm.

- Tu vas pouvoir tester ce truc de la communication plus vite que prévu!

Clama le Jedi en essayant vainement d'atteindre son arme pour rendre la sienne au Chevalier Turquoise, cependant la bestiole ne lui en laissait pas le temps. C'était le même exemplaire qui avait précédemment attaqué Luke, mais en deux fois plus gros. De ce fait dépassé, le Hapien commença à se défendre à l'oreille, usant parfois de la Force en guise de bouclier. Juste assez doué au sabre-laser pour maintenir éphémèrement la chose à l'écart, il enjoignit l'Explorateur à tenter d'infiltrer l'esprit de la symbiose, ne serait-ce que quelques secondes afin qu'ils puissent se soustraire à ses attaques.


Karm Torr
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Karm avait espéré que Luke lui tende à son tour sabre de consulaire, car c’était ainsi que se déroulait ordinairement la cérémonie, et les hésitations de son ami ne furent pas sans lui inspirer bien des inquiétudes. Il percevait son amour, sa tendresse, peut-être même sa passion, mais il lisait en lui aussi des craintes qui étaient comme autant de menaces pour leur avenir, et une retenue que l’Ark-Ni avait de plus en plus de mal à ne pas sentir comme de la froideur.

Le Gardien s’apprêtait à s’excuser de ce qui avait pu passer pour des avances précipitées quand une racine vint définitivement briser le charme déjà précaire de l’instant. Difficile de ne pas le prendre comme un signe de la Force. D’une roulade sur le côté, alerté par le sursaut de Luke, Karm esquiva la racine épaisse qui s’abattit à l’endroit où il venait de se tenir à genoux. Il se releva de bas, séparé de Luke par la plante qui s’agitait en de violentes convulsions.

Les efforts de l’Hapien pour se défendre n’étaient certes pas à la hauteur de la situation mais ils avaient le mérite de tenir la plante éloignée, soit qu’elle réagît instinctivement à la chaleur et la lumière du sabre bleu qui vrombissait un peu au hasard, soit qu’elle fût effectivement capable d’en comprendre le danger.

— Tràkata, lança-t-il aussi fort qu’il le pouvait, pour couvrir le bruit de la racine.

Et puis, se rappelant que Luke n’était pas aussi versé que lui dans l’art du sabre, il crut bon de préciser :

— Éteint le sabre, laisse la s’approcher, rallumer le juste pour frapper.

De la sorte, Luke bénéficierait d’un solide effet de surprise mais, surtout, il n’aurait pas à contenir l’effet gyroscopique du sabre ni à tenter de déterminer la position d’une lame qu’il devait avoir du mal à percevoir. Pendant ce temps, Karm décida de partir à la quête de la section la moins mobile de la racine, à sa base, là où il pourrait appliquer ses pouvoirs sans avoir à en craindre trop les mouvements.

D’un bond surhumain, soutenu par la Force, le Jedi atterrit sur le tentacule de bois qui s’agitait dans les airs et il entreprit une glissade le long de l’appendice, un exercice qui mit son sens de l’équilibre pour le moins remarquable, forgé par des milliers et des milliers d’heures d’Ataru, à fort rude épreuve. Parfois, il était obligé de bondir à nouveau pour éviter qu’une secousse trop violente lui communique trop d’énergie cinétique.

Il avait déployé cet art délicat de la concentration que lui avait inculqué Tavaï : oublier les autres, se focaliser sur sa mission, parce que la meilleure manière de sauver ses amis, c’était d’être soi-même le plus efficace possible. Regarder en arrière n’était secourable pour personne, accomplir sa mission était utile à tous. Une dernière glissade le conduisit là où la racine s’arrachait du sol, ouvrant une profonde entaille dans la terre fraîche, d’où s’échappaient des vers violets et une myriade d’insectes.

Karm pressa ses mains sur le bois. Là, la racine ne bougeait guère et il ne craignait pas d’être désarçonné : il pouvait ainsi se concentrer pleinement sur la Force, sur l’énergie vitale qui pulsait avec la sève dans les nervures du bois, sur cette tension presque indéchiffrable qui poussait la racine à croître et à chercher un nouvel hôte auquel mêler son énergie. Peu à peu, Karm entreprit de rediriger l’énergie du végétal ailleurs, de la détourner de Luke, et de lui, au profil de quelque arbre lointain.

Cette fois-ci, il cernait un peu mieux l’exercice. Ce n’est pas comme un esprit animal, c’était plutôt comme contrôler la Force en soi-même pendant les arts martiaux, pour soutenir ses coups, pour mieux encaisser ceux de l’adversaire. Il s’agissait de comprendre la manière dont s’organiser le souffle vital pour lui donner des objectifs particuliers. De l’autre côté de la longue racine, les mouvements étaient devenus moins vifs. Karm ne parvenait pas à contrôler vraiment le végétal mais il créait suffisamment de perturbations dans ses instincts primaires pour que son agitation diminue beaucoup, exposant l’être aux coups de sabre laser qui devaient achever de le dissuader définitivement de s’en prendre aux deux voyageurs.
Luke Kayan
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La plante-animal ou peu importe ce qu'était la créature poussa un chuintement peu ragoûtant. Furieuse d'avoir été trompée par le sabre-laser qui s'était éteint puis rallumé, elle abattit sa racine sur le coupable, mais Luke écoutant son ami parvint à lui trancher une partie. Cette fois, ce fut un genre de cri strident qui s'échappa de la chose, encourageant le Hapien à continuer. Déjà peu doué au sabre-laser, il peinait à utiliser cette arme qui n'était pas la sienne, pourtant le fait de manier le manche de Karm avait quelque chose de rassurant. Le jeune homme releva ses bras pour maintenir la lame le plus haut possible, s'opposant ainsi aux branches-tentacules qui essayaient de les écraser. Il sentait les perturbations provoquées par le Chevalier Turquoise, des interventions toujours plus précises, concrètes. Luke pour sa part n'osait pas utiliser la Force, craignant de bloquer le flux dont se servait son compagnon, du coup, il maniait le sabre-laser avec la plus grande agilité possible, usant de son entraînement acharné. Par chance, bien qu'il n'ait jamais été très bon,

le Hapien était aussi têtu et ses abandons par désespoir, honte voir peurs avaient été éphémères.
Saï était parvenu à lui enseigner à continuer à travailler ses faiblesses, au lieu de simplement s'appuyer sur la Force. En cet instant, Luke le remerciait environ dix fois à la seconde, tandis qu'il repoussait de son mieux les attaques de la bête.

Dans un ultime effort, en harmonie avec Karm, le jeune homme feinta puis se jeta en avant pour atteindre une partie centrale de la plante qui s'était rétractée. Il resta quelques secondes immobiles avant de réagir en reculant précipitamment afin d'échapper à la portée du monstre.
Une fois plus ou moins à l'abri, Luke rangea la lame qui s'éteignit docilement dans un "shhht"
caractéristique. Il réfléchit un instant puis porta la main à sa ceinture. Se saisissant de sa propre arme, un joli rose tant dû à l'effort précédent qu'à l'effort qu'à la pudeur envahit ses joues. Dans un geste sans fioriture, le Jedi tendit son propre sabre-laser à Karm.

- Je ne sais pas ce que ça donnera, mais c'est ce qui me paraît le plus...

Logique? Le mot semblait un peu froid. Le jeune homme chercha au plus profond de lui, surpris, un peu honteux d'avoir égaré sa fameuse éloquence. Dans cette situation néanmoins, c'était compréhensible. Il essayait, lui aussi, de lutter contre ses faiblesses, a l'instar de Karm qui avait exprimé ses sentiments via un touchant monologue auparavant-certes, imbibé d'hésitations.- Reconnaissant définitivement son attachement envers le Chevalier Turquoise, et donc son impossibilité à l'abandonner si le Conseil lui l'exigeait, mettant ainsi sa vie au sein de l'unique institution en laquelle il croyait-et qu'il connaissait.- Luke acheva sa phrase. Vu les enjeux, il tremblait forcément un peu.

- Vrai.


Le jeune Chevalier ponctua sa phrase d'un sourire. Il aimait croire que l'Ark-Ni ne quitterait jamais l'Ordre, qu'il continuerait de respecter les traditions-du moins celles qu'ils n'avaient pas bafouées.- afin qu'ils puissent continuer ainsi. Après tout, Luke n'était-il pas en train de vivre un rêve? Avec son compagnon, croyant fermement en la justice, sensible à la Force, en pleine mission, y compris si celle-ci devait comporter des plantes-animales vous considérant comme un bon élément pour une fusion ou il ne savait quoi encore. Deux Jedis attirant la poisse, les pirates, les corrompus. Ils avaient déjà vécu une explosion de vaisseau, la torture et désormais les assauts répétées de plantes ignorant si elles étaient réellement des végétaux ou des animaux. Oui. La vie rêvée.

- Je t'aime aussi.- Acheva Luke, pour une fois moins bavard mais tout aussi sincère, surtout lorsqu'il se rapprocha pour glisser une main sur l'épaule de son ami, rapprocher ses lèvres et lui glisser à l'oreille.- Tam.

Le geste romantique toutefois avait ses limites, Luke se retira avec une légère grimace de douleur. Cette fichue plante les avait bien malmenée.

- Je crois que nous devrions fabriquer des torches, ce truc a l'air d'avoir peur de la lumière et de ne pas trop aimer la chaleur.

Et surtout la communauté semblait composée de trop nombreux membres de cette horreur sur racines pour continuer d'avancer comme ils l'avaient fait jusque là.

- Si tout l'endroit est comme ça, on peut déjà presque écrire "Monde inhospitalier, passez votre chemin".


Lança le Jedi avec un sourire légèrement moqueur. Cela dit, ses propos étaient plutôt vrais. Il détestait bâcler ses rapports, mais encore une fois, les deux amants semblaient avoir été punis par la Force puisqu'ils se retrouvaient sur un "truc" sauvage plutôt qu'une planète. Aussi sauvage qu'Ada Galada, dans un autre style.
Karm Torr
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Soulagé que Luke n’ait pas rejeté son offre finalement, Karm accrocha le sabre laser de son compagnon à sa ceinture. Pour sa part, il avait le sentiment de respecter très étroitement les principes de l’Ordre. D’abord, ce qu’il faisait n’avait rien d’interdit — certains Jedis ne se mariaient-ils pas ? Ensuite, ils avaient prouvé, plutôt deux fois qu’une, qu’ils étaient pleinement capables de mener à bien des missions. Enfin, ils persévéraient dans leur entraînement, s’épaulant l’un l’autre. La conscience de l’Ark-Ni était clair.

Alors il passa un bras autour de la taille de Luke qui s’était rapproché de lui pour l’empêcher de s’éloigner trop. Sa main se glissa sous le haut de l’Hapien pour se poser sur sa peau, au creux de ses reins, mais c’était à vrai dire pour pouvoir mieux sentir la Force pulser en lui et estimer les blessures que le combat bref mais violent contre la plante avait pu susciter.

— Cette fois-ci, t’as vraiment besoin de repos. Mais mieux vaut essayer de mettre la forêt derrière nous d’abord. On est plus très loin des falaises.

Il se concentra malgré tout sur la Force et sa main se réchauffa un peu — sa propre énergie se mêla à celle de Luke, ses pensées coururent le corps de l’Hapien, pour chasser ce qu’il pouvait de la fatigue et de la douleur. Ça ne remplacerait pas un moment de méditation au calme et deux ou trois bonnes heures de repos mais c’était toujours ça de pris, devant la marche qui les attendait encore.

— Mais c’est pas inhospitalier, murmura Karm sans lâcher Luke, sans doute par conscience professionnelle de médecin de campagne, c’est au contraire un peu trop accueillant.

Finalement, la main de l’Ark-Ni finit de quitter à regret la peau de Luke et Karm déposa un bisou magique pas tout à fait protocolaire sur le front de son patient régulier avant de s’écarter de lui, pour récupérer son sac à dos. Plus sérieusement, il poursuivit :

— C’est comme sur Ondéron, tu vois, y a pas mal de prédateurs. On peut difficilement s’attendre à c’qu’une planète déserte soit très civilisée. C’qui compte, c’est… J’sais pas, disons, le potentiel ? Et niveau sujet intéressant, les plantes qui bougent, c’est toujours assez sur ma liste.

Il n’expliqua pas, sans doute parce qu’il jugeait, comme souvent, que c’était évident — et ça l’était rarement. En l’occurrence, la logique de Karm était que le bois servait à construire des bâtiments et que si le bois pouvait bouger, si ce mouvement pouvait être compris, alors on pourrait construire des édifices susceptibles d’évoluer selon les besoins. C’était une découverte précieuse qui, comme toutes les découvertes, était d’abord dangereuse.

Les deux Jedis reprirent leur marche. La clairière quittée, à l’orée de la forêt, ils trouvèrent des branches de bois assez secs pour confectionner deux torches et il s’agissait après cela de progresser avec prudence, pour éviter de déclencher un incendie. Soit que les torches fissent leur effet, soit que leurs deux rencontres avec les plantes les eussent convaincues de se tenir éloignées, Luke et Karm ne croisèrent plus que de petits animaux fuyants, à mesure qu’ils s’approchèrent de la rumeur montante de l’océan.

Bientôt, ils furent accueillis par une bouffée d’embruns venus du large. La forêt s’était dégagée et, après une vingtaine de mètres d’herbe rase, la falaise tombait à pic dans un vaste océan clair et calme, dont les vagues très discrètes venaient lécher en contrebas une petite crique. Karm sortit des jumelles de son sac pour examiner la situation du relief. Un sentier naturel partait de la plage pour remonter entre des dunes et, plus loin, des collines herbeuses : ce serait peut-être un chemin détourné pour retrouver leurs vaisseaux.

— On va descendre la falaise en rappel.

C’était ça ou sauter dans le vide en atterrissant de proche en proche à l’aide de la Force, ce qui techniquement n’était pas impossible, mais Karm n’était pas certain que la cécité de Luke lui permit ce genre d’exploits.

— T’as déjà fait ? C’est pas super compliqué, puis on s’ra attaché ensemble et c’est moi qui contrôlerais. Faudra juste que, hm… Tu restes super calme, et, genre, pas trop gigotant.
Luke Kayan
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- Et à quoi servent des plantes qui bougent?

Sincèrement étonné, Luke désireux d'apprendre, interrogeait son ami du regard, venant de lui, c'était un peu ironique. Il avait cependant gardé assez de réflexes de son ancienne vie pour se permettre ces expressions, ou du moins, se faire trahir par ces dernières. L'épaule encore endolorie, mais rendue plus flexible, le jeune homme rendit rapidement son baiser à Karm, profitant d'avoir localisé ses lèvres sur son front pour lui attraper la main et remonter le filon jusqu'à sa joue. Entre les plantes et les hommes victimes de la bougeotte, Luke n'était pas sûr d'avoir sa place. Sur ce type de monde en tout cas, il songeait clairement être de trop et la suite des événements n'allait pas y aider. Malgré lui, le Hapien poussa un léger soupir. Être relativement débrouillard et surtout peu plaintif avait pour avantage d'être traité comme un égal, en revanche, les autres, y compris Karm avaient aussi tendance à oublier ses limites.

- Je suis aveugle, Karm. Non, je n'ai jamais fait de rappel.

Son agacement ne s'exprimait pas à un niveau inquiétant, en fait il camouflait-plutôt mal- son inquiétude pour cette activité, plutôt facile pour un Jedi, voir ordinaire pour un explorateur, ainsi qu'une once d'énervement envers lui. Il aurait aimé saisir plus vite, pourquoi une plante qui bouge intéressait particulièrement un membre de l'ExploCorps, comment se mouvoir sur cette planète. C'était une certaine forme de possession, acquérir ce que l'autre savait, pour partager davantage, se montrer à la hauteur.

Avec une certaine appréhension, le Hapien consentit toutefois à faire du rappel. Malgré sa proximité avec Karm, l'expérience était désagréable dans un sens pour lui, car il avait perdu son principal repère: un sol à toucher de ses pieds, sans parler de ses mains qui pendaient également dans le vide. Imperceptiblement et surtout inconsciemment, le Jedi toucha le manche que le Gardien venait de lui offrir juste avant. Il se sentit un peu rassuré. Juste assez pour éviter la crise cardiaque.

Une fois en bas, le blond avait oublié ce qui pouvait s'apparenter à une forme d'agacement. Le clapotis du torrent qui courrait face à eux lui rappelait le petit ruisselet du Temple dans lequel il jouait, Padawan et surtout, enfant. Enfin. Il s'assit et porta de l'eau pure à ses lèvres. Normalement il aurait dû prélever un échantillon pour s'assurer de son état mais cela aurait brisé la magie du moment. Tout comme la parole. Tapotant ses côtés d'un geste de la main, le jeune homme invita Karm à s'approcher, gardant ses yeux inutiles rivés sur les berges du petit torrent vif, égayé de vie.

- Maintenant, c'est à moi d'apprendre.

Déclara Luke en fermant les yeux et en faisant le vide automatiquement, ainsi en position de recevoir une leçon. Comme avec Saï. Malgré certaines difficultés dues au mouvement des poissons, il pouvait les ressentir, ou du moins certains d'entre eux, filer dans les courants. Curieux et patient, le Consulaire chercha une vie plus sèche, sur les bords boueux du lit profondément creusé par l'eau vive. Il sourit en découvrant ce qui pouvait s'apparenter à une sauterelle en plus baveux, puis l'attira patiemment. Au début il eut du mal à connecter avec mais avec patience, parvint à retisser le lien, afin de précisément inviter la grenouille... Dans les cheveux bleus de Karm. Luke ne pouvait pas observer le spectacle mais l'amphibien paraissait ainsi plongé entre les vagues d'un nouveau torrent, fait de soie. Content de sa farce avant la leçon- de quoi? Il laissait son "maître" choisir.- le Hapien eut un petit rire. C'était ainsi qu'il avait toujours apprécié la nature,
sans trop se poser de questions sur son fonctionnement. Une attitude commode, certes, mais aussi plus primitive, simple et peut-être, naturelle?
Karm Torr
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— … désolé, avait murmuré un Karm penaud quand Luke l’avait rappelé à l’ordre à propos de son handicap.

En tout cas, l’Ark-Ni redoubla d’attention par harnacher Luke et il fit passer une corde entre eux pour s’assurer que la moindre erreur de l’Hapien serait facilement rattrapée. En réalité, même si la descente était plutôt intimidante, l’activité était moins complexe que la progression dans la forêt, avec ses pièges innombrables : il s’agissait plutôt de quelques gestes simples et répétitifs, auxquels la présence de Karm, qui se chargeait de veiller au rythme et au distance, ôtait tout ce qu’il y avait de compliqué.

Ce fut ainsi que les deux Jedis purent se retrouver au bord d’un torrent qui se jetait plus loin dans l’océan. Il y avait au-delà une petite pente dont l’herbe se raréfiait peu à peu pour se perdre enfin dans les sables et les dunes, puis une longue plage qui se terminait plus loin sur une digue de rochers naturelles. Comme ils n’étaient plus couverts par les frondaisons épaisses, les deux visiteurs ressentaient plus vivement le soleil, qui miroitait encore sur l’eau calme et claire.

Karm accueillit l’amphibien sans broncher, soulagé de constater que Luke était revenu à de meilleures dispositions. Il ne s’était jamais disputé avec son compagnon mais, parfois, il songeait à cette éventualité avec beaucoup d’inquiétude. Ils étaient si différents qu’il avait du mal à ne pas croire qu’il leur avait fallu de petits miracles quotidiens pour vivre jusque là en bonne entente. Remisant ces pensées un peu sombres, Karm fit descendre doucement l’animal pour le rendre au torrent.

— OK.

Donc, il fallait faire la leçon, un exercice dans lequel Karm était loin d’exceller mais dont il découvrait peu à peu qu’il était souvent tout aussi utile au maître qu’à l’élève. Il resta un moment silencieux, à mettre de l’ordre dans ses pensées, puis se décida enfin à se lancer.

— Explorer une planète, la première fois, c’est chercher au moins une bonne raison de rester. Bien sûr, on collecte des échantillons pour les analyser, on plante des sondes repères pour les scans planétaires et tout ça, mais ça a de sens que si y a quelque chose qui en vaut la peine. Ça peut être une ressource fantastique mais aussi des p’tits trucs, ou même un bon feeling. En tout cas, c’est pas systématique. L’analyse systématique, ça vient après, quand on s’dit que ça vaut le coup d’investir du temps. Donc en gros quatre étapes : le repérage des systèmes vivables à partir de l’extrapolation des données astrophysiques, ensuite la cartographie orbitale des planètes et l’analyse de l’atmosphère, ensuite la première exploration prospective, qu’on est en train de faire, et enfin, les relevés systématiques.

S’il parvenait à l’expliquer aussi clairement, c’était bien sûr parce qu’il avait couvert le sujet encore et encore, pour les besoins des travaux de la sous-commission sénatoriale qui prenait tant de plaisir pervers à le convoquer.

— Le bois qui bouge, c’est un truc qui vaut le coup. Parce que… Ben imagine, tu veux créer des bâtiments évolutifs qui changent de forme. Ou qui résistent bien aux intempéries parce qu’ils sont souples. Ou aux crues parce qu’ils se déplacent. Ou des préfabriqués automobiles parce que le bâtiment même peut bouger. Les applications sont super nombreuses en architecture, au moins, sans doute ailleurs. Mais pour sentir ça, en exploration, faut… Faut se permettre de rêver. On cherche par l’existant, on fait pas rentrer les mondes nouveaux dans les catégories anciennes, on les laisse s’exprimer, on les découvre, et après, il en émerge peut-être quelque chose.

En d’autres termes, aux yeux de Karm, l’Explorateur Jedi était à mi-chemin entre le scientifique et le poète.

— T’sais, dans la culture ark-ni, les aveugles sont vachement respectés, parce que… Disons qu’on considère qu’ils voient l’espace dans sa forme la plus pure. Qu’ils voient au-delà des formes apparentes. C’est une forme de pureté. Ben ça pourrait être pareil pour toi sur une planète inconnue, parce que tu vas pas regarder les choses et les rapprocher de ce que tu connais : tu vas les sentir à travers la Force pour ce qu’elles sont, pour leur caractère unique, et leurs possibilités propres. Mais pour ça, faut accepter que les protocoles et les règles et les habitudes soient pas des fins en soi, mais des outils dont on se passe dans certaines circonstances.

Ce n’était pas très clair mais ce que Karm voulait dire, c’était que Luke s’encombrait parfois des méthodes qu’il avait apprises pour cadrer le réel et qu’elles l’empêchaient de laisser libre cours à sa sensibilité de la Force, à son imagination d’enfant joueur, qui était porteuse pourtant d’intuitions très précieuses.

— Fais moi confiance, souffla l’Ark-Ni, en prenant les mains de Luke dans les siennes et en mêlant leurs doigts, qu’il enfonça dans la boue fraîche de la rive le long de laquelle courait le torrent; Respire profondément. Expire. Inspire. Expire. Au rythme du courant. Laisse la Force venir à nous, à travers tes doigts, à travers tes sens.

Comme souvent désormais, l’aura de Force de Karm s’était immiscée dans celle de Luke. Le corps de l’Ark-Ni était tout près de celui du Hapien, son souffle chaud caressait la nuque et la joue de Luke alors qu’il lui parlait, les yeux fermés, pour le guider dans la méditation.

— Sens la terre autour des doigts, comme elle est meuble. Ou friable. Fraîche. Sens son odeur, celle du torrent, celle de l’herbe, l’iode. Le sel de l’océan sur ta langue. Écoute le bruit des vagues, le souffle du vent. Ouvre ton corps à toute cette vie, à toute la Force. Inspire la Force qui possède la planète, laisse toi prendre par elle, laisse toi pénétrer, par la puissance, par la vie.

Il y avait quelque chose de fort sexuel dans la façon qu’avait Karm de présenter les choses mais, au fond, c’était comme cela qu’il comprenait la Force : à travers ces pulsions de vie dont le désir et la génération étaient des manifestations. Il le comprenait peu à peu, depuis la première fois que Luke et lui avaient fait l’amour, et à chaque nouvelle étreinte désormais lui donnait l’impression de mieux comprendre les complexes intrications de la Force dans la vie.

— Maintenant laisse les sensations se mêler les unes aux autres. Sens le bruit du courant, écoute le goût de la terre, presse tes doigts contre l’odeur de l’océan, c’est la même Force partout, c’est la Force de la planète. Tu la sens partir du bout de tes doigts enfoncés dans la terre, tu la sens aller dans toutes les directions, comme un système nerveux, tu sens les endroits où tout est plus intense, les endroits plus calmes, tu sens ce qui est possible, sans pouvoir mettre de nom ou d’idée dessus, et c’est ça explorer, explorer vraiment, une planète nouvelle.
Luke Kayan
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Un sourire de circonstances s'était dessiné sur les lèvres de Luke. Il se demanda un instant si selon les propos de Karm, ce n'était justement pas sa cécité qui l'avait attiré. L'idée était curieuse mais ne le dérangeait pas tant finalement. Du moins, si ce n'était qu'une partie de son "charme", car il ne voulait pas seulement être un handicapé apte à se rendre compte de l'espace dans son état le plus pur en tombant le nez dans la bout, ou le front contre un poteau. Évidemment, son idée était réductrice, faisant peu honneur aux efforts de son ami pour s'expliquer, se sentant légèrement coupable de sa digression taquine, le jeune homme retrouva sa concentration, hochant fermement la tête. Il était reconnaissant à Karm d'essayer de le consoler en lui racontant cette anecdote. Du moins, c'est ce qu'il imaginait que le Chevalier faisait. En son for intérieur, le Hapien se demanda si finalement, un jour, l'explorateur le mènerait chez les Ark-Ni comme Luke lui l'avait proposé au début. Ce jour-là, probablement concentré sur autre chose, précisément à cet instant où Luke avait formulé sa requête, Karm n'avait pas répondu. À moins qu'il ne préférait pas mélanger les deux mondes, surtout suite à la catastrophe qui les avaient empêché d'y aller officiellement.

- Je ne l'aurais pas imaginé.

Les yeux ronds, le Hapien fit un effort monumental pour imaginer des bâtiments capables de se mouvoir. C'était un peu caricatural dans sa tête, correspondant à l'imagination visuelle d'un enfant de 7 ans, et encore bien déformé par des années de néant. Le jeune homme ayant laissé les couleurs depuis déjà de très nombreuses années était incapable d'avoir une image ferme ou sérieuse de quoique ce soit. Habituellement il s'y essayait désespérément mais avec les histoires de l'Ark-Ni, il tendait à se laisser aller à cette imagination enfantine. D'un côté, cela rendait les récits encore plus fantaisistes et fantastiques. Il avait toujours adoré les histoires, finissant par trouver le moyen de voyager mentalement, combler cet espace "pur". Après tout, pourquoi ne pas se le permettre, son interlocuteur venait allègrement de prôner le rêve, louant cette capacité comme utile pour l'exploration, non? Luke, habituellement si sérieux se laissa aller à son imagination, peuplant les structures mouvantes de pauvres ères qui se perdaient dans les dédales facétieux de ces derniers. Amusant. Pratique? Il n'en savait trop rien, mais dans sa tête, ces murs instables résonnaient plutôt comme quelque chose d'absolument affreux pour un aveugle. Bah, l'idée restait agréable, et le côté utile vraiment peu négligeable.

À l'instar des instants où l'explorateur lui racontait ses aventures, le Hapien s'était totalement détendu, il écoutait attentivement, plongeant dans le monde de son ami, mais également le sien, à la recherche de représentations plus ou moins fidèles. Le jeune homme fut donc très surpris de sentir un contact bien réel, froid, humide. Par réflexe, il essaya de retirer ses mains, habitué à se méfier des substances inconnues. Combien de fois Luke avait-il posé ses doigts sur une plaque chauffante? Une plante urticante ou dans de l'eau glacée? (et pas que la paume d'ailleurs, puisqu'en général s'il y avait une grève, il finissait par mal calculer ses limites et y chuter.). Ne sachant pas ce qui se trouvait dans ce liquide poisseux, le cerveau du jeune homme lui ordonnait expressément de retirer ses membres de là. Pour autant, les mains de Karm l'y maintenaient fermement, et après un second sursaut pour la forme, le Hapien abandonna le "combat". Les explications de Karm le tranquillisèrent dans un premier temps, puis il tourna la tête vers ce dernier, interrogateur. La définition était particulièrement... sensuelle? Jamais Luke n'avait songé à la Force de cette manière, la traitant comme une mère, une compagne amicale plus qu'une partenaire aux pulsions particulièrement charnelles. Venant de la bouche de Karm -lequel savait finalement très bien s'expliquer, du moment que le sujet le passionnait et qu'il soit détendu.-

- Ouvre... Ton esprit?

Étonné par l'expression utilisée par son ami, le jeune homme avait automatiquement demandé confirmation. Lui qui entendait depuis sa tendre enfance le fameux ordre "ouvre ton esprit"
plongea dans le monde de l'Ark-Ni, rechignant d'abord à salir la Force, si pure, en lui imposant les sensation de son corps, bas réceptacle matérialiste, fragile, amoureux de choses trop simples.
Les vaguelettes courraient jusque dans ses doigts, traversant sa peau pour envahir la structure fine de ses os. Cette impression mêlée à celle laissée par les doigts de Karm sur sa peau firent rougir le Hapien qui coupa finalement l'échange, en douceur, le rouge aux joues.

- Je comprends. - Commença le Jedi.- Et je vois- Acheva-t-il, ravi quoi qu’encore confus. L'instant s'éternisa, jusqu'à ce que Luke le rompe en douceur, laissant son aura progressivement se fondre avec l'environnement. Le noeud de Force se défit avec lenteur, presque tendresse, disparaissant petit à petit, union ultime avec sa véritable mère: Dame Nature.-

- Je propose que nous mangions puis que nous commencions les prélèvements, car malheureusement, je doute que nos chers mécènes se suffisent d'une étude aussi spirituelle et poétique soit-elle.

Le jeune homme n'avait pu retenir ce petit ton moqueur à l'évocation de leurs "mécènes". Bien sûr, ils évoluaient avant tout au nom de la science et de l'Ordre, toutefois il savait aussi que beaucoup espéraient derrière. Les critiques les plus virulentes à l'encontre des Jedis attendaient néanmoins leurs résultats d'exploration avec impatience, les sachant productives, complètes et rigoureuses. Il ne faudrait pas décevoir ces futurs promoteurs qui parviendraient de toutes façons à transformer une mission sans but lucratif en une véritable mine d'or. Luke ne pouvait s'empêcher de se sentir triste et particulièrement traître en dévoilant les secrets de cet endroit sauvage dans un rapport. Selon la personne qui s'en saisirait, la planète finirait ravagée par des structures, ou respectée. Quitte ou double. Sans parler des délogés attendant désespéramment une opportunité. Humanitaire ou écologie, il fallait choisir.

- Est-ce que tu as déjà pensé, parfois, que dévoiler tes résultats d'exploration pouvaient être désastreux pour l'environnement? Je veux dire, c'est si calme ici, et harmonieux, y compris ces plantes mouvantes... Elles ont leur place, mais l'Homme, l'a-t-elle?

S'interrogea-t-il en faisant référence à l'Homme dans son ensemble, représentant de ces êtres pensants, capables de manier un outil.- et encore selon leur morphologie.- ou plus communément la pensée. Il devait être difficile parfois de voir un monde découvert ou exploré se remplir de scientifiques, avec leurs tentes partout. Certains n'avaient aucun respect, de vrais mercenaires de l'environnement qui coupaient allègrement de grossiers échantillons et se remplissaient les poches ou le CV d'une gloire pas spécialement méritée. L'Ark-Ni était un vrai explorateur, il venait de le prouver. Un amoureux de la nature dans toute sa splendeur, seulement ses travaux entre de mauvaises mains pouvaient conduire à une catastrophe... Un peu comme celui de Luke le Consulaire d'ailleurs. Leur Espèce en général avait ce don de tout déformer. Du beau vers le laid. Le jeune homme ne voulait pas être pessimiste mais ayant quitté le manteau confortable de l'utopie, il s'était rendu compte de cette triste vérité en grandissant malgré lui.
Karm Torr
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Le rouge aux joues de Luke le rendait si beau que Karm aurait voulu le renverser dans l’herbe fraîche et la terre meuble, pour lui faire l’amour et s’unir encore plus étroitement à lui. Les yeux brillants, fixés sur son compagnon, il espérait que celui-ci avait compris ce qu’il avait cherché à lui faire comprendre : sur la planète, bien sûr, mais sur lui-même aussi, sur la manière dont il comprenait la Force et dont il envisageait le monde.

Toutes les déclarations passionnées qu’il ne parvenait pas à rendre assez poétiques avec des mots, il les faisait pulser comme des battements de cœur dans la Force. Petit à petit cependant, l’esprit méthodique et consciencieux de Luke reprit le dessus, et leur méditation partagée, rythmée par la sensualité de Karm, dut céder le pas aux considérations plus immédiates.

— Alors allons sur la plage. Sauf pour les marées, c’est toujours ce qu’il y a de plus sûr : les grands endroits dégagés et sans végétation.

C’était plus compliqué que cela, bien sûr, mais, en règle générale, les plages étaient préservées de la plupart des prédateurs, exception faite des oiseaux qui venaient chercher les petits crustacés qui se logeaient dans les trous d’eau. Karm plongea ses mains dans le torrent pour les laver de la boue, avant de se relever et d’aider Luke à traverser le petit cours d’eau, avant de prendre le chemin des sables.

— J’y ai pensé oui, concéda le jeune homme après avoir réfléchi à la question de Luke, mais c’est de l’ordre des questions insolubles, j’crois. ‘Fin non. Attends…

Le Consulaire devait être habitué désormais à ces moments où Karm réclamait quelques secondes, le temps de mettre les mots en Basic dans l’ordre, d’apaiser le flot de ses pensées et de transformer tous les sauts logiques et les raisonnements intuitifs qui traversaient son esprit un peu particulier en une explication compréhensible pour les autres.

Arrivés au bord de la plage, il se baissa pour prendre un peu de sable et le faire jouer entre ses doigts, pour en jauger la composition, avant de se décider à y marcher pour de bon.

— Une planète inexplorée, c’est potentiellement plein de choses, plein de possibilités. Je veux dire, vachement concrètes. Des nouveaux médicaments, ou des processus d’épuration d’atmosphère, ou des minerais protecteurs. Ça peut soigner des maladies, protéger des gens, rendre d’autres planètes plus vivables. Ça peut aider à mieux comprendre la Force, la vie, la géothermie, la météorologie, vraiment plein, plein de trucs. Et c’est pas prévisible. Même pas une fois qu’on a fait tous les scans, et des tonnes de prélèvement. Ça peut se révéler dans dix, dans vingt ans.

Ils s’arrêtèrent au milieu de la plage pour s’asseoir dans le sable et sortir leurs rations.

— Et le risque de l’industrialisation, et des dérives, il est bien réel, mais ça me parait impossible d’évaluer a priori s’il est plus grand ou non que l’utilité. C’est c’que je veux dire par question insoluble. Et je crois que c’est l’ego qui nous pousse à estimer de manière intuitive que tout ce qu’on sent ici, ça a plus de valeur que tout le potentiel de la planète si elle était exploitée. Parce qu’on est des Jedis, on perçoit la vie de cette planète de façon vraiment exceptionnelle, mais c’est pas pour autant qu’on a le droit de formuler le jugement définitif. De cacher ce qu’on a trouvé, comme si on était les mieux placés pour juger du destin de tout un monde, et de la Galaxie qui y est reliée.

Il ne croyait certes pas que les structures de la République étaient les plus indiquées pour prendre des décisions politiques adéquates mais elles étaient moins terribles, à ses yeux, que la tyrannie de certains Jedis bien-pensants, qui estimaient que leurs pouvoirs et leurs traditions leur donnaient sur le destin des mondes des droits supérieurs. Aux yeux de Karm, il y avait une forme d’arrogance propre aux Jedis, très différente de celle des Siths, plus secrètes et plus pernicieuse, dont il convenait de se garder.

— Après, pour être vraiment concret, vu de ma petite expérience, sur l’immense majorité des planètes que j’explore, il se passe rien. Une mission scientifique dans un coin peut-être, des fois une base avancée, mais la colonisation à grande échelle, c’est, genre, super rare. La plupart des gens préfèrent bâtir en hauteur dans leur monde que de répartir à zéro ailleurs, et ça coûte infiniment plus cher de coloniser un nouveau monde que de rajouter des niveaux aux gratte-espaces des anciens. Et puis bon, si tu prends les planètes de la Bordure Extérieure, c’est civilisé mais pas entièrement bétonné. Statistiquement, en nombre de planètes, si on oublie la démographie, le Noyau, c’est plutôt l’exception que la règle.

Il n’y avait vraiment qu’avec Luke qu’il parvenait à parler autant et si librement.

— Et aussi… ‘Fin non, j’vais pas rentrer des considérations philosophiques, j’me rendrais juste ridicule. Mais en tout cas, si ça t’intéresse, on pourrait faire plus d’explorations ensemble. De recherche. T’es fait pour ça.
Luke Kayan
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- Je comprends. Il serait orgueilleux de se juger plus aptes, nous, à prendre soin d'un monde que les autres. Des autres qui pourraient très bien le faire.

Dépouillé de son utopisme infantile, Luke pensait qu'il y avait très peu de chances pour qu'une population sauvegarde comme il faut une planète, s'assurant d'un équilibre parfait entre leur mode de vie et celui d'une faune jadis libre de toute colonisation. Cela dit, il saisissait aussi les avantages qu'apportaient ce type de découvertes. Éduqués pour chercher à améliorer la condition humaine sous toutes ses coutures, les Explorateurs ne pouvaient refuser à la science, l'occasion d'aider un peuple sans refuge tout entier, la possibilité de trouver un vaccin, et aux ingénieurs, celle de trouver un matériel pour bâtir des immeubles sécuritaires, mouvants à bas prix, capables de loger des indigents. C'était là tout le dilemme.

Bercé par le bruit du courant, Luke hocha une nouvelle fois la tête, fermement, puis il plongea ses mains dans l'eau claire. Cette idée de partager leurs trouvailles le rendait un peu triste, et le fait qu'il s'agisse d'un de ces projets avec Karm n'y était pas étranger. Rendu légèrement égoïste par amour, dans ce cas du moins, le Hapien peinait à accepter qu'ils rédigent un dossier et laissent ensuite des pieds fouler cette terre, avec laquelle il n'avait pas eu d'atomes crochus au début. Ou justement, trop, avec ces symbiotes qui semblaient apprécier la douceur de son cou.

Luke fouilla dans sa ceinture utilitaire afin de sortir des rations. Il esquissa une petite grimace, teintée d'un léger dégoût mais aussi d'amusement. La situation lui rappelait celle pourtant bien différente, de Vonghaï. Cette fois-là, le Hapien s'était nourri difficilement, la boule au ventre. Qui pourrait lui en vouloir s'il doutait de leur retour sur Ondéron ce jour fatidique? Aujourd'hui, malgré des dangers encore présents, les deux Jedis étaient bien plus tranquilles, sachant qu'un vaisseau en excellent état les attendaient sagement à leur point de départ, sans compter que tout le monde savait où ils se trouvaient.

- Vil flatteur. Nous avons dû prendre au moins deux ou trois heures de retard sur les prévisions, et tu le sais.

Le jeune homme sourit. Il avait apprit à connaître Karm et le croyait bien capable d'être sincère quand disait à son compagnon "tu es fait pour les recherches". Luke, plus pragmatique et bien moins doux envers sa propre personne se jugeait peu apte à faire de cette activité intéressante, un travail à plein temps. Il finirait par se faire gronder par le Temple et littéralement massacrer par la communauté scientifique avec des retards accumulés.-s'il ne se faisait pas tuer par une plante étrangleuse avant.-. Son expédition sur Myrkr avait très mal tournée, celle sur Vonghaï, certes improvisée, aussi, quant à celle-ci... Luke devait remercier son ami pour sa patience à son égard. Il pataugeait dans les flaques, chutait, ralentissait tout le processus.

- J'aime les recherches, mais je crois que je dérange moins derrière un ordinateur.

Fit-il d'un air légèrement résigné. Fut un temps dans son adolescence où Luke aurait souhaité être l'un de ces vaillants Gardiens dont l'oeuvre était davantage reconnue. Mais pas pour la gloire, sinon parce que ces derniers voyaient immédiatement le résultat: des familles soulagées, une victime à qui on avait rendu justice. Tandis que le travail d'un Consulaire n'aboutissait parfois jamais, ou après la mort du Jedi. Heureusement, Luke avait appris à aimer les négociations, reconnaissant l'importance de la "paperasse" que tous dédaignaient. Mais en ce qui concernait les recherches, son propre mémoire il s'était fait à l'idée de les mener à son rythme, pour se détendre, au même titre que lorsqu'il lisait un ouvrage en braille. Luke n'était pas fait pour le terrain. Être aveugle signifiait peut-être évaluer l'espace pur, ressentir plus profondément la Force ou selon certains peuples, approcher de la sagesse véritable, mais cela n'aidait aucunement à gambader dans des marécages ou à combattre des fleurs terrifiantes.

- J'estime déjà immense cette opportunité.

Fit-il plus joyeux, reconnaissant aussi, car jamais le Hapien n'aurait pu s'enfoncer seul hors des sentiers battus. Lorsqu'il s'était rendu sur Myrkr, il avait suivi des instructions, tracé un chemin déjà fait, explorer une planète visitée et déjà colonisée par les blouses blanches. Ce type d'expéditions, sans Karm, jamais Luke n'aurait pu se le permettre.

- Bon appétit!

Lança le jeune homme en s'apprêtant à avaler sa ration.

- Au fait... Concernant le devoir de révéler ses connaissances et celui de protéger le secret au nom du bien-être dudit lieu. Très bonne explication chevalier Karm.

Un sourire fleurit sur les lèvres de Luke. Son ami progressait bien plus vite que lui dans le domaine de l'éloquence que lui-même dans celui de l'exploration. Heureusement le Hapien s’améliorait aussi au combat au corps à corps dont Karm lui avait paré sur le Trépidant. Cet échange leur faisait du bien, et, loin du Temple, des regards scrutateurs, Luke se détendait, moins tourmenté par sa crainte de décevoir l'Ordre. Plus naturel? En tout cas, plus instinctif.
Karm Torr
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— Ouais, je deviens vachement pédagogue. C’est grâce à ton entraînement. Puis à celui d’Evran. Et aussi, j’essaie de me rapprocher un peu des Padawans. Je me dis que c’est la pratique qui me rendra compétent.

Karm était déterminé à devenir un Maître Jedi, déterminé à siéger dans les conseils qui veillaient à la réorientation des Padawans qui échouaient aux épreuves de Chevaliers, déterminé à exposer sa vision de la Force et de l’Ordre. Il y avait sans doute un peu d’ambition dans ses motivations, mais c’était essentiellement par sens de responsabilité qu’il s’était arrêté sur cet objectif. Il voulait que l’Ordre grandisse, se modernise et s’adapte à des réalités nouvelles.

Alors il s’entrainait. Aux sabres, intensément, mais aussi à parler, à expliquer, à exposer calmement son point de vue. À prendre sous son aile des Padawans. Pour lui, ça n’avait rien de naturel, et il doutait franchement d’être un jour brillant dans le domaine, mais il voulait avoir des aptitudes au moins élémentaires. Limiter les dégâts, en somme.

— T’sais, tu déranges pas. Et j’dis pas ça seulement parce que t’es incroyablement sexy et que j’ai envie de te renverser dans les dunes pour te faire des choses.

L’Ark-Ni eut un rire innocent. Il n’avait aucune difficulté à avouer ses désirs à Luke, désormais, ni à plaisanter : c’était quelque chose qui lui semblait tout naturel. D’ailleurs, il avait fini sa ration, rangé l’emballage dans sa ceinture et glissé une main sous le haut de Luke, pour lui caresser doucement le bas du dos.

— Je dis ça parce que… Comment dire ? Les gens qui vont avoir à vivre sur cette planète, peut-être, ce seront pas forcément des Jedis surentrainés, avec une solide expérience du terrain et tout ça. Que ce soit des réfugiés ou des scientifiques qui pour une fois quittent leur labo, ils vont avoir des difficultés, l’environnement va être compliqué. Ils vont patauger, ils vont tomber, ils vont avoir du mal à se guider. Toi, tu es mieux placé pour sentir la difficulté. Et comme t’es quand même un Jedi surentrainé, tu es aussi bien placé pour savoir comment la résoudre.

Karm devait bien reconnaître pour sa part qu’il lui arrivait de considérer que les choses étaient faciles seulement parce qu’il les accomplissait sans peine. Les domaines où il avait un talent naturel et un très long entraînement, comme le combat, lui étaient devenus évidemment instinctifs et c’était un exercice difficile que de prendre du recul par rapport à ces réflexes durement acquis.

— Celui qui titube sur le route finit par mieux la connaître que celui qui la traverse en courant.

Souvent, le jeune homme avait des aphorismes de Maître Jedi qui trahissaient en lui une sagesse précoce.

— La Force est puissante en toi et c’est parce qu’elle t’a choisi. Toi, tu vois toutes tes contraintes comme si elles étaient des obstacles devant lesquels s’arrêter, mais elles sont surtout des occasions de réflexion et d’humilité, de patience et de persévérance. Si tu titubes et si tu tâtonnes, c’est pour mieux découvrir le monde et prêter attention à ce que les autres, ils remarquent qu’en passant. Si tu as besoin d’être accompagné, c’est pour mettre en perspective, en parlant aux autres, ce que tu sais, et pour les aider eux aussi à progresser en étant plus attentifs.

Quelques années plus tôt, sous l’influence de Tavaï, Karm aurait certainement eu un discours fort différent, un discours d’exigence sans équité, presque de mépris pour ceux qui n’étaient pas capables des prouesses physiques dont il faisait son quotidien. Mais intégrer l’ExploCorps et fréquenter tous ces Jedis qui n’étaient jamais devenus des Chevaliers et qui, pourtant, continuaient à servir utilement l’Ordre, voilà qui lui avait permis d’adopter une perspective nouvelle sur leur organisation.

Sa main finit par glisser vers la taille de Luke, afin de l’attirer contre lui.

— Moi, j’crois en toi, Luke. T’es un Jedi remarquable, et si t’as envie d’être sur le terrain, alors ce sera une chance pour l’Ordre. Et je doute pas que tu progresses super rapidement. Y a qu’à voir pour le combat à mains nues, tu te débrouilles déjà très bien. Faut avoir confiance en toi. Ou si t’y arrives pas, faut avoir confiance dans le Conseil qui t’a fait confiance en te donnant le titre de Chevalier.
Luke Kayan
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- Karm!

Le rouge aux joues, comme à chaque fois que son ami faisait référence à certains désirs, Luke ne refusa toutefois pas la main sous son haut, arrondissant même un peu le dos afin de davantage profiter de la caresse.

- Tu oses, toi, me parler de confiance en soi?

Mi-amusé, mi-dubitatif, le Hapien posa ses yeux dans ceux du Chevalier Turquoise, ou à quelques centimètres près, ce qui lui donnait l'air de loucher. Il avait donc un regard circonspect, déterminé et... Qui louchait. Pour la crédibilité, on repasserait. Intérieurement fier de son "élève", le blond choisit de ne pas gâcher le bel élan d'enthousiasme de son ami, désormais prêt à lever des foules entières de ses paroles. Il échappa un peu à la situation en haussant les épaules et en laissant son regard filer vers l'horizon. Un super pouvoir des aveugles: le droit de se retirer du jeu visuel sans que l'autre ne puisse se sentir offensé. C'était plus pratique que ce que l'on imaginait, lors d'un moment gênant par exemple, car en effet, malgré la prose prolixe-une fois n'était pas coutume- de son camarade, Luke n'était pas convaincu. Si l'Ordre avait besoin de personnes doués dans l'art de trébucher, ils pourraient recruter les soldats les plus faibles de l'armée: habitués à l'échec, quoique suffisamment armés pour au moins accepter la notion de danger. Bref, son imagination dérivait, se teintant en plus d'un gris sombre peu avenant. Note positive pour lui-même, en temps normal, c'est en noir que ses pensées se seraient peintes. Merci Karm. Comme quoi au final, peut-être commençait-il à vraiment s’améliorer?

- Tu n'as pas tort sur la dernière phrase, alors fais-moi plaisir et souviens-en toi aussi en ce qui te concerne. Tu es un bon Jedi. Mais trêve de flagornerie... Où en sont tes projets de prendre un Apprenti? As-tu repéré quelqu'un?

Luke ne craignait pas de passer moins de temps avec Karm ou de devoir partager. Bien sûr, dans le fond, savoir le Chevalier occupé toute la journée par un Padawan ne le réjouissait guère, mais le blond savait où était sa place. Tous deux étaient destinés à servir l'Ordre, et si Karm pouvait le faire en prenant un Padawan, soit. Lui-même ne se sentait pas encore prêt, peut-être ne le serait-il jamais ? Même en sachant que beaucoup d'entre eux attendaient, portant dans leur regard, tous les espoirs d'un futur comme Chevalier, Luke ne se sentait pas prêt à leur offrir cette opportunité, jugeant qu'elle était truquée. Il possédait une patience proverbiale mais n'était pas pédagogue, tout juste assez pour des gamins de 6 ou 7 ans, un public facile, déjà poli par l'éducation primaire au Temple: la politesse, écouter en cours, l'habitude d'étudier. Les classes qu'il avait eu l'avaient apprécié pour sa gentillesse ou ses démonstrations de la maîtrise de la Force, mais pas ses cours, fournis, complets, très travaillés mais ne correspondant pas à l'âge des enfants. Non, décidément, la voie de Luke ne semblait pas être celle de l'enseignement. À moins que ce ne soit comme l'exploration, il avait sensément mis une croix dessus et se retrouvait pourtant ici, aux côtés de Karm.

- Je suis heureux que cette mission te plaise. J'avais tout préparé, des plans diverses, l'évolution géologique de la planète, le peu de données connues, jusqu'à la structure du rapport à construire au retour... Finalement, rien ne s'est déroulé comme prévu, je me suis laissé surprendre par la faune d'ici, nous avons du retard sur le programme mais... -Il poussa un soupir, prêt à admettre que l'une de ses croyances était fausses.- Finalement, l'improvisation paye aussi. Je suppose. On ne se débrouille pas trop mal. Et maintenant que nous sommes sur la plage nous allons pouvoir collecter des sédiments.

D'un air plus enthousiaste, le Chevalier se saisit de son sac, légèrement entravé par la main autour de sa taille. Il sortit plusieurs tubes à essai destinés à renfermer les secrets de l'endroit que des scientifiques tenteraient de percer. Auparavant, il les posa sur le sable et se retourna pour embrasser Karm. Sa tête se reposa sur l'épaule de son ami un moment, il semblait observer le soleil luire sur son trône, capable de prendre son temps malgré leur retard sur l'avancée officielle du projet. C'était un détail mais d'importance. Il avait réussi à se détendre, juste un peu au oins,
malgré le fait qu'ils ne respectaient pas à la lettre son cher protocole.

Cela dit, le Jedi commença à exercer une pression sur ses pieds, pour suggérer la position "levée" qu'ils étaient sensés rapidement adopter. Il ne faudrait pas trop tarder à récolter les échantillons quand même, c'est que l'heure tournait!

Patience Karm. Luke changeait, le processus était juste un peu lent.
Karm Torr
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Le soleil était désormais au zénith. Karm n’était pas sûr qu’ils pourraient rejoindre leurs vaisseaux avant son coucher et il faudrait camper quelque part, ce qui, au demeurant, faisait aussi partie du quotidien des explorateurs. Ils veilleraient seulement à se tenir éloignés de la forêt.

— J’ai repéré une Miraluka qui s’appelle Soruan. Elle est déjà pas mal avancée, genre dix-sept dix-huit ans, puis elle a déjà eu un Maître. Du coup, c’est moins compliqué qu’avec un tout petit. Un enfant, je me serais pas senti.

C’était une perspective toute personnelle puisque de nombreux Jedis considéraient au contraire qu’il était plus facile de former un Padawan qu’on saisissait dès les lendemains de son Noviciat et qui, libre de bien des préjugés, était plus réceptif à ce qu’on voulait lui apprendre. D’autres, au contraire, se spécialisaient dans les jeunes gens qui, à la fin de leur adolescence, avaient déjà des idées précises mais aussi des problèmes particuliers. Karm se sentait plus à l’aise avec ceux-là, sans doute parce que son style pédagogique qui laissait beaucoup de place à la liberté leur convenait bien.

— Elle est en âge de faire pas mal de trucs seule puis je pense que c’est important qu’elle découvre aussi par ses propres moyens. J’veux pas, t’sais, l’étouffer. Là, c’est le moment où elle doit prendre les initiatives, commencer à devenir vraiment la Chevalière qu’elle sera.

Karm avait une conception toute personnelle du rapport entre un Maître et un Padawan. Selon lui, d’abord, il se passait largement de hiérarchie, même si au bout du compte, il prenait les décisions fondatrices, et ensuite, il n’était pas un compagnonnage de toutes les secondes, en tout cas pas quand la Padawane rentrait dans l’âge adulte. Soruan avait besoin aussi d’espace pour se développer, de faire ses propres expériences auxquelles son Maître pouvait ensuite donner du sens. C’était comme cela, aux yeux de l’Ark-Ni, qu’elle s’enrichirait.

— On verra bien, conclut-il d’un ton prudent, et il était facile de deviner que la perspective de toutes ces responsabilités nouvelles l’intimidait malgré tout beaucoup.

Et c’était donc l’heure de la collecte des sédiments, annoncée par un baser — et un baiser spontané de la part de Luke, c’était déjà beaucoup, alors Karm y répondit de tout son cœur, puis s’en tint pour chanceux. Il libéra l’Hapien de son étreinte et commença à son tour à farfouiller dans son sac.

— J’te laisse la plage, j’vais explorer les proches fonds marins, historie d’avoir une première idée de ce à quoi ça rassemble. J’pense que ça m’prendra une petite heure, faut juste espérer qu’y ai pas de pieuvres géantes.

La plupart des Ark-Ni ne savait pas nager et pour lui, ça avait été vraiment l’apprentissage le plus intimidant, dans sa jeunesse. Dans l’ExploCorps, les planètes marines étaient réservées aux explorateurs amphibies, évidemment, mais on ne coupait pas toujours à quelques prélèvements préliminaires dans les océans et les mers, les lacs et les lagunes que l’on trouvait sur son chemin. Karm avait appris à apprécier l’exercice, à s’y perfectionner même, aidé par son excellente condition physique.

Il sortit une combinaison compressée dans son sac et quitta tous ses vêtements pour l’enfiler. Tournant le dos finalement à Luke, pour s’éviter les contorsions habituelles, il demanda :

— S’tu pouvais remonter la fermeture.

Bientôt, équipé de ses lunettes, de son respirateur, de ses palmes et de sa ceinture utilitaire, il se dirigea en vaillant petit canard vers les vagues placides et disparut dans l’océan. En dessous, c’était une faune laissée intact par l’absence de pêcheurs et d’industrie : des petits poissons qui paradaient là en myriade, des sortes d’araignées souples qui gigotaient entre deux eaux, des buissons de plantes épineuses de toutes les couleurs.

Si près de la rive, en eaux peu profondes, Karm ne s’attendait pas à trouver de grands prédateurs et, en effet, l’océan déjà très peuplée était somme toute assez calme. Il commença par prendre quelques clichés holographiques, puis il lança une sonde sous-marine, qui transmettrait à leur prochain décollage les données récoltées à travers l’atmosphère. Enfin, après avoir poussé un peu plus loin, il commença lui-même à récolter des échantillons de sable et de plantes. Après un moment, il dut nager vigoureusement, pour éviter une large banc de créatures visqueuses et translucides, dont son intuition lui soufflait, à travers la Force, que le contact était dangereux, et, emporté en chemin par un petit courant, il dut consentir à des efforts particuliers pour revenir à son point de départ.

Contrairement à ce qu’il avait annoncé, ce fut donc deux bonnes heures plus tard qu’il émergea de l’eau, retirant bonnet, masque et respirateur, pour inspirer enfin à pleins poumons l’air pur de la planète.
Luke Kayan
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- Un apprenti en fin de formation, ce n'est pas une mauvaise idée.

Approuva Luke bien qu'il préfère, lui, n'en prendre aucun. Ce type de Padawan pouvait arriver avec de gros problèmes identitaires, des traumatismes, surtout si le maître était décédé ou si, comme Karm, ils avaient été pris en charge par un incompétent, psychopathe sur les bords. Cela dit, à ce stade, plonger dans le côté obscur était plus difficile, le caractère définitif de l'individu était visible, contrairement à celui d'enfants capables de surprendre, en bien comme en mal, sans compter que les adolescents étaient déjà entraînés. Pour un maître aussi jeune que Karm, Luke trouvait l'idée réfléchie, bien que justement, la différence d'âge minime puisse être source de conflits. Son ami ayant des ressources inespérées pour négocier, couper court à la colère d'autrui en utilisant l'humour voir l'ignorance totale de l'individu en question, il serait effectivement un bon maître. Sa décision avait peut-être été un peu précipitée, du moins, jetée en pâture à Luke au détour de l'aube d'une nuit, tandis qu'ils sommeillaient déjà, cependant le Chevalier continuait dans sa lancée, doucement mais sûrement à se préparer, prouvant que son acte ne relevait pas du caprice.

Le Hapien sourit, légèrement apaisé par ce retour à la normale, où l'on ne discutait plus de ses performances. Il aimait poser ses réflexions, échanger avec autrui, surtout avec Karm. De ce fait, bien qu'il ne veuille pas d'apprenti, le sujet ne lui était pas étranger. Mieux, ce dernier ne lui étant pas complètement familier, cela lui permettait d'élargir son spectre de connaissances et de travailler ses capacités de projection ou d'empathie.

Tandis que le blond rangeait tranquillement le peu de matériel du repas-les capsules vides, notamment.- il se concentrait sur les paroles de son ami et la brise qui venait chatouiller son visage. L'air calme, la nature presque silencieuse le ressourçaient toujours, alors que la ville le fatiguait. Pourtant, malgré le bruit qui y régnait, le Hapien était plus à l'aise sur le béton, en tant qu'aveugle en tout cas, parce que les repères étaient plus nombreux. Sur cette planète déserte, sauvage, Luke était constamment en danger, à cause de plantes mouvantes ou d'un trou placé au mauvais endroit.

- Un heure. Et appelle- m...

Trop tard, après que le jeune homme eut fermé la combinaison de Karm, ce dernier était parti. Impossible de lui en vouloir, ce dernier devait avoir hâte de partir à la découverte de l'océan, à son rythme surtout, ce qui signifiait bien plus rapidement que leur laborieuse progression. Le Hapien resta un moment immobile, s'amusant à suivre l'aura de son ami, jusqu'à ce qu'il s'immerge.

* Bon. Au travail.*

Aidé par une sorte de "loupe" qui émettait un bip sonore lorsqu'elle trouvait quelque chose d'intéressant -minéral, sédiment ou autre.- Luke se mit à récolter des échantillons. Il réglait le petit outil en fonction de ce qu'il recherchait puis capturait les échantillons dans des verres à essai soigneusement et doublement étiqueté: en basic au-dessus, en braille en-dessous.

Au bout d'une heure et quart, le jeune Jedi se redressa, les muscles endoloris de s’être maintenu si longtemps penché. Ses yeux se posèrent sur l'océan qui lui indiquait gentiment son emplacement à travers le bruit apaisant de ses vagues. Enfin, apaisant... Jusque là en tout cas, parce que désormais Luke commençait à s'inquiéter pour l'explorateur. Au début, c'était seulement un doute s’immisçant dans son âme que son cerveau s'empressait de contrecarrer: Karm faisait parti, selon ses propres mots, de ces jedis "surentraînés". Il avait du s'attarder sur un échantillon particulièrement intéressant, ou avoir, débrouillard comme il l'était, dressé une de ces pieuvres géantes dont il craignait la présence. Afin de ne pas perdre plus de temps, Luke reprit son travail, comblant le retard accumulé par son handicap. C'était fastidieux, une véritable oeuvre de fourmi mais Luke ne s'en formalisait guère. S'il était patient de nature, sa cécité l'avait rendu méticuleux. N'importe qui ne voyant plus finissait par le devenir, pour sa propre intégrité.

30 minutes plus tard cependant, le Hapien n'était pas capable de se concentrer correctement. Il cherchait l'aura de Karm, perdue dans l'immensité de l'eau et la vie dont elle regorgeait. Son ami avait parlé d'une "petite heure", et ne l'avait pas contacté, ni via comlink, ni via la Force, plus de 45 minutes après. Serait-il arrivé quelque chose au Chevalier turquoise, sous les yeux même de son compagnon? Le blond ne se le pardonnerait pas. Une bonne partie de son entrainement y passa, pour conserver un air calme, tandis qu'il scrutait via la Force la grève de l'océan qui semblait avoir avalé Karm, mais il ne faudrait pas que la situation s'éternise.

Heureusement 15 minutes plus tard, Luke sentit enfin l'aura de son ami se détacher de la mer possessive. Il ramassa ses précieux échantillons, les plaçant un à un dans un étui-chose qu'il aurait normalement fait dès la fin de son travail, mais qu'il avait négligé, perturbé par l'absence du Chevalier.- Marchant difficilement dans le sable, titubant parfois, exactement comme l'avait suggéré Karm dans sa métaphore, le Hapien finit par atteindre ce dernier. Il s'enfonçait dans la matière instable, et, particulièrement molle sur cette planète semblait-il, mais le Jedi têtu lutta pour se rendre aux côtés de son ami. Était-il blessé?

Malgré l'eau qui trempa littéralement le bas de sa tenue, Luke progressa à contre-courant pour arriver jusqu'à Karm. Il s'arrêta lorsque le liquide lécha ses genoux, étreint par une certaine appréhension. En effet, Luke savait nager -on lui l'avait enseigné pour palier au fameux cas presque caricatural mais possible d'une chute dans un plan d'eau.- mais il le faisait à grande peine, barbotant comme un petit chien pour maintenir la tête hors de l'eau. Incapable de se diriger, perdant tout contact avec la terre lui servant de repère, le Hapien aurait tendance à paniquer dans ce liquide qui l'enveloppait comme une chape, formant un cocon qui le rendait davantage aveugle encore. Rien n'était tangible dans la mer, et les vagues le déconcertaient, sans parler du courant. Une chose était certaine, s'il s'enfonçait trop dans l'océan, il ne gagnerait pas la bataille, sachant qu'une simple piscine le mettait déjà à l'épreuve.

- Karm, tu n'as rien? Que s'est-il passé?

Pourquoi le Chevalier n'avait-il pas eu recours au protocole? La pieuvre géante aurait-elle dévorée son comlink? - l'aquatique évidemment.- et si Karm aurait prit le risque de boire la tasse en parlant, qu'en était-il de la Force? Elle aurait du leur permettre de communiquer malgré les vagues, l'éloignement. Luke n'aimait pas que le protocole basique de sécurité n'ait pas été respecté, il s'était inquiété et s'inquiétait d'ailleurs encore. Via la Force, tout semblait aller bien mais cette dernière n'était pas précise quant à l'état de quelqu'un, et surtout, Luke savait que son compagnon serait capable de lui cacher un quelconque état préoccupant. Papa poule le Hapien? Non, juste un amoureux de tous les protocoles, des modes d'emploi, un peu déconcerté par le fait de na pas avoir pu respecter son "obsession" certaine pour son respect. Suffisamment en tout cas pour se retrouver là, au bord de l'eau, trempé malgré sa crainte envers ce liquide, à tendre les mains pour que Karm se décharge de son matériel et le lui donne.
Karm Torr
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— Désolé, murmura l’Ark-Ni, un peu plus fort que d’habitude, pour couvrir le bruit des vagues.

Il avait rangé respirateur et bonnet dans les poches de sa ceinture, au lieu de les donner à Luke, et il retira ses gants pour prendre les mains de son compagnon.

— Tout va bien.

La vérité, c’est qu’il n’avait pas songé à prévenir Luke. Les détours et les imprévus étaient monnaie courante lors des explorations et il avait si souvent été seul, dans ces planètes immenses et inconnues, qu’il n’avait guère pris l’habitude de considérer les inquiétudes qui pouvaient surgir chez les autres.

Il se sentit soudain bien coupable.

— ‘Tends, viens, on retourne sur la plage.

Il posa la main de Luke sur son bras, cette fois-ci, plutôt que de le laisser aller seul, et le guida sur le sable sec. Une fois qu’ils furent loin des vagues, il lâcha le Hapien et se contorsionna pour faire descendre la fermeture de sa combinaison et en glisser le haut jusqu’à ses hanches. Torse nu, il laissa le soleil de la planète le réchauffer après la fraîcheur de l’océan, tandis qu’il retirait ses palmes.

— C’est très actif, là-bas dessous, et j’ai collecté plusieurs sédiments, mais si à mon avis, ce sera d’un intérêt purement scientifique. Ensuite, sur l’chemin du retour, j’ai vu un ban de créatures gélatineuses, à mon avis chargée d’électricités, vu comme mon équipement électronique grésillait, impossible d’avoir des relevés corrects ou quoi. La Force m’a soufflé de m’en éloigner, mais le ban était vachement étendu, j’ai dû faire un sacré détour contre le courant.

Il secoua les palmes à côté de lui pour chasser quelques algues avant de les poser sur le sable et d’achever de retirer sa tenue. En boxer sur la plage, heureux malgré son exploration captivante de retrouver la chaleur du jour, il fixait Luke, un brin embarrassé.

— J’aurais dû essayer de te contacter à travers la Force.

C’était bien sûr plus facile à dire qu’à faire, quand on devait aussi surveiller son environnement et nager constamment pour ne pas couler.

— J’suis vraiment… Désolé. D’habitude, j’suis tout seul, et là, je me suis laissé prendre par le truc, j’ai pas fait attention. De mon point de vue, c’était pas exceptionnel, c’est des trucs qui arrivent tout l’temps, l’exploration, c’est largement imprévisible et…

Imprévisible, Luke avait pu s’en rendre compte, agressé qu’il avait été par la flore locale. Mais Karm s’interrompit. Il y avait toutes sortes de signes qu’il aurait faits si Luke avait pu le voir, des gestes qui dans sa langue maternelle accompagnait d’infinies nuances les excuses, bien mieux que les mots, mais la cécité de son compagnon le laissait démuni.

Alors il se rapprocha de lui et, comme il le faisait souvent, posa son front contre le front de Luke. C’était une chance que le Hapien ne fût pas beaucoup plus grand que lui. Tout bas, il souffla, contre les lèvres du Consulaire :

— J’ai pas d’excuses. Pardonne-moi. Je ferai plus attention. Tu devrais enlever tes vêtements.

(Perd pas l’nord, le petit.)

Les joues de Karm rosirent.

— J’veux dire, pour les faire sécher. Si on va avec des trucs mouillés là où y a plus de végétation, ça va attirer les champignons et parfois les champignons, ça a des effets, euh… Surprenants.

À son avis, c’était l’une des parties les plus fascinantes du vivant mais il n’avait pas envie de retrouver les vêtements de Luke rongés par la moisissure.

— De toute façon, faut que j’étiquette mes échantillons et que j’me repose un peu.

Il nageait très bien, c’était certain, mais il restait un Ark-Ni et, tout surentrainé qu’il fût, après la longue marche du matin et son périple aquatique, il avait besoin de reconstituer ses forces. Le front toujours contre celui de Luke, il frôla doucement le nez de son ami du sien, et rajouta, un peu timidement :

— … sois pas fâché…
Luke Kayan
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[HJ: Désolée ce n'est pas fameux...]

Les palpitations perdirent en rythme, délaissant la course pour un pas plus posé, plus habituel pour Luke, le calme Jedi, parfois impassible. Il se sentait stupide de s'être ainsi emballé au nom d'un Jedi entraîné, davantage que lui sans nul doute. N'empêche que: Homme rôdé mais irrespectueux du protocole. À ce constat, le blond sentit son coeur recommencer à danser et chavirer, en un mot se rebeller, cette fois par colère. Il n'aimait vraiment pas que l'on outrepasse ces normes, crées pour la sécurité de tous, mais également et surtout, afin de le rassurer. Terriblement routinier malgré sa vie active de Jedi, Luke tolérait peu les changements subits de ce genre. Il n'appréciait pas d'aller à l'encontre de ses chers modes d'emplois, lesquels étaient lus avec un amour mystérieux par ses doigts agiles courant sur le papier troué, y compris les petits caractères. Peut-être parce qu'il n'y avait pas de lettres minimisées en braille?

Toutefois, alors que son nez délicat se gonflait pour expulser, fâché, un brassage d'air jalousement accumulée dans ses narines, le Hapien choisit finalement de laisser s'échapper un soupir. Un autre s'empara de lui, plus léger, lorsque Karm frôla son nez en murmurant, tel un Gizka maltraité "Sois pas fâché". La colère s'en était allée, plutôt facilement d'ailleurs, car Luke n'était pas du genre à s'énerver facilement, ni à conserver cet état, néanmoins son expression se mua en une espèce de lassitude à prendre au sérieux. Il ne voulait pas accabler l'explorateur bousculé dans ses habitudes mais tenait à être ferme.

- Karm, le protocole est fait pour notre bien, et ce quelques soient les circonstances. Nous devons nous y adapter, y compris si nous avions l'habitude de travailler seuls avant.


Le jeune homme avait commencé par agiter son majeur devant le visage du Jedi aux mèches bleutés, l'air sévère d'un professeur fiché sur son visage fin. L'expression ne tint guère cependant, car Luke était cette fois, plus amusé par les excuses de son ami, ainsi que son "air" penaud qu'il entrevoyait à travers la Force, qu'agacé. Il espérait néanmoins que Karm ne continuerait pas de lui faire aussi peur. Ils étaient si différents. Lui adorateur des règles, et un peu traditionnel, son ami plus libre avec un brin de rébellion en lui. Peut-être que c'était ce qui permettait à leur couple de fonctionner? En fait, il restait une ombre, une seule, le Hapien craignait qu'un jour Karm ne se détourne trop des règles émises par le Conseil. Jason aussi était apparu comme un peu rebelle au début, pour finir soupçonné de meurtre. Évidemment, Luke savait que ce n'était pas pareil, d'autant plus que le fait que Karm appartienne à l'Ordre le rassurait- il n'avait aucun doute en ce qui concernait son passé et le dissociait totalement de Tavaï.- mais le cerveau avait ses raisons que le coeur et la raison ignoraient. Chaque rapprochement aux commandements de l'Ordre le rassuraient. Ils resteraient du bon côté de la barrière, celui de la lumière, tout en récoltant l'approbation du Conseil. Celle de Saï.

- Je crois que ces champignons ne vont pas attaquer le bas de mon pantalon, en tout cas, pas dans l'immédiat.


Ce que Luke prenait pour une excuse afin qu'il se déshabille le fit sourire, puis nettement rire. Le regard porté sur l'horizon, les yeux plissés par le rire, il feignit d'ignorer Karm, plongé dans cet instant d'euphorie passagère. Cela paraissait aussi fleur bleue que stupide, mais l'une des choses qui avait charmé Luke chez ses divers-quoique pas si nombreux- compagnons, était leur capacité à l'amuser. Seul, il était une tombe, ennuyeux fonctionnaire, grisâtre et rabat-joie. Cependant, une fois en confiance, le Hapien pouvait développer son propre humour. Un peu plus prudent, nettement moins expressif voir acide parfois, mais bien présent.

Le jeune homme fit mine de rechigner encore un peu, mais il retira finalement son pantalon, un sourire charmeur bordant ses lèvres, voir légèrement narquois. Restant en sous-vêtements -du moins pour la partie basse du corps.- et l'étala sur une roche plate, chauffée par le soleil. Il ramena ses jambes contre lui et posa sa tête sur ses genoux, un brin pensif. Sans doute essayait-il d'imaginer Karm nager à contre-courant, ou côte à côte avec un banc de bestioles gélatineuses ou électriques. Après un moment, il se redressa, oubliant presque sa semi-nudité, chassa les grains de sable incrustés sur sa peau puis proposa sa main au Chevalier Turquoise.

- Et bien, allons étiqueter!

Son sac émit un léger "cling cling", promesse d'une série d'échantillons complète. Il n'avait pas chômé en attendant son collègue de travail et, apparemment, homme.

- Crois-tu que certaines de ces créatures marines, mis à part les charmantes gélatineuse, sont comestibles? J'ai des doutes, quand je pense à cette chose qui m'a attaqué.

Après tout, pouvoir se nourrir était aussi important sur une planète, tant pour les scientifiques qui ne pouvait pas apporter assez de provisions pour les plus longues expéditions que pour d'éventuels colons ou... Naufragés comme Karm et lui l'avaient été.
Karm Torr
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L’explorateur jugea plus prudent de ne pas répliquer que le protocole, il était en train de le réécrire — littéralement. N’était-ce pas en partie ce que lui avait demandé la sous-commission du Sénat galactique, tout du moins à l’intention des forces armées de la République ? Et au sein du Corps d’Exploration, Karm se livrait petit à petit aux ajustements qu’il jugeait nécessaire, à mesure qu’on lui confiait plus de responsabilités d’encadrement.

La discussion put se calmer ainsi et les deux jeunes hommes s’en retournèrent à leurs travaux scientifiques. L’Ark-Ni considéra à son tour l’océan puis, avec un sourire, ne put s’empêcher de répliquer :

— Tout est comestible.

Il jeta un regard à Luke.

— Non mais sérieusement, t’imagines pas ce qu’on peut manger de peu ragoutant sur les planètes isolées quand les rations viennent à manquer. Gélatineux ou pas. Perso, je suis végétarien autant que possible, mais des fois, faut bien survivre. ‘Fin bref, ce que j’ai vu à l’air tout à fait mangeable. Je doute pas que y ait des espèces venimeuses, cela dit.

C’était l’un des grands classiques des règnes animaux, dans la plupart des écosystèmes qu’il visitait. Le poison, le venin, les spores assassins étaient toujours une excellente manière de se protéger et constituaient, par conséquent, un principe fondamental, tout du moins sur les planètes dont Karm était capable de respirer l’atmosphère. D’autres Jedis, aux physiologies bien différentes, étaient chargés de découvrir des mondes qui lui auraient été toxiques et dont la logique lui échappait largement.

— L’eau a pas l’air corrosive, en tout cas, remarqua-t-il en considérant le vêtement de Luke, qui n’était pas attaqué. Faudra voir les tests chimiques une fois au Temple mais ça m’a l’air bien parti pour la pêche.

Après avoir inscrit rapidement quelques indications sur les échantillons qu’il avait collectés lui-même, tant que ses souvenirs marins étaient encore frais, il entreprit de passer en revue ceux de Luke, dont le travail, sans surprise, avait été fort méticuleux. C’était une tâche qui disposait au silence et, tout dévêtus qu’ils fussent, les deux garçons demeurèrent bien studieux sur la plage, en attendant que les vêtements sèchent.

Finalement, Karm eut terminé de prendre les notes essentielles sur son datapad.

— Bon, avec ta contribution, ma foi, ça a bien avancé.

La remarque n’avait pas pour but de passer de la pommade sur les complexes de Luke. Karm soulignait seulement une évidence : à deux, ils avaient couvert deux fois plus de relevés.

— On va remonter les dunes jusqu’aux prairies et contourner la forêt pour retrouver une piste qui aille jusqu’au plateau où sont posés les vaisseaux.

Les premières explorations étaient généralement assez tranquilles, végétation assassine mise à part, le temps de rassembler plus d’informations sur les planètes, qui permettaient ensuite d’établir des missions plus ciblées et plus risquées. Karm considéra le ciel, puis les quelques données orbitales qu’ils avaient relevées durant leur approche dans l’espace.

— On va sans doute camper dans la prairie cette nuit. On essaiera de se trouver une colline.

Il était toujours préférable de s’établir sur des éminences. Karm se releva, tendit son pantalon à Luke et entreprit de se rhabiller lui-même, avant de replier sa combinaison, de la compresser dans sa poche spéciale et de ranger le tout dans son sac à dos. Une fois qu’ils furent à nouveau équipés de tout leur matériel, il attira le Hapien à lui par les bretelles de son sac et entreprit de le remercier de sa collaboration par un baiser pas vraiment chaste, ce qui n’était pas exactement l’usage dans l’ExploCorps.

Ensuite, la marche reprit. Ils quittèrent rapidement le sable, et les prairies offraient naturellement bien moins d’obstacles que la forêt. Là, la végétation n’était composé que d’herbes d’un vert ou d’un violet profond, qui ne montaient jamais très haut, et de fleurs sauvages autour desquelles s’agitait tout un monde d’insectes. Karm faisait d’ailleurs des haltes régulières pour les observer de plus près. Avec l’aide de Luke, ils attiraient souvent, grâce à la Force, un ou deux spécimens, pour prendre quelques relevés holographiques, puis ils libéraient la créature.

Ainsi, sous ses airs désordonnés, l’Ark-Ni était en réalité fort méthodique. Au fur et à mesure de leur exploration, son datapad se remplissait d’une analyse holistique de l’écosystème qu’ils exploraient et il avait l’air souvent assez sûr de son choix, quand il sélectionnait telle plante plutôt que telle autre à ajouter à leurs échantillons. Ses explications n’étaient pas toujours d’une très grande clarté, mais c’était plutôt un problème de pédagogie que de connaissances.

Mais la nuit tombait vite et il fallut enfin poser la tente. Ils gravirent une petite colline et Karm enfonça les sardines dans la toile et la terre meuble. La tente se gonfla toute seule, les tiges de métal s’arrimèrent au sol et les sondes de sécurité se déployèrent dans le périmètre. Les petites sphères flotteraient toute la nuit, pour alerter les Jedis si un prédateur se présentait au loin. Les Artisans et les Ingénieurs Jedis du Temple travaillaient constamment à l’amélioration de l’équipement des corps secondaires.

— T’es pas trop fatigué ? Ça a été une longue marche, depuis ce matin. J’espère que tu t’ennuies pas…

Pour Karm, malgré les plantes vindicatives, la descente en rappel et le long détour maritime, la mission du jour rentrait dans la catégorie des explorations relativement paisibles et sans histoire.
Luke Kayan
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Finalement, la journée ne terminait pas sous de mauvais hospices, la planète, d'après les échantillons recueillis, semblait tout à fait habitable, et surtout ils allaient se coucher en un seul morceau. Certes, de base, il n'était pas prévu que les deux Jedis campent, mais malgré la plante symbiote qui avait failli essayer de fusionner avec lui, Luke n'était pas mécontent de passer cette nuit à la belle étoile. Cela le changerait un peu de la routine au Temple, dans sa chambre, certes isolée, contrairement aux dortoirs des Padawans, mais relativement envahie de bruits de pas de course de Chevaliers et de maîtres partant en mission, de bips et autres artifices. Pour lui évidemment, tous ces sons nuisibles quoique supportables étaient plus importants, focalisé comme il l'était sur l'ouïe. Le calme d'une nuit en "campagne", juste une fois, lui plaisait. Surtout en sa compagnie. Luke commença à dérouler son sac de couchage après avoir avisé l'Ordre qu'ils resteraient pour dormir, promettant de revenir le sac plein de provisions scientifiques le lendemain soir au plus tard. Il se sentait tout émoustillé à l'idée de dormir à côté de Karm, car c'était finalement peu arrivé. Bien sûr, le jeune homme cacha cette sensation toute adolescente, honteuse à ses yeux.

- M'ennuyer? J'ai failli être étranglé par une plante à moitié animale, passé deux heures à la plage et pique-nique dans le sable, ensuite une excursion. C'est encore mieux que ces vacances auxquelles aspirent tant les civils.

Le Hapien pouffa de rire, se glissant dans son sac avec un soupir de reconnaissance. Bien qu'il était en forme, se maintenant via un entrainement aussi intensif que quotidien, le jeune homme n'avait pas précisément l'habitude de ce genre d'exercice.

- Fatigué? Un peu, mais c'est une bonne fatigue.

Contrairement à lorsque la pollution mentale s'infiltrait jusque dans ses os, formant des boules d'angoisse dans ses articulations, ou que ses narines se bouchaient à cause de la vraie pollution. Pour une fois que les courbatures de Luke n'étaient pas dû à des gestes répétitifs pour essayer de manier son sabre-laser ou le résultat d'un combat, il n'allait pas se plaindre, mais au fait...

- Il faudra que je m'habitude à utiliser ton sabre-laser.

Au début le blond avait été un peu surpris parce que Karm semblait garder son arme, puis il s'était vaguement rappelé de ce si ancien rituel auquel il ne s'était jamais intéressé avant. Sa mémoire avait surfé sur un souvenir ponctuel, tandis qu'il feuilletait un livre en braille sur les anciennes traditions Jedis. Il devrait donc conserver le sabre de son ami. C'était aussi flatteur qu'inquiétant pour quelqu'un qui n'était pas très doué au maniement de l'arme de prédilection des Jedis, mais cette fois, au lieu de penser négativement, il voyait ça comme un défi intéressant.

Inconsciemment, le jeune homme rapprocha son sac de celui de Karm, rampant et se tortillant un peu. Il se concentra un instant sur le "roû roû" des sondes qui montaient la garde en-dehors. Tâtonnant un peu mais s'y prenant évidemment mieux que n'importe qui plongé dans le noir le temps d'une nuit, le Jedi retrouva le visage de son compagnon sur lequel il passa une main tendre -après s'être battu pour la sortir de l'étroit sac qui lui offrait la mobilité d'une chenille ou presque.-

- Merci. Tout ça, je te le dois.

Souffla-t-il d'une voix un peu plus charmeuse qu'il ne l'aurait cru. Venant de lui c'était surprenant, tant et si bien qu'il arqua un sourcil dans le secret de l'obscurité. Mais après tout l'ambiance s'y prêtait, même les insectes chanteurs de cette planète.- il y avait toujours des insectes chanteurs et des étoiles.- et mirent à siffloter un petit air romantique sur fond naturel. Si Luke n'avait pas été Luke, il aurait sans doute osé inviter Karm à faire un tour dans son sac de couchage. Les nuits étaient légèrement froides en hauteur. Au lieu de ça donc, Luke étant Luke, il se contenta d'envoyer une onde chaleureuse, bercée d'une certaine sensualité à son ami, comme pour lui souhaiter bonne nuit... Ou le remercier... Ou l'inviter. À interpréter. Selon.
Karm Torr
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Occupé à balayer l’horizon avec ses jumelles, à la recherche de tout ce qui rassemblerait à une tanière un peu trop considérable, à une grotte qui servirait de refuges aux fauves, Karm répondit d’un ton léger à Luke :

— C’est clair, j’vas monter une agence de voyage pour que les gens viennent se faire étrangler par des ficus, ça aura trop du succès.

En réalité, il avait assez secouru pour le compte de la République des notables influents, adeptes du tourisme de l’extrême, sur des planètes hostiles pour savoir qu’une pareille formule aurait trouvé sa clientèle. Satisfaisait de son examen, le jeune homme rangea ses jumelles, quitta ses chaussures et se faufila à son tour sous la table.

Pour lui, c’était presque comme une seconde maison et, souvent, il se sentait plus à l’aise dans cette espace exigu que dans sa chambre. D’ordinaire, il y était seul et il menait là une vie dont les détails n’apparaissaient pas dans les rapports mais lui étaient précieux : c’était les aspects insignifiants du quotidien d’un explorateur, sans intérêt pour ses lecteurs, mais familiers et réconfortants. Les sondes, l’odeur de la toile neuve, le bruit du sac de couchage qu’on déroulait.

Il ôta son pantalon et son tee-shirt et les replia soigneusement avant d’ouvrir complètement son sac de couchage pour s’en servir comme d’une couverture. Il n’aimait pas rentrer à l’intérieur, parce qu’il avait rapidement appris, après quelques déboires, qu’il valait mieux être prêt à bondir hors de la tente, sans être entravé. Bien sûr, cette précaution était probablement inutile, ce soir-là, mais les habitudes avaient la vie dure.

Une fois installé, il poussa un soupir de satisfaction, prêt à s’endormir, après toute cette fatigue accumulée, mais la voix de Luke, ses remerciements, les gigotements de l’Hapien dans le sac de couchage à côté de lui, et les impressions que le jeune homme lui communiqua à travers la Force éveillèrent immanquablement d’autres idées dans son esprit de garçon dans la force de l’âge. Il tourna la tête vers Luke, même s’il ne le voyait pas vraiment.

— J’suis heureux de pouvoir partager mon monde avec toi.

La présence de Luke éclairait tout. L’Hapien lui avait beaucoup appris, objectivement, et il l’avait aussi motivé à se plonger plus profondément dans la Force, à considérer des aspects nouveaux de l’Ordre, à devenir un meilleur Jedi. Mais il lui avait aussi permis de tourner la page d’une jeunesse difficile et violente, et de trouver une quiétude précieuse.

— T’sais, y a une précaution d’explorateur, commença à murmurer Karm d’un ton un petit petit peu prédateur peut-être, c’est de pas s’enfermer dans son sac. On sait jamais. ‘Tends.

Dans l’obscurité de la tente, il tâtonna pour trouver la fermeture de celui de Luke et le descendit complètement, avant d’y glisser une main pour attirer l’Hapien tout contre lui. De l’autre, il étendit le sac au-dessus d’eux, de sorte que les deux composaient une espèce de couverture improvisée.

— Comme ça, tu vois, poursuivit Karm qui gardait Luke tout contre lui, Si quelque chose arrive, on est prêts à surgir au dehors.

Et c’était vrai — même si techniquement, Luke n’était sans doute pas la personne la plus indiquée pour parer soudainement à un danger imprévu. D’ailleurs, ce n’était pas vraiment à des dispositions martiales que les inflexions de Karm dans la Force faisaient penser mais bien plutôt à quelque chose des sensations qu’ils avaient éprouvés ensemble en sondant la planète, près de la rivière : les sens s’éveillaient, sauf la vue, pour se laisser pénétrer par la vie et ses impressions diverses.

Le souffle de Karm caressait les lèvres de Luke et il sentait l’Hapien dans son esprit, comme sous ses doigts. Il sentait cette Force vivante dont parlaient certains Maîtres du Temple. Il se souvenait d’un exposé qui lui avait fait vive impression, quand il n’avait été qu’un Novice, où un Maître Zeltron avait parlé de la Force comme le sel de toute vie, comme ce qui donnait son goût et son sens aux existences incarnées. À l’époque déjà, quoique confusément, il avait senti beaucoup de cela en lui : la voie des corps, le chemin qui passait par les gestes, par le toucher, par la nature foisonnante, plutôt que par la solitude abstraite des méditations sans objet.

Il avait appris plus avec Luke qu’avec n’importe quel holocron. Quand il y pensait à tête froide, il se disait bien que c’était une expérience qui lui était propre et qu’il ne pouvait pas en tirer des conclusions générales. D’autres auraient sans doute vécu cette passion très différemment. Ils n’y auraient pas trouvé la même illumination mystique. Mais pour Karm, le corps de son ami était à la fois un plaisir immédiat et une source de révélations.

Il roula sur le dos, attirant Luke au-dessus de lui. Il aurait voulu se débarrasser très vite de la barrière de leurs derniers vêtements, pour sentir leurs peaux se presser l’une contre l’autre, et leur chaleur se communiquer l’une à l’autre, mais il craignait d’effaroucher son ami.
Luke Kayan
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Il aurait dû s’en douter. En fait, peut-être que c’était ce qu’il recherchait. Sûrement. C’était donc une réussite pour Luke, timide, d’être parvenu à appeler son ami de la sorte, à invoquer cet autre lien, au-delà des missions ou de l’apprentissage, qui les unissait. Pour autant, les Jedis n’en abusaient guère, car malgré de fréquents, courts, et superficiels rapprochements, ce serait la seconde fois qu’ils s’uniraient. Si personne ou n’importe quoi ne venaient pas les couper. Encore. Non sans un sourire accompagné d’un léger rougissement discret, à la faveur de la nuit, le Hapien se souvint du comlink de Karm qui pérorait sans cesse « Sénat, Sénat, Sénat » à un moment crucial de leurs caresses. Il s’enfonça dans son sac et gigota, gêné par l’évocation de sa propre mémoire. Un nouveau rire, plus audible, émana de ses lèvres, certes un peu étouffé par la couverture : son compagnon le prévenait des dangers de l’enroulement intempestif dans le sac de couchage.

- On ne sait jamais si... un Chevalier décide de s'introduire dans votre lit en pleine nuit, par exemple !

S’esclaffa le jeune homme, redevenu enfant pour le coup- l’innocence en moins. Quoique, sur le fait, sa remarque avait été des plus ingénues, dénuée de tout sentiment autre que l’amusement.- Sa bouche se sécha lorsque Karm le fit voler jusqu'à lui, retirant tous les repères terriens qu'avait à peu près Luke. Il se détendit rapidement une fois la surprise passée, conscient de qui le tenait, en totale confiance. N'avait-il pas cherché à provoquer cette situation, après tout? Pas encore tout à fait disposé à le reconnaître, le blond se contenta de savourer le rapprochement chaste. Il se laissa glisser contre la poitrine du chevalier, heureusement léger. Le tissu lui paraissait plus suave, comme si la Force l'avait changé en soie. Il remonta ses doigts jusqu'aux joues de Karm. La même soie. Un moment, le Hapien resta ainsi, à écouter les battements du coeur de l'être chéri. Eurythmie totale.

Puis, ce fut lui qui commença, pour une fois, en faisant glisser la chemise de l'explorateur par le bas, via la Force. Très lentement, sans qu'une main ne consente à la toucher. Juste via la Force, comme un jeu, invitant son ami à aider en ce sens ou à contredire l'onde maligne.

- J'en viendrais presque à regretter que le vaisseau fonctionne bien. Pour partir demain, je veux dire.

Un petit rire s'ensuivit, et à nouveau le silence. Luke tendit l'oreille, cherchant à percevoir les bruits au-delà du ronronnement des sondes. Il croirait presque voir, oui voir, une ombre dans sa nuit, se détacher pour venir les attaquer. C'était toujours quand les deux Jedis se rapprochaient que quelque chose de néfaste arrivait. Parfois, le Hapien songeait que c'était un message de la Force, les incitant à se séparer, car ils brisaient son harmonie immatérielle, sa signification mystique. Pourtant, leurs rapprochements mentaux étaient si nombreux qu'elle aurait déjà eu l'occasion de les faire fléchir. Ce devait donc plus être le hasard que la volonté de la Force qui brisaient leurs moments les plus... Instinctifs? Pour le reste, la Force participait même de bonne grâce à leurs jeux d'auras entremêlées. Et si Karm avait raison, à propos de cette puissance vive, y compris sensuelle?

Le jeune Jedi se hissa à hauteur du chevalier, quittant sa poitrine pour atteindre ses lèvres et l'embrasser profondément. Il se sentait mieux que dans la chambre, pour leur première fois, bien que celle-ci demeurerait gravée dans sa mémoire, avec ses propres images, à sa manière indescriptible de voir, ressentir les choses. Aujourd'hui entourés de la nature, cruelle, belle, essentielle, ils se fondaient parfaitement dans un décor aussi exotique que modeste. Étaient-ils, à l'instar de cette plante-animal, le résultat d'une symbiose?

De temps à autre, Luke se demandait s'il n'abusait pas, s'il n'allait pas tout perdre en souhaitant conserver sa place dans l'Ordre et sa relation avec Karm. Avait-il raison de continuer dans cette voie, au risque de faire souffrir son aîné? Était-ce vraiment ça l'Amour? La définition commune était la plus facile à gérer -quoiqu'il fusse timide.- chérir, cajoler, mais il y avait aussi ce fameux proverbe: "aimer l'autre, c'est parfois le laisser partir." Non, le Hapien n'y était pas prêt.

- Tu sais... Lorsque le Conseil me l'a demandé, l'autre fois, j'ai dit que oui, je pourrais abandonner ma relation. Avec toi... Non. Inutile de se voiler des yeux, déjà bien trop voilés... Mais est-ce que tu as déjà songé à ce que nous ferions si... Tu comprends? Tu me suivrais?

Il espérait autant un "oui" qu'un "non". Son coeur votait pour le premier, la raison pour le second. Karm avait sa propre fragilité, Luke ne le voyait pas supporter la vie sans l'Ordre qui structurait parfaitement son quotidien... Ni lui par ailleurs. Leur couple, précisément coupable de la déchirure avec leurs idéaux pourrait-il, lui, survivre? Dramatique? Oui, le blond avait tendance à l'être en ce qui concernait le temple. Il était déjà conscient de la chance d'avoir été nommé chevalier alors qu'il avait avoué sa première relation. En un sens, le Hapien était reconnaissant au Conseil d'avoir eu pitié de sa personne. Il avait donc peur de les décevoir une nouvelle fois, sachant en plus que sa réponse serait aussi inamovible que traîtresse. Non, il ne délaisserait pas l'explorateur pour l'Ordre. Si seulement combiner les deux était possible. C'était là son seul désir, son meilleur équilibre. Saï saisirait-il? Sans son vieux Maître, Luke aussi avait l'impression de mourir à petit feu. Un attachement aussi délicat, aussi dangereux mais plutôt bien accepté, tacitement toujours. En serait-il de même lorsque l'on finirait par découvrir leur secret, à Karm et à lui?
Karm Torr
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La nuit n’était plus fraîche et Karm était déjà transi de désir. Quand Luke avait commencé à le déshabiller, même sans le toucher, il avait senti tout son corps se réveiller, il avait senti la Force affluer en lui, comme toujours. C’était comme ça, à chaque fois. À chaque fois que son corps se rapprochait de celui de son ami, il avait l’impression que tous les midichloriens se mettaient à carillonner sous sa peau, que tout était plus clair, plus pur, plus noble.

Profondément mystique, Karm était persuadé que sa passion pour Luke, y compris dans ce qu’elle avait de plus physique, était la source de précieuses illuminations spirituelles. La Force était la vie, la vie naissait du désir, de l’accouplement bien sûr, mais aussi de la tendresse de deux hommes qui adoptaient et élevaient un enfant, de l’amour de deux femmes qui cultivaient une existence commune. La Force était union.

Dans leur baiser, il renversa Luke sur le dos pour passer au-dessus de lui. Son corps était désormais pressé contre celui de l’Hapien et Luke ne pouvait pas ignorer les signes de son désir très explicite.

— Je te suivrai jusqu’au bout de la Galaxie, souffla Karm contre les lèvres de son ami, avant d’embrasser son cou, et de descendre le long de son torse, qu’il découvrait petit à petit au passage. Et l’Ordre ne nous abandonnera pas, rajouta-t-il, contre le ventre de son ami.

Il se redressa à genoux, glissa une main sous les reins de Luke et l’incita à se redresser à son tour, en le tenant contre lui.

— L’Ordre, le Conseil et le Code Jedi, c’est trois choses différentes. Genre, liées, mais différentes. Le Code guide mais il doit être interprété. Parce que les lois sèches et immuables, c’est pas des lois adaptées à la vie. Il faut s’approprier le Code pour bien le comprendre. Pas le répéter comme un écolier. L’Ordre, c’est la fraternité qui unit les Jedis. Y a des gens dans l’Ordre qu’on voit jamais dans les temples, qui répondent presque jamais aux directives ou aux appels du Conseil, mais qui restent des Jedis, mais qu’ils continuent à vivre selon le Code et à cultiver la fraternité. Et le Conseil, c’est l’esprit qui anime la confrérie. Il est pas infaillible, il est pas omniscient, ce serait contraire au Code et à la fraternité de considérer d’un côté que le Conseil peut tout savoir et toujours bien décidé, et de l’autre qu’il peut régler la vie des Jedis.

C’était un avis très personnel, sans doute bien peu orthodoxe mais qui pourtant n’était pas strictement hérétique. La pensée de Karm sur l’Ordre était d’une grande complexité théologique et ecclésiologique, fruit de longues années de réflexion, quand le jeune Padawan puis le Chevalier ne s’était pas senti tout à fait à sa place. Contrairement aux Chevaliers qui suivaient une voix toute tracée et n’avaient pas à se pencher sur les raisons profondes de l’engagement, Karm s’était approprié véritablement son existence.

— Si le Conseil nous demande de nous séparer, nous lui expliquerons nos raisons. Si le Conseil est hermétique à nos raisons, nous serons patients. Mais nous accomplissons nos missions, nous progressons dans notre connaissance de la Force, nous ne sommes pas guettés par le Côté Obscur : notre allégeance au Code et à l’Ordre est intacte, et c’est ce qui importe.

Dans l’obscurité de la tente, Karm se rallongea sur le dos, entraina Luke à cheval au-dessus de lui. Son étreinte se resserra, pour bien garder le blond tout contre lui.

— Réfléchis pas tant. Fais confiance à la Force. Fais confiance à ce que tu ressens. Fais le vide dans ton esprit. Inspire. Expire. Encore.

Karm laissait ses mains courir le long du dos de Luke, parfois jusqu’à l’intérieur de son sous-vêtement, avant de remonter lentement, dans une caresse qui était alternativement chaste et provocante.

— Sens comme on est unis dans la Force… sens comme on est meilleurs ensemble… concentre toi sur ton désir, mon désir… Pas abstraitement… Sur nos corps, vraiment… Sur ce qui fait de nous des enfants de la nature, de la Force vivante, sur nos muscles, notre peau, nos semences, notre sang, notre respiration, nos sexes, comme toutes les plantes, tous les animaux, toute la planète que tu as senti près de la rivière. C’est à ça qu’on appartient. C’est ça le sens de notre désir. Un désir de l’esprit et un désir de la chair. C’est c’qu’il y a de plus fondamental dans l’univers. C’est par là que la Force vient, par là que les planètes vives. C’est pas le Côté Obscur, le Côté Obscur c’est l’inverse de ça. J’ai envie que tu viennes à l’intérieur de moi.

Pour le mystique Karm, sa dernière phrase était dans la droite ligne de tout le reste. Il comprenait enfin les cérémonies d’union rituelle qu’il avait observé de loin, au cours de ses explorations, chez des tribus pré-modernes, où les corps s’unissaient au rythme des instruments, à la lueur des flambeaux, et où il avait senti la Force s’agiter, sans très bien en saisir les implications. Il voulait accueillir Luke en lui, parce qu’à travers Luke, c’était une myriade d’aspects de la Force jusque là à lui inaccessible qu’il découvrait.
Luke Kayan
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Hj: désolée une partie a été rédigé sur téléphone. Je trouve ça moyen...

Karm manipulait-il les mots et les concepts? Ou croyait-il réellement en sa vision idéale du code, où ce qu'ils faisaient n'étaient plus seulement acceptable sinon bien? En cet instant, Luke douta. Il était difficile de remettre en cause tout ce à quoi il croyait, ces règles rigides qui l'avaient protégé puis nargué lorsqu'ils s'étaient détournées d'elles pour convoler avec Jason. Le jeune homme se laissa renverser sur le dos, habitué à ce que ça aussi, ça se passe ainsi. Il n'avait jamais éprouvé le besoin de prouver sa "masculinité" et avait rapidement trouvé sa place, si l'on peut dire que 3 ou 4 fois dans une vie suffisait à "vite" établir un schéma. Oui, définitivement, il faisait partie de ce petit groupe de rigides que beaucoup détestaient. Malgré son intelligence tout de même élevée, Luke n'avait jamais pris la peine de remettre en question quoique ce soit, il suivait ce que le Conseil pensait bon. D'ailleurs à ses yeux, leurs pensées étaient des ordres. En bon petit aveugle il avait toujours emprunté les chemins rassurante, connus, étudiés auparavant. Il n'avait jamais eu besoin de discernement jusqu'à aujourd'hui. Difficile d'accepter de lui faire une place dans sa vie, mais Luke aimait. Et l'une de belles conséquences de ce doux crime était la discussion à cœur ouvert, la capacité à guider de la part du premier, celle de de laisser guider pour le second.

- Il y a pourtant de si nombreux exemples... Des couples portés par leur amour, puis détruits par leur haine.

Bien sûr, du moment que tout se passait à merveille entre Karm et lui, tous deux étaient meilleurs. Ils se complétaient, se soutenaient et accomplissaient leurs missions avec plus ou moins de brio, mais dans une entente parfaite. Nul besoin de parler parfois, ils se comprenaient via la Force, aussi liés qu'un maître et son Padawan. Mais il y avait un facteur dangereux, celui de la dispute, lequel pouvait découler de nombreuses choses, la perte de cette passion soit- disant contrôlable, l'ennui, la déception aussi, comme celle qu'avait connu le Hapien.

- J'ai cru mourir lorsque j'ai découvert que Jason était impliqué dans des affaires de fraudes et peut-être de meurtres. Je ne sais pas si j'aurais pu plonger du côté Obscur mais en tout cas, je n'en étais guère loin.

Estima l'un des êtres les plus convaincus par la lumière qui soit, fidèle soldat et fils de la Force blanche. Il était à cette époque, tombé relativement bas, suffisamment pour mettre dans vergogne sa vie en danger, lors de missions périlleuses. Couplée à son échec sur Makem Te, cette défaite avait littéralement brisé Luke. Plus encore que la séparation, ça avait été de devoir faire le choix de dénoncer Jason, d'entrer en conflit avec ses intérêts personnels selon le terme juridique. Heureusement, le Hapien savait avoir bien réagi désormais, cependant, ce dilemne pourrait-il un jour se reproduire?

- S'il se passe quelque chose en mission... Tu le sais... Nous sommes sensés privilégier le travail.

La voix du jeune homme s'étrangla. Il n'avait pas exactement agi de la sorte dans la cité aux deux Soleils, courant pour essayer de sauver Karm au lieu d'attendre gentiment les autorités. La mission ayant bien terminé, l'officiel chargé des opérations avait daigné ne rien mentionner, de mauvaise grâce vu son goût peu prononcé pour les Jedis.

De nouveau renversé, comme une situation de mission tranquille pourrait l'être, Luke s'étonna. Il ne se sentait pas très à l'aise, au-dessus de Karm. Le froid d'une peur toute adolescente faisait frissonner davantage son échine que la nuit à la merci du vent. Les paroles de son ami l'électrisèrent autant qu'elle le préoccupèrent. Se laisser porter par la Force... Lui faire confiance? Mais avant cela, ne fallait-il pas étudier de longues années? Un manque de maîtrise pouvait se révéler dangereux, voir mortel pour l'utilisateur ou ceux de son entourage. Comme le blond aimerait être capable de cette spontanéité dont faisait preuve l'explorateur. Cette capacité d'appréhender aussi postivivement une planète nouvette. Leurs différences se voyaient précisément dans ce genre de détail intime. Luke était beaucoup plus tendu que son camarade, à l'idée de transgresser une règle pourtant non imposée, sinon tacite, émanant de l'habitude, entre eux.

- Je ne sais pas si c'est une bonne idée... On ne fait pas ça d'habitude-Commença-t-il, employant une formule un peu maladroite mais évocatrice pour parler d'une chose qu'ils avaient pourtant seulement fait une fois.- Je ne sais pas si je saurais...

Murmura-t-il, partagé entre le désir de réussir le "test", l'examen et celui de reculer afin de ne pas tout gâcher. Bien entendu, difficile de savoir si le chevalier parlait de sa relation purement physique avec son compagnon ou "faire confiance à la Force" et adopter la vision si particulière, décontractée songeait-il de son ami. Soudain agacé par la carapace que formait ses doutes, le jeune homme relâcha ses épaules pour resserrer sa prise sur Karm, plaquant ses deux jambes contre la ceinture de ce dernier, puis descendant un peu plus bas. Juste assez pour être à niveau.

- Je vais essayer.

Décida-t-il en commençant à écrire ses nouvelles normes. Ces dernières déclamant prudence, il était très doux dans ses gestes, involontairement frustrant peut-être. Sa main exerça des cercles sur la peau tendre de l'intérieur de la cuisse de Karm. Il le titillait, s'éloignant cruellement puis se rapprochant. Le but était de retarder un peu ce moment inquiétant, mais aussi de faire languir son ami. Comme pour tout ce qu'il entreprenait, Luke était presque exagérément soigneux. Pour lui tout était apprentissage. S'il l'avait pu et n'aurait pas eu trop honte pour cela il aurait sans doute pris des notes, alors qu'il avait conseillé à Karm de se laisser aller la première fois. Fine équipe.

-Tu en es sûr ?

Si l'acte était intime pour un homme et une femme, ça l'était davantage encore pour deux hommes. Luke ne voulait pas faire une erreur.
Karm Torr
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— Y a des couples qui se détestent, au bout du compte, mais c’est pas des couples de Jedis. On est pas ensemble, et par ailleurs des Jedis. C’est pas deux trucs parallèles. On est ensemble avec ce qu’on a de plus profonds, on est ensemble parce que on est des Jedis. On s’est connus dans la Force avant même de beaucoup se parler. On s’est connus au cours d’une mission. Moi, c’est ça que je veux dire.

Pour la seconde fois de sa vie, Karm éprouvait le besoin d’écrire un traité. La première fois, elle avait été quand il était devenu las d’expliquer son amour des arts martiaux à des Consulaires. Il s’était lancé dans l’écriture d’un traité sur le combat jedi comme voie philosophique. Comme découverte existentielle. Comme manière de communier avec la Force. Pour lui, dont les rapports étaient laconiques et confus, ce n’était pas un exercice très facile mais, depuis, il arrivait à mieux s’expliquer sur le sujet.

Désormais, il avait envie d’écrire un traité sur l’amour et le sexe. Sur la Force vitale et la communion avec l’autre. Sur la nature et la participation à ses mouvements. Est-ce que c’était ça, la maturité ? La capacité à tirer de son expérience personnelle, ses intuitions les plus profondes, des théories abstraites qui puissent ensuite servir aux autres ? Plus le corps de Luke pressait contre le sien, plus Karm était convaincu d’avoir raison. Il éprouvait une sorte de certitude sereine qui se mêlait à son excitation de plus en plus explicite.

Ses cuisses s’écartèrent un peu pour inviter Luke.

— Bien sûr que tu sauras.

Et pour être honnête, Karm s’était retenu de dire simplement « prends moi ». Luke était fragile, efféminé peut-être, mais pour un Ark-Ni, tout cela était sans importance. Les genres, les sexes mêmes, étaient dans la culture de Karm des éléments presque négligeables. Luke aurait pu se costumer constamment en femme quand Karm n’aurait pas eu moins envie de le sentir en lui, pour le comprendre plus parfaitement.

Les caresses de son compagnon, même timides, ne firent rien pour diminuer son désir.

— N’aie pas peur. Luke. Écoute moi.

Il ne voulait pas forcément parler de ses mots mais plutôt de la Force qui venait d’envelopper l’Hapien, une Force que Karm laissa exprimer sans détour son désir et sa confiance, ses certitudes quasi inébranlables, bien différentes des doutes qui agitaient le Consulaire. Karm était le Padawan que sa Maître avait battu et qui, imperturbable, était resté au sein de l’Ordre. Le Chevalier qu’on avait interrogé pendant dix jours et qui était resté. L’homme qu’on avait torturé et qui n’en avait pas perdu une seconde de sommeil.

L’Ark-Ni ne s’en rendait pas vraiment mais, si son corps encaissait mal les coups, son esprit affrontait les épreuves avec une sorte de foi mystique qui le préservait de bien des tourments. Il croyait en la Force, profondément, et c’était cette certitude qui se propageait désormais dans l’esprit de Luke. Karm se cambra et, d’une main assurée, il guida son ami en lui. C’était finalement lui qui avait encore pris l’initiative mais peu lui importait. Il le sentait enfin, le corps de Luke mêlé au sien, comme leurs esprits, comme leurs âmes, comme la Force.

L’inévitable douleur fut bien vite balayée par une onde curative et Karm puisa dans la Force pour s’assurer de sa résistance. Il attira Luke tout contre lui, le serrant entre ses cuisses pour être sûr qu’il ne se dégage pas, et murmura à son oreille :

— Sens la vie tout autour de nous. La planète. Sens la vie qui passe à travers nous. Le désir…

Cet exposé mystico-théologique de plus en plus sensualiste fut interrompu par un bruyant gémissement de plaisir. Pour la première fois, ils n’étaient pas au Temple, alors Karm ne chercha pas à le retenir. Personne ne risquait de les surprendre. Ils n’avaient aucune raison de se cacher.

— … le désir est notre révélation du monde… dans la Force à l’intérieur de nous et tout autour de nous… Abandonne toi à la Force… à moi… laisse aller ton plaisir… t’as pas besoin d’être viril, ou habile, ou expérimenté… t’as juste besoin de croire en la Force… C’est elle qui nous a uni.
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