Luke Kayan
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[HJ: Pardon, c'est un peu creux mais je ne voulais pas te jouer, et puis comme ils s’apprêtent à faire dodo drunken Si tu veux jouer le lendemain! ]

Un long frisson parcourut l'échine de Luke, et ce dernier, s'il avait une tendance naïve, n'était toutefois pas suffisamment dupe pour l'attribuer aux soins. Le jeune hommes ferma les yeux hermétiquement, il ne pouvait pas, ne devait pas, ne voulait pas.

- Merci.

C'est tout ce que le blond arriva à articuler, mais un merci sincère, qui disait plus que ce qu'il aurait peut-être du transmettre. Ce passage douloureux de sa vie n'allait pas s'apaiser aussi facilement, cependant, aujourd'hui, le monstre de la culpabilité avait accepté de se coucher dans le fond de sa poitrine pour se reposer. Les mots étonnamment sages de son aîné, souligné par le langage si naturel de Karm. Être la cause sans être le responsable, jamais le Hapien n'avait vu les choses sous cet angle. Évidemment, quand on est aveugle, difficile de voir un angle, quelqu'il soit. Or Luke l'était et bien au-delà du handicap physique. Encore perclus par son passé, victime de profondes courbatures qui lui faisaient ployer son échine, son moral et sa confiance en soi, il fut sincèrement surpris d'entendre les compliments de son vis-à-vis. Ceux-ci, couplés à la main chaude posée sur son épaule firent grandir ce désir naissant que le jeune homme trouvait de plus en plus familier, et inconnu à la fois.

Sa relation avec Jason n'avait pas été réfléchie au début. Il s'était laissé surprendre par les circonstances avant de regretter. Ensuite, après cette rencontre "éclair", il y avait eu des messages, du temps laissé, des rires, tout s'était fait de façon diffuse, Luke avait aimé un idéal plus qu'un homme. Pourtant, y compris au zénith de leur relation finalement, assez lointaine-il se voyait vraiment environ 5 ou 6 fois dans l'année.- quelque chose manquait: La Force. Présentement, le Hapien pouvait la lire, la voir, oui la voir danser. Ce n'était probablement pas de l'Amour. En une journée, ce serait stupide de croire à un coup de foudre, mais il y avait un lien, une attirance physique et mentale, indéniablement.

Canon? Luke rougit, il se rappela de l'expression in-extremis. C'était une façon de dire "beau" qu'avaient les jeunes d'aujourd'hui. Le Hapien, éloigné de cette notion, quelque soit le type de langage peinait à concevoir l'idée. Toutefois le compliment, soulignée par une superbe maladresse, le toucha, et inconsciemment, il croisa ses mains sur sa poitrine, comme pour la cacher. Il ne voulait pas mettre Karm plus mal à l'aise.

- Désolé.

Comment faisait-on pour ne plus être un gêneur, pour ne plus être un "canon" qui détournait autrui de son chemin? Dire que le blond faisait tout pour sembler décent. Une tunique toujours correctement portée, ample, qui cachait ses formes, des cheveux coulant sur ses épaules le plus simplement du monde, ou retenus en une modeste demi-queue de cheval. Il avait parfois l'impression que cette beauté à laquelle il ne saisissait rien et qu'on lui attribuait était un crime. Un crime pour lequel il s'excusait en rougissant de plus belle d'ailleurs. Mais que valait ses excuses si c'était pour renchérir, avec une expression aussi décalée que charmante.- à cause de son décalage justement.-

- Toi aussi, tu l'es, canon: Tes paroles sont si sages, si belles.

Admira le jeune homme, persuadé que des mots "canons" étaient, eux au moins, pardonnables. Car il n'y avait rien de plus pur que la philosophie, surtout mâtinée de poésie. Or Karm la possédait, cette poésie qui mâchait les syllabes, sautait allègrement des négations. Luke rit en repensant à ses paroles d'ailleurs, surpris par sa propre réaction. "Somnifère", l’appellation était amusante entre ses lèvres et vu leur situation.

- Allez, assez de fleurs. Il faut bien qu'on se repose.

Luke avait failli tout balancer, tout révéler, du moins poser des mots sur ce qui était évident. Une attirance dont il ne saisissait pas encore bien l'ampleur. Elle pouvait être éclair ou naissante, peu importe. Pour autant en parler lui avait semblé aussi indécent qu'inutile. Il pouvait résister, il était un Chevalier Jedi. Pas un amoureux du vice. Non pas un vice, une union magnifique, réservée à d'autres néanmoins, des civils ou des Jedis plus forts, suffisamment pour y avoir le droit.

Le jeune homme se redressa pour se diriger vers le lit, un peu plus maladroitement que prévu, il tâtonna et trouva finalement le lit, il s'assit.

- Je suis content d’être là avec toi. Enfin... Ce qui s'est passé est terrible et nous ne sommes pas encore sortis d'affaires, mais... Je suis soulagé d'y être coincé avec toi.

Aussi adroit que Karm. Aussi charmant, peut-être pas. Luke s'allongea et ferma les yeux, cherchant le sommeil tout en tendant l'oreille au cas où si l'Ark-Ni utilisait encore les mots de sa façon si particulière.
Karm Torr
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— Ouais, se crasher dans une jungle hutt avec moi, c’est définitivement dans l’top 3 des trucs à faire au moins une fois dans sa vie, ironisa le Jedi d’un ton léger.

Il s’était installé sur l’autre lit médicalisé de l’infirmerie, presque neuf : un détail qui aurait pu être glaçant s’il y avait réfléchi, parce qu’il suggérait que les convalescents n’étaient jamais restés assez longtemps là pour être convenablement soignés. Mais Karm ne pensait pas à ça. La tête tournée sur l’oreiller, il observait Luke, avec un mélange de tristesse, de désir et de fascination. C’était une mauvaise idée. Probablement une très mauvaise idée.

D’un autre côté, Luke le trouvait « canon ». Est-ce qu’il était « canon » ? Objectivement ? Subjectivement ? Est-ce que Luke avait dit ça pour être poli ? Comment est-ce qu’on embrassait un garçon ? Est-ce que c’était mal de penser à embrasser un garçon ? Est-ce que Maître Don avait déjà embrassé quelqu’un ? Pourquoi les blasters…

Et ainsi de suite.

Le jeune homme finit malgré tout par fermer les yeux, tourna la tête dans l’autre sens, inspirer profondément et s’enfoncer petit à petit dans une méditation curative qui se transformerait d’elle-même en sommeil. Il avait appris à chasser bien des émotions pour trouver la quiétude d’esprit grâce à laquelle les Jedis le plus souvent laissaient s’exprimer les pouvoirs que leur conférait la Force : la colère, la douleur, l’inquiétude, il avait l’habitude les chasser. Ce jour-là, sur Vonghaï, la lune abandonnée qu’il partageait avec Luke, l’exercice était plus compliqué.

Il y parvint néanmoins et enfin, la nuit les enveloppa, mais pas tout à fait : la géante gazeuse trop proche réfléchissait encore les rayons d’un soleil toujours ardent et le ciel de Vonghaï n’était jamais obscur. Les heures passèrent pour Karm dans un sommeil sans rêve, un sommeil inhumain à bien des égards, qui devait beaucoup à la Force et, le lendemain, matin après-midi ou soir, lorsque l’Ark-Ni rouvrit les yeux, il sentit que sa douleur et ses blessures avaient été considérablement amoindries.

Assis sur le bord du lit, il tenta sans trop d’espoir de discipliner ses cheveux argentés en bataille, en considérant Luke un peu plus posément que la veille. Peut-être que les brumes d’un sommeil qui achevaient de se dissiper lui permirent de ne pas se poser trop de questions. En tout cas, il profita de la beauté du Chevalier et c’était la première fois peut-être de sa vie qu’il observait un sujet de son désir sans le faire à la dérobée et sans avoir l’impression de voler quelque chose qui ne lui serait jamais destiné.

— Salut, finit-il par murmurer, quand son comparse s’agita. J’vais préparer un p’tit dej sans saveur, on change les pansements et roulez jeunesse.

Karm descendit de son lit pour exécuter ce programme de rêve et, après une rapide collation, ils gagnèrent enfin les entrepôts pour examiner les vaisseaux. Il y avait une petite navette d’exploration proche, le genre d’engin dont on se servait en général pour les patrouilles planétaires ou, le cas échéant, pour examiner des installations en orbite. Elle était en excellente état, ce qui n’était pas le cas de la corvette qui la jouxtait et qui tenait plus de la carcasse que du vaisseau.

— OK. Si tu peux essayer de réactiver un ou deux mécadroïdes avec les codes qu’on a récupéré chez le Twi’lek, j’vais voir ce que la corvette a à l’intérieur du ventre.

Sans réfléchir, Karm termina sa phrase en effleurant du bout des doigts le dos de la main de Luke, avant de gagner la corvette, déjà hanté par son propre geste. Il fallut toute sa passion naturelle d’Ark-Ni pour la mécanique spatiale pour ne pas laisser son esprit être envahi par l’idée de la main de Luke, et de sa main sur la main de Luke, et peut-être aussi de la main de Luke ailleurs que sur sa main à lui.

Pendant une heure, il demeura dans le vaisseau, dont s’échappaient des clings et des clongs. Sans comlink, il ne pouvait pas vraiment parler à son compagnon d’infortune mais il n’était pas rare qu’une onde de Force quitta la corvette pour effleurer le Consulaire et s’assurer qu’il était toujours là, qu’il allait toujours bien et qu’ils étaient toujours ensemble.

L’heure écoulée, Karm émergea du vaisseau, le torse nu couvert d’huile de moteur et la chevelure en état de rébellion ouverte.

— C’était trop cool, lança-t-il d’un ton guilleret avant de se reprendre plus sérieusement. ’Fin, non, ça craint, ça craint totalement. Faudra changer toute la carlingue, les stabilisateurs sont HS, si le système de navigation a jamais existé, quelqu’un l’a embarqué en partant, ce truc est une épave complète.

Mais qui voudrait d’un vaisseau flambant neuf impossible à bricoler ?

— Mais l’hyperdrive est très solide et j’pense parfaitement fonctionnel. La navette de proximité, là-bas, elle a pas d’hyperdrive, mais on démonte l’HD de la corvette, on le branche sur la navette, on ajuste un peu les protocoles de navigation, et voilà. ‘Fin, nan, faudra rajouter des plaques de protection temporaire sur la carlingue de la navette, du genre qui vont se désintégrer dans l’accélération en hyperespace, pour éviter de se faire pulvériser, mais à part ça, c’est tranquille.

C’était une manière typiquement ark-ni de considérer la situation et il fallait être né au milieu de semblables montages improbables pour être vraiment convaincu qu’on n’allait pas mourir avant même d’avoir quitté l’orbite. Cela dit, le bricolage de vaisseau, c’était, après les combats, l’un des rares domaines où Karm semblait très sûr de lui.

— On peut prendre les plaques de protection sur la couverture extérieure du hangar mais on est pas dans un chantier naval, les grues de déchargement sont pas adaptées pour ça. Va falloir qu’on s’y mette à deux pour les bouger par télékinésie et que les mécadroïdes fassent la soudure pendant qu’on les stabilise.

Ce qui impliquait certes que les deux Jedis se concentrent de concert, partagent leurs perceptions de la Force et œuvrent en commun, dans une union intime de leurs pouvoirs pour le moins exceptionnelle. Mais enfin, ils avaient tout le temps devant eux de se perfectionner.

— Ça t’semble jouable ?
Luke Kayan
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Il le savait, ou du moins le pressentait.

Au-dessus de son lit, un souffle faisait frétiller un cheveux, un seul, qui chatouillait son visage. Pourtant, Luke gardait les yeux clos, encore plongé dans un demi-sommeil, duquel il peinait à émerger, d'ordinaire ce n'était pas un grand dormeur, toutefois il était éprouvé par les événements de la veille- le crash mais aussi un tourbillon d'émotions imprévues du nom de Karm.- le jeune homme hésitait encore: était-il en train de se réveiller ou en plein rêve? Cette aura si proche, qui poussait son cheveu à le torturer à coup de chatouilles sur le bout du nez, à quel monde appartenait-elle?

Luke finit par se décider et ouvrit les paupières, inutilement bien sûr. La voix de son camarade l'avait guidé vers la réponse: il faisait jour, du moins métaphoriquement parlant. C'était l'heure de travailler pour s'en sortir, vu qu'effectivement, ils étaient toujours sur cette planète déserte. À cette heure, ils auraient déjà dû s’être réunis au moins une fois avec le gouvernement Ark-Ni la veille et avoir passé une nuit chez eux. Luke aurait aimé savoir ce que pensait leurs hôtes de leur absence, avaient-ils été mis au courant de l'explosion pure et simple du vaisseau? Ou le leur avait-on caché tout en se précipitant pour envoyer d'autres parlementaires? Évidemment, convaincre quelqu'un d'accepter une flotte Républicaine, tout en avouant qu'une navette transportant des ambassadeurs avait été saboté, cela faisait un peu tâche. Personne n'aurait envie d'accepter de s'allier avec un peuple ayant de si sérieux problèmes de sécurité. Ce serait presque comme s'engager dans une guerre et attirer les attentats chez soi. Si l'information avait filtré, alors que tout le monde ignorait probablement s'ils étaient en vie ou morts, la mission pouvait avoir échoué avant d'avoir débuté. Simple ou pas, les Ark-Ni n'étaient pas un peuple stupide.

Pour l'instant, aussi frustrant que cela puisse être néanmoins, le Hapien devait se concentrer sur les directives de Karm. Il était content de ne pas avoir à prendre ce type de décisions, complètement dans le flou pour tout ce qui concernait les vaisseaux, les réparations ou l'informatique en général. Ses connaissances basiques lui permettaient de fouiner un appareil, de trouver des données mais guère plus. Après un petit déjeuner rapide-et sans saveur, donc.- les deux Jedis se mirent au travail. Pas une seule seconde, Luke songea à mentionner le fait qu'il avait probablement surpris Karm au-dessus de son lit, pas plus que l'idée lui avait étonnamment plu, ou du moins pas plus dérangé que ça.-

- Activation mecadroïde 2: 3506 BQX 942-H

L'ordinateur émis un petit crissement, peut-être contrarié à l'idée de chercher une fois de plus. La vérification était fastidieuse car Luke avait d'abord du trouver tout ce qui ressemblait à un code d'activation puis l'appliquer un peu au hasard. Le Jedi avait déjà réussi à en dénicher un premier afin de mettre en route un droïd. Malheureusement ce dernier en mauvais état avait refusé de bouger. Du coup, non seulement il devait chercher, mais aussi espérer que le droïd activé réponde. Non content d'avoir mal rangé ses codes- ou de l'avoir fait à sa manière pour rendre la tâche compliquée à n'importe qui d'autre.-le Twi´´Lek avait programmé différemment chaque mecadroïde. Soit les pirates étaient paranoïaques de nature, soit ils avaient des craintes fondées concernant une éventuelle taupe. S'il y en avait tout un nid, cela expliquerait que le groupe ait quitté l'endroit.

Entre deux essais, comme pour l'encourager, arrivant à chaque fois au bon moment-lors d'un petit coup de mou.- une onde secourable l'effleurait. Automatiquement, Luke répondait. Il avait rarement eu l'occasion de communiquer ainsi, avec quelqu'un qui parlait sa langue du silence. Même les Jedis avaient tendance à utiliser le langage pour s'exprimer, évoquer des idées plus complexes. En général, la Force était plus concises mais il était difficile de développer quoique ce soit à travers elle. Les émotions, de rares images, des sentiments signés par l'empreinte personnelle à chaque Jedi. Aussi surpris qu'heureux, sans se poser une seule question, Luke répondait, le plus naturellement du monde. La Force voyageait entre eux, les rassurant et leur tenant compagnie. Était-ce normal? Le Hapien ne s'en préoccupait guère pour une fois. Si la Force le leur permettait tout en restant lumineuse, il lui faisait confiance. Ce sentiment si agréable, diffus, ne saurait se départir de son innocence originelle.

- Mecadroïd GH- 003 activé. Fonctions optimales. Batteries 92%. Mecadroïd GH-007 activé. Fonctions en bon état. Batteries 50%. Branchement pour recharge. Temps estimé de recharge: 23 minutes 53 secondes.

La voix mécanique de l'ordinateur fut accompagnée d'un bip encourageant. Luke habituellement si peu expressif faillit pousser un petit cri de victoire. Heureusement il se retint et se dépêcha d'éplucher la liste des codes trouvés dans l'ordinateur. En fait, il avait simplement réuni toutes les suites de chiffres et de lettres correspondant au nombre entrant dans la case, puis les avaient un à un épelés. Du coup il avait sans le vouloir, activé la mémoire externe, un logiciel secret de plan d'attaque et... Un dossier caché d'images et d'holofilms pornographiques du Twi´´Lek qui avait des goûts bien particuliers, concernant des femmes de toutes races obèses. Le Hapien avait violemment rougi et mis plus de temps que voulu pour éteindre les gémissements ostentatoires d'une Rodienne et de son compagnon "Ohhh tu es tellement grasse, laisse-moi lécher chacun de tes bourrelets.". Une fois fait, c'était avec une certaine inquiétude qu'il avait cherché à découvrir les autres codes. Voilà pourquoi ceux-ci étaient si nombreux et si éparpillés, Monsieur le secrétaire avait bien des trésors informatiques personnels à cacher, en autre en tout cas.

Paradoxalement à ce que sous-entendait la constante communication avec Karm via la Force, Luke sursauta lorsqu'il entendit sa voix. Il n'avait pas deviné son approche, trop occupé à cliquer frénétiquement sur l'écran pour éteindre le film pornographique, cherchant désespérément la fameuse petite croix de fermeture au hasard. Il se demanda une seconde si l'Ark-Ni avait écouté l'horreur et à cette idée, dû se faire violence pour se concentrer sur ses mots au lieu de sa honte grandissante. même s'il était évident qu'il n'avait jamais eu l'intention d'accéder à ce dossier caché.-

- Notre ami ne s'ennuyait pas pendant ses heures de pause si j'en crois ce que j'ai découvert.
- Un sourire moqueur quoique gêné avait effleuré les lèvres du Jedi qui ignorait pourquoi il avait eu besoin de se justifier. Il leva la tête vers Karm, debout derrière lui. Une forte odeur d'huile pris ses narines. C'était assez écoeurant mais il n'en fit pas cas.- J'ai compris: vaisseau possiblement fonctionnel, bricolage de la carlingue, il faudra utiliser des Mecadroïds et la Force, que c'est difficile mais qu'on n'a pas le choix.

Avoua le jeune homme un peu impuissant. Toutes ces explications avaient beau être claires, elles s'entremêlaient à de vagues et anciennes sensations de toucher. La protection lourde et froide du vaisseau, la peau d'acier froissé de l'un d'entre eux abîmé au hangar, le vieux mécanicien qui avait offert l'Astromech au gamin qui essayait de l'aider tout en écoutant ses histoires. Autant dire que celui qui avait bien peiné à monter son sabre-laser n'avait aucune idée en machinerie, électricité ou énergie. Il ne saurait probablement pas saisir à l'oreille qu'un moteur déraillait, ni prédire une explosion, sauf si la Force l'en avisait. Bref, il allait falloir faire une confiance aveugle à son comparse. Heureusement ce point n'était pas un souci. Ils étaient deux collègues, ayant les mêmes idéologies de loyauté et d'amour du travail bien fait, sans compter... Ce lien naissant. Timide et fulgurant à la fois, mais mieux valait s'en tenir à l'assurance de s'être crashé avec un autre professionnel, un Chevalier Jedi bien formé. N'est-ce pas?

- Ça me paraît surtout, obligatoirement jouable, si nous ne voulons pas terminer notre vie ici.

Précisa le blond, dont la voix, si elle était un peu inquiète, ne raisonnait pourtant pas comme fataliste. C'était simplement un constat, brutal mais aussi en son sens, porteur d'espoir. Si on lui avait demandé de faire une démonstration d'Ataru au Temple, lui l'adepte de la défensive et sage forme 3 aurait paniqué d'avantage. Heureusement Karm lui demandait de faire appel à la Force, sa spécialité.

- On y va.

Luke se leva et se permit de s'étirer. Ils croisèrent la route du droïd GH 003 qui les rejoint sur place, près du vaisseau, l'autre bippa du fin fond de la salle pour indiquer qu'il restait 15 minutes avant le chargement complet.

Le travail de découpe terminé, le jeune homme se prépara mentalement. Il ferma les yeux et en appela à la Force. Au début, rien ne sembla se produire, son aura ressemblait juste à un point stable, un rond presque parfait qui flottait en faisant gentiment du sur place. Puis elle s'étendit en un fil doré, d'abord fin. Plus le Chevalier se concentrait, plus les particules se réunissaient autour de sa corde invisible, attirées comme des insectes par la lumière. En s'accolant, elles formèrent un sorte de gros "hamac" auquel il manquait toutefois un tressage pour le renforcer. Il fallait tisser des "cordes" à l'horizontale pour consolider sa construction mentale, invisible et totalement impalpable pour qui n'était pas Jedi. À Karm d'entremêler son aura à la sienne pour achever l'oeuvre de Luke et disposer de quoi "transporter" les lourdes plaques. La télékinésie était comme un outil, un genre de filet, allongement intangible du bras. Quand un objet était petit, il suffisait d'être précis, mais pour un objet aussi lourd, le Hapien aurait besoin d'aide, quelque soit son nombre de midichloriens, il avait ses limites. Construire ce "hamac" à deux, puis exercer une poussée de concert, ensemble ne serait pas une mince affaire, d'autant plus que Karm et lui se connaissaient peu. Pourtant le blond y croyait. Quand son amie mystique s'en mêlait, tout était possible.

La demande d'énergie était si exigeante que Luke avait déployé toutes ses capacités pour forger ce lien. Toute la Force disponible émanait de lui, transportant naturellement ses émotions. Les portes grandes ouvertes, l'esprit du Jedi laissaient filtrer librement certains de ses souvenirs, vidés de couleurs ou d'images mais remplis de sensation. L'inquiétude, mais aussi l'espoir perçaient dans ces particules projetées au-dehors de lui, vers un futur possible. Il appelait aussi Karm involontaire, cherchant son contact et pas seulement pour accomplir le harassant travail. Son aura comme une petite bête frileuse appelait le feu- qu'elle craignait autant qu'elle adorait.- pour lui supplier de la réchauffer. L'aimant cherchait son pair, et l'homme cherchait l'autre homme.

Karm Torr
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Luke avait de la chance — et le Twi’Lek avec lui : Karm ne savait pas ce que c’était qu’un film pornographique et, à vrai dire, il ne lui serait jamais venu à l’idée que de telles choses existaient. Il savait, en gros, que les gens parlaient parfois de sexualité, que ce n’était pas toujours pour des raisons médicales ou purement informatives, et il se doutait qu’il y avait des applications esthétiques ou culturelles à ce genre de pratiques mais ça en restait là.

C’était tout à la fois la conséquence du puritanisme des Jedis, qui l’avait maintenu dans l’ignorance, et des valeurs solidement ancrées de la société ark-ni, pour laquelle la sexualité devait s’exprimer librement. Dans un monde sans exclusivité, où les relations se nouaient et se dénouaient, sans beaucoup de considération pour les différences entre les genres et les sexes, les étreintes n’appartenaient pas à ce qui devait être caché.

— Ah, euh…

Karm avait jeté un regard plein d’incompréhension à l’écran et ses licencieuses projections. Après s’être promis de se renseigner sur la question, il se contenta d’un prudent :

— D’accord.

Ce qui préoccupa vraiment Karm, donc, ce fut plutôt de ne pas avoir été compris.

— Désolé, j’suis pas super… Pédagogue, ouais. Je saurais pas trop comment expliquer ça mieux mais j’vais t’guider, t’inquiète.

Il s’était penché sur le robot qui s’était joint à eux et avait commencé à ajouter à sa programmation quelques instructions minimales qui indiqueraient la tâche somme toute assez simple que les droïdes auraient à accomplir. Chez les Ark-Ni, il était d’usage d’effectuer toutes les réparations dont on était capable de ses propres mains : c’était ce qui permettait d’établir un rapport étroit avec le vaisseau, de le comprendre dans le moindre de ses détails. Mais à l’impossible nul n’était tenu et les droïdes formaient bien sûr une partie substantielle de l’arsenal national.

Deux des robots se lancèrent à l’assaut des portes du hangar, tandis que Karm se consacrait au troisième, qui réaliserait les soudures.

— T’as géré, ils sont cools, les droïdes.

Parler pour ne rien dire, ce n’était pas son genre mais plus il pensait au film du Twi’Lek, plus il éprouvait un embarras qui le poussait à meubler le silence, sans trop savoir pourquoi. Les dernières commandes rentrées, il se redressa, alors que le droïde se lançait pour escalader la carlingue du vaisseau, prêt à y fixer la protection de fortune. Karm, lui, s’assit en tailleur en face de Luke.

— J’te préviens, j’ai jamais fait ça qu’avec Tavaï, utiliser la Force en tandem, puis c’est elle qui menait la danse, alors bon… Faudra pas m’en vouloir si…

Avec ces précautions oratoires toutes inachevées, Karm ferma à son tour les yeux. Il y eut d’abord, tout autour de lui, dans son esprit, un grand silence, et puis un murmure ancien et profond, comme celui de l’océan calme contre les rives rocheuses, quand les vagues régulières et ancestrales venaient heurter les unes après les autres la pierre, avant de se retirer : c’était pour Karm la Force dans l’univers, à laquelle il suffisait de prêter l’oreille.

Et puis il y avait sa musique à lui — elle montait de loin, ample et calme, plus puissante et plus posée que sa jeunesse ne l’aurait suggéré, nourrie à la contemplation des espaces infinis et silencieux, depuis sa tendre jeunesse, à la fenêtre des hublots. Bientôt, pour lui, pour Luke auquel ses pensées se mêlaient intimement, c’était le vaisseau qui résonnait, avec ses métaux mélangés, et le hangar, et les droïdes, comme si le bruit de la découpe, et le bruit de la soudure, avaient été composés eux-aussi par quelqu’un pour prendre place dans une symphonie.

Les souvenirs de l’Ark-Ni n’étaient pas très clairs, parce que quelque chose dans son esprit les tenait éloignés, pour le protéger sans doute d’un traumatisme informulé, mais son âme ne s’en était pas moins ouverte à Luke et le Consulaire pouvait y lire bien de ce qui était ignoré de la plupart, à propos de Karm.

Il y avait les évidences, d’abord : que Karm était un guerrier, un vrai guerrier, bien entraîné, et l’Ark-Ni sentait les moindres aspects de son corps, le sang qui pulsait dans ses veines, l’air, l’électricité de ses nerfs, ses muscles, ses plus petits mouvements, comme il sentait aussi le corps de Luke. La Force de Karm était une Force vivante et charnelle, éduquée d’abord pour se maîtriser et dominer les autres, mais qui s’était libérée, peut-être secrètement, pour épouser les corps — le combat avait mené à la chair, la chair à la vie et la vie à la sensualité.

Il y avait les secrets, ensuite : que Karm était un musicien. Sa Force à lui ne se voyait pas, elle s’entendait, comme il l’avait laissé deviné déjà sur le vaisseau, en écoutant les bruits qui avaient annoncé l’explosion. Il s’y mêlait des musiques naturelles et mécaniques, des voix et des bruits, des compositions soignées et des impromptus.

Ces impressions se mêlèrent à celles de Luke et Karm, lui aussi, se fondit en Luke. Son souffle résonnait dans l’esprit du Hapien alors qu’il avait lui-même l’impression que les cheveux de Luke caressaient son front. Au début cependant, de cette union, il ne sortit pas grand-chose. Les métaphores que les deux jeunes hommes employaient pour se représenter la tâche à accomplir étaient trop différentes pour se concilier d’un coup — alors Karm insista, un peu, pour mieux comprendre Luke, pour mieux le recevoir aussi.

Il ouvrit ses pensées. Il fit découvrir sa peur d’être maladroit, d’être stupide, de passer pour une brute, de trop aimer le combat, d’être jugé violent, de ne jamais pouvoir devenir maître. La joie aussi, qu’il éprouvait en explorant des déserts et des montagnes, d’un bout à l’autre de la Galaxie, ou bien en s’entrainant au combat. Son désir et ses plaisirs, même : écouter le vent, les vibrations des vaisseaux, les nébuleuses dans le noir de l’espace, les courbes des abdominaux de Luke, aperçus quand il l’avait soigné, la veille, l’odeur des jardins du Temple, sur Ondéron.

Les plaques découpées, petit à petit, se soulevèrent, d’abord maladroitement, pour entamer un vol poussif jusqu’au vaisseau, où elles tombèrent, d’abord lourdement, avant d’être réajustées et puis, de tâtonnement en tâtonnement, alors que l’esprit de Karm puisait libéralement dans la puissance de Luke comme dans la sienne, alors que les pensées et les sensations de l’Ark-Ni pénétraient plus profondément celles de l’Hapien, c’était une entreprise bien rodée qui se mettait en place, sous les crépitements de la soudure et les bruits des animaux lointains qui montaient de la jungle en contrebas.

La navette d’exploration n’était pas très grande mais ils passèrent de nombreuses ainsi, immobiles, à quelques centimètres l’un de l’autre mais pénétrés l’un de l’autre, les yeux fermés, à manier ces lourdes plaques de métal, dans une tâche industrielle mais pour eux étrangement intimes. Finalement, la dernière soudure fut réalisé et, petit à petit, Karm libéra Luke de sa présence : pour l’Hapien, ses pensées devinrent plus vagues, son corps plus lointain, la musique de sa Force séparée de la sienne.

Karm rouvrit les yeux, transi de désir autant que d’émotion et de fatigue. Jamais, il en était sûr, il n’avait voulu quelque chose plus qu’il ne voulait toucher Luke en ce moment précis et s’unir à lui, d’une autre manière, de toutes les manières, même s’il ne savait pas, précisément, dans sa naïveté, comment.

Il y eut un silence puis l’Ark-Ni murmura d’une voix tremblante :

— Je vais… je vais… fixer le… l’hyperdrive…
Luke Kayan
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[HJ: Je ne trouve pas ça fameux, désolée]

- Non. C'est un concept encore plus difficile à comprendre pour moi que celui des couleurs.

Un petit sourire accompagna les explications brèves de Luke. Ce n'était pas spécialement nécessaire mais il préférait la précision, celle qui retirerait ce léger poids, aussi éphémère que mal attribué à Karm. Comme le Hapien se dirigeait plutôt bien et que ses yeux étaient limpides, brillants de vie, on oubliait parfois son handicap, et même sans ce détail, c'était probablement difficile de de se mettre à sa place. Luke n'était pas du genre à stopper devant un mur, il essayait automatiquement de le contourner, la main posée sur la surface, quitte à se blesser un doigt sur une vis malhonnête plantée là. L'Ark-Ni n'avait absolument rien à se reprocher, donc.

Au-delà des "problèmes pédagogiques" du Chevalier aux yeux turquoises et la cécité du blond, la Force plana un long moment, partageant son corps de bonne grâce entre eux. Lorsque la poussière impalpable retomba, un peu éberlué, le jeune Jedi cligna des paupières. Une chape de fatigue s'imposa sur ses frêles épaules, mais c'était une fatigue sereine, accompagnée de la satisfaction du travail bien fait. Ce n'était pas une sensation qui l'avait souvent envahi, et il fallait admettre qu'au beau milieu de cet épuisement, après avoir autant usé ses pouvoirs, c'était comme une île prometteuse de repos. Un repos mental, juste suffisant pour oublier le stress bel et bien humain de ne jamais retrouver la civilisation.

Ensuite, ce fut le néant qui profita de la révérence de la présence de Karm. Comme une marée haute aussi violente qu'imprévu, il bondit sur son estomac, éclaboussant ses lèvres qui gardèrent un curieux goût salé-amer lorsque le jeune homme passa automatiquement sa langue dessus. Il n'avait pas forcément bu beaucoup depuis la veille et le transport des plaques, voleur d'énergie, l'avait laissé légèrement déshydraté. Une excellente nouvelle. Il avait une excuse, de quoi occuper ses mains. Jamais Luke ne s'était senti si heureux d'avoir à tâtonner comme un imbécile partout, à la recherche du liquide précieux.

- Oui... Fixe-la bien.

Annonça-t-il d'une voix trop profonde pour simplement se référer à l’hyper-drive. Confus, le jeune homme se retourna pour chercher le coin "infirmerie" où ils avaient mangé encore ce matin. Il lui semblait avoir laissé une bouteille d'eau par là. Profitant de cette recherche, il réunit également un petit sac de provisions avec les capsules restantes et de l'eau, le plus possible. Au cas où ils se retrouvaient à dériver dans l'espace. Avec leur tendance, ce serait à peine étonnant.

Une petite heure après, le Jedi réapparut. Ses sensations si étranges, tellement intenses avaient reflué à grande peine. Lui aussi avait senti le désir physique remplacer, ou plutôt s'unir à celui mental. Et il savait parfaitement l'identifier. Son amour de jeunesse faisait pâle figure à côté de Karm qui maîtrisait la Force. Ce qui avait toujours séparé Luke de Jason était précisément ce détail qui n'en était pas un. Pas pour quelqu'un qui passait la moitié de son temps à communiquer via ses dons, pas pour quelqu'un aimant fidèle de la justice. Car malgré ses nombreuses erreurs, son parcours, certes bon mais toutefois loin d'être parfait, Luke avait toujours suivi la piste de cette si belle mais cruelle déesse de la balance. La seule femme qu'il ait pu aimer et qu'il contemplait de ses yeux éteints. Or Karm, de part son statut suivait une voie semblable à la sienne et c'était d'autant plus attrayant pour Luke, déjà trahi par l'ambassadeur. C'était comme une promesse perfide, une sécurité dont il se serait passée.

Pour toutes ces raisons, le blond avait préféré s'éloigner, outre le fait qu'il n'était pas en vacances et devait bien servir à quelque chose, en outre, passer la base au peigne fin pour emporter tout ce qui pourrait être utile.

- Alors, on peut décoller?

Dans l'embrasure du hangar, la silhouette de Luke se dessina, il esquissa un léger sourire encourageant à Karm. Même s'il espérait pouvoir déguerpir sans avoir à contacter ceux qui étaient à l'autre bout du fil- sûrement les pirates, ou du moins, un reste de leur réseau s'il avait été démonté.- Luke souhaitait faire comprendre à son comparse que ce ne serait pas de sa faute si le vaisseau ne décollait pas. Il avait beau rien ne comprendre en mécanique, ni voir l'oeuvre achevée, il imaginait bien que le bricolage qu'avait demandé l'état du vaisseau pouvait ne pas suffire. Refaire toute la carlingue d'un appareil destiné à voler dans l'espace, ce n'était pas rien.

- J'oubliais... Le repas du midi est prêt.


Le jeune homme se retourna pour se saisir d'un plateau disposé sur une petite table sans pied, collée au mur. Il y avait deux capsules, un verre d'eau et une fleur trouvée au seuil du hangar. Une petite touche comique de normalité. Comme quoi, lorsqu'il se détendait, Luke pouvait aussi démontrer avoir de l'humour, bien que ce soit aussi innocent que simple, au point qu'on le trouvait parfois niais en ce sens. Seulement, il n'avait pu s'empêcher de penser à la scène typique de l'homme travaillant dans le garage, plein de cambouis, soutenu par sa femme qui venait lui apporter son plateau repas dans sa jolie robe. Bon, en fait et lieu de la jolie Twi''Lek aux seins fermes, Karm aurait le droit à un jeune homme élancé logé dans une tunique trop grande, sans parler de la fleur dont on se demandait si ce n'était pas une mauvaise herbe [HJ: Elle ressemble à un pissenlit, joli, mais un pissenlit quand même! xD], mais on faisait comme on pouvait en tant que naufragé!

- Après ces petites vacances, j'ai hâte de reprendre le travail.

Signifia Luke en dissimulant bien son inquiétude. Il n'avait oublié ni les morts victimes du probable attentat, ni les conséquences que ceci pourrait avoir sur leurs missions, voir sur la République.- après tout c'était un vaisseau transportant du matériel hospitalier qui avait été touché, une attaque directe, un message inquiétant.-. Cela dit, la première préoccupation était de sortir de ces ennuis, afin de pouvoir se plonger à loisirs, dans les nouveaux que supposaient toutes ces questions. Le gouvernement Ark-Ni les recevraient-ils encore s'ils parvenaient à quitter cette planète qui leur servait de refuge et de prison pour le moment?

Le Hapien normalement si patient s’exhorta au calme. Même si ne rien pouvoir faire lui mettait les nerfs en pelote, il s'avança tranquillement vers Karm concentré sur l'hyper-drive. Il préférait ne pas déconcentrer le mécanicien improvisé avec ses préoccupations, certes légitimes, mais beaucoup trop en avance au vu de leur progression. Quant à ce désir toujours latent, le Chevalier l'avait soigneusement muselé comme on lui l'avait apprit au Temple. Du moins pour l'instant.
Karm Torr
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— Ah, ça, décoller, ouais, y aura pas de problème…

Karm s’était interrompu entre deux soudures et sa tête ébouriffée était apparu de sous le vaisseau. Il avait avancé moins vite qu’il ne l’aurait voulu, la faute à toutes les questions qu’il n’avait cessé de se poser en travaillant, des questions qui, invariablement, étaient revenues vers Luke, vers le Code Jedi, vers la Force, la vie et les désirs, plutôt que vers l’ingénierie et l’astrophysique, qui auraient dû alors le préoccuper exclusivement.

Un droïde émit un piaillement plaintif alors que l’hyperdrive crépitait. Karm jura dans une autre langue que le basic, disparut sous la carlingue, il y eut un coup sonore et puis plus rien, avant que la voix de l’Ark-Ni ne lance, un peu plus fort que d’habitude :

— Ouais, tranquille, je gère. Je gère totalement.

La maîtrise que les Ark-Ni cultivaient de la navigation, avec les sciences et les techniques qui lui étaient associées, était considérable mais leur manière de l’exprimer et de la pratiquer avec de quoi faire froid dans le dos, pour les Républicains habitués aux méthodes formelles et bien organisées de la science officielle.

— J’arrive, lança machinalement Karm à propos du repas. Juste quelques…

Comme souvent, il ne finit pas sa phrase mais c’était aussi, cette fois, parce que, comme Luke, il avait songé à ce que leur situation avait de typique. Un homme, sa femme, la mécanique, le repas. Les yeux fixés sur les fils et les tuyaux qui le surplombaient, le Jedi tenta de ne pas laisser son imagination s’emballer. Il avait beau être certain, à cause de leur étroite connexion, que Luke avait partagé beaucoup de ses impressions dans la Force, il voulait essayer de se convaincre qu’il n’y avait pas lieu de creuser.

C’était plus prudent.
C’était surtout plus facile.

— OK.

Le plateau qui flottait à quelques millimètres du sol et sur lequel Karm était allongé s’extirpa finalement de sous l’appareil et le jeune homme émergea victorieux.

— J’pense pas qu’on ait l’droit à plus d’un saut assez court mais ça devrait être suffisant pour nous ramener sur Ondéron. C’est du reste pas tant un problème de drive que de plaques de protection, à cause de la pression qui…

Il s’interrompit, en se souvenant que c’était un domaine que Luke ne maîtrisait pas et qui, probablement, ennuyait l’Hapien. Un peu gêné, Karm finit par conclure laconiquement :

— Ça ira.

Il s’assit en face de Luke, à la table préparée, et fixa l’espèce de pissenlit, comme un poète romantique aurait contemplé une rose. Ses yeux quittèrent la fleur pour se poser sur Luke et il sentit une boule à l’estomac. Il avait envie de dire des choses intéressantes ou belles. Il songea à raconter quelques-unes de ses aventures, des histoires un peu héroïques pour se mettre en valeur, avoir l’air d’un homme, un vrai, et puis il trouva ça vaniteux et ridicule, et abandonna l’idée.

En somme, il mangeait en silence. Rapidement cela dit, le silence lui devint insupportable — et c’était rare, pourtant —, alors il déclara de but en blanc :

— Ils nous auront pas attendu.



Les Ark-Ni, j’veux dire, sur la station. Va falloir recommencer. Mais ils comprendront. C’est pour ça, Ondéron.


Pour cela qu’il avait dit qu’ils rentreraient à Ondéron, plutôt que de poursuivre leur mission. Mais son explication, comme souvent, était confuse et la fatigue n’arrangeait rien. Karm se massa l’arrête du nez et souffla :

— Désolé, j’suis pas…

Pas beaucoup de choses. Maintenant qu’il avait réparé le moteur et que leur porte de sortie lui paraissait raisonnablement ouverte et assurée, Karm sentait s’abattre sur lui l’épuisement et une sorte de découragement étrange, à la perspective de perdre cette intimité forcée et troublante, dans la jungle chaude de Vonghaï, avec Luke.

Tout doucement, avec une timidité teintée de l’immaturité qui frappait parfois les Jedis qu’un entraînement trop intensif et trop isolé avait privés des relations sociales et des expériences qui construisaient d’ordinaire les adolescents, Karm demanda :

— On continuera à s’parler, après ? Sur Ondéron, ou Coruscant, j’veux dire. Parce que… Mener l’enquête, sur la bombe, tout ça, peut-être tu feras ça avec quelqu’un d’autre, quelqu’un de mieux que moi, j’veux dire, plus expérimenté, quoi. Et pour les négociations, va falloir du temps avant que ça soit possible à nouveau. Alors, j’me dis, peut-être, on aura pas tellement d’occasion de… ‘Fin, c’est toi qui vois, mais si tu veux apprendre plus sur… sur le combat ou euh… la mécanique… puis toi si tu voulais me montrer tes recherches ou… ça pourrait être, tu sais…

Karm prit une profonde inspiration pour calmer ce soudain flot de paroles et conclut :

— … pas mal.
Luke Kayan
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Le silence n'était pas si désagréable, malgré l'appréhension certaine que Luke pouvait éprouver à son égard à cause de son handicap. L'intimité implicite lui suffisait. Elle était aussi confortable que rassurante, ils n'étaient ni trop proches, ni trop loin. Ils respectaient le code tout en profitant de ce moment spécial autour d'une table en carton. Luke s'étonna presque d'entendre la voix de Karm rompre l'instant au nom d'une requête, timide et courageuse. Les sourcils du concerné se haussèrent, légèrement, juste assez pour que sa stupeur contenue soit visible. Dans la seconde qui suivit, un sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme, aussi enfantin que la demande du chevalier turquoise.

- Bien sûr.

La réponse, elle, avait fusé sans hésitation, déterminée malgré un ton bas. Luke avala sa dernière portion de capsule, il fit passer le tout d'une gorgée d'eau fraîche puis s'employa à tout ramasser. Un geste anodin, chez lui, délicat, long et méticuleux. Il faisait attention à toujours maintenir un contact physique avec les objets disposés sur la nappe improvisé: la paume, un bout d'ongle, le dos de la main. C'est ainsi qu'il contrôlait les distances et la présence de chacun des objets nécessaires pour former former une table complète. Il y avait des rapprochements convenables, d'autres pas. Des éloignements non désirées, formant pourtant d'efficaces compromis. Or Luke ne pouvait se résoudre à perdre le contact avec Karm, pas maintenant que ce dernier avait exprimé à haute voix, le fond de sa pensée. D'ailleurs, le jeune Jedi sentit naître sur ses lèvres, une requête beaucoup moins raisonnable mais dont il avait besoin. Dont ils avaient besoin tous les deux.

- J'aimerais demander au Conseil d'enquêter sur la bombe avec toi... Il faut dire qu'en tant que... Hum... Témoin, tu es le mieux placé. Et puis... Je ne voudrais pas de quelqu'un d'autre.

Un sourire gêné, plus adolescent qu'enfant souligna le plaisir qu'éprouvait le jeune homme à les torturer tous deux. Il ne pouvait s'en empêcher. Le compromis ne suffisait pas à son bien-être. S'il pouvait encore retenir ses doigts, rendus si tactiles par la cécité-et un brin rebelles.- le blond ne saurait faire possible mission qui suivrait sans celui qui avait vécu l'avortement de la première en sa compagnie. Ils devaient fermer le cercle, et après? Après, ils garderaient probablement le contact, n'est-ce pas?

- La mécanique, tu perdrais ton temps. Mais le combat... Oui bien sûr.

Quel soulagement de trouver une excuse, toute logique, bien pensante, pour continuer de voir Karm. Un apprentissage nouveau, voilà qui entrait dans la philosophie de Luke. S'efforcer, s'améliorer, dans un domaine où sa cécité pourrait presque devenir un avantage.

- Moi en revanche, je n'ai rien à t'apprendre.

La voix du jeune homme s'éteignit au fur et à mesure que sa phrase mourrait sur ses lèvres.
Il savait qu'en théorie, les Jedis n'étaient pas sensés demander quoique ce soit contre un service,
néanmoins, l'idée de parasiter le savoir si spécial de l'explorateur dérangeait profondément le blond. Orgueil ou désir réel d'apporter quelque chose à une personne qui commençait à vraiment -trop?- compter dans sa vie? Un peu des deux sans doute, mais Luke ressentait le besoin de donner en retour. Enfin, ils n'en étaient pas encore là.

Un filet mouillé coulant sur les doigts du Hapien réveilla ce dernier, il acheva de tout rassembler, pliant les derniers verres vides afin de les jeter, puis se leva en s'époussetant, tendant la main à Karm.

- On tente maintenant où il y a encore des réglages à faire? J'ai récupéré quelques provisions...
On en a pour deux ou trois jours en se rationnant bien.


Au cas où. On ne savait jamais.

- Tu avais déjà vécu ça avant?

Bravo Luke, délicat et vraiment précise, la problématique. Qu'est-ce que le Chevalier en face de lui était réellement sensé avoir vécu au juste? Ce type d'attentat? Se retrouver égaré sur un monde désertique heureusement pourvu d'une ancienne base pirate et d'un vaisseau en morceaux?
Réparer le dit engin avec presque rien à porter de doigts? Rater une mission pour cause d'attentat? Ou... Ou bien peut-être...
Karm Torr
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— Cool.

Luke n'en voulait pas d'autres que lui.

— Cool cool cool, murmura encore le Jedi, en tripatouillant le reste de sa ration de survie du bout de sa fourchette en plastique.

Dans l'esprit de Karm, la phase de l'Hapien continua à tourner avec bien des sens qu'elle n'avait peut-être pas. Distrait, il ne songeait plus vraiment à leur entraînement, si ce n'était peut-être en ce que les exercices martiaux lui donneraient une excuse de mieux connaître le corps de Luke, même si cette connaissance-là ne serait qu'un ersatz de ce qu'il se sentait désirer confusément. Ses songes devinrent peu à peu plus précis, et moins innocent, mais les questions de Luke le ramenèrent à la réalité.

Karm releva les yeux.

— Hmm ? Ah. Ouais.

Le jeune homme se débarrassa à son tour de sa vaisselle de fortune et, en prenant la direction de la navette qu'il avait lourdement modifiée, il se mit à énumérer d'un ton tranquille certaines de ses aventures.

— Une fois, sur UP-899, une planète froide, le plateau rocheux où j'avais posé mon chasseur, y avait un cous d'eau à l'intérieur de la roche, il a gelé, ça a gonflé, le plateau a explosé, le chasseur s'est fracassé, contre la roche.

Comme de coutume, le récit de Karm avait débuté dans un désordre relatif.

— En attendant les secours, sept jours, j'ai été bloqué là-bas, sur une sorte de glacier montagneux géant. Une autre fois...

Pendant quelques secondes, Karm posa la main au creux des reins de Luke pour le guider vers la rampe de la navette, avant de la retirer, de grimper à son tour et d'activer les commandes pour la replier.

— ... sur c'qui s'appelle maintenant Kavorna, genre tropicale, la planète, un ouragan a emporté l'chasseur, j'ai passé une semaine à l'retrouver dans une espèce de jungle et quelques jours à le réparer. Plus deux fois encore. L'exploration, y a toujours des données super incomplètes, sur les planètes, par définition quoi, du coup, l'imprévu est prévisible. En quelque sorte.

Sa main était revenue sur Luke, sur son épaule cette fois-ci, pour lui indiquer doucement le siège du copilote, avant qu'il ne s'installe lui-même. Il attrapa le datapad qu'il avait fixé aux panneaux de contrôle ordinaire de la navette, pour ajouter un programme de calcul de trajectoires hyperspatiales à un vaisseau qui n'en possédait pas à l'origine. La navette, petite et exiguë, ressemblait à peu de choses près à l'un de ces speeders utilitaires qu'on pouvait trouver dans les villages agricoles : deux sièges et un petit espace pour entreposer les outils.

— OK.

L'Ark-Ni se mit à pianoter en silence sur le panneau et le vrombissement caractéristique des moteurs se fit entendre.

— Bon, j'te préviens, vu l'excès d'énergie de l'hyperdrive par rapport aux capacités du truc, j'ai dû bricoler d'la résistance, alors ça va jouler sec. Silence. Euh, j'veux dire, j'ai fait en sorte que le surplus d'énergie se transforme en chaleur, du coup, ça va être encore plus tropical ici mais rien d'insurmontable.

Naturellement, pour un aventurier habitué aux conditions les plus exotiques, l'insurmontable, en matière atmosphérique, était une réalité lointaine. Le petit vaisseau en tout cas ne tarda pas à se soulever et il se glissa sans problème hors de la base, pour gagner rapidement en altitude au-dessus de la lune. Karm poussa petit à petit les moteurs pour s'arracher à la double attraction du satellite et de la géante gazeuse. Piloter leur navire de fortune lui offrait une distraction aux pensées qui continuaient à le hanter : le vaisseau entre ses mains chassait, pour un temps seulement, le souvenir de la chute de reins de Luke, à travers le tissu, contre ses doigts.

Il continua à manœuvrer le vaisseau sans beaucoup de commentaire, jusqu'à murmurer :

— L'moment d'vérité.

Deux boutons pressés plus tard et tout autour d'eux l'espace commença à se distorde. Les plaques soudés à la carlingue se mirent à trembler violemment. Une première d'entre eux céda, alors que la température montait déjà d'une bonne dizaine de degrés. Il y eut un autre craquement métallique, un bruit de déchirement, et soudain des alarmes stridentes. Presque aussitôt, une onde de Force quitta Karm pour envelopper Luke, une onde rassurante et peut-être un peu possessive. Karm coupa les alarmes et, sans vraiment réfléchir, souffla :

— T'inquiètes, j'te protège.

Il se rendit bien compte sur le coup que c'était une déclaration stupide. Il se rendait compte aussi qu'il avait voulu avoir l'une de ces répliques viriles et un peu impressionnantes que les héros des holodrames épiques avaient pour les princesses. Il allait avoir honte. Mais plus tard. Le vaisseau tremblait comme une feuille désormais et on aurait juré qu'il allait se déchirer en eux et puis, soudain, plus rien : la navette, débarrassée de ses plaques après l'accélération, avait achevé son entrée dans l'hyperespace.

Dans la cabine, la température était monté à quarante degrés, parfois plus, malgré le froid de l'espace qui les entourait. Toujours torse nu, toujours couvert de cambouis, Karm se laissa retomber contre le dossier du siège de piote, avec un soupir de soulagement qui trahissait bien que, malgré son assurance, les risques n'avaient pas été purement théoriques.

— Dans une heure on s'ra près d'Ondéron. On a pas d'code d'identification, on se fera probablement aborder par une patrouille planétaire, mais tant mieux, j'suis pas sûr que notre navette à nous prenne très bien une rentrée dans l'atmosphère.

Et puis, ils connaissaient bon nombre des pilotes chargés de la protection d'Iziz.

L'Ark-Ni tourna les yeux vers Luke.

— Ça va... ? Promis, des fois, j'pilote normalement, hein...
Luke Kayan
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- Cool.

En un écho, Luke conclut en beauté leur conversation préparant la prochaine rencontre. Sitôt formulée, la promesse ne paraissait plus être une si bonne idée. Il jouait avec le feu. Pourtant il ne pouvait se départir du frisson de félicité qui courrait son échine. Le danger rôdait sur le long terme, lorsque le fait d’être à côté de Karm, de lui parler ne suffirait plus, mais Luke préférait ne pas y songer. Il avait suffisamment à s'inquiéter de leur survie, problème bien plus proche, qu'un problème d'idéologie semblant aussi flou que lointain.

- Tu es un professionnel du crash alors! Ça confirme mes propos, je serais vraiment bête de vouloir quelqu'un d'autre pour une mission

S'exclama joyeusement Luke, surpris de prendre la chose à la légère. En réalité, il était aussi impressionné que rassuré par ces faits d'explorateur. Lui-même avait parcouru des planètes, cependant son vaisseau l'avait toujours attendu sagement. Chance? Certainement plus que talent. Cela dit, le Hapien s'était mis dans de sacrés ennuis également: Perdre le contact avec la Force par exemple. Un jour, il pourrait raconter cette histoire à l'Ark-Ni. La réserver lui donnait une impression réconfortante que tous deux étaient destinés à survivre, et l'aida à monter dans l'engin malgré sa crainte naturelle, décuplée par celle de l'aveugle. Perdre ses repères en quittant le sol était difficile, anti-naturel pour Luke, surtout si c'était pour se retrouver coincé dans une minuscule capsule où deux chevaliers pourtant pas bien gros se retrouvaient serrés comme des sardines industrielles de Naboo. Pourtant, il ne protesta pas, conscient que ce n'était pas le moment de faire des caprices, et, guidé par une main chaude dans le creux de ses reins, grimpa dans la navette destinée à les sauver... Ou à les tuer.

Le vaisseau trembla de tout son corps métallique, instinctivement, les ongles du Hapien crochèrent dans le revêtement mou du siège. Il se préparait pour une catastrophe inévitable, vouée à le tuer sans remède si elle était décidée. Stupide. Instinctif.

"J't protège."

Dans la moiteur chaque fois plus insupportable du cockpit, les paroles traversèrent l'espace clos pour se faufiler jusqu'à l'esprit du jeune homme. Réconfortant. Débile. Il était sensé être un Jedi, sachant se défendre seul, alors pourquoi acceptait-il si bien ces mots que lui-même lançait aux civils apeurés? Pourquoi accueillir cette onde qui se mêlait de tout sauf de ses affaires? Pourquoi accepter, non, apprécier cette fragilité qu'on lui prêtait? Mais cette offre ne serait pas unilatérale, Luke ne le permettrait pas. À son tour, il émit une onde de Force lumineuse, un quart consciente, aux trois quarts instinctives. Celle-ci fusa vers l'Ark-Ni, l'enveloppant avec une détermination certaine, mâtinée de douceur.

Le Jedi ferma les yeux et s'attendit au pire, à l'explosion de son être en des milliers de particules, à son adieu brutale à la vie, à une heure d'Ondéron. Ironie imbécile et cruelle. Mais la douleur ne vint pas. Seule la chaleur régnait dans le cockpit, commençant sérieusement à déranger le Hapien qui avait toujours eu ce souci, merveilleux côté esthétique, terrible niveau praticité-comme tout ce qui concernait sa race.-de ne pas ou quasiment pas transpirer. Il faisait 40 degrés et seul un filet léger le long de son front s'annonçait. Incapable de réguler correctement la température de son corps, le jeune homme ressentait les effets on ne peut plus désagréables, voir dangereux s'ils venaient à se prolonger, d'une surchauffe. Il lui semblait faire un avec la machine vrombissante, pleurant sa souffrance de vieille carcasse qu'on avait dérangé dans sa retraite sur cette planète perdue. Par chance, ils étaient en un morceaux, aptes à respirer et à parler.

Luke fouilla dans sa ceinture utilitaire et sortit son comlink qu'il enclencha. L'objet eut du mal à se réorienter mais bientôt la voix quelque peu mécanique et féminine résonna joyeusement, les informant de la météo, des prévisions de vol et leur demandant finalement où ils souhaitaient atterrir. Le Jedi coupa l'application bavarde, ainsi qu'une publicité monstrueusement collante qui avait infiltré ses serveurs et dont il ne savait pas comment se débarrasser pour composer le numéro interne de la sécurité.

- Astroport d'Ondéron? Ici le chevalier Jedi Luke Kayan, je suis accompagné par le chevalier Karm Torr, je vous transmets nos documents et autorisations via Holonet dès que j'aurai raccroché. Nous sommes à bord d'un vaisseau non identifié, instable. Nous disposons de suffisamment de carburant et d'air sauf problème de dernière minute. Il faut préparer le protocole de décontamination. Nous venons d'une planète déserte et tropicale. mais nous avons besoin d'une escorte pour atterrir. Je répète, nous ne pouvons pas atterrir seuls. À vous?

Le temps que la connexion s'établisse définitivement, l'objet crachota plusieurs fois, jusqu'à ce qu'une voix nasillarde réponde, presque ennuyée, pour ne pas dire blasée par la requête des deux Jedis en perdition.

- Ça va.

Répondit Luke après un laps de temps plutôt long, destiné à s'assurer que sa voix retrouve un certain aplomb. Après avoir joué les demoiselles en détresse malgré lui, le Hapien espérait retrouver un minimum de crédibilité en tant qu'Homme et Jedi.

- Je viens de prévenir la patrouille-Aussitôt il se sentit abruti, comme si Karm n'allait pas se rendre compte de son appel, logé à quelques centimètres de sa personne. Maintenant il n'avait pas le choix et devait continuer sur sa lancée.- L'accueil devrait être moins tendu vu qu'on a fait preuve de bonne volonté en se déclarant avant, et ils ont le temps de vérifier nos données. Une fois arrivés, il ne faudra pas perdre de temps. Tes blessures doivent être examinées et nous devrons entrer dans le sas de décontamination pour éliminer les germes possible.

Il laissa sa phrase en suspens, comme s'il était conscient d'avoir omis un détail. Ah oui:

- Et tu conduis mieux que moi, déjà.

Un sourire, enfin, osa se dessiner sur les lèvres de Luke. Il fallait encore atterrir mais le Jedi avait confiance en Karm. Ils avaient fait le plus dur, du moins physiquement car il restait encore le deuil de tous ces innocents morts, peut-être parce qu'ils avaient décidé de monter dans ce vol, prévu de toutes façons? C'était un mystère à élucider. Luke soupira légèrement, essayant de se relaxer. Ils avaient beaucoup de travail devant eux en arrivant au Temple. Déjà mentalement le Hapien rédigeait le rapport à envoyer, dans les moindres détails. Enfin... Il savait d'office en éviter certains, personnels, qui le mettaient à l'aise. L'idée le ramena au jour de son adoubement.
Il avait avoué avoir une relation amoureuse, et c'était circonspect que le Conseil lui avait accordé le rang de Chevalier. Aujourd'hui, après la monumentale erreur commise avec Jason, en réalité fraudeur voir criminel, il était sûr que les prémisses d'un attachement lui seraient sévèrement reprochés. Pire encore, il craignait la déception de Saï Don, lequel lui avait déjà déconseillé de sortir avec Josh la première fois, avant que lui ne coupe la naissance d'une certaine tendresse avec Joey. Au moins, aujourd'hui, il y avait une différence. Le prénom de l'élu inconscient- ou peut-être trop conscient!- commençait par la lettre K, juste celle d'avant, dans l'alphabet. Était-ce un signe? Fadaises de gamin. Croyances aussi réconfortantes qu'irrationnelles. De toutes manières, le Chevalier Turquoise n'était pas un amant, il ne le serait pas. Luke en avait terminé avec l'attachement. C'était ce qu'il devait faire. Le savoir et s'en détourner serait un crime.

- Merci.

Luke se surprit à entendre sa voix murmurer ce mot, presque contradictoire au fil de ses belles songeries, fidèles au code Jedi. Karm avait eut raison de le protéger. Il était donc si faible. Pourquoi résistait-il pendant des années à l'appel matériel, tristement bas de la chair puis cédait-il par coups de foudre? Après deux jours passés en compagnie de quelqu'un, certes exceptionnel,
mais dont il ne savait rien. Fleur bleue? Possible mais inadmissible.

- Je crois que tu viens de nous sauver la vie. Une histoire de plus à raconter.

Dans toute cette noirceur sentimentale, il y avait une point lumineux. Ils respiraient encore.
Karm Torr
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— Sans toi, j’aurais pas sauvé grand-chose, note.

Karm venait d’ouvrir la sangle qui le maintenait dans le siège rudimentaire réservé au pilote de la petite navette. Le moteur hyperspatial tournait à plein régime, faute d’avoir pu en tempérer les performances avant de l’installer sur un vaisseau mal équipé pour le recevoir, et le Chevalier craignait quelques effets indésirables, sur les câbles et les sas avoisinants.

— Sans toi, je serais en crêpe à la surface de la lune dans la nacelle de sauvetage ou étouffé dans mon propre sang dans l’ascenseur extérieur de la base.

Comme beaucoup de Jedis, le Gardien n’était pas du genre à couvrir les gens de compliments, ce qui donnait sans doute plus de valeur aux siens.

— Heureusement que t’es là. J’vais juste jeter un coup d’œil à l’arrière.

Le pilote se glissa hors du siège pour rejoindre le moteur. Il fit quelques réparations rapides, avec les moyens du bord et malgré la chaleur plus pesante encore à côté du moteur. Satisfait pour l’essentiel de cette inspection rapide, il revint s’installer près de Luke et diagnostiqua :

— Ça tiendra. Heureusement qu’on cherche pas à aller au bout d’la Galaxie mais bon.

Parfois, mieux valait viser le suffisant que l’excellent. Karm ouvrit le sac des victuailles rassemblées par Luke et qu’il avait récupéré au passage et il tendit de l’eau à son compagnon d’infortune, avant de se désaltérer lui-même. Le reste du voyage se passa dans un silence relatif, à la fois parce que la chaleur pesante disposait peu à la conversation légère et parce que le bruit de l’hyperdrive, juste derrière eux, couvrait trop facilement la voix si faible de l’Ark-Ni.

Celui-ci était ainsi livré à ses propres méditations. Toutes n’étaient pas tournées vers Luke : il se demanda longuement comment améliorer son bricolage aérospatial du jour, il s’interrogea sur la faune et la flore de Vonghaï, et puis sur l’enquête qu’ils auraient à mener. Mais, souvent, son esprit le ramenait vers son voisin et vers les impressions troublantes qu’il suscitait en lui. Il pensait au Code Jedi et de graves questions sur la philosophie de la Force se présentaient à lui mais il pensait aussi à Luke, au corps de Luke, et c’était alors des idées beaucoup plus simples, sensuelles et puissantes, qui s’emparaient de son esprit.

Il fut tiré de ses pensées par de nouvelles vibrations et puis l’espace se recomposa tout autour d’eux : les étoiles reprirent leur place, la température commença à chuter, avec les grincements du métal qui, en se refroidissant, se contractait aussi. Le vrombissement de l’hyperdrive s’amuït et la navette empruntée put commencer à reprendre une allure qui lui était plus habituelle. Karm ne put retenir un sourire victorieux. Décidément, il aimait l’espace, il aimait les vaisseaux et il aimait le danger.

La silhouette d’un intercepteur ondérien ne tarda pas à se profiler devant eux et, bientôt, la voix d’une pilote d’Iziz résonna dans la navette. Une conversation technique s’engagea entre Karm et elle, alors qu’ils procédaient aux manœuvres de rapprochement. Bientôt, un soubresaut de la navette indiqua que l’intercepteur s’était arrimé à eux et les deux Jedis purent ouvrir le sens qui séparaient les deux vaisseaux. De l’autre côté les attendait deux caissons d’isolement, conformément à la requête de Luke.

Pour Karm, comme pour les autres membres du Corps d’Exploration, la décontamination faisait partie de la routine. Parfois, une maladie coriace et exotique le clouait au lit et exigeait toute la sagacité des Guérisseurs Jedis. Il arrivait même que ce fût la découverte la plus précieuse d’une mission, celle dont les applications étaient par la suite les plus diverses. Ce jour-là cependant, Karm s’intéressa moins aux éventuelles découvertes médicales qu’à la présence de Luke qu’il apercevait mal mais qu’il sentait dans la Force.

À Iziz cependant, ils furent séparés, transportés dans deux speeders différents et confiés à deux équipes de Guérisseurs distinctes. Dans les heures qui suivirent, alors qu’il était consciencieusement ausculté, la question la plus fréquente de Karm fut :

— Il va comment ?
— On s’occupe de lui. Détendez-vous. Tout va bien.
— J’suis super détendu.

Ensuite, il le savait, il y aurait le rapport, les réunions, les explications, les recherches préliminaires à l’enquête, tout ce monde d’obligations et de formalités, tous ces autres esprits, qui prendraient leur place dans ce qui avait été, jusque là, leur aventure à eux, rien qu’à eux. Ce soir-là, dans son lit d’infirmerie, Karm peina à se défaire de l’étrange abattement qu’il ressentit à l’idée qu’il n’était plus sur une lune lointaine et exotique, seul à seul avec Luke, et la main au creux de ses reins.
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