Karm Torr
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— Commandant, chasseur jedi en approche.
— Envoyez les coordonnées d’approche et une escouade au hangar B.

Le commandant Harper était un homme de traditions. Élevé dans les cercles militaires de Corellia, il traitait chacun avec le respect dû au rang et à la fonction : chaque Chevalier Jedi méritait un bon accueil et un Maître la déférence que l’on avait aussi pour les généraux. Les sénateurs avaient le droit à des honneurs, les dirigeants de planète à toute l’humilité possible. D’aucuns disaient que les vues passéistes de Harper étouffaient son originalité et sa créativité, même sur le champ de bataille, et c’était peut-être pour cela que son convoi patrouillait si loin de la frontière de l’Empire.

S’il avait été plus perspicace, il aurait certainement compris que les honneurs n’étaient pas le genre du Chevalier qu’il s’agissait alors d’accueillir.

— Euh, murmura quelques minutes plus tard Karm, en sautant au bas de son chasseur pour se retrouver nez à nez avec une rangée de militaires républicains au garde-à-vous, qui le dépassaient tous d’au moins une bonne tête.

Derrière lui, son droïde émit une série de bips sarcastiques.

— K’ta ist a’f, lui souffla le jeune homme dans sa langue maternelle, avant de reporter son attention vers les soldats et de tenter un timide repos.

Les militaires se détendirent et Karm aurait mis sa main à couper que quelques-uns d’entre eux échangèrent des regards dubitatifs après ce premier contact avec le gamin qui leur faisait face. Tout ce qu’on savait de lui, sur l’Espérance, le vaisseau-mère du petit convoi de réfugiés en provenance des frontières de l’Empire, c’était qu’il avait découvert la planète où l’installation allait avoir lieu.

Naturellement, on s’était représenté autre chose : un grand gaillard tout basané au visage buriné par le vent, avec des cicatrices pour témoigner de ses combats féroces contre des créatures dangereuses aux confins de l’univers connu. Certainement pas à un type à moitié oublié par la puberté qui, les cheveux ébouriffés par le casque de pilotage, regardait avec circonspection son comité d’accueil.

Bref, cette perplexité disposait au silence, que pour une fois Karm rompit de lui-même.

— Bon, hm. On y va ?

Le lieutenant en charge de l’accueil formel s’éclaircit la gorge.

— Oui, oui. Bien sûr. Euh. Chevalier…

Le dernier mot avait été presque une question, comme s’il subsitait une vague doute sur l’identité de Karm. Le lieutenant fixa le Jedi, le Jedi fixa le lieutenant et puis finalement, celui-ci tourna les talons et Karm lui emboîta le pas, suivi par le reste des soldats, tandis que son droïde quittait le chasseur pour s’atteler à la maintenance d’usage.

Dans l’Espérance, nul réfugié. Le vaisseau de combat protégeait les trois cargos à voyageurs qu’il avait accompagnés, avec sa flotte de chasseurs, pendant près de deux jours, en enchaînant les sauts dans l’hyperespace, jusqu’à atteindre UP-228, la planète qui n’avait pas encore de nom, où les quelques douze cents hommes, femmes et enfants pourraient commencer une nouvelle vie, à l’abri relatif de la violence des combats qui secouaient leur monde d’origine.

L’Espérance se mit à trembler, signe que le commandant avait ordonné que le convoi commence sa descente vers la surface de la planète. C’était, de l’avis de Torr d’abord, des spécialistes du commissariat aux réfugiés de la République ensuite, l’endroit idéal pour accueillir une colonie : de vastes plaines arables, un climat tempéré, presque aucun prédateur sérieux.

]— Maître Quovro… ?

La question elliptique du Chevalier, dans la plus pure tradition des habitudes de sa langue maternelle, lui valut un regard interrogatif du lieutenant. Karm se força à reformuler.

— Vous savez si Maître Quovro est sur ce vaisseau ? Ou un des convois de réfugiés.

Le Chevalier connaissait mal le Maître en question. Tous les Maîtres bien sûr avaient leur petite réputation mais Karm ne prêtait pas toujours une oreille très attentive aux histoires qui se racontaient dans les couloirs des Temples. Le lieutenant secoua la tête.

— Je ne saurais dire.

Karm et Quovro étaient censés se retrouver sur la surface de la planète et, à vrai dire, le Chevalier était soulagé de pouvoir déléguer une bonne partie de sa responsabilité opérationnelle à quelqu’un de plus expérimenté que lui. Il aurait même été soulagé de le faire à quelqu’un qui l’était moins. La perspective d’avoir à prendre en charge des groupes entiers de réfugiés n’était pas loin de lui donner des sueurs froides.

— Il faudra demander au commandant.

D’ailleurs, la porte métallique qui menait au pont de commandement s’ouvrit devant eux. Les soldats restèrent dans la coursive, sauf le lieutenant, qui continua à escorter Karm sur la passerelle. Si Harper fut surpris par l’apparence frêle et l’air perdu du Jedi, il n’en montra rien : il fut cérémonieux, comme il l’était avec tous les Jedis, puis il désigna la silhouette de la planète par la baie d’observation, qu’elle commençait à remplir presque entièrement. Bientôt, on apercevrait dans la plaine la petite ville de bâtiments pré-fabriqués que les services avancés de la République avaient installé là, sous la surveillance de Karm.

— Vous avez trouvé là une planète magnifique, Chevalier, et dans un secteur bien loin des tumultes de la guerre. Je ne doute pas que les réfugiés seront soulagés de découvrir un tel havre de paix.

Comme le Chevalier, fidèle à lui-même, ne répondait rien, le lieutenant comprit qu’il revenait à lui de briser la glace à sa place :

— Le Chevalier se demandait sur quel vaisseau est Maître Quovro.
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UP-228... Il était peut-être temps de trouver un nouveau nom à cette planète. Un foyer ne saurait se satisfaire de deux lettres et trois chiffres en guise de nom... Ce n'était plus une statistique, un système perdu dont on ne savait rien, ou auquel on s'intéressait pas. Désormais, ce monde était un foyer de la République. Un refuge. Den l'observait depuis la passerelle d'un vaisseau cargo républicain. Le pont était bien silencieux. Les enseignes s'affairaient, guidées par le capitaine du navire. Seul les bruits récurrents des appareils venaient perturber un travail méthodique et calme.

Cette mission était jusqu'ici relativement calme et réussie. Les vaisseaux cargos, escortés par un navire de guerre sous la houlette d'un certains Harper, transportaient des populations entières de réfugiées, fuyant les ravages de la guerre avec l'Empire et les tensions aux frontières républicaines. C'était les conséquences d'une époque troublée. Le quotidien de millions de gens, de centaines de systèmes et de mondes. Les victimes oubliées d'un conflit lointain pour nombre de citoyens de la République. Une statistique pour les politiques. Mais qui cachait une réalité bien cruelle.

On avait arraché ces gens à leur chez eux. Déplacés de force, par les instances républicaines, ou contraints de fuir les combats, peu importait. Le résultat était le même. Ils étaient là, hagards, perdus, attendant qu'on leur tende la main. La République l'avait fait, et Quovro s'en satisfaisait pleinement. Ce n'était pas une solution d'urgence qu'on avait trouvé. On ne les entassait pas dans des camps de réfugiés. On leur donnait l'accès à une nouvelle vie. Ils allaient devenir des pionniers, sur UP-228. La République avait installée des bâtiments pré-fabriqués pour les nouveaux colons. Il y avait tout à faire et à découvrir ici. L'Ordre Jedi s'assurait seulement que tout se passait parfaitement. Quovro avait naturellement été pressentis pour encadrer le transfert des civils. Son expérience en tant que Recruteur et sa fibre social en faisant l'intermédiaire privilégié de l'Ordre pour ce genre de situations. Il aimait plus que tout ce genre de missions. Elles lui redonnaient espoir.

Se détournant du spectacle merveilleux qu'offrait la découverte de ce nouveau monde, Den se dirigeait vers le capitaine du cargo, un officier républicain dégarnis, à la peau jaunie par une anxiété notoire et des années de service. Mais il semblait détendu aujourd'hui. Ils avaient fait une longue route jusqu'ici. Il y avait de nombreuses familles parmi les réfugiés. Ils n'avaient plus rien. Seulement cet espoir auquel se raccrocher.


« - Vous avez annoncé la bonne nouvelle à nos passagers, capitaine Varnis ?
- Bien entendu, maître Quovro. Nous préparons dores et déjà les vaisseaux de transport.
- Capitaine, j'entends bien que le protocole est quelque chose que vous avez à cœur dans l'armée, mais appelez-moi Den s'il vous plaît. Nul besoin de s'enticher de titres. »


Le Jedi se détournait ensuite de son interlocuteur, ne lui laissant guère d'opportunités de réagir. Il quittait le pont principal pour se diriger vers les parties inférieures. Dans les hangars, on s'affairait. On chargeait les navettes avec les affaires des réfugiés. Certaines étaient remplies de vivres. Certains réfugiés aidaient le personnel du navire. Les équipes de reconnaissance se préparaient. Varnis était quelqu'un qui agissait avec beaucoup de précaution. Il avait réclamé à Harper que des équipes de reconnaissance soient envoyées en premier lieu sur le site d'installation. Bien entendu celui-ci était, en théorie du moins, sécurisé. La République avait déjà mis en place des installations. Mais Varnis ne voulait rien laisser au hasard : il voulait que ses hommes et ceux du vaisseau mère soient d'abord sur place pour ensuite accueillir les réfugiés dans les meilleures conditions. Quovro avait approuvé sans sourciller, et ferait bien entendu partie des premiers à fouler le sol de cette nouvelle colonie.

On devait la découverte de ce qui se présentait comme un havre de paix à un chevalier Jedi du nom de Karm Torr. Den devait le rencontrer sur place, mais peut-être que le verrait-il avant, à bord de la flotte. Il comptait bien entendu lui transmettre les félicitations de l'Ordre, et en apprendre plus sur la planète. Il n'avait jamais eu l'occasion de travailler avec Karm Torr et cela serait leur première rencontre. Rien de plus plaisant que de rencontrer de nouvelles têtes. Den n'avait pas l'habitude de rencontrer beaucoup de Jedi à dire vrai, malgré son statut de Maître. Son travail aux Acquisitions l'envoyait régulièrement en solitaire aux quatre coins de la galaxie, et il avait rarement de binômes, ou fréquemment les mêmes. Au Temple, où il était rarement, il fréquentait surtout les Padawans et donnait un coup de main à ceux qui encadraient les plus jeunes. Tout cela le privait d'une grande sociabilité, et n'étant pas d'un naturel bavard, il fréquentait souvent les mêmes personnes. Travailler avec des inconnus était donc un honneur exquis pour lui, à chaque fois qu'il en avait l'occasion.

Den déambulait dans les coursives, sans réel but. Il était déjà prêt depuis longtemps. Vêtu d'habits noirs et sobres, il portait sa cape serrée contre lui. Le cargo n'était pas l'endroit le plus chaud. Mal chauffé, triste, Den comprenait que les réfugiés soient pressés que ce long voyage en finisse. Des enfants jouaient, couraient dans les froides coursives, poursuivis par des soldats ulcérés qui tentaient de maintenir le calme et l'ordre. Pouvait-on en vouloir à ces gamins de vouloir se dégourdir les jambes, et de s'inventer un peu de fantaisie sur ce froid navire ? Den ne le pouvait guère.


« - Maître Den Quovro, le Chevalier Karm Torr vient d'arriver sur l'Espérance. »

Son comlink venait de s'activer, le tirant de ses songes. Ne prenant pas la peine de répondre à l'officier, Quovro se dirigeait directement vers les hangars. Une navette l'attendait pour faire la liaison jusqu'au navire de Harper. Il n'avait encore jamais rencontré physiquement le commandant depuis le début du voyage : ils avaient toujours parlés par holocommunication et autres moyens techniques. Den n'avait même jamais pénétré l'enceinte de l'Espérance. Cela ne l'intéressait guère, il n'y avait à son bord que des soldats et des munitions. Lui s'était occupé de naviguer entre les différents cargos, s'assurer du bien être des réfugiés et la bonne organisation du voyage mais aussi de leur arrivée. Tout n'avait pas été de tout repos, et il y avait eu quelques péripéties sur certains navires. Le transport de civil était quelque chose de délicats. Ces gens-là n'étaient pas des soldats, ils n'avaient que faire de la hiérarchie et de l'ordre : ils vivaient, espéraient, et le faisaient spontanément. C'est pour cela que Den les chérissait d'autant plus. Ils étaient le cœur même de la République. Ses citoyens. Et les premières victimes de la situation actuelle. Il y avait quelques orphelins, des veufs et veuves. Des gens de tous les horizons. Et tous repartaient de zéro. L'espoir était maître mot de cette expédition, et le nom du navire militaire qui les escortait résonnait étrangement dans l'esprit de chacun, comme un heureux hasard. Mais derrière l'espoir il y avait des drames, encore frais. UP-228 avait intérêt à en valoir le coup, car ils venaient de loin.

La navette s'éloignait du cargo, tandis que l'Espérance se rapprochait inexorablement. Den observait d'un air maussade l'engin de destruction. Il n'avait d'espérance que le nom, car ce genre de navire ne lui inspirait rien de bon. Pourtant, ils étaient nécessaires, et il le savait. Mais quel triste décor... Amas de ferrailles et de canons, d'une froideur sans nom. Ce genre de navire devait être dirigé par un homme tout aussi froid.

Bientôt, il se posait dans le hangar dudit navire, et en foulait enfin le sol. Deux rangées de soldats l'attendaient, disposés en haie d'honneur, au garde à vous. La scène était ridicule, voire gênante. Un sous-officier l'attendait au milieu, lui aussi droit comme un piquet.


« - Il semblerait que Harper aime la mise en scène. » grinça le Jedi en s'avançant au milieu de soldats feignant l'impassibilité.

Voyant que le sous-officier attendait, toujours raide comme une corne de Bantha, Den comprit qu'on attendait de lui qu'il se comporte comme un digne militaire.

« - Oh... Repos. » Et toute l'assemblée se détendit.

Quelle étrange destinée que celle de soldat. Ces gens suspendaient leur vie à quelques mots issus de la bouche d'autres soldats. Ils les suivaient sans hésitation. Bien qu'il les respectait, Den n'avait aucun amour pour l'armée, et n'aimait guère ce genre de mise en scène et ces honneurs. C'était de trop. Quovro avait toujours prôné l'absence de hiérarchie, et se sentir autant mis en valeur ne le flattait guère. Si Harper voulait bien le recevoir, il n'avait qu'à lui offrir une tasse de thé.

Il suivait alors le sous-officier jusqu'à la passerelle de commandement. Karm Torr était déjà là, avec ce qui devait être Harper, un républicain à la posture froide. Le Chevalier quant à lui était un petit humain à l'apparence juvénile. Quand son regard croisa le sien, Den sentit un calme irradiant la pièce. Il eut un sourire satisfait.


« - Den Quovro, pour vous servir. Karm Torr, j'imagine ? »

Le dubravan le saluait respectueusement d'un signe de tête, avant de porter son attention sur Harper.

« - Commandant Harper, enfin nous nous rencontrons. Félicitations, le voyage fut une réussite. »

Se dirigeant vers la baie vitrée, d'où l'on voyait UP-228 et sa surface, plus proche que jamais, Quovro eut un soupir satisfait.

« - Messieurs, il est temps de donner à ces gens une nouvelle vie. »

Mais avant, ils avaient tous certainement des choses à se dire. Là était le propre des gens importants et à responsabilité: parler beaucoup, souvent pour dire peu. Mais Quovro n'était pas contre un peu de discussion. Et il fallait bien organiser la suite des événements.
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C’était d’un geste de tête que Karm avait salué le Maître Jedi, un échange silencieux et bien peu formel que Harper avait observé néanmoins avec beaucoup d’attention, comme pour ajouter cette coutume-là à son répertoire de traditions. De Karm, Harper n’avait pas tiré grand-chose : quand le Chevalier avait appris que Quovro arrivait pour le premier débarquement, celui des éclaireurs, il s’était contenté de répondre aux questions du commandant par ses monosyllabes ordinaires.

En Quovro, Harper savait trouver quelqu’un de plus collaboratif, même si le militaire, par expérience, avait bien compris au fil des échanges que le Maître Jedi était sans doute beaucoup plus dans son élément sur les cargos de réfugiés que le pont d’un destroyer.

— Le mérite en revient à mon équipe et à votre présence, qui a assuré calmé bien des tensions qui sans ça n’auraient pas manqué d’éclater.

Harper à son tour se tourna vers la baie d’observation.

— Comme vous le savez, le capitaine Varnis a suggéré que des troupes partent en reconnaissance pour s’assurer que les installations soient conformes. Il avait dans l’idée que les réfugiés seraient plus en confiance si l’assurance de leur sécurité venait de soldats qu’ils avaient côtoyés pendant leur voyage plutôt que d’ingénieurs inconnus et il me semble que cette perspective est très juste.

Il n’y avait pas que des mauvais côtés au formalisme scrupuleux de Harper : le commandant tenait systématiquement à rendre à chacun le mérite qui lui revenait. Il était de ces officiers qui se faisaient un devoir de repérer les hommes et les femmes capables placés sous leur commandement, et de les aider à avancer. Il était aussi de ceux qui croyaient que quand ses subordonnés brillaient, il brillait à travers eux et qu’il était inutile de se mettre en avant.

— Nous suivrons donc ses recommandations. Chaque cargo dépêchera deux navettes et cinq d’ici. Sans compter le Chevalier et vous-même, Maître, ce sera une trentaine de soldats qui s’ajoutera aux quelques troupes au sol. Je ne doute pas des capacités du Chevalier Torr…

Non qu’il ait pu en juger lui-même, bien entendu : il se reposait surtout sur la réputation de l’Ordre.

— … qui a supervisé l’installation préliminaire, aussi tout cela ne devrait guère prendre qu’une petite heure, que nous emploierons de notre côté à s’assurer que chaque passager trouve sa navette et que les plans pour l’arrivée soient bien compris de tous.

Harper se tourna vers Karm.

— Et nous prendrons soin de votre chasseur en attendant, Chevalier.

Karm esquissa un demi-sourire pour toute réponse, ce qui ne parut pas froisser Harper. Le commandant fit signe à l’une de ses subordonnés.

— Lieutenant, si vous voulez bien accompagner Maître Quovro et le Chevalier Torr jusqu’au hangar.

Après un signe de tête à l’intention du commandant, Karm quitta le pont pour attendre Quovro dans la coursive, au cas où le Maître eût éprouvé le besoin de s’entretenir dans une intimité relative avec le commandant. Pour être un expert en arts martiaux, Karm n’en était pas pour autant un militaire et les batailles déjà trop nombreuses auxquelles il avait pris part n’avaient pas suffi à l’accoutumer aux habitudes des vaisseaux de guerre.

La lieutenante de Harper l’avait imité dans son initiative et elle le fixait désormais en silence mais avec une curiosité évidente. Au bout d’une poignée de secondes, elle se lança :

— Ça fait quoi de découvrir une planète déserte ? D’être le premier depuis une éternité à y poser le pied ?
— Y a plein d’animaux.

La militaire haussa un sourcil interrogatif et Karm explicita :

— J’suis pas l’premier, y a des tas d’animaux là-bas.
— Oui mais le premier… sentient.

Beaucoup plus porté au mysticisme et à la philosophie que ses répliques terre-à-terre ne voulaient pas le suggérer la plupart du temps, Karm s’autorisa quelques instants de réflexion.

— C’est comme apprendre le secret qu’un ami a longtemps gardé pour soi. C’est compliqué et beau à la fois. Triste, aussi.

La soldate s’était attendue à quelque chose de plus héroïque peut-être mais elle hocha la tête, sans que Karm fut lui-même certain qu’elle eût tout à fait compris ce qu’il essayait d’expliquer. L’heure n’était pas aux méditations, cependant : le Maître les avait rejoints et ils se dirigèrent vers le transporteur qui les conduirait jusqu’aux hangars.

— C’est sécurisé. La planète, j’veux dire. ‘Fin, toute la planète, j’dis pas. Mais le site, sécurisé.

L’initiative de Varnis d’envoyer des éclaireurs avait apparemment mis le jeune homme sur la défensive. Malgré des états de service à peu près irréprochables, Karm avait toujours l’impression que l’on pouvait trouver à redire à son travail. Ce n’était pas qu’il doutât d’avoir fait tout le nécessaire mais plutôt qu’il doutait de pouvoir en convaincre les autres.

— Tempérée, saisonnière, des terres cultivables, un réseau hydrographique dense et doux, avec des crues contrôlables. Minerais éloigné du site, mais facile à extraire. Le corps avancé républicain a installé les habitations, les premières fermes, l’hôpital de campagne, les stations d’hélioénergie et de géothermie. C’est le printemps là-bas, encore douze mois de vingt-trois jours de trente-trois heures avant l’hiver.

Et nul doute que si on ne l’arrêtait pas, poussé par la nervosité, Karm allait décrire la planète dans ses moindres détails.
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Harper avait beau être un militaire froid et pragmatique, il avait un sens du devoir et du travail d'équipe honorable. Il remettait à chacun les honneurs. Den n'avait pas fait grand chose si ce n'est rassurer les civils et s'assurer du bon fonctionnement de la vie quotidienne dans les cargos. Certes, il y avait eu des crises à gérer et des soucis, mais c'était là les aléas de la vie quotidienne. On ne pouvait exiger de civils la même rigueur que des soldats, habitués à ces longs voyages et à la rigueur militaire. À dire vrai les vrais honneurs devaient bien revenir aux militaires et à Karm Torr sans qui toute cette aventure n'avait pas de sens.

Le commandant rappelait ainsi à tous la suggestion de Varnis qui avait été approuvée. Il est vrai qu'on ne pouvait pas larguer les civils comme ça. Évidemment la zone était sûre, et la mesure était certainement plus démagogique qu'autre chose, mais utile. La République allait chouchouter ces pionniers, victime d'une guerre avec laquelle ils n'avaient rien à voir. On ne pouvait pas envoyer ces gens sur place sans protection pour les rassurer. Ils devaient se sentir extrêmement vulnérables et dépourvus. Ils n'avaient plus rien après tout. L'escorte était une bonne idée. Et Den comptait sur la présence de Karm pour aider les forces républicaines à aiguiller les colons, mais surtout à présenter la planète à ceux-ci. Il la connaissait mieux que quiconque et c'était bien mieux qu'un écran faisant défiler les statistiques et données sur la planète.


« - Le programme me paraît satisfaisant. Espérons que tout se passe sans accroche. Mais je suis plutôt confiant. Nous nous reposerons quand tout le monde sera bien installé. »

Une militaire fut chargée d'emmener les Jedi aux hangars. Le Chevalier s'engouffrait avec elle dans les coursives tandis que Den s'attardait quelques minutes de plus avec Harper. Il s'assurait de vive voix du déroulement des choses sur place et de ce qui attendait les colons. Il y avait déjà beaucoup d'installations primordiales mises en place par la République, et ce n'était que le début. Bien sûr, les pionniers allaient avoir beaucoup à faire, mais un confort minimal et une sécurité plus que relative était assurés. La République devait envoyer d'ici peu les fonctionnaires élémentaires d'une colonie, en attendant ils se débrouilleraient. Den hésitait à rester un peu sur place pour veiller au bon établissement des familles et aider pour le développement des différentes institutions. Mais pouvait-il se le permettre ? L'état de la galaxie rendait les Jedi nécessaires partout. Ce n'était pas les seuls réfugiés qui allaient avoir besoin d'une nouvelle maison. Et leur nombre allait croître. Ce genre de missions allaient se multiplier. Et s'il n'était pas envoyé au front, il était certains que Quovro devrait oeuvrer partout où il le pouvait pour apporter un peu d'espoir.

Après une courte discussion avec Harper, Den le laissait à ses devoirs de commandement pour rejoindre Karm Torr et leur escorte personnelle. Ils se dirigèrent vers les hangars, et tandis qu'ils marchaient, Karm entreprit de reprendre la conversation. Il était visiblement concerné par les mesures de Varnis et Harper. Quovro pouvait comprendre, et ressentait sa nervosité peu dissimulée. Qui n'aurait pas pris cette disposition comme une remise en question de la qualité de son travail ? Ce n'était évidemment pas le cas, et du simple zèle de la part des militaires, sur lequel Quovro n'allait pas cracher. Mais personne ici n'avait remis en question les qualités de Torr, du moins pas le Jedi. Et il n'avait pas ressentis d'animosité à l'égard du Chevalier chez les militaires. De l'incompréhension, peut-être. Mais ils n'appartenaient définitivement pas au même monde. Et Karm avait l'air d'un charmant, mais troublant personnage.


« - Je te fais entièrement confiance Karm. C'est un véritable petit paradis que tu as déniché. Les colons vont être bien installés ici. Pas de doute que la colonie va rapidement se développer. »

Il eut un léger soupire, presque envieux de ces civils, ce qui était stupide, après tout ce qu'ils avaient endurer, mais cette perspective de nouveauté et d'aventure quotidienne l'excitait. Il n'en était pourtant pas dépourvu dans sa vie de Jedi, au contraire.


« - N'est-ce pas merveilleux, la découverte d'un nouveau monde où tout est à faire ? La naissance paisible d'une communauté. J'ai hâte de voir ce que va donner cette colonie. Et d'en fouler le sol. Je te félicite pour ton travail ici. Harper et Varnis sont des militaires méthodiques, n'ait crainte de la reconnaissance que nous portons aux données que tu nous a fournis. Cette escorte a plus pour but de rassurer les réfugiés que de les protéger. Ils ont besoin de sentir que la République les épaule. Et je crois que la République a besoin de se sentir généreuse et juste, en ces temps de guerre et de troubles. »

Den se demandait à quoi les paysages ressemblaient, en bas. Pour l'instant, c'était un paradis vierge. Il espérait que la colonie demeurait respectueuse de ce refuge dont ils avaient hérité. La nature pure était tellement plus agréable que les mondes sururbanisés et industriels qui pullulaient sur la galaxie. Il aurait voulu arpenter ce monde avec Karm. Découvrir l'inconnu et le monde conservé de toute influence moderne. Il avait réellement hâte d'y être, ainsi ne se fit-il pas prier pour monter dans la navette qui devait les transporter, avec les premiers arrivants et leurs escortes, sur la planète.

Ils quittèrent les hangars, bercés par le vrombissement des moteurs de la navette. D'autres quittaient les cargos. L'essaim s'éloignait de la flottille, traversant le vide sidéral vers leur nouvel espoir.


« - C'est ta première mission de ce type ? » lançait Den, curieux de découvrir un peu plus son nouveau coéquipier. Il avait deviné qu'il n'était guère bavard, ainsi ne voulait-il pas le forcer à la discussion. Mais de trop longs périples en solitaire avait mené Quovro à une curiosité naturelle avec les gens qu'il cotoyait. Et c'était la première fois qu'il rencontrait le mystérieux Chevalier.
Karm Torr
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D’un hochement de tête sobre, Karm approuva l’enthousiasme de Quovro, avant de remarquer :

— Après, l’agriculture tout ça, j’avoue, j’m’y connais pas trop. À part les prérequis, quoi.

Par « prérequis », il entendait tout ce qui devait attirer l’attention d’un bon explorateur qui, en parcourant une planète, savait à chaque instant en estimer le potentiel. Mais Karm avait bien conscience qu’il y avait beaucoup de différences entre les diagnostics qu’il livrait sur les mondes qui parcouraient et la poursuite quotidienne des travaux des champs et des mines, des forêts et des mers.

Parfois, il essayait de s’imaginer cette vie paisible des paysans, des ouvriers, dont le quotidien était presque entièrement prévisible, quand la guerre ne s’en mêlait pas, mais c’était sans succès. Son âme à lui était aventureuse, définitivement, et dans le Corps d’Exploration, il était persuadé d’avoir trouvé sa vocation.

— Nope, répondit-il à la seconde question du Maître, alors qu’ils entraient dans l’atmosphère. J’suis dans le Corps d’Exploration.

Puisqu’il était Chevalier, il devait faire partie en quelque sorte de l’encadrement et non des Padawans qui, finalement peu taillés pour les épreuves, étaient réorientés par le Conseil approprié vers l’un des corps auxiliaires de l’Ordre. Néanmoins, Karm ne se sentait chef de rien du tout et, souvent, il exécutait ses missions en solitaire.

— J’fais de la prospection pour les Archéos, puis de la reconnaissance pour l’exploitation, les missions scientifiques, ce genre de trucs. Sur les planètes inconnues. Parfois, de l’extraction de civils, sur les planètes sauvages, quand quelque chose tourne mal.

Et il ne manquait pas de travail. D’abord, les planètes inconnues, il y en avait toute une infinité et ensuite, les scientifiques en détresse perdus sur un glacier, au fond d’un océan ou dans une jungle dangereuse, formaient une légion dispersée, dont les soldats parfois infortunés cherchaient avec beaucoup d’énergie la prochaine découverte médicale, le matériau du futur ou l’énergie des lendemains qui chantent.

— Les planètes de refuge, ça arrive de temps en temps. ‘Fin, y a des gens dont la planète devient inhabitable, genre catastrophe naturelle ou industrielle, puis la guerre, quoi. Mais c’est la première fois que…

Karm s’interrompit à la secousse qui indiquait qu’ils avaient touché sol, sur la piste de fortune qui tenait pour l’heure lieu d’unique astroport sur la planète encore à baptiser.

— … j’reste quand les gens arrivent.

La rampe de la navette descendit et un soleil de printemps s’engouffra dans l’habitacle, forçant les soldats à cligner des yeux, avant de débarquer en bon ordre. Dehors, au-delà des préfabriqués qui formaient la base de l’installation et le cœur d’un premier village, une plaine aux collines éparses, couverte d’herbe pourpre, s’étendait à perte de vue, au nord, au sud et à l’est, tandis qu’à l’ouest, une chaine de montagnes, jeunes à en juger par leur forme, dominait l’horizon.

Une fois hors de la navette, Karm leva les yeux vers le ciel d’un bleu très clair, où l’on devinait la silhouette de deux lunes pâles, éclairées comme la planète par un soleil radieux. De temps à autre, des vols d’oiseaux passaient dans le ciel, mais trop haut pour que l’on pût facilement discerner leurs formes ou leurs couleurs. La quiétude de ce paysage entièrement sauvage était troublée par les petites navettes qui se posaient les unes après les autres et les cohortes de soldats qui se reformaient, en attendant les ordres.

Des lieutenants ne tardèrent pas à dispenser les tâches : patrouiller les alentours, partir en reconnaissance, organiser le débarquement, vérifier le matériel — autant de précautions qui s’ajoutaient aux précautions, déjà prises par les ingénieurs civils de la République, qui travaillaient là depuis un moment. Karm, pour sa part, sortit un datapad de sa poche, pianota sur l’écran et tendit le petit appareil à Quovro. Il y avait affiché le plan du village et la carte générale de la région.

— Faudra bien sûr des explorations complémentaires pour cartographier toute la planète mais j’crois que l’Espérance va faire un tour orbital après l’débarquement pour donner une première idée. C’est surtout les réseaux souterrains qui échappent au radar planétaire.

Il était évident que Karm se sentait plus à l’aise en discutant géographie ou géologie qu’en considérant l’aspect social de tout ce qui s’annonçait là. Il était loin de se douter que Quovro songeait à ce qu’il fît une présentation aux réfugiés. D’ailleurs, il n’avait qu’une idée très vague de la manière dont l’installation elle-même se passerait et ce fut presque avec une curiosité de Padawan qu’il demanda :

— Et les gens, là-haut, ils ont déjà, genre, un gouvernement ? Ou ils vont improviser un truc ?

Lui, en bon Ark-Ni, il était plutôt pour l’improvisation, l’organisation horizontale et une anarchie communautaire bien comprise, mais il avait découvert au fil de son apprentissage de Jedi que sa propre culture politique était loin de représenter la norme de la Galaxie.
Karm Torr
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N.B. : Ce message clôture un sujet après la disparition de l’autre joueur-se.


En quelques jours, la vie s’était organisée. Dans les baraquements bâtis par la division du génie militaire et les services d’exploration de la République, tout un peuple avait commencé à cerner les nouveaux contours de son existence. Dans ces maisons toutes uniformes, imaginées sur le même modèle et construites dans une usine lointaine avant d’être assemblées sur le sol de cette planète dont aucun d’entre eux jusque là n’avait jamais entendu parler, ils cessaient petit à petit d’être des réfugiés, cette masse indivise qu’on transport d’un bout à l’autre de Galaxie depuis des mois, pour retrouver les principes de leur vie individuelle.


Maître Quovro et les officiers de l’armée républicaine veillèrent d’abord à la bonne organisation générale. Karm, lui, s’était vu confier la responsabilité essentielle d’appuyer les explorateurs républicains dans l’une de leurs missions : familiariser celles et ceux qui étaient devenus des colons avec leur nouvel environnement. Chaque jour, des petits groupes portaient découvrir les contrées alentours, en des expéditions modestes qui formaient des cercles concentriques de plus en plus grands.


À la fin de la première semaine, des machines agricoles arrivèrent, et trois Consulaires de l’AgriCorps. Presque aucun des colons n’avait l’expérience du travail de la terre. Ils venaient tous de l’une de ces grandes villes industrielles, centre névralgique d’une planète à conquérir, que l’on avait bombardée pour faire plier un gouvernement, parce que personne ne pointait ses missiles sur les campagnes. Il fallait tout apprendre. La première ferme fut communale, expérimentale, installée en bordure du camp, pour former la première vague.


Ça ne va jamais marcher, commenta le lieutenant Grzyło, alors que Karm et lui, assis sur le toit de l’un des dortoirs militaires, profitaient ensemble d’un moment de repos, en considérant l’horizon.


L’officier républicain qui l’avait accueilli à son arrivée sur la planète avait fini par revenir sur les préjugés qu’il avait d’abord nourris face à l’étrange Chevalier dépêché par l’ExploCorps.


De quoi, la cuve à fumier ?
Les élections, Karm, j’parle des élections.
Ah.


Le jeune homme haussa les épaules.


J’sais pas.
Dis donc, t’es très impliqué dans la question.
Là d’où j’viens… ‘fin, où je suis né… ‘fin… bref.
Lumineux.
J’suis pas Consulaire, hein.


Silence.


Mais tu penses pas que si on dirigeait les choses encore un peu plus longtemps, disons quelques mois, au lieu de se lancer dans une transition démocratique tout de suite, qui sera nécessairement chaotique, les gens auront plus le temps de construire leur système ?
Si c’est nous qui dirigeons, c’est pas eux qui construisent leur système et si c’est pas eux qui construisent, ce monde sera jamais leur monde. ‘Fin, il me semble, quoi…
Peut-être, murmura le lieutenant, qui se sentait au fond trop militaire pour comprendre ce que le désordre pouvait avoir de vertueux, peut-être…


Un conseil municipal avait été élu deux semaines plus tard, trois hommes, trois femmes, et la transition s’était petit à petit mise en place. Les explorateurs de la République étaient partis les premiers, puis Karm s’était envolé un jour, vers d’autres missions. Des planètes sauvages et solitaires attendaient qu’on les découvre et qu’on les cartographie. Il y aurait d’autres réfugiés, d’autres colonies, d’autres désespoirs et d’autres découvertes.


De temps en temps, l’ExploCorps le renvoyait sur UP-228. Esperancia, c’était le nom qu’avait pris finalement la planète, du nom du croiseur républicain qui avait, quelques mois plus tôt, protégé les cargos de passagers. Une Jedi de l’AgriCorps y résidait en permanence désormais, et pour probablement deux ou trois ans encore, afin de veiller sur la population et de parer à toute éventualité dans le secteur. Le rôle de Karm était devenu ponctuel : apporter de temps à autre son expertise à l’entraînement du Corps d’Exploration Espérancien, qui serait chargé de pousser à l’intérieur du continent et, le cas échéant, d’identifier les endroits où une seconde ville, un jour, pourrait être bâtie.


Le conseil municipal avait fait le choix de l’ouverture à l’extérieur et s’était proposé au Sénat d’accueillir d’autres réfugiés, moitié pour rendre la charité dont ils avaient bénéficié, moitié pour accélérer le développement de la planète. Et puis tendre la main à d’autres, c’était un moyen de ne plus se sentir une victime soi-même. On avait fait les premières semis et les machines agricoles travaillaient les champs.


Sept mois plus tard, il avait appris que le lieutenant Grzyło était mort, lors d’un affrontement à la frontière entre la République et l’Empire : les moteurs du croiseur avaient été touchés juste avant un saut dans l’hyperespace et le navire s’était déchiré en deux. Est-ce que quelqu’un se souviendrait de lui sur Esperancia ? Un lieutenant parmi la centaine de militaires républicains, comme perdu dans la foule. Karm se sentait le seul dépositaire de sa présence sur ce monde. Depuis le début de la guerre, ses souvenirs étaient encombrés par les morts.


Dix mois après l’arrivée des colons, on célébra la naissance du premier bébé.
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