Les jours, les semaines puis les mois avaient filé depuis Les événements de Félucia. Accueilli comme un héros en rentrant au temple, Kanien s'était subitement retrouvé sous le feu des projecteurs. Si la boule de poils avait toujours su gérer la notoriété que lui conférait sa différence, il n'avait jamais été réellement considéré comme un padawan "sérieux". Bien souvent, l'ewok avait considéré que la bonté de ses camarades à son égard était en réalité une sorte de pitié, due à sa condition handicapante. Comme si les autres padawans l'avait vu en infirme, incapable de devenir réellement important.
Seulement, avoir vaincu un apprenti, échappé à un Rancor, avoir survécu à la catastrophe de Félucia, et avoir été médaillée par la chancelière en personne, tout cela avait rompu cette image de padawan incapable dont jouissait étrangement Kanien. Désormais, l'ewok avait pu observer certains de ses camarades nourrir une forme de jalousie.

Lors de mains entraînements, ses camarades, surtout les plus âgés, s'étaient montrés particulièrement entreprenants, quitte à blesser la peluche, afin de prouver qu'ils demeuraient en un sens supérieurs à lui.
Kanien avait plutôt mal vécu la situation. Rien ne l'avait préparé à ce que la gentillesse de ses camarades ne devienne si rapidement de la rivalité.
Le padawan velu s'était peu à peu replié sur lui même, s'entraînant seul, cherchant la compagnie sage et silencieuse de ses maîtres lors de longues périodes de méditation.

L'ewok souffrait également d'un autre soucis: il gagnait en maturité. Les ewoks ont un rythme de vie plus rapide que leurs homologues humanoïdes, aussi Kanien, bien qu'âgé de 13 ans, faisait preuve de la même maturité que ses camarades adolescents, voire jeunes adultes.
Fait qui semblait visiblement passer inaperçu auprès des autres padawans. Soit ceux ci ne le remarquait pas, soit il ne voulait pas y prêter attention.
Kanien avait toujours su que sa condition lui imposerait beaucoup de désagréments, mais que les autres refusent de le voir grandir, ça lui était particulièrement insupportable.

Bien souvent, Kanien pensait à sa planète. Que devenait les autres ewoks ? Ses amis d'enfance avaient ils reçu leurs capuches ? Comment allaient les siens ?
Tant de questions qui demeuraient malheureusement sans réponse, et qui demeureraient malheureusement sans réponse toute son existence...

Ce jour là, cependant, le Kanien altruiste et profondément bienveillant allait pouvoir refaire surface. Le conseil avait chargé Kanien d'une mission des plus réjouissantes: accueillir un nouvel initié sur Ondéron.
La peluche était très fière que l'on ait fait appel à lui. Il avait toujours été de très bonne compagnie, remontant le moral de ses camarades frappés par les regrets ou le doute, aidant ses camarades à braver leur peur. Aussi était il heureux que l'on pense à lui pour une telle mission.

Pour l'occasion, Kanien enfila sa bure blanche, impeccable, passa ses doigts sur son crâne pour discipliner au mieu son pelage rebelle. Il rangea son sabre laser à sa ceinture, et rangea enfin son bien le plus précieux, la médaille offerte par la chancelière, dans une poché intérieure de sa bure.
Fin prêt à accueillir le novice, l'ewok se rendit aux portes du temple.

Il était difficile de manquer le fameux individu. Deux mètres presque atteints, une masse, un colosse. Une force de la nature qui, il semblait à Kanien, aurait pu le tuer d'une gifle. Intimidé, l'ewok sentit ses oreilles se courber.
Il secoua la tête, voulant reprendre ses esprits. N'était il pas la preuve vivante que n'importe qui pouvait, devait, être accepté au sein de l'ordre ? Lui qui avait toujours montré tant de bonté, voilà qu'il devait maintenant prouver son ouverture d'esprit. L'ewok s'élança alors en direction de son futur camarade :

-Tyr Alaki ? Moi être Kanien ! Vous être bienvenue chez vous !

Son ventre avait émis un bruit caractéristique, témoignant de la fin qui devait saisir la créature aux entrailles. Kanien, étant donné la différence immense qu'il y avait entre lui et son interlocuteur, frémit. Tout son corps fut parcouru d'un frisson, comme si chaque muscle ainsi prévenu se préparait à agir en réaction.
Il avait réagi comme un rongeur devant un prédateur. Une réaction primitive, que l'on aurait pu apparenter sans erreur à un instinct de survie. Après tout, le visiteur était si grand qu'il cachait le petit ewok des rayons du soleil d'Ondéron.

Néanmoins, après que le reptile eût rassuré l'ewok, celui ci reprit un brin de confiance. Il s'était entraîné très dur pour pouvoir agir contre ce genre d'adversaire. Et si il y était contraint, Kanien n'hésiterait pas à le tailler en pièces !
Aussi, le padawan velu reprit peu à peu ses esprits et fit bien attention à ce que disait la créature si terrifiante. Cette dernière ne semblait sincèrement pas comprendre ce qu'elle faisait là. Se pouvait il qu'elle ne sache rien ?

Kanien commençait à penser que c'était le cas, qu'on avait du orienter ce colosse jusqu'à Ondéron sans le renseigner davantage.
Cela lui rappela son propre cas, lorsqu'il avait été arraché à son monde natal. Il avait du comprendre toutes ces choses si brusquement... Les immenses constructions de fer et de pierre, la République, les autres espèces, apprendre à parler, comprendre la force et sa nature... Tout cela, il ne le comprenait d'ailleurs toujours pas complètement.
Ce simple souvenir créa en Kanien une sorte de compassion à l'égard du reptile. Il ne pouvait décidément pas laisser cette pauvre créature livrée à elle même face au temple !

Une fois les présentations effectuées, l'ewok comprit qu'il ne pourrait répondre seul au question de cette masse écailleuse. Il lui faudrait l'aide d'un maître pour faire comprendre à la créature tous les tenants et les aboutissants de sa présence en ces lieux sacrés.

-Vous Vouloir aller voir maîtres de moi ? Eux pouvoir répondre à toutes les questions de vous !

Peut importe qui les aiderait, Kanien ne pouvait supporter de rester flou, voire pire, induire son nouvel ami en erreur. Il voulait que les premières heures de l'individu sur Ondéron soit les plus tranquilles et agréables possibles, il savait la difficulté que cela pourrait être pour lui de s'intégrer par la suite. Sa propre condition l'avait hélas renseigné sur l'exclusion que pouvait entraîner la différence...

La brève tension qui avait menacé de s'installer entre les deux créatures, diamétralement opposées, s'était finalement dissipée aussi vite qu'elle était apparue.
La bonne humeur de Kanien s'était finalement avérée contagieuse, apaisant quelque peu l'immense reptile. Kanien imaginait que son interlocuteur devait être dans une situation de forte angoisse. Il était sur une planète qu'il ne connaissait pas, dont il devait certainement ignorer les moeurs, et qui de plus, habitaient beaucoup de personnes hostiles ou tout du moins méfiante quant à la présence d'une telle créature.

La boule de poils fut ravie de côtoyer un individu si entreprenant. Pas de questions inutiles, pas de remarques déplacées. Le reptile se montrait poli, pacifique, vif. Mais surtout, respectueux. Là où d'autres padawans auraient fait peu de cas du gabarit de Kanien et l'aurait distancé, ou au contraire l'auraient suivi avec une mine emprunte d'une pitié mal placée, celui ci se contentait de lui emboîter le pas, poliment, et ce, en continuant à le regarder dans les yeux.

La mine joyeuse, le pas vif et fier, Kanien prit les devants, conduisant son nouvel ami jusqu'au temple. Tout en regardant celui ci, avec une lueur d'admiration dans les yeux, l'ewok déclara :

-Ça être temple jedi ! Ici, padawan vivre tous ensemble dans harmonie. Nous être tous égaux ! Nous être formés ici par maîtres jedi ! Eux être sages et forts. Nous utiliser la Force pour préserver paix dans galaxie !

Après sa petite tirade, l'ewok se tut quelques instants. Le reptile semblait ne pas comprendre la notion de maître tel que Kanien l'entendait. Il prit donc plaisir à expliquer cette notion à son compagnon :

-Maîtres Jedi être professeurs ! Eux vouloir faire de nous Jedi plus forts qu'eux. Eux éduquer nous avec valeurs et codes jedi. Maître différents d'esclavagistes. Eux être tournés vers bien être commun.

Décidément, ce reptile rappelait beaucoup à Kanien sa propre histoire. Il se revoyait à travers lui, quelques années en arrière, apprenant le langage des gens peuplant le reste de la galaxie, assimilant leurs coutumes, leurs traditions, leur histoire.
Apprenant ce qu'était la force, qui étaient les jedis, leur combat, leur code, leurs valeurs.

Aujourd'hui, il pouvait, il devait aider cet individu à s'intégrer. Lorsqu'il avait du rejoindre la civilisation, son apparence lui avait permis de profiter d'un traitement de faveur. Tout le monde témoignait toujours d'une grande bonté à son égard, aussi ses camarades s'étaient ils montrés patients et compatissants à son égard.
Cependant, il devinait que l'intégration de son nouveau camarade serait bien plus problématique. Il était de son devoir d'aider ce dernier à accomplir sa destinées, sans avoir peur de quoi que ce soit.

Kanien commençait à cerner de plus en plus le personnage avec lequel il conversait. Celui-ci semblait faire de son mieux pour ne pas prêter attention aux padawans qui ne cessaient de les dévisager. Seulement, Kanien, dans sa condition à la fois si différente et si similaire du reptile, savait à quel point ces regards pouvaient être durs à supporter. Peut-être pas pour les mêmes raisons néanmoins. Kanien était habitué à ce qu'on le considère comme une simple peluche. C'est à peine si on le considérait comme une vraie créature vivante. Son nouvel ami, si imposant, lui, renvoyait l'image d'un monstre brutal et primitif.
Si les raisons divergeaient, ils étaient donc tous deux des parias, des marginaux. Le stoïcisme de Tyr impressionnait le padawan velu. A son arrivée sur Ondéron, il se rappelait avoir cherché à tout prix à fuir les jugements silencieux de ceux qui étaient devenus ses frères d'armes.

Les questions du reptile étaient déconcertantes, dans le sens où il demandait à Kanien de définir des principes qui, aux yeux de l'ewok, étaient devenus naturels. Seulement, le petit Jedi avait lui aussi du apprendre ces notions, et quelques années de cela seulement, ce qui en faisant certainement un des padawans les plus aptes à répondre patiemment à ces interrogations. L'élève savait que nombre de ses camarades, pour lesquels ces questions n'avaient même pas de raison d'être, auraient manqué de patience, et auraient frisé le mépris dans sa situation.

Kanien se rappela la façon dont les jedis qui l'avaient libéré lui avait fait comprendre la nature de leur mission, et l'étendue de leurs pouvoirs. Il s'arrêta soudain de marcher.  le reptile dut lui aussi stopper brusquement son avancée.
Kanien saisit alors à sa ceinture son sabre laser. Il laisse au reptile le temps de suivre son geste, et attendit que ses yeux se posent sur l'arme.

-Nous être défenseurs de la justice. Pour ça, maître apprendre à nous à soigner, combattre, penser, utiliser Force.

Kanien activa la lame de son sabre. Dans un éclair laiteux, celle-ci se déploya. Les quelques padawans qui se tenaient se retournèrent sur les deux initiés, la nature de leurs regards changeant, passant d'une nuance de curiosité à une autre.
Le petit être effectua quelques moulinets, machinalement, afin de laisser à Tyr l'occasion d'entendre et de voir la lame siffler dans les airs.

-Maître avoir appris à moi à défendre convictions de nous.

L'ewok désactiva son arme, la gardant dans sa main droite. Puis, il se concentra sur cette dernière. Son sabre laser s'éleva alors, quelques centimètres au-dessus de sa paume, se stabilisant dans le vide.
Le padawan velu ne quittait pas son arme des yeux, ne souhaitant pas qu'un relâchement dans sa concentration ne ruine toute sa crédibilité.

-Force être présente partout. Elle régir galaxie de nous. Nous apprendre à la respecter, nous user d'elle pour maintenir harmonie.

Kanien laissa son sabre retomber dans sa paume, puis la rangea à sa ceinture. Puis, il médita sur la meilleure façon de transmettre sa vision de l'ordre. Il savait que son langage primitif pouvait parfois le rendre difficilement compréhensible. Il marqua donc une pause, puis, une fois inspiré, déclara :

-Ici, nous prier pour le meilleur. Ici, nous préparer le pire.

Kanien se réjouit de l'efficacité de sa prestation. Il eût une pensée nostalgique aux jedi qui l'avaient libérés, ceux qui en avait fait le padawan qu'il était désormais. Ils avaient été un exemple d'ouverture d'esprit, de dévouement, de patience et de bonté. Si l'ewok avait pu faire pour Tyr le centième de ce que ces jedis avaient fait pour lui, cela le réjouissait grandement.

Le reptile reprit le fil de leur avancée à travers le temple. Il marchait suffisamment lentement pour que Kanien puisse reprendre les devants. Une attention que l'ewok appréciait tout particulièrement. Son nouvel ami n'oubliait pas qu'il se trouvait avec un être trois ou quatre fois plus petit que lui. Le padawan velu adorait cette politesse du détail.

Il songeait déjà avec plaisir que les maîtres du temple le féliciteraient de sa sollicitude. L'ewok allait pouvoir continuer de prouver qu'il n'était pas en reste dans l'exécution de toutes sortes de mission. Il était largement aussi capable que ses camarades humanoïdes !

Cependant, la question de Tyr s'avérait assez piquante. Comment Kanien pourrait il lui expliquer le conflit opposant empire et République, Sith et jedis, situation résultant de plusieurs années de conflit ? Situation que lui même saisissait difficilement d'ailleurs.

-Oui, nous être opposés à Sith et empire de eux. Eux faire utilisation différents de Force. Eux user de elle pour servir intérêts de eux. Toi comprendre cela plus tard. Ça être compliqué, mais moi promettre à toi de t'expliquer. Mais plus tard. Chaque chose en son temps.

Kanien écouta ensuite à nouveau Tyr. Peu à peu, l'histoire de ce dernier semblait dessiner dans l'esprit de l'ewok. Ou tout du moins, ce qui l'avait mené jusqu'ici. Il avait du être identifié tard comme un élément à potentiel, et poussé à rejoindre Ondéron pour suivre une voie bien trouble encore à ses yeux.

-Avant que jedis trouver moi, moi pas contrôler Force du tout. Moi m'être beaucoup entraîné pour faire ce que moi avoir fait. Et ça être juste aperçu de ce que moi savoir faire. Et à côté de maîtres de moi, ça être ridicule. Maître Don, grand jedi du conseil, pouvoir contrôler force comme personne ! Lui pouvoir faire s'élever des maisons ! Lui pouvoir détruire pierre et acier avec Force ! Sans même la toucher ! Lui être modèle pour nous, padawans.

Kanien observa son nouvel ami passer devant lui, avant de plonger ses yeux dans les siens. Le padawan s'arrêta lui aussi, opposant son regard à celui du reptile.
Il savait qu'il s'agissait d'une façon de tester sa réaction, de mettre à l'épreuve sa sincérité.

Sa question était logique après ce qu'il venait de lui révéler. Kanien avait outrepassé ses prérogatives en lui donnant connaissance de l'existence de tels pouvoirs...
Seulement, comment lui expliquer ? L'ewok avait déjà pu observer certains pouvoirs pouvant blesser, certains de ses camarades les maîtrisait même dans une moindre mesure. Et il ne pouvait même pas douter que maître Don serait capable de terrasser un simple civil sans le toucher, si l'envie lui en prenait.

Seulement, jamais un maître n'aurait abusé ainsi de son pouvoir. Un maître jedi jamais, mais un maître Sith... Kanien ne pouvait oublier la violence de l'apprenti que lui et Kolin avaient vaincu sur Félucia. C'était un garçon redoutable, et il avait faut usage de ses pouvoirs pour tenter de les massacrer.
Mais c'est là que s'insinuait la frontière entre le côté Obscur et le côté lumineux de la force. Ses camarades pouvaient contrôler la forcer, l'absorber, l'utiliser pour guérir. Leurs ennemis s'en servaient pour broyer leurs ennemis, les électrocuter, leur dérober leur énergie vitale...

Même si le padawan velu appréciait Tyr, il ne pouvait se permettre de lui révéler l'existence de tels pouvoirs, pas pour l'instant. Lui et les autres padawans avaient été éduqué pour rejeter l'idée même de tels pouvoirs, pas Tyr.

L'ewok hésita longuement sur ces mots, puis déclara :

-Oui. Maître de moi pouvoir utiliser pouvoirs de eux contre ennemis. Mais nous jamais faire usage de Force de cette façon si nous pas y avoir été contraints. Ça faire partie de règles des Jedis.

L'ewok reprit alors son petit pas tranquille, en direction de la salle dans laquelle on lui avait donné l'ordre d'amener Tyr. Il voulait ainsi abréger la conversation, et éviter ainsi de faire un faux pas, une fois de plus. Il était essentiel qu'il n'outrepasse plus ses prérogatives.

Une fois le singulier duo parvenu à destination, l'ewok tapa la porte de ses petites mains, signifiant ainsi leur arrivée. Il se tourna ensuite vers son nouveau camarade, et lui dit :

- Ça avoir été un plaisir rencontrer toi Tyr. Maître de moi t'accueillir et répondre mieux que moi à tes questions. Moi espérer t'avoir au moins un peu aider ! Moi te souhaiter bonne continuation !

Avec la même politesse dont il ne se passait jamais, le padawan s'inclina devant son nouvel ami. Puis, de nouveau bien droit dans ses bottes, abandonna son camarade écailleux dans le couloir, reprenant son petit pas tranquille.