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L'homme attendait sous un porche, ses vêtements civils tellement mouillés qu'il ne se rendait même plus compte que ses vêtements dégoulinaient. De l'eau de pluie, d'une pluie diluvienne qui ne cessait de tomber depuis une heure. Yaga Minor était un climat tempéré, semblable à n'importe quelle planète de type Eden. Et cela, l'homme ne pouvait que s'en réjouir. Après avoir passé beaucoup de temps sur des planètes de sable, il était heureux d’avoir un environnement beaucoup moins austère. Heureux, oui, même s'il était trempé. Même si tout n'était évidemment pas rose, dans sa vie.

La rue où il se trouvait était très active, malgré la météo peu clémente. On était dans un quartier nouveau, ici, bâti depuis peu, et peuplé essentiellement d'humains. De ce fait, il passait relativement inaperçu. On pouvait toutefois noter chez cet homme une attitude un peu étrange : immobile, il fixait les passants, les véhicules, les détaillant tour à tour, comme s'il cherchait à repérer quelque chose. Ou quelqu'un. L'homme secoua machinalement ses manches humides, chassant quelques gouttes. Un endroit un peu bizarre que le porche d'un magasin fermé, pour attendre ainsi. Mais il le fallait. C'était là qu'il avait placé le point de rendez-vous avec la femme qu'il attendait.

Il était arrivé depuis la veille, et conformément aux ordres, il attendait maintenant que sa compagne de mission le rejoigne. Une mission nettement moins dangereuse, à priori, que celle qu'ils avaient tous les deux vécue auprès du Hutt Vogda. Mais néanmoins, périlleuse, car un rien pouvait les condamner. Sur ordre de l'Empire, ils devaient se rendre sur Yaga Minor, observer, infiltrer, enregistrer un maximum d'informations sur ce que la République y faisait. S'il le fallait, ils avaient ordre d'user d'autant de corruption que nécessaire. La seule véritable contrainte, en vérité, à leur travail, c'était d'éviter à tout prix la capture ou l'éveil de soupçons. Le fait qu'ils étaient tous les deux morts aux yeux de leurs anciennes autorités simplifiait pas mal de choses. Comme le fait qu'on les reconnaisse pas.

Emhyr se redressa soudain, s'assurant une fois de plus que sa tenue était conforme à leurs prévisions. Un pantalon rouge, des chaussures rouges, une veste noire, un t-shirt blanc et une casque rouge. Ses yeux gris et ses cicatrices, on n'y pouvait pas grand chose, malheureusement. Quant à sa barbe de trois jours, soigneusement entretenue pour qu'elle reste ainsi, il n'avait pas l'intention de s'en débarrasser. Fut un temps où il aurait jugé cela contraire à sa façon de voir. Ce temps n'était plus.

Un véhicule monoplace passa à toute allure, traversant la rue en un éclair. Il tapota machinalement l'endroit où était censée se trouver sa ceinture... mais il n'en avait pas, là. Il avait une tenue civile. Son sabre-laser, toujours à lame bleue, se trouvait avec le reste de ses affaires dans un petit appartement qu'il avait loué grâce aux fonds impériaux. Il fouilla dans sa poche, y trouvant le contact rassurant des deux datacartes d'identité, celles qu'adopteraient le « couple » pour leur mission. Décidément, on aime jouer sous couverture. Hmm, drôle de jeu de mot. Me demande si ça lui plairait.

Il ne l'avait pas revue depuis la cérémonie sur Dromund Kaas. Cela faisait quoi ? Deux semaines, trois ? Il se souvenait parfaitement de ce qu'il s'était passé. De ce qu'il avait ressenti. Emhyr n'avait jamais eu le sentiment d'être véritablement amoureux de quelqu'un, il ne pouvait pas vraiment savoir si c'était le cas en ce moment. Et ce devait être pareil pour la Twi'lek. Même si elle avait eu l'air d'apprécier tout autant la nuit qu'ils avaient passé ensemble. Endormie dans son étreinte, elle avait eu l'air nettement moins dangereuse.

Enfin, un taxi arriva, et en débarqua une Twi'lek à la peau bleue. Myir. Essayant d'avoir l'air le plus naturel possible, il lui fit un signe de la main, et elle put le rejoindre à l'abri de la pluie. Elle aussi portait une tenue civile.

 « Bienvenue sur Yaga Minor ! Même si le temps n'est pas aussi clément. »

Il lui adressa un simple sourire. Il n'y eut ni accolade, ni baiser. Ni étreinte, ni paroles sentimentales. Il lui donna sa nouvelle datacarte d'identité, puis la guida à travers les rues pour rejoindre leur planque. Dans la pratique, il ignorait si elle approuvait le fait qu'ils passent pour Darn (lui) et Ajuw (elle) Wykanso, un charmant petit couple qui venait de Corellia pour s'installer ici et commencer une nouvelle vie. Lui-même avait du mal à se dire qu'ils allaient passer pour un couple marié, alors que dans ses rêves les plus fous, une telle chose serait possible. Il préféra ignorer les élancements dans son cœur pour essayer de parler d'un ton enjoué. Comme s'il était juste content de revoir sa femme.

 « Le voyage s’est bien déroulé ? »

Ils arrivèrent alors à l'appartement. Simple, situé au 2e étage d'un petit immeuble dans la banlieue de la capitale planétaire, il disposait d'une chambre avec un lit pour deux – couple oblige – un petit salon avec coin cuisine, et une salle de bains avec sanitaires. Dans la chambre se trouvait un petit bureau sur lequel était posé deux datapads, ainsi que quelques objets personnels d'Emhyr. Il aida Myir à se débarrasser de ses affaires.

 « Autant se mettre directement dans la peau des personnages, tu ne crois pas ? Je vais te préparer un truc à manger, et on pourra en même discuter de... ce qu'on doit, et surtout peut, faire. Oh, et... je suis content de te revoir. »

Il essayait de ne pas être trop fébrile. Chose des plus inhabituelles, chez lui, lui qui était toujours flegmatique d'habitude. Mais là, c'était différent. Il faisait la cuisine pour sa femme. Il ferma les yeux un instant, reprit son calme et apporta un petit quelque chose pour la Twi'lek. Il s'assit, comme elle.

 « Alors, quel est le programme ? »
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Myir vérifia qu’elle avait bien ses papiers sur elle, à l’intérieur de sa veste en cuir blanc, avant de descendre de la navette. Le retour en territoire républicain avait rendu la Twi’lek nerveuse. Pourtant, les faux-papiers qu’on lui avait fournis fonctionnaient à merveille. Elle n’eut aucune question, aucun regard suspicieux dans aucun des astroports. Il avait fallu passer par un itinéraire chargé de détours pour brouiller les pistes, pour que l’on ne pût soupçonnait qu’elle venait d’un territoire impérial. Il en avait été de même pour Emhyr, de son côté. Il avait pris un itinéraire différent, pour qu’on ne pût les cueillir tous les deux si quelque chose tournait mal.

Emhyr. Cela aussi la rendait nerveuse. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, c’était sur Dromund Kaas. Chaque soir avant de s’endormir, Myir avait repensé à la nuit idyllique qu’ils avaient vécue. Les circonstances avaient été un peu glauques, après un tel évènement, mais elle n’en gardait pourtant que des frissons de plaisir. Elle se souvenait de la chaleur de son torse nu, de ses baisers langoureux, de son regard qui ne riait plus, de ses mains fermes sur son corps. Elle souriait souvent en songeant qu’il n’avait pas résisté une seule seconde à l’injonction qu’elle lui avait imposée ce soir-là en le prenant d’assaut. Ils avaient appris une nouvelle danse.

La Twi’lek prit une grande inspiration, et revint à la réalité. Le contrôleur vérifia son ticket avec un air morne, avant de passer au passager suivant. L’air détaché, elle remit son sac sur son épaule et s’éloigna du quai pour prendre un taxi. Elle donna au conducteur, un balosar minuscule aux antennes qui gigotaient désagréablement, l’adresse inscrite sur son datapad. Il ne fallut que quelques minutes pour atteindre l’endroit. Elle paya avant de descendre, pour se retrouver nez à nez avec …

Myir ne put s’empêcher de pouffer. La tenue civil d’Emhyr lui allait comme… Comme un tutu irait à un wookie. Le pire était le casque rouge. Pour sa part, elle avait opté pour une tenue blanche, qui faisait penser à l’uniforme d’un restaurant un peu chic. Les rubans blancs dans ses lekkus la rajeunissaient. Elle l’avait compris aux regards croisés dans les navettes et les astroports. Voilà bien quelque chose qui ne lui arrivait pas dans l’Empire mais dont elle se souvenait dans la République : les regards des hommes, qui assimilaient souvent son espèce à des danseuses prêtes à se déhancher pour une poignée de crédits.
La Twi’lek se couvrit maladroitement la tête avec son sac en suivant Emhyr, d’un pas rapide. L’appeler Darn allait lui faire tout drôle. Mais ce n’était pas pire que de devoir l’appeler Darth Xarkan.

- Oui très bien. Beaucoup de sécurité, bien sûr. Ça m’a fait rater ma correspondance. Tout le monde devient parano, avec ces évènements, répondit-elle, évasive.

Elle se demanda s’ils étaient déjà sur écoute. S’ils le seraient dans les jours prochains, lorsqu’ils commenceraient à s’intéresser de plus près à la production républicaine de Yaga Minor.

L’appartement était plutôt coquet, malgré des dimensions assez étroites. Myir déposa ses affaires, aidé d’un Emhyr empressé de la mettre à l’aise. En quelques minutes, il lui servit à manger. Sa serviabilité arracha à la Twi’lek un petit sourire amusé tandis qu’elle s’asseyait devant son assiette. L’odeur la mit en appétit. Elle commença à manger et soupira d’aise, avant d’essayer de se reprendre un peu : ils n’étaient pas en vacances, il y avait la mission. Elle ne devait pas se détendre trop. Ils n’étaient pas là en couple, même si ça en avait toutes les apparences.

- Je suis contente de te revoir aussi, lui dit-elle du bout des lèvres, un peu absente, ses yeux détaillant la pièce.

Puis elle se pencha vers lui pour lui parler tout bas.

- Tu as vérifié toutes les pièces ? Pas de micro nulle part ?

Interrompant son repas, Myir ouvrit son sac resté à portée. Son sabre-laser était dissimulé à l’intérieur. Il y resterait un moment ; elle espérait ne pas avoir à s’en servir prochainement. Elle en sortit seulement des papiers, qu’elle posa sous le nez de son partenaire. Les documents portaient les logos de la République, du gouvernement de Yaga Minor ainsi que celui des chantiers navals de la planète.

- Voici nos contrats de travail. Nous commençons dès demain. J’ai un poste de technicienne réseau, et toi celui de responsable administratif d’une unité de contrôle qualité à réaliser sur les appareils neufs.

D’un côté, ils s’assuraient par elle de se rapprocher des informations transitant dans l’organisme qui gérait ces chantiers, et de l’autre, par Emhyr, ils pourraient monter à bord des vaisseaux eux-mêmes, pour faire… Ce qui leur plairait de faire.
La Twi’lek releva les yeux vers l’humain, qui paraissait circonspect. Elle, de son côté, était toujours nerveuse : était-il bien certain qu’ils n’étaient pas écoutés ?

- Ne fais pas cette tête mon chéri. C’est une belle opportunité que nous offre mon père avec cette nouvelle vie. Nous gagnerons de bons salaires, et ce durablement.

Malgré la petite fantaisie du sobriquet, elle avait gardé un ton très sérieux. Elle avait envie de l’embrasser, mais elle baissa les yeux sur son assiette.
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S'attendait-il véritablement à vivre pendant un certain comme un vrai couple ? Trois jours avaient passé, déjà, depuis l'arrivée de Myir – non, d'Ajuw. Il ne savait pas s'il voulait véritablement de cette vie sédentaire et normale. D'un côté, certes, ça lui plaisait, et il appréciait les quelques moments qu'ils pouvaient passer en tête à tête : les repas, le soir, et la nuit ensemble. Même s'ils ne faisaient que dormir. Plusieurs fois, ça avait failli déraper, aller plus loin. Mais à chaque fois, que ce soit elle ou lui, rien n'arrivait. Une sorte d'accord tacite entre eux, mais qui menaçait de se briser à chaque instant. Rien que le matin-même, Emhyr avait eu envie de prendre la Twi'lek dans ses bras et...

Il se reconcentra. Il était au travail, là. Son nouveau métier était prenant, technique, exigeait une grande attention de sa part. Il avait pensé, au début, que ça se contenterait d'un travail de bureau. Le mot administratif l'avait induit en erreur. Car dans la pratique, il accompagnait en réalité l'équipe dont il était responsable, et passait derrière eux pour tout enregistrer, tout noter, tout observer. Si le travail était mal fait, il devait le noter. Si il n'avait rien à dire, il le marquait. S'il y avait un technicien absent, pareil. Darn Wykanso était un homme consciencieux, qui faisait bien son travail et qui, malgré le fait qu'il soit nouveau, était bien vu. Son dossier aidait. Cela arracha un sourire à Emhyr, alors qu'il testait la solidité d'un tuyau.

 « Je vais finir par aimer mon travail. Responsable administratif de folie. » murmura-t-il pour lui-même.

Il nota le résultat dans son datapad : tout était en ordre. Bon, dans la pratique, il n'était absolument pas dans un truc immense. Pour l'instant, on le laissait s'occuper surtout, avec son équipe, de petits vaisseaux. Des trucs civils, uniquement : des airspeeders et des landspeeders, des cargos de fret, des vaisseaux de tourisme. A première vue, on aurait pu croire que tout cela ne correspondait absolument pas à leur mission. Mais dans la pratique, si. S'il y avait un appareil militaire dans les chantiers navals de Yaga Minor, il était très bien caché. Car tout semblait être destiné au civil. En l'occurrence, il notait le contrôle sur un airspeeder.

Il était presque 15h00, indiquait son datapad. Si ses souvenirs étaient bons, Ajuw travaillait encore, aujourd'hui. Ils se comportaient autant que possible comme un vrai couple. Même s'ils n'y avaient pas la partie charnelle. Pas encore. Il était à peu près persuadé que l'un d'eux craquerait un jour, et... et alors quoi ? Ils verraient. Techniquement, rien ne leur interdisait. Il mit son oreillette en place, et appela sa femme sur son comlink. Ils n'avaient normalement pas le droit, mais Darn travaillait si bien qu'on le laissait faire.

 « Coucou, chérie. Ça va ? J'espère que je ne te dérange pas. »

Il n'y avait personne autour de lui. Il était dans une sorte de gros container, avec pour seul compagnie le véhicule inanimé. Il vérifia le travail effectué sur le moteur de l'airspeeder. Hmm. Ici, il y avait un léger défaut, qui serait à corriger. Il le nota donc. Dans son oreille, la voix d'Ajuw lui répondait. Ce qui lui dessina un sourire.

 « Promis, j'ai encore vérifié ce matin que personne n'écoutait. Tu es trop paranoïaque. Personne n'irait plaquer une oreille contre notre porte dans l'espoir de nous entendre. A moins que tu ne veuilles demander à un voisin si nos ébats le dérangent. Oui, je sais, je suis bête. »

Bon, l'airspeeder n'allait probablement pas bouger, et de toute façon il avait fini son compte-rendu. Maintenant, direction son bureau afin de tout formaliser, tout bien écrire, et envoyer le rapport.

 « Je t'envoies un holo de l'airspeeder que je viens de vérifier. T'en penses quoi ? Il est pas mal non ? Même si je pense qu'il serait mieux en bleu. Et toi, de ton côté, tout se passe bien ? »

Il fut soudain prit d'une inspiration. Une petite phrase qui, si jamais on les écoutait, ne pouvait que prouver qu'ils étaient un vrai couple.

 « Ça te dit, ce soir, un petit dîner aux chandelles ? On a pas encore eu le temps de fêter vraiment notre arrivée ici. »

Cruelle ironie. Il savait pertinemment que Myir détesterait un tel dîner. Et qu'ils n'en feraient pas. Sourd à sa douleur émotionnel, il arriva à son bureau, et s'assit dans l'espoir d'avoir rapidement l'avis de Myir sur la question dissimulée : la République se contentait-elle vraiment de vaisseaux civils, ici ?
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Myir se cogna la tête contre le bord d’une coursive et jura entre ses dents. Elle était accroupie dans son uniforme de technicienne, une combinaison bleue et blanche moulante, à essayer d’apercevoir la fiche qu’elle essayait d’attraper dans un petit renfoncement de la coursive, derrière une plaque métallique qu’elle avait démontée. Le bip de son communicateur l’avait surprise, et déjà son cœur battait la chamade, comme à chaque fois qu’elle devinait qui était l’appelant. Son mari. Elle commençait doucement à s’habituer à ce mot. Elle en parlait parfois à ses collègues de travail, pour avoir l’air plus normale. Ce qui n’était pas évident, car elle détestait devoir se faire des amis. Ses collègues l’avaient bien senti, mais elle faisait bien son travail, jusqu’à parfois dépanner les petites erreurs des autres… Alors elle s’était intégrée plus ou moins naturellement.

La Twi’lek s’essuya machinalement les mains sur son pantalon et s’empressa de décrocher.

- Ah ! C’est toi, Darn, constata-t-elle platement.

Elle n’était vraiment pas douée pour jouer la comédie. Myir se demandait si quelqu’un avait des vues sur lui. Si un membre de l’équipe d’Emhyr avait remarqué que sa femme était quelque peu du genre froide et se disait que c’était l’occasion de tenter quelque chose. Cette pensée lui fit froncer les sourcils tandis que son époux lui parlait d’un airspeeder.

- Je regarderai tout à l’heure, j’ai les mains dans les tuyaux, là. De toute façon, on n’a pas de garage, je te rappelle, tu le mettrais où, ton airspeeder ?

Elle s’en voulut un peu de lui répondre avec autant de mordant. Mais son agacement lui revenait. Les premiers jours, l’étrangeté de la situation et la proximité d’Emhyr la détendaient, la laissaient suavement rêver d’une vie plus simple. Avec lui. Cependant, plus le temps passait, et plus ils s’absorbaient tous deux dans leur travail, et il ne se passait rien d’intéressant. Ni ici, à CosmoTech… Ni chez eux. Il fallait dire qu’elle ne l’avait plus provoqué. Et pourtant chaque nuit, son corps était si proche, à portée de main. Parfois dans l’obscurité, il se retournait dans son sommeil et elle sentait son souffle sur son épaule ou son lekku, et elle frissonnait, n’osant faire un mouvement.

La proposition la tira de ses rêveries. Il avait prononcé l’une de leurs phrases secrètes. Elle répondit aussitôt.

- Oui, avec plaisir. On sort un peu, dans le centre-ville ? Tu nous trouves un petit restau calme ? Parce que justement… Il faut que je te parle de quelque chose. Quelque chose d’important pour ma carrière.

Il avait déjà fait cette proposition, qu’elle avait déclinée : elle avait rendez-vous chez le docteur, elle était trop épuisée… Mais ce soir, elle avait répondu oui. Ce qui signifiait qu’elle avait trouvé quelque chose lui permettant d’affirmer qu’il y avait aussi des vaisseaux militaires qui passait entre les mains de CosmoTech.

- On en parlera ce soir, tu veux ? Je dois te laisser, j’ai plein de trucs à terminer avant de partir, je risque de ne pas quitter à l’heure… A tout à l’heure, oui.

Elle raccrocha et se remit fébrilement au travail. Il était tellement plus à l’aise qu’elle dans leur petit jeu qu’elle ne savait plus très bien où commençait Darn et où finissait Emhyr.

Cinq heures plus tard, suivant les réticences d’Emhyr à évoquer leur projet dans l’appartement, tous deux s’installaient à une table un peu isolée des autres, près d’un aquarium rempli de bêtes étranges. Deux bougies étaient disposées sur la table, qui encadraient le visage de l’humain. Il semblait moins fatigué ces jours-ci, comme si leur petite nouvelle vie le ménageait un peu mieux que leurs aventures sur des planètes désertiques. Ce n’était pas difficile à comprendre, elle se sentait elle aussi beaucoup mieux depuis leurs aventures sur Klatooïne et Dromund Kaas.

Ils commandèrent et furent rapidement servis. Myir s’assura rapidement que personne ne les épiait, avant d’enfin pouvoir s’ouvrir Emhyr.

- Il y a bien des vaisseaux militaires de l’armée républicaine,
lui souffla-t-elle. Ils transitent dans le chantier naval orbital, où ils font leurs réparations dans le secteur. Du coup… J’ai candidaté pour faire partie d’une équipe technique pour travailler sur un gros projet : le remplacement de la centrale de communication d’un croiseur. Je saurai bientôt si je suis retenue. C’est parfait, non ?

Elle chercha sur le visage d’Emhyr quelque chose qui ressemblait à de l’approbation, eut de la difficulté à la trouver.

- Quelque chose ne va pas ?

Un mouvement dans son champ de vision lui fit tourner le visage. Deux hommes en costume arrivaient vers eux, l’air sérieux, et vinrent s’installer à la table voisine en silence. La méfiance de Myir la rattrapa soudain, et son cœur se mit à accélérer, diffusant l’adrénaline qu’elle connaissait si bien dans des situations intenses. Par mesure de précaution, elle prit la main d’Emhyr, posée sur la table, et tâcha de poursuivre la conversation comme si de rien n’était.

- Ecoute mon amour, tu peux candidater toi aussi. Peut-être qu’ils accepteront que tu sois dans la même équipe… Tu sais comme tu leur as fait bonne impression. Et puis sinon, ce n’est que l’affaire de quelques mois. Tu me manqueras beaucoup, mais ça passera vite.

La main d’Emhyr était chaude. Elle lui rappelait leur nuit. Leur nuit unique. Elle jeta un coup d’œil à leurs voisins, mais leurs yeux étaient masqués par des lunettes noires.
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Il caressa distraitement la main de Myir du pouce. Il faisait mine de réfléchir, tout en observant son entourage. La Twi'lek était soudainement très nerveuse, tendue, comme si elle s'attendait à une attaque. Mais s'il y avait bien un endroit où ils devaient éviter ça, c'était ici. Dans un restaurant à moitié plein, où la moindre personne pouvait appeler les autorités et faire en sorte de réduire à néant leurs efforts. Après trois jours d'infiltration, ils risquaient de tout ruiner. Hors de question qu'il laisse faire cela. Il jeta un coup d’œil, l'air aussi naturel que possible, aux deux hommes à la table voisine. Lesquels parlaient d'un tournoi d'holoball. Rien de bien sérieux, donc.

Il se tourna de nouveau vers Myir, avec un sourire.

 « J'y réfléchirais. Je ne compte pas te laisser partir dans l'espace tout ce temps, et sans moi. »

Il serra un peu plus la main de Myir, se redressant sur sa chaise. Leurs regards étaient accrochés. Dans ceux de la Twi'lek, il y voyait de la méfiance, mais aussi autre chose, d'indéfinissable. Il espérait que c'était de l'espoir, ou une autre émotion positive.

 « Tu es ravissante, encore plus que d'habitude, tu sais. »

Il se pencha, et ils s'embrassèrent par-dessus la table. Ça aurait pu s'arrêter là, mais visiblement ils n'en avaient guère envie, que ce soit lui ou elle. Ils terminèrent de manger, avant de payer, puis repartir. A peine arrivés à l'appartement qu'ils partageaient, ils étaient déjà pleins de désirs l'un pour l'autre, et ils passèrent une bonne partie de la nuit à s'aimer. Sur Dromund Kaas, ils avaient eu besoin de réconfort, de chaleur. Ils avaient été guidés plus par l'instinct qu'autre chose. Là... c'était différent. Emhyr voulait le croire. La Sith était-elle capable de ressentir aussi ce qu'il pensait ressentir ? Il voulait aussi le croire, plutôt que l'effrayante pensée que pour elle, tout ceci n'était qu'un jeu, et qu'elle cherchait uniquement à jouer son rôle pour qu'ils restent dans le cadre de la mission.

Pourtant, lovés dans les bras l'un de l'autre, ils se tenaient là en silence, jusqu'à ce que le Jedi gris brise le silence. Il se mit à raconter une histoire, un épisode de sa vie qu'il avait vécu en temps que padawan. La jeune femme l'écoutait-il ? En tout cas, elle ne dormait pas. Finalement, ils finirent par avoir une discussion, une conversation même, au sujet de leurs métiers respectifs. Ce qu'ils aimaient, ce qu'ils n'aimaient pas. Il ne fut pas vraiment surpris d'apprendre qu'elle avait énormément de mal à « faire semblant ». Il avait envie de rétorquer qu'elle y parvenait bien, avec lui. Mais il ne pouvait se résoudre à la provoquer, pas alors qu'ils partageaient un moment tous les deux. Pas alors que rien ne comptait pour eux hormis leur présence.

Finalement, ils dormirent, et Emhyr se réveilla le premier. Son épouse dormait encore. Il activa son datapad, et vérifia qu'il n'avait aucun message en attente. Mais non, rien. Comme dans l'appartement. Tout était très calme. Myir dormait profondément. Il trouvait étrange que son sommeil soit aussi paisible, de même que son comportement. Certes, elle jouait la comédie, car c'était une Sith... mais quelque part, un truc subsistait. Elle avait été Jedi, Konst' le lui avait confirmé. Cela pouvait-il avoir des restes ? Existait-il, au fond du cœur de la jeune femme, une émotion capable de la changer au point qu'elle abandonne son comportement Sith ? Il voulait croire en cela aussi. Mais s'abîmer dans de telles considérations finiraient par le tuer, lui. Si je l'aime, et elle aussi, il doit exister une possibilité... mais une possibilité de quoi ? D'avoir vraiment cette vie?

Il ne savait pas si c'était possible. Ni même s'il le voulait. Il aimait se déplacer, il aimait être dans le feu de l'action. Certes, c'était épuisant, comme vie. Mais il avait connu Myir grâce à un duel à mort, ils s'étaient liés lors de ce moment. S'ils abandonnaient tout pour pouvoir vivre ensemble, comme des gens normaux, il n'y avait de plus aucune preuve que cela fonctionnerait, ni que ça ne les condamneraient pas.

Il s'aperçut alors qu'elle se réveillait. Il alla prendre une tasse de caf, la remplit et l'apporta à Myir. Il s'assit auprès d'elle, caressant son épaule d'une main.

 « Je pense que je vais postuler aussi, pour ces trucs dans les chantiers navals. Et même si je n'obtiens rien, on trouvera un moyen de rester en contact et de se voir. J'étais sérieux quand je disais que je ne te laisserais pas partir toute seule aussi longtemps. »

Il avait encore très envie de l'embrasser. Après tout, pourquoi pas ? Si jamais elle aime ça, et si ça peut nous aider à rester liés... au diable le reste. Il s'exécuta alors.
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Dans son costume de parfait petit mari, Emhyr n’avait plus rien du dangereux prisonnier qu’elle côtoyait d’habitude. Il la complimentait, s’occupait d’elle. Myir aimait à croire que ce n’était pas que pour le rôle. Il était plaisant en tout cas de se laisser croire appréciée… Voire plus. Mais c’était aussi dangereux. La Twi’lek alternait entre les moments de méfiance et les moments d’abandon.

Comme la nuit qui avait suivi leur dîner aux chandelles. Ils étaient rentrés et l’étincelle qu’elle avait vu dans le regard d’Emhyr quand elle avait pris sa main au restaurant brillait toujours. Probablement des choses se lisaient-elles aussi sur son propre visage, car ils n’eurent guère besoin de se concerter pour prendre directement le chemin de la chambre de leur petit appartement en rentrant. Ils avaient passé une nuit douce, à s’abandonner avec moins de fureur que leur première fois. Il fallait dire qu’ils avaient beaucoup de choses à évacuer, sur Dromund Kaas. Là, c’était différent. Myir avait craint que ce ne fût que leurs aventures lors de leur mission qui les avait poussés à agir ainsi, sans considération. Désormais, elle avait la preuve que c’était un choix conscient, et non parce qu’ils étaient déboussolés. Enfin, un choix… C’était vite dit. La Twi’lek n’avait pas l’habitude d’obéir à ses pulsions. Elle était partagée entre le dégoût d’elle-même de ne pouvoir réfréner ses désirs et la satisfaction brûlante de voir Emhyr répondre aux mêmes désirs qu’elle.

Il parlait, même, racontait sa vie. La Twi’lek l’écoutait, posait des questions, prise d’une curiosité étrange pour la jeunesse de l’humain. Elle aimait à constater des similarités entre leurs histoires, mais force était de constater qu’ils étaient des êtres bien différents, dont parfois le cheminement se rapprochait. Si elle-même pouvait parler de leur mission, de ses craintes et attentes, il lui était difficile d’évoquer le temps où elle était une Jedi. Elle ne raconta pas à Emhyr l’épisode où elle avait finalement suivi l’Impératrice. Une drôle de tristesse, celle de ne pouvoir être comprise, l’en empêchait. Beaucoup de personnes étaient mortes, ce jour-là. Ce n’était pas un souvenir qu’elle voulait évoquer. Quant à sa vie avant cela… Elle n’avait tout simplement aucun intérêt.

Lorsqu’elle s’éveilla le lendemain matin, il vint s’asseoir au bord du lit. Myir saisit la tasse café, et reçut son baiser, l’air hagard, avant de lui sourire.

- Tu ne profiterais pas un peu de notre statut d’époux, par hasard ? plaisanta-t-elle avant de s’étirer doucement.

D’aussi loin qu’elle se souvienne, les matins étaient ces instants préférés : c’était le moment des projets. L’abattement et l’angoisse qui s’emparaient parfois d’elle au milieu de la nuit disparaissaient toujours avec l’aube et ses promesses. La Twi’lek acquiesça et se glissa hors du lit, avant d’ouvrir une armoire et de commencer à s’habiller.

- Oui, tu vas postuler, et le fait que nous soyons mariés sera un argument pour eux pour nous envoyer tous les deux dans des équipes séparées. Ça s’appelle la politique conjugale de mobilité professionnelle, un concept cher aux défenseurs des droits républicains, dit-elle avec assurance en enfilant une combinaison propre sur ses courbes bleues. Ça ne posera aucune difficulté. Là-bas, il faudra que tu arrives à découvrir qui sont les personnes les plus importantes du vaisseau en dehors du commandant de bord. Je m’arrangerai de mon côté ensuite pour dissimuler un système d’écoute dans les terminaux personnels et quelques autres endroits stratégiques du vaisseau. Merci pour le café, Darn.

Elle termina le liquide chaud et régénérant et s’en fut à la cuisine déposer le gobelet dans une machine intelligente qui nettoyait et séchait leur vaisselle. Puis elle alla consulter son datapad. Elle avait reçu un drôle de message de la part de Dame A’Eyan, qui la ramena temporairement à ces instants passés auprès de Vogda. Heureusement, la missive ne comportait que des bonnes nouvelles : le Hutt était rentré chez lui satisfait, il avait promis de revenir, et de couvrir la Twi’lek de cadeaux lorsqu’elle viendrait revisiter son kajidic.

Emhyr et elle se rendirent à leur journée de travail, où l’on annonça à Ajuw qu’elle était retenue pour le programme. Elle se força à accueillir la nouvelle avec un enthousiasme surpris : elle avait quelque peu influencé le jury par la Force lorsqu’elle avait postulé. Les résultats n’avaient donc rien d’étonnants pour elle en réalité. De son côté, Darn devait lui aussi passer une audition, et son épouse le laissa entre les mains des décideurs tandis qu’elle rejoignait son équipe. Ils apprirent avec soulagement, pendant la journée même, qu’il était lui aussi sélectionné. Leur départ était prévu quatre jours plus tard.

Pressés par une Myir motivée, ils consacrèrent leur temps libre à préparer leur mission : collectionner discrètement le matériel nécessaire à l’installation d’un système d’écoute, discret, le confectionner en partie, le dissimuler dans un faux fond de leur caisse de voyage. Etant dans des équipes différentes, ils ne seraient pas dans la même cabine, même ils veillèrent à mettre à jour un protocole de cryptage élevé pour pouvoir échanger facilement par datapad et comlink en toute sécurité. Tout ce travail durait jusqu’au bout de la nuit, et ils se couchaient généralement tard. Parfois, Myir se glissait dans ses bras lorsque les lumières étaient éteintes, et ils s’endormaient dans une douce et silencieuse étreinte. Le genre dont la Twi’lek se doutait qu’elles ne dureraient pas éternellement, et qu’il fallait savoir en profiter.

Le voyage se fit sans encombre, et ils furent introduits dans un croiseur militaire aux dimensions gigantesques. Ils eurent une visite assez simpliste, et on leur affecta rapidement du travail. Des tâches principalement liées à l’électronique pour Myir, ainsi que le laissait présager son profil. Son chef d’équipe était un mirialan assez charmant, qui la félicitait régulièrement pour son travail avec chaleur. Elle s’efforçait de sympathiser quelque peu avec lui.

Elle ne put communiquer avec Emhyr que le soir même, alors que, glissée dans son sac de couchage dans une minuscule cabine qu’elle partageait avec deux humaines, elle eut enfin accès à son datapad.

Tout va bien pour moi, écrivit-elle. Toi ?

Elle attendit la réponse, qui mettait trop de temps à venir à son goût. Alors elle écrivit : Tu me manques. Mais elle se ravisa et l’effaça. Un étrange dégoût étreignit son cœur. La certitude que ce dans quoi ils s’étaient lancés ne serait jamais possible. Lorsque ses supérieurs l’apprendraient, que dirait-elle ? Ils allaient se méfier. La faire surveiller. Lui dire que l’amour était l’un de ses points faibles, menacer d’exécuter Emhyr pour vérifier que c’était bien à l’Empire que son cœur répondait.
Mais alors, songea-t-elle avec résolution, elle dirait qu’il ne valait rien pour elle. Qu’il n’était qu’un pion qui lui servait de larbin. Qu’elle l’avait manipulé afin qu’il servît au mieux les intérêts de l’Empire. Oui. Est-ce que ce n'était pas un peu vrai, d'ailleurs ? Elle avait converti Emhyr, même si c'était d'une manière inattendue. Elle avait donné un soldat de valeur à l'Empire, elle ne faisait que son devoir.

Tu me manques, écrivit-elle de nouveau, et cette fois le message partit.
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Assis dans la salle de briefing, de bon matin – bien que le matin n'avait guère d'influence dans l'espace – Darn écoutait avec une attention de plus en plus décroissante. Deux individus en tenue de patron expliquaient aux employés et aux responsables – donc il était concerné – que des individus un peu particuliers allaient parfois apparaître sur le vaisseau. Qu'il allait falloir être prudent. Faire attention à bien faire son travail. Si ils venaient poser des questions, il fallait y répondre avec tout autant de prudence, car il allait s'agir de personnalités importantes et influentes. La société ne pouvait se permettre un faux pas. Pour Darn, comme pour les autres, c'était ennuyant. Mais lui avait une raison de plus d'être morose.

Il avait répond au « tu me manques » d'Ajuw, la veille au soir. Il n'avait rien dit de plus, n'avait pas poussé davantage. Il s'était senti bien, sur le moment, de savoir qu'il lui manquait peut-être réellement. Mais sa raison était revenue, brutalement, pour lui rappeler que sa femme était une Sith. Qu'il ne fallait pas se laisser bercer par l'illusion de leur couverture. Qu'ils simulaient. Et donc, ce tu me manques ne pouvait qu'être dénué de sincérité. Cela le rendait donc de mauvaise humeur. Fatigué d'avoir mal dormi, il ne pouvait donc être pleinement concentré. Et cela le frustrait.

Finalement, ils partirent, tous à leurs tâches respectives. Darn fut néanmoins retenue par une de ses collègues, une humaine à la peau sombre. Elle s'appelait... Firnia. Quelque chose comme ça. Elle semblait beaucoup s'intéresser à lui, et même si ce n'était pas déplaisant, il se méfiait. Il avait l'habitude qu'on lui pose parfois des questions sur son état physique, car il avait constamment l'air morose, las, fatigué. Ajuw le lui faisait remarquer chaque jour. Mais étrangement, avec sa collègue, c'était différent. Pas au sens où il appréciait sa sollicitude, aussi sincère soit-elle. Mais parce qu'il avait l'impression de l'avoir déjà vue quelque part.

 « Salut, Darn. Ça va ? T'as encore l'air crevé, toi, ce matin. »

 « Un peu mal dormi, mais rien de bien méchant. Et toi, comment vas-tu ? »

 « Pas trop mal. Assez hâte de bosser sur ce vaisseau. Tu te rends compte ? Un vaisseau militaire, un Valor en plus, pour nous ? C'est trop cool. »

Ils se dirigèrent vers une machine à caf. Darn en avait grandement besoin.

 « Un souci avec ta femme ? »

 « Non, non, pas vraiment. Enfin, ça ne te regarde pas, sans vouloir être impoli. »

 « Non, tu as raison. Je voulais juste m'assurer que c'était pas ça. Elle s'appelle comment déjà ? Ajuw, non ? »

Ils parlèrent encore un peu de la Twi'lek, chaque question mettant Darn un peu plus mal à l'aise. Il avait l'impression de subir un interrogatoire. Ce qui, dans les faits, semblait justement être ceci. Il ne pouvait s'empêcher de penser que tout était fait dans un but précis, bien plus important qu'une banale conversation. Mais ce serait trop gros, trop... maladroit. Et si justement c'était le but ? Certains espions usaient d'une extrême maladresse, ce qui assurait généralement leur couverture, aussi surprenant que cela paraisse.

Il finit par être trop occupé, le reste de la journée, pour se préoccuper davantage de sa collègue. Un ouvrir étant absent, Darn le remplaça, et il eut donc double travail pour la journée. Mais il n'avait malheureusement rien vu ni entendu d'important dans la journée. Et comme pour l'exacerber encore plus, Firnia l'accosta de nouveau le soir, lui proposant d'aller boire un verre dans une des cafétérias des chantiers navals. Aussi étrange que cela paraisse, il y en avait. Histoire que les ouvriers et autres employés puissent profiter un peu de leur temps libre, même dans l'espace. Il déclina l'offre, et envoya un message à son épouse.

Première journée épuisante, et rien de bien intéressant. Et toi ?

Il attendit un peu, mais aucune réponse ne vint. Tous ses sens en alerte, il commença de se demander s'il n'y avait pas un problème. Mais non, il se faisait du souci pour rien. Lui-même n'avait pas été rapide à répondre, la veille. Il décida donc d'attendre encore un peu. Son inquiétude revint à la charge alors que, après sa méditation du soir, il tente de dormir et qu'il s'aperçut que la Twi'lek n'avait toujours pas répondu. Voilà qui n'était pas normal, pour le coup.

Il la chercha dans la Force. Il crut d'abord qu'elle n'était plus là, partie, mais elle n'était simplement pas dans sa cabine allouée. Elle était encore dans le vaisseau. Si tard, c'était dangereux. Il décidait qu'il allait la retrouver là-bas, pour voir ce qu'elle faisait, quand il sentit autre chose. Près de la Twi'lek se trouvait une autre présence.

Firnia.
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Myir resserra ses doigts autour du cou de Firnia. La jeune femme à la peau sombre la supplia du regard, des larmes perlant sur ses joues, tandis que la Twi’lek ne parvenait à se résoudre : fallait-il ou non la tuer ?

Quelques heures plus tôt, Myir avait accepté de se joindre au reste de sa petite équipe technique. Poussés par leur chef mirialan, sympathique mais un peu fanfaron, ils avaient rejoint une cantina sur la station spatiale où ils logeaient. La soirée n’avait rien eu d’intéressant. Plusieurs d’entre eux furent ivres après leur première heure, tandis que la Twi’lek buvait son cocktail presque goutte à goutte, pour ne rien perdre de sa vigilance. Le mirialan éméché avait fait une tentative de séduction peu convaincante (il avait un sourire de publicité mais il avait l’odieuse manie de vouloir expliquer à Myir comment fonctionnait précisément l’armée républicaine dans un croiseur, ce qu’elle connaissait par cœur, elle avait donc la sensation d’être prise pour une cruche et le lui avait fait comprendre avec une diplomatie toute personnelle) et bientôt leur groupe se mélangea à d’autres.
C’était là que l’humaine à la peau sombre s’était jointe à eux, et la Twi’lek avait tout de suite compris que sous ses airs joviaux, elle était tout aussi peu ivre qu’elle. Elle avait abordé Myir avec des questions professionnelles, avant de lui annoncer avec enthousiasme qu’elle travaillait avec son époux, le « taciturne mais craquant » Darn Wykanso. Elles s’engagèrent rapidement sur une conversation plus personnelle, où Ajuw certifia que tout allait très bien entre eux (s’ils n’avaient pas l’air convaincants, elle inviterait Firnia à leur prochaine nuit d’amour histoire de lever le doute, songea ironiquement la Twi’lek). Firnia se mit à parler de son enfance (elle avait grandi sur Dantooïne, mais se souvenait peu de ses parents) et tâcha d’amener Myir à en faire de même. Mal à l’aise, la Twi’lek s’inventa un passé maladroit sur Ryloth, puis une vie de baroudeuse où, de petits boulots en petits boulots, elle avait fini par rencontrer Darn, l’amour de sa vie. Mais Firnia paraissait insatiable de détail, et Myir finit par tenter de couper court à la conversation, prétextant la fatigue et l’ivresse qui commençaient à la gagner et l’envie de rejoindre sa cabine. L’humaine à la peau sombre accepta l’excuse, puis poussa subitement son verre, comme une feinte maladresse. Par un réflexe augmenté par la Force, la Twi’lek rattrapa le verre avant qu’il ne s’écrasât au sol, sous les yeux de Firnia, qui s’éclairèrent d’une lueur de triomphe.

- Je sais ce que tu es, lui souffla-t-elle, un sourire venimeux aux lèvres.

Myir sentit son sang se glacer dans ses veines. Autour d’elles, une petite foule absorbée par leurs boissons et leurs conversations animées les ignorait royalement. Firnia poursuivit sur le ton de la confidence.

- Pour avoir fini ici… Tu dois chercher quelque chose de spécial dans le coin, non ? Tu es en mission ? A moins que ce ne soit Darn qui t’ait donné envie de changer de vie…

L’humaine porta une main à ses lèvres sombres, comme si elle craignait soudain d’avoir dit quelque chose d’offensant.

- Est-ce que… Est-ce que Darn est au courant ? Ne me dis pas que tu ne lui as rien dit ! Il va se rendre compte un jour que tu maîtrises la F…
- Shhh !

Myir l’avait faite taire de justesse. Firnia avait l’air sincèrement emballée par sa petite histoire. Comment une simple ouvrière pouvait-elle être au courant de son affiliation avec les Sith ? L’humaine fronça les sourcils.

- A moins qu’il ne soit rien pour toi… C’est ça hein, tu l’as juste manipulé pour ta mission ? Tu t’es donné un faux nom et tu l'as…
- Non ! s’offensa cette fois la Twi’lek. Ce n’est pas vrai, j’ai juste…

Que dire ? Cette petite peste de fouine avait mis le nez trop loin. Elle allait les démasquer tous les deux.

- Alors quoi ? Tu sais au moins que tu lui brises le cœur ? Il suffit de regarder comment il…
- Chut. Ecoute, je fais ce que je fais pour une bonne cause. Je peux te montrer ce que je suis venue chercher si tu veux. C’est à bord du croiseur. C’est… Exceptionnel. Si tu vois ça, tu comprendras ce que je fais.

Firnia la regarda, interloquée. Finalement, elle commençait à être un tout petit peu alcoolisée, mais elle avait encore toutes ses facultés. Dans son regard, la méfiance se disputait à sa curiosité naturelle.

L’humaine accepta de suivre Myir, et elles se dirigèrent hors de la station, puis empruntèrent une passerelle pour se rapprocher à bord du croiseur. Elles ne purent rapidement plus aller plus loin que les sas d’entrée des zones de travaux, à cause de la sécurité importante du bâtiment. La Twi’lek entraîna l’humaine dans une petite pièce de maintenance, où elle s’enferma avec elle.

- Ici ? On voit rien dans c…

C’était là qu’elle avait attrapé Firnia par le cou et serré pour la faire taire. Les yeux de l’humaine s’étaient écarquillés d’horreur en comprenant le piège dans lequel elle était tombée. Elle paniqua, se débattit, et Myir desserra un peu son étreinte, de manière à la laisser parler.

- Si tu cries, je te tue, lui dit-elle posément. Dis-moi, qui t’envoie ?
- Quoi ? Personne ! Personne ne m’envoie, je te jure !

Firnia avait éclaté en sanglots. Pas le genre à émouvoir Myir. La Twi’lek n’était pas sensible aux émois de grand monde, mais elle savait reconnaître la sincérité lorsqu’elle l’entendait.

- Alors tu agis pour ton compte ? Pourquoi ?
- Mais, mais pour rien ! poursuivit Firnia, haletante. Je, ce n’est pas très Jedi, pourquoi tu…

Pas très Jedi ? Myir haussa un sourcil. Comment ça, pas très Jedi ? Elle n’était pas une…

- Tu… hésita-t-elle avant de se reprendre. Comment sais-tu que je suis une Jedi ?
- Je, je, tu ne te souviens sûrement pas, mais j’étais au Temple, moi aussi, pleurnicha l’humaine en respirant bruyamment. Mais j’ai été envoyé à l’Explocorps assez vite. Il me semblait que ton visage… Et quand j’ai vu comment Darn et toi étiez, disons, un peu distants, je me suis dit que c’était une couverture, et quand tu as rattrapé le verre, tes réflexes, j’ai compris que j’avais raison… Je dirais rien, je te jure, je dirais rien.

La Twi’lek resta pantoise. Firnia ne l’avait pas reconnue comme une Sith, mais comme l’ex-Jedi qu’elle avait été. Elle n’avait aucun souvenir d’une jeune padawan à la peau noire. Mais elle n’avait déjà rien à faire des autres, à cette époque, ce n’était pas spécialement étonnant.

- Je dirais rien, même à Darn, je te jure. Je voulais juste savoir si vous étiez deux Jedi, ou bien s’il n’y avait que toi. Parce qu’il… était charmant et je me disais que si tu comptais le laisser tomber quand tu aurais fini… Mais ça ne m’intéresse plus, je te jure, ça ne m’intéresse plus.

Je ne peux pas la laisser vivre, songea Myir avec angoisse. Si l’on découvrait qu’une Jedi censée être morte était sous couverture dans une équipe technique pour réparer un croiseur, et qu’ils contactaient l’Ordre… Ils comprendraient tout de suite. Ils viendraient la cueillir. Même s’ils s’enfuyaient, son passé serait à jamais déterré par les Jedi, qui la traqueraient.

Or, son cadavre de Jedi devait rester six pieds sous la terre de Byss. C’était important, parce qu’elle ne voulait pas prendre le risque de revivre le questionnement vécu là-bas. Il était trop tard, elle avait fait son choix, elle avait opté pour un camp. Elle resserra doucement son étreinte. On ne revenait pas en arrière.

Firnia pâlissait au moment même où la présence d’Emhyr se révéla à la Twi’lek, à quelques mètres à peine. Déstabilisée, elle desserra son étreinte. L’humaine en profita pour prendre une grande inspiration puis lui décocher un violent coup de genou à l’estomac. Il s’en suivit une lutte acharnée dans cet étroit espace où elles tenaient à peine à deux. Firnia appela à l’aide, Myir plaqua sa main sur sa bouche pour couper court à ses cris. L’humaine arracha un câble qui céda avec une gerbe d’étincelles, pour l’enrouler autour du cou de la Twi’lek avant de serrer avec violence. Myir la frappa au visage mais Firnia ne desserrait pas son étreinte et l’air commençait à manquer à la Twi’lek. Soudain, la torsion du câble dans les mains de l’humaine fit céder le plastique protecteur qui révéla les fils métalliques, résultant en une électrocution brutale de Firnia, bientôt transférée à la Twi’lek. Les deux femmes s’écroulèrent au sol, sonnées.

Des étoiles dansant devant ses yeux, Myir reprit péniblement sa respiration, le câble toujours enroulé autour de son cou, avant d’examiner l’humaine du regard. Firnia respirait encore, mais elle était visiblement inconsciente. Alors Myir se redressa péniblement pour se mettre à genoux et replaça ses mains autour du cou de l’humaine pour en finir. Mais ses yeux se remplirent de larmes, sans qu’elle ne sût pourquoi. Elle commença à serrer doucement, mais fallait-il tuer une ancienne Jedi, comme elle, qui ne faisait que survivre ? C’était une menace pour la mission ! Mais n’y avait-il pas d’autres alternatives ? Elle ne devait pas se montrer faible.

Lorsque la porte s’ouvrit sur Emhyr, la Twi’lek fixait toujours le visage de l’humaine, à genoux et penchée au-dessus d'elle, des larmes roulant sur ses joues. Elle ne voulait pas lever son regard vers lui pour y voir son jugement ou son dégoût, elle voulait voir le visage de Firnia qui mourait, parce qu’elle méritait, avec toutes les atrocités qu’elle commettait, d’emporter dans ses nuits de cauchemar les fantômes qui la hanteraient. Comme une punition qu’elle s’infligeait elle-même pour chaque crime commis de sang-froid.

Elle resserra son étreinte pour bloquer définitivement la respiration de Firnia. Il fallait supporter tout cela une minute, avant que la vie ne s’éteignît. Une minute pour que quelque chose arrivât, n’importe quoi, pour changer cette décision. Sinon, c’était que le destin, elle, l’Empire, Emhyr, tous en avaient décidé ainsi. Espérait-elle que quelque chose se produisît pour changer la course des évènements ? Elle croyait pourtant avoir déjà pris cette décision, longtemps auparavant…
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 « Ajuw... arrête. »

Pensait-il vraiment que ça suffirait à arrêter l'envie de meurtre de la Twi'lek ? Il savait qui elle était réellement : une Sith. Capable d'être froide, dure, terrible. D'être cruelle, peut-être, aussi. Une question lui vint alors, et à vrai dire, il s'étonna de pas se l'être posée plus tôt : connaissait-il vraiment la personne derrière le masque ? Elle était une guerrière Sith, une ancienne Jedi, avait combattu et semblait ne se sentir en forme que dans le cœur de l'action. Clairement, les civilités n'étaient pas son fort. Mais elle avait su jouer, jusque-là, le rôle d'une jeune femme tout à fait normale. Il grimaça. Il réfléchissait à quelque chose qui n'avait rien à voir avec la situation qu'il avait devant les yeux.

Myir se trouvait clairement sur le point de tuer Firnia. Quel était l'élément déclencheur de cette lutte, il n'en savait rien. Il ne voulait pas le savoir. Il voulait... que voulait-il ? Emhyr aurait aimé que là, d'un claquement de doigts, il puisse tout régler. Il avait malheureusement une seule décision à prendre : laisser Myir commettre son indigne besogne, ou l'en empêcher. Venait les nombreux risques liés à cette dernière décision. Le plus grand était bien sur que, soudainement, les Sith découvrent qu'il se passait quelque chose de pas normal entre eux, et qu'ils les séparent. Il ignorait à quel point sa réaction serait mauvaise, mais il savait qu'il ne tiendrait pas bien longtemps sans la présence de la Twi'lek. Il s'était attaché, d'une manière ou d'une autre, pour le meilleur et surtout pour le pire, à elle et à sa présence à ses côtés. La preuve en était de la mission.

Il posa finalement une main sur l'épaule de son épouse. La femme qu'il aimait. Il voyait bien son état, aussi émotionnel que physique, qui trahissait la perte de contrôle. Elle ne savait pas plus que lui où elle en était. Mais elle serrait toujours davantage la gorge de l'humaine sous elle. Firnia étouffait un peu plus à chaque instant. Que fallait-il dire, maintenant ?

 « Ajuw... »

Sa voix lui paraissait tellement faible. Mais il se ressaisit. Il devait se montrer ferme. La Twi'lek allait tuer l'humaine, et c'en serait fini de la mission. Mais peut-être que c'était ce qu'elle voulait ? Une tendance suicidaire ? Ou... ou tout ceci n'était que stratagème. Sa main faiblit légèrement, sa prise se relâchant aussi. Etait-elle capable d'une telle chose ? De lui vouloir tellement du mal, de vouloir tellement le corrompre qu'elle jouerait la comédie, à 100 %, de sorte à même simuler ses hésitations émotionnelles ? Il ne pouvait se résoudre à le croire, pas alors qu'il s'était mis à croire à autre chose, à une autre possibilité.

Il serra donc l'épaule. Plus fort.

 « Myir. Lâche-là. »

Il sentit les muscles de la Twi'lek se contracter. Elle luttait intérieurement. Il fit glisser sa main le long du bras, jusqu'à lui saisir la main. Il passa l'autre bras autour de sa taille.

 « Ça suffit. Lâche-là. »

Il l'écarta, de force. Elle résista à peine, avant de s'effondrer contre lui en silence. Il la serra brièvement contre lui, puis la relâcha le temps d'aider Firnia à se relever. Elle avait le gorge rougie par la poigne de la Sith. Ce qui fit grimacer Emhyr. Comment allait-il réussir à se sortir de cette impasse ? Il ne pouvait pas la tuer.

 « Tu vas t'en aller, Firnia. Trouve la raison que tu voudras, mais tu vas t'en aller. Oublie ce qu'il s'est passé ici, n'en parle à personne. Je m'occupe d'Ajuw. »

Il la planta, sans cérémonie, en espérant que ça suffirait. Il guida la Twi'lek, l'emmenant à travers de nombreux couloirs, faisant maints détours afin de s'assurer que personne ne les suive facilement. Il était un peu paranoïaque, ces derniers temps. Mais la prudence ne faisait jamais de mal. Il valait mieux être paré à toute éventualité. Enfin, il s'arrêta, et emprisonna la femme dans ses bras. Il donna de la force, et un peu de réconfort, dans son étreinte. Il sentait que Myir était encore un peu... fragile. Est-ce une feinte, ou non?

 « Ecoute... on oublie ce qu'il s'est passé ce soir, ok ? Tu as perdu un peu ton sang-froid mais la mission n'est pas en péril. Ça va aller. D'accord ? Tu as besoin d'un bon repos, je pense. »

Il hésita sur la suite. Mais il devait tenter.

 « Si... si tu veux, tu peux me parler. Je ne parle pas de faire semblant, comme avec notre couverture. Je te parle de parler vraiment, de toi, de ce qu'il t'arrive. Et si... si tu as besoin de quelque chose... je suis là. »

Il décela une étrange étincelle dans les yeux de Myir. Mais impossible de l'interpréter.
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Myir sentit la main de l'humain sans l'entendre. Ce ne fut que lorsqu'il l'attira à elle physiquement qu'elle réalisa qu'il lui demandait d'arrêter. Elle résista à peine. Firnia n'était pas morte. Elle était effrayée, en souffrance certainement, mais elle but les paroles d'Emhyr sans broncher. Après quoi la Twi'lek sentit qu'on l'emmenait loin de cette situation affreuse, et elle en sut gré à son partenaire de soustraire la violence de la scène à ses yeux et ses autres sens.
Ils déambulèrent dans des couloirs inconnus, Myir passée en mode automatique. Elle sentait les larmes qui séchaient sur ses joues, tout en ayant du mal à déterminer ce qui l'avait rendue si triste. Un frisson la fit frémir lorsqu'Emhyr s'arrêta enfin et la serra dans ses bras. Elle s'y blottit, muette, incapable d'articuler. Plusieurs longues secondes silencieuses s'écoulèrent, les yeux de Myir écarquillés, encore sous le choc de ce qui venait de se produire.

- Je ne peux pas parler, dit-elle d'une voix blanche, impuissante. Je voudrais mais je ne peux rien dire, Emhyr...

Des dizaines d'années à faire taire les émotions ne s'effaceraient pas ainsi. Son corps était un tombeau de sentiments mutilés, réduits au silence, étouffés comme Firnia, assassinés avec méthode et détermination. Il ne pouvait pas savoir. Il n'y avait pas de canal de communication entre ce cimetière et le monde extérieur. Même pas un signe ne pouvait transparaître. Seul dans la Force, un vide béant peut-être, s'était creusé dans son aura, habilement dissimulé par les codes, les devoirs, la discipline.

En elle se disputait la frustration de ne se comprendre tout à fait, d'être silencieuse au point de ne pas entendre elle-même ce qui se produisait en elle, de n'être pas parvenu à réaliser un acte si simple que celui du meurtre auquel elle était habituée, au soulagement d'avoir été empêchée d'aller jusqu'au bout. Une petite voix lui reprochait son manque d'efficacité, sa mollesse, son obéissance aussi à son partenaire comme si, depuis qu'elle s'était mise à l'aimer, elle avait perdu tout ce qui faisait ses qualités d'antan : sa détermination, son sang-froid, son obéissance aux règles sans l'ombre d'un doute.

L'évidence de cette pensée la frappa soudainement comme si elle avait reçu une claque d'une violence inattendue.

Elle l'aimait.

Comment cela avait-il pu arriver ? Elle leva ses yeux vers lui, atterrée par cette constatation qui était pourtant limpide depuis des semaines. Ces yeux résignés, la douceur qu'il avait pour elle, le fait qu'il s'inquiétait pour sa personne, son élégance au combat, ses blagues ridicules qui faisaient de lui un être si peu ordinaire, son pragmatisme, le fait qu'il soit déjà mort une fois, tout comme elle.
Le désir l'emplit brusquement, et la Twi'lek se mit à l'embrasser fougueusement. Elle le repoussa pour qu'ils se déplaçassent et trouvassent un coin privé. Ils se satisfirent d'un renfoncement sombre où la passion de Myir se révéla, plus intense que jamais.

C'était peut-être la dernière fois, songea-t-elle, et c'était désespérément la seule chose qu'elle pouvait lui offrir à ce moment-même, quand il lui demandait de n'être ni Ajuw, ni la guerrière Sith, mais seulement Myir, la Twi'lek qui avait parcouru tous ses parsecs au cours de sa vie sans relâche, sans espoir un jour de tomber entre ses bras. Et pourtant, elle était là. Ce corps humain était si parfait – non qu'il répondît à une quelconque norme, mais au contact de sa propre peau, il semblait à la Twi'lek que leurs deux corps s'étaient développés pour se rencontrer un jour, pour que leurs formes s'épousent à merveille, que même dans la Force leurs désirs trouvent un écho merveilleux, surréaliste.

Le lieu où ils se trouvaient ne prêtait pas à ce qu'il s'attardassent. Myir goûta le plaisir de rester encore quelques minutes dans ses bras avant de se détacher et d'arranger son accoutrement. Son esprit grattait dans sa tête, comme un animal veut absolument obéir à un ordre acquis depuis l'éternité : la mission, revenir à la mission, pour le bien de la mission, la mission avant tout, c'était ce pourquoi elle était née, ce pourquoi elle existait. Et Emhyr... Non, son amour et ce désir incongru étaient une anomalie dangereuse, auquel elle s'était adonnée dans sa détresse avant de pouvoir trouver en elle la Force de repousser ce danger au loin.

La seule solution était déchirante, mais tout aussi évidente que ses sentiments : il ne devait pas savoir la vérité. Leur amour n'avait aucun avenir. Dans l'Empire, il serait brisé. Chez les Jedi, il serait honni. Dans la République, il se déliterait dans une vie morne qui n'était pas la leur. Quoiqu'il arrivât, si Emhyr et elle jouaient les amoureux, elle mettrait en danger la mission et l'humain à la fois. Mieux valait qu'il se crût rejeté. Il serait plus facile pour lui de se remettre et de s'enfuir, ou bien de faire le choix de rester dans l'Empire, cette fois-ci sans l'illusion de leur idylle.

Une bouffée de colère l'envahit brusquement. Elle s'efforçait de transformer la violence de son amour en haine, une haine quelque peu factice mais qui prendrait réalité, l'espérait-elle, et serait une raison suffisante pour mettre un terme à leur dérive commune.

- Tu aurais dû partir de l'Empire lorsque tu en avais encore le temps Emhyr, lui asséna-t-elle sur un ton dur. Tout ceci n'est que... Perte de temps. Si j'avais éliminé cette fouine, nous serions débarrassés d'une menace.

Les mots lui arrachaient la gorge. Mais c'était nécessaire. Emhyr était trop doux pour prendre cette décision terrible, qui pourtant était inévitable. Le plus tôt serait le mieux, avant qu'ils ne fussent tout deux trop attachés. Elle était la plus déterminée, celle qui devait faire le plus dur. Elle prit une inspiration, bloqua dans son ventre les émotions contradictoires qui affolaient ses organes.

- Je te laisse jusqu'à la fin de ta mission pour prendre ta décision comme un homme libre. Tu n'es plus mon prisonnier, Emhyr, ça ne m'intéresse plus.

Quelle valeur aurait son amour, de toute façon, si elle asservissait l'objet de ses désirs ?

- Prends le temps de réfléchir. Si tu décides de t'en aller, je ne t'en empêcherai pas. Je ne donnerai aucun indice à l'Empire qui mettrait ta vie en danger.

Elle n'aurait pas le cœur à cela, de toute manière. Qu'il vît était plus important. Ce n'était pas comme si elle l'envoyait rejoindre les Jedi. Elle dirait à Darth Odium qu'il s'était échappé, qu'elle avait échoué. Elle était prête à subir un châtiment à la hauteur de son échec, si cela pouvait l'empêcher de mourir.

- Si tu décides de rester, cela signifie que tu prêtes allégeance à l'Empire, Emhyr. Je sais que tu crois que ce n'est pas là où tu dois aller, et pourtant tu me suis. Tu ne peux pas reporter sur les autres la responsabilité de tes choix. Lorsque tu as tué sur Klatooïne, c'étaient tes choix, de même que lorsque j'ai décidé de rejoindre l'Empire. Si tu dois rester, je dois pouvoir compter sur toi. Et à travers moi, l'Impératrice.

Elle réprima un frisson. Elle lui rappelait cela comme une évidence qu'il avait dû oublier en chemin : il refusait l'Empire, mais lui obéissait à elle, alors qu'elle-même n'était qu'un jouet de l'Empire. C'était un choix qu'elle avait fait sciemment, elle n'était ni victime de rien d'autre que de sa propre responsabilité. Pourquoi ne se rendait-il pas compte du monstre qu'elle était ? Il n'y avait que l'illusion qu'elle était prisonnière de l'Empire et qu'elle changerait qui pouvait pousser un homme si lumineux qu'Emhyr à rester auprès d'elle, à lui donner cet amour qu'elle ne méritait pas.

Mais ses mots étaient assez forts pour qu'il réalisât, désormais, qu'elle ne changerait pas. Les possibilités qu'il restât étaient très minces. Myir allait devoir se préparer à rentrer seule au bercail. Elle leva une main pour l'empêcher de lui répondre tout de suite :

- Non. Tu prendras ta décision lorsque nous aurons terminé la mission. Ainsi nous serons sûrs, tous les deux, que c'est une décision mûrement réfléchie. Une décision d'homme libre.

Elle tourna les talons et le laissa planté là, au milieu d'un couloir sombre encore brûlant de leurs ébats intimes.
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Il n'était pas un expert dans tous ces trucs. Les sentiments, les émotions, les liens entre les personnes... mouais. Bon, ok, c'était quand même assez limpide, là, il se passait un truc. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre que grosso merdo, sans vraiment trop extrapoler ni même chercher bien loin, ni même sans vouloir être trop présomptueux ni se faire des idées, bah... Myir avouait qu'elle l'aimait, pour aussitôt lui dire qu'elle le quittait. Grosso merdo. A pas grand chose, c'était ça. Et du coup, ça faisait mal. Très mal. Si mal qu'il se sentit perdre pied pendant les quelques jours qui suivirent. Et les autres personnes le remarquèrent aussi, mais à chaque fois, il taisait qu'il avait un « problème de couple ». Si couple il y avait.

Il aimait Myir, c'était un fait. Il n'y pouvait pas grand chose, si cet amour entre eux était venu au fur et à mesure, mais il savait juste que c'était ainsi. Et ça ne rendait l'ensemble que plus douloureux. Il avait essayé d'entrer en contact avec elle, en dehors de leurs communications nécessaires, mais elle se taisait, à chaque fois. Maigre consolation, il savait que ce n'était pas un stratagème. Elle en souffrait aussi. Il avait entendu une conversation à propos d'Ajuw, disant qu'elle semblait hagard et profondément secouée ces derniers jours. Lui-même était à deux doigts, par moment, de tout foutre en l'air. Car dans les pires moments, il n'avait qu'une envie : se tailler, violemment s'il le fallait, un passage et s'enfuir loin d'ici. Mais à quoi ça lui servirait ?

Il s'en voulait, il en voulait à Myir, il en voulait à la galaxie entière. Il savait qu'il avait à nouveau un choix terriblement important à faire, et que l'échéance était pour bientôt. Soit il restait dans l'Empire, sans pouvoir vivre son amour avec la femme qu'il aimait, soit il s'en allait, sans elle encore. Il avait le sentiment que s'il partait, il l'abandonnerait, et elle pourrait lui en vouloir au point de chercher à le tuer par la suite. Ce qui ne lui plaisait pas davantage que le reste. Mais il ne pouvait pas l'emmener de force. Il ne pouvait pas... Elle aussi, elle a le choix. Et elle a déjà prouvé qu'elle n'était pas juste un instrument.

Il chercha donc de nouveau à la joindre. Bien sur, elle l'évita, ce qui ne l'étonna pas. Rien n'y faisant, il se résolut à aller la trouver un soir, afin de pouvoir lui en parler en face. C'était bien plus difficile à faire, mais une telle discussion méritait de se faire ainsi. Il n'avait pas donné de réponse à ce qu'elle lui avait dit. Ce n'était pas nécessaire. Ce qui l'était, en revanche, c'était qu'il lui fasse comprendre ce que lui-même voyait. Il ne pouvait pas se résoudre à l'abandonner lâchement, de toute façon. Il s'en voudrait toute sa vie.

Ainsi, le soir où il alla la trouver, il s'attendait à devoir affronter la Sith, et non pas la femme derrière le masque. Il n'était pas armé, il n’en aurait pas besoin. Il s'avançait prudemment dans les couloirs où logeaient les membres de son équipe, tendant l'oreille pour être sûr qu'on ne le suivait pas, ou qu'il ne réveille personne. Il savait où était la Twi'lek.

 « Allez. J'ai connu pire, pas vrai ? » chuchota-t-il pour lui-même.

Il entra, prudemment, dans la cabine exiguë. Il sentit sa gorge se nouer, son estomac devenir un bloc. Bon, un peu de courage ! Il n'était pas là pour lui faire du mal, après tout.

 « Myir ? » appela-t-il doucement.

Il n'eut pas le temps de réagir, que dans l'obscurité, elle surgit, bondissant contre lui. Ils luttèrent quelques instants dans le noir, visiblement confus, avant qu'il ne parvint à poser ses lèvres contre les siennes. Elle voulut résister, mais il ne lui en laissa pas le temps, et ils s'aimèrent de nouveau, comme s'il ne s'était rien passé l'autre jour. Comme s'il n'y avait qu'eux deux au monde, et rien d'autre. Ce n'est qu'une fois blottie dans ses bras, après, qu'elle recommença de se raidir. Il savait ce qu'elle allait dire. Il ne devait pas lui en laisser le temps, aussi plaqua-t-il une main sur sa bouche.

 « Non. Ecoute-moi. Tu sais ce qui nous lie, toi et moi. On le sait tous les deux. Tu voudrais que je choisisse. Que je parte ou que je reste, sans toi dans les deux cas. Mais toi aussi tu peux choisir. Tu as beau être une Sith, désormais, une guerrière, tu as beau avoir l'impression de devoir être un outil de l'Empire et de l'Impératrice... tu n'es pas que ça. La personne qui m'embrasse est là, dessous, quelque part. Tu peux choisir d'être cette personne. Si je pars, viens avec moi. J'ignore ce que nous ferons, mais tu peux être cette femme qui m'aime et que j'aime. »

Il se tut, avant de commencer à desserrer son étreinte. Allait-elle l'empêcher de partir ?

 « Je partirais. Si tu souhaites être Myir, et non pas la guerrière Alshain, viens avec moi. Tu n'es pas une esclave. Tu es une personne libre. »
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A l’angle de chaque couloir, la Twi’lek craignait de rencontrer Emhyr. Ou Firnia. Ou Emhyr. Ou un Jedi. Ou Emhyr.

Elle avait beau s’absorber profondément dans son travail quotidien, son esprit était difficilement diverti de ses pensées moroses concernant ce qui s’était produit. A chaque instant, elle avait envie de retourner en arrière pour s’empêcher de briser le charme entre elle et l’humain, continuer à vivre l’histoire d’Ajuw et Darn en profitant de chaque instant d’intimité. Mais une autre part d’elle, résignée, savait qu’elle avait fait le bon choix : plus ils auraient continué à vivre dans ce rêve, plus dure aurait été la chute. Un jour, Emhyr aurait dû partir, ou bien l’Empire les aurait séparés. Un jour, leur relation aurait coûté la vie à l’un des deux, elle en était certaine. Et si Emhyr devait mourir, ce ne serait pas de la faute de la Twi’lek. En un sens, elle tâchait de se convaincre qu’elle l’avait protégé. Après tout, avec une autre qu’elle, il aurait été abattu sur Makem Te, ou bien aurait fini dans les geôles de l’Empire. Elle avait fait sa bonne action : elle avait relâché l’animal sauvage avant qu’il ne dépérît dans la cage dans laquelle elle l’avait enfermé. Un jour, de toute manière, il s’en serait lassé.

La seule satisfaction des derniers jours avait été la découverte d’une liste de codes de cryptage militaire, car on lui avait demandé de paramétrer des canaux de communication à des fins de mise à jour. C’était un fichier de grande valeur pour l’Empire, qu’elle s’était empressée de copier sur son datapad personnel dès qu’à l’aide de la Force, elle avait pu distraire le chef d’équipe qui l’accompagnait. Mais ce bref instant d’adrénaline était un remède bien éphémère contre sa peine. Le soir même, elle avait avec peine résisté à l’envie de répondre au message d’Emhyr, et le sommeil ne venait point. Elle avait envie de le rejoindre pour lui raconter sa petite satisfaction du jour, mais la vérité était que ce n’était qu’un prétexte pour pouvoir se rapprocher une nouvelle fois de lui. Le silence de sa cabine (car les autres étaient repartis pour une nouvelle virée dans la cantina, mais elle ne faisait plus aucun effort social depuis la terrible nuit où elle avait étranglé Firnia) était assourdissant, comme s’il avait voulu lui rappeler l’absence de son époux fictif. Et comme pour répondre à sa pensée, Emhyr frappa à sa cabine. Saisie de panique, elle tâcha de s’enfuir, mais le percuta et ils luttèrent étrangement dans le noir avant que les lèvres d’Emhyr ne s’écrasent contre celles de la Twi’lek. Ils surent alors tous deux qu’il n’y avait pas d’échappatoire, qu’ils ne pouvaient pas se résister. Ils n’avaient plus que quelques instants de proximité à savourer, et ils avaient bien l’intention d’en profiter.

Plus tard, la raison revint au galop, et la Twi’lek lovée dans les bras de l’humain serra les dents. Avant même qu’elle pût parler, il lui mit une main sur la bouche, ce qui ne fit que l’agacer davantage. Elle se dégagea lorsqu’il eût fini de parler, mais elle ne savait que dire. Elle détourna le regard pour se concentrer sur la paroi de métal au-dessus d’eux. Quelque chose dans sa poitrine lui faisait mal, l’oppressait brusquement comme si son torse était écrasé par une enclume.

Ainsi, il s’en allait. La Twi’lek lutta pour qu’aucune larme ne vint envahir ses yeux écarquillés dans l’obscurité. Elle n’avait pas pleuré depuis des lustres, elle n’allait pas recommencer aujourd’hui. Pas pour un homme. Pas pour un Républicain.
Mais la déception était si intense qu’elle menaçait de la faire éclater. Qu’avait-elle cru ? Qu’elle aurait pu lui montrer une autre facette de l’Empire, et qu’il adhèrerait ? Qu’elle serait fascinée comme lui par l’ordre et l’efficacité des Sith ? Leur mission dans l’Espace Hutt avait été un désastre. Elle s’y était mal prise, c’était évident, et maintenant il allait rentrer chez lui. Elle avait du mal à voir quoique ce soit de positif dans tout ça. Mais elle avait fait un choix, lui avait fait une promesse. Il partirait libre, et elle n’essaierait pas de l’en dissuader.

La Twi’lek nue sous le drap de lin ne voulait pas desserrer son étreinte langoureuse, mais il fallait au moins parler clairement, avec détermination.

- Tu te trompes sur mon compte,
lui dit-elle dans un souffle. Myir et la guerrière Alshain ne sont qu’une seule et même personne. Je n’ai jamais été qui que ce soit d’autre, je ne peux pas abandonner l’une pour l’autre. Ça ne fonctionne pas comme ça.

Et pour faire quoi ? Si elle abandonnait sa loyauté, elle ne serait plus jamais Myir. Myir était une guerrière qui ne reculait devant rien et qui accomplissait ses devoirs pour une cause plus grande. Elle n’avait jamais rien été d’autre, et ne s’en sentait pas capable. S’ils partaient tous les deux, elle ne lutterait plus que pour sa survie, ce qui lui paraissait être bien minuscule dans cette galaxie qui avait besoin d’ordre. Elle était un agent pour qui l’empêcherait de se déliter, elle ouvrirait la voie vers de nouvelles manières d’appréhender la Force, empêcherait les Jedi d’enfermer les individus. Que ferait-elle de tous ses rêves si elle suivait Emhyr ? Tôt ou tard, elle regretterait son choix. Tôt ou tard, elle se mettrait à vouloir revenir dans l’Empire, ou sous une autre bannière, où son combat serait incompatible avec une vie amoureuse classique. Et pourtant, il lui était impossible d’imaginer ne jamais revoir Emhyr. Avec le temps, ce sentiment s’émousserait-il ?

- Je ne peux pas te suivre. Pas maintenant,
dit-elle, laissant sous-entendre que peut-être, plus tard, elle pourrait le rejoindre. Ne serait-ce que pour des raisons pratiques. L’Empire nous traquerait tous les deux. Te traquerait peut-être même en pensant que tu m’as kidnappée. Ta seule porte de sortie, c’est de leur donner quelque chose de satisfaisant sur ton compte ou sur le mien.

Une mort, par exemple. Elle repoussa l’idée saugrenue selon laquelle s’ils se faisaient tous les deux pour morts, ils pourraient s’enfuir. Mais non, l’Empire ne goberait pas cela si facilement. Emhyr et Myir étaient tous deux morts une fois. On ne réitérait pas indéfiniment ces exploits. Il faudrait trouver autre chose.

- Je dois retourner dans l’Empire leur fournir une explication viable de ce qui s’est passé pour toi. La plus évidente, il me semble, c’est de leur dire que nous avons été repérés, et que tu as été capturé. Et que moi, j’ai pu m’enfuir. Je suis navrée de t’apprendre qu’ils ne dépenseraient pas spécialement d’énergie pour te récupérer.

Cela aurait peut-être été différent pour elle. En tout cas Myir voulait le croire. Elle était désormais une guerrière reconnue aux yeux même de l’Impératrice. Elle entraînait son apprentie. Ce n’était pas rien. La seule ombre au tableau était la suivante : allait-elle pouvoir mentir aisément si elle se retrouvait face à Darth Odium ? Elle soupira. Certainement pas. La version officieuse devrait être donnée au Seigneur honnêtement, sinon elle risquerait sa vie. Il la punirait certainement, et elle accepterait le châtiment sans aucune protestation, mais sa vie serait sauvée par le fait qu’elle avait choisi l’Empire plutôt qu’Emhyr. De bons résultats pour la présente mission pourraient aussi aider.

- J’ai pu télécharger d’importants documents pour l’Empire, aujourd’hui. Encore quelques éléments et nous pourrons…

Elle avait failli dire « nous pourrons rentrer ». Mais non. Cet avenir-là n’existait plus.

- Et je pourrai rentrer.

La Twi’lek fronça les sourcils, puis se redressa sur un coude pour pouvoir faire face au visage d’Emhyr, dans l’obscurité. Elle en distinguait les traits familiers, la lueur dans ses yeux. L’un des lekku bleu vint jouer lascivement sur le torse de l’humain. Elle tâcha de graver ces images et ces sensations tactiles dans son esprit, pour les conserver à jamais. Elle nourrirait ce souvenir, et peut-être même le projet d’y goûter à nouveau un jour.
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Il lui était difficile de concentrer ses pensées sur comment travailler. Il ne cessait de repenser à Myir, et au fait qu'entre eux rien ne serait possible et que ça allait probablement très mal se terminer. Il ne pensait pas qu'elle l'empêcherait de partir, lorsqu'il le ferait. Il ne pensait pas non plus qu'elle lui mentait sur ce qu'elle ressentait. En revanche, il doutait qu'elle quitte véritablement l'Empire pour lui. Lui-même ne savait pas exactement ce qu'il ferait, en repartant. Retourner dans la République était envisageable. Chez les Jedi ? Même pas en rêve. Quoique... s'il pouvait y aller et les aider à retrouver un semblant de lucidité, pourquoi pas ? Mais il doutait fortement qu'eux le voient de cet œil-ci.

Et au fond, il n'en avait pas envie. Il avait quitté l'Ordre pour une bonne raison.

Combien de jours passèrent avant qu'il ne reparle à la Twi'lek ? Il n'arrivait même plus à suivre le compte. Il savait juste que leurs rencontres étaient espacées, brèves et qu'ils prenaient soin de ne rien tenter, et de ne rien dire qui puisse être interprété différemment. La Sith avait trouvé quelques éléments qui correspondaient à l'objectif de leur mission. Bien pour elle. Lui, il jouait son rôle, et tentait de conserver un minimum de lucidité. Mais ce n'était pas facile, étant donné qu'il était constamment frappé par le fait qu'il n'avait aucune chance de survie dans l'Empire. Il n'avait pas le choix, il allait devoir s'enfuir d'une manière ou d'une autre. Mais comment ? Là était toute la question.

Il savait qu'il ne pouvait pas le faire maintenant. Il serait considéré comme un délinquant, s'il s'en allait de force. Il n'avait pas non plus envie qu'un éventuel agent impérial ne signale sa fuite, et qu'il se retrouve avec un assassin à sa poursuite. Non, il allait devoir attendre le bon moment. Cela signifiait qu''Emhyr allait sûrement devoir finir cette mission, retourner dans l'Empire avec Myir, et attendre une occasion pour leur fausser compagnie. Odium s'attendrait certainement à ce qu'il s'échappe depuis Yaga Minor, vu que c'était un territoire républicain. Et à vrai dire, s'il n'avait pas eu si peur de causer plus de problèmes, le Jedi gris en aurait certainement profité pour partir dès maintenant. Et il y avait aussi Myir. Aussi froide que soit devenue leur relation, il ne saurait se résoudre à l'abandonner comme ça. Pas alors qu'elle était en plein désarroi, et qui plus est lâchée toute seule dans la République. Sa tâche était, de surcroît, de veiller probablement sur lui.

Ce qui lui rappelait, bizarrement, qu'elle allait certainement être punie quand il s'enfuirait. A quel point, il ne pouvait pas le savoir, seulement faire de grosses suppositions. Et il n'osait pas le lui demander, de peur qu'elle se renfrogne et ne décide soudainement de le châtier. Oserait-elle, elle, être violente avec lui ? Peut-être, s'il la poussait trop profondément dans ses retranchements. Elle était comme un animal acculé : elle devait choisir entre abandonner et se battre jusqu'au bout. En l'occurrence, elle semblait choisir de se battre, et donc la confronter n'était pas une bonne idée.

Il fut néanmoins confronté à un nouveau dilemme, un jour, lorsqu'il tomba lui aussi sur certaines données qui pouvaient largement avoir leur importance, aux yeux de l'Empire. En effet, il venait d'obtenir la liste de l'équipage du vaisseau. Le genre de données plutôt utiles si on voulait introduire des espions. Mais c'était peut-être le moment de faire un coup en douce. Il s'arrangea donc pour prendre cette liste, la copier, et modifier le fichier qu'il avait. Certains noms furent remplacés, d'autres inter-changés. Si l'Empire envoyait un espion dessus, ils auraient une drôle de surprise.

Il contacta donc Myir, l'informant qu'ils devaient se voir. Il avait trouvé une « liste utile ».
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Un certain philosophe alderaanien avait dit que les êtres dotés de conscience avaient la faculté de s’habituer à tout, de s’accommoder de tout de manière à survivre. Myir ne savait plus où elle avait lu ça. Cela remontait à de nombreuses années, probablement avant même qu’elle ne devînt chevalier Jedi, à une époque où elle s’efforçait d’étudier le plus sérieusement possible pour satisfaire son maître. Le fait était qu’elle avait pris cette information pour vraie, sans jamais la remettre en doute, ainsi que tous les autres enseignements Jedi dont on l’avait abreuvée. Aujourd’hui, elle avait une nouvelle preuve qu’elle avait tout engrangé comme des vérités absolues alors même que rien n’était tout à fait vérifié : elle ne s’habituait pas à la perspective de se passer d’Emhyr. Elle vivait avec une boule dans la gorge qui s’intensifiait lorsqu’elle le savait à proximité ou quand le sommeil ne venait pas, dans sa couchette, le soir. Elle vivait avec le bourdonnement incessant de ses pensées moroses, le long de ses interminables heures de travail dues au chantier qui avait pris du retard. Elle vivait avec ce ventre laissé vide après la passion qui l’avait animé des mois durant, alors qu’elle se consumait pour une relation idyllique mais éphémère. Il lui tardait chaque jour qu’on la laissât en paix, quelque part sur une planète isolée, où elle ne serait plus chaque jour confrontée aux regards des collègues qui étaient attristés de leur rupture devinée, aux images de couple des holofilms et sur les couvertures des magazines, aux racontars concernant Firnia, dont on disait qu’elle s’était enfuie comme une voleuse à cause de ses dettes faramineuses, et qui ramenaient sans cesse Myir au moment où elle avait compris que son avenir dans l’Empire avec Emhyr n’était qu’une chimère puérile.

La Twi’lek sentit son corps frémir lorsqu’elle entendit biper son datapad, devinant que l’objet de ses pensées était l’auteur du message, alors qu’elle travaillait à paramétrer la machine d’une salle de communication. Bien sûr, il ne la contactait pas pour lui dire qu’il restait. Qu’avait-elle cru ? C’était pour des informations utiles à l’Empire. Au moins prenait-il toujours au sérieux la mission pour laquelle ils étaient présents sur Yaga Minor. Un élément de plus qui empêchait Myir d’apprendre à le détester. Elle lui donna rapidement rendez-vous pour le soir même, dans son compartiment à lui. Elle ne voulait pas qu’il vînt à sa cellule, où ils s’étaient aimés plusieurs fois. Les souvenirs risquaient de prendre le dessus sur elle, et elle ne le souhaitait pas. Le reste de la journée s’écoula, trop lentement car elle avait envie de découvrir les informations collectées, trop vite car elle redoutait les instants où ils seraient seuls tous les deux.

Emhyr partageait son compartiment avec deux autres humains, qui s’éclipsèrent à l’arrivée de Myir, un peu mal à l’aise. Probablement supposaient-ils qu’Ajuw et Darn avaient des choses personnelles à régler, ce qui arrangeait bien la Twi’lek. Finalement, constata-t-elle avec un brin d’amertume, leur histoire personnelle avait fini par servir la mission : ils étaient très crédibles en couple qui battait de l’aile.

Son époux était fidèle à lui-même : le visage impassible, le regard blasé, une petite barbe de trois jours adoucissant ses traits durcis par de difficiles années. Myir referma la porte pour leur assurer une certaine intimité, avant d’aller s’adosser au montant des couchettes superposées, bras croisés. Elle serait les dents pour affermir sa détermination, respecter leurs choix à tous deux. Mais elle ne voulait pas non plus paraître désagréable s’il avait effectivement trouvé des informations importantes. Jusqu’à son départ, il restait son coéquipier, et un coéquipier efficace, elle devait le reconnaître.

- Fais-moi voir, lui dit-elle simplement avant d’accepter le datapad qu’il lui tendit.

Il s’agissait d’une liste de noms précieuse, puisqu’elle fournissait précisément les identités d’officiers à des postes clés du commandement du croiseur pour les prochains mois. L’Empire pourrait s’en servir pour enquêter sur ces noms, voire les espionner ou les recruter pour connaître au mieux les projets de l’armée républicaine. La Twi’lek approuva d’un lent signe de tête. Elle transféra la liste sur son propre datapad, avant de rendre à Emhyr son appareil.

- Notre équipe arrive au terme de son contrat ici, lui dit-elle d’une voix sans émotion. Dans quelques jours, nous serons renvoyés sur la planète. Je pense que… Ce sera le bon moment pour nous de nous éclipser. Je ne peux pas prendre le risque que l’envoi de ces informations vers l’Empire soit intercepté. Nous pourrons prétendre vouloir prendre un nouveau départ ailleurs, tous les deux.

Il faudrait en effet qu’elle retournât dans l’Empire pour les remettre en mains propres à son supérieur, suivie ou non d’Emhyr. Elle tâcha en vain de se persuader que ce dernier détail n’avait pas d’importance. Une part d’elle, pragmatique, se satisfaisait de l’intérêt de leurs informations, qui l’aiderait à justifier la confiance qu’elle avait eue en ce futur traître auprès de Darth Odium. Mais elle détestait penser à toutes ces broutilles alors même que leur décision allait mettre la vie d’Emhyr en danger. Elle soupira, brièvement mal à l’aise, avant de le toiser plus directement.

- Bon. Il nous faut organiser ton départ.

Penser aux modalités pratiques l’avait toujours aidée à garder le cap dans les moments difficiles.

- Nous n’avons pas beaucoup d’alternatives : soit l’on te fait passer pour mort, soit l’on te fait passer pour capturé, soit tu t’enfuis délibérément, mais l’Empire risque de te traquer pour les quelques années qu’il te reste à vivre. Mieux vaut organiser une disparition propre et subite. Quand souhaites-tu partir ?

Partir. Le mot lui avait brûlé le fond de la gorge. Mais c’était nécessaire. Il fallait organiser tout cela proprement pour qu’ils fussent certains qu’Emhyr survivrait à cet étrange épisode de sa vie.
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Emhyr soupira, se passant la main dans les cheveux. Que dire, quoi faire ? Il était trop tard pour faire marcher arrière : tôt ou tard, il devrait partir. Mais quelque chose lui disait qu'il ne pouvait le faire maintenant. Partir là, comme ça, même avec un subterfuge, ça lui paraissait... trop. Trop évident. Trop attendu. Odium, en tout cas, s'y attendrait. Il avait probablement envisagé cette option quand Emhyr avait accepté de faire partie de cette mission d'infiltration. Il observa Myir, espérant que cela l'aiderait à trouver comment lui répondre.

La pauvre semblait particulièrement tendue. Mais elle refuserait de le suivre. Lui-même ne se sentait pas capable de l'y forcer. Il se doutait qu'agir de manière aussi inconsidérée et risquée ne ferait que briser la fragile entente qu'était devenue leur relation. Car c'était bien ce qu'il se passait, comme l'avait compris leurs collègues de travail : une rupture entre deux individus. Mais ils ignoraient la vérité. Ils ignoraient que l'un était un Jedi gris, l'autre une Sith. Un Républicain et une Impériale. Un homme perdu et une femme égarée. Deux amants. Mais deux visions différentes de la séparation. Pour lui, il s'agissait d'un coup particulièrement difficile. Il se sentait sali, et avait un goût amer, celui de la défaite, dans la bouche. Il avait côtoyé le Côté Obscur, avait espéré pouvoir en retirer un peu de lumière auprès de la Twi'lek. Mais elle, autrement qu'une douleur intérieure, que ressentait-elle ?

Il ne pouvait, encore une fois, pas le savoir.

 « Il y a une autre solution. » dit-il finalement.

Non, pas une autre solution à son départ, malheureusement. Il crut lire l'espoir dans les yeux de la Twi'lek. Lui-même se sentait mal d'avoir à se dire qu'il aurait aimé que cette autre solution soit cet espoir. Mais non. Il se passa la main sur le visage, essayant de ne pas paraître épuisé. Difficile avec ces derneirs jours.

 « Odium, ou même d'autres officiels au courant de cette mission, s'attendent à ce que je parte. Il y a sûrement des gens en train de nous surveiller, pour être sûr que je ne fasse aucune bêtise. Si je tente de m'enfuir, ou d'user d'un subterfuge pour m'échapper... ce sera vu. Ce sera même prévisible. Et par conséquent, on peut être certain que le châtiment sera encore plus terrible. Pour moi, déjà, et pour toi. Non, laisse-moi finir. »

Il aurait pu s'approcher d'elle. Mais il ne le voulait pas. Laisser transparaître encore davantage d'espoir pour eux deux ne parviendrait qu'à détruire davantage leur lien, déjà si amaigri.

 « Je ne veux pas que tu subisses plus que ce qu'on t'infligera déjà, quand je partirais. Mais je ne peux juste pas partir maintenant. Je dois attendre une autre occasion, une opportunité où on s'attendra moins à ma fuite. Ou alors, si je n'ai plus le choix. Là, j'ai encore le choix. Je pourrais partir, au détriment de cette évidence, mais toi ? Comment expliquerais-tu tout ça ? Je ne veux pas t'impliquer de trop, de peur qu'on n'aille trop loin dans ta punition. Appelle ça de la faiblesse si tu le veux, frappe-moi si tu le souhaites, crie-moi dessus si ça peut te soulager... Sache que dans le pire des cas, je t'... »

Il ne termina pas sa phrase. On frappa à la porte. Grâce à la Force, il put sentir que ses collègues désiraient dormir. Il ne s'était pas aperçu qu'il était aussi tard, en fait. Il serra les dents, et soupira.

 « Restons-en là. Et continuons comme si de rien n'était durant les quelques jours qu'il reste. »

De fait, ces quelques jours allaient passer très lentement et très rapidement à la fois. Très lentement car il ne cesserait de se torturer l'esprit en imaginant comment parvenir à s'en aller plus tard, ou même à chercher un plan impossible pour emmener Myir avec lui, de son plein gré. Et rapidement car le moment où il partirait viendrait beaucoup plus vite qu'il ne le souhaitait, quoiqu'il fasse. Resté à espérer qu'il parvienne à s'en aller quand même.
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L’autre solution proposée par Emhyr n’était pas à la hauteur de l’espoir de la Twi’lek, mais elle devait se rendre à l’évidence : c’était la chose la plus raisonnable à faire. Prolonger de quelques jours leur proximité était-il une chance ou une torture ? Un peu des deux, probablement.

Toutefois, une bouffée de colère envahit Myir lorsqu’il évoqua devoir la protéger. La protéger de quoi, au juste ? Elle restait dans l’Empire par choix, non par contrainte. Elle assumerait ses responsabilités, y compris devant ses supérieurs lorsqu’il serait parti. Une part plus raisonnable d’elle s’efforça de le comprendre : il ne voulait pas lui faire plus de mal que cela. Mais s’il voulait tant lui épargner des souffrances, alors pourquoi ne restait-il pas à ses côtés, tout simplement ? Pour s’empêcher d’exploser, la Twi’lek lui tourna brusquement le dos en l’écoutant, et posa son front sur un segment de métal qui ceignait les rangements muraux. Ainsi il ne verrait pas ses yeux remplis de larmes de rage, ou d’autre chose.

Le frapper, crier ? Oui, cela la soulagerait. Un temps seulement, après quoi elle aurait des remords, et elle se sentirait pire encore. Il faillit prononcer des mots qui l’aurait soit achevée, soit soulagée, mais des coups sur la porte résonnèrent. La Twi’lek sursauta, frustrée de n’avoir pu entendre la fin de la tirade. Avait-elle imaginé la déclaration ? Elle le savait de toute façon. Elle l’avait toujours su. Sinon pourquoi l’avait-il suivie si longtemps, alors même qu’il haïssait l’Empire ?

Myir acquiesça, puis quitta la pièce en silence. Ses larmes ne coulèrent sur ses joues que bien plus tard, dans les couloirs, lorsqu’elle fut certaine qu’il ne pourrait plus ni la voir ni l’entendre. Qu’aurait-elle pu ajouter ? Elle allait vivre les prochains mois avec un doute idiot : aurait-elle pu insister pour qu’il restât ? Aurait-elle été capable de lui montrer l’étendue du pouvoir du Côté Obscur, ou l’intérêt d’être un gradé impérial ? Aurait-il changé d’avis, le temps au moins que se consume leur amour ardent ? Ces questions étaient vaines. Elle était née pour servir, sa loyauté était toute son identité, sa personnalité. Servir l’Empire ne passait pas par l’entretien d’un traître dans les rangs.

Plusieurs jours s’écoulèrent encore avant qu’enfin, l’opportunité de s’en aller ne leur soit offerte. Les réparations du croiseur étaient terminées. Ajuw et Darn s’embarquèrent dans des navettes différentes pour retourner sur le sol de Yaga Minor. A peine le pied posé par terre, la Twi’lek se dirigea dans les locaux de l’entreprise, afin de déposer leurs deux lettres de démission. S’ensuivit un long entretien avec un responsable des ressources humaines, à qui elle expliqua, sans avoir à feindre l’amertume, que son mariage battait de l’aide et que Darn et elle avaient décidé de repartir sur de nouvelles bases, loin d’ici. Lorsqu’il insista en leur proposant des augmentations, elle laissa sous-entendre que l’environnement de travail lui rappelait trop une collègue avec qui son époux avait passé plus de temps que prévu. Le responsable aurait tôt fait de faire le lien avec Firnia, qui avait été vue plusieurs fois en compagnie de l’humain et qui avait rompu son contrat elle aussi quelques jours plus tôt. Ça sentait le drame des holofilms à l’eau de rose à plein nez. La Twi’lek n’était pas fière de rejeter la « faute » sur Emhyr, mais se dit qu’il le lui pardonnerait bien : elle allait endurer bien plus douloureuse sentence de la part de leur véritable hiérarchie lorsqu’il se serait enfui.

Lorsqu’elle quitta l’entreprise, après avoir récupéré quelques-unes de leurs affaires personnelles laissées dans leur casier, Myir se retrouva seule dans la rue. Une pluie torrentielle s’abattait sur le paysage habituellement paisible de la planète, et leur petit appartement encastré dans l’immeuble blanc lui semblait soudain bien morne. Et dire que quelques jours plus tôt, elle avait été… presque heureuse, sinon insouciante dans ses bras. Mieux valait en finir au plus vite avant qu’elle ne devînt nostalgique. La Twi’lek monta quatre à quatre les étages avant d’entrer chez eux, mais Emhyr ne s’y trouvait pas. Elle remplit rapidement sa valise, avant de l’attendre. Une heure s’écoula avant que l’angoisse ne commençât à nouer sa gorge. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Machinalement, la Twi’lek se mordit la lèvre et vérifia son comlink. Rien. Elle plongea alors dans la Force, à la recherche d’un contact, mais il n’était pas suffisamment à proximité. C’était le vide. Où était-il ? Quelque chose était-il arrivé à la navette censée le ramener sur Yaga Minor ? Avait-il eu un contre-temps ? Etait-il… Finalement parti ? Non, c’était impossible, Emhyr respectait toujours leurs plans. Il devait avoir eu un problème. Elle s’empara de son datapad, fébrile.

Il y a un problème ?

Pas de réponse. La Twi’lek serra les dents, agacée. S’il ne répondait pas par pure insouciance, elle allait le lui faire payer ! Et si… Et s’il avait été capturé, pour la tester ? Non. C’était impossible.

Darn, je t’attends depuis des heures ! Tout va bien ?

Elle envoya le message en grimaçant. Elle aurait pu ajouter « mon chéri » mais ça n’aurait fait qu’empirer les choses entre eux. Alors elle attendit là, étendue sur un canapé blanc sur lequel sa peau bleu faisant un contraste étonnant. Jamais elle ne s’était autant inquiétée pour personne. Emhyr était un fléau, une maladie qu’elle avait contractée sur Makem Te. Allait-il causer sa mort, tôt ou tard ?
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De fait, lorsqu'il franchit la porte d'entrée de l'appartement, Emhyr savait pertinemment qu'il ne faisait pas la meilleure des impressions. Sa veste était noircie, brûlée, déchirée. Il boitait légèrement, et il avait le nez et le bas du visage maculé de sang séché. Il haletait, épuisé, et ne savait plus très bien s'il devait rentrer se reposer ou juste prévenir Myir qu'il avait eu des ennuis. Evidemment, en entrant, il vit son visage stupéfait, tendu par un truc qui devait être de l'inquiétude. Il ne pouvait pas trop l'en blâmer. Il prononça donc quelques mots de sagesse.

 « Me voilà ! Sain et sauf ! »

Avant de s'effondrer au sol, tête la première.

A son réveil, il trouva une Myir bleue à son chevet, visiblement impatiente de voir s'il allait s'en remettre ou non. Résumons, pour que vous compreniez bien : il était allongé sur le canapé, un linge sur le front et toujours avec ses vêtements bons à jeter. Mais, lui, physiquement parlant, ça allait ? Hormis la sacrée migraine qu'il se tapait, oui. Ça, c'était assez normal, en fait. Mais émotionnellement, c'était flou quand même. Et du coup, devant l'inquiétude de la Twi'lek, il se força à sourire un peu, avant de lui raconter ce qu'il s'était passé.

Pour faire simple, il n'avait pas seulement pris une autre navette que sa compagne : il avait carrément pris la dernière, parmi toutes celles affrétées pour les employés. Mais avant même de pénétrer à l'intérieur du vaisseau, il sentit que quelque chose n'allait pas. Quelqu'un dégageait une drôle d'aura dans la Force, quelqu'un qui avait visiblement des intentions plus qu'hostiles. Aussi, il avait fait gaffe. Il s'était arrangé pour identifier au plus vite l'individu susceptible de nuire à quelqu'un d'autre, ou à lui. Et au final, il s'avéra qu'il s'était bêtement laissé duper par une débutante. Une débutante oui, car la personne n'était autre que Firnia, qui s'était subtilement glissée parmi le groupe afin de le rejoindre lui. Alors, pourquoi les intentions hostiles, à ce stade ? Tout simplement parce que pour Firnia, le moment était venu d'essayer de faire ce pourquoi elle était véritablement ici : attenter à la vie d'Emhyr.

Ce dernier ignorait totalement la raison d'un tel désir de meurtre, et il ne le saurait sans doute jamais. Car Firnia, en sortant de la navette, avait subtilisé une motospeeder, avait suivi Emhyr et son taxi pour lui tendre une embuscade dans une rue moins fréquentée. Un soi-disant raccourci pour le chauffeur du taxi. Au final, ledit chauffeur était mort, le landspeeder avait foncé dans un mur, Emhyr avait tenté de neutraliser Firnia sans lui faire de mal. Mais elle, usant d'un blaster, avait réussi à tirer sur le réservoir du véhicule. Déclenchant un mini feu d'artifice, lequel brûla au quatrième ou cinquième degré la jeune femme, la tuant sur le coup, et blessant notre héros. Voilà ce qu'il raconta à une Myir visiblement soucieuse de l'aider à se rétablir.

Il avait volontairement omis de dire que la jeune femme avait été envoyée sur l'ordre d'un Sith nommé Darth Valeras, lequel avait eu vent de la présence d'Emhyr dans l'Empire. Inutile d'inquiéter davantage la Twi'lek. Eux deux dans l'appart', il se sentait presque coupable de ressentir à nouveau ce sentiment de confort, de chez-soi, simplement parce qu'ils étaient seuls.

 « Bon, et maintenant, que fait-on ? Si on doit partir, faudrait que j'ai au moins la possibilité de me changer. »

Il toussa, avant de grimacer. Son nez et sa tête étaient encore trop douloureux. Il allait avoir besoin d'un peu d'aide pour se déplacer. Foutu Valeras. Ce Sith avait la dent dure. Tout ça pour une histoire d'identité usurpée. Bon, ok, il avait peut-être subtiliser un ou deux petits renseignements au passage. Notamment sur le trafic d'esclaves. Mais quand même.

Quel rancunier, ce gars.
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Myir était penchée au-dessus d’Emhyr, utilisant le linge humide pour lui nettoyer le visage ensanglanté. Pendant près d’une heure, elle n’avait cessé de veiller sur lui et de faire des aller-retour pour scruter les alentours à travers les petites fenêtres, de peur que l’agresseur d’Emhyr ne l’eût poursuivi jusque chez eux. Leur planque, pas « chez eux ». A plusieurs reprises, elle s’inquiéta de l’état de son compagnon, mais se refusa à le dépouiller de ses vêtements : il ne fallait pas qu’elle se risquât à trop de proximité. Elles avait sur quels sentiers dangereux cela pouvait la conduire. Il lui fallait protéger sa résolution. Et puis, excepté les vilaines coupures récoltées au visage, il n’avait pas l’air si mal en point que ça, juste pas très propre sur lui.

Emhyr s’éveilla bientôt, et au soulagement de la Twi’lek, ne se plaignit d’aucune douleur particulière. Elle écouta attentivement son récit, avant de soupirer, agacée et soulagée à la fois.

- Je savais bien que j’aurais dû m’en débarrasser. D’autres personnes ont essayé de t’atteindre ? Tu es sûr de n’avoir pas été suivi jusqu’ici ? Tu as mal quelque part ? Pas de douleur dans la nuque ?

Myir s’activa autour de lui, le débarrassa du linge humide, puis fit parcourir ses fins doigts bleus sur le visage d’Emhyr pour vérifier une nouvelles fois ses plaies, en particulier la plus large entaille qu’il avait près de l’oreille mais elle ne saignait plus. Elle se rendait compte que la peur qu'elle avait eu pour Emhyr ces dernières heures l'avait ramenée à son désir de proximité avec lui, mais cela avait-il une importance maintenant qu'ils allaient définitivement se séparer ?
Cette… ex-Jedi était tout de même tenace. Et pourquoi s’attaquer à lui plutôt qu’à elle, alors que « Darn » lui avait sauvé la vie ? Tout ceci ne collait pas. Quelque chose leur échappait. Signe supplémentaire de l’urgence de quitter les lieux au plus vite.
La Twi’lek se leva avant d’aider Emhyr à se redresser.

- Va prendre une douche et change-toi, lui dit-elle, je vais m’occuper de modifier nos itinéraires de retour, pour plus de sûreté.

Elle aida cependant l’humain à rejoindre la salle d’eau, puis à se dévêtir. Pendant qu’il entrait sous la douche, elle jeta ses vêtements brûlés à la poubelle et lui rapporta en vrac un paquet de vêtements de Darn parmi lesquels il pourrait se choisir une nouvelle tenue. Après quoi elle lui laissa enfin un peu d’intimité, pour aller commander de nouveaux billets depuis son datapad. Contrairement à l’aller, ils voyageraient ensemble car Emhyr risquait d’avoir besoin d’aide pour se déplacer. Et maintenant qu’ils savaient être poursuivis, même si Firnia était morte… Quelque chose de pas clair subsistait, et Myir ne voulait plus prendre le risque de s’égarer jusqu’à ce qu’ils fussent tous deux en sécurité dans l’Empire. Et là… Ils se sépareraient. Elle repoussa la perspective de ce moment dans un coin de son esprit. Elle choisit des billets directs pour Taris. De là, ils réembarqueraient pour Sy Myrth, système depuis lequel il pourrait passer en territoire Hutt à proximité de Sriluur. Ensuite, les agents de Vogda se chargeraient de les faire passer vers l’Empire grâce aux convois de marchandises échangés entre leur allié et le territoire Sith.
Après cela, Myir se chargea d’empaqueter les affaires principales d’Emhyr, tandis que ce dernier refaisait son apparition. Frais et dispos n’était pas exactement les adjectifs pour le qualifier, mais au moins était-il propre et entier. Il se tenait au chambranle de la porte, visiblement toujours épuisé.

- Dommage que nous n’ayons pas un siège répulseur sous la main, nous aurions passé les sécurités des astroports avec plus de facilité si tu te faisais passer pour un handicapé, le railla-t-elle, mais son enthousiasme était feint.

Ils quittèrent l’appartement assez rapidement ensuite, et rejoignirent l’astroport à partir duquel un long voyage de plus de 48h les attendait. Ils dormirent peu, et à tour de rôle lorsqu’ils avaient besoin de sommeil. Leurs papiers de Darn et Ajuw fonctionnaient à merveille, leur couverture paraissant rationelle même si une vieille dame dans une file d’attente leur fit une remarque désobligeante sur les mariages inter-espèces, qu’ils ignorèrent. Ils purent circuler en territoire républicain et le quitter sans encombre, avant d’être récupérés par un cargo impérial sur Sriluur. Plusieurs heures plus tard, celui-ci atteignit le cœur de l’Empire. Il atterrit à l’astroport de Dromund Kaas, où Myir devait rencontrer Darth Odium et lui faire son rapport de mission, tandis qu’Emhyr poursuivrait son chemin de son côté. Ils descendirent de l’appareil et immédiatement, la foule autour d’eux les absorba dans son flux incessant de passagers, de garnisons impériales qui partaient au trot vers une navette, de marchandises tenues à bout portant par des droïdes à l’allure peu élégante et autres techniciens en uniforme qui se hâtaient de passer d’une tâche à une autre.

La Twi’lek profita du brouhaha ambiant pour faire face à Emhyr. Elle ne savait pourquoi, l’animation autour d’eux rendait sa communication plus facile. Peut-être parce que dans un silence oppressant, ses paroles auraient eu l’air trop grave. Et noyés dans la masse, elle se sentait bien moins épiée que dans leurs planques de mission censée être sécurisées.

- Je dois aller au palais impérial, maintenant.

Voilà, c’était donc le moment des adieux. Reverrait-elle Emhyr avant qu’il ne s’en allât ? Il y avait des chances. La Twi’lek, qui avait retrouvé son accoutrement habituel, fronça brièvement les sourcils avant de se forcer à regarder l’humain en face. Il avait l’air d’avoir recouvré quelques forces malgré la fatigue du voyage. Il fallait qu’il fût prudent, se dit-elle subitement. Pourquoi lui paraissait-il parfois si fragile, alors qu’il avait maintes fois prouvé sa résistance à ses côtés ? Comment réagirait-elle si l’Empire lui faisait du mal ? S’il le brisait définitivement ?

- Ecoute, dit-elle en se rapprochant de lui. Si tu as une opportunité, saisis-la. Ne t’inquiète pas pour moi. Je feindrai n’avoir pu rien prévoir de tes plans. Et Odium est un seigneur noble et de bon sens, il comprendra ma situation, j’en suis certaine.

Pas si sûr que cela, mais pour permettre à Emhyr de s’enfuir, il fallait autant que possible lui libérer l’esprit. La Twi’lek se mordit la lèvre, ne sachant que dire de plus qui n’aurait pas eu l’air idiot. Alors elle saisit le visage de l’humain entre ses mains et, se dressant sur la pointe des pieds pour être à la bonne hauteur, elle l’embrassa, sans lui laisser de choix. La vie de l’astroport tourbillonnait autour d’eux, comme un brouillard protecteur et froid, rendant presque invisible ce moment incongru de chaleur dans un Empire intraitable. Certaines personnes se retournèrent sur leur passage pour les observer. Elle prenait des risques. Elle s’en fichait. Certains instants se payaient chers, mais en valaient la peine.

Lorsqu’elle s’écarta, s’arrachant douloureusement au corps d’Emhyr, Myir se força à faire bonne figure et lui sourit.

- Va-t-en, maintenant, murmura-t-elle.

Et elle-même tourna les talons, disparaissant dans la foule.
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