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Comme à son habitude, Yun attendait dans le parc du Temple jedi au petit matin que son maître apparaisse pour entamer leur tour des lieux. A force, cette routine qui lui avait paru tellement déroutante au premier contact avait fini par s’enraciner en lui comme un repère, un phare dans la tempête qu’était son esprit hermétique à tel point que les jours où leur rendez-vous ne pouvait pas avoir lieu, il le regrettait sincèrement, que ce soit pour des raisons de travail ou tout simplement parce qu’ils n’étaient pas sur Ondéron. Oh, certes, ils se réunissaient quand même les fois où les fonctions de Maître Don le menait sur la capitale républicaine… Mais ce n’était pas pareil. Il manquait l’odeur de la rosée matinale, l’arrêt à leur banc de prédilection… Non, décidément, il manquait toujours quelque chose sur Coruscant pour que leur routine soit parfaitement accomplie. Et Yun aimait que tout se déroule bien, dans un ordre immuable.

La simple évocation mentale de la planétopole lui arracha un frisson. Par la Force, ce qu’il pouvait détester cet endroit ! D’abord parce qu’il abhorrait se retrouver au milieu de ce charivari qui occupait et empuantissant Coruscant en permanence. Ensuite, parce que son dernier séjour l’avait presque traumatisé. Pour autant, au départ, il n’y avait rien eu de particulier, et même les missions accomplies, pour importantes qu’elles soient, ne l’avaient pas autant marqué que ce moment où, face au Chevalier Nae, il avait eu l’impression d’entrevoir une vérité qui le dérangeait.

Encore aujourd’hui, plusieurs semaines après leur échange, il se revoyait, sabre en main face à la kaminoane. Il pouvait encore sentir la morsure de la lame adverse dans sa peau, et la rage qui l’avait animé à ce moment-là, qui avait bandé ses muscles et pulvérisé les défenses de son opposante. Il savait qu’en d’autres circonstances, si un véritable combat avait eu lieu dans cette salle de méditation, Lei serait morte. Et cette perspective le terrifiait complètement, parce qu’elle lui ouvrait la porte d’une puissance qu’il s’était juré de tenir à l’écart, car mauvaise, mais qui paraissait soudain tellement plus forte que ce à quoi il s’astreignait.

Durant tout son temps chez les siths, que ce soit auprès de son maître où sur Korriban, Yun avait entendu le même enseignement asséné comme une vérité inébranlable : l’obscurité était intrinsèquement plus puissante que la lumière, parce qu’elle était incontrôlable, transcendance, là où sa némésis était l’immanence, la stagnation. Pourtant, à l’époque, jamais l’épicanthix n’avait ressenti cela ainsi. Il était un apprenti médiocre, qui compensait finalement son manque de don pour la maîtrise de la Force grâce à une diligence proche de la servilité et à des capacités physiques naturelles hors du commun. Alors il avait douté de ces paroles parce qu’il n’en voyait pas la manifestation, et surtout parce que leurs conséquences lui faisaient horreur. Passer à la lumière n’avait pas été si difficile, de ce point de vue. Renoncer à quelque chose qu’il n’avait jamais touché… Ce n’était pas si compliqué, au fond.

Mais sur Coruscant, il avait cru sentir cette obscurité triomphante, la voir à l’œuvre. Lui qui avait tellement souffert pour parvenir à asséner un seul coup correct au Chevalier Kerin, voilà qu’en deux mouvements brutaux, il parvenait à mettre un autre supérieur à terre. Etait-ce parce qu’il avait usé du Soresu la première fois, style profondément défensif la première fois, et du Juyo la seconde, beaucoup plus porté sur l’offensive ? Il aurait aimé le croire. Il avait même tenté de s’en convaincre. Sauf qu’il n’y arrivait pas, que les doutes qui l’avaient miné sur Korriban refaisaient surface sur Ondéron. Que s’était-il passé ? Avait-il réellement effleuré l’obscurité ? Avait-il dû attendre de devenir un jedi pour comprendre ce que signifiait être un sith ? Il y aurait là une ironie très douloureuse.

Apercevant enfin son maître, le jeune homme lui offrit un pauvre sourire guère assuré, avant de s’incliner légèrement pour le saluer, avant de dire doucement :

« Bonjour Maître. J’espère que vous allez bien en cette journée. »

Avec tous ces événements qui s’étaient encore une fois précipités, il n’avait pas voulu accabler le vieil homme de ses soucis personnels, conscients qu’avec cette nouvelle crise, le Conseil jedi ne devait pas manquer d’occupation. Il y avait tellement de rumeurs qui circulaient : on parlait d’un maître jedi qui avait pris d’assaut le vaisseau de ce hutt fou, Borenga, de deux autres qui avaient carrément capturé un croiseur impérial à eux-seuls, sans parler du discours de Maître Vorkosigan en direct qui n’en finissait pas de déclencher des réactions au sein du Temple, certains s’offusquant qu’un jedi ait décidé de s’engager ainsi publiquement, d’autres approuvant sa prise de position… Sans parler de ceux qui critiquaient non sur la forme, mais bel et bien sur le fond, assurant sous cape qu’il était temps de faire tomber les masques et de faire payer l’Empire, comme sur Felucia… Bref, aborder ses propres doutes lui semblait bien puéril au milieu de tout ce torrent d’informations à gérer.

Mais il n’arrivait plus à dormir, et récemment, il avait commencé à avoir des rêvers… perturbants. Alors Yun avait compris qu’il était grand temps d’agir. Repousser l’échéance ne servirait à rien. Maître Don lui avait demandé d’être toujours honnête avec lui, il était temps qu’il le soit. Prenant une inspiration, alors que leurs pas les menaient vers le banc où, deux ans auparavant presque jour pour jour, l’humain lui avait annoncé qu’il le prenait comme apprenti, Yun murmura :

« J’aimerais vous parler, Maître. A propos… De ce qu’il s’est passé sur Coruscant. Avec le Chevalier Nae. »

Il se doutait qu’on lui avait fait un rapport de sa journée avec Lei, et que cette dernière avait dû expliquer pourquoi elle en était sortie aussi éprouvée. Il ignorait simplement ce dont Maître Don était au courant exactement, et n’avait osé poser directement la question. Alors il essayait la méthode détournée, comme souvent dans ce genre de situation. Oui, Yun était lâche. Il l’avait toujours été, incapable d’assumer les ordres qu’il exécutait sur Korriban, et incapable de supporter la déception qu’il imaginait déjà se peindre sur le visage de son mentor.

Finalement, avait-il réellement changé ? Parfois, il en doutait. Et le regrettait amèrement.
Saï Don
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Les allers-retours entre Lorrd, Ondéron et Coruscant avaient laissé peu de place à la formation de Yun. Les évènements récents liés à Makem Te et Felucia, que Maître Don n’avait pu que constater depuis la capitale-monde de la République, n’avaient en rien arrangé les choses : plusieurs réunions d’urgence du Conseil avaient dû avoir lieu, en plus de la multiplication des contacts diplomatiques visant à comprendre la situation et apaiser les tensions liées à la présence des Jedi près des frontières de l’Empire ou encore tout simplement au sein de l’Armée Républicaine, où certains militaires n’appréciaient que de manière limitée qu’un Ordre extérieur pût interférer avec leur organisation habituelle.
Malgré ses nuits courtes et les soucis que générait la responsabilité de l’Ordre, le vieil homme avait toutefois tenu à ne pas briser la routine de rencontre avec son padawan, heureusement autonome. Plus que nécessaire pour leur lien particulier, ces rencontres étaient aussi un moment où Saï pouvait s’extraire du tourbillon incessant des affaires de l’Ordre pour adopter une posture de recul, plus philosophiques, en retournant aux sources : l’enseignement Jedi.

De retour sur Ondéron, toutefois, leur rendez-vous pourrait enfin durer un peu plus longtemps que la courte demi-heure qu’il pouvait accorder à Yun sur Coruscant. Et surtout, l’astre lumineux à l’aube, l’air frais qui jouait dans les fougères hautes du parc et les sons mystérieux de la jungle voisine étaient autant d’éléments qui les apaiseraient l’un et l’autre.

Le vieil homme avait quitté sa chambre dès que les premiers rayons du soleil avaient lacéré le ciel d’Ondéron. Le parc était encore plongé dans le silence, mais il ne tarderait guère à s’éveiller : la flore s’ouvrirait, la faune s’animerait et les Jedi s’éveilleraient et prendraient possession des lieux pour une douzaine d’heures bienheureuses. Un spectacle dont le Jedi se délectait d’avance.
Pour le moment, il n’aperçut qu’une seule silhouette près de leur banc favori, familière dans sa posture disciplinée. Arrivé à proximité, le vieil homme adressa à Yun un sourire : à force de voir l’Ordre traverser des heures sombres, il avait appris à se réjouir des plaisirs les plus simples même en temps de crise. Commencer une belle journée faisait partie de ces agréments.

- Bonjour, Yun. Je vais très bien, merci. Comment vas-tu ?


Une question anodine, mais qui prenait tout son sens lorsqu’on songeait à l’impossibilité pour le vieil d’évaluer le moral de son élève comme il l’aurait fait avec tous ses précédents padawan. A l’époque de Luke, il lui arrivait de ressentir depuis sa chambre un élan de mélancolie ou de joie chez son élève, une angoisse fugace ou une impatience passagère. Avec Yun, il s’était habitué à ce silence hermétique d’Epicanthix. Il se fiait aux paroles du garçon avec une confiance bien assise maintenant que leur lien était établi depuis plusieurs mois.

Ensemble, ils se dirigèrent à pas lents vers le banc, où Saï s’installa, le visage tourné vers le soleil. Il ferma les yeux, mais son ouïe était concentrée sur l’Epicanthix.

- Coruscant, le chevalier Nae. Oui… Je me souviens.


Il avait été informé d’un combat entre Lei Nae, chevalier, et son propre élève. Il lui avait été rapporté que le combat avait été rude, brutal, au point que la kaminoan avait été envoyée à l’infirmerie. Maître Don et le padawan s’étaient vus plusieurs fois depuis, et ni le vieil homme ni Yun n’avaient abordé la question. Il y avait eu des urgences, ils avaient parlé de l’actualité, mais l’Epicanthix ne s’était pas ouvert sur l’évènement. Il n’était pas dans les habitudes de Saï de susciter une discussion s’il ne pensait pas le sujet assez mûr. Soit Yun en parlerait de lui-même, s’il y avait quelque chose à dire, soit le vieil homme attendrait que l’élève eût suffisamment pris de recul pour discuter de la question. Finalement, constatait-il, c’était la première option qui s’imposait. Yun était-il troublé ? La Force restait muette sur la question, comme toujours avec l’Epicanthix, mais il n’était pas difficile de le deviner dans l’hésitation et les précautions prises pour aborder le sujet.

Le vieil homme rouvrit les yeux pour croiser le regard de son élève.

- J’ai entendu dire que tu avais fait preuve d’une certaine ardeur pour vaincre ton adversaire,
déclara-t-il simplement.

Un moment de silence flotta entre eux. Quelques oiseaux matinaux s’égosillèrent depuis la jungle, donnant un signal mystérieux au reste de la faune d’Ondéron. Saï reporta son regard vers l’horizon lumineux.

- Le centre médical du Temple de Coruscant m’a assuré que le Chevalier Nae s’en remettrait très bien. Elle a même été combattre sur Makem Te. Elle s’est portée volontaire pour y accomplir de vaillantes missions, mais j’ai appris qu’elle a dû être secourue à cause… D’une mauvaise rencontre.

Yun saurait ce qu’il entendait par là. S’il demandait à son élève d’être honnête avec lui, le vieil homme devait aussi être franc lui-même. A quoi servirait-il de cacher à son padawan que les Sith sévissaient toujours, et sûrement bien plus brutalement que lui lors de ce combat de Coruscant ? L’expérience de la kaminoan auprès de Yun avait dû la préparer à sa rencontre sur Makem Te. Qui savait ? Peut-être même devait-elle la vie à cette expérience hors norme. En attendant, autant ne pas se voiler la face : les Sith étaient des adversaires redoutables, et de nombreux et talentueux Jedi tombaient sous leurs coups. Et tomberaient encore, au vu de l’avenir qui se déployait devant eux.

Maître Don observa de nouveau le jeune homme, dont le regard sombre paraissait plus abattu que d’ordinaire. Le vieillard, dont le cœur avait toujours été quelque peu sentimental, aurait aimé pouvoir soulager un peu du poids des épaules de l’Epicanthix, qu’il affectionnait désormais pour sa droiture d’esprit et son efficacité pragmatique en mission, autant que pour sa propension à, comme lui, transporter partout sa hotte chargée de doutes, pourtant invisible aux yeux de tous.
Mais on n’aurait su faire boire à un tauntaun qui n’avait pas soif. Seul Yun pouvait parler de ses doutes. Si le vieil homme pouvait lui ouvrir la voie, il ne pouvait en aucun cas y marcher à sa place.

- Cette expérience t’a troublé,
constata-t-il, comme une perche tendue.
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Comment allait-il ? Il était amusant de constater à quel point une question aussi anodine pouvait torturer Yun, surtout en ce moment. Physiquement, il allait bien, se nourrissant abondamment et s’entraînant avec toujours autant d’ardeur, au point que ses épaules s’élargissaient encore et que ses muscles se faisaient de plus en plus saillants. Lentement mais sûrement, il approchait de sa taille adulte et semblait voué à devenir un représentant particulièrement imposant de sa race de colosses. Il dépassait l’immense majorité des jedis présents au Temple, et sa force brute connaissait peu de rivaux. Et pourtant, c’était précisément cette dernière qui lui causait tant de soucis.

Depuis ce moment sur Coruscant avec le Chevalier, l’épicanthix s’était perdu en méditation et réflexions internes qui se rapprochaient de l’introspection, et il avait refusé méthodiquement d’affronter une autre personne au sabre, horrifié de se voir perdre à nouveau le contrôle comme sur la capitale de la République. A la place, il se contentait de trancher des hologrammes à la chaîne, rejoignant les salles d’entraînement très tôt le matin ou très tard le soir, pour s’assurer de n’être dérangé par personne dans ses séances solitaires. Une ou deux fois, il avait côtoyé silencieusement un maître d’armes venu lui aussi profiter du calme des lieux en ces heures nocturnes, et le Maître Vandreen lui avait prodigué quelques conseils sur son placement ou sur le tempo de ses katas. Etonnamment, Yun trouvait dans l’allure particulière du Maître du Conseil une certaine assurance de ne pas être jugé sur sa propre apparence, et il avait remercié le bretteur pour le temps accordé.

Sauf que ce n’était pas suffisant. Désormais, son sommeil déjà tempêtueux était régulièrement envahi par les souvenirs de son duel avec la kaminoane, et il revivait la sensation de puissance qui l’avait envahi. Alors, oui, il allait bien… Mais extérieurement. Intérieurement, son cerveau bruissait de doutes et de complaintes qui ne tarissaient pas et dont il ne pouvait parler à personne, terrifié à l’idée qu’on le juge comme un relaps ayant basculé encore, ou qui ne se maîtrisait pas suffisamment. En plus, avec tout ce qu’il se passait en ce moment… Son petit cas n’avait pas grande importance, non ? Aussi il finit par répondre avec lenteur, cherchant la réponse appropriée :

« Je vais… correctement, maître. »

Intentionnellement, il avait choisi ce mot qui voulait presque toujours dire, ainsi employé, le contraire de sa signification initiale. Maître Don avait demandé à ce qu’il soit honnête en le prenant sous son aile, alors il tentait de l’être, autant que faire se peut, et quand sa lâcheté prenait le dessus, quand il ne savait que dire, comment s’exprimer, il se reposait sur ces demi-vérités qu’il avait si bien appris à maîtriser sur Korriban, pour qu’aucun seigneur sith ne sache jamais ce qu’il pensait réellement, ou que tous ne puissent confondre ses quasi-mensonges. Sauf que maintenant, il le faisait comme un marin jetant une bouteille à la mer, dans l’espoir que l’humain saurait comprendre ce qu’il ne parvenait pas à dire.

Apprendre que le Chevalier Nae avait parfaitement récupéré le soulagea… Soulagement qui fut douché rapidement quand il comprit qu’elle avait été attaquée sur Makem Te, et au vu de l’expression peinée de son maître, il devinait sans mal que la mauvaise rencontre mentionnée n’avait rien eu de plaisante, et qu’elle n’était sans doute pas exactement le fait de quelques mercenaires mal intentionnés. Après tout, des siths avaient occupé la planète… En avait-elle rencontré un ? Possible. Probable. Du moins, c’est qu’il comprenait au sous-entendu qu’il percevait. Peut-être qu’à s’exprimer par ellipse et litote de cette manière, le vieil homme ressemblait plus à son élève que ce dernier l’aurait cru.

« Oh… J’espère qu’elle va bien. »

Sincèrement, Yun aimait beaucoup sa consœur jedi, essentiellement parce qu’elle représentait finalement les vertus de compassion et de pardon prônée par leur code avec une force qu’il respectait profondément. Et quelque part, il avait encore du mal à comprendre ce genre de choses, même s’il les admirait. Cela, évidemment, ne faisait en contrepartie que renforcer la culpabilité qu’il ressentait envers elle et dont il ne parvenait pas à se défaire. Aussi quand Maître Don finit par affirmer doucement que l’expérience l’avait troublée, comme pour avoir confirmation, le jeune homme prit une profonde inspiration et finit par lâcher, l’amertume se lisant dans ses traits habituellement si fixes et dans sa voix normalement si morne :

« C’est que… Quand je me suis entraîné avec le Chevalier Kerin, j’ai été incapable de le toucher. Pas de me défendre, ce qui était tout à fait honorable pour un simple padawan, j’en suis conscient, mais… Là…

Quand on m’a dit de préparer le Chevalier Nae à voir l’obscur, je me suis dit… Enfin, elle pouvait sonder mon aura, mais ce n’était pas exactement cela. Je pouvais lui décrire avec mes mots, mais… Ce ne serait jamais aussi efficace que le voir. Alors j’ai pensé qu’utiliser le Juyo comme le font certains maîtres jedis, ce serait ce qui se rapprocherait le plus.

Sauf que… En sacrifiant ma défense, j’ai trouvé la force de pulvériser la sienne. Et… J’ai peur d’être allé trop loin. D’avoir perdu le contrôle. D’avoir pris la mauvaise décision.
D’être encore ce que j’étais… avant. »


Et il ajouta d’une voix très basse, presque comme un murmure qui n’osait sortir de sa gorge mais se devait de le faire tout de même :

« J’ai peur que les siths n’aient raison. Que les émotions soient plus puissantes que l’apaisement…

Et je ne veux pas que ce soit le cas. Parce que c’est quelque chose qui mène à des erreurs. A des… à ce qui ne doit pas se produire. »


Avant de soupirer, un peu hagard :

« Je ne sais si je suis très clair, Maître. Tout est… confus. »
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Yun changeait. A 19 ans, comme les humains, les Epicanthix avaient déjà atteint leur taille adulte, mais tout comme les humains leur morphologie se précisait au gré de leurs activités, de leur tempérament, de leur expérience. L'ex-apprenti Sith, lui, gardait ce visage dur et impénétrable hérité de ses années sur Korriban, tout en acquérant peu à peu le regard calme du Jedi... Mais pas encore les yeux du Chevalier qui a trouvé l'apaisement, loin de là. A moins que sa marque indélébile ne détourna le reflet fidèle de ce qui se passait dans l'esprit du jeune élève de Maître Don ?

Correctement. Il n'était pas ardu de deviner que cet adverbe reflétait plutôt la partie vide du verre à moitié plein. Le vieil homme inspira, silencieux dans la brise qui les saluait tous deux, afin que le padawan poursuivit sur sa lancée. Allait-on jamais correctement ? Maître Don allait bien. Les Jedi allaient correctement. Ils n'étaient pas perdus, même si leur Conseil était parfois instable, même si leurs membres s'éparpillaient, même si les Sith menaçaient la galaxie. Autrement dit : la situation était perfectible. Il ne doutait pas que c'était le même genre de "correctement" que Yun ressentait à son propre sujet.

Il acquiesça cependant au sujet de Lei, dont il espérait également qu'elle se remît rapidement de ses blessures reçues sur Makem Te.

- Son état est stable, aucune séquelle trop importante, a priori. Elle devrait être de retour au Temple bientôt, bien qu'un petit séjour au centre médical soit sûrement de mise. Elle appréciera très certainement que tu lui rendes visite, ajouta-t-il, tout en songeant que lui-même devrait aussi visiter les blessés de retour de Makem Te et Felucia.

En réalité, les informations qu'il détenait sur le chevalier Nae étaient bien maigres : il avait vu son nom sur une liste de rescapés dont la vie avait été certifiée hors de danger par le Medcorps. Bien que l'Epicanthix parut affligé, le vieil homme lui était plutôt rasséréné : l'absence de morts parmi les Jedi. Au contraire de Byss, au contraire de l'attaque du Temple et du Sénat : aucun mort de l'Ordre malgré leur désorganisation. Voir revenir des cadavres à brûler au fond du parc était la pire des cérémonies auxquelles il devait assister en tant que Maître du Conseil, et y échapper, pour une fois, ne lui ferait pas de mal. Toutefois, certains êtres avaient été gravement blessés, et ne pourraient peut-être plus jamais repartir en mission. D'un certain point de vue, le chevalier Nae était donc particulièrement chanceuse.

Le vieillard se concentra sur le récit de son élève, ponctué d'hésitation. Ce devait être difficile pour lui de s'ouvrir honnêtement. Mais il le faisait, preuve que leur duo commençait doucement à prendre des habitudes dans la confiance et une volonté d'amélioration et de perfectionnement.
Maître Don se redressa sur le banc, portant une main à sa barbe tandis que ses pensées affluaient. Ainsi, Yun avait peur de la proximité du côté obscur... Et l'expérimenter une fois lui avait donné une preuve en faveur de la puissance de l'ombre. Une crainte légitime, mais aussi originale parmi les élèves qui, au contraire de Yun, n'avaient généralement pas conscience de la facilité de tomber dans le côté obscur... A cette pensée, il eut un doux sourire : l'Epicanthix avait l'esprit bien plus affûté que les jeunes gens de son âge.

- Voilà un raisonnement fort intéressant, commenta-t-il lui aussi à voix basse, comme s'il se parlait à lui-même, avant de croiser le regard du padawan. Supposer que tu as vaincu le Chevalier Nae à cause de techniques proches du côté obscur de la Force... Penses-tu que le Chevalier Kerin, que tu n'as su vaincre, aurait été lui aussi en position de faiblesse face à toi si tu avais utilisé la même approche ?

Le vieillard ne quittait pas le visage de l'Epicanthix des yeux, attendant une réponse qu'il savait d'avance argumentée. Yun était un penseur, malgré son apparence toujours plus impressionnante de montagne de muscles.

- Ce qui me frappe dans ce raisonnement, personnellement, c'est de baser cette conclusion sur un seul de tes combats, bien que tu as peut-être aussi en toi les souvenirs des années passées sur Korriban, expliqua-t-il en essayant de garder un ton neutre, afin que l'Epicanthix ne se sentît pas jugé, mais simplement qu'il entendît un autre point de vue que le sien. Un maître d'armes Jedi et un maître d'armes Sith développent des capacités propres à l'attaque et à la défense en utilisant des pouvoirs obscurs ou lumineux, selon leur alignement. Cela ne peut en aucun cas déterminer, je pense, qui sortira vainqueur si les deux s'affrontaient. L'issue du combat serait plutôt influencée par l'expérience, la stratégie, la résilience de chacun des deux combattants...

Il avait vu bien trop de Jedi mourir sous la main d'un Sith, et de Sith mourir sous la main d'un Jedi pour savoir que l'alignement seul était loin de déterminer l'issue d'un affrontement entre ces deux ennemis millénaires. Tenant cela pour acquis, il poursuivit son raisonnement sur le même ton.

- Ce que tu as dû ressentir, c'est que l'émotion te donnait une puissance immédiate... Et c'est pourquoi on considère l'ombre si facile d'accès. Les vieux anoobas comme moi ne cessent d'exhorter les plus jeunes à la prudence vis à vis de ces émotions, car nous savons à quel point il est aisé de se laisser emporter sur la voie du côté obscur... Alors même que les padawan, eux, n'ont généralement pas conscience de cette proximité de la part d'ombre qui est en eux, en chacun de nous. D'où leur insouciance. Mais toi...

Le vieil homme tourna son regard vers l'horizon, hochant pensivement la tête.

- Ce n'est pas ton cas. Tu as expérimenté le côté obscur. Tu sais qu'il est à ta portée. Qu'il le sera toujours. Il ne s'agit pas d'une tension anodine, mais bien d'un vieux fantôme avec lequel tu as appris à vivre. Je pense qu'un bon moyen de le tenir à une distance raisonnable serait d'apprendre à avoir confiance en toi, en tes capacités de sérénité, qui sont ma foi très honorables, pour ce que j'en sais.

L'épisode du gorgodon, sur Lorrd, lui revint en mémoire. Même si Yun avait été blessé et avait dû être déçu de cette performance, il s'était conduit sans ambiguïté.

Le Maître croisa de nouveau le regard de Yun, et écarta les mains.

- Les meilleurs Jedi n'ont pas de secret, Yun : c'est l'entraînement et l'expérience qui les a forgés. Tu seras de nouveau confronté au côté obscur, en toi ou face à nos ennemis. Peut-être même le verras-tu dans tes alliés. Chaque expérience auprès de lui pourra être douloureuse, dangereuse, propre à t'inciter au doute ou au renoncement. Mais chacune d'entre elles te permettra de faire un pas de plus dans cette connaissance de toi, de tes ennemis et de tes alliés. Ce combat contre le chevalier Nae n'était pas une erreur, Yun, je ne le crois pas. C'était une opportunité d'apprendre, pour elle comme pour toi.

Le vieillard eut un sourire encourageant. Il ne se sentait pas du tout alarmé par l'expérience de l'élève, mais il comprenait qu'il pût être déstabiliser. Il était important que Yun expérimentât ces dangers dans un cadre où il se sentait en sécurité, autant physique que psychique et émotionnelle.

- De telles expériences se reproduiront peut-être, toutefois, dans des conditions qui ne seront pas favorables à un apprentissage. Si le doute t'emporte lors d'un combat contre un ennemi, perdre tes moyens à cause de ces doutes serait une faille considérable.

Pourtant, Maître Don savait qu'il avait aussi montré à Yun, dès ses premiers enseignements, la valeur du doute et de la remise en question. Mais il y avait un temps pour l'action, et un temps pour la réflexion. La mission était celui de l'action, le repos celui de la réflexion.

- Si tu le souhaites, conclut-il enfin, nous pourrions reproduire le combat qui t'a opposé au Chevalier Nae. A moins que tu n'aies peur de submerger un petit vieillard comme moi, bien sûr...

Les yeux azur du maître pétillèrent de malice.
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« Oui. »

Yun avait longtemps soupesé sa réponse, conscient qu’elle serait déterminante pour la suite de cette discussion, voir même pour la façon dont son maître pourrait le voir. Il n’y avait ni morgue, ni satisfaction dans son affirmation. Au contraire même, il l’avait murmuré, lâché du bout des lèvres comme un regret détestable, une faute. Mais fidèle à son serment prononcé en ce même lieu, il avait été honnête et avait livré son ressenti. Bien sûr, il fallait qu’il explicite ce dernier, car le vieillard ne se contenterait pas de ces trois petites lettres si fragiles, et qui pourtant résonnait avec une terrible lourdeur.

Quel padawan pouvait affirmer être certain de pouvoir arriver à défaire un chevalier ? Pis, lequel pouvait le faire en affirmant que ce serait le cas pourvu qu’il recourt à des techniques interdites ? A priori, c’était une réelle hérésie vis-à-vis du dogme jedi qu’il livrait là, dans ce parc si tranquille. Bien sûr, on le lui avait dit, qu’il doutait trop. Qu’il n’y avait pas à s’en faire. Mais il avait cette impression détestable de savoir, d’être certain d’avoir touché du doigt une vérité sur lui-même qui lui faisait peur, et qu’il cherchait un peu désespérement à combattre depuis ce moment sur Coruscant. C’était cette même sensation qui le tiendrait éloigné du chevalier Nae, malgré les assurances de son maître. Yun n’avait aucune envie de se livrer à une nouvelle confrontation, surtout si elle avait affronté ses anciens camarades obscurs … Etait-ce de la lâcheté ? Assurément. Néanmoins, dans son état de doute, mieux valait selon l’épicanthix ne pas fragiliser davantage le peu d’assurance qu’il lui restait. Peut-être qu’il irait. Un jour. Plus tard. Pas maintenant. Pour le moment, il devait tenter de faire comprendre le tourbillon qui l’assaillait, la certitude qui le démangeait.

« Je … Enfin, je sais que ça sonne … bien présomptueux, venant d’un padawan. Cette impression de pouvoir vaincre un chevalier qui a une certaine expérience …

Mais je vous le jure, maître. C’est ce que je pense. Le Chevalier Keirin n’est pas un sabreur, loin de là. Il pouvait écarter mes contres-attaques, mais pas percer ma défense. Il me manquait un tantinet de puissance. »


Le colosse contempla de ses yeux gris, si vides, presque morts, tellement mornes, l’humain, avant de souffler doucement :

« J’ai toujours été médiocre sur Korriban. Je n’arrivais pas à canalyser correctement le côté obscur. Je détestais cet endroit. »

Levant la tête, il fixa le soleil qui commençait doucement à pointer avant d’ajouter :

« Mais j’étais bon au sabre. Ce n’était pas parce que j’étais doué ou quoi que ce soit. Je n’ai jamais rien compris à tout le charabia des instructeurs sur je ne sais trop quelle beauté des plaies ouvertes, de l’arme dressée …

Sauf que je suis grand. Et fort. Et que frapper stupidement … C’est facile. Souvent, au départ, ça suffit. »


A nouveau, le garçon à la face mutilée contempla son interlocuteur, les épaules basses, comme déçu par lui-même, honteux de ce qu’il disait, mais ne pouvant s’arrêter :

« C’est ce que j’ai ressenti, contre le Chevalier Nae. La même facilité. La même idiotie. Le même non-sens.

Et je ne sais si c’est parce que je sais que cette puissance ne m’apportera rien de bon … Ou si c’est parce qu’elle existe bel et bien, et que quoique je fasse, tout reviendra toujours à cela. Frapper. Sans réfléchir. En se laissant guider par quelque chose dans lequel je ne crois même pas. »

Soudain, le jeune homme se sentait las, et tellement plus vieux que ses dix-neuf ans. Il avait à peine l’âge d’adulte, et pourtant avait parfois l’impression d’être aussi âgé que Sai Don en personne. Comme s’il était incapable d’être en paix réellement. Peut-être était-ce le cas … Et s’en rendre compte le peinait, car il savait que cela remettait en cause son futur en tant que jedi, de ne pas parvenir à se débarrasser de son passé. Eut-il été mieux dans les corps, libérant une place convoitée pour un jeune plus méritant que lui ? Parfois la question l’assaillait, de même que le silence dans son esprit qui suivait, incapable qu’il était de défendre ses chances face à lui-même.

Ecoutant les assurances de son maîtres, ses conseils, l’épicanthix finit par lui offrir un pauvre sourire, un peu content malgré tout d’entendre l’homme lui réitérer sa confiance. Il ne devait pas la perdre. Elle était son guide, son phare, ce à quoi il se raccrochait. Le maître du Conseil lui faisait confiance. C’était bien, non ? Cela prouvait qu’il y avait de l’espoir n’est-ce pas ?

« Peut-être maître. Je pensais … Je pensais qu’avoir tourné le dos à Korriban, qu’avoir renoncé à cette vie ne me confronterait plus à ça.

J’avais tort. Même si j’aurais préféré que ce ne soit pas le cas. Ce n’est … pas une sensation agréable. »


Yun ne ressentait pas de jouissance réelle, de félicité en puisant dans l’obscurité en lui. Il n’y était jamais parvenu, incapable de réellement puiser dans ses émotions, de s’en gorger sans doute. Ce qui le freinait sur le chemin de la lumière était sans doute ce qui l’avait sauvé de l’obscurité. L’ironie était cruelle.

« Je sais que c’était idiot. Que ça ne disparaîtrait pas complètement. Mais … Je voulais le croire, je pense.

Me dire que c’était possible. De s’écarter complètement. Comme tous ces padawans que j’ai vu arriver sur Korriban les yeux plein de haine, et qui ne paraissait jamais douter, jamais être à nouveau touché par la lumière. »


Il en avait vu, de ces imbéciles gâtés par la vie et qui, parce qu’ils se jugeaient trop ci et pas assez ça, tout abandonner pour rejoindre les rangs des siths dans une quête absurde. La plupart finissait la gueule fracassée sur le sable chaud. Certains survivaient, et devenaient de véritables dangers pour tous les autres… Des apprentis de l’Ordre, en vérité. Et eux ne connaissaient pas le doute. Eux ne se laisseraient pas déstabiliser. Lui non plus. Enfin… Il l’espérait.

« J’essayerais que ce ne soit pas le cas, Maître. Que la certitude d’avoir bien choisi soit plus forte … »

Sa dernière requête le laissa néanmoins bouche-bée. S’entraîner … Là ? Dans le parc. De suite ? De la même façon qu’avec le chevalier Nae ou bien normalement ? Non pas que la perspective ne soit pas attrayante, Yun avait toujours eu envie de bénéficier des conseils du vieux sagace sur ce point particulier … Mais il craignait d’avoir à nouveau à utiliser le Juyo. De se montrer sous ce jour si laid, à l’ombre des arbres.

« Je … Ici, maître ? Dans le parc ? Ou bien rentrons-nous pour profiter de la salle d’entraînement ? »

Il baissa un peu la voix avant de souffler :

« Vous voulez … Que je fasse exactement pareil que contre le Chevalier Nae ? »
Saï Don
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- Certaines choses, surtout inhérentes à un individu et son histoire, ne peuvent être changées, Yun. Ni par toi, ni par moi. Cette aptitude qui est la tienne restera toujours à portée de ta main, même si ce sont les Sith qui te l’ont donnée. Je crois que ce serait une erreur si tu te laissais aller à croire que cet invariant que tu possèdes est un destin quand ce ne pourrait être qu’un paramètre. Cela ne tient qu’à toi de ne pas en faire une fatalité.

Le vieil homme fixa le padawan de son regard azur, perçant, et pourtant incapable de pénétrer l’esprit torturé du jeune Epicanthix. Il ne pouvait guère lui offrir que la raison, que des pistes critiques de raisonnement, pour résoudre ses dilemmes intérieurs. Leur lien n’était pas encore assez intime pour qu’il pût réellement le réconforter, et leur relation s’était rapidement basée sur leurs discussions logiques ou philosophiques. C’était un exercice agréable pour le vieux Maître, en même temps que cela semblait rassurer son élève de pouvoir raisonner le monde pour mieux l’appréhender. Maîtriser la logique donnait cette sensation de contrôle dont il avait lui aussi eu besoin, par le passé, lorsqu’il s’était senti menacé de dangers intérieurs.

- Te souviens-tu de notre discussion sur le libre-arbitre ? Je crois que nous en revenons à cette question. Si tu fais de cette possibilité un choix parmi d’autres que tu maîtrises, et que tu te permets d’y recourir lorsque cela paraît être la solution la plus juste et la plus sécurisée, alors tu n’es pas esclave d’un mode de réponse unique, même si cette possibilité de jouer de ta force naturelle te semble vile. Parfois, une réponse simple, originale ou acquise en dehors des méthodes habituelles peut résoudre un problème compliqué avec moins de dégâts qu’une réponse plus noble ou plus élaborée. La noblesse des règles des Jedi est un guide, Yun, une science inexacte. Elles énoncent des directions connues pour leur luminosité, et d’autres pour leur obscurité… Mais bien des voies ne sont pas répertoriées, et cela ne signifie pas forcément qu’elles sont mauvaises. Simplement qu’il faut y être plus prudent, car personne n’est passé par là avant toi. Tu connais les risques de ces chemins inexplorés, tu y as déjà été confronté. Prendre une nouvelle voie inattendue, voire en tracer une adaptée à tes objectifs, c’est déjà ce que tu as fait lorsque tu as quitté les Sith pour nous rejoindre. Tu dois apprendre à te faire confiance pour t’y retrouver, parfois, même si ce n’est pas la voie classique enseignée.

Et en raison de sa provenance, Yun ne croiserait peut-être jamais le grand sentier tracé par le troupeau de padawan guidé par le Conseil. Marcher sur un terrain inexploré était plus long, plus difficile que sur une route depuis longtemps empruntée et entretenue, mais se croire en un point de la carte alors qu’on est ailleurs pouvait être plus dommageable encore. L’Epicanthix mettrait peut-être du temps à accepter cette différence qui était la sienne, mais peut-être un jour se verrait-il comme un modèle, comme un pionnier ayant défriché un sentier étroit mais lumineux. Alors, il pourrait à son tour y guider des âmes dans la même souffrance que lui. Un doux rêve d’avenir caressé par un vieux fou, peut-être. Mais le jeu en valait la chandelle.

- Pour la simple et bonne raison que tu n’as pas vécu la même vie que les autres padawan, tu n’es pas doté des mêmes aptitudes, et les solutions et indications qui leur sont données ne seront pas toujours adaptées pour toi. Quant aux proscriptions habituelles… Le Conseil sait qu’il ferait une erreur s’il tentait d’effacer ton passé, comme s’il n’avait jamais existé. Il mesure aussi les dangers de tels chemins. D’où la présence d’un vieux singe ayant vécu pas mal de choses étranges dans des sentiers égarés pour arpenter ces voies inconnues à tes côtés.

Le vieil homme eut un sourire triste. Il savait les dangers que courait Yun, tout en ne pouvait tout à fait l’en protéger. D’autres maîtres auraient désapprouvé ces indications, il le savait, mais il avait la conviction personnelle qu’un seul être était capable de faire découvrir à Yun le chemin le plus adapté pour faire le bien : c’était l’Epicanthix lui-même, tandis que son vieux Maître ne pourrait que se contenter d’éclairer des chemins différents pour lui montrer quelque perspective dans les possibilités qui s’offraient à lui. Une mission complexe, malgré tout, et risquée. Une mission qu’il n’avait pas su conduire, à une autre époque.

La réaction du padawan lui rappela toutefois une certaine joie de vivre ici, au Temple, à enseigner à de jeunes êtres naïfs qui écarquillaient les yeux devant des possibilités. Par bien des facettes, Yun était déjà un homme, et pourtant certaines de ses réactions étaient si juvéniles qu’elles en étaient rafraîchissantes. Maître Don sourit de nouveau, avant d’acquiescer.

- Nous allons nous rendre au centre d’entraînement, expliqua-t-il en se levant.

Inutile que Yun se sentît épié, et que son angoisse fût augmentée par des spectateurs. Inutile aussi de montrer aux autres padawans ce dont l’Epicanthix était capable, surtout avant qu’il ne l’eût vu de ses propres yeux. Un peu d’intimité pour cet exercice particulier leur serait plus favorable.
Sur le chemin qui les ramenait à l’intérieur, Maître Don expliqua à Yun les termes de cet entraînement hors normes.

- Ce ne sera pas un véritable combat, je veux simplement que tu perces mes défenses, expliqua le vieillard, en tentant plusieurs tactiques. Celle utilisée contre le Chevalier Nae, oui, mais également d’autres. Cela nous permettra de passer en revue et perfectionner tes aptitudes offensives au combat.

Le genre d’exercice que l’activité de Maître du Conseil du vieil homme ne lui permettait guère souvent d’accorder à son élève. Mais il n’était jamais trop tard pour réparer quelques torts.

Ils parvinrent dans une salle occupée par un tapis d’entraînement rectangulaire et vaste. Des puits de lumière matinale donnaient à la pièce dénuée d’ornementation une ambiance paisible, et Saï prit soin de refermer la porte derrière eux pour s’assurer une certaine tranquillité. Ici, ils seraient loin des observateurs curieux et des bruits grandissant du Temple qui s’éveillait. La première séance du Conseil ne débuterait que tard dans la matinée, ce qui leur laissait quelques heures à exploiter.

Le vieil homme se positionna sur le tapis d’entraînement. Il sortit son sabre de sa ceinture, sans l’allumer, avant de positionner ses mains derrière son dos. Il n’avait l’intention de s’en servir que lorsque cela serait nécessaire, en fonction de la stratégie adoptée par son opposant. De même, il se concentra, fermant les yeux un bref instant, pour disposer de la Force aisément à portée, sans pour autant constituer de quelconque défense pour le moment. Il fallait qu’il économise ses forces et sa puissance mentale, s’il voulait pouvoir tenir une défense sans attaquer pendant une durée assez longue.
Il prit une brève inspiration tandis que le jeune Epicanthix se positionnait lui aussi, en face de son maître.

- Me voilà fin prêt à recevoir tes assauts. N’aie crainte de me blesser, je suis plus solide que j’en ai l’air. Enfin, je crois…

Il sourit, confiant, et attendit de voir dans quel genre d’assaut ou de préparation Yun allait se lancer. A moins qu’il n’eût besoin de quelques réponses supplémentaires…
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« Comment savoir si on avance dans un chemin inexploré Maître, ou qu’on retombe dans ses travers ? D’un côté, j’entends les règles des maîtres du Temple, et de l’autre …

Suivre ces codes a un aspect rassurant. Avec un cadre posé, il est plus facile pour moi de me convaincre que je change Maître. Que je reste à l’écart de ce que j’ai pu connaître. Je sais à quel point la corde est raide, la limite floue …

Serais-je assez fort pour ne pas succomber ? Pour ne pas me tromper en pensant que j’agis pour le plus grand bien, quand il n’en est rien ?

Ce genre de questions me taraude en permanence … L’inconnu n’est pas … enviable. Du moins, je ne sais si j’y suis préparé. »


Yun aimait les règlements, les bases solides, écrites, l’encadrement. C’était une sorte de bouée de secours, un moyen d’avoir des œillères solidement en place pour se canaliser, pour oublier son mal-être et progresser. En un sens, il aimait précisément la rigidité de certains jedis pour cela, parce qu’elle lui donnait l’impression de marcher sur un chemin qui lui offrait une expression propre, un moyen de recommencer à zéro. Sans doute était-ce là le nœud du problème. La sagesse aurait voulu qu’il compose à partir de son passé pour le dépasser et construire un édifice nouveau. Lui n’aspirait qu’à rayer toutes les fondations de son âme de son existence pour s’imposer un être neuf, dépourvu de ce qu’il considérait comme une souillure, et non une expérience, aussi douloureuse soit-elle.

En résumé, l’épicanthix comprenait ce que lui disait Maître Don … Il n’arrivait pas à s’y sentir prêt, à l’accepter. Et du reste, comment faire ? Telle était sa peur, son horreur silencieuse, son tourment constant : il ne savait comment être cet autre jedi, tracer son sillon sans commettre des actes que beaucoup de ses nouveaux pairs pourraient interpréter comme des transgressions. Et dire qu’il avait mis si longtemps à se faire accepter, que les regards commençaient seulement à s’adoucir sur le passage de sa silhouette massive … Que se passerait-il si d’autres maîtres désapprouvaient ? Pourraient-ils faire obstacle à son enseignement ? Serait-il capable de supporter à nouveau l’opprobre ? Le colosse, bien qu’il le cachât souvent, n’était pas sans une émotivité exacerbée, camouflée par son physique de marbre et son esprit muré. Il avait accepté la méfiance, l’avait supportée car il la trouvait juste, méritée, une rétribution normale pour le mal qu’il avait causé. Mais là … Confronté à ce choix de devenir un défricheur dans un Ordre si marqué par le conformisme vers lequel il tendait désespérément, Yun doutait de sa capacité à réitérer l’exploit.

Appréhendait-il cette session d’entraînement ? Totalement. D’abord car il sentait que réitérer ce qu’il avait fait face au Chevalier Nae n’allait pas manquer de l’épuiser psychologiquement. Ensuite, parce qu’une part de lui-même, confusément, avait envie de montrer à son mentor un pan de l’enseignement reçu pour lequel il était objectivement doué. Yun était un sabreur, davantage par talent naturel que conviction réelle, mais il était difficile de nier ses prédispositions dans ce domaine, bien qu’il ait souvent répété ne pas se voir en faire une vocation. Pour lui, peu importait les discours : le combat n’était pas qu’apparat. C’était la mort, la souffrance, la fin d’une vie. Il n’en niait pas la nécessité. Il en rejetait simplement la beauté. A ses yeux, les arts de la Force contenaient une noblesse autrement plus conséquente, même s’il était loin d’être le meilleur dans leur apprentissage. Simplement, il avait une appétence pour ces merveilles qui se refusaient à lui, tel l’assoiffé qui veut boire à une source lui échappant constamment.

Ainsi, les modalités le concernant seraient de l’offensive pure. Et dire que le padawan avait axé tout son développement jedi sur le Soresu, discipline défensive par excellence, et détestait attaquer … Décidément, cet entraînement, qu’il attendait paradoxalement depuis longtemps, tout à son envie de montrer ses progrès, n’allait pas être de tout repos. Enfin, il comprenait que son maître puisse désirer voir par lui-même son comportement quand il utilisait le Juyo, pour statuer peut-être plus finement, affirmer ou infirmer son jugement initial … L’aider à se contrôler ? Possiblement.

Entrant dans la salle et constatant qu’elle était vide, eu égard à l’heure particulièrement matinale, le colosse émit un soupir discret de soulagement. Il se débarrassa de son lourd manteau qu’il plia précautionneusement et étendit sur un des bancs prévus à cet effet. Quelques étirements rapides plus tard, il se dirigea à pas lents vers le centre de la pièce, faisant face à l’humain. D’un geste ample, il détacha le sabre qui trônait à sa ceinture et aussitôt, une lueur rougeâtre illumina son visage, accentuant l’aspect visuellement dérangeant des croûtes sordides et des crevasses dévorant ce dernier. Ses doigts se perdirent sur la base de l’arme, et l’espace d’un instant, l’intensité de la lueur parut décroître, signe qu’il avait modifié la létalité de l’engin de mort qu’il tenait en main, observant avec rigueur les consignes de sécurité régissant les affrontements au sein du Temple jedi, quand bien même il savait d’expérience qu’une brûlure infligée de cette façon restait particulièrement douloureuse, quoique sans gravité.

Son regard grisâtre se tourna vers son maître et silencieusement, il écarta ses jambes, se mettant dans une position typique de la forme VII, très tournée vers l’avant. Presque immédiatement, sa conscience s’ouvrit à la Force, et surtout à lui-même. Yun s’immergea dans les doutes qu’il ressentait, et comme toujours quand il agissait de la sorte, toute sa rage envers lui-même, son malaise perpétuel, son sentiment de honte, de ne pas être à sa place sur Ondéron … Bref ce cocktail de négativité brute le submergea. Insensiblement, les traits de sa face morne se durcirent, ses lèvres s’étirant en un rictus douloureux.

Et, reproduisant très exactement le mouvement qu’il avait effectué contre Lei Nae, il s’élança d’un bond souple, étonnant pour un être de sa corpulence, sabre en avant, et l’écrasa de tout son poids devant lui. Il sentit confusément que l’attaque n’avait pas été portée au summum de sa puissance physique, comme cela avait été le cas sur Coruscant, mais s’écarta rapidement, l’esprit en proie à une descente brutale suite à la reprise de ses sens et à son retour à des sentiments plus doux, conformes à ceux qui l’habitaient ordinairement.

Peut-être n’était-il pas qu’une brute puisant à son gré dans sa propre obscurité, en fin de compte …


Spoiler:
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Attaque de Yun réussie!

Sai peut se défendre avec un jet d'agilité s'il le désire.
Saï Don
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Le vieil homme ne quittait pas de yeux son apprenti au visage tourmenté. Leur discussion semblait l’avoir plus abattu qu’encouragé. A moins que ce ne fût la perspective de leur combat ? Quoiqu’il en fût, il savait que toutes ces réflexions nécessiteraient du temps pour que Yun s’habituât aux alternatives de son futur lui. Il ne pourrait faire des choix sereins tant qu’il n’aurait pas accepté ce dont il était capable, et ce sans culpabilité. Ou tout du moins, en acceptant d’être un padawan imparfait.

Fidèle à lui-même, l’Epicanthix obéissait à l’ordre et se mettait à la tâche sans exprimer aucune appréhension. Son vieux Maître ne pouvait sentir les tourments qui l’agitaient, et pourtant tout dans sa posture de combat indiquait l’animation intérieure, la fébrilité de l’émotion qui vous poussait à agir trop vite, trop brutalement. Malgré sa confiance, le vieillard était prêt à faire usage de techniques de Force visant à entraver le développement du côté obscur dans la pièce, au cas où Yun dériverait trop dangereusement, sans arriver à garder le contrôle.

La forme choisie pour combattre, celle du Juyo, et la maîtrise de son élève dans ce domaine impressionna Maître Don. Cette rage contenue dans le combat, Yun lui rappelait - non. Le padawan était différent de lui. Leur destin était incomparable. Aucune malédiction de ce genre ne se répèterait auprès du vieil homme. Il n’était pas du genre à laisser faire ce type de fatalité, et il était trop vieux pour croire aux malédictions.

L’Epicanthix attaqua sans autre forme de procès. Ses mouvements étaient précis, sa force physique naturelle combinée à une agilité obtenue à travers de durs entraînements se révélait redoutable. Il alliait rapidité et puissance avec talent, et le vieillard réalisa que bien des chevaliers n’atteignait pas ce niveau au combat. La forme VII décuplait la compétence au combat de Yun, et il voyait maintenant avec quelle facilité il pouvait s’y adonner – avec quelle facilité le côté obscur était accessible pour l’Epicanthix. Il comprenait désormais mieux ses craintes, mais il refusait de se laisser intimider par elles. Il était celui qui ne devait pas plier et tenir le ciel sombre et orageux lorsque son padawan redoutait que celui-ci ne les écrasât.

[Défense]

Comme un vieux félin retrouvait ses réflexes d’antan par pur instinct, Maître Don bondit par deux fois, souple et léger, pour éviter la lame de Yun, s’aidant de ses bras pour s’équilibrer mais gardant toujours son sabre éteint dans sa main gauche. La Force bien sûr l’aidait dans cette agilité peu naturelle, qui lui permit aussi de prendre une distance de quelques pas avec Yun, qui se remettait en garde. En différé, il ressentit une brûlure à l’épaule, signe que le laser l’avait frôlé d’un peu trop près, mais il ne s’attarda pas sur la douleur, seulement sur le constat que son padawan était bien apte à lui porter des coups. Une protection s’avérait nécessaire.

[Bouclier de Force]

Maître Don convoqua à lui la Force, qui l’enveloppa comme un cocon luminescent en une poignée de secondes. Au-delà de cette barrière psychique, il distinguait toujours les traits de son élève éclairés par sa lame rouge. L’arme des Sith. Yun la conservait jusqu’à estimer être devenu un Jedi. Blanc comme neige. Le serait-il jamais ? Il était difficile de ne pas voir en lui le potentiel immense qu’il représentait en tant que future Ombre. Mais jamais le vieil homme n’orienterait l’Epicanthix dans une carrière qui le mettrait en danger. Il était trop tôt, encore, pour décider de cela. Dès qu’il l’évoquerait auprès de Krava Waray, il savait qu’elle ne manquerait plus une occasion de zieuter son padawan afin d’en faire l’un de ses futures recrues. Il ne lui en parlerait donc que lorsqu’il serait sûr que ce serait une voie envisageable pour Yun… Et envisagé aussi par l’élève.

- Est-il indiscret de te demander… A quoi songes-tu pour alimenter ton Juyo d’émotions ?

Là était probablement la clé. Le vieil homme le sentait comme s’il cherchait, à tâtons le long d’une bibliothèque, quel livre incliné, quelle histoire animée actionnerait un mécanisme lui permettant d’accéder à un couloir secret. Dans la rangée des histoires personnelles se trouvaient toujours des rouages poussiéreux qu’il était délicat de manipuler, mais qui ouvraient bien des passages…

- Rendons ce processus conscient, souffla-t-il. Attaque-moi de nouveau… En tâchant de suivre le fil de tes réflexions et émotions intérieures.

Cela permettrait au vieillard d’y voir un peu plus clair… Et peut-être à l’Epicanthix de mieux maîtriser un phénomène qui lui paraissait naturel, alors même que ce n’était pas inné : quelqu’un lui avait enseigné cette manière de faire. Désormais, il lui fallait désapprendre ce qu’il avait appris…
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Défense de Saï presque parfaitement réussie.
Saï : - 2 HP.

Bouclier de Force de Saï réussi.
Saï : - 32 PF.


Bouclier de Force actif sur Saï (22)
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Certains disaient que la beauté du Juyo tenait dans son caractère résolument volatile, imprévisible, avec ses coups apparemment sans mesure, qui ne suivaient que l’ordre des pensées et sentiments de leur propriétaire pour créer une toile patiemment tissée dans un désordre profondément ordonné. Yun ne souscrivait pas à cette vision, essentiellement car il privilégiait la lourdeur des frappes au travail de construction qu’une maîtrise réelle aurait demandé. La raison tenait autant à son dégoût pour les arts martiaux que pour une question d’appréhension de ses émotions. En s’y plongeant pleinement, il prenait le risque de se laisser submerger par leur violence, et donc de céder à leur emprise. Aussi il remplaçait l’orthodoxie sith par une méthode nettement moins artistique, et infiniment plus brutale, à savoir la force brute, la domination physique, semblable au Djem So d’une certaine façon, tout en conservant cette imprévisibilité propre à la forme VII.

C’était cela qui lui permettait, même sans appuyer autant sa frappe que d’ordinaire, de parvenir tout de même à placer une éraflure sur la peau du vieillard. A défaut d’être ordonné, il était précis, et compensait le manque d’allant par une lourdeur soigneusement dosée. Après tout, il le savait : l’épicanthix était une masse, un mastodonte, une montagne de muscles qui surpassait déjà l’immense majorité des autres jedis, et finirait sans doute sa croissance plus haut que la plupart de ses propres congénères. En résumé, Yun était un géant au pays des géants, et à défaut d’avoir le caractère belliqueux correspondant à ce physique hors-norme, il avait au moins l’intelligence de le mettre à profit.

Tout autre padawan aurait pu s’enorgueillir d’être parvenu à percer, même superficiellement, la défense de Maître Don. Malgré son âge, il était tout de même un maître du Conseil, et le jeune homme devinait aisément sous les rides d’excellents restes, à faire pâlir d’envie la plupart des membres de l’Ordre jedi plus jeune. En même temps, si tous louaient sa sagesse, il avait éliminé un Seigneur sith plusieurs années auparavant en plein territoire républicain, de ce qu’il avait compris, en duel. Cela prouvait bien que le vieillard était aussi un bretteur redoutable, et pas seulement une voix qui comptait au sein du Temple ou un diplomate. Il fallait toujours se méfier des apparences. Yun le savait mieux que quiconque.

Cependant, cette révélation, ou plutôt constatation, ne procura guère de plaisir au jeune homme qui se replaçait sans mot dire. Une fois de plus, combattre de cette façon qu’il abhorrait lui avait permis d’être meilleur. Il s’en voulait, de céder ainsi, d’être si bon dans un domaine auquel il aurait dû renoncer. Quelle ironie, vraiment, d’avoir dû quitter l’Ordre sith pour parvenir à maîtriser la quintessence de son art guerrier. Il y avait là de quoi rire, ou s’étrangler d’amertume. Au vu de son expression renfrogné, mieux valait parier sur la seconde option. Mâchoire serrée, il parvint finalement à siffler entre ses dents, sur un ton infiniment las, où perçait un regret sincère et une douleur âcre :

« Je suis navré maître. J’espère que je ne vous ai pas fait mal. »

Il avait retenu la leçon d’avec le Chevalier Nae. Ne pas s’apitoyer, ne pas perdre ses moyens, ne pas s’arrêter … Sauf qu’il ne resterait jamais insensible à la douleur qu’il causait, même si c’était précisément ce qu’on attendait de lui, si c’était le résultat d’un ordre direct venant d’un supérieur : pour Yun, c’était aussi ce qui faisait la différence entre son ancien lui et cet être nouveau qu’il rêvait de construire, ce Silthar jedi dont il rêvait, qu’il idéalisait comme un parangon de vertu et de tempérance … Une chimère inaccessible qui le condamnait, au fond, à n’être jamais que le pâle reflet de ses désirs avortés.

Pour autant, le maître jedi semblait désirer sur le même rythme, et sa question fit hésiter Yun, bien qu’il s’y soit attendu, finalement. Après tout, c’était la clé de tout, comme il ne pouvait percevoir ses pensées. Seulement … Oserait-il trahir cette vérité qui le démangeait, qui le dévorait de l’intérieur ? C’étaient ses doutes personnels, ses pires sentiments envers lui-même dont il fallait parler. En un sens, c’était la pire mise à nu qu’il pouvait imaginer devoir subir, car tellement contraire à l’image qu’il voulait donner, et au combien pitoyable. Que dire ? Qu’avouer ? Qu’il se détestait ? Qu’il se haissait même ? Stupide. Et si vrai. Ce mal-être qu’il traînait silencieusement dans les recoins de son âme si difficilement apaisée ne demandait qu’un infime espace pour ressortir … Et cet espace, le Juyo le libérait dans un tourbillon destructeur. Bien sûr, c’était aussi un mécanisme conscient de défense des autres : le colosse, en se visant lui-même, excluait ses adversaires de sa haine et évitait de leur vouloir consciemment du mal. A la place, c’était lui qui voulait se détruire, dans un processus d’automutilation psychique bien difficile à assumer, car profondément contraire à tout ce qui était sain, et jedi.

Le silence s’épaississait, comme une tourbe immonde autour d’eux, une purulence qui menaçait de gangréner et l’atmosphère, et la relation de confiance qui se tissait lentement entre ces deux être si dissemblables. Ce secret n’était finalement que la verrue répugnante logée sur l’ilot rocheux qu’ils tentaient de créer de leur lien … Et Yun avait du mal à la décapiter, à l’arracher de son perchoir immonde, des profondeurs de son âme. Cherchant dans les tréfonds de sa raison le courage qui, tant de fois, lui avait fait défaut, le jeune homme gonfla ses poumons d’air, sa large cage thoracique se soulevant et s’abaissant avec une lenteur faussement rassurante. C’était maintenant ou jamais. C’était le moment d’être honnête, et de le regretter. De prononcer les mots qui lui brûlaient la langue et le cœur.

« A moi. Je pense à moi. »

Singulière réponse, évidemment, qui pouvait signifier ego ou ambition. Sauf que la vérité était ailleurs, et bien plus troublante. Bien plus sombre également.

« A ce que je m’inspire. »

Sans savoir comment, Yun trouva la force de relever la tête et de plonger son regard grisâtre dans les prunelles lumineuses du vieillard qui lui faisait face, et son visage se tordit en une expression d’ironie souffrante, tel le masque hideux du clown qui ne sait plus rire, parce qu’il n’arrive même pas à dire ce qui est risible en lui. Sa face boursouflée se gondola, et un chuintement lui échappa, comme un jappement incontrôlé.

« Je pense à tout ce que j’ai fait, avant. A tout ceux que j’ai tué. Exécuté. Froidement. Aux autres apprentis que j’ai tabassés pour avoir la paix. »

Un sourire étrange étira sa bouche, lui donnant soudainement une allure sereine, étonnante et tellement déplacée après ce qu’il venait de dire.

« Et je me déteste de l’avoir fait sans jamais broncher. »

Presque comme un automate, parce qu’après cela, plus grand-chose n’avait de sens finalement, il se remit en garde, et annona d’une voix morne, morte :

« Je me plonge dans la Force. Je parcours le flux de mes souvenirs. Je revois mon maître. La terreur qu’il m’inspirait. Et je sens la haine en moi. La haine de moi. De cette larve qui le servait. Qui rampait devant lui.

Je vois d’autres images. Mon sabre traversant le torse d’une femme. Je ne sais plus qui elle était. Une mercenaire, sans doute. C’est l’espace hutt, et je suis jeune. Je n’ai pas compris exactement de quoi il était question. J’ai juste achevé la besogne. »


Son regard se braqua sur le maître jedi, et une mince larme apparut sur le rebord de son œil massacré, qui roula, humidifiant sa joue meurtrie, témoignage de vie sur cette face morte.

« Et je vois dans la Force où frapper. Ou diriger ce dégoût. »

Une nouvelle fois, aveugle, il s’élança. Il se moquait d’échouer ou de réussir. Il avait envie de s’enterrer, de disparaître de vomir … De vivre, aussi, confusément. Et ce simple fait achevait de lui donner une nausée encore plus grande. A l’instinct, il frappa, armant son bras vers le cœur du vieillard, tout en sachant pertinemment qu’il s’écraserait au mieux sur ce bouclier qui ne demandait qu’à se faire exploser pour exfiltrer son malaise.
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Yun s’excusa, et le vieil homme fit un bref signe de tête, lui signifiant que ce n’était rien, que ce n’était pas important. Mais dans la foulée, le padawan ne parvenait pas à répondre à la question. Ou plutôt, cela lui prit un temps suffisamment long pour que Maître Don se demandât s’il n’avait pas posé cette question trop tôt. C’était peut-être un sujet plus sensible que ce qu’il ne se l’était imaginé.

Finalement les mots vinrent, et le vieil homme fronça légèrement ses sourcils broussailleux, peinant initialement à comprendre où Yun voulait en venir. Puis lentement, comme par contagion, sa propre poitrine s’écrasa lorsqu’il comprit le gouffre de souffrance que constituait la masse de souvenirs du padawan. Il acquiesça sans un mot, laissant l’Epicanthix s’épancher. Pour le laisser à sa pudeur, il ne montra rien qui pût indiquer qu’il avait vu la perle humide briller au coin de la joue meurtrie de Yun. Ce dernier s’élançait déjà pour reprendre le combat. Saï, toujours le manche éteint de son sabre en main, se déporta sur sa gauche au dernier instant, son bouclier de Force néanmoins effleuré par la lame rageuse et meurtrière de l’Epicanthix. Gardant le contrôle sur son souffle, il reprit de la distance, forçant à Yun à affronter un nouveau temps mort avant de reprendre le combat.

[Défense puis sacrifice d'un dé pour reprendre de la distance]

Avec horreur, le vieillard réalisait combien il serait facile d’utiliser ce dégoût de lui-même pour que le padawan sombre de nouveau dans le côté obscur de la Force. N’importe quel maître mal intentionné pouvait rapidement le conforter dans cette honte qui l’avait de lui-même, pour lui enfermer pour toujours. Un frisson le fit frémir, mais il se concentra rapidement sur l’instant présent.

Yun était donc habité de démons dont il ne se débarrasserait pas aisément. Il comprenait maintenant la crainte de l’Epicanthix à sa juste valeur. Fallait-il intimer au padawan de ne jamais révéler cette faiblesse au reste du monde, à cause de la faille terrible qu’elle représentait ? Ce n’était pas une solution. Le vieillard baissa sa garde, observant toujours l’Epicanthix au travers de sa bulle protectrice.

- Yun, souffla-t-il. Chaque fois que tu frappes ainsi, tu t’infliges à toi-même une punition coûteuse. Tu penses que le côté obscur menace d’être plus efficace, alors que tu portes des coups au prix de dégâts que tu dois encaisser. Si la technique était aussi efficace que tu ne le penses, elle ne te tuerait pas à petit feu.

Saï marchait lentement, comme pour faire un arc de cercle autour de l’Epicanthix, mais à bonne distance. Il parlait à voix basse, le silence ne nécessitant pas qu’il trouble le calme nécessaire à la réflexion du padawan. Il savait qu’il lui faisait traverser une expérience douloureuse.

- Crois-tu pouvoir indéfiniment te punir sans conséquence ? Tu es jeune et fort, Yun. Mais tu ne le seras pas éternellement, et ton corps t’abandonnera vite. Nous nous remettons aisément des marques physiques, quoiqu’on en dise. Mais ce qui est imprimé dans ta psyché peut-être indélébile et t’handicaper sur du long terme. Au terme de ton combat contre Lei, tu as pensé avoir gagné. Mais est-ce le cas ?

Il laissa l’Epicanthix réfléchir à la question quelques instants. Le ton du vieillard était lent, monocorde, afin de convier à l’apaisement.

- Le Chevalier Nae se remettra, et saura mieux combattre les Sith alors que ce n’est pas sa spécialité. Mais toi, qu’as-tu appris ? Qu’as-tu gagné ? N’as-tu pas plutôt ajouté à ta souffrance, enfoncé un pieu déjà meurtrier dans ton cœur ? Qui sort vainqueur de cette rencontre entre elle et toi, dans ce cas ?

Il n’en restait pas moins vrai qu’au Juyo, le padawan était redoutable. Il avait la technique, il puisait dans des émotions destructrices. Mais au lieu d’être la colère ou l’envie de vengeance comme les Sith, c’était une haine de soi, une culpabilité profonde qui alimentait ses coups. Le vieil homme se demanda avec une once d’angoisse ce qu’il serait advenu s’ils n’avaient pas eu cette conversation tous les deux, un jour. Il serait passé à côté de quelque chose de destructeur, qui aurait conduit à leur échec commun. Le chemin serait long pour remonter la pente.

- Je sais que le Juyo requiert de puiser dans des émotions fortes pour pouvoir être mis en œuvre,
reprit-il posément. Peux-tu réitérer ton attaque, mais en modifiant le processus de pensée générant ces émotions ?

Saï se replaça pour s’immobiliser face au padawan, prêt à devoir esquiver une nouvelle attaque.

- Oublie la colère, murmura-t-il, et écoute mon histoire.

Il parlait si bas, maintenant, qu’il était à peine audible. Mais par la Force, Yun devait l’entendre distinctement. Il ne pouvait pas entrer dans l’esprit de l’Epicanthix, mais cela ne l’empêchait pas de diffuser son aura et ses messages, et il savait que le padawan était réceptif.

- Depuis la nuit des temps, dans notre galaxie, naissent des enfants sensibles à la Force. Comme tous les enfants, leurs seuls repères sont ceux qu’on leur donne. Ici au Temple, les repères sont la discipline, l’harmonie, la philosophie du bien, pour un vivre ensemble qui guérirait le petit monde sur lequel nous avons de l’influence. Les enfants n’ont pas le choix, Yun : ils grandissent dans ces repères et survivre signifie adhérer. Et les enfants ont un incroyable talent de survie, tu peux me croire. Lorsque les repères qu’on leur donne sont la violence et l’obéissance sans réflexion, ils n’ont aucun autre choix que de s’y adonner. Ce n’est que bien des années plus tard qu’ils seront confrontés à une réalité difficile à accepter : les repères que nous leur avons donnés ne sont pas universels. Et c’est là que les problèmes surgissent.

Saï s’interrompit brièvement, le temps de vérifier que le processus de pensée de Yun, qui se préparait à une attaque suivante, suivait toujours celui de son maître.

- Les padawans se confrontent à cette réalité lorsqu’ils sortent du Temple, adolescents, avec leur maître. C’est là qu’il nous est le plus difficile de leur transmettre notre combat : ils deviennent libre de changer de repères s’ils le désirent, mais la destruction et la violence ne sont pas des valeurs que nous souhaitons défendre au sein de l’Ordre. C’est ainsi que certains nous quittent. Mais dans d’autres cercles, les enfants sont confrontés à d’autres systèmes plus tôt ou plus tard. Ils sont parfois trop jeunes pour avoir la maturité de faire les choix qui reflètent leurs valeurs et motivations profondes. Ils sont parfois trop vieux pour remettre en question les repères qui ont été les leurs toute leur vie. Tu sais ainsi pourquoi le conseil est si réticent à intégrer des padawans à un âge avancé.

La litanie du vieil homme, en forme de cours historico-philosophique de l’Ordre Jedi, avait pour but, au-delà de l’information, d’amener Yun à rationaliser son propre passé dans ce paysage contextuel où sa vie avait pris place.

- Maintenant, Yun, je voudrais que tu penses à l’enfant que tu étais, celui qui ne savait pas qu’il était capable de changer de repères, d’adhérer à d’autres systèmes de valeur que celui imposé par les Sith. Il n’était pas coupable, Yun, il était là, c’était tout.

Mauvais endroit, mauvais moment ? Pas que. Etre sensible à la Force rimait toujours avec un destin hors normes. Mais le petit garçon d’alors ne l’avait pas choisi.

- Le dégoût que tu t’inspires pour tes actes pourrait conduire à la colère envers les personnes qui t’ont obligé à devenir quelqu’un que tu ne voulais pas être. Mais la vérité, Yun, c’est qu’en t’échappant, tu as prouvé que tes valeurs profondes étaient les nôtres, malgré des années sous le joug des Sith qui t’ont imposé la violence et la haine. Ils ont échoué. Pense à l’enfant qui a été assez courageux pour s’échapper de ses principes, Yun. Cherche en toi l’admiration que tu devrais avoir pour lui. Il a été fort, bien plus fort que beaucoup de Jedi. Si tu dois ressentir une émotion, concentre-toi sur la surprise que devrait te procurer un tel coup de théâtre. Tend la main à cet enfant dont tu devrais être fier.

Le vieillard attendit patiemment que vînt le coup suivant, attentif à l’effet porteur ou non d’une nouvelle source d’émotion à Yun.
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Défense de Saï presque parfaitement réussie.
Bouclier de Force de Saï : - 2 HP.


Bouclier de Force actif sur Saï (20)
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« J’ai gagné le droit de savoir que j’étais toujours faillible. De ne plus enfouir mes secrets dans mon cœur.

Et j’ai perdu ce que je croyais assuré. »


Les iris sombres, presque trop noire, comme son âme meurtrie, Yun plongea son regard dans celui de son maître une nouvelle fois, avant de lever les yeux au ciel, comme s’il cherchait dans le plafond de la salle d’entraînement le secours dont il avait besoin, le baume mystique que son esprit trop doux dans ce corps trop brutal appelait de ses vœux. Il était l’assoiffé cherchant le chemin vers la rédemption. Il pensait l’avoir trouvé. Il s’était trompé. Et finalement, y arriverait-il un jour ? Peut-être n’avait-il pas assez expié ses actes passés, sa barbarie adolescente, sa lâcheté enfantine. Bien sûr qu’il s’infligeait une punition en agissant ainsi. Et le pire, c’était qu’il y trouvait une satisfaction morbide, à se sentir souffrir pour utiliser des techniques interdites. Il en payait le prix. Tous les jours, les regards autour de lui rappelaient ce qu’il était : un traître, un meurtrier. Sa paix était un mensonge. Et pourtant, il n’y avait qu’elle. Il était l’obscurité et la lumière. L’obscurité dans la lumière. La lumière dans l’obscurité.

« Donc … Je crois tout de même avoir gagné. Ou plus exactement, je crois que vous avez gagné. »

Et avec son sourire si doux, il le montra du doigt, simplement, et souriant à ses propres paroles, il abaissa son bras, sentant enfin la paix intérieure revenir l’habiter, l’emplir, comme il aimait que ce soit le cas entre les murs de ce Temple. Il sentait confusément, en s’écoutant parler, qu’il prenait de la maturité, et que ces dix-neuf ans n’étaient qu’un pauvre chiffre ne reflétant aucunement son être. Parfois, quand il écoutait ses pairs jedis de son âge, il éprouvait une distanciation profonde, comme si un mur invisible le séparait d’eux. Ils parlaient de leurs missions, de leur optimisme, de leur quotidien, des amitiés des uns, des rivalités des autres, et de rares fois, à mot couvert, de ces amours fugaces que l’Ordre abritait sans s’y arrêter, de ces étreintes cachées, tues, soumises à l’opprobre et bien vite abandonnées quand l’un des amants revenait d’une mission mort … Ou plus mûr. Et Yun soupirait, car il aurait aimé avoir encore cette insouciance, cet appétit de la vie, quand il aspirait déjà à la tranquillité et condamnait ce qu’il voyait comme des débordements issus d’un trop grand confort. En un sens, il ressemblait à son maître bien davantage qu’aux autres padawans ou jeunes chevaliers peuplant Ondéron. Désormais, il en prenait conscience, et cette acuité soudaine n’en était que plus douloureuse au moment précis où il se sentait perdre pied, quand ses propres convictions, son parcours dont il était si fier se retrouvaient testés comme jamais auparavant. Il sentait que là se trouvait le cœur de sa première véritable épreuve en tant que jedi. Il ne savait pas comment l’affronter sans renoncer, justement, à ce qu’il désirait être pour embrasser une voie qui lui ferait horreur. Yun n’était pas un être de compromis. Le gris n’existait pas. Il n’y avait que le noir et le blanc, ainsi que ceux qui choisissaient d’arborer tel ou tel étendard. Le reste, ce n’étaient que des excuses pour ceux qui étaient incapables de se décider, et sombraient sans s’en apercevoir tant ils se berçaient de belles paroles et d’illusions.

Ainsi il écoutait Maître Don, et s’il voulait croire à son récit, l’épicanthix n’y arrivait pas, et ce pour une bonne raison : d’emblée, il avait perçu comme une faille dans ce dernier, et n’arrivait donc pas à le calquer sur son récit propre, à l’utiliser comme l’onguent nécessaire pour faire cicatriser ses vieilles blessures. Mais comment lui faire comprendre cette conviction profonde, immanente, que pour lui, on avait toujours le choix, et que même si ce dernier se résumait à tuer ou mourir, il constituait une voie à emprunter ? Yun était un être d’absolu. Il n’avait pu adhérer au code sith car il y voyait des incohérences, et maintenant, n’arrivait pas à se convaincre du raisonnement bien-fondé de son maître pour les mêmes raisons. Ses faiblesses comme sith le poursuivaient enfin du côté lumineux.

« Certains pensent que même enfant, on n’a pas le choix. Mais je n’ai pas toujours été un sith, maître. Mes parents m’ont élevé avec un autre code de pensée. A huit ans, je savais ce qui était bien ou mal. J’avais peur, c’est vrai.

J’ai choisi tout de même. »


Machinalement, il porta sa main à son visage, caressant délicatement les nodules formés par les renflements de tissu cicatriciel. Et il continua :

« Je suis fier de ce que je suis devenu maître. De m’être échappé. Je ne le serais jamais de m’être complu dans des profondeurs que je savais mauvaises. »

Cette fois, il le fixa longuement, son visage exprimant une forme de sérénité étrange, avant qu’il ne consente à conclure sa pensée :

« Je suis fier du jour où je suis devenu un jedi. Pas de celui où j’ai consenti à être un sith. »

Il pointa sa joue :

« Et mon reflet dans vos yeux est là pour me le rappeler chaque jour. Mon visage représente ces deux parts de mon être. J’ai appris à vivre avec celui que je ne veux pas voir. Mais il est ce qu’il est : laid.

Je préfère me concentrer sur l’autre. Si ça ne vous dérange pas. Pour le moment. »


Le padawan se replongea dans ses souvenirs pour finalement chercher celui qu’il préférait : celui où il avait ressenti l’illumination dans sa cellule, là où il avait accepté ce qu’il était, pour se tourner vers l’avenir, et appelé un garde pour déclarer qu’il était prêt à être auditionné par le Conseil jedi. La paix qu’il avait ressenti ce jour-là avait dépassé toute sa rage et sa colère accumulée. Il avait senti la douceur de la Force, son aura protectrice, maternelle, l’envelopper, et il avait compris soudainement d’où venait le vrai pouvoir, la vraie puissance. Il avait vu la lumière et en avait été transpercé. Soit, la haine ne guiderait pas son bras. A la place, il y substituait sa mystique exacerbée, son fanatisme, sa foi en sa voie, en la Force, en l’Ordre.
Comme mû par une énergie indicible, il fonça, courant devant lui, et commença un assaut complexe de mouvements qui s’arrêtaient, se coupaient, s’entrechoquaient, dans le plus pur style du Juyo, dans sa forme la plus aboutie, la plus imprévisible, et il abattit son sabre dans un retourné maîtrisé, cherchant la faille dans le bouclier, y mettant sa hargne de soldat de la lumière plutôt que de l’obscurité.

Spoiler:
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Attaque de Yun réussie !
Saï Don
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Le vieil homme écoutait, patiemment. En essayant de ne pas interrompre le fil de la pensée de son élève. Lorsqu’il eût fini, Saï décida de ne retenir qu’un seul commentaire clé : il était inutile de croire qu’il pouvait changer toute la philosophie de l’Epicanthix en quelques minutes. Ils avanceraient pas à pas. Une chose après l’autre.

- A huit ans, tu as fait des choix, oui, et plus tard aussi, dit-il. Ces choix étaient-ils éclairés ? Seul toi peux le dire. Et pourtant, tu apprendras avec le temps que ce que l’on considère comme un choix éclairé un jour peut ne pas être perçu ainsi quelques années, voire quelques décennies d’expérience plus tard. C’est ainsi que plusieurs réalités se superposent, Yun.

C’était une conception difficile à admettre pour un jeune esprit comme celui de l’Epicanthix, Saï en avait bien conscience. Cependant, avec l’âge, la certitude que la vie – et la Force même – était constituée de paradoxes et que les êtres conscients de la galaxie, y compris eux-mêmes, n’étaient que contradictions, s’était ancrée profondément en lui au fil de son expérience. Ces contradictions étaient même ce qui permettait aux individus de survivre, de rebondir, de changer, dans une galaxie aux réalités multiples, aux paradoxes labyrinthiques dans lesquels l’esprit de Yun, doté d’une rationalité cartésienne à souhait, ne trouvait guère son chemin. L’un et l’autre n’étaient pourtant pas définitivement incompatibles. Se tracer une voie en appliquant de force une pensée dichotomique dans un monde aussi paradoxal était juste moins évident, et surtout risquait de lui faire occulter quelque réalité. Mais Yun était jeune, et c’était à Saï de veiller encore à savoir adopter différentes visions possibles pour éclairer les zones que la pensée de l’Epicanthix laissait dans l’ombre.

La démarche de Yun restait positive, et particulièrement mature pour son âge. En démontrait ses réponses qui restaient calmes et sensées même dans l’état où il était, face à cette épreuve et face à des idées qu’il n’acceptait peut-être pas tout à fait de la part de son maître.
Le vieil homme acquiesça avec lenteur, attentif tant aux mots qu’aux actions du padawan. Malgré sa réticence, il sembla faire appel à ses ressources lumineuses et à des émotions plus positives pour élaborer sa nouvelle attaque.

Une série de mouvements plus redoutables encore que les précédents. Cette fois, le vieillard fit apparaître sa lame à la couleur émeraude, intense, pour mieux parer les coups qu’il devinait d’un danger à la limite de ce qu’il était capable de défier lui-même. Mais tant que son bouclier était actif, il ne risquait rien.

[Défense]

Malgré sa tentative, la défense de Saï ne fut pas optimale. La puissance accumulée de Yun était telle qu'il fût contraint de ployer et de reculer. Son bouclier fut endommagé de façon importante, mais il continua à repousser la lame de Yun dans une drôle de danse.

Après ce bref échange, ils finirent tous deux lame contre lame, leurs oreilles bourdonnant des crépitements d’énergie, leurs visages illuminés de lueurs rouges et vertes dans un assemblage symbolique aux yeux du vieil homme : oui, il existait plusieurs formes de lumière, et un jour Yun serait capable d’étendre ses perceptions à ces différents spectres lumineux qui, loin d’être isolés, savaient se mêler, se marier les unes avec les autres, pour créer une harmonie plus riche et malgré tout encore loin de révéler les facettes multiples de la Force.

S’aidant de la Force pour maintenir la puissance de la lame de Yun hors de danger, son visage à quelques centimètres à peine des deux traits d’énergie, le vieil homme sourit.

- Alors, le côté lumineux est-il si peu efficace en comparaison du côté obscur ?

En réalité, le maître était surpris que l’Epicanthix eût tiré aussi vite les fruits de cette leçon. Mais ce padawan était ainsi : il appliquait rigoureusement, donnait tout de lui-même, sans avoir besoin d’être poussé plus que nécessaire. Adulte, indépendant, mais avec une âme encore emprisonnée. Il représentait un défi de taille pour le vieil homme, ainsi que des risques évidents. Mais n’était-ce pas ce qui faisait toute la beauté de son rôle ?

[Sacrifice d’un dé pour se remettre à distance]

Saï s’échappa de leur affrontement, en se remettant à distance. Cette fois, sa lame verte resterait à ses côtés. Maintenant, Yun était prêt à se battre selon des règles qui les mettaient tous les deux sur un pied d’égalité : ils pouvaient tous deux combattre en étant les soldats lumineux qu’ils étaient, au plus profond d’eux-mêmes.

- Protège-toi, lui intima le vieil homme. Utilise la Force pour te faire un bouclier, comme moi, et nous pourrons ainsi combattre sans craindre de nous faire de mal.

Cette fois, en effet, le vieux maître porterait lui aussi des coups. Mais il n’était pas là pour massacrer son élève, seulement lui montrer que le côté lumineux pouvait aussi faire naître des surprises. Même si Saï n’était pas un maître d’armes aussi chevronné que Maître Von ou Maître Vocklan, il n’en restait pas moins convaincu de la beauté de l’art Jedi qui luttait contre l’utilisateur de la Force obscure.

Et puis, un peu d’exercice ne ferait pas de mal à ses vieilles articulations rouillées !
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Défense de Saï ratée !
Bouclier de Force de Saï : - 19.

Les combattants sont à distance.



Bouclier de Force de Saï : 1.
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Dans un crépitement sordide, le laser rougeoyant s’abattit avec violence sur sa cible, maintenu en l’air par une énergie invisible qui ondoyait dans la Force, se révélant aux yeux sensibles de Yun, qui maintint la pression le plus possible, évitant la lame verte avec une souplesse insoupçonnée pour un être de sa taille. Ses muscles saillants transparaissaient clairement sous sa bure, tandis que ses deux mains s’étaient refermées sur le manche de son sabre et travaillaient à achever la protection devant lui. A bout de souffle, il finit par s’écarter d’un bond vers l’arrière avant de se remettre en position de garde, une mèche noire tombant sur son visage livide.

Quelle ironie … Lui qui n’avait jamais été réellement doué pour quoi que ce soit se découvrait au pire moment un véritable don pour les armes. Enfin, il aurait été injuste de qualifier son alter ego sith passé de mauvais, mais l’épicanthix avait toujours compté sur son physique de brute épaisse pour vaincre, sans se soucier de technique. Il manquait à ses mouvements cet instinct qui forgeait les vrais bretteurs, qui les hissaient au-dessus de la mêlée des combattants parcourant la galaxie. Désormais, il parvenait à distinguer les failles dans les feintes et parades de ses adversaires, comme si un déclic s’était fait en lui, comme si son esprit analytique pouvait finalement déployer tout son potentiel dans un autre champ que la remise en cause systématique de ce que ses supérieurs lui disaient. Libéré du carcan dont il avait souffert auprès de Darth Mantis et de ses semblables, le colosse s’était tourné vers les études, la méditation et le perfectionnement de ses capacités de fier défenseur d’un Ordre auquel il tenait tant. Contre le Chevalier Keirin, il avait été exactement ce qu’il attendait de lui-même : un bouclier, un roc inébranlable, tel le célèbre Maître Vocklan et son surnom qui faisait murmurer avec avidité les padawans. Il avait écarté toutes les attaques du miraluka, sans parvenir jamais à l’atteindre. Cela n’avait pas d’importance. Il s’était juré de ne plus chercher à attaquer, de se concentrer uniquement sur la défense, dans une application stricte du code jedi.

Tout avait basculé contre le Chevalier Nae. Sourd à la douleur, il l’avait laissé transpercer sa défense pour se nourrir de la douleur, pour se repaître de son dégoût, pour s’abreuver de sa haine de lui-même, avant de frapper comme jamais il ne l’avait fait auparavant. C’était comme si s’être à ce point concentré sur la défense pendant plusieurs années lui avait permis en retour d’en comprendre le principe, de savoir exactement où pointer son sabre. Il s’était laissé guider par la Force, par la violence de son ressentiment. Et il avait triomphé. Un padawan avait vaincu un chevalier en combat singulier. N’importe quel autre apprenti aurait été enchanté d’un tel prodige, signe que les épreuves approchaient. Pas lui. Au contraire, il n’avait été qu’horrifié. Et voilà que face à son propre maître, il parvenait successivement à le toucher avant de manquer transpercer en un seul coup son bouclier. La réalisation d’un tel fait le fit vaciller, avant que sa conscience ne prenne le dessus et que la raison ne s’impose. Lentement, un sourire douloureux étira ses lèvres minces, gercées par l’effort et qu’il humidifia légèrement avant de parler d’une voix rendue rauque par l’effort consenti :

« Peut-être pas. »

Si tant est qu’une telle démonstration d’émotion soit encore lumineuse. Certes, c’était des émotions différentes que celles qu’il utilisait comme sith. Mais au fond, une Darth Ynnitach qui croyait si fort en ses rêves d’Empire, qui combattait pour sa vision de ce que devait être la galaxie, et ses suivants qui frappaient en cadence le reste des planètes des systèmes avoisinnantes en hurlant leur dévotion à leur nouvelle dirigeante unique et suprême … Etait-ce si divergent de sa propre mystique ? De sa propre foi dans l’Ordre jedi ? N’était-il que l’autre facette d’une pièce qui avait pour son malheur roulé jusqu’au côté face, et dont il découvrait le versant pile ? Cet affrontement entre la lumière et les ténèbres n’était-il finalement que la même face ricanante et hideuse d’un destin amené à se répéter perpétuellement ? Il voulait ne pas y croire. Mais l’ombre d’un doute s’insinuait déjà dans son esprit perpétuellement en fusion.

« Comment savoir … Si utiliser ses émotions est réellement lumineux ? Si elles sont … si elles ne sont pas à l’image de ce que j’aurais pu faire avant ?

Je veux dire … Quand je frappe en pensant à l’Ordre, à ma fierté d’y appartenir … Au fait que je crois en sa mission … J’ai l’impression de ne pas être différent de ceux qui combattent en hurlant le nom de l’Impératrice. Ils ont foi, eux aussi. Ils pensent défendre quelque chose dans lequel ils croient.

Est-ce … Une différence de nature ? De … D’autre chose ? Comment être sûr de ne pas succomber malgré soi ? »


Yun avait conscience que ses questions perpétuelles auraient pu agacer n’importe quel maître sain d’esprit et désireux de ne pas s’infliger une abominable migraine tous les trois matins. Mais Maître Don n’était pas comme eux. Il lui avait demandé de toujours énoncer ses interrogations. Manque de chance pour lui, le flot de son élève ne semblait jamais se tarir … A moins qu’il ne l’ait fait précisément pour cela. Pour l’aider à se remettre en question. A faire les liens entre son passé, son présent, et son futur. Comme présentement, alors qu’une idée lui traversait la tête tandis que son regard grisâtre se posait sur sa main droite.

« Sur Lorrd … Quand nous étions en danger avec le Chevalier Belluma … J’ai réagi à l’instinct. J’étais sûr que nous allions mourir, et je ne voulais pas que nos découvertes soient ensevelies avec nous. Je ne voulais pas … Que ceux morts des assauts de la même créature n’obtiennent pas justice. Et c’est en pensant à cela que j’ai utilisé les Eclairs. Généralement, il vaut mieux invoquer la vengeance, ou la peur pour les obtenir, et je n’y jamais parvenu, sur Korriban.
Mais là … Oui. Et c’était des éclairs. Exactement comme ceux qui m’ont marqué. Ils étaient verts, pas comme ceux de mon maître. C’était bien la seule différence.

Ce jour-là … Ai-je utilisé l’obscurité, parce que j’ai invoqué une douleur en ce monde ? Ou la lumière, car je l’ai fait pour une bonne cause ? »


Il n’avait pas réutilisé ce pouvoir depuis. Il craignait la réponse apportée, de se rendre compte qu’il avait failli avant d’avoir fauté. Que décidément, il n’était vraiment bon à rien, hormis semer la mort et la destruction. Une profonde respiration fut nécessaire pour lui permettre de se calmer. Se rendant compte qu’il avait perdu du temps en palabres et n’avait pas exécuté l’ordre de son maître, Yun tenta d’appeler la Force à lui pour placer un bouclier sur lui, comme il l’avait fait des mois auparavant contre le Chevalier Keirin.
Spoiler:

Hélas, son succès fut moindre, et la Force se refusa à lui. Evidemment.

« Décidément, rien ne fonctionne dans le sens que je voudrais. »
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Jet de Sagesse de Yun raté.
Saï Don
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Le Bouclier de Force qui protégeait Saï n’était plus qu’un voile à peine perceptible qui, il le savait, s’échapperait au moindre contact de la lame adverse. Il n’en était pour autant pas inquiet – le vieil homme avait d’autres ressources à déployer lorsque son bouclier tomberait. Plutôt, il essayait de rester en phase avec l’esprit de son jeune élève, par le seul biais des raisonnements et questionnements énoncés à voix haute par celui-ci, dont l’esprit lui restait à jamais fermé.

- Comment savoir, mmh ? répéta pensivement le vieillard. Je pense que celui que l’utilisateur du côté obscur de la Force pense utiliser ses émotions comme instruments, alors qu’il en est le plus souvent esclave, dans l’incapacité, à mesure qu’il les utilise de plus en plus, de se séparer de ses bouffées de colère, d’angoisse ou d’amertume. Je pense que l’usage dont tu viens de faire de tes émotions, à savoir la choisir et l’utiliser ponctuellement, relève d’une maîtrise de ces sentiments. Le jour où tu ne seras plus en mesure d’invoquer librement l’émotion adéquate pour un usage précis, mais que l’émotion s’imposera à toi sans ta volonté, alors tu pourras craindre d’être comme le Sith que tu as déjà pu être.

C’était en réalité un indice parmi d’autres, et Saï ne doutait pas qu’avec l’expérience, Yun en développerait d’autres qui l’aideraient à le guider dans sa pratique du combat à jamais différente de celle des autres padawans.

Yun, encore une fois, faisait appel à son passé pour faire émerger de nouveaux questionnements. L’esprit de l’Epicanthix semblait être une machine intarissable qui passait en revue chaque expérience, la soupesait, la décortiquait, passait à la suivante. Et probablement, une fois être arrivé à l’instant présent recommençait-il tout le processus depuis ses tous premiers souvenirs. Cet esprit insatiable s’occupait-il parfois de se mettre en pause ? D’accepter de laisser le passé là où il était, pour regarder l’avenir d’une manière pure et vierge ? Probablement pas. Yun devrait apprendre cela, un jour, se départir de ces vieilles habitudes qui le rassuraient et en même temps l’empêchaient de progresser. Ils y parviendraient progressivement.

Saï sourit, la mine énigmatique.

- Comment le saurais-je ? Je n’étais pas présent, Yun. C’est à toi de me le dire. As-tu eu la sensation d’utiliser l’obscurité ? Ou d’avoir fait le choix, même instinctif, de sauver ce qui devait l’être avec les moyens dont tu disposais ?

Encore une fois, l’Epicanthix allait être confronté à cette question des moyens mis au regard des finalités, moyens qu’il avait toujours cru devoir être parfaitement exemplaires, tandis que son maître savait bien que la réalité était bien plus complexe et paradoxale. Il avait hâte, cependant, de voir si l’esprit de son jeune élève avait progressé sur ce point depuis ce fameux premier jour où ils avaient eu cette discussion, leur première matinée passée ensemble en tant que maître et padawan.

Dans la foulée, Yun échoua à constituer son bouclier de Force. La fatigue, la nervosité ? Ce n’était pas vraiment important. Ils étaient précisément dans une séance d’entraînement. Saï sourit de nouveau.

- Cela arrive même aux meilleurs, je t’assure, plaisanta-t-il. Allez, recommence, en prenant ton temps.

Ils avaient le temps, pour une fois, autant en profiter.
Le vieil homme inspira, et se concentra pour lui aussi rétablir un bouclier digne de ce nom.

[Bouclier de Force niveau 2]
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Bouclier de Force de Saï réussi.

Saï : - 32 PF.


Bouclier de Force actif sur Saï (22)
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Yun aimait les dogmes, les règles, les coutumes précises. Elles lui donnaient un sentiment de sécurité, précisément parce qu’il avait trahi une première fois, transgressé tout ce qu’on avait tenté de lui apprendre parce qu’il avait sans cesse questionné les enseignements mis à sa disposition. Pendant un temps, sa conviction, sa foi, avait permis de faire taire les doutes qui envahissaient sans cesse son esprit désespérément cartésien, qui ressemblait de plus en plus à un labyrinthe de questions incessantes. Par moment, il craignait presque que son maître à la patience héroïque ne se lasse de tenter de lui répondre. Et pourtant, ce temps était précieux, car il lui permettait de réagir comme toujours, avec lenteur et précision analytique.

En effet, il tentait de comprendre ce que lui enseignait son maître, et pour la première fois, il avait l’impression d’arriver à mieux décortiquer ce que le pauvre essayait vainement de lui inculquer depuis leur première rencontre. Le déclic vint simplement de son explication sur son usage du côté obscur. Non, il n’avait pas voulu utiliser ses émotions. Il n’avait pas voulu obtenir quelque chose. Il n’avait pas voulu non plus sauver à tout prix quelque chose. Il avait agi par sens du sacrifice. Et soudain, cet constat éclaira son esprit perturbé comme une lanterne coruscantie brillant dans la nuit. L’illumination était là. C’était cela, sa lumière, sa force. Il se moquait de mourir, ou de vivre. Il y avait chez lui simplement de la résolution, la volonté profonde de bien faire, de se racheter. Ce n’était même pas une émotion à proprement parler. C’était une envie, une émanation de sa personnalité. C’était autre chose, un tout, un cri adressé à ceux qui le condamnait pour ce qu’il avait fait. C’était une volonté farouche d’absolution.

Soudain, tout faisait sens. Il n’y avait plus à craindre de briser les règles jedis, puisqu’il les contournait, en quelque sorte, il exploitait une faille. Il demeurait pur. Il demeurait bon. Non souillé. Ses intentions étaient lumineuses, et c’était ce qui comptait. Oui, ce compromis lui convenait. Soudainement, il se sentit plus libre, comme si une chape de plomb venait de quitter ses épaules. Bien sûr, cela ne résolvait pas tout, loin de là. Il n’avait pas toutes ses réponses, mais il en avait obtenu certaines. Pour le moment, c’était suffisant. C’était assez. Il comprenait. Ou plus exactement, il avait découvert sa propre explication. Peut-être était-ce ce qu’on attendait de lui, ce qu’on attendait d’un jedi : tracer sa voie. Lentement, un sourire se peignit sur son visage ravagé, tandis qu’il savourait sa nouvelle plénitude intellectuelle. Le tout dura plusieurs minutes de silence, puis le jeune homme consentit à communiquer avec son maître pour développer sa théorie. Il était persuadé qu’elle était la pièce manquante à leur holocron, cette médiation entre deux visions qui pouvaient enfin se rejoindre.

« Et si … et si ce n’était pas une émotion ? Si je n’avais pas voulu condamner … Ou sauver ? Si c’était … autre chose ? Différent ? »

Bon, le pauvre homme n’allait guère être avancé avec ces questions sibyllines dites d’une voix soudainement excitée.

« Je n’ai pas utilisé l’obscurité … Mais … Je ne crois pas que je voulais sauver non plus. Parce que changer le cours de ce qui doit advenir dans la Force est impossible. C’est … Difficile à décrire. Je sentais les morts. Les esclaves morts pour creuser les galeries, je veux dire. Et je voulais qu’ils ne soient pas morts en vain. »

Yun regarda le vieillard, et lâcha d’une voix neutre, si éloignée de l’horrible réalité qu’il s’apprêtait à dépeindre.

« J’étais … prêt à mourir. Sans le vouloir. Mais l’envisager … N’était pas un problème. Je voulais juste … La justice. L’absolution. Ce n’était pas une émotion … Mais une volonté. Si cela est possible. Je ne saurais comment l’expliquer mieux.

Je voulais réaliser ce qui est juste. Et je l’ai fait. Parce que j’en avais la conviction, pas parce que je le désirais. »


Il s’arrêta, reprenant son souffle. Il était tellement inhabituel de le voir parler à une telle cadence que le colosse s’étourdissait lui-même.

« Est-ce … réel ? Est-ce possible ? Est-ce que … Je peux faire cela ? Ou est-ce que je m’illusionne, maître ? »

Est-ce qu’il tenait enfin sa solution ? Sa lumière ?

« Je peux … refaire cela en invoquant la Force si vous voulez ? »

Lentement, le jeune homme s’immergea dans cette dernière, déterminé à retrouver cet état second. Il pensa aux vies perdues sur Dubrillion, aux dangers courus par son maître. Il ne les pleura pas. Il les accepta. Il se tourna vers l’avenir. Il mit sa vie en balance. Il pensa à ce qu’il devait faire pour rendre justice à ceux qui étaient tombé. A sa volonté d’être cette main se dressant contre l’obscurité. D’être pur. D’être absolu. Mais de ne jamais l’être pour de mauvaise raison, sans critique. Et il sentit le flux de Force sous ses doigts se tordre. Il sentit lentement cette dernière accepter sa demande, et tisser une protection autour de lui. Comme possédé, il fit un pas en avant, rouvrit les yeux et souffla :

« C’était … Comme ça, Maître. »

Un nouveau pas. Puis il se mit en garde.

« Je suis prêt. »

Oui il l’était. Plus que jamais.


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Bouclier de Force de Yun réussi !
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Saï Don
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Un sourire était apparu sur les lèvres du padawan. C’était assez rare pour être remarqué. Non que l’Epicanthix fut constamment austère, mais les rares sourires que le vieux maîtres l’avaient vu exécuter n’étaient souvent dus qu’à des intentions de politesse, rarement de joie ou de satisfaction. Ce sourire-là avait donc d’autant plus de valeur que le silence de l’esprit du padawan dans la Force ne lui laissait que peu de moyens pour deviner le bien-être ou le mal-être de son élève.
Le discours de Yun, pourtant, pouvait être perçu comme assez morbide. Cette histoire de morts dont il avait ressenti l’existence et la détresse… Mais il en fallait bien plus pour empêcher le padawan de poursuivre son chemin, aussi le vieil homme ne s’inquiétait-il guère. Il acquiesça doucement en recevant les propos de Yun, qui déjà était prêt à recommencer l’expérience, faisant fi des angoisses qu’il ressentait quelques minutes plus tôt. Le maître sourit lui aussi doucement.

- Bien, souffla-t-il, autant pour valider le pouvoir bien exécuté du padawan que pour marquer qu’ils étaient prêts à passer à la suite.

L’Epicanthix se rapprocha d’un pas léger, et Saï se remit en garde, sabre levé entre lui et son élève. Des sphères bleues les illuminaient tous deux, cette fois, comme des armures invisibles et bienveillantes. Ils n’allaient plus être obligés de surveiller leurs coups de trop près, et le vieillard allait pouvoir se dérouiller un peu.

Saï attaqua le premier, alternant coups de taille et coups d’estoc, rapides mais non surprenants, habituant son élève à se battre contre lui – lui, son maître qu’il n’avait jamais osé défier auparavant. Le combat tenait quelque chose du rite, du sacré, que tous deux sentaient sans pouvoir véritablement mettre des mots sur ce caractère hors du commun. La concentration du vieillard était à son comble. Ses membres lui semblaient lourds, douloureux parfois, et pourtant réagissaient avec les mêmes réflexes, comme de vieilles habitudes jamais oubliées par ses mains, ses jambes, sa tête même.

[Attaque sur Yun puis reprise de distance]

Le vieil homme tenta d’engouffra son sabre dans une faille de la défense de son adversaire. Yun réagissait avec célérité. Il était, il fallait l’admettre, bien meilleur que son maître à son âge. Et aujourd’hui, Saï ne compensait la force de son adversaire que par son expérience hors du commun, qui était moins constituée de techniques élaborées de combat que d’un sens tout particulier pour l’appréciation des mouvements de l’adversaire à travers la Force, qui guidait ses pas et ceux de Yun. Comme dans une partition, le vieillard lisait les enchaînements avec la brève anticipation qui lui permettait d’éviter la pointe de la lame au dernier moment, de percevoir le geste superflu qu’il exploiterait pour pénétrer la défense de son élève.

La différence dans le combat ne se ferait donc pas à ce niveau-là, Saï en avait bien conscience. C’étaient ses pouvoirs qui, en situation réelle, neutraliseraient un tel Epicanthix le chargeant avec cette froide résolution. Dans les faits, cependant, il n’avait pas exactement l’intention de mettre Yun hors d’état de nuire trop rapidement. Il voulait tester ses aptitudes au combat une bonne fois pour toutes, voir comment il tiendrait dans la durée – non physiquement, mais mentalement.

Aussi plutôt que d’utiliser ses pouvoirs pour le déstabiliser ferait-il durer l’échange. Après quelques nouvelles passes d’armes, le vieil homme bondit en arrière, interrompant le combat.

[Reprise de distance]

Il reprit brièvement son souffle, avant d’entamer une marche circulaire autour de son élève, cerné, mais pourtant bien plus fort physiquement que lui. Restait à voir ce qu’il utiliserait, de la force brute, de la ruse ou de ses pouvoirs qu’il découvrait, pour tenter de dominer leur échange…
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