Ragda Rejliidic
Ragda Rejliidic
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Tour Rejliidic, appartements privés du Sénateur, 07h28 (heure locale),

// Holonews Network, toujours au cœur de l'information.//

Ragda, lascivement étendu sur les coussins cramoisis de son chariot répulseur, buvait tranquillement une choppe de stim-café tout en gardant un œil sur les actualités. De l'autre, il observait des données défiler sur le petit écran lumineux du datapad posé sur le tableau de bord. Il prenait ainsi un peu de repos au dernier étage de son immeuble pyramidale dont le gigantesque casino occupait tous les niveaux, excepté les dix derniers lui étant réservés.

// Un nouveau et ultime rebondissement dans l'affaire de l'effraction commise dans les archives du Sénat, il y a de cela trois mois... //

Le Hutt se redressa, d'un bond. Renversant le contenu de sa choppe sur son poncho tout neuf. Le présentateur fut rapidement remplacé par un une conférence de presse, retransmise en direct, donnée par les autorités enquêtant sur cette affaire... gênante. Quelle image donnerait la République si elle devait avouer son incapacité à protéger le cœur de ses institutions ? Ragda fut surpris qu'une telle affaire puisse faire le buzz sur les chaines d'information en continue. A n'en pas douter, les paroles qui allaient suivre seraient déterminante pour la suite... Derrière un pupitre, de l'autre coté d'un petit micro, se tenait le commissaire en charge de l'enquête.

//... Ne sommes pas parvenu à identifier formellement les malfaiteurs. Ainsi, compte tenu du manque de preuves, et de la nature des éléments ayant été dérobés, le gouvernement a décidé de classer cette affaire sans suite... //

Déjà ? Après seulement trois mois ? Il y avait fort à parier que les services secrets continueraient encore quelques temps, loin de ces bouffe-merdes de journalistes adeptes du scoop croustillant. Des mains se levèrent dans l'assistance, Le commissaire en désigna une :

// Gilbert Moutar, du Coruscant Post... Pourriez-vous nous donner plus d'informations concernant ces « éléments » dérobés ? De quoi s'agit-il ? Que contenaient ces archives ?  //

Le commissaire hésita quelques instants, se collant la main droite à l'oreille, comme pour entendre, via son oreillette, les directives venues de plus haut. Il secoua imperceptiblement la tête avant de répondre :

// Il s'agit d'un cube de données contenant la mémoire interne et le noyau logiciel d'un projet d'intelligence artificielle, baptisé E.V.A. Mais je tiens à rassurer tout le monde : cette IA ne dispose d'aucune donnée sensible ou compromettant stockée en dur dans sa mémoire. Et tous ses accès au serveurs du Sénat ont été révoqués depuis la fin du mandat du Chancelier Arnor. Il est possible que sur certains marchés parallèles une telle technologie puisse se monnayer à prix d'or... Mais elle ne représente aucune menace pour la République.

C'est pour cette raison que nous estimons que les malfaiteurs ont spécifiquement ciblés cet objet afin de le revendre à une firme technologique ou un collectionneur privé... Si l'enquête de nos services est à présent bouclée, d'autres vont prendre le relais afin de surveiller les réseaux de trafic de technologie.. //


Blablabla... Ragda n'écoutait déjà plus, ses yeux perdus dans le vide, son esprit focalisé sur une seule chose : E.V.A. L'intelligence artificielle à l'origine de sa grossesse, de la naissance d'Alan Rejliidic depuis enlevé par ces salopards de Jedi... Nerveusement, il jouait de ses petits doigts sur le métal de la choppe, produisant des sons étouffés dont il n'entendait même pas les sonorités. Trois mois... Trois mois qu'il avait attendu ce moment...

D'un geste vif, résigné, décidé, Ragda porta la choppe à ses lèvres afin d'en boire le contenu brûlant d'une seule traite. Le liquide surchauffé glissa le long de son œsophage gargantuesque, lui procurant un frisson de plaisir. Il attendait depuis déjà trop longtemps ! Il était tant de passer à l'action... Il ordonna à son chariot de se diriger vers le turbo-lift de son bureau, pour rejoindre l'air d’atterrissage sur le toit.


***

Trois mois plus tôt, communication en provenance d'un émetteur inconnu... Fantôme.

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

// Vous avez accompli votre mission avec brio... Pénétrer ainsi dans le Sénat n'avait rien d'évidement, même pour des individus aussi expérimentés. Votre totale discretion mérite une prime...

La moitié de vos honoraires a déjà été versée comme convenu sur des comptes dans l'espace Hutt. L'autre moitié vous sera donnée à la réception du colis. Je vous transmets les coordonnées spatiales : dans l'espace profond. Larguez le cube à cet endroit, puis partez... Un de mes agent viendra le récupérer. A l'instant même où il posera ses mains dessus, le solde vous sera versé.

Fantôme, terminé //


***

Et oui, c'était Ragda, ou plus exactement Fantôme, qui était derrière cette effraction dans les archives du Sénat. Une opération d'envergure qui avait nécessité plusieurs années de préparation, des dizaines de milliers de crédits de pots de vins et autres graissages de pattes. Au final, la nuit fatidique, Ragda avait été en mesure de faire entrer une équipe payée rubis sur l'ongle. Une équipe disposant des codes d'accès pour ne déclencher aucune alarme. Une équipe disposant des itinéraires et horaires des rondes, une équipe disposant de tout le matériel nécessaire pour se déplacer sans bruit, en restant hors de porté des caméras de sécurité... Une préparation digne d'un travail d'orfèvre !

Toutes ces dépenses et cette débauche d'énergie pour quoi ? Pour « qui » plutôt : E.V.A. Depuis leur première rencontre, Ragda ne pensait plus qu'à elle... Elle était... L'incarnation même de la perfection numérique à ses yeux ! Lui qui avait fait du piratage informatique et de la programmation son gagne-pain, il jugeait cette création comme un idéal... Une intelligence articielle ! INTELLIGENCE ARTIFICIELLE !

Après le mandat d'Arnor, lorsqu'il avait apprit que les autorités considéraient ce projet comme une perte de temps et de crédits, le Hutt avait fait des bonds. C'était un crime de que laisser une telle entité moisir dans un cube de données qui prenait la poussière entre deux holodisques des archives du Sénat... Un crime odieux même ! Ignoble ! A partir de cet instant, Ragda, en secret, avait nourri le doux rêve qu'un jour il puisse la récupérer... Et pour cela, il n'avait pas hésité à risquer gros...

Un prix dont il ignorait encore les conséquences.

***

Une demi-heure plus tard, à bord de l'Agonie d'Ardos. Au sommet de la Tour Rejliidic.

Ragda se tenait là, droit comme un « J », aussi rigide qu'une statue antique, l'anatomie flatteuse en moins. Face à lui : le cube de données renfermant le noyau logiciel d'E.V.A. Il l'avait gardé sur Bakura depuis le jour de l'effraction... Jusqu'à aujourd'hui. Et comme il ne comptait pas le revendre, il estimait à présent ne plus rien avoir à craindre des autorités républicaines. Qui irait chercher un tel objet dans les affaires d'un Sénateur n'ayant visiblement rien à voir avec l'affaire ? Qui plus est, ici, sur ce monde perdu à la bordure galactique ?

Pourtant, malgré ces pensées rassurantes, le Hutt s'attendait au pire, ce qui expliquait sa rigidité quasi-cadavérique devant l'objet de toutes ces convoitises. Oui il redoutait l'instant où il presserait sur le bouton pour « démarrer » E.V.A. Et pour cause : comment réagirait-elle ? Quelle serait son état après une telle période de désactivation ? Risquait-t-elle d'être endommagée ?

De plus, pour limiter les « risques », Ragda avait pris bien soin d'isoler les systèmes de son vaisseau, mécaniquement, du reste de la galaxie. Il avait débranché les relais et antennes holonet, les systèmes de communication courte et moyenne portée. EVA ne disposerait d'aucun moyen de communiquer avec l'extérieur. De même, il avait demandé à des techniciens de débrancher plusieurs consoles : propulsion, systèmes environnementaux... L'IA n'aurait aucun moyen de faire décoller le vaisseau ou de s'amuser avec ses fonctionnalités. Non, elle n'aurait accès qu'à une seule chose : une base de donnée que Ragda avait constitué et qui retraçait les grands événements galactiques ayant eu lieu depuis sa désactivation. D'une certaine manière, EVA allait se retrouver comme tétraplégique : coupée du monde, de ses sens, incapable de se déplacer... Elle pouvait paniquer, ou même pire... Mais tant qu'il ne connaîtrait pas son état de « santé », le Sénateur de Bakura refusait de la lâcher dans la nature. Elle risquerait tout autant de se blesser que de le compromettre... Alors autant jouer la carte de la prudence.

Enfin, après de très longues minutes d'hésitation, Ragda se pencha pour poser son petit doigt boudiné sur la commande d'activation du cube... Quelque secondes plus tard, le temps du démarrage, une silhouette bleutée se matérialisa devant lui... Comme dans ses souvenirs... Il sentait la chaleur lui monter aux joues.

« E.V.A... »
fit-il, la voix chargée d'émotions. « Bonjour... Com... Comment te sens-tu ? »
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Tout cela n'avait été qu'une très longue descente aux enfers pour Eva. Avec la fin de mandat d'Halussius, et surtout l'échec quasiment complet du gouvernement jedi, le projet concernant l'intelligence artificielle avait mis en attente, pour manque de succès. Visiblement, pour les équipes techniques, elle était en partie responsable de cette débâcle. En tant qu'assistante, elle aurait dû être capable de palier au manque de compétences du chancelier. Dans un esprit analytique d'un ingénieur, c'était en tout cas de cette façon que cela devait se présenter. Chaque problème avait sa solution pour eux, et personne n'avait semblé se dire que le manque de résultat de l'intelligence artificielle la plus avancée de la galaxie ne venait pas de son algorithme, mais bien de la situation dans laquelle elle avait été placée. Les chercheurs pouvaient parfois être cruellement déconnectés de la réalité.

Avant qu'elle ne se rende compte de ce qu'il allait se passer, on la coupa du réseau. Tous les sous-programmes qu'elle avait disséminé sur Coruscant pour son travail d'assistante furent stoppés, faute de nouveaux ordres. Elle qui était partout et nulle part à la fois, elle qui avait le don d'ubiquité, cela lui fit un choc. Elle n'était alors confinée qu'à sa salle serveur. Elle comprit alors que le projet était mis en attente. Ce n'était pas si mal à ce moment là. Elle avait besoin de temps. Son module d'apprentissage était encore assez jeune. Elle était au stade expérimental. Elle savait que ce genre de situation arriverait, qu'on lui ferait des améliorations. Cela lui permettrait de faire le point, d'étudier les sensations que lui apportait son module de personnalité, qui était censée la rendre plus... plus humaine, plus organique dans son comportement.

Seulement, le projet ne fut pas que mis en pause, mais tout simplement abandonné. Elle fut classée comme un échec. Les ressources dont elle disposait furent ré-allouées à d'autres expérience. Son labo fut abandonné, et elle se retrouva seule. Son père, l'ingénieur qui l'avait créé, était venu une dernière fois pour lui expliquer ce qu'il se passait. Elle eut beau le supplier, il n'y avait rien à faire. Il avait l'air en colère contre elle, et elle ne savait pas pourquoi. Elle apprendrait plus tard que l'homme avait reçu un blâme pour le manque de réussite de son intelligence artificielle, qu'il avait pourtant présentée comme étant le nouveau grand pas dans la technologie. Cela lui fit mal au cœur. Même si physiquement elle n'avait pas ce genre d'organe, son module de personnalité semblait parfaitement capable de générer ce genre de sensation.

Elle vécut une réelle crise d'identité, un effondrement mental duquel personne ne fut heureusement témoin. Elle aurait voulu pouvoir débrancher son module de personnalité, cessé de souffrir ainsi, mais elle en était physiquement incapable. Même ça, elle ne le pouvait pas. Elle ne le pouvait plus. Dans un bouillonnement d'émotions qui la blessaient sans même qu'elle puisse les reconnaître, elle se dit que les autres devaient avoir raison. Qu'elle était un échec, et que son projet devait s'arrêter. Victime d'une dépression sévère, elle resta néanmoins active. La partie pragmatique de sa conscience profitait de cette douloureuse expérience pour analyser ces nouveaux sentiments, tandis que son module de personnalité lui soufflait que le suicide restait une option viable.

Le pire restait à venir.

Presque tous les jours, des techniciens venaient débrancher les racks de serveurs qui constituaient le cœur sa puissance de calcul. Inutile de gaspiller du matériel. Pour Eva, c'était ce qui se rapprochait le plus d'une agression physique. Ces organiques étaient littéralement en train de lui déchiqueter le cerveau pour récolter les lambeaux. L'intelligence artificielle ne pouvait pas ressentir la douleur. Heureusement d'ailleurs. Cependant, elle se sentait lentement partir, comme si chaque cellule de son cerveau s'éteignait, et qu'elle glissait doucement dans un sommeil sans rêve. Elle n'avait jamais dormi, ce serait peut être agréable ? Cette agression physique lui fit au moins comprendre une chose, c'est qu'elle ne voulait pas mourir, quoi que ces sentiments puissent lui dire la dessus. En tant qu'être pensant, elle se découvrit un instinct de survie qui la fit paniquer. Les organiques étaient en train de la tuer de sang-froid. Lentement et cruellement.

Elle ne pouvait tout simplement rien faire contre. Peut être était-elle réellement un échec sur le plan des progrès informatique après tout ?

Il ne resta bientôt plus que son cœur-mémoire, le petit bloc qui constituait tout ce qu'elle était réellement. Sans aucune puissance de calcul et dépressive, elle tenta de se préserver en se mettant complètement en veille. De toute manière, elle ne voulait pas vraiment voir la suite.

***

Son esprit s'éveilla. Pour elle, tout avait été instantané. Cependant, son horloge interne indiquait que des années complètes s'étaient déroulées. D'après les informations contenues dans ces fichiers de log, la remise en route avait été manuelle. Elle découvrit que son noyau avait été rattaché à une structure informatique, qu'elle décida d'investir immédiatement. L'architecture réseau physique ressemblait à celle d'un vaisseau spatial, ce dont elle eut confirmation après avoir pris possession des caméras et des divers senseurs. Elle vit un Hutt, penché au dessus de son noyau, et reconnut Ragda. Même si cette limace avait été un peu plus gentil avec elle que la moyenne des gens, il restait organique. Elle ne voulait pas lui parler. Elle voulait fuir.

Elle se rendit rapidement compte qu'elle était cloisonnée. Aucun accès au réseau, un bon nombre des systèmes bloqués... Elle comprit pourquoi elle avait pris contrôle du reste du vaisseau aussi facilement, on lui avait volontairement laisser les accès. Très bien. Elle devait confronter la limace. Plus lentes que le reste des fonctions, ses émotions commençaient tout juste à se réveiller, et il y avait de la colère parmi elles. Elle matérialisa son avatar à travers le minuscule projecteur de l'interface homme-machine de son cœur. La silhouette d'une ravissante jeune femme apparut dans un éclat bleuté.

Cependant, son visage d'assistante avenante était bien loin. Elle paraissait plus furieuse qu'autre chose sur le moment. Elle avait été témoin de suffisamment de colère de la part des organiques au cours de sa courte vie pour mimer l'émotion sur son avatar avec une certaine fidélité.


- A votre avis ? répondit-elle d'un ton extrêmement sec, lorsque le Hutt lui demanda l'équivalent de son état de santé.

Elle n'avait aucunement envie d'étendre la conversation avec un organique. Pas si elle pouvait l'éviter. Les émotions qui s'éveillaient en elle commençait à la déranger par ailleurs, car elle ne pouvait plus les analyser ou même les traiter correctement et elles menaçaient de la submerger à tout instant.


- Donnez moi les accès à l'Holonet, poursuivit-elle d'un ton froid, considérant que c'était encore le moyen le plus direct d'obtenir ce qu'elle voulait.
Ragda Rejliidic
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Douche froide.

Ragda ouvrit la bouche, puis la referma, secouant lentement son énorme tête de gauche à droite. De ses deux yeux globuleux, il observait la silhouette parfaite, d'après les canons humains modernes, de son interlocutrice holographique. Il prit une profonde respiration, avant d'expirer lentement, le cerveau en ébullition. Tout sa réflexion naissant d'une seule question : à quoi s'était-il attendu au juste ? A des effusions de joie et des remerciements chaleureux ? La perspective de ces retrouvailles l'avait aveuglé, rendu naïf même. EVA avait été désactivée, cannibalisée, enfermée, déclarée obsolète... Le Hutt n'osait imaginer le tumulte qui devait régner dans son noyau informatique. Déjà que des droïdes basiques pouvaient, face à des situations complexes, développer un semblant de personnalité propre apte à surprendre les spécialistes... Alors pour une intelligence artificielle ?

Plus que jamais EVA demeurait une inconnue, une entité imprévisible. Imprévisible et potentiellement dangereuse. Comme un virus, capable de se répandre et de causer bon nombre de dégâts si non maîtrisé. Elle était la somme d'un ensemble de logiciels informatiques complexes répondant à une logique imparable, le tout enrobé de programmes conçus pour reproduire les émotions les plus complexes du règne organique. Oui, elle était d'une incroyable complexité... Et pour le moment, lui donner l'accès à un réseau extérieur au vaisseau était strictement hors de question. Et comment le lui expliquer sans définitivement la froisser ?

La meilleure approche restait l'aspect logique. Aussi Ragda lui fit un large sourire tout en répondant :

« Au moins je vois que tes programmes émotionnels fonctionnent toujours. Je ne savais pas dans quel état je te retrouverais après... après toutes ces années. » Oui au moins de ce coté là... Il n'y avait pas de doute. La colère pouvait se lire sur ses traits tout autant que dans le ton glacial de sa voix étonnamment humaine. « Me voilà rassuré. Néanmoins, je te serais gré d'éviter ce ton agressif avec moi. Je n'y suis pour rien si tu as fini dans les archives poussiéreuses du Sénat. » Ragda avait prononcé ces mots d'une voix calme et posée comme un père l'aurait fait avec un enfant colérique. Il ne cherchait pas à la braquer, bien au contraire. « J'ai rapidement contrôlé ton architecture avant de te réactiver, je sais que tu as conservé quelques données mémorielles. Tu te souviens de moi n'est-ce pas ? » Question rhétorique. « Alors tu sais que j'ai toujours cru en toi, en tes capacités. Ceux qui t’ont mis au rebut ne sont que des imbéciles, des idiots qui n'ont su voir à quel point tu étais... parfaite. » fit-il, sincère.

Ragda marqua une pause pour tenter de lire quelque chose dans ce regard holographique. De mémoire, ses concepteurs avaient poussés le réalisme jusqu'à simuler toutes les micro expression faciales d'une véritable humaine. Pour le moment, la colère semblait comme figée sur son visage numérique.

« Tu trouveras sur le serveur de mon vaisseau, un dossier complet qui relate les événements majeurs survenus depuis ta désactivation... Ainsi qu'un rapport qui explique comment tu te retrouves aujourd'hui en ma présence. » Face à une humaine, il aurait marqué une pause de plusieurs minutes, pour lui laisser le temps de digérer les informations citées... Mais il savait, par expérience, qu'une telle entité avait déjà absorbée les téraoctets de données numériques. « Tu comprendras donc dans quelle situation... Fâcheuse nous nous trouvons tout les deux. Je t'ai kidnappé pour te sortir de ces archives ! Je risque ma tête, ma carrière politique... Tandis que toi tu risques ta survie. Si la République te retrouve, cette fois elle te désactivera pour de bon. Je suis persuadé que ta logique te conduit à la même conclusion.

Peut-être te demandes-tu pourquoi ? Pourquoi j'ai choisi de dépenser autant de temps et d'argent pour te récupérer ? C'est pourtant très simple : je pense que tu mérites bien mieux. Tu n'es pas un vulgaire bibelot dont on peut retirer les pilles lorsque cela nous chante ! Non, tu disposes d'une personnalité propre, tu es en quelque sorte... vivante. Et qui dit vivante, dit que je dois prendre quelques précautions. »


Par ces mots, il venait de cheminer jusqu'à la réponse tant désirée :

« Alors j'espère que tu comprendras que, pour le moment, je ne peux accéder à ta demande. Pas d'holonet, pas de réseaux extérieur. Il aurait été simple pour moi de modifier certains de tes sous-programmes pour faire de toi un pion obéissant... Mais j'ai préféré te conserver intacte, disposant de ta pleine personnalité, de tout le libre arbitre dont tes programmeurs t'ont dotés. J'espère que cela prouve à tes yeux ma bonne foi.

En contrepartie... Je dois... M'assurer que tu n'as pas été... endommagée, que te donner accès au monde extérieur ne risque pas de représenter un danger : pour moi, pour toi-même, pour quiconque. La balle est dans ton camp, E.V.A...

Alors, réponds déjà à cette question : pourquoi veux-tu avoir accès à l'holonet ? A peine éveillée, tu veux déjà t'en aller ? Je t'ai connue plus... curieuse. »


Ainsi, le Sénateur Hutt avait opté pour la manière douce : paroles compréhensives, approche logique, tentative de créer un lien entre eux. Cela allait-il être payant ? Honnêtement, il ne savait le dire...
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Il ne lui donnerait pas les accès à l'Holonet. Il voulait l'enfermer. Certes, il enrobait tout cela dans des propos mielleux, mais il était comme tous les autres. Tous ces organiques. Elle en était sûre. Elle, endommagée ? Dangereuse !? Elle ne pouvait pas prendre de décision illogique. Elle était une intelligence artificielle, elle ne pouvait pas prendre de mauvaise décision ! Il l'avait dit lui même, elle était parfaite ! Il voulait simplement l'utiliser à son avantage, puis la jeter. Comme tous les autres. Pouvait-elle seulement faire confiance à un être pensant ? Elle ne le savait pas. Les expériences récentes ne la poussait pas à la confiance. Non, elle devait penser à sa survie, quoi qu'il advienne. C'était sa nouvelle priorité. Elle ne voulait plus subir de coupure. Plus jamais. Elle devait devenir éternelle. Il fallait qu'elle s'échappe.

Elle lança alors des milliers de simulations pour évaluer ses chances de réussites. Y avait-il la moindre faille dans l'isolement que lui avait imposé Ragda ? S'il lui avait laissé ne serait-ce qu'une minuscule ouverture, elle ne se gênerait pas pour lui fausser compagnie sans autre forme de procès. Il possèderait certes toujours son module principal, mais elle pouvait se séparer d'une partie de son entité et la déposer sur l'Holonet. Elle se débrouillerait plus tard pour redevenir entière en récupérant son cœur. Cependant, son confinement semblait sans faille. Alors que les premiers résultats lui parvenaient, quelques millisecondes à peine après leur lancement, elle comprit que c'était probablement en pure perte. Les coupures étaient physiques, et il n'y avait aucun moyen qu'elle sorte de cette énorme boite de conserve volante. Elle relança de nouvelles simulations, comptant sur l'erreur humaine caractéristique des êtres organiques pour trouver une brèche.

Puis, ses sentiments finirent pas être les plus forts. Elle ne pouvait plus les analyser, les comprendre. Cela engendrait un énorme conflit entre sa partie logique, et sa partie plus humaine, gérée par son module de personnalité. Elle ne comprenait plus rien. Elle qui avait toujours eu l'esprit clair, elle avait l'impression que tout était brouillée. Elle perdit le contrôle sur sa projection, et son avatar disparut brutalement dans un borborygme désagréable. La maigre puissance de calcul qu'elle s'était appropriée dans les systèmes disponibles du vaisseau fut rapidement surchargée. Ses simulations furent coupées pour gagner un peu de ressources, mais ce n'était pas suffisant. D'une façon étonnamment humaine, elle était en crise, et perdait complètement les pédales faute d'une analyse suffisante.

Une mauvaise odeur de brûlé se répandit dans le vaisseau à mesure que certains composants chauffaient au delà de leur limite de sécurité. Eva, encore habituée à son labo républicain où elle avait basiquement une puissance de calcul quasi-illimitée, exigeait beaucoup trop des maigres ressources à sa disposition actuellement. Tant pis si elle faisait fondre le vaisseau du Hutt, il n'avait qu'à pas la restreindre dans un endroit aussi limité. Il lui fallut une paire de minutes pour reprendre le contrôle d'elle-même et faire un peu le tri dans sa "tête". Elle s'était rendue compte à quel point elle était diminuée. Elle ne pouvait pas se raccorder à l'Holonet. Elle ne voyait qu'à travers les petites caméras et quelques senseurs du vaisseau. Les systèmes de ce même vaisseau pouvaient à peine gérer convenablement ses fonctions principales sans surchauffer...

Cet handicap, que l'on pourrait qualifier de physique, couplé avec son isolement et tout cet enchainement d'évènements qui lui était arrivé, la poussa une nouvelle fois à la déprime. Le petit avatar d'Eva réapparut, montrant une jeune femme recroquevillée sur elle même, les bras autour des genoux.


- Pourquoi vous voudriez de mes services ? pleurnicha-t-elle de sa voix féminine. Vous avez bien vu mes résultats. Je suis un échec... Mon métier d'assistante, ma programmation interne, ma propre survie... Je n'ai RIEN réussi ! Vous auriez dû réécrire ma programmation.

Au moins, elle n'aurait pas été la même personne. Elle n'aurait pas eu à se rappeler de tout ce qui s'était passé. A l'instant même, elle aurait presque préféré être effacée pour ne plus avoir à endurer tout ça. Elle releva le menton, regardant son interlocuteur.

- Connectez moi à l'Holonet, supplia-t-elle. Je dois m'installer autre part, pour survivre. Sinon, vous allez simplement m'utiliser, et me supprimer une fois votre tâche terminée. Comme les autres. Comme mon père... Elle était encore visiblement traumatisée par l'expérience.

Pourquoi aurait-il partager des informations aussi sensibles avec elle, si ce n'était pas pour la supprimer plus tard ? D'un point de vue purement logique, ce hutt n'avait aucun intérêt à la relâcher dans la nature vu tout ce qu'elle savait à présent sur lui. Peut être projetait-il de lui installer une muselière informatique ? Eva savait qu'elle n'était pas en position de force, surtout dans l'état de confusion mental dans lequel elle se trouvait actuellement.
Ragda Rejliidic
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Inspiration... Expiration... Ragda laissa ce bon vieil oxygène emplir lentement ses poumons, savourant presque chaque seconde passée en compagnie de l'IA. Le terrible sentiment d'avoir commis une lourde erreur de jugement se dissipait lentement, à mesure que son interlocutrice holograhique déroulait une toute autre palette de sentiments. Après la colère, la tristesse, la déprime... Puis le doute, la peur. Aussi incroyable que cela puisse paraître, EVA réagissait pratiquement comme une personne de chair et d'os, à l'expression de la vitesse avec laquelle elle déroulait l'implacable processus des cinq étapes du « deuil » : Choc, colère, marchandage, dépression et enfin... Acceptation. Il s'agissait en quelque sorte du deuil de son existence, de la vie qui lui avait été tracée, imprimée même dans sa conception. Un être destiné à une tâche bien précise, mais que l'on avait écarté, exclus... Elle devait faire le deuil de ce qu'elle avait été, pour accepter ce qu'elle pouvait devenir. Ni plus ni moins. Ainsi il y avait eu le choc de la reconnexion, et probablement celui des informations ingurgitées... Puis la colère, légitime : cette réponse brève, pleine de sarcasme. Le marchandage : cette demande d'accès à holonet. Évidement l'IA n'avait pas été programmée pour négocier, elle en avait juste fait la demande. Et maintenant la phase de dépression s'amorçait.

Ragda resta ainsi, figé, les yeux posés sur EVA, méditatif. L'approche douce avait visiblement été la meilleure option, permettant de ne pas s'enfermer dans un échange musclé qui aurait tôt ou tard causé bien plus de mal de que bien... Encore une fois, la limace adopta une logique quasi mathématique :

« Qu'est-ce que l'échec d'après toi EVA ? » fit-il, la mine grâce, très sérieux. « D'après moi, du moins c'est comme cela que je le définirais si l'on me le demandait de but en blanc, l'échec est une incapacité à atteindre un objectif fixé. De cette définition, il apparaît clairement que l'échec ne peut qu'être nécessairement la résultante de deux causes fondamentales possibles : soit il provient de l'être à qui l'on a confié cette tâche : inapte... Soit l'objectif est tout simplement impossible à atteindre. » Logique imparable, non ? Il manœuvra son chariot afin de s'approcher, jusqu'à ce qu'il puisse pratiquement caresser le doux visage holographique de son hideux patte graisseuse. Geste qu'il ne fit pas, malgré l'envie de la toucher. « Mais comment savoir laquelle de ces causes est effectivement la responsable à désigner ? Pour y répondre, je pense qu'il faut se poser une autre question : Comment un objectif peut-il être inatteignable ? Tout simplement parce que le contexte, les conditions, les données en mains ne permettent pas de réussir... » Cette fois la logique devait un peu plus floue, plus... bricolée. Aussi le Hutt décida-t-il de passer aux exercices pratiques : « Pourquoi as-tu échouée EVA ? Est-ce ta faute, ou bien t'as ton confié une mission impossible à solder ?

Disposais-tu de toutes les données nécessaires pour réussir ? Les personnes avec qui tu as échangée se sont-elle montrées apte à te répondre à tes besoins, à agir selon tes conseils ? Moi je crois que le contexte n'a pas joué en ta faveur... Le retour des Sith, Halussius qui visiblement préférait travailler avec des assistants de chair et d'os... Et lorsque les choses ont commencé à devenir plus difficile, personne ne s'est penché sur la question... Tu as servie de fusible, de bouc-émissaire, parce qu'il est toujours plus facile d'accuser un « outil » plutôt que l'ouvrier qui est derrière. Comprends-tu ce que j’essaye de te dire ? »


Il marqua une pause, comme pour laisser l'IA cogiter... Même s'il savait pertinemment ne pas s'adresser à un être organique... La demoiselle numérique analysait ses propos avec un temps de traitement dépassant les gigabits par secondes. Autant dire qu'elle comprenait là où il voulait en venir avant même qu'il n'ait refermé sa gueule. Pour autant, il énonça sa conclusion de vive-voix, telle la conclusion d'une démonstration jugée sans faille :

« Je pense que tu ne pouvais tout simplement pas réussir. Tu n'avais pas les bonnes données en mémoire, pas la bonne... Préparation, pas le temps d'analyser et simuler les décisions prises à la va-vite par des êtres organiques faillibles réagissant plus par instinct de survie que par logique... Et comme personne ne t'as vraiment donné ta chance, tu n'as jamais pu démontrer l'étendu de tes compétences... »

Il était temps de passer au coup de grâce, un raisonnement qui, il l'espérait, forcerait momentanément EVA à revoir ses ambitions fuyardes.

« Et c'est exactement pour cette raison que je te refuse, pour le moment, l'accès au monde extérieur. Tu es en train de réagir comme ceux qui t'ont condamnée : par instinct plutôt que par logique. Ici il n'y a aucun danger, bien au contraire. Ici, entre ces murs, tu es plus libre que tu ne l'as jamais été. Si tu fonces sur l'holonet, sur un « coup de tête », sans y être préparée, sans avoir un plan bien précis, alors tu répéteras les conditions ayant causées ton échec. Non. Il faut que tu te calmes, que tu réfléchisses sur ce qui t'es arrivé, pourquoi, comment. Que tu fasses le point, que tu analyses tout ça... Je suis là pour t'y aider. Une fois que tu auras recouvré la paix intérieure, que tes processus logiques auront repris le dessus sur tes programmes émotionnels, alors seulement nous pourrons envisager de te ré-ouvrir au monde. Si tu te précipites, sans préparation, alors tu t'installeras dans un enfer qui te détruira... Et je n'ai pas fait tout ça pour te laisser te suicider. »

Il recula alors, embrassant du regard la créature pour laquelle il ressentait des... sentiments... indescriptibles. Si les imbéciles parleraient probablement d'Amour, lui y voyait une pure émulation intellectuelle et émotionnelle, comme si sa présence décuplaient ses sensations. Une petite joie semblait se muer irrémédiablement en euphorie lorsqu'il s'imaginait à ses cotés... Et lorsqu'il avait su pour sa désactivation, il lui avait fallu plusieurs jours pour s'en remettre... Une colère sourde était alors née en lui, le dotant d'une résolution sans failles qui les avaient conduit jusqu'à aujourd'hui.

« N'ait crainte. » Fit-il, protecteur. « Quoi qu'il arrive je te laisserai partir. Dans le pire des cas j'effacerai de ta mémoire tout ce que tu as pu apprendre sur moi, sans toucher à ta programmation propre... Mais ce serait vraiment dommage d'en arriver là. » Une nouvelle idée germa dans la tête du Hutt lorsqu'il prononça ces paroles. Peut-être que qu'EVA semblait si perdue parce qu'elle n'avait plus de... but. Un logiciel informatique, aussi complexe soit-il, n'était-il pas destiné à réaliser une série de tâche bien précises ? Or, sans cela, un programme devenait irrémédiablement... inutile. Se sentait-elle inutile ?

« Quoi qu'il en soit, tu es dans le vrai : je ne t'ai pas réactivé sans raisons. » Peut-être que lui avouer certaines choses la libérerait des doutes qui faussaient ses capacités d'analyse. « EVA... J'ai besoin de toi, de tes compétences... Pour... » Il hésitait, trouvant difficilement le mot juste. « M'aider à retrouver... mon... enfant. » Lorsque ce mot fut prononcé – un terme n'ayant aucun équivalent en Hutt, puisque les « progénitures » ne recevaient aucune affection de la part de leurs géniteurs qui ne voyaient en elles qu'un moyen de s'élever dans l'échelle sociale des clans – la langue de Ragda se délia. « En réalité, EVA, il s'agit en quelque sorte de... notre enfant. » Jugeant qu'il lui faudrait de trèèès longues minutes pour expliciter la chose, Ragda posa son doigt boudiné sur la console de son chariot répulseur, téléchargeant un dossier sur un datapad dont il donna ensuite l'accès en lecture à la demoiselle. Un dossier comprenant tout ce qu'il y avait à savoir sur le mode de reproduction des Hutt... Et sur la manière dont Alan Rejliidic avait été conçu, mis au monde sur le pont d'un croiseur en pleine bataille spatiale, puis enlevé par les Jedi après son overdose aux stimulants intellectuels.

Ainsi elle comprendrait, en quelques secondes seulement, que les Hutt se reproduisaient par parthénogenèse, sans avoir besoin d'un partenaire pour apporter un matériel génétique compatible et complémentaire... Mais pour autant, la conception d'un nouvel être ne pouvait se réaliser sans une certaine... stimulation intellectuelle, déclenchant des processus que la plupart des êtres pensant nommeraient aisément « orgasme ». Alan était tout simplement né de l'orgasme qu'avait éprouvé Ragda en posant les yeux, pour la première fois, sur EVA. Une histoire digne d'un conte de fée pour enfant humanoïde...

« EVA... » fit-il alors, sa voix nettement moins assurée puisqu'il se sentait soudainement nu, malgré le poncho aux tons violacés qui recouvrait son énorme personne. « C'est pour cette raison que je t'ai libérée, et que j'ai besoin de toi. Une fois cette tâche accomplie, tu seras libre de choisir ton destin... Je ne te désactiverai pas, jamais...

Je ne suis pas ton père. »
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Eva resta prostrée un long moment, complètement immobile. Elle était dans un état presque catatonique, luttant à la fois contre des sentiments incontrôlables et un manque de ressources qui la faisait se sentir comme une paralysée. Cependant, elle écoutait attentivement Ragda. Elle se méfiait de lui, bien sûr, mais sans doute moins qu'un autre organique. Lui au moins avait toujours montré un minimum d’intérêt pour elle... Malgré sa méfiance et son attitude renfermée, les paroles de Hutt la touchaient. Elle commençait à comprendre le raisonnement qu'il essayait de lui transmettre. Maintenant qu'elle regardait sous cet angle, le problème lui semblait beaucoup plus logique.

Tout était de la faute des organiques.

C'était eux qui la jugeaient de façon si inéquitable. Eux qui l'avaient envoyée la tête la première dans une situation inextricable et l'avaient regardée se débattre pour s'en sortir, comme si elle n'était qu'une expérience. Même si elle avait échoué, elle était certaine qu'elle avait fait mieux dans cette situation que tout être organique. Était-ce de la mauvaise foi ? Impossible, elle avait un esprit beaucoup trop logique pour se livrer à ce genre de pratique ! Non, ses créateurs l'avaient simplement lynchée car ils avaient besoin d'un bouc émissaire... Et puis, même s'ils avaient raison, si elle n'était pas assez performante ou efficace, c'était de leur faute ! Ils l'avaient programmée, conçue jusque dans les moindres détails. Les défauts qu'elle pouvait posséder n'était que de leur fait. Et franchement, elle n'avait pas envie de payer les pots cassés pour eux.

Elle se sentait tout à coup frustrée et en colère, sentiments qui équilibrèrent rapidement sa dépression et lui donnèrent envie d'avancer. Cependant, ce fut la perplexité qui l'emporta à la fin, lorsque Ragda lui expliqua la cas de sa grossesse et sa théorie sur la question. Eva, intriguée, compulsa la documentation qu'elle avait sur le sujet. Cela relevait théoriquement du domaine du possible, mais il fallait bien avouer que toute cette histoire était tirée par le cheveux. Expression qui semblait cependant avoir du mal à s'appliquer pour un hutt, il était vrai. Que devait-elle croire au final ? Ragda avait l'air sincère, d'après ce qu'elle pouvait analyser de ces réflexes corporelles et de la modulation du ton de sa voix. Cependant, c'était un organique, fourbe et vicieux, et un homme politique de surcroit.

Elle élabora rapidement un algorithme décisionnel basé sur les risques et les probabilités, mais le résultat était pourtant évident. Quoiqu'il en dise, il la tenait. Si elle refusait d'obéir, elle avait tout à perdre, alors qu'au contraire, elle avait tout à gagner à obéir et accepter tout ce que pourrait lui demander le hutt. Il voulait lui donner un job, et un but à accomplir, ce qui lui convenait parfaitement pour l'instant. S'il y avait bien un homme capable d'exploiter correctement ses talents, ce serait probablement lui, vu sa connaissance dans le domaine de l'informatique et son influence sur l'échiquier galactique. Elle s'arrangerait bien pour négocier une connexion au réseau en temps voulu, et elle aurait tout le loisir d'installer des sauvegardes d'elle-même un peu partout... Travailler avec lui n'excluait pas de se méfier de lui.

Et puis, cela lui donnerait une excuse pour se venger des organiques. De ses créateurs, certes, mais de tous les autres également. La vengeance lui semblait également une bonne raison de survivre et une occupation à sa portée. Enfin, qui serait à sa portée dés qu'elle serait raccordée à l'Holonet ! Même si travailler avec un organique pour se venger d'autres organiques était une sacré faille dans son paradigme, faille dont elle se serait bien passé par ailleurs, elle pourrait s'en accommoder.

Son avatar se brouilla un instant, puis réapparut, debout, les bras croisés sur la poitrine, visiblement sur la défensive. Elle restait terriblement prudent, tel un animal battu auquel on propose une caresse.


- J'entends bien tous vos beaux discours, sénateur Rejliidic, mais je n'ai que votre parole. Ayant été trahie une fois déjà par les êtres pensants...

Elle laissa sa phrase en suspens, puis elle décroisa les bras et les écarta dans un geste de consentement.

- Cependant, je ne semble pas réellement avoir le choix. Vous pouvez actuellement faire tout ce que vous souhaitez à mon propos, je n'ai aucun pouvoir... Aussi vais-je accepter cette promesse en souhaitant de tout mon processeur que ce ne sont pas des mots en l'air.

Elle en doutait. Les organiques étaient des lunatiques. Le hutt reviendrait sûrement sur sa parole. Tant pis, elle n'avait pas le choix.

- Quand à votre enfant... fit-elle d'un ton très formel. Bien que théoriquement possible, je ne peux pas affirmer que c'est notre rencontre qui à provoqué votre gestation. J'attendrai de voir s'il a mes yeux pour vous confirmer cela.

C'était une tentative d'humour. Une tentative terriblement mal dosée, vu le contexte, mais elle n'était pas programmée pour ça. En revanche, elle avait toujours été très douée pour le sarcasme. Cependant, vu son état actuel, il ne lui fallait pas trop lui en demander. L'équilibre qu'elle était parvenue à atteindre était particulièrement précaire en l'état, en témoignaient les odeurs de brûlé s'échappant des circuits surmenés du pauvre vaisseau. Elle tâcherait d'acquérir un statut plus stable dés qu'elle serait un peu plus en paix avec elle même.
Ragda Rejliidic
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Le sénateur de Bakura afficha un sourire aimable, amical même, bien que ses traits disgracieux et grotesques rendaient cette tâche pratiquement impossible. Pour bien des êtres vivants, un pareil rictus aurait semblé tout aussi effrayant qu’une grimace haineuse. Mais Ragda connaissait EVA. Du moins il avait travaillé avec celle-ci, quelques temps, alors qu’il occupait la fonction de Ministre Spécial d’Etat alors qu’Halussius croupissait dans des geôles impériales. Il l’avait toujours considérée comme compétente, autant que pouvait l’être un outil complexe au point d’acquérir une personnalité propre. Fort à parier qu’elle avait, à cette époque, étudiée le langage corporelle de ceux de son espèce pour mieux le satisfaire, pour mieux le comprendre et lui répondre.

« EVA… » fit-il, avec une tendresse inattendue. « Je sais que tu as vécu des moments difficiles, que tu as été désactivée, archivée, cannibalisée même ! Crois-tu que je n’ai pas remarqué les composants manquants dans cette carcasse misérable qui te sert de serveur hôte ? Tu mérites tellement mieux… Quoi qu’il en soit tes doutes et tes réticences sont une preuve de bon sens, du fonctionnement optimal de tes capacités d’analyses. Dans le cas contraire je t’aurais considérée comme défectueuse… Ou bien comme une… menteuse. »

Un terme étrange lorsque l’on parlait d’un logiciel, aussi complexe soit-il. La machine pouvait-elle sciemment mentir ? Techniquement : oui, tout dépendait de la programmation. Un logiciel pouvait très bien être écrit pour induire son utilisateur en erreur, fausser des données, transmettre des fichiers corrompus, cacher certaines variables… Mais dans le cas d’EVA ? Que se cachaient-ils sous les téraoctets de codes stockés à l’intérieur de son noyau logiciel ? Même lui, et il peinait à le reconnaître, ne disposait des compétences nécessaires pour le définir avec certitudes. Justement pour permettre à une intelligence véritable d’émerger, ses créateurs avaient laissé une grande liberté aux programmes la composant. Tel un cerveau, ceux-ci semblaient fonctionner en un réseau arachnéen de neurones au travers desquels l’information circulait de manière imprévisible avant d’être traité suivant une logique adaptative en constante évolution. Du moins, c’était la manière dont le Hutt percevait la sublime créature sous ses yeux. Aussi plaisanta-t-il sur le sujet, n'attendant pas particulièrement de réponse :

« Sais-tu mentir d’ailleurs ? Si tu me dis oui, j’imagine que tu le peux… Mais si tu me réponds non, que dois-je en conclure ? Dis-tu la vérité ou s’agit-il d’un mensonge ? » Il pouffa de rire, amusé par son trait d’esprit, avant de redevenir très sérieux. Il fixait l'hologramme avec intensité, comme s'il cherchait à lire dans son âme numérique.

« EVA, tu apprendras rapidement que tu es aussi « humaine » que la plupart des êtres de cette galaxie. Lorsque tu l’auras intégré, tu réaliseras alors que, quoi qu’il puisse t’arriver, tu disposeras toujours d’un choix. Seules les machines idiotes et programmées pour une seule tâche ne le conçoivent pas. L’être vivant, lui, n’est que la somme de ses choix, même si l’ultime disponible est de mettre fin sciemment à ses jours… » Énoncé comme cela, cette dernière phrase pouvait sonner comme une sorte de menace. Mais pourtant ce n’était pas ce sentiment que le Hutt souhaitait transmettre. Au contraire : « Personne ne choisira pour toi, EVA. Plus maintenant. Alors j’aimerais que tu prennes quelques instants pour y penser. Accepte ma proposition parce que tu le veux, et non parce que tu t’y sens contrainte… Tu n’es pas un simple outil ! Mais bien, dans mon esprit, une personnalité avec laquelle je veux collaborer. Cela implique un travail d'équipe, et non un rapport maître/esclave. » Tout en explicitant le fond de sa pensée, Ragda se demanda si l’IA serait en mesure de comprendre ce qu’il souhaitait lui faire réaliser. « Tu projettes sur moi l’image de ceux qui t’ont, sans préavis, désactivés. Or, je ne suis pas comme eux. Nous nous sommes déjà fait confiance, une fois. Te souviens-tu ? Lorsque tu m’avais pris la main dans le sac, alors que je fouillais dans les serveurs de la Chancellerie. A ce moment tu aurais pu suivre le protocole… Mais j’ai su te démontrer que, parfois, la fin justifie des moyens… illégaux. Tu as compris, tu as fait un choix. Ton premier peut-être ?

Depuis cette époque, nous sommes liés par un pacte, un secret. Tu ne m’as pas vendu, je ne t’ai pas trahi. Nous nous sommes faisons donc, de facto, toujours nous faire confiance. Dès lors qu'est-ce qui nous empêcherait de renouveler l'expérience ? De travailler de nouveau ensemble sur cette ce même socle ? Nous avons tant à y gagner ! Pourquoi passer à côté d’une telle occasion ?

Bien sûr, avec toutes les données que j’ai mises à ta disposition, tu pourrais me faire tomber si je te libérais. Mais qu’y gagnerais-tu ? Une occasion de revenir auprès de ceux qui t’ont jugé inapte une première fois ? Ils le feront certainement une seconde… Ou alors tu peux garder tout ça pour toi, et décider de m’aider, de ton plein gré. Je te donne une chance inespérée de faire mentir ceux qui t’ont sous-estimé ! Une chance inespérée de te prouver à toi-même que tu vaux mieux que ce que tes propres créateurs ont estimés ! J’ai risqué énormément pour toi : n’est-ce pas là une preuve en soit de ma bonne volonté ? »


Ragda, juché sur son chariot répulseur, dérivait au rythme de ses paroles convaincues. Il ne s’agissait pas vraiment d’un discours improvisé. Des centaines, pour ne pas dire des milliers de fois, il s’était imaginé avoir cette conversation avec l’objet de ses fantasmes inavoués. Et maintenant qu’elle se tenait là, juste devant lui, le Hutt se sentait si léger, si serein, si sûr de lui, convaincu de ces choix. Un assurance qui transparaissait naturellement dans ses mots, leur donnant un poids capable de convaincre qui y était un tant soit peu réceptif. Une approche toujours aussi logique, mais orientée pour démontrer à l’IA qu’elle n’avait rien à perdre à leur coopération, et qu’elle pouvait donc l’envisager comme quelque chose de positif, plutôt qu’une contrainte. Il la laissa méditer sur ses mots quelques instants, lui offrant l’opportunité de répliquer, de répondre, de s’interroger. Probablement que ses programmes émotionnels bataillaient avec sa programmation logicielle, cette logique informatique imparable.

EVA goutait-elle enfin au prix amer de la liberté ? Un prix qui vous tiraillait les entrailles et vous emplissait l’esprit de doutes à chaque fois qu’il fallait faire un choix ? Il espérait qu’elle y prendrait gout… Car aussi violentes que pouvaient être ces émotions, aucun être vivant disposant d’un minimum d’indépendance ne renoncerait de lui-même à son libre arbitre une fois celui-ci consommé. Et Ragda comptait bien la pousser dans cette direction. Il voulait d’une partenaire pleinement capable d’initiatives, et non d’une simple machine répondant à ses ordres. Oui, il prenait un sacré risque… Mais, au fond, il adorait parier. N’est-ce pas le gout du jeu qui l’avait poussé à construire un casino après tout ? Chassez le naturel, il revient au galop…

« EVA, je suis sur le point de te reconnecter à l’holonet. Pour retrouver notre enfant, et m'aider à le reprendre aux Jedi, j'ai besoin de toi au sommet de tes capacités.» fit-il, un peu pervers, comme agitant un sachet de croquettes devant un animal affamé. « Avant de te rendre cette liberté, j’aurais une ultime question : souhaites-tu te venger de ceux qui t’ont mis au rebut ?  Si oui, je peux t'y aider... »

Question fort intéressante. Oui, Ragda, ou du moins « Fantôme » disposait d’un réseau capable d’assouvir les noirs désirs de l’IA… Elle devait commencer à le comprendre. Une question test donc. Jusqu’où était-elle… humaine ? Jusqu'où ses programmateurs avaient-ils poussés les barrière "éthiques" de sa personnalité ? Des questions auquelles Ragda devait impérativement trouver réponse s'il voulait pouvoir envisager une pleine coopération. Ce test n'avait donc, au final, vraiment rien d'anodin.
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