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- Sénat Galactique, à l'Assemblée Gourmande -

Toutes les lumières du restaurant étaient éteintes mais la baie vitrée laissait passer celles des bâtiments alentour. Il ne faisait jamais vraiment nuit sur Coruscant tant qu'on restait assez haut. Assis sur un grand canapé, une jambe repliée sur l'autre, le sénateur d'Alderaan lissait pensivement sa moustache. Ses yeux grisés par l'obscurité semblaient scruter l'immensité de la planète capitale. Il était là, placide et silencieux, depuis un long moment déjà.

Sur la table basse en face de lui trônaient une bouteille de brandy corellien et deux verres vides. Derrière la baie continuait l'incessant ballet des speeders. Il y avait tellement de monde sous le même ciel, tant d'individus qui suivaient tant de trajectoires différentes, parfois opposées, temporairement concordantes... c'était un  miracle qu'on ne dénote que si peu d'accidents.

Le miracle républicain.

Yaven déboucha la bouteille de brandy et servit les deux verres. Un droïde de nettoyage vrombissait discrètement dans un coin de la salle, il n'y prêta aucune attention. Sa main droite empoigna un des verres, il se redressa et tendit l'objet en direction de la baie vitrée. La couleur du brandy, à la semi-lumière de Coruscant, faisait penser à du sang.

"Chakta sai kae, Ion."

Il avala le breuvage d'une traite et ferma les yeux, le laissant couler au fond de sa gorge et brûler légèrement ses entrailles. Après une longue respiration, sa main reposa le verre vide à côté du verre plein et le sénateur quitta les lieux.


- Sénat Galactique, le lendemain matin -

La ceinture de la maison Organa lui serrait un peu trop la taille. Il avait un peu négligé sa ligne ces derniers temps. De toutes les choses qu'il avait négligées, c'était fort heureusement la seule apparente. Le turbolift passait une musique de turbolift, insipide. Depuis 20 ans qu'il était au Sénat, depuis 20 ans qu'il en empruntait les travées et les turbolifts, Yaven n'avait jamais réussi à faire accepter la diffusion d'opéras dans ces fichus ascenseurs. Certes, le sort de la Galaxie n'en dépendait pas... mais la pauvreté du répertoire avait un impact négatif sur sa santé mentale.

A sa sortie du tube et le long des couloirs menant au bureau de la toute nouvelle chancelière, il sifflotait encore l'affreuse mélodie. Plusieurs portes coulissèrent sur son chemin et il dépassa gardes et portails jusqu'à ce qu'il puisse entrer dans une grande pièce feutrée au fond de laquelle trônait un bureau ou s'empilaient datapads et dossiers. Un snivvien y était assis, en train de marmonner entre ses dents. Ses immenses narines semblaient fulminer. Yaven s'arrêta en face du bureau, mains croisées, et attendit patiemment en lorgnant du regard la double porte qui menait au bureau de chancelier.

Le snivvien reposa finalement le datapad qu'il tenait et releva la tête.

"Sénateur Seldon." Le ton était froid, mais pas agressif. C'était bon signe.
"Bonjour Telkhar. Je dois voir la chancelière."
"Vous avez pris rendez-vous auprès du chef de cabinet ?" s'enquit le secrétaire personnel d'Alyria Von.
"Non", fit Yaven, impassible.
"Oh, alors très bien. Entrez, je vous en prie. La chancelière adore les visites impromptues, parce qu'elle n'a que ça à faire de ses journées, surtout en ce moment ! C'est pas comme si la République avait besoin..." Yaven cessa de l'écouter à cet instant et sortit de sa poche une fiole remplie d'un liquide vert, légèrement visqueux, qu'il posa ostensiblement sur le bureau de Telkhar.

Le snivvien cessa immédiatement de palabrer, écarquilla les narines (Yaven n'aurait jamais cru ça possible) et prit fébrilement la fiole entre ses deux mains.

"Où avez-vous trouvé ça ?" "Si je vous le dis, je perdrai mon avantage." Le snivvien grommela, déboucha la fiole et en huma le contenu. Un soupir apaisé s'échappa de ses lèvres, puis il plissa les yeux, inquisiteur. "Vous en avez d'autres ?" "Certainement. Je peux voir la chancelière ?"

Pendant quelques secondes, ils ne se quittèrent pas des yeux. Puis Telkhar empocha la fiole et consulta un datapad. "Elle a rendez-vous dans dix minutes.""Avec ?" "Le nom de cet individu ne vous regarde pas." "Un homme, donc. "Sénateur... les snivviens sont d'ordinaire placides... pacifiques. Mais je ne suis pas un snivvien ordinaire." "Voilà pourquoi vous êtes si parfait dans votre rôle. Je n'aurai pas besoin de plus de dix minutes." assura Yaven, toujours parfaitement immobile et droit.

Telkhar Melk'an grommela à nouveau et activa l'intercom de sa main gauche."Navré de vous déranger, Chancelière" entonna-t-il platement. "Le sénateur d'Alderaan est en face de moi, il insiste pour vous voir."

Yaven sourit en coin et hocha la tête.
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« Oui, je comprends parfaitement, je vous remercie de votre soutien Sénateur. Il est agréable d’entendre de bonnes nouvelles, et ces derniers temps, elles se font rares. »

« C’est naturel. Mon peuple sait aussi bien que les jedis quels sont les ravages que le côté obscur peut occasionner. Cette base doit être détruite au plus vite, peu importe le coût. Il est une menace pour nous tous, et soyez certaine que nous sommes un nombre non négligeable à en avoir pleinement conscience. »

Alyria serra la main du Sénateur d’Alpheridies avant de discuter encore quelques minutes puis de le raccompagner jusqu’à la porte de son bureau. Le miraluka sortit rapidement, et la maîtresse d’armes regagna alors son fauteuil, puis appuya sur l’intercom et attendit que son interlocuteur décroche :

« Bien, le Sénateur d’Alpheridies m’a apporté son soutien et s’est montré intéressé par la Garde Licteur. A son avis, des membres de son espèce serait un atout précieux pour cette dernière, et je dois avouer qu’il n’a pas tout à fait tort, des membres entraîné du Luka Sene pourrait être des gardes efficaces contre les criminels non-utilisateurs de Force et utilisateurs de cette dernière.

Bonne pioche, Fenter. Je ne sais pas comment vous faites pour vous occuper de ce blocus et de me servir de mentor politique une fois encore. »


L’hologramme de l’echani parut flatté par le compliment, à en juger par le soudain lissage de favoris, tic caractéristique chez le vieux militaire d’une certaine gêne, puis ce dernier répondit d’un ton bourru :

« C’est normal, Tel’kasan fait beaucoup de travail sur ce blocus avec le reste de l’Etat-Major, alors il me reste un peu de temps. Et ce n’est pas maintenant qu’il faut baisser notre régime ! »

La voix se voulait combative, et Alyria admira pendant un instant le courage et l’endurance d’un homme qui avait l’âge d’être son père, mais se révélait infiniment plus fort qu’elle dans la tempête. Elle qui avait l’impression de crouler sous une paperasse imbuvable à ingurgiter le plus vite possible entre deux rendez-vous, voir Yusanis Fenter ainsi lui redonnait le moral et la poussait à se reprendre et à redoubler d’efforts.

L’amiral ajouta cependant, la sortant de ses pensées :

« D’ailleurs, pour le miraluka… Remerciez plutôt Telkhar, c’est lui qui a eu cette idée, et je me suis juste débrouillé pour le joindre. Le gars connaît bien son boulot, je comprends pourquoi vous avez tenu à le garder auprès de vous. »

Alyria soupira légèrement, avant d’expliquer :

« C’était le bras droit du Chancelier Scalia. C’est lui qui m’a conseillé de m’appuyer sur Telkhar et Tel’kasan avant… Enfin bref, tout ça. Il ne s’est pas trompé. Sans doute que le sauvetage de l’Etat et de l’héritage de Valérion les a aiguillé. »

Ils n’avaient pas de fidélité particulière envers elle, c’était évident. Mais la connaissance que Valérion l’appréciait, et lui faisait confiance. Mus tous trois par la volonté de sauvegarder une œuvre politique, au moins autant que faire se peut, la question de la fidélité ne s’était pas posée. Le jour-même de l’assassinat, quelques minutes seulement après son accession brutale à la Chancellerie, tous deux l’avaient rejointe et s’étaient spontanément mis à son service. Elle en leur savait gré, et depuis, les deux hommes travaillaient sans relâche, comme l’ensemble du gouvernement et de ses services pour expédier les affaires courantes, régler les problèmes préoccupants, et se préparer le plus vite possible pour ce qui allait suivre.

« Bref, je vous laisse, j’ai un petit trou avant mon prochain rendez-vous, j’ai le temps de lire quelques-unes de vos fiches sur les taux de change de la Banque Centrale Républicaine depuis cinq cent ans… Je me sens déjà passionnée. »

L’echani rit de bon cœur à cette remarque enrobée d’une ironie aisément perceptible, puis la salua avant de couper la communication. Alyria empoigna le datapad comme annoncé et commença donc à parcourir les données devant elle, avec une furieuse envie de sortir et de faire un brin d’exercice pour se vider la tête plutôt que de la remplir d’une flopée de chiffres à l’intérêt douteux.

Alors qu’elle avait déjà l’impression que ces quelques minutes allaient lui coller un sacré mal de tête, elle reçut un appel de Telkhar. Surprise, elle imagina un bref instant qu’une nouvelle tuile lui était tombée dessus, avant de laisser échapper un soupir de soulagement en l’entendant. Ce n’était qu’une visite impromptue. Et pas de n’importe qui.

Yaven Seldon faisait partie de ces membres de la Rotonde qui possédait deux qualités aussi rares que précieuses à ses yeux : sa discrétion et sa probité sans faille. En fait, elle le connaissait même plutôt bien, puisqu’elle l’avait rencontré alors qu’elle officiait comme toute jeune Chevalier jedi en charge de la protection de certaines personnalités du Sénat. Il l’avait presque pris sous son aile, et elle lui en avait été reconnaissante. Connu pour sa sympathie envers l’Ordre, le fait d’y avoir un fils n’y étant sans doute pas étranger, il était évidemment une visite plus plaisante que ses études de chiffres, même si elle se demandait un peu ce qui le rendait si insistant. Enfin, si, il y avait une réponse toute trouvé, la situation actuelle, c’était normal, mais elle attendait de savoir ce qu’il désirait exactement.

« Faites-le entrer Telkhar. »

Quelques minutes plus tard, une fois l’imposante sécurité passée, cette dernière ayant été renforcée considérablement après l’assassinat de son prédécesseur, Alyria ouvrit la porte au représentant d’Aldérande, et déclara avec courtoisie, et sur un ton amical :

« Sénateur Seldon, c’est un plaisir de vous revoir, même si les circonstances ne sont guère plaisantes en elle-même… »

Une fois la porte fermée, elle l’invita à s’asseoir devant elle puis demanda :

« Que puis-je pour vous ? »
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Après un remerciement poli au secrétaire général de la Chancellerie, Yaven se laissa passer au scanner de sécurité et fouiller deux fois. Cette nouvelle procédure était compréhensible, mais au final inutile. Si quelqu'un souhaitait assassiner Alyria, s'il en avait la volonté et les moyens, qu'il était prêt à se sacrifier pour son but, il y arriverait. Et il ne le ferait pas dans le bureau. Mais il n'était pas responsable de la sécurité du Sénat et se garderait bien de donner son opinion à ce sujet. Trop de gens partout parlaient de choses dont ils ne savaient rien, c'était un des revers nécessaires de la République.

Enfin, il eut accès au bureau de la chancelière. En entrant, un rapide coup d'oeil circulaire lui apprit que rien, ou très peu, n'avait changé depuis l'époque où il y venait régulièrement, sous Andanu. Il représentait très bien la fonction, immuable. Seules les personnes étaient interchangeables. La roue avait désigné Alyria Von et dans les couloirs de la rotonde, tout le monde se posait déjà la question : combien de temps allait-elle rester ? Plus longtemps que Valérion, plus longtemps qu'Arnor ?

Yaven l'espérait. La République était en crise et seul un gouvernement stable pouvait l'en extirper. C'était bien pour ça qu'il était là. Après des années de neutralité et de tergiversations, il était temps pour lui et Alderaan d'agir.

Il sourit à Alyria, sans pour autant dépasser les limites du protocole. Certes, il la connaissait depuis longtemps mais sa nouvelle fonction demandait respect et retenue. Et Yaven, de par son éducation à la cour royale, était très attaché à l'étiquette. "Chancelière, merci de me recevoir", répondit-il, les mains jointes devant lui. Après y avoir été invité, il s'assit sur le fauteuil de gauche, face au bureau. Ca avait toujours été celui-là.

Il sourit de nouveau à la question très polie d'Alyria. "Que puis-je pour vous ?" répéta-t-il. "Ce serait plutôt à moi de vous demander ça." Sa main droite vint lisser son bouc impeccablement rasé, comme toujours lorsqu'il était en 'service'. "Votre temps est précieux, aussi vais-je aller droit au but. Les derniers évènements ont provoqué beaucoup d'émoi sur Alderaan. La peur et la méfiance gangrènent les rues de la capitale d'habitude si sereine. Voilà qui n'augure rien de bon." Son ton était sincèrement inquiet. "Heureusement, votre volonté de former un gouvernement d'union a rassuré la maison royale. Celle-ci m'ordonnait jusque-là de rester en dehors du jeu politique et de préserver avant tout les intérêts de ma planète. Mais ces barrières conservatrices, forgées depuis bien longtemps, se sont ébranlées ces dernières années. Je suis le premier à me satisfaire du retrait progressif de nos œillères."

Depuis le temps qu'il essayait de convaincre les Organa qu'Alderaan était au centre de la galaxie et qu'elle devait y rester. Il s'éclaircit la gorge et se détendit quelque peu, montrant du menton le cabinet qui trônait derrière le bureau. "Il y a une fausse façade sur le côté gauche. C'est là qu'Andanu gardait ses meilleures liqueurs, pour les soirées qui devenaient matins." Et, sans transition : "Je suis à votre disposition, si vous le souhaitez."
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Alyria accueillit la réplique du sénateur Seldon avec un sourire un brin amusé. C’était finement dit, bien qu’en soit, il y ait un fond de vérité aisément perceptible dans ses propos. Sauf que rares étaient les élus à présenter les choses ainsi. Certains avaient même tendance à penser que l’exécutif était là pour leur rendre service, et non pas le contraire. Sans compter les banques, les grandes entreprises, les… Bref, tout ce petit monde d’entre soi et de petits services qui en réclamaient d’autres.

Tous avaient eu beau relayer en cœur les appels à l’unité, il fallait être honnête : les bonnes volontés honnêtes n’étaient guère légions au Sénat, et ce qu’elle menait depuis plusieurs jours ressemblait plus à des tractations qu’à de réels échanges fructueux. Encore, le petit socle de soutiens habituels de l’Ordre jedi, assez maigre, avait été d’un grand secours, mais ce n’était pas suffisant. Il fallait trouver des alliés plus puissants. Ses faits d’armes récents lui avaient permis d’obtenir la reconnaissance du sénateur d’Umbara. Serait-ce suffisant ? Pour le moment, oui, car l’homme avait conscience que sa planète était passée au bord de la catastrophe, sans compter que la jedi était au courant des dysfonctionnements catastrophiques de son gouvernement. Il avait donc tout intérêt à la suivre, donc. Alpheridies et Dorin avaient suivi immédiatement, ce qui n’avait rien d’étonnant non plus. Plus les planètes possédant des académies jedis, quelques-unes dirigées par des sénateurs favorables à Scalia et aux dernières mesures annoncées… Bref, elle travaillait son assise, en quelque sorte.

L’importance d’avoir Aldérande prendre officiellement parti, et se déclarer en faveur du gouvernement d’Union sacrée, ne lui échappaient pas. C’était un poids lourd de la République, un des mondes fondateurs, réputé comme un temple de la connaissance, et de la paix, à l’environnement préservé absolument magnifique. Mais au-delà de cela, c’était tout simplement un symbole… Et un poids lourd économique.

Autant dire que les paroles de Yaven Seldon soulagèrent grandement la Chancelière. Ainsi donc, les Organna avaient décidé qu’il était grand temps pour leur monde de s’impliquer. Peut-être que tout n’était pas perdu finalement, que son appel aux bonnes volontés avait été entendu. Ce simple fait lui redonnait espoir, et qui plus est, le fait que le message soit porté par une vieille connaissance, un ancien mentor, ajoutait à sa bonne humeur.

Avec un sourire franc, elle déclara :

« Ce que vous me dites là est une excellente nouvelle. Je crois sincèrement que la voix d’Aldérande compte, et doit compter dans le concert des planètes républicaines. Après tout, vous représentez l’un des berceaux de la République, une voix de la raison, et je suis prête à parier qu’en ces temps troublés, votre implication ne sera pas de trop.

En tout cas, je vous prie de remercier de ma part leurs Majestés pour la confiance qu’ils accordent à ce gouvernement. »


L’information suivante la fit tiquer un instant : d’un côté elle était amusante, de l’autre… Eh bien, si des recoins cachés commençaient à apparaître dans ce bureau… Quoique à la réflexion… Ah, voilà qui expliquait le clin d’œil complice de Telkhar un soir, qui lui avait dit qu’il y avait de quoi se reposer la tête efficacement dans ce bureau, dixit le snivvien. A la réflexion, elle se doutait que le Secrétaire Général avait dû découvrir ce compartiment, au moment de la fouille du bâtiment, voir avant, du temps où Valérion Scalia occupait ce bureau.

Se levant, elle vérifia donc ladite façade gauche, et après trente secondes d’observation, découvrit sans mal le mécanisme. Devant elle se trouvait en effet des verres finement ouvragés, et surtout quelques bouteilles d’âge plus moins vénérables, et dont les noms disaient quelque chose à une novice aussi grande qu’Alyria en matière d’alcool. Ce n’était pas nécessairement par goût de l’ascèse que la maîtresse d’armes ne buvait pas, ou très rarement, mais plus par hygiène de vie : entretenir un niveau physique digne d’une véritable athlète demandait quelques sacrifices, et cette coureuse de fond amateur avait de quoi impressionner les plus concentrés des sportifs galactiques par le soin monomaniaque qu’elle apportait généralement à entretenir un régime alimentaire draconien.

Aussi elle sortit deux bouteilles et demanda :

« Vous voulez boire quelque chose ? Je peux vous proposer… Voyons… Euh… Un brandy corellien je crois, oui c’est bien ça, ou un ruge d’Aldérande. »

Elle vérifia l’étiquette puis laissa échapper un rire léger :

« Navrée, Sénateur, je n’ai pas beaucoup progressé en dix ans sur les alcools, comme vous pouvez le constatez. »

Le choix fait, elle versa le liquide désiré dans un verre qu’elle tendit au quinquagénaire en face d’elle, et se rassit dans son fauteuil. Son visage se fit plus sérieux, et ses pensées revinrent à la fin de la conversation. Est-ce qu’elle souhaitait de l’aide ? Pardi oui ! Aussi elle n’attendit guère avant de reprendre leur entretien :

« Pour vous répondre… Comme je vous l’ai dit, je suis heureuse de vous voir prêt à vous engager plus avant, Sénateur… Et en ces temps délicats, vous n’ignorez pas que toute aide, toute bonne volonté est la bienvenue.

Alors si vous désirez m’aider, je ne puis que m’en réjouir. Le soutien d’Aldérande serait un atout non négligeable, et pourrait encourager certaines planètes encore assez neutres dans le positionnement vis-à-vis des grands ensembles peuplant le Sénat à se rallier à l’Union sacrée. Vous êtes le représentant d’une planète qui renferme un savoir inestimable, le joyau universitaire de la République, mais aussi un nœud commercial et économique à ne pas négliger.

En bref, je vais être franche. Si vous êtes prêts à soutenir publiquement le gouvernement, cela me sera d’une grande aide. »


Elle fit une pause. Point besoin de tourner autour du pot, tous deux le savaient. Yaven avait été direct, Alyria tout autant. Il fallait reconnaître que la Chancelière appréciait ces échanges honnêtes, plutôt que les circonvolutions interminables qu’il fallait parfois faire auprès de certains sénateurs. Bien sûr, tout le monde n’était pas Seldon, elle en avait conscience… Aussi elle appréciait d’autant plus cette franchise agréable. Cependant, elle savait aussi que les monarques d’Aldérande demanderaient des compensations, ou des garanties sur la ligne politique. Aussi elle ajouta :

« Cependant, je sais aussi que vos dirigeants ne s’engageront pas sur de belles paroles. C’est normal. C’est pourquoi, je vais vous demander en toute sincérité votre positionnement sur les dernières mesures passées par Valérion Scalia, et que j’ai tenue à poursuivre, pour ne pas interrompre le travail législatif du Sénat et donner satisfaction à ceux désirant nous déstabiliser. Vous savez que les nationalisations et le Pacte Social notamment ont apporté autant leur lot de soutiens que de mécontentement, même si des majorités nettes se sont dégagées pour les voter.

Mais vous, Sénateur, quelle est votre position ? Parlez sans crainte, cela n’aura pas forcément une influence déterminante. A vrai dire, ce gouvernement contient des personnalités de tous les bords politiques, qui ont acceptées de travailler ensemble malgré parfois des désaccords idéologiques. Cependant, j’estime votre avis.

Par ailleurs, je pense qu’Aldérande a aussi ses propres projets et envies. Si vous en avez à m’exposer, je veillerais à y réfléchir, avec votre aide, pour améliorer la vie de nos concitoyens. »
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Bien entendu, la chancelière n'allait pas lui dire que le soutien d'Alderande n'était pas bienvenu. Mais la sincérité et l'enthousiasme d'Alyria faisaient tout de même plaisir à voir. Il posa sur le bureau un datapad, pressa un bouton du doigt et le maintint pressé le temps de dicter : "Note. Remercier le vice-roi Tarvo au nom de la chancelière et de la République." Se lovant de nouveau dans le fauteuil confortable et fonctionnel, il joignit les mains en chapeau sous son menton et se justifia, même si ce n'était pas nécessaire : "Je dois me souvenir de tout, vous comprenez. En évacuant de ma tête la myriade de tâches à accomplir, je laisse mon cerveau se concentrer sur les problèmes et les moyens de les résoudre."

Il la laissa chercher le mécanisme caché par elle-même. Si elle avait voulu de l'aide ou des précisions, elle lui aurait demandé. Il avait toujours opéré comme cela avec ses aides, ses attachés, ses aides, son personnel. Guider, oui, mâcher le travail, sûrement pas. Ainsi pensait-il former des esprits libres de déduire et de réfléchir par eux-mêmes. Il pensait même que si tout le monde faisait ainsi, la Galaxie s'en porterait bien mieux. Quand elle trouva enfin, il se frotta les mains en produisant un "Ah !" de satisfaction. Elle lui proposa deux breuvages.

"Je vais prendre le brandy. Le ruge ne se conserve pas aussi bien, j'en ai peur. Mais si vous le souhaitez, je peux vous en faire parvenir de la cuvée d'il y a 5 ans. Les spécialistes affirment que c'est la meilleure depuis plus d'un siècle et qu'elle va encore se bonifier avec le temps. Voilà qui initiera de fort belle manière votre palais et votre gosier, Chancelière." Il n'osa pas ajouter qu'elle aurait bien besoin d'alcool fort dans les mois qui viennent, car la méditation des Jedi produisait sans doute les mêmes effets. Comment expliquer sinon qu'ils puissent rester sobres malgré tous les traumatismes subis ?

Alyria persévéra dans ses remerciements et cajoleries sur Alderaan, berceau de la République, et caetera. Il faillit la couper, lui rappelant que les flagorneries ne fonctionnaient que sur de potentiels ennemis et qu'il n'était pas question que sa planète fasse sécession. Néanmoins, c'était toujours plaisant d'être estimé, et on ne coupait pas la Chancelière Suprême, surtout si la Chancelière Suprême était contente et vous comblait de compliments.

Elle en arriva rapidement au fait, et à la question qui fâche : quelle était donc la fichue position d'Alderaan sur les dernières actions politiques de la République ? Personne ne le savait vraiment, Seldon ayant toujours donné consigne de ne pas s'étendre sur le sujet, que ce soit au Sénat, en discussion informelle ou dans les médias. La raison était simple : depuis de nombreuses années, Alderaan n'avait pas su ce qu'elle voulait. Trop empêtrés dans les querelles de maison, les décideurs avait braqué leur attention sur les problèmes internes de la planète sans trop regarder vers l'extérieur.

Après une brève inspiration, Yaven se pencha en braquant son regard sur celui d'Alyria. "Je ne vais pas commenter le pacte social ni la Loi Patriote point par point, nous serions encore là demain. En bref, donc ! Ces lois sont audacieuses, bien intentionnées, maladroites et, à terme, peuvent mener à la destruction de la République." Il leva la main pour ne pas être interrompu : "Je m'en explique."

Sa main vint couvrir un raclement de gorge. "Je suis un idéaliste pragmatique. Le pacte social est idéaliste, mais il va trop vite. De nombreux mondes ne sont pas encore prêts, économiquement, structurellement, même philosophiquement, à faire appliquer les termes de ce pacte. La République veut changer le mode de fonctionnement des systèmes de santé et de travail partout sur son territoire, elle s'ingère donc de fait, et brutalement, dans des décisions politiques jusque-là régaliennes. De nombreux confrères m'ont fait part de leur scepticisme, pour ne pas dire leur panique, à faire appliquer ces lois. Mais elles ont été votées. Nous ne pouvons maintenant que limiter leurs dégâts."

Alyria lui avait demandé d'être sincère, et il l'était. Au Sénat, il n'était jamais aussi direct et dur. Mais la connaissant un peu, il se doutait qu'elle avait les épaules pour supporter des critiques franches et directes.

"Au sujet de la Loi Patriote, c'est une loi sans doute nécessaire, et je rends hommage à son initiateur. Je me méfie toutefois des dérives qu'elle peut engendrer. Le terme de "soupçon raisonnable" en particulier me fait tiquer. A partir de quand un soupçon devient-il "raisonnable" ? En faisant appel à la raison, Chancelière, vous demandez aux "instances compétentes" une constante interprétation de la loi. J'espère que vous avez dans votre équipe des personnes "raisonnables" et de confiance, car les pouvoirs que vous accordez, surtout au Ministère de la Justice et au Ministère de la Sécurité Intérieure, sont considérables."

L'essentiel était dit. Il se pencha une nouvelle fois en arrière contre le dossier de son fauteuil tout en se lissant distraitement le bouc. "Je peux demander à mon secrétaire de vous préparer un rapport complet sur ces deux textes, rapport qui développera précisément notre pensée. Mais la Loi Patriote est votée, elle aussi. Je ne peux que regretter de n'avoir pas pu mettre mon grain de sel plus tôt, ni d'avoir pu participer concrètement à son élaboration. Comprenez, Alyria, que si jamais vous étiez à votre tour victime d'un 'accident', la République pourrait tomber entre de mauvaises mains, des mains qui n'hésiteraient pas à empoigner plus fort encore la gorge des citoyens, jusqu'à les étouffer."

Peut-être ruinait-il toutes ses chances d'une relation solide avec la chancellerie, mais il n'en avait cure. Elle devait entendre la voix d'Alderande, trop souvent inaudible ces derniers temps. Avec tout ça, il n'avait même pas touché au brandy. Il attrapa son verre d'une main et en dégusta une gorgée. Fameux.
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Alyria avait l’habitude ces derniers temps d’entendre des doutes, des peurs, ressassées encore et toujours, souvent les mêmes. Il lui arrivait souvent de pester contre les initiatives trop brusques de son prédécesseur, qui, malgré son passé politique, contrairement à elle, avait une tendance à apprécier le rapport de force un peu trop à son goût. Elle se retrouvait donc à devoir gérer un passif qu’elle n’avait pas forcément voulu, et le chaos permettait à toutes les petites rancoeurs de s’étaler.

Cependant, elle comprenait l’angoisse, un certain conservatisme, venant d’un Ordre notoirement attaché à ses traditions. Elle devait être la voie médiane, l’arbitre, tout en assumant cependant un bilan qui ne lui appartenait pas. La tâche était ardue, évidemment. Cela ne voulait pas dire qu’elle ne partageait pas certaines des réserves évoquées. Pas toutes cela dit. La Chancelière avait été très claire sur un point : son soutien au Pacte Social serait sans faille. Point. Elle comprenait les réticences, mais tenait à faire partager son point de vue et celui d’Alan Bresancion sur le projet, en expliquant les raisons qui ne sautaient pas forcément aux yeux des politiciens du Noyau. Aussi elle s’excusa de ne pas supporter l’alcool, préférant se tenir loin de ce genre de substance… Et répondit calmement, mais fermement :

« Aucune loi n’est jamais parfaite, et il est toujours possible de l’améliorer. Une situation d’urgence requiert des mesures d’urgence, vous le savez aussi bien. En l’occurrence, sans mauvais jeu de mot, je pourrais m’aventurer à dire que nécessité a fait loi…

Cela dit… Les juges et jurés des tribunaux rendent déjà leur avis sur la base de leur doute raisonnable… Une formulation en preuve apportée suffisante serait de bon ton, mais c’est de l’ordre de l’amendement de base, aisément déposable au Sénat une fois la crise actuelle passée. Pour le reste, vous le savez aussi bien que moi, de mauvaises intentions peuvent faire basculer le meilleur des systèmes dans l’oppression. C’est aussi à tous les acteurs politiques d’être vigilants… Vigilance qui a parfois eu tendance à s’émousser. »


Pique à l’encontre de l’inactivité chronique de la Rotonde, à son manque de foi envers les allégations des jedis ? Parfaitement. Yaven Seldon n’avait pas pris de gants, elle n’ont plus. La sincérité marchait dans les deux sens, et Alyria n’était pas femme à mâcher ses mots quand la situation l’exigeait. D’ailleurs, la seconde volée suivie, toujours dite avec calme, mais également avec une conviction et une détermination sans faille.

« Pour le Pacte Social… Puisque nous sommes francs l’un envers l’autre, ne vous offusquez pas de mes mots, Sénateur… Mais c’est une vision cruellement noyau-centré que vous m’exposez là. Concrètement, de telles mesures sont généralement appliquées dans de nombreux mondes du Noyau, peu ou prou, et la richesse générée permet aux populations de bénéficier de services de pointe. Ce n’est pas le cas des bordures républicaines, qui souffrent dans leur immense majorité d’un retard de développement et d’un manque cruel de lois pour encadrer certaines pratiques, ce qui génèrent notamment des problèmes de santé et des épidémies et réduit donc l’efficacité de la République… Et surtout l’attachement des populations à un système démocratique dont ils ne perçoivent aucun bénéfice.

La LMP est d’ailleurs né de deux sentiments : la peur de la menace impériale… Et le mécontentement face aux inégalités venant du Noyau. Certes, la République ne s’est pas faite en un jour, et l’application de ces mesures prendra du temps. En termes administratifs, nul doute qu’il y aura des ajustements à faire, des négociations à mener… Mais c’est aussi sous ce sceau qu’est placée cette loi.

Fini les grèves massives et intempestives, qui ont tendance à se solder par la charge de services de sécurité ou l’intervention de jedis pour apaiser des situations qui ne devraient pas avoir lieu. Je crois sincèrement que la mise en place de négociations collectives permettra enfin à un climat d’affaires harmonieux de se développer. Plus d’entente et de négociation signifie moins de violence, ce n’est pas à un homme politique que je vais l’apprendre.

Alors oui, tout n’est pas parfait, j’en ai une conscience aigue, oui il faudra rassurer l’ensemble des acteurs et réfléchir à une mise en place progressive et attentive de ces mesures. Votre apport est à prendre en compte, et je lirais avec attentivement les rapports que vous voudrez bien m’envoyez. »


Elle plongea son regard dans celui de Yaven Seldon, reprenant une figure un brin plus amicale, et déclara :

« Il ne tient qu’à vous de participer pleinement à redresser la République dans ces temps de trouble, et à aider à la mise en place de ces réformes, en apportant votre aide et votre expertise au gouvernement. »

Elle ajouta :

« Votre vote pour la Loi Patriote me fait penser que vous êtes néanmoins plus intéressé par cette dernière, et je pense que Maître Vorkosigan ne dirait pas non à un peu d’aide, le Sénateur Artorius souffrant de séquelles de son séjour sur Kashyyk qui l’handicapent dans son travail. »

La main était tendue. Avec un mince sourire, elle conclut :

« Je sais que les méthodes parfois… cavalières de mon prédécesseur ont pu agacer ou faire peur à certains. Mais il est temps d’avancer, de corriger, de parfaire, et de montrer à l’ensemble des systèmes républicains que le régime tient encore debout, leur permet de connaître la sécurité, et surtout, n’exclue aucun de ses ressortissants.

La République doit redevenir ce qu’elle est censée être : le porte-étendard de la paix, et de la stabilité. Je ne peux défaire les intentions de ceux qui ont occupé ce siège avant moi. Je peux cependant les comprendre, et veiller à une application mesurée et juste des lois, tout en travaillant autant que faire se peut à unir à nouveau les mondes sous une même bannière.

Il ne tient qu’à vous de prendre part à cette entreprise, Sénateur. Nous avons besoin d’expérience pour tempérer l’audace. Et d’audace pour profiter de l’expérience.

Je pense que vous pouvez apporter une de ces composantes. Le reste du gouvernement a largement de quoi s’occuper de l’autre, croyez-moi. »
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Alyria ne prenait pas d'alcool, bien entendu.

Yaven l'écouta, confortablement lové dans le fauteuil, les mains toujours en V sur sa poitrine. Il lui laissa tout le temps de développer sa pensée - on n'interrompait pas la Chancelière Suprême - sans montrer d'autre réaction que le régulier sourire en coin et le sporadique haussement de sourcil. Elle avait pris de l'assurance, mais comment avait-il pu en douter ? Elle ne serait pas arrivée aux plus hautes fonctions sinon.

Sur les divergences de fond qui les séparait, car il y en avait, il n'avait pas envie de débattre. Ce temps là était passé, il fallait maintenant que le gouvernement joue avec la main qu'il s'était constituée, et profite de l'Union Sacrée tant qu'elle durerait. Il s'étonna tout de même de la visée impérialiste qu'il décelait dans les propos de la chancelière. Ainsi, la République croyait savoir ce qui était bon pour tous ses membres, en faisant fi de leurs particularismes. Téméraire. Alderaan avait toujours prôné une gouvernance centrale faible et le minimum d'interventionnisme dans les affaires internes des autres mondes, car chacun cheminait à son rythme. Yaven n'était pas du tout sûr qu'un coup de pied au derrière des mondes qui n'adhéraient pas encore aux "standards" de la République était la meilleure solution pour cimenter le lien social.

Il était heureux que la chancelière ne mâche pas ses mots. Qu'elle lui fasse à ce point confiance pour lui dire clairement ce qu'elle pensait était un privilège. Qu'elle lui fasse une leçon sur les raisons d'existence de la LMP l'amusait. Il se rappelait comme si c'était hier les semaines passées à lui faire découvrir le Sénat, à lui expliquer les différents jeux de pouvoir qu'il s'y tramait alors. C'était elle, maintenant, qui semblait lui faire la leçon, comme si sa discrétion de ces dernières années l'avaient rendu... obsolète, et qu'il avait besoin d'une grosse remise à niveau.

Alyria avait agrémenté sa réponse de petites piques qui, pour la plupart, touchèrent leur cible. La "vigilance émoussée" en particulier. Il avait toujours personnellement soutenu l'Ordre Jedi, et pas seulement parce que son fils en faisait partie. Mais il n'avait pas su empêcher la défiance des sénateurs, du gouvernement, et même des citoyens à leur sujet. Il n'était pas fier de son incapacité à convaincre sur ce sujet, mais il était certain que la faute devait être partagée. En restant sécularisé, l'Ordre Jedi était tout aussi responsable de cette méfiance populaire, sinon plus.

Il cilla à peine lorsqu'elle lui proposa, non sans subtilité, de rejoindre son gouvernement. Sa seule réponse immédiate fut une expression de souci pour son collègue et actuel Ministre de la Sécurité Intérieure : "J'espère que le sénateur d'Artorius n'a rien de grave et qu'il s'en remettra vite." Le reste demandait un petit temps de digestion. Les ramifications étaient nombreuses et importantes. Heureusement, la chancelière ne semblait pas prête de s'arrêter de parler, ce qui lui laissa tout le temps pour jauger les conséquences les plus évidentes.

Lorsqu'elle conclut son propos par une formule fine qui pouvait très bien vouloir dire "vous êtes vieux et mou", il sourit de plus belle. Elle avait de l'audace, c'était certain ! Elle savait parler, et elle savait à qui elle parlait. Peut-être avait-elle ce qu'il fallait actuellement à la République. Peut-être s'écroulerait-elle en moins d'un an, son image conspuée, sa réputation ruinée. Tel était le prix du poste suprême.

Alyria attendait une réponse. Pouvait-il accepter ? Oui. Le devait-il ? Peut-être. La situation était exceptionnelle : Assassinat du chancelier, suicide du sénateur de Corellia, trahison du vice-chancelier qui se révèlait être un Seigneur Sith, rien de moins ! Etait-il temps d'entrer en jeu ? S'il s'était jusque là tenu à l'écart de toute position gouvernementale, ce n'était pas par peur, désintérêt ou détestation. Il se considérait tout simplement plus utile à sa place de Sénateur, à servir les intérêts d'Alderaan. Sur Aldera, il avait appris à mettre son ego de côté pour le bien collectif. Au Sénat, il n'avait jamais cherché à consolider son pouvoir, et pour cause : il pouvait rester à son poste à vie, tant que la famille royale le désirait. Et les Organa lui faisaient pleinement confiance depuis maintenant 13 ans.

"Je suis étonné, Chancelière. Vous donnez l'impression d'avoir eu l'idée de me propulser Ministre de la Sécurité Intérieure à l'instant. Et pour être franc, je ne m'attendais pas à une telle proposition." Il but une nouvelle gorgée de brandy corellien, laissa le liquide imbiber sa langue et reprit : "Me mettre à ce poste vous garantit deux choses. D'abord ma loyauté : je vous ai clairement exposé mes craintes et mes réserves. Je ne les exprimerai pas publiquement si j'entre au gouvernement. Ensuite vous rassurez tous ceux qui se méfient à raison de cette loi et de ses applications. Mais serai-je simplement votre faire-valoir dans cette histoire, Alyria, ou me laisserez vous l'opportunité d'interpréter au jour le jour les limites d'application de ce texte ? Me faites-vous suffisament confiance pour cela ? Dans le doute, vous préférerez peut-être un Ministre plus à cheval sur la loi, et moins sur son esprit."

La réponse l'intriguait au plus haut point. Alyria devait être plus fine qu'elle ne le laissait paraître, sa décision était forcément mûrie. Peut-être même avait-elle eu vent de son année sur Nar Shaada ? Après l'attaque d'Alderaan par les Siths, le roi Organa l'avait chargé de structurer tout un service de contre-espionnage. Il avait donc cédé sa place de sénateur (officiellement pour souci de santé) à ce brave Tarvo. Un an plus tard, il revenait en pleine forme et reprenait son rang. Tout cela était resté secret, mais les Jedi avaient leurs propres services pour rester informés, il n'en doutait pas. Que savait-elle exactement ?
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La surprise du Sénateur Seldon, feinte ou réelle, lui arracha un léger rire. D’une certaine façon, il avait à la fois tort… et raison. Elle savait que dès qu’il en aurait la possibilité, le rigide Artorius lui planterait un couteau dans le dos. A vrai dire, elle soupçonnait même très fortement que ses problèmes de santé supposés ne soit qu’un prétexte pour éviter de faire correctement son travail et s’arc-bouter à son siège le temps de trouver l’ouverture propice pour claquer la porte en faisant le plus de bruit possible.

Elle avait clairement pensé à s’en débarrasser dès le premier jour de son accession à la Chancellerie, alertée de ses méthodes pour le moins brutales et xénophobes par Leto Vorkosigan, qui avait eu la malchance de devoir négocier le rapprochement entre Kashyyk et la République avec ce dernier. Surtout, le militaire semblait avoir un haut-le-cœur à chaque fois qu’il la croisait quand elle était Ministre de la Défense, alors maintenant en tant que Chancelière… C’était clairement le genre d’homme tellement buté sur l’objet de sa détestation, sans aucune raison logique, qu’il était tout simplement impossible d’espérer en tirer quoi que ce soit. Et d’ailleurs, ses tentatives s’étaient avérées vaines. La Garde Licteur ? Approuvée du bout des lèvres. Trop de jedis dedans. On aurait pensé que pour détecter des siths, c’était le minimum syndical, mais apparemment pas. La Loi Patriote, conforme en tout point à ses convictions sécuritaires ? Le Ministre ne s’était même pas donné la peine de se déplacer pour assister aux débats et la voter. Sans doute encore d’obscurs problèmes de santé probablement imaginaires…

Autant dire qu’avec un tel pedigree, il ne ferait pas long feu dans ce gouvernement, n’en manifestant d’ailleurs aucunement l’envie. Alyria aurait donc besoin d’un remplaçant de poids, et capable d’occuper sereinement un poste à hautes responsabilités, en qui elle pouvait placer toute sa confiance. A partir de là, il n’y avait pas énormément de candidats possibles. En clair, il fallait soit placer quelqu’un ayant la confiance du Vice-Chancelier, soit un de ses propres fidèles. Et il n’y en avait pas énormément. Bref, une personne pouvant être adoubée par les deux têtes de l’exécutif, ce qui réduisait encore plus drastiquement les prétendants potentiels.

Pour autant, elle n’avait pas réellement envisagé le cas Seldon, et ce pour une raison simple : elle connaissait sa discrétion au sein de la Rotonde, et pensait sincèrement que, soumis à la politique interne complexe d’Aldérande, le quinquagénaire préférerait afficher un soutien discret à son gouvernement sans réellement s’avancer. Cela dit, quand il lui avait fait part au début de son entretien de sa volonté d’enfin faire entendre la voix de sa planète sur la scène publique, elle avait saisi la balle au bond pour tenter de lui faire comprendre qu’il pourrait être un atout décisif dans son dispositif actuel. De là à penser qu’il la prendrait au pied de la lettre, il y avait un grand pas.

Aussi elle répondit, une fois son rire calmé, conservant un large sourire sur son visage :

« Pour être honnête, Sénateur Seldon, je ne vous avais rien proposé encore, mais je retiens votre candidature avec attention… »

Reprenant son sérieux, elle entrecroisa ses mains devant elle, dans une pose plus régalienne, et ajouta, d’une voix nettement plus ferme :

« Le Ministère de la Sécurité Intérieure suppose, en raison de ses prérogatives, désormais élargie qui plus est, une personne de confiance, sur qui les chef de l’Etat et du gouvernement peuvent compter. Cette première condition remplie, il convient de s’intéresser à la seconde : l’autonomie. Pour avoir été à la tête du Ministère de la Défense, je sais parfaitement qu’il est nécessaire de faire preuve de capacités de décision rapides sans devoir forcément référer tout le temps au Chancelier, ou au Vice-Chancelier.

Evidemment, pour des opérations impliquant la sûreté de l’Etat, je vous demanderais de me mettre au courant. J’estime que c’est une demande assez normale. Pour le reste, il m’est parfaitement impossible de surveiller l’ensemble des agents de terrain, et ce n’est évidemment pas mon souhait. Vous serez parfaitement libre sur votre façon d’organiser vos ressources.
A vrai dire… Votre honnêteté et votre circonspection à l’idée d’utiliser les possibilités de la Loi Patriote sont des atouts, contrairement à ce que vous pensez. Je préfère avoir une personne prête à prendre le temps d’étudier chaque cas plutôt qu’un matamore trop zélé et adepte d’une sorte d’espionnage à grande échelle… »


Aucune référence à son futur prédécesseur.

« En tant que jedi, j’aurais tendance à croire que l’esprit du droit est plus important qu’un simple paragraphe qui sera amenée au cours des années à changer de nombreuses fois. »

Un silence suivit cette déclaration. Puis, ayant repris son souffle, Alyria conclut, un léger amusement dans la voix :

« Du reste, j’ai oui dire que vous ne seriez pas le moins qualifié pour diriger une partie de nos services secrets… »

Se rappelant alors soudainement qu’elle était censée avoir un autre rendez-vous, la maîtresse d’armes indiqua à son hôte qu’ils allaient devoir faire une pause dans leur entretien quelques instants d’un signe de main, avant de se lever pour prendre son holocommunicateur et dire :

« Telkhar ? Oui, pourriez-vous décalez mon prochain rendez-vous ? J’ai eu… Une urgence. Merci. »

Elle se rassit immédiatement après, et expliqua :

« Voilà, ainsi nous serons plus à notre aise et non pressé par le temps. Je crois que parler avec un potentiel futur ministre est une … urgence à la Chancellerie, n’est-ce pas ? »

Et surtout, cela lui assurait un moment agréable avant de reprendre son marathon d’entretiens aussi lénifiants qu’inutiles.

Cependant, il lui restait un dernier détail à discuter :

« Néanmoins… Pardonnez mon indiscrétion, Sénateur, mais j’ai cru comprendre que votre épouse avait connus quelques soucis de santé. Si jamais cela devait être un frein à votre retour sur la scène politique, n’hésitez pas à me le dire.

Je comprendrais parfaitement, n’ayez crainte. »


Une façon de s’assurer une dernière fois de la disponibilité de son futur ministre ? Certes. Mais aussi et surtout une sollicitude sincère, venant de la part de quelqu’un qui, bien que jedi et prônant donc le non-attachement familial, était capable de comprendre parfaitement les besoins d’une famille et l’envie de rester auprès d’un proche malade. Elle avait été sincèrement heurtée par la manière dont Ion Keyien, de son vivant, avait utilisé le kidnapping de la jeune héritière d’Ondéron pour envoyer quelques piques à sa mère. L’on pouvait avoir des adversaires politiques, mais tout de même ! Un peu de décence et de savoir-vivre n’était pas forcément une mauvaise chose. A vrai dire, elle trouvait même que ces deux éléments manquaient parfois cruellement dans ce qui était pourtant censé être le firmament de la civilisation républicaine. A croire que certains sénateurs avaient depuis longtemps oublié ce pour quoi originellement ils avaient été élus…

Heureusement que quelques hommes comme Yaven Seldon restaient encore pour redorer un peu le blason du Sénat.
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