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Noyau profond – Système Beshqek – Byss
Année 21.567 de la Fondation de la République Galactique, mois de Selona, 25 Natunda



Koros Major...

Dernière étape du voyage de Darth Valeras avant d'atteindre Byss. Sauf que, depuis déjà plusieurs jours, le Sith avait du chaque fois reporter un éventuel départ. Ce n'était pas faute d'avoir recherché un pilote casse-cou... Mais à la simple évocation de la planète, l'interlocuteur grimaçait, finissait sa bière et partait. Plusieurs raisons expliquait ces différents refus successifs. Traverser les voies hyperspatiales du noyau profond était particulièrement dangereux, les nébuleuses d'étoiles provoquant de graves distorsions dans les routes hyperspatiales. Qui plus est, Byss est son passé de monde Rakata, où règne le Côté Obscur, n'avait rien d'une destination rassurante. Et la planète ne possédait même pas des ressources naturelles intéressantes...

Tout cela, le Sith l'avait su avant même de quitter Korriban, évidemment. Il n'avait jamais estimé pouvoir rallier la planète seul, et dès le début son intention avait été d'engager quelqu'un sur Impératrice Têta, une planète du Noyau qui pourrait servir de point de départ pour atteindre Byss. Finalement, il se retrouvait à errer de bouge en bouge, à la recherche d'un pilote assoiffé et au chômage, désireux d'obtenir une belle montagne de crédits.
    « Ouais, j'pourrais ptêt bien vous arranger vot'coup... Qu'est-ce qui vous intéresse dans ce bled? »

    « Rien qui ne vous intéresse. »

    « Mon gars, si j'te conduis là-bas, m'est avis qu'ça m'regarde. »


Ca n'avait pas été facile de conserver son sang-froid face à ce crétin. Un homme, la quarantaine, barbe grise, ne se lavant visiblement pas régulièrement... voilà quel était le seul pilote acceptant d'aller sur Byss.
    « Celui qui m'emploie est intéressé par les choses qui traînent dans les ruines rakatas. Il me paye bien. Et j'en ferai de même avec vous. »

    « Ouep, ben ça suffira pas. Va vous falloir quelqu'un qui s'y connaît en électronique. Quelqu'un capable de paramétrer les sauts en hyperespace. J'suis pilote, moi. »

    « Et vous connaissez la personne adéquate? »

    « Si j'ai couché avec? Nan. J'ai juste son p'tit nom, le vla. Si mam'zelle accepte, revenez m'voir. On pourra ensuite partir en vacances sur vot' planète pourrie. »


Ainsi, Darth Valeras avait obtenu le nom d'une certaine "Alys", se trouvant pour l'instant sur Koros Major. Le puant pilote lui avait donné des coordonnées, une adresse... Le Sith n'avait guère eu le choix, il était pressé d'atteindre la destination et ne souhait pas perdre plus de temps qu'il ne l'avait déjà fait. Il tomba assez rapidement sur le bar qu'on lui avait indiqué, qui faisait également hôtel miteux à l'étage. Il entra. La musique allait fort. Des couleurs criardes et scintillantes illuminaient les lieux. Une piste de danse accueillait les amateurs, des adolescents ivres pour la plupart. L'endroit était particulièrement étendu, occupant l'entier rez-de-chaussé d'un immeuble. Ici et là, un couple se bécotait, ou un contrebandier faisait bondir sur ses genoux une prostituée twi'lek. On trouvait également, dans un coin, les membres de la pègre locale, comme dans tous recoins de la galaxie. Darth Valeras avança au bar. Il n'aimait guère ces endroits, mais devait bien faire avec. Le bruit de ces lieux le gênait au plus haut point. Il aurait souhaité prendre un bantha-blood fizz. Un alcool fort, fait à partir de sang de bantha purifié. Une boisson étrange mais qu'appréciait énormément le natif d'Artorias. Passé le cap de la répugnance, le goût s'avérait très bon. Le Sith se reporta sur un rhum correlien. Il donna un pourboire au serveur et prononça le nom qu'on lui avait transmis. Le Besalik montra quelqu'un du doigt, assis au bout du bar.

Il se leva, emportant son verre, et se dirigea vers la jeune femme, dont la peau pâle démontrait son appartenance à la race arkanienne.
    « Alys Vel Aath, je présume? »
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KOROS MAJOR

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

Deux mois déjà que j’arpentais Koros Major, planète principale du système heptaplanaire de Koros, parcourant les rues cosmopolites de Cinnagar et les zones rurales reculées, abreuvant mon esprit de ses merveilles architecturales. Connue à travers toute la galaxie comme étant le pendant de Coruscant par sa richesse culturelle et son état de développement urbain, elle possédait l’avantage de ne pas être encore totalement recouverte par sa mégalopole, laissant la part belle aux forêts, mers et zones champêtres qui, à défaut d’être totalement sauvages, donnaient un charme inimitable à la planète. Temples majestueux, palais grandioses, statues défiant l’imagination, j’avais voulu visiter tout cela et plus encore, accompagnée par le ballet perpétuel des trois lunes dont les ellipses tournoyantes avaient accompagné mes pas. C’est riche de plusieurs centaines de photos, immortalisées sur mon appareil et soigneusement digitalisées dans mon esprit que je songeais désormais à quitter ce monde. Je ne pouvais me plaindre de mon séjour ici mais ma quête des mystères de la galaxie ne pouvait souffrir de halte trop longue. Une vie trop courte pour trop d’étoiles et de mondes : il me fallait déjà repartir.

J’avais laissé trainer le message dans tous les endroits fréquentés par les mercenaires, voyageurs, pilotes, contrebandiers et marchands qu’une techie cherchait un emploi lui permettant de voyager mais les offres que j’avais reçu jusqu’ici ne me convenaient pas. Destinations trop communes ou déjà visitées, peu sérieuses ou tout simplement manquant de réalisme, je réservais ma décision en attendant une offre qui saurait captiver mon intérêt.

En attendant, j’avais trouvé un lieu de perdition parfait dans une cantina tenue par un Svivrenien teigneux qui y régnait en maitre du haut de ses 85 cm. Sorte de despote-mascotte, ses éclats de colères faisaient l’ambiance et la réputation d’un endroit et l’on venait tout à la fois pour boire au son des joueurs de flutes d’os de Chadra, pour sa population aux mœurs libertine, ses tables de jeu et pour rire des bordées d’insultes du patron adressées à tout récalcitrant à un règlement intérieur que tout le monde ignorait ou faisait semblant d’ignorer. J’avais pris une chambre dans les environs, l’endroit manquant trop de sécurité pour y passer la nuit, mais c’était ici que j’aimais passer mon temps et discuter, surtout quand comme aujourd’hui un fin crachin tombait continuellement, certaine que tôt ou tard la chance me sourirait.

Négligemment accoudée au comptoir, j’avais revêtu ce jour là une combinaison néo-victorienne noire composée d’un corset rehaussé d’argent couvrant partiellement un gilet sombre dont les moirages dessinaient des arabesques faleen, petit clin d’œil à la culture de mon dernier partenaire de mission, d’une ceinture treillissée de métal, d’un pantalon anthracite de coupe droite et de bottes cuissardes de style militaire s’arrêtant au dessus du genou. Le tout était trop précieux pour l’endroit aussi avais-je pris soin de laisser pendre mon blaster à la ceinture et de recouvrir l’ensemble d’un manteau long noir. La coupe moderne et les matières utilisaient garantissaient à l’ensemble une esthétique soignée et à la mode, peu habituelle, mais que j’appréciais.

« Alys Vel Aath, je présume ? »

Je me retournais pour faire face à un homme puissamment bâti, un mètre quatre-vingt dix, la cinquantaine, l’air volontaire et résolu. Son regard possédait un éclat troublant et dangereux, qui me faisait penser aux pupilles envoutantes d’un serpent. Athlétique, le geste souple, il possédait un équipement simple mais impeccable bien qu’usagé, signe d’entretien, de rigueur et de méticulosité et si les quelques protections qu’elle distinguait sur lui le désignaient comme un militaire, le reste de son apparence et son âge laissaient présumer d’un homme d’expérience, probablement gradé, certainement plus habitué à donner des ordres qu’à demander des services. En un bref instant, je récapitulais méthodiquement toutes les méthodes de fuite que j’avais planifiée auparavant, m’attendant à me faire arrêtée. Pourtant, l’homme semblait soucieux et très légèrement nerveux, peut être incommodé par l’endroit ou en recherche d’une solution, et cette attitude là signifiait souvent opportunité à saisir. A rencontre promettait d’être intéressante et, je l’espérais, non dangereuse.

« Oui c’est moi. Que puis-je pour vous ? »
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    Koros Major... Impératrice Têta, ou encore Cinnagar. Plusieurs noms pour une seule planète, nés de la confusion entre la ville tentaculaire la recouvrant ainsi que du légendaire personnage historique. Notre héros était donc bien loin de l'Espace hutt où il sévissait d'habitude. C'était peut-être mieux pour lui. A force de remuer la merde du bout des pieds, les vapeurs nauséabondes qui en remontaient devenaient bien trop pressantes. Disons que les problèmes d'argent de l'arkanien ne s'étaient pas arrangés malgré quelques contrats juteux. Après un voyage à Coruscant fort en rebondissements, il avait donc préféré ne pas retourner tout de suite sur Nar Shaddaa. De fil en aiguille, de courses en missions, il avait atterris sur Koros Major dont le décor contrastait avec ce qu'il avait connu ces dernières années. Et quel plaisir de ne pas avoir affaire à la pègre Hutt en permanence... Il avait presque la sensation d'être libre, un homme nouveau. Il n'en était pas pour autant débarrassé de ses vices. La tare morale d'Anado était certainement bien trop ancrée en lui, à l'image de ses tatouages. C'était de la contrebande qui l'avait mené jusqu'ici, dans le Noyau Profond. Un gros paquet d'armes et un peu de came qu'il fallait faire passer. Quelque chose de simple mais évidemment risqué. Heureusement le client avait quelques contacts dans la douane et les talents de l'arkanien firent le reste. Depuis, il était resté à quai, dépensant son pactole la nuit et faisant quelques affaires. Cela faisait déjà deux bon mois qu'il louait une piaule minable au-dessus d'un rade, et l'ennui commençait à le prendre. Peut-être que Koros Major n'était pas assez misérable pour lui, qui avait attendu des années durant à quitter la poubelle planétaire qu'était la lune des contrebandiers. S'y était-il accoutumé, à la crasse ? Non, inimaginable. Seulement, il espérait plus d'action en venant ici, peut-être. Du moins quelque chose de plus sensationnel. Pour l'instant, seules les prostituées le satisfaisaient, et il faisait le bonheur des proxénètes depuis son arrivée.

    D'ailleurs, il s'éveilla en bonne compagnie ce jour-là. Une twi'lek aux attributs disproportionnés – et certainement artificiels – occupait une bonne partie de sa couche, trop petite pour une nuit confortable à deux, mais assez grande pour assouvir ses pulsions charnelles. La fille avait été payée grassement et avait donc dormis en compagnie selon son souhait. Vœux qu'il semblait désormais regretter. Ouvrant une paupière lourde, puis une seconde, il repoussa le bras de l'alien en grognant. Il faisait atrocement chaud et la pièce, bien trop petite, sentait affreusement l'alcool et la sueur. Se redressant, l'arkanien poussa la twi'lek dans les vapes jusqu'à ce qu'elle ne roule sur le sol, avant de l'enjamber pour aller ouvrir la fenêtre, laissant la lumière du jour pénétrer dans la chambre. Se retournant il ramassa les affaires de la prostituée et lui lança tandis qu'elle se redressait, une grimace déformant son visage plutôt agréable d'ordinaire.


    « - Allez. » dit-il simplement, en profitant pour enfiler un sous-vêtement.

    Ne se faisant pas prier, l'alien disparut en quelques minutes, ne laissant aucunes traces de son passage si ce n'est le fantôme discret de son parfum. Allumant une cigarette qu'il dégusta accoudé à sa fenêtre, le mercenaire songea alors à son avenir. Il s'était fait une promesse. Remonter la pente. Pour la première fois depuis plusieurs années, ses comptes étaient positifs. De peu. Mais il ne pouvait pas s'accorder de trop longues vacances ici. Le Storm Chaser dormait dans un hangar et il n'avait pas de quoi payer pour l'instant. Impossible de repartir sans remplir un contrat.

    Il avait noué quelques contacts avec différents mercenaires, réseaux de contrebandiers et autres freelances. Parfois, certains lui filaient un tuyau ou lui déléguaient un contrat. Après plusieurs appels vers différents intermédiaires plus ou moins obscurs, il parvint à joindre un pilote du coin, du genre puant, aussi bien physiquement qu'au niveau des affaires.


    « - Rien de nouveau dans le coin ?
    - Maintenant que tu le dis, si. Y a un type qui est venu me voir. Il veut aller sur Byss. Le genre de type qui parle pas beaucoup et qui paie bien, enfin l'mec louche quoi... Je le sens pas trop. Si je te refile le contrat, 50/50 ? »

    Byss ? Quel genre de type voulait aller sur Byss ? Et puis embaucher ce type... Pas vraiment le meilleur des pilotes. Enfin, en le comparant à Anado Darssian, il part forcément de loin. Qui plus est, la route était des plus dangereuses. C'était un vrai challenge. Par contre, faire moitié moitié avec ce tocard ? Pas question. Déjà que le contrat était louche et sentait l'arnaque à pleins nez, il pouvait aller se faire foutre. Il allait pas risquer sa vie, lui. Il y avait fort à parier qu'il ne comptait même pas remplir le contrat.

    Il n'y avait pas grand monde d'assez culotté et talentueux pour ce genre de missions. Bien sûr, Anado le savait, il était l'homme de la situation. D'après le tuyau que lui avait filé le débris, le type en question devait rencontrer une techie pour compléter la fine équipe, ce soir. C'était le moment de rencontrer ce fameux voyageur. S'étant réveillé en pleine après-midi, il n'avait pas vraiment le temps de rêvasser. Il y avait des crédits en jeux.

    Il se prépara très rapidement, faisant une toilette expresse mais juste assez poussée pour être propre et présentable. Il équipa son armure, qui, comme tout son équipement, était d'une propreté étonnante. Une fois armé, il n'avait plus qu'à se pavaner jusqu'au point de rendez-vous.

    Il fut sur place bien en avance, histoire de goûter un peu aux spécialités locales. Il eut bientôt une prostituée à chaque bras et plusieurs verres dans le cornet. Loin d'être amoché, l'arkanien commençait tout juste à savourer son début de soirée quand il remarqua un grand type. A dire vrai, on ne pouvait pas vraiment le rater. Il avait une allure noble et un regard qui trahissait le caractère non habituel de sa présence ici. Entre le dégoût et la nervosité. Si Anado devait rencontrer un client ici ce soir, pas de doute, ce serait lui. On pourrait même aller plus loin : ce mec puait l'argent à pleins nez. Il le suait à grosses gouttes.

    Il suivit du regard ce fameux type qui avait rejoint une arkanienne au bar. Il n'avait pas remarqué la présence d'une compatriote dans le rade. C'était presque surprenant. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas croisé quelqu'un de son espèce, il en était presque nostalgique. Mais il comprit rapidement que cela devait être la fameuse techie. Il grimaçait légèrement à l'idée de devoir travailler avec une arkanienne, ne connaissant que trop bien leur ego et leur caractère. Il espérait qu'elle soit muette, le voyage n'en serait que plus agréable. Voyant la conversation s'engager entre les deux individus, il eut confirmation de ses soupçons quant à leur identité et put donc agir sans crainte. Reniflant un grand coup, il reposa un verre à moitié pleins sur la table de verre en face de lui, se redressant subitement, laissant choir ses deux conquêtes, durement acquises par son porte-feuille.


    « - Désolé les filles, un devoir d'homme m'appelle. Celui de me remplir les poches. »

    Il entreprit donc de traverser la salle, bousculant quelques couples d'adolescents se galochant sur de la musique démodée et bien trop forte. On entendait à peine les gloussements des filles éméchées et les invectives du Svivrenien, debout sur son bar, ordonnant à deux nautolans ivres de payer leur consommation.

    S'approchant du comptoir, il s'assit juste à côté de l'arkanienne et de l'humain. S'emparant d'un verre qui traînait pour avoir l'air occupé, il écouta distraitement la conversation récemment engagée entre les deux personnes avant de les interrompre sans prévenir, se tournant légèrement vers eux.


    « - Anado Darssian, enchanté. »

    Il laissa quelques secondes s'écouler. Il avait du crier pour être sûr de se faire entendre. Comme d'habitude persistait cet espoir de tomber sur un vieux fan, mais cette fois, il n'insisterait pas.

    « - J'ai entendu dire que vous cherchiez un pilote. Pas la peine de nier. Je connais déjà votre destination. C'est le gros Ervin qui m'a transmis le contrat. Faut être sacrément burné pour aller là où vous savez. Et faut croire que j'ai un plus gros paquet que lui. Quant à vous il désigna le grand typevous avez intérêt à avoir un sacré paquet de crédits. »

    C'était de bonnes présentations. Il avait été aimable et il s'était bien vendu. Bordel, il aurait pu vendre des chaussures à un cul-de-jatte. Satisfait, il but une grande gorgée de son verre, avant de grimacer. Du t'ssolok, quelle merde ! Il dut se retenir pour pas vomir et reposa le verre tandis que son propriétaire initial le retrouvait à tâtons, de dos, sans avoir rien remarqué.

    Merde, il en avait presque oublié la politesse. Lançant un clin d'oeil à l'arkanienne assise au comptoir, il rajouta subtilement :


    « - Bonsoir madame... ». Fidèle à lui-même, il avait bien sûr envie d'engager la conversation avec sa compatriote, pas désagréable à regarder, mais il fallait d'abord se concentrer sur ce contrat juteux qui lui faisait les yeux doux. Après, il pourrait les faire à la dame. Plus tard. Peut-être. Sûrement.
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Darth Valeras n'aimait guère ces cantinas pleines de rebuts de la société, et cela se voyait. Il n'était pas à l'aise, assis sur une chaise haute à un bar, devant sortir de la monnaie pour payer ses consommations. Sur Korriban et dans le reste de l'Empire, jamais il n'avait à s'abaisser à de tels bêtises. Il ordonnait, on lui obéissait. Il disposait d'esclaves en suffisance pour satisfaire ses moindres désirs, et il n'était pas question qu'il se serve lui-même. Au sein de l'Académie de Korriban, il n'avait pas eu une vie facile, mais une fois devenu Seigneur Sith il avait joui de tous les avantages de la fonction. Demeure privée de grand luxe, esclaves à ses ordres, domaine seigneurial sur Korriban... Un majordome annonçait l'arrivée de tout invité, emmenait le maître de maison à la salle à manger...

Cela faisait plus de deux semaines que le Sith avait du abandonner ce mode de vie et il devait bien admettre que cela lui manquait. Dans ces territoires de la galaxie, il devait se faire passer comme un individu ordinaire, banal, et cette nécessité lui était intolérable. Les individus devaient s'écarter sur son passage, lui présenter des marques de déférence... tout cela était impossible ici, et il se retrouvait à la merci d'un idiot de barman pour obtenir un verre de rhum, qu'il devait commander lui-même.

Il allait répondre à son interlocutrice, lorsqu'un individu vint s'intégrer brusquement dans leur embryon de conversation. Il pensa un instant chasser le malotru, réagir avec violence, mais se ravisa à l'écoute de ses paroles. Le type avait du culot, il fallait l'admettre. Un peu plus petit que Valeras, le type n'en était pas moins bien baraqué et offrait une solide carrure. Les cicatrices balafrant son visage lui conféraient un air de vieux briscard, d'ours mal léché, dangereux et capable de résister à tout et n'importe quoi. Le genre d'individu que Darth Valeras ne pouvait souffrir... Et pourtant... Pourtant, il y avait quelque chose chez ce bonhomme qui lui plaisait. Peut-être cette capacité à railler, ce sourire cynique et rebelle.

Le bar était parcouru de lumière. Des ampoules led diffusaient des couleurs entêtantes, changeant au cours de la soirée, passant du rose au bleu, du bleu au vert. Une ambiance étrange flottait dans l'air, propre aux nightclubs et inconnue du Seigneur Sith. Il fit signe au barman de s'approcher.

    « Trois verres. Rhum correlien. »


Aussitôt, les trois consommations firent leur apparition sur le bar. Le Sith prit la sienne, but une gorgée et porta sur les deux individus qui l'entouraient. Les manières du pilote étaient peu conventionnelles mais après tout ce n'était pas étonnant de la part d'un contrebandier, ou quelque soit la chose qu'était cet individu.

    « Vous connaissez ma destination. Mais pas, mademoiselle ici présente. »


Il se tourna vers l'Arkanienne, le dévisageant. Elle était belle, frêle d'aspect mais richement habillée, avec élégance et selon des tons très sombres, rehaussant la blancheur de sa peau. Tout cela, le sieur Darssian l'avait visiblement remarqué, et plus encore.

    « Ce que ne vous a pas dit monsieur... Darssian, c'est que je souhaite rejoindre Byss. Une destination qui effraie bien des individus mais qui semble visiblement intéresser monsieur Darssian. Toutefois, pour un tel voyage il faut quelqu'un qui s'y connaisse en informatique, en technologie, une personne capable de paramétrer les différents sauts hyperespace malgré les distorsions qui se présenteront sur le chemin. C'est vous que l'on m'a conseillée. »


Le Sith but son verre de rhum, désireux de quitter cet endroit rapidement.

    « Je vous payerai bien. Je vous propose d'aller voir le vaisseau de monsieur Darssian. »


Et se tournant vers l'Arkanien.

    « Vous me convenez. Vous aurez les crédits nécessaires pour un tel voyage. Après tout, je ne peux pas tomber sur pire qu'Ervin, votre vaisseau devrait donc faire l'affaire. Nous pourrions certainement nous y rendre maintenant? »



P.S. : désolé pour le retard. --'

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J’avais à peine répondu que j’étais brutalement interrompue par un de ces alcooliques macho qui peuplaient l’endroit. Je l’avais repéré du coin de l’œil pendant le début de soirée, à s’amuser à faire sauter sur ses genoux des prostituées qui collaient leurs seins sur son corps tout en le caressant afin de le divertir en lui répétant contre de l’argent qu’il était le plus fabuleux des hommes qu’elles aient rencontrées. D’ordinaire cela ne me dérangeait pas, le comportement étant habituel pour les mercenaires et les pirates de tout bord, mais le fait qu’il soit arkanien me semblait une insulte à notre peuple et son interruption une insulte à titre personnel.

« Anado Darssian, enchanté. J'ai entendu dire que vous cherchiez un pilote. Pas la peine de nier. Je connais déjà votre destination. C'est le gros Ervin qui m'a transmis le contrat. Faut être sacrément burné pour aller là où vous savez. Et faut croire que j'ai un plus gros paquet que lui. Quant à vous, vous avez intérêt à avoir un sacré paquet de crédits. »

Le clin d’œil finit de m’achever. « Bonsoir madame... »

Mais la décision ne m’appartenait pas et visiblement mon importun plaisait à notre futur employeur qui nous paya un verre de rhum correlien. Beaucoup trop fort pour moi, je me contentais d’y tremper les lèvres et de boire légèrement par politesse tout en l’écoutant continuer.

« Ce que ne vous a pas dit monsieur... Darssian, c'est que je souhaite rejoindre Byss. Une destination qui effraie bien des individus mais qui semble visiblement intéresser monsieur Darssian. Toutefois, pour un tel voyage il faut quelqu'un qui s'y connaisse en informatique, en technologie, une personne capable de paramétrer les différents sauts hyperespace malgré les distorsions qui se présenteront sur le chemin. C'est vous que l'on m'a conseillée. Je vous payerai bien. Je vous propose d'aller voir le vaisseau de monsieur Darssian.»

Darssian… Darssian… il insistait beaucoup sur ce nom comme s’il avait de l’importance. La famille était connue sur Arkania certes mais pourquoi se plaire à le souligner ? Soudain, à travers les cicatrices et les traits bouffis, je distinguais un visage connu, qui passait sur les chaînes d’informations lorsque j’étais enfant.

« Anado Darssian ? », demandais-je incrédule. C’était bien ce pilote de légende qui avait failli devenir une star de pod avant d’avoir un terrible accident qui l’avait laissé à moitié brulé vif. Cela expliquait l’impertinence de l’introduction et son inénarrable confiance en soi. Si nous étions amenés à travailler ensemble, je risquais d’avoir affaire à l’un des arkaniens les plus bouffis d’orgueil que cette galaxie ait enfanté et j’en fatiguais par avance.

Mais tout ceci n’était qu’une réaction instinctive peu digne de moi. Je mis à profit quelques secondes de silence afin de recentrer mes idées. Son introduction m’avait déplu mais en dehors de m’avoir coupé la parole je n’avais rien à lui reprocher, il avait même été poli à mon égard. Ses manières étaient celles d‘un mercenaire à l’aise dans son milieu et s’il était encore ne serait-ce que la moitié de ce qu’il avait été auparavant il resterait un pilote de confiance. J’adoptais une attitude plus ouverte et répondis sur un ton avenant à notre futur employeur.

« On vous a bien dirigé. Si la planète sur laquelle vous souhaitez vous rendre présente des distorsions de couloirs hyper spatiaux il vous faut quelqu’un capable de modéliser ces changements ou de s’y adapter rapidement. Deux choses que je suis en mesure de faire. Après il faudra m’en dire plus si vous voulez que j’accepte le contrat, mais cela peut attendre la visite du vaisseau de Monsieur Darssian. », je glissais une pointe de taquinerie dans le Monsieur, accompagnée d’un sourire à Anado pour montrer qu’elle n’était pas méchante, amusée de l’usage de cette formalité en ce lieu. Je savais que notre employeur avait voulu dès les premiers mots montrer qu’il était bien informé et qu’il tenait les rennes de l’entretien mais cela n’empêchait pas un peu de légèreté.

« Je ne connais pas les spécificités de Byss, il faudra me fournir des cartes ou me laisser le temps de m'en procurer.»

Je portais le verre une dernière fois à mes lèvres avant de le reposer derrière moi, plus qu’aux trois-quarts plein.

« Merci Irwin », dis-je en m’adressant au barman avant de régler mes propres consommations.
Il restait que ces deux hommes pouvaient très bien être des chasseurs de primes à ma recherche. J’avais des avis sur ma tête dans plusieurs coins de la galaxie et il restait possible qu’ils s’en prennent à moi dès que nous aurions quitté l’endroit. Mais alors pourquoi envoyer une personne transpirant l’autorité et l’assurance telle que notre employeur ? Pourquoi envoyer quelqu’un d’aussi peu commode sauf si ce n’était pour quelque chose de très grave ? Est-ce que ce contrat hypothétique valait le risque d’une rencontre ? En cas d’affrontement l’issue ne faisait aucun doute et je pouvais fort bien me retrouver à fond de cale expédiée vers la bordure extérieure pour répondre de je ne sais quel crime à mon actif. Pourtant il y avait un je-ne-sais-quoi de ténébreux chez lui qui m’incitait à répondre à son invitation, en espérant que ce ne soit pas une énorme gaffe. Je m’adressais à lui en sortant.

« Au fait, il faudra penser à me donner votre nom si vous souhaitez que je travaille pour vous.»
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Ce fut d'abord un regard presque méprisant qui se posait sur Anado, mais qui s'adoucit tandis que ce dernier parlait. Le poisson avait donc bel et bien ferré, le plus gros du boulot était fait. Le reste ne serait que des formalités jusqu'à ce qu'il n'empoche son pognon. La mission n'allait pas être désagréable, un genre de road trip un peu plus dangereux que d'habitude. L'employeur était certes « louche », comme l'avait spécifié Ervin, mais qui n'était pas louche dans ce milieu ? En réalité, il faisait bien trop propre pour être honnête. Un personnage totalement étranger à ce monde faisait forcément tâche. Mais Anado avait appris à apprécier les surprises et les apparences trompeuses.

Rapidement, trois rhums cornelliens firent leur apparition sur la table et l'arkanien hocha doucement la tête, visiblement satisfait du traitement que l'inconnu réservait à ses employés. Après s'être jeté une bonne rasade sous la langue qui ne tardait pas à lui chauffer le crâne, il entreprit d'écouter avec attention le grand brun, dont il ne connaissait toujours pas l'identité. Visiblement, si le pilote était bien informé, ce n'était pas le cas de la technicienne, fraîchement recrutée. Anado posait son regard sur elle, la décryptant de la tête aux pieds, le regard rendu fiévreux par l'alcool qui s'insinuait dans son sang. Sans être ivre, l'arkanien, habitué à ingurgiter des quantités déraisonnables de boisson était désormais dans de bonnes dispositions pour apprécier sa soirée, et un verre de plus le ferait basculer. Ainsi, se rendant compte de la posture délicate où il se trouvait, un pieds dans la lucidité et l'autre dans l’effervescence nocturne, il prit la sage décision de repousser son verre presque vide.

Quand la question du vaisseau intervint, Anado hoqueta discrètement. Cet abrutis avait complètement oublié que pour voyager, fallait-il encore avoir un moyen de transport. Byss n'était pas la porte à côté et comme l'avait précisé son nouveau patron, le voyage n'était pas de tout repos. Qui plus est, en plus d'être inadapté au voyage, le StormChaser ne permettrait pas d'emmener trois personnes. Il reprit constance rapidement, bon menteur qu'il était. Il avait plus d'une carte dans son sac, plus d'un tour dans sa main, ou l'inverse, il avait oublié. Un vaisseau, mais bien sûr, un vaisseau ! Il avait déjà plusieurs idées, à commencer par ce gros sac d'Ervin. Il les voulait, ses cinquante pour cent ? Il allait les mériter. Cet empaffé avait une dizaine d'appareils, volés, saisis ou on ne savait quoi encore qui dormaient dans son entrepôt. Anado connaissait bien l'un d'entre eux, que le contrebandier avait rebaptisé le Heaven. C'était un ancien navire de fret, probablement saisis par les autorités locales et racheté à prix d'or par la société écran d'Ervin qui s'en servait pour la contrebande. Anado avait eu à l'utiliser à plusieurs reprises. Il était manœuvrable avec un équipage restreint, voire minime, solide bien que d'un âge déjà avancé et était équipé d'un appareillage de bonne facture. La technicienne devrait pouvoir bidouiller quelque chose de sympathique là-dedans, et puis après tout c'était son boulot, Anado ne savait que piloter, pas foutre les mains dans le cambouis. Ça, on l'avait toujours fait pour lui.

Tandis qu'il établissait dans sa tête un plan pour obtenir les clés rapidement – ce qui était en fait relativement simple, ou presque, connaissant Ervin – l'arkanienne comprit visiblement qui elle avait en face d'elle. Un large sourire vint déformer le visage marqué du mercenaire dont les yeux, bien qu'artificiels, brillaient de satisfaction. Bon sang, ça faisait tellement de temps, il en avait presque une demi-molle.


« - En chair et en os. »

Malheureusement, cela s'arrêtait là. Elle n'était pas visiblement une fan, simplement quelqu'un de plus qui se souvenait de lui et reconnaissait derrière les marques du temps le visage d'un champion. L'excitation retombait définitivement quand elle reprenait la parole, revenant sur les modalités du contrat et de son exécution. C'était visiblement trop demander de tomber sur une ancienne groupie qui se souviendrait de lui comme de son premier amour de jeunesse, le premier homme qu'elle aurait admiré. Parfois, Anado se mettait à envier les petites starlettes galactiques qui se tapaient les top models qu'il avait eu le privilège de cotoyer des années plus tôt. Puis il se rappelait que la déchéance n'avait pas que du mauvais. Son nom représentait plus vraiment une fortune mais ses compétences s'étaient élargies. Quand il reviendrait sur le devant de la scène – car il y serait, d'une manière ou d'une autre, il pouvait le jurer – il serait bien meilleur encore qu'auparavant, et que ça soit sur un circuit ou autre part.

« - Oui, bon, mon vaisseau, bien entendu. Je dois passer un coup de fil pour arranger la visite, je n'avais pas prévu de faire ça aujourd'hui. Mais si vous êtes pressé, c'est vous le patron, alors je vais nous arranger ça. »

Sans plus s'étendre il s'éloignait, sortant du bar pour être tranquille. Il prit rapidement contact avec Ervin.

« - Alors, ce gros poisson ?
- Il est ferré. Il me garde. Par contre, il me faut le Heaven, prêt pour demain, et il veut aller le visiter.
- Comment, quand ça ?
- Ce soir.
- Mais c'est pas possible, quel emmerdeur ce type ! Il peut pas attendre demain ? Je viens tout juste de le faire charger par mes dockers, je l'ai fait affrété pour une livraison sur Corellia !
- Écoute-moi bien Ervin, si tu veux ton pognon et me revoir au retour de Byss, t'as intérêt à décharger ce tas de merde avant ce soir car je laisserai pas filer ce contrat. Lâche ta merde de Corellia, ça vaut que dalle, je te jure que ce mec pue le fric à pleins nez. Ta trésorerie va prendre un grand bol d'air frais après ça, le type va raquer, Byss c'est pas un centre de thalasso, crois-moi, et il a l'air déterminé le bonhomme.
- Bon, je vais voir ce que je peux faire, gagne du temps Anado ! Et je veux soixante pour cent ! »

Anado raccrochait avant même qu'il ne termine. L'affaire était faite. Et qu'il aille au diable avec ses soixante pour cent. Retournant auprès de ses nouveaux, camarades, Anado fit alors apparaître un hologramme de l'appareil sur le comptoir.

« - Je vous présente Heaven. Notre dulcinée pour ce voyage. Elle nous attend déjà... »

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Un nom? Ah oui... Décidément, il n'avait pas l'habitude de côtoyer le commun des mortels. Il était accoutumé à ce que tout le monde s'écarte sur son chemin, craignant le puissant Seigneur Sith, Darth Valeras. Ici, sur Koros Major - Impératrice Têta - il n'était qu'un individu de plus parmi d'autres, sans intérêt et sans importance. Un nom? Il en avait eu un, il y a longtemps... Mais depuis qu'il avait passé le stade de l'apprentissage Sith, il s'appelait Darth Valeras, et rien d'autre. C'était là son seul et véritable nom. Enfin, pour la cause, il fallait bien donner de quoi satisfaire l'Arkanienne.

    « Je me nomme Drayon. »


Drayon Scalia, son prénom et son nom, à une époque révolue. Quelle idée de reprendre ce prénom idiot... Enfin, ça ferait l'affaire. La situation ne plaisait que peu au Sith. Faire appel à des mercenaires, devoir les payer en crédits républicains, leur faire d'une façon ou d'une autre confiance, s'en remettre à leurs compétences... Il n'aimait pas cela du tout. Mais il n'avait guère le choix. Byss était particulièrement difficile d'accès, seul il n'y arriverait jamais, inutile de se bercer d'illusions.

En plus de cela, il sentait bien que les deux individus qu'il avait embauchés l'avaient bien identifié comme un étranger. Ou du moins comme un type étrange. Son accoutrement sévère n'avait rien de bien spécial, mais toute son attitude dégageait une assurance un peu... aristocratique. On sentait que le grand bonhomme appartenait à quelque couche dirigeante, à quelque classe aisée... A vrai dire, Darth Valeras n'était pas particulièrement riche. Mais sa position de Seigneur le rendait infiniment supérieur au reste de la populace dans l'Empire. Et ses fonctions à l'Académie de Korriban étaient loin d'être négligeables. Bref, il avait une attitude d'Homme supérieur. Ca n'avait rien d'étonnant pour un Sith. Dans les quartiers pourris d'Impératrice Têta, par contre...

Cela dit, le pilote n'avait l'air de s'intéresser particulièrement à lui. Il semblait bien plus intrigué par le joli minois de sa congénère de race. Ce n'était pas plus mal... L'Arkanienne, par contre, était moins matamore, plus sensée. Comme la plupart des femmes, après tout. Si elle était aussi efficace qu'elle était assurée, ils atteindraient Byss sans trop de problèmes. La jeune femme semblait toutefois connaître l'identité de la grande gueule. Etait-ce une star locale? L'un de ces contrebandiers célèbres? Ca n'avait pas grande importance. Il fallait déjà voir ce qu'Anado Darssian avait de disponible comme véhicule. L'individu pouvait très bien n'être qu'un beau parleur. Le Sith avait achevé son verre de rhum correlien en partant. Avant de quitter le bar, le pilote arkanien avait présenté le vaisseau qui les conduirait à destination. Il n'avait rien eu à redire, ne connaissant de toute manière rien en matière de vaisseaux. Le dernier qu'il avait eu en sa possession, il l'avait écrasé sur Iego.

Ils traversèrent les rues de Cinnagar, capitale d'Impératrice Têta. Le temps était mauvais, la pluie tombant en grosses gouttes. Durant tout le trajet, Valeras resta silencieux, prisonnier de ses pensées. Car atteindre Byss, c'était une chose, trouver ce qu'il cherchait c'en était une autre. Que ferait-il de ces deux-là, pendant qu'il mènerait ses recherches? Ils ne pouvaient pas prendre connaissance de son identité. S'il était repéré comme un Sith, ils tenteraient de peut-être de l'arrêter. En vain, bien sûr. Ce n'étaient pas ces deux arkaniens qui l'arrêteraient... Mais il avait besoin d'eux pour rentrer. Inutile de se rendre sur Byss si c'était pour y rester coincé. Bah... inutile de se faire du souci pour l'instant, il serait bien temps de s'en faire après.

Les rues étaient sans intérêt. Les mêmes que dans toutes ces cités du Noyau... Les ruelles de Coruscant, Metellos ou Kuat ne présentaient sans doute pas de grandes différences avec celles qu'il traversait pour l'instant. Du gris, partout, de la saleté, d'énormes bâtiments phalliques. Rien de majesté des immeubles de Kaas City, et surtout rien de la poésie des pyramides ocres de Korriban, ou de ces habitations troglodytes cachant leurs secrets. Du bêton, partout, tout le temps, toujours sous une forme répétitive. Ils arrivèrent finalement à l'endroit où se trouvait le fameux vaisseau, le Heaven... On n'était pas à l'astroport, en tout cas. Il s'agissait de grandes entrepôts, où vadrouillaient des individus de toutes les races imaginables de la galaxie. Ici et là, des mécaniciens s'affairaient, afin de réparer les vaisseaux. Le Heaven se présenta, positionné dans un coin. C'était un cargo de taille moyenne.

    « Ca fera l'affaire je présume. »


Darth Valeras regarda le bâtiment, puis se tourna vers les deux arkaniens.

    « Bien. Je vous propose 25.000 chacun. »


Le montant était tout à fait correct, pour un voyage aller-retour. De toute manière, il ne roulait pas sur l'or et ne pouvait pas vraiment débourser plus que cela.

    « Je souhaiterais partir le plus vite possible... Serait-il possible d'appareiller aujourd'hui? »


P.S. : encore désolé pour le retard
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« Je souhaiterais partir le plus vite possible... Serait-il possible d'appareiller aujourd'hui? »

« Je ne peux rien vous garantir. Si l’endroit est dangereux je vais avoir besoin d’un peu de temps pour étudier les cartes spatiales et prévoir les difficultés de la route. Si tout se passe bien nous pourrons embarquer ce soir et dans le pire des cas il pourrait me falloir plusieurs jours. »

La réponse ne plairait surement pas mais c’était la seule qui soit professionnelle.

« Nous sommes dans un nexus d’informations, surement à l’un des meilleurs endroits de la galaxie pour obtenir des cartes à jour et des simulations correctes. Autant perdre du temps maintenant que de se retrouver dans un coin paumé de l’univers sans idée de la route à prendre. Cela pourrait occasionner des frais d’ailleurs. », dis-je à l’attention de notre employeur.

Le salaire était conséquent, élevé même. Je n’hésitais pas longtemps.

« 25.000. Top-là. M. Drayon, si quelqu’un peut vous menez à bon port je pense que vous avez trouvé les bons partenaires. » Je m’avançais un peu sur le professionnalisme de notre équipe. Cela aurait été vrai si Anado avait gardé ses réflexes sans sombrer dans l’alcool or le doute était permis.

Je lâchais un numéro de comlink et pris le leur avant de partir en faisant un signe de la main Anado. « Je vous tiendrai informés sur la date du départ ». Je ne leur laissais pas vraiment le choix, j’espérais qu’ils comprendraient.

A peine séparés, je me lançais dans une recherche approfondie sur Byss et ses alentours : l’avantage d’être un ordinateur vivant c’est que j’étais toujours à portée de réseau. Les premières informations m’arrachèrent un juron : le voyage n’était pas difficile, il était quasiment impossible et plus je me renseignais plus les difficultés techniques s’accumulaient si bien que le soir venu, j’avais sombré dans un pessimisme qui ne me ressemblait pas et j’étais sincèrement à deux doigts d’abandonner. Se rendre sur Byss n’était pas un problème de compétence : c’était un problème d’astrophysique. Mais la planète m’intéressait : elle était décrite comme un petit paradis. Son seul souci était qu’elle était inaccessible. J’allais avoir besoin de plus de temps pour étudier la situation.

J’envoyais lapidaire un message à mes deux compagnons de route. « Route hyperlane compromise, besoin de réflexion. Vous recontacte demain matin. »

On dit que la nuit porte conseil mais pour cela il faut dormir et je n’avais pas de temps à perdre. Je passais la nuit plongée dans mes réflexions et calculs. J’avais acheté plusieurs cartes, fait plusieurs simulations, travaillé d’arrache-pied à trouver une solution à un problème presque insoluble mais finalement j’y étais parvenue, peut-être pas à une réponse mais au moins à une potentialité réalisable. J’étais passée d’une mission suicide à une mission périlleuse qui allait nécessiter de la chance, du doigté et de beaucoup de compétence.

Je renvoyais un message, trop focalisée sur les questions techniques pour me rendre compte qu’il était abrupt.

« RDV au Heaven à 10h. Briefing. »

J’avais le temps de prendre une douche et un bon petit déjeuner et surtout un grand bol de café avant l’heure du rendez-vous puis j’enfilais un pull léger gris perle, un pantalon assorti plein de poches et une veste courte blanche et me dirigeais d’un bon pas vers le Heaven. Drayon et Anando semblaient tous deux arrivés aussi annexais-je la pièce principale où, sans ralentir et avec un bref salut minimaliste, j’entrais directement dans le vif du sujet.

« Messieurs, je vous explique la situation. En langage technique, c’est la merde. Byss est en plein dans le Noyau profond. Comme vous le sayez, le noyau comprend une densité d’étoiles très importante : 30 milliards dans un mouchoir de poche de 7.000 années lumières avec un énorme trou noir au centre entouré d’antimatière. Je passerai sous silence les amas d’étoiles concentrées passant leur éternité à se percuter et se désagréger en trilliards de débris spatiaux capable de pulvériser un vaisseau de notre taille. Naturellement, tout cela impacte directement sur les champs gravitationnels et la courbure de l’espace-temps. Autant dire que la route hyperspaciale qui mène à Blyss est au mieux chaotique, voire carrément inexistante. Pour aller là-bas il faudrait être fous … ou ultra motivés. »

Je laissais la phrase en suspens afin qu’elle fasse bien son chemin dans l’esprit de chacun. Le contrat avait des relents d’opération suicide et il fallait qu’ils en soient tous conscients.

J’allumais mon comlink pour leur dévoiler une projection holographique du Noyau.

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image] « Ça, c’est le noyau et là le passage vers Byss. La première étape nous mènera vers Prakith puis nous ferons un détour dans la périphérie d’Odik pour finir par notre objectif… si nous sommes encore en vie. Le seul point positif dans tout cela c’est que nous resterons relativement éloignés du centre du Noyau mais n’ayez aucun doute sur le fait que le couloir hyperspacial sera perturbé, encombré de débris, voir impraticable. Le pire serait que nous fassions la moitié du chemin pour nous rendre compte que le couloir s’est effondré derrière nous et que nous n’avons plus de possibilités de rentrer. Cela fera partie des plaisirs du voyage.

Oubliez aussi la possibilité de voyager à vitesse lumière * 1. Vu la concentration d’objets célestes à la dérive il faudra préserver autant que possible les boucliers. Donc je dirais 0.95 maximum et 0.93 serait mieux. Je dirais bien 0.85 mais comme je suppose que tout le monde souhaite être de retour avant ses 90 ans il faudra bien prendre le risque. Pour des questions de sécurité nous ferons plusieurs haltes afin d’affiner les calculs en fonction des différentes variables locales. Cela retardera d’autant le trajet mais cela augmentera considérablement nos chances de survie.

A vue de nez, je dirais que nous avons une petite chance sur cent pour que le voyage se passe sans encombre, huit sur dix pour s’en sortir avec un vaisseau plus ou moins estropiés, une sur dix d’être désintégrés dans l’espace et à peu près la même probabilité de devoir fonder une colonie sur un astéroïde paumé en attendant des secours qui ne viendront sans doute jamais. Ça c’est en partant du principe que le vaisseau est en bon état, que les réflexes de notre pilote sont à leur maximum que notre employeur n’a omis aucun détail tel que « la cargaison est hautement explosive » et que la tech fait bien son boulot. »


Le souci avec les tech c’est que quand ils parlent travail ils peuvent vite oublier tout le reste. C’était mon cas. J’avais débité mon discours sans leur laisser le temps de placer un mot et je repris juste après une longue respiration.

« Tout le monde est toujours motivé ? Pour finir les réjouissances, je ne ferai ce trajet que si vous acceptez que je sois Dieu sur ce vaisseau le temps du voyage. Pour toutes les questions techniques et de sécurité. Je n’aurai pas de temps à perdre à négocier une réparation ou la nécessité de faire une halte. C’est soit ça, soit être répandus en pulpe sur des années lumières. Naturellement ça signifie une hygiène de vie stricte pour le pilote : pas d’alcool, pas de drogue, pas de pépée à faire sauter sur ses genoux pour se distraire pendant le voyage. C’est du boulot et du boulot difficile ! Ah, dernière chose : je réserve mon acceptation finale après l’examen complet du vaisseau. Après si ce que je vous propose vous semble incohérent ou trop demandé ce sera sans moi : c’est un voyage trop risqué pour que je fasse dans la demi-mesure.

Au fait Anado, je n’aime pas les Arkaniens et leur caractère arrogant, inutile de me faire le numéro de charme de la célébrité, je n’ai pas besoin de me faire rentrer dedans par l’histoire. »


C’était peut-être un peu trop direct comme approche ? Subtilité, subtilité … mais je préférais jouer carte sur table immédiatement. L’employeur était plus à mon gout déjà. Un petit côté charme ténébreux et inaccessible qui donnait au contraire envie d’en gratter la surface et de se faire les griffes.

« Donc, Anado, je propose que tu nous fasses faire le tour du propriétaire, que tu m’indiques les soucis techniques déjà rencontrés puis que tu me laisses faire un diagnostic complet du vaisseau. Je veux bien voir où nous allons dormir aussi. Quant aux soutes, il faudra certainement les remplir de nourriture et de matériel de réparation. Cela chiffrera certainement dans les 2-3000 crédits plus 450 crédits pour les cartes soit environ 1000 crédits de la poche de chacun et c’est moi qui y perds vu que je n’ai aucun intérêt aux réparations d’un vaisseau qui ne m’appartient pas.

C’est parti ? »
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Anado était plutôt fier de sa trouvaille. Du moins, de celle d'Ervin. Le Heaven était pas un coucou ultra-moderne, mais c'était le fleuron des quelques possessions du gros contrebandier à la barbe grise. Un cargo moyen plutôt costaud, le moins vieux de sa collection, le plus rapide et à l'équipement le moins désuet. Il fallait encore espérer que l'arkanienne ne fasse pas la bouche fine. On ne trouverait pas mieux d'ici plusieurs jours de toute façon, et le grand pète-sec avait l'air pressé. Dire qu'il avait pesé certainement plus de crédits que ce type un jour, et qu'aujourd'hui il en était venu à lécher le cul du moindre aristocrate pété de crédits pour n'apercevoir ne serait-ce qu'une miette de leur fortune. Anado chassa rapidement la frustration naissante au risque de devenir particulièrement acide auprès de ses interlocuteurs, et sur son visage, son sourire arrogant ne disparut qu'un instant.

Rapidement, la dénommée Alys vint jouer les troubles-fêtes. Madame avait déjà quelque chose à redire, et coupa net aux volontés de faire vite de l'employeur. Le dirigisme commençait déjà. Il aurait du s'en douter. Voila pourquoi on ne pouvait pas bosser avec des arkaniens – excepté lui bien sûr – ils avaient cette fâcheuse tendance à vouloir organiser le moindre détail autour de leur petite personne et leurs sages paroles. Quel égocentrisme ! Comment ça l'hôpital et la charité ?

Anado se retint bien de toute remarque, de toute façon, lui se plierait à la décision de la source de crédit, pas de sa comparse. Belle et énervante, cela résumait bien toutes les femmes d'Arkania. Il n'avait plus envie d'être poli, car son sixième sens, celui lui permettant de flairer les emmerdes lui indiquait dores et déjà qu'il avait une emmerdeuse dans le périmètre. Heureusement que que son septième sens, le radar à crédit, était aussi tout azimut dès qu'il s'approchait du brun ténébreux.

Le montant du contrat finit par tomber de la bouche d'un dénommé Drayon de moins en moins grandiloquent, certainement concentré sur les détails de l'affaire désormais. Il était certainement absorbé par le baratin d'Alys, qui pouvait se résumer en un court mea culpa : elle savait pas dans quoi ils allaient embarquer leurs petites fesses et avait besoin de temps pour s'y préparer. C'est si compliqué de faire court quand on a un QI supérieur à la moyenne ? En tout cas, ils étaient d'accord sur un point : l'équipe était bonne à première vue et la paye satisfaisante.


« - Je marche. » lâcha simplement Anado, les bras croisés et observant les allers et retours des dockers autour d'eux. Des petits appareils s'affairaient nerveusement, appuyés de droïdes et d'ouvriers pour décharger le Heaven d'une cargaison mystérieuse et diverse : cages remplies d'animaux exotiques et caisses de contrebandes, de vivres comme d'armes. Cela reflétait bien le filon dans lequel trempait Ervin. Dire qu'un simple pilote s'était monté un véritable réseau de contrebande d'ici à Corellia était tout de même impressionnant pour une personnalité aussi misérable que celle de son confrère. Une once de respect venait de naître chez l'arkanien. Ce n'est pas pour autant qu'il partagerait la mise.

Ils se séparèrent après avoir échangé leurs coordonnées. La jeune femme était visiblement pressée. Elle avait certainement tout un tas de calcul et de recherches à faire. Anado lui avait déjà prévu de passer la nuit à siroter des cocktails dans un bar miteux et préparer ses réserves pour le grand périple. Finalement, le retardement du départ l'arrangeait : le Heaven allait être complètement vidé de son contenu exotique et il avait le temps de se préparer.

Il fit un tri méticuleux du matériel qu'il allait emmener et passa la nuit à bord, chargeant ses propres affaires et préparant les dortoirs telle une fée du logis. Il fit même un rapide ménage des pièces les plus fréquentées. Ervin avait laissé ce bâtiment dans un état de crasse lamentable. Anado n'aurait pu supporter de travailler là-dedans, si bien qu'il récura de fond en comble les pièces à vivre du vaisseau et le cockpit. Les cocktails et le rade pourris étaient bien loin...

Après avoir assuré cette maintenance élémentaire, il pu s'envoyer une bouteille en solitaire devant quelques holocrons érotiques et autres sports de combats. Il prit conscience d'être une épave. Puis, il fut ivre et l'oublia, au moins pour la nuit.

Il fut réveillé par le message matinal de l'arkanienne, qui lui arracha un flot d'insultes. 10 heures, elle vivait dans quelle monde ? Celui des gens avec un emploi stables ? Il se couchait à cette heure-ci, habituellement ! Il prit la liberté de se rajouter du sommeil, se préparant au dernier moment. Ainsi, quand Drayon et Alys arrivèrent au vaisseau, Anado était tout juste prêt, vêtu d'un simple treillis militaire et d'un t-shirt moulant où trônait un emblème de la République usé. Il faisait ses lacets quand la jeune femme fit interruption de manière brusque dans son espace vital.


« - Pourrait frapper... » grogna-t-il, les yeux encore rouges de fatigue. Qui plus est, il n'avait pas encore pris son traitement et la sensation de brûlure sur sa rétine le rendait particulièrement susceptible.

À peine arrivée, elle s'installait et commençait un briefing bien trop nerveux au goût de l'arkanien.

« - Installez-vous, je vous en prie. » grogna-t-il avec l'ironie et le sarcasme qui lui était propre tandis qu'elle commençait à expliquer le détail de ses réflexions.

Anado partit chercher une tasse de café et revint, une cigarette coincée entre les lèvres qu'il s'empressa d'allumer, s'installant dans un fauteuil. Une fois caféiné, il écouta avec plus de sérieux le speech de la technicienne tout en laissant s'échapper des volutes de fumée de sa bouche.

Oui, la merde c'était le mot. Fallait s'en douter de toute façon. Le nom de Byss sortait pas tous les jours, c'était pas vraiment une station balnéaire à la mode et pour cause, les touristes pouvaient même pas s'y rendre pour faire bronzette. Qu'est-ce qu'on allait foutre là-bas déjà ? La question restait en suspend, mais la réponse avait peu d'intérêt. Le paquet de fric à la clé était déjà beaucoup plus intéressant.


Une carte apparut bientôt au milieu de la pièce et le pilote ne pu s'empêcher de lâcher un petit « Whoa » faussement surpris, tout en consumant inexorablement sa cigarette, de laquelle menaçait de tomber une importante quantité de cendre maintenue en équilibre par un miracle de la Force.

Il se tut lors des précisions techniques relatives au vaisseau, hochant doucement la tête. Là, il accrochait plus, forcément, ça concernait son job. Il allait devoir travailler main dans la main avec elle, qu'il le veuille ou non, et c'était la même chose de son côté.

Bon, malgré le tableau plutôt pessimiste au début du discours, il y avait une note d'espoir. La mission n'était pas suicide, ce n'était pas un aller simple, mais c'était certainement le truc le plus dangereux qu'il avait jamais fait – après la fois où, ivre mort, il avait pisser sur les amuses gueules d'une fête Hutt alors qu'il assurait le service de sécurité – et par le même coup, le plus excitant.

Mais il n'était pas au bout de ses surprises. Dieu sur ce vaisseau ? Elle oubliait qui avait les clés. Bien sûr qu'elle allait avoir le droit de jacter : on pouvait pas se passer de la techie. Mais là ça commençait à faire beaucoup trop de jactage au goût du mercenaire qui entreprit de finir sa tasse de café d'une traite. Qu'il recracha d'une traite lorsque les conditions d'hygiène de vie sortirent de la bouche de l'arkanienne. Après une violente quinte de toux, il se reprit enfin.

« - Moi qui comptait boire l'apéro pour fêter notre départ... » dit-il, amusé dans un premier temps. « Qu'on mette les choses au clair... », il écrasa sa cigarette dans le cendrier posé près de lui. « Je suis un pilote d'exception, qui carbure à la gnôle d'exception. » Se tournant vers Drayon : « Pas de méprise. Je bois pas pendant le travail. Jamais un gramme dans le sang une fois aux commandes, c'est ma règle d'or. Par contre, disons que j'ai besoin d'un coup de main pour m'endormir. Les vieilles prennent de la tisane, moi de la liqueur, merde où est la différence ? ».

Il se redressa, entreprenant d'éponger le café avec le torchon qu'il avait dans la poche arrière de son treillis. À quatre pattes, récurant le sol, il continua son invective envers l'arkanienne. Pour qui elle se prenait celle-là, elle se permettait de l'attaquer personnellement qui plus est ? Pathétique minette... que répondre sans s'emporter ? Difficile. Il bouillonnait malgré lui, et il savait que cela signifiait qu'elle avait gagné, car elle avait touché juste. C'était extrêmement vexant, surtout quand il n'avait encore rien réellement tenté. Elle venait de gagner son mépris de la meilleure des façons possibles : en attaquant son ego. Inutile de perdre son calme pour autant, et il contint une réponse des plus virulentes. La présence de son employeur le tempérait très certainement. Après être passé par une gamme de couleur particulièrement variée pour un arkanien, il reprit son aspect habituel et répondit, avec une voix trahissant cependant une légère irritation absente de ses sarcasmes précédents :

« - Du calme voyons... Pourquoi chaque paire de fesse s'imagine que je m'y intéresse ? »

Et maintenant elle exigeait une visite du propriétaire qui plus est. Après avoir épongé le café, il se redressa, jetant le chiffon sur la table.

« - Bien. Suivez-moi, madame Vel Aath. » dit-il en se dirigeant vers la machinerie. S'arrêtant juste avant de quitter la salle, il se retourna vers Drayon : « Au fait, j'ai arrangé les dortoirs. Il y en a deux différents, tous les lits sont propres. Par excès de zèle, j'ai estimé que la femme du groupe méritait son dortoir personnel. Je sais, je suis trop courtois. Je dorme de toute façon peu, vous aurez donc le plaisir de bénéficier la plupart du temps d'un dortoir vide chacun. »

Bien sûr qu'il était trop courtois. Cette garce aurait du dormir dans la soute.
Il ouvrit la salle des machines et s'y engouffra. Il n'avait pas eu le temps d'y passer beaucoup de temps la veille et avait surtout veillé à régler les appareils du cockpit à sa convenance. Il découvrit un spectacle plutôt désolant en vérité : le cablage des appareils était rudimentaire, et des cables de tension traversaient la pièce de part en part, traînant sur le sol. Les machines en elles-mêmes n'étaient pas dépassées, sans pour autant être à la pointe de la technologie. Anado n'avait pas vérifié leur fonctionnement.


« - J'ai simplement vérifié l'hyperdrive hier soir. J'ai eu du mal à le configurer, c'est la pièce la plus vieille. Pas vraiment réussis à tout calibrer avec tout ce tintouin. Ça fait longtemps que j'ai pas piloté un engin de cette envergure. J'ai préféré vous attendre. Mais finissons la visite avant de nous pencher dessus ».

Il lui fit voir tour à tour les dortoirs, le mess, minuscule mais tout équipé où deux personnes seulement pouvaient manger simultanément, ainsi que la grande soute et les différentes annexes. Puis il la ramena à la machinerie. Il était facile de s'orienter dans le cargo, pas très vaste car de tonnage moyen, et surtout bien organisé, autour d'un axe principal. Le cockpit et la salle principale de briefing et de vie étaient à la proue du navire tandis qu'un couloir à l'arrière de celle-ci parcourait le pont supérieur, donnant l'accès aux dortoirs et salle des machines par un escalier dérobé. Cet escalier, outre la salle des machines, menait à toutes les salles plus techniques et aux soutes désormais totalement vide, ainsi qu'à la commande de la tourelle manuelle sous la proue. Le reste du système de défense était automatisé. L'arkanien avait omis une seule pièce lors de sa visite guidée : le garde-manger annexe dissimulé dans la soute, où dormaient quelques bouteilles.

Une fois la visite terminée, il profita de l'absence de leur supérieur pour toucher deux mots à l'arkanienne dans le couloir, s'arrêtant brusquement. Yeux dans les yeux, d'arkanien à arkanien. Il ne supporterait pas la pression d'une pimbêche.

« - Va falloir qu'on parle ma belle. » dit-il simplement en faisant volte-face. Le sourire avait disparu de son visage et il s'appuya contre le mur, barrant la route à l'arkanienne. Non pas qu'il pensait qu'elle allait fuir la discussion, au contraire. Elle en profiterait certainement pour lancer de nouvelles remarques acides à sa figure.

« - Je sais pas trop à quoi tu joues. J'ai bien compris les risques de la mission et ce que cela implique pour nous tous. Mais la dictature de la technicienne sur mon rafiot, ça me plait pas trop. Bien sûr, j'suis à ton service, la mission dépend de toi. Mais tire pas trop sur la corde... »

Il se redressa, sortant une énième cigarette de sa poche, la plaçant entre ses lèvres sans l'allumer.

« - Je tenais également à te prévenir, avant que tu me les sucres aussi : je prends des médicaments. Adascorp. T'avises pas de les confisquer. J'en ai besoin pour piloter. C'est pas de la drogue, manque de pot j'ai perdu mon ordonnance... Tu veux un mot de ma mère peut-être ? » dit-il, son sourire moqueur revenant sur ses lèvres meurtries.

Si elle était un brin observatrice, elle remarquerait d'aussi prêt que ses yeux étaient artificiels et comprendraient donc la nécessité de son traitement. Inutile de plus débattre sur le sujet. Elle pouvait bien vider le frigo – abritant déjà quelques bouteilles et joyeusetés – il avait sa petite planque de somnifères bien cachés. Maintenant, elle pouvait soit chercher le compromis, soit passer le pire voyage interstellaire de sa vie en compagnie du pire connard machiste de la galaxie.
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Drayon... Ce nom lui était venu à l'esprit avec un naturel étonnant. Pourtant, il l'avait abandonné plusieurs décennies de cela, le laissant sur Artorias. Et là, sur une simple question, il avait répondu avec une quasi honnêteté. Visiblement, il n'avait pas pu se faire entièrement de cette période de sa vie antérieure à Korriban, antérieure à l'Ordre Sith. Darth Valeras... Tel était son véritable nom. Mais Drayon Scalia faisait partie de lui, de son histoire personnelle. Ses racines étaient artoriennes, il ne l'avait jamais totalement oublié. D'une certain façon, il avait des droits sur cette planète dont il avait été arraché par son maître.

Les deux individus avaient accepté ses conditions. Pas étonnant. Vingt-cinq mille creds, ce n'était pas rien... peut-être même un peu beaucoup. Mais il serait presque impossible de relier cet argent à un Seigneur des Sith. Les crédits impériaux avaient été transférés vers une obscure banque du système hutt, fait des déplacements divers et variés, et les deux Arkaniens bénéficieraient - si la mission était une réussite - d'un joli pactole sur un compte en banque hors du territoire républicain.

Partir le soir-même s'étant avéré impossible, le maître d'armes avait pris son mal en patience. Après tout, ce n'était pas une nuit de plus dans cette foutue république qui allait changer quoi que ce soit à sa situation... Il touchait presque au but. Avec un peu de chance, il pourrait fouler le sol de Byss et, là, trouver son Maître, Darth Jugal. Tout cela n'était que supposition. Le Côté Obscur, instable par nature, réservait de nombreuses surprises à ceux qui y consacraient leur existence. En tout cas, il avait décidé de mettre à profit cette nuit pour se reposer. Les péripéties survenues sur son parcours l'avaient grandement fatigué, de sorte qu'une bonne de sommeil était pour le moins bienvenue. Il n'avait pas fallu beaucoup de temps pour trouver un hôtel miteux. La saleté et l'inconfort ne posèrent, cependant, guère de problèmes.

Le lendemain, le Sith retourna donc au Haeven. L'Arkanienne, Alys, prit la parole après un bref salut et exposa les dangers du voyage, et les conditions qu'il imposait à son compatriote. Visiblement, les deux individus n'étaient pas particulièrement faits pour s'entendre. Ce n'était pas plus mal. Il n'avait aucune envie que ces deux-là comment à s'interroger sur les raisons d'une telle destination. Ce qui était clair, c'est que la technicienne connaissait son job. Darth Valeras n'était pas sûr d'avoir pigé tout ce qu'elle avait débité, n'étant vraiment pas versé dans les histoires de vaisseaux, mais il estimait pouvoir lui faire confiance. Et puis, elle avait du répondant... elle avait retourné le pilote avec une délicieuse pointe d'agressivité mâtinée d'ironie. Elle exagérait peut-être, d'ailleurs. Le vaisseau était propre, ce qui, au vu de ce qui en sorti le jour avant, relevait déjà de l'exploit. Bon, l'Anado avait visiblement un certain penchant pour la bouteille, mais le Sith n'avait pas les moyens de faire la fine bouche.

    « Tant que vous êtes capable de piloter... » répondit-il, laconique.


Il laissa les deux compères inspecter les machines du cargo. Inutile de les accompagner, il n'y aurait rien compris de toute façon. Il se leva et se rendit dans la cabine de pilotage. Il prit place sur un siège, regardant les individus s'activer dans le hangar. Ici et là des techniciens faisaient des vérifications, des vaisseaux décollaient, des ouvriers s'injuriaient, des droïdes astroméchaniciens s'affairaient... Darth Valeras ferma les yeux, profitant de ce moment de solitude pour s'immerger dans la Force. Elle était là, environnant toutes choses, diffusant sa force paisible en tous points. A travers elle, le Seigneur Sith pouvait identifier les deux Arkaniens, aux émotions tumultueuses et contradictoires. Il sourit, et appuya son propre pouvoir sur la Force. Celle-ci fut comme tordue, meurtrie, et il y eut comme un cri sourd et invisible. Le Sith put ainsi diffuser colère et tension, et visa particulièrement ses deux recrues. Il était de son intérêt qu'elles ne tombent pas dans les bras l'un de l'autre. Enfin, il atteignit les profondeurs de l'obscurité, cette partie sombre de la Force, cette vieille alliée sur laquelle il pouvait compter. Ses mains se crispèrent, formèrent deux poings, tandis qu'il sentait une rage bouillonnante monter en lui. Il se savait fort, puissant. Il atteindrait Byss.

Il relâcha son empreinte sur la Force, et ses flux reprirent la normale. Il rouvrit les yeux et desserra les poings, juste à temps. Anado et Alys firent irruption et Darth Valeras se leva, faisant face aux deux Arkaniens de toute sa stature, et prit la parole d'une voix grave, douce mais ne tolérant pas la réplique.

    « Il est temps pour nous de partir. »


Darth Valeras n'avait pu contenir son envie de caresser le Côté Obscur. En territoire républicain, dans le Noyau, où les Jedi grouillaient, c'était chose imprudente. Il convenait donc de quitter Impératrice Têta. Le Seigneur Sith se sentait désormais prêt à affronter ce qui l'attendait sur Byss.
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« Tant que vous êtes capable de piloter... »

Je restais muette devant ce désaveu implicite. Est-ce qu’il avait écouté ce que j’avais dit ? Se rendait-il compte du danger que représentait cette mission ? Un pilote ivre c’était la mort assurée vu les contraintes de ce voyage. Anado allait certainement boire du petit lait d’avoir marqué cette victoire symbolique sur moi. Je regardais Drayon, attristée et déçue. Maudit soient les employeurs inconscients ! Mon estime pour lui venait d’en prendre un coup. Mais c’était peut être aussi un moyen pour me remettre à ma place. Peut-être avais-je été trop directe. J’accusais le coup.

« - Bien. Suivez-moi, madame Vel Aath. » dit-il en se dirigeant vers la machinerie. « Au fait, j'ai arrangé les dortoirs. Il y en a deux différents, tous les lits sont propres. Par excès de zèle, j'ai estimé que la femme du groupe méritait son dortoir personnel. Je sais, je suis trop courtois. Je dorme de toute façon peu, vous aurez donc le plaisir de bénéficier la plupart du temps d'un dortoir vide chacun. »

Je pouvais lui reprocher ce que je voulais mais il fallait reconnaitre qu’il se comportait avec moi d’une manière bien plus professionnel que la plus part des mercenaires que j’avais rencontré. Il fallait que je mette de côté mes à-priori, au moins pour quelques minutes, le temps que l’inspection prouve que j’avais raison. Aucun doute sur le fait qu’une personne avec une hygiène aussi négligée allait avoir un vaisseau minable, à son image ! Mais même pas, choux blanc. Les dortoirs avaient vraiment été nettoyés, les draps changés, les coursives étaient propres et plus je me rendais compte que j’avais tors plus j’en ressentais une frustration qui me serrait les entrailles. Avec une rage méticuleuse, je m’appliquais à relever chaque détail, juste histoire d’avoir raison.

La cale possédait une odeur musquée assez forte. Désagréable certes mais quelle cale ne sert pas à entreposer du matériel ? S’il y avait un endroit où il était logique que cela pue c’était ici. Pourtant je ne réussis pas à m’empêcher de balancer un petit « Il n’y a pas comme un odeur ici ? On dirait qu’un bantha a moisi quelque part, non ? », sur un ton pète-sec du plus bel effet.

Dans la coursive principale, une caisse à outil trainait, certainement le fait d’une réparation récente. « Vous laisser trainer vos outils partout ? Vous êtes conscient qu’en cas d’accident de pressurisation cela pourrait signifier la mort de quelqu’un ? Vous avez une idée de l’énergie cinétique déployée par un objet de 25 grammes projeté à 100km/h ? ».

Je faisais glisser mon doigt sur chaque plainte, chaque meuble notant d’un froncement de sourcil la moindre poussière, la moindre imperfection. Je ne supportais pas qu’il soit aussi professionnel et qu’il ne me donne aucune raison légitime de lui sauter au cou pour piétiner son estime de soi, en soulignant chacune de ses erreurs. C’était le vaisseau de mercenaire le mieux entretenu que j’avais vu depuis un bon moment voilà tout et j’enrageais.

La salle des machines au moins était dans un état qui me permettait de reprendre la main ! Des câbles en vrac, des réparations faites à la va vite, du matériel passablement dépassé. Je sautais partout en poussant des exclamations indignées. « Vous avez fait ça à votre moteur ? Mais vous êtes totalement inconscient ? Et ces câbles partout ? Vous attendez vraiment que quelqu’un meurt électrocuté …ou pendu ? C’est la pire poubelle volante que j’ai vu depuis des années ! Avec cette réparation vous avez diminué le couple hyperdrive d’au moins 17%, vous êtes totalement inconscient !»

Lamentable. Par-dessous la colère je me rendais bien compte que je disais des tas d’âneries. Les réparations étaient médiocres certes mais tout de même faites, avec les moyens du bord. Et le désordre n’est pas un critère valable sur un vaisseau mercenaire. Mais impossible de m’arrêter. Une vraie pimbêche arkanienne.

« J'ai simplement vérifié l'hyperdrive hier soir. J'ai eu du mal à le configurer, c'est la pièce la plus vieille. Pas vraiment réussis à tout calibrer avec tout ce tintouin. Ça fait longtemps que j'ai pas piloté un engin de cette envergure. J'ai préféré vous attendre. Mais finissons la visite avant de nous pencher dessus ».

En plus il était honnête, préférant reconnaitre ses limites plutôt que de risquer une erreur. « Oui, vous avez bien fait, je préfèrerais éviter de mourir par incompétence ».

Bitch jusqu’au bout des ongles.

Et là, au bout d’un couloir, il en profita pour me coincer dans un coin soudainement moins affable. J’en étais sûre, le masque tombait : j’avais raison !

« Va falloir qu'on parle ma belle. Je sais pas trop à quoi tu joues. J'ai bien compris les risques de la mission et ce que cela implique pour nous tous. Mais la dictature de la technicienne sur mon rafiot, ça me plait pas trop. Bien sûr, j'suis à ton service, la mission dépend de toi. Mais tire pas trop sur la corde... Je tenais également à te prévenir, avant que tu me les sucres aussi : je prends des médicaments. Adascorp. T'avises pas de les confisquer. J'en ai besoin pour piloter. C'est pas de la drogue, manque de pot j'ai perdu mon ordonnance... Tu veux un mot de ma mère peut-être ? »

J’explosais.

« Oh vous le Yaka première génération ça suffit ! Je connais très bien les arkaniens dans votre genre : arrogants, incapables de reconnaitre leurs défauts et leurs limites, persuadés d’être les meilleurs jusqu’à ce que la réalité leur prouve le contraire. Je n’ai aucune envie de finir comme vous, dans un virage, alors arrêtez de jouer le matamore et concentrez vous sur le travail plutôt que sur vos problèmes de dépendance. »

Je savais que j’avais fait une erreur à la seconde même ou les mots avaient franchis mes lèvres. Ses yeux cybernétiques se durcirent d’un coup, sa mâchoire se crispa et je pu voir l’explosion arriver au ralenti. Mais qu’est-ce qu’il me prenait ? Ne jamais, jamais, jamais provoquer à ce point un type capable de vous le faire payer en vous rouant de coups! Je connaissais la limite à ne pas franchir pourtant ! Pourquoi j’avais fait ça ?

Cette mission allait être un échec, adieu les 25.000 crédits.
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Faire visiter le Heaven à cette cruche d'arkanienne avait été un véritable supplice. Non contente de vouloir imposer son bon vouloir dans chaque aspect de la vie quotidienne du pilote et dans le déroulement de la mission, elle ne pouvait s'empêcher de trouver quelque chose à redire, même lorsque tout était parfait. Ainsi, de pièce en pièce, Anado supportait son ton hautain et ses remarques désobligeantes, serrant des dents pour contenir des relents de haine. Céder à la colère maintenant ne serait que donner raison à Vel Aath. Il devait tirer satisfaction du peu de matière qu'il lui laissait pour cracher sa haine. Et cela demandait un exercice de concentration particulièrement pénible, auquel Darssian n'était pas habitué. Cela faisait quelques temps déjà qu'il ne s'était pas autant retenu de hurler sur quelqu'un. Depuis qu'il n'était plus à la botte des Hutts en vérité. Au moins cela lui rappelait à quel point il était appréciable de ne plus avoir à supporter ce genre de comportements tous les jours. Mais savoir que cette femme n'avait aucun pouvoir sur lui et qu'il devait pourtant jouer les chiens dociles le rendait fou. Il bouillonnait en silence, ne répondant à aucune des remarques de la technicienne, préférant continuer sa visite guidée comme si rien ne le perturbait, pas même la remarque sur la caisse d'outils qui traînait dans la coursive, ni même sa longue invective dans la salle des machines.

Se retenir avait été là difficile. Il n'était pas responsable du foutoir qu'était cette salle, en vérité c'était presque la première fois qu'il y mettait les pieds, n'ayant fait que quelques réglages mineurs. Il regrettait de lui avoir laissé cette opportunité de cracher son venin. Maintenant il ne pouvait que le subir. L'insinuation sur ses capacités manquait de le faire craquer de peu, mais un nouveau grincement de dent lui permit de garder son calme. Une chose était sûr, ses dents avaient perdus quelques millimètres d'émail ce jour-là.


Elle n'aimait pas le matériel ? Tant pis pour elle. C'était mieux que rien. Et Anado pourrait emmener le Heaven au-delà des limites de la galaxie avec ce matos. A elle de faire sa part du boulot. Il n'y avait rien de nature à empêcher le voyage. Elle voulait simplement mettre la pression à l'arkanien, qui faisait tout pour ne pas disjoncter depuis l'arrivée de sa camarade à bord. Là, tout de suite, il n'avait en vérité qu'une envie : s'enfiler un grand verre de rhum et fumer trois cigarettes d'affilée. Il allait devoir supporter cette femme toute la mission. Ses nerfs allaient avoir besoin d'énormément de coups de pouces pour tenir. Heureusement que la paye en valait la peine, pour n'importe quel autre contrat, Alys serait déjà passée par-dessus bord, voire pire. Cela faisait des années qu'une femme n'avait pas osé lui parler sur ce ton. Il fallait dire que depuis plusieurs années, les femmes qu'il fréquentait étaient payées pour l'apprécier.

Mais il n'était pas au bout de ses surprises.

Une cigarette entre les lèvres, bloquant le passage du couloir, il venait de mettre quelques points au clair. Il n'avait pas été particulièrement agressif. Compte tenu de son vocabulaire habituel, il avait même été courtois. Il tenait surtout à informer la dictatrice locale qu'il était soumis à un traitement médicamenteux auquel il ne pouvait se soustraire, même si elle allait certainement penser qu'il se droguait. Et aussi qu'il n'aimait pas ses manières de grognasse qui pète plus au que son cul, mais c'était vraiment accessoire. Enfin, presque.

Mais il ne s'attendait clairement pas à une telle réaction. Encore une fois, elle refusait de plier l'échine. Elle ne pouvait pas se faire docile, ou au moins aimable, une fois dans son existence, et permettre le bon déroulement de la mission ? Non, elle vociféra, crachant presque au visage du mercenaire, qui recula légèrement au début, surpris par les déblatérations de son interlocutrice, soudainement véhémente. La surprise fut bientôt remplacée par une colère naissante, mêlant vexation, indignation et haine à l'état pure. Comment osait-elle ? Elle l'insultait ouvertement, en maintenant son regard ancré dans le sien. Elle osait insulter sa famille en le traitant de Yaka, s'attaquer à son ego en parlant de son accident, et enfin le traiter de toxicomane. Pour qui se prenait cette gamine ? Qu'avait-elle fait dans sa misérable existence pour lui parler comme ça, à part être l'énième fille de riche entrepreneur ou scientifique, couvée par ses arrogants géniteurs ? Qui était-elle pour venir insulter Anado Darssian ? Et surtout de quel droit venait-elle manquer de respect au maître des lieux ? Cette amatrice commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. Il ne laisserait passer cet énième affront. Pour qui le prenait-elle ? Un vulgaire boy scout, un vulgaire chauffeur ? Personne ne tenait en laisse Darssian, et certainement pas une vulgaire techie vaniteuse. Il perdit le peu de patience qui lui restait en quelques instants et rugit une insulte en Ryl. Un « Chutta ! », bien sentis mais presque incompréhensible, noyé dans les gargouillis de rage.

S'en était trop, il sentit tout la rancœur accumulée en lui exploser d'une manière tonitruante. Son sang battait ses tempes, il le sentait chaud dans chacune de ses veines. Son cœur était pétris de la colère qu'il retenait depuis des heures. Sa main ferme et rude jaillit alors, saisissant l'arkanienne à la gorge, sa gorge si fine et si fragile. Sa poigne sur la peau pâle d'Alys était ferme, sans l'étrangler, il pressait sa trachée sans ménagement, entravant sa respiration. Il rapprochait son visage du sien, pointant un doigt accusateur sur la jeune femme.

« - Misérable garce... Pour qui me prends-tu ? Koon Stupa... (pauvre folle). Je pourrai te casser en deux. » La raison semblait lui revenir alors qu'il parlait et il relâcha la jeune femme, sans pour autant se sentir totalement calmé. Il se sentait frustré, extrêmement frustré. Il avait envie de frapper, de se battre. Il avait besoin d'un exutoire pour ses émotions les plus primitives. « Ne sous-estime pas les arkaniens dans ''mon genre'', ou à défaut de finir dans un virage, tu finiras dans une coursive. »

Desserrant les poing, il fit un pas en arrière, se redressant, les mains encore tremblantes de colères. Plus lucide d'instant en instant, il ne regrettait pas son excès de rage pour autant. Elle aurait mérité une raclée, mais Anado était un peu plus intelligent que la moyenne des mercenaires, et surtout respectueux de la gente féminine. Il la détaillait désormais d'un regard méprisant.

« - Voilà ce dont Arkania accouche désormais... Après avoir forgée des alcooliques, elle envoie à la galaxie ses femmes pédantes et hystériques. Ne t'avises pas de me reparler sur ce ton. »

Il leva l'index vers elle, comme s'il allait rajouter quelque chose, et se ravisa avant de faire volte-face, une cigarette froissée entre les lèvres. Son crâne le martelait, le sang redescendait, sa colère avec. Sale garce, sale garce. Il ne pouvait s'enlever cette phrase du crâne. Il avait vraiment besoin d'un remontant. Il gagna la salle principale sans attendre et se retrouva face à face avec le patron. On aurait dit que ce type savait qu'il allait arriver. Alys était là aussi. Il ne daignait même pas la regarder. Pas la peine de s'énerver de nouveau. Et dire qu'il l'avait accosté dans ce bar... Il était loin de s'imaginer dans quel enfer il s'embarquait. Le boss voulait partir. Anado haussait les épaules, allumant sa cigarette et soufflant comme un bœuf.

« - Voyez-ça avec votre... technicienne. Moi je suis prêt. »

Il avait retenu une insulte. Il réglerait ça plus tard. Pas sur Byss, pas malin. Une fois là-bas, fallait encore revenir. Cette mission était un putain de calvaire. Il se rendait compte que c'était loin d'être gagné, et qu'en plus des chances de crever ou de se perdre dans l'espace intersidéral, l'espace temps ou on ne savait encore quelle connerie, il allait devoir supporter une tarée qui voulait sa peau. Ça leur faisait au moins un nouveau point commun. Le pilote priait pour qu'il y ait des bars sur Byss. Au moins il pourrait prendre du repos en attendant le retour. Et oublier tout ça. Il avisait de ne pas repenser aux paroles de la jeune femme, au risque de faire re-surgir l'ours blessé qui sommeillait en lui.

Il se dirigea alors vers le cockpit, enfilant l'oreillette de pilotage et commençant à préparer les appareils pour quitter le hangar, ainsi qu'à transmettre les instructions pour autoriser le départ du Heaven. Ervin avait eu du flair finalement, plus qu'Anado. Cette histoire sentait l'embrouille depuis le début. Profitant d'être au calme, l'arkanien sortit une gourde de gnôle, planquée derrière une plaque d'aération sous l'ordinateur central, pour en prendre une grande rasade.


« Sale garce. »

Les moteurs se mettaient en route. Les chiffres étaient bons. Le système de gravité artificiel et celui de renouvellement de l'air fonctionnaient à merveille. Tous les voyants étaient okays, et Ervin venait de donner le feu vert pour le décollage. Le toit du hangar s'ouvrait péniblement, laissant entrevoir le ciel depuis le cockpit. Il n'y avait plus qu'à attendre le feu vert. Dehors, les derniers ouvriers et droïdes désertaient l'endroit. Le pleins de carburant avait été fait. Tout était parfait. Sauf ce putain d'équipage.
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Sans surprise, Anado réagit. Sa main fila droit à ma gorge et, sous la stupeur de mon inconscience, je ne réagis pas. Quelque chose en moi de la trop gentille fille savait que je l’avais mérité et attendait de recevoir sa punition. Sauf que ce n’était pas un ami ! Juste quelqu’un qui pourrait me rouer de coup à mort si l’envie lui en prenait. Maudit réflexe primal ! Ma culpabilité dura un dixième de seconde, le temps d’être remplacée par de la peur.

« Misérable garce... Pour qui me prends-tu ? Koon Stupa... Je pourrai te casser en deux. »

Pour ma plus grande surprise, il me relâcha. Je m’effondrais au sol, pétrifiée, attendant sa prochaine réaction. Je gardais le regard rivé sur ses jambes, tandis que je protégeais instinctivement ma gorge d’une main. Oui, il pourrait me casser en deux s’il le voulait, surtout avec ma si faible ossature. Garder la tête basse, ne pas bouger, montrer sa soumission, voilà le mieux que je pouvais faire. Et espérer qu’il n’irait pas plus loin.

Anado recula, empli d’une colère bouillonnante qui se devinait à la tension habitant chacun de ses muscles.

« Ne sous-estime pas les arkaniens dans ''mon genre'', ou à défaut de finir dans un virage, tu finiras dans une coursive. Voilà ce dont Arkania accouche désormais... Après avoir forgée des alcooliques, elle envoie à la galaxie ses femmes pédantes et hystériques. Ne t’avise pas de me reparler sur ce ton. »

Paroles de bon sens que j’étais bien déterminée à suivre.

J’attendis qu’il parte avant de me relever lentement. S’il était en colère contre moi, je l’étais aussi. J’abattis mon poing contre la carlingue.

« Guerfel ! (*Imbécile en Vieux Corelien)», murmurais-je pour moi-même.

Pourtant la colère ne me quittait pas. Je lui en voulais, sans savoir pourquoi. La tête contre ma main, je mis les minutes suivantes, à réfléchir à la situation. Me laisser guider par les sentiments ne me ressemblait pas, dépasser les limites non plus. Même en repassant les évènements avec toute la mauvaise foi dont je me savais capable je devais reconnaitre que le comportement d’Anado avait été exemplaire. Exactement celui que l’on attendait d’un arkanien. Même dans sa colère il n’était pas allé aussi loin qu’il aurait pu, se contentant d’une explosion contrôlée. J’étais en tors sur toute la ligne et tout ce que me soufflait mon cerveau pour me trouver des excuses n’était que cela justement : des excuses.

« Di'kut ! Di'kut ! Di'kut ! (*Crétine en Mando’a) », répétais-je en cognant contre le mur. Ce n’était pas une petite erreur, de celle que je pouvais me pardonner. Les bases de ma survie était simple, je les connaissais depuis des années : aboyer souvent mais ne pas mordre, toujours avoir quelqu’un susceptible de me défendre si possible, ne jamais dépasser le point de non retour dans la provocation, analyser avant d’agir, miser sur la prudence et se méfier de tout. Ni plus ni moins. Pas compliqué pourtant ! J’avais enfreint cinq règles sur six, par colère. La seule raison pour laquelle j’étais en vie c’était la chance et probablement grâce à un autre réflexe primal basé sur le fait que l’on affronte un mâle et que l’on soumet une femelle. J’étais toujours en colère mais j’étais assez analytique pour parvenir à une conclusion : cette colère était mon ennemie. Je n’avais plus le droit de la laisser s’exprimer.

Je passais donc les heures suivantes à éviter Anado, rasant les murs la tête basse lorsque je le croisais dans les couloirs. Cela faisait des années que je n’avais plus été dans ce rôle, celui de la petite souris apeurée, mais que faire d’autre ? Je me concentrais sur le travail à faire. Le monde de la technique seul était capable de me faire perdre contact avec la réalité. Mon esprit s’emplissait alors d’équations, de schémas techniques, de problèmes à résoudre et l’effort physique nécessaire pour les réparations sollicitait ensuite chacune de mes facultés. Lentement, très lentement, la colère redescendit. Je savais ce qu’il me restait à faire.

J’attendis l’heure du repas et guettais les bruits d’agitation dans la cuisine et le pas d’Anado. Lorsqu’il eut fini, j’allais me préparé un plateau repas instantané. Ces quelques minutes devaient avoir suffi au pilote pour trouver un coin où s’isoler et commencer à manger, ce qui lui clouerait le bec les quelques secondes dont j’aurais besoin. Le plateau en main j’allais le chercher dans sa retraite d’ours et allais m’asseoir à ses côtés en prononçant ces quelques mots.

« Je vous dois des excuses, M. Darssian. Je suis désolée. »

Je gardais la tête fixée sur le plateau, forçant mes main à se poser à plat de chaque côté et à ne pas témoigner de tension. Le contrôle du geste, ce que l’on apprend quand on vient de notre milieu.

« Je sais que ce n’est pas une justification valable de mes propos et moi-même je ne comprends pas ce qui a pu m’arriver. Vous n’avez rien à vous reprocher. Votre vaisseau est dans un état excellent. L’entretien, la maintenance, les règles de sécurité, tout. J’ai beaucoup voyagé, sur un nombre conséquent de vaisseaux et je sais parfaitement que vous avez fait un travail soigné ici. Même mon dortoir à été balayé, les draps changés. Un travail impeccable et moi … je n’ai pas été à la hauteur. »

Je pris une inspiration avant de poursuivre. « La seule explication que je peux trouver c’est que vous êtes Arkanien et j’ai quitté Arkania dans des conditions plus ou moins bonnes, il y a des années. Vous êtes l’un de mes premiers congénères que je rencontre, peut-être que je vous fait payer des choses dont vous n’êtes pas responsable. »

La colère passée, je savais que c’était la seule chose à faire déjà parce que cela pouvait désamorcer la situation, au moins partiellement, et ensuite parce que je le lui devais.

« Je n’avais pas non plus à vous dire ce que j’ai dit, sur votre accident. C’était non seulement déplacé mais totalement stupide. Les seules personnes qui chutent de haut sont celles qui sont allées haut et tout le monde n’en est pas capable. Vous oui. La compétence est quelque chose que je respecte. Ce que j’ai dit… c’était du fiel de jalouse. En vérité j’ai accepté ce travail en partie parce que je savais que vous seriez aux commandes. Avec un pilote de votre acabit, arkanien, l’impossible devient envisageable. Voilà…. Je ne sais pas si vous me pardonnerez et ce serait votre droit de ne pas le faire mais je vous devais des excuses avoir je vous les fait. M. Anado Darssian, veuillez accepter mes plus sincères excuses pour mon comportement et mes propos déplacé sur votre vaisseau. Votre emportement était légitime mais non mes revendications. Même si je n’ai plus le droit de l’exiger, je vous demande de croire que je suis vraiment compétente dans mon domaine et si je vous dis que la mission est risquée et que nous allons avoir besoin les uns des autres, c’est vrai. La mission est dangereuse et nous n’avons pas le droit de nous rater.»

Des excuses dans les formes les plus pures. Le reste lui appartenait.
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Anonymous
Voilà plusieurs heures qu'ils avaient décollés maintenant. Tout se passait relativement bien. Du moins sur l'aspect technique de la mission. Tous les voyants étaient bons, et les appareils synchronisés à la perfection. Anado était déjà à son troisième verre et se mettait tout juste en jambe. Il avait soigneusement ranger sa bouteille. Trois verres pas plus, c'était la règle. Bien entendu, la règle était aussi changeante que son humeur. Mais aujourd'hui, il avait eu particulièrement besoin de déstresser. Il savait pertinemment que c'était irresponsable et stupide. Malgré ses addictions, il n'avait pas l'habitude de boire pendant le travail. Il tuait son foie après avoir remplis ses contrats en général, pas pendant. Aujourd'hui serait l'exception confirmant la règle. Le cendrier posé près des commandes était déjà pleins de mégots écrasés et une cigarette se consumait doucement, appuyé contre celui-ci. Le siège légèrement incliné, Anado observait le spectacle des phénomènes spatiaux et hyper-spatiaux qui s'offraient à lui. Le vaisseau était passé en mode automatique pour deux petites heures, le temps d'aller se restaurer et prendre une douche. Pourtant, il n'avait aucune envie de quitter son domaine. Le cockpit était devenu le refuge de son orgueil. La plaie était encore ouverte, et il ruminait. Le fait de ne parler à personne n'arrangeait pas les choses.

Il aurait bien touché deux mots à ce foutu Drayon, mais ce trou du cul avait disparu du vaisseau depuis qu'ils avaient quittés Impératrice Têta. Il avait réquisitionné le bureau du capitaine, habituellement inoccupé, s'y était installé et ne le quittait plus. La porte était verrouillé. Anado n'avait pas insisté. Inutile d'aller déranger cet asocial. Décidément, il était gâté. Une arkanienne hystérique et un humain égocentrique qui ne supportait visiblement pas la compagnie de la plèbe. Bien, au moins en restant dans son coin il n'aurait pas à faire semblant de les apprécier. Alys n'avait pas donnée signe de vie depuis plusieurs heures. Les informations circulaient de manière particulièrement fluide entre le cockpit et la salle des machines, sans qu'Anado n'ait rien eut à faire. Il avait des mises à jours régulières qu'il n'avait pas demandé à l'ordinateur, et il en déduisait donc que la technicienne était à l'oeuvre. La capacité du vaisseau avait également été altéré, des réglages modifiés. Elle travaillait bien, c'était déjà ça de pris. Et elle n'était pas revenue à la charge. Peut-être que son coup de sang de tout à l'heure lui avait servis de leçon. Il l'espérait sincèrement. Il voulait éviter tout bain de sang, bien entendu. Mais il ne supporterait pas de travailler avec autant de pression.

La faim commençait à tirailler son estomac et il se décida donc à s'extirper de la salle de pilotage et sa proximité avec l'espace pour gagner les coursives métalliques et désertes du vaisseau. Il avait l'impression d'acheminer un navire fantôme. Le silence régnait sur l'engin, uniquement brisé par les craquements sonores de la coque et le bruit de la machinerie. C'était carrément glauque. L'engin était qui plus est dépourvu de toute décoration. Le mobilier était de métaux grisâtres et froids, le sol recouvert par endroit d'une sorte de moquette pourpre peu fantaisiste. Les banquettes n'étaient pas confortables, et le fond de l'air froid. Anado n'avait jamais autant détesté le Heaven. Il avait pourtant passé de bonnes soirées dans la pièce à vivre de celui-ci, avec Ervin et d'autres, en son temps. Désormais cet engin n'était plus que le reflet de cette mission, une coquille vide animée par l'avidité de son propriétaire. L'arkanien eut un léger frisson. Il prit le temps de se cuisiner un plat léger, en utilisant la nourriture qu'il avait prit le soin de fournir, ainsi que les réserves laissées par l’armateur. Une fois son plateau remplis d'une nourriture saine et équilibrée, qui avait toutefois au final un aspect proche de la bouillie – on ne liait pas toujours l'utile à l'agréable – il quitta la pièce, se cherchant un repos paisible. La salle de vie, où ils avaient fait le premier briefing était déserte. Une opportunité à ne pas rater. Profitant du seul sofa confortable du navire, l'arkanien s'y lova en grognant de plaisir. L'holocron ne tarda pas à remplacer les différentes cartes par un film d'action low coast mettant en scène des amazones bodybuildées, affrontant un gang de wookies.

« - Quelle merde... »

Levant les yeux de l'hologramme, il découvrit quelque chose qui lui aurait bien suscité la même réaction, s'il n'avait pas la bouche pleine d'une pâte nutritive. Pas encore... Anado laissa glisser son regard le long de l'arkanienne avant de le poser sur la table en face de lui. Il n'avait que son plateau repas comme moyen de défense ou de la faire taire. Un bon coup dans la trogne devrait bien la calmer en cas de crise d'hystérie non ? Quitte à l'amocher un peu. De toute façon, s'il ne pouvait pas l'avoir, il ne le regretterait pas. Anado n'avait clairement pas envie d'entendre ses remontrances. Il était calmé, mais la simple vue de cette femme l'irritait et lui donnait envie de fuir loin, à des années lumières d'ici. Vite, qu'elle parle et qu'il regagne son cockpit. A moins qu'elle n'ait rien à dire, peut-être venait-elle simplement déjeuner ici, à côté de lui, gonflée de culot qu'elle était. Autant se dépêcher de finir et déguerpir alors. La fuite n'était pas dans ses habitudes – du moins il ne se l'avouait pas – mais le conflit ne l'intéressait guère à l'heure du repas. La sieste était une occupation bien plus intéressante que cette garce à la langue bien pendue.

« Je vous dois des excuses, M. Darssian. Je suis désolée. »

Anado leva les yeux vers elle, laissant sa bouche-bée en suspend. Il avait vraiment entendu ce qu'il venait d'entendre ?

Et ce n'était que le début. A chacune de ses interventions, cette femme le surprenait. Elle avait autant de visages que de défauts visiblement. Lunatique, ou manipulatrice ? Elle semblait pourtant sincère. Et Anado savait ce que cela coûtait à un arkanien de reconnaître ses tords. Il en jubilait d'avantage.

Elle reconnaissait la qualité de son travail. Qu'elle le pensait ou non n'était pas important. Elle venait s'excuser face à lui, la tête basse. L'ego de l'arkanien n'en allait que mieux, pis encore, il sentait naître en lui une sensation de domination. La vipère avait pliée. Il se redressait, finissant sa bouche en silence. Seul un fruit sec restait dans son plateau. Fixant de son regard immaculé l'arkanienne, il attendait en silence, sans l'interrompre. Il préférait savourer l'instant. La violence résolut bien des problèmes.


La partie où elle faisait les louanges du pilote était particulièrement appréciable. Il aurait presque rougit, s'il n'était pas lui-même déjà convaincu de tout ce qu'elle lui disait. Cependant, il perçut comme un excès de zèle. Elle avait accepté la mission car le pilote était Darssian ? Hm. Il y a peu, elle ne semblait avoir guère de considération pour lui. Enfin, Anado comprenait qu'elle puisse être jalouse. Ce n'était qu'une jeune fille inexpérimentée après tout. Et les arkaniens avaient la verve facile. Voyez ! Brossez-en un dans le sens du poil et il s'adoucit étrangement. Néanmoins, son ego était de nouveau gonflé à bloc.

Comment réagir ? Inutile de renchérir. Il ne comptait pas s'excuser pour son propre comportement. La violence était devenue naturelle, il baignait dedans depuis des années. Quelques décennies auparavant, il n'avait jamais levé la main sur quiconque. Aujourd'hui, il n'avait pas les mots pour décrire les horreurs qu'il avait vu, et avait arrêter de compter le nombre de personnes qu'il avait tué, ou mortes par sa faute, depuis bien longtemps. Le destin façonnait les hommes. Le moindre écart pouvait transformer une vie, transformer un rêve en tragédie. Il avait suffit de quelques millièmes de secondes pour briser la carrière de Darssian. Ces mêmes millièmes de secondes qui avaient sauvé sa vie du crash. Toute son existence s'était joué à des millièmes de secondes. Il s'était joué de la mort dans les courses, les fusillades et ses excès. Il était passé de champion à mercenaire en une millième de seconde. D'athlète à alcoolique notoire en quelques verres. De prodige du pilotage en as de la gâchette en quelques victimes. Tout allait trop vite. Et aujourd'hui encore, sa vie pouvait basculer à cause de quelques millièmes de secondes, à cause d'une donnée minuscule, d'un écart microscopique dans leurs calculs. Il n'aimait pas cette femme, mais il était conscient qu'il avait besoin d'elle. Et qu'il ne pouvait compter que sur elle jusqu'à Byss. Drayon ne leur était d'aucune utilité. Un fantôme de plus pour hanter ce vaisseau.

« - Bien. » dit-il simplement. Le fruit sec disparut dans sa bouche et fut presque instantanément mâché et avalé. Anado éteignit l'holocron. Il ne put réprimer un léger rictus, presque nerveux, qu'il parvint à effacer rapidement. « Vous avez besoin d'un pilote exceptionnel. Moi j'ai besoin d'une technicienne irréprochable. ». Il sortit une cigarette de son treillis et la porta à ses lèvres. « Je vais être franc avec vous, Alys. Je n'aime pas grand monde dans cette foutue galaxie. Elle a accouchée de plus de bâtards que d'enfants légitimes. Je ne vous aime pas plus que les autres. Arkanienne ou pas. Mais vous avez le mérite d'avoir quelque chose en plus que la vermine habituelle. Un talent certains. ».

Une flamme jaillit de son briquet, et bientôt une odeur de tabac se répandit dans la pièce, tandis qu'un cendrier sortait d'une alcôve dans la cloison.

« - J'ai fréquenté les meilleurs techniciens lors de ma carrière. Je sais reconnaître un expert quand j'en vois un. Déjà, parce que je comprends rien à ce qu'il me raconte. »

Il prit une bouffée de fumée, laissant échapper un léger rire. Il se détendait. Maintenant qu'il avait la situation en main, il pouvait se laisser aller. Elle était devenue inoffensive. L'ambiance était bien plus agréable. Lui aussi savait être flatteur. Il était honnête, et cela ne le dérangeait pas de le dire. Il avait toujours été plutôt franc jeu, seulement il émettait plus souvent des avis désagréables en temps normal.

« - Je sais que vous me prenez pour un abrutis. » Bien entendu, elle lui avait clairement dit. « Très certainement doublé d'un connard égocentrique et ringard. A vrai dire, j'en ai rien à foutre. » Il laissa tomber de la cendre dans le cendrier avant de déglutir difficilement, entouré d'un nuage de fumée. « Je suis venu ici pour faire mon boulot, pas pour être votre meilleure copine. Je me fiche que vous me détestiez. Je vous déteste. Respectez-moi, je vous respecterai. »

Et je n'aurai plus à user de la violence... songea-t-il.

Il prit une longue bouffée de nicotine. Ça, elle l'avait assimilée elle-même, normalement. Son geste le prouvait.

« - Notre cher Drayon est aux abonnés absents. Quelque chose me dit qu'il ne digère pas ma cuisine. Il s'est enfermé dans sa cabine et n'en ressort plus. Quand je lui ai amené à manger ce matin il m'a fait comprendre de ne plus le déranger jusqu'à Byss. On dirait que c'est encore sur les arkaniens que la gloire repose. » dit-il avec un léger sourire. Anado était clairement détendu. Le peu d'alcool qu'il avait dans le sang facilitait certainement ceci, en plus du bon repas et de la cigarette qu'il savourait désormais. Darssian avait la fâcheuse manie de fumer partout et n'importe quand, sans se préoccuper de ses compagnons. On retrouvait des cendriers jusque dans les toilettes. Forte heureusement il ne laissait aucune trace de son passage, aucun mégot ni cendre, seulement une légère odeur de tabac qui flottait derrière-lui. En plus de son éternelle amertume.

« - Je vais bientôt devoir retourner à mon poste. Si vous avez des informations ou des directives à me transmettre, c'est maintenant ou jamais. »

Une situation était désarmorcée, mais Anado avait maintenant l'impression de clairement dominer ses rapports avec la jeune femme. Cela lui plaisait, bien évidemment, surtout en l'absence de son employeur. Il se sentait valorisé et aux commandes. Ce qu'il aimait le plus au monde. Le fait qu'elle se soit excusée calmait le tout pour le moment, mais rien ne garantissait que cela ne dure éternellement. Au moins chacun savait à quoi s'attendre désormais. Anado avait la naïveté de croire qu'elle était désormais totalement maléable et qu'elle se calmerait pour le reste du voyage. Néanmoins, il n'oubliait pas, au fond de lui, qu'il avait à faire à une arkanienne qui lui avait déjà prouvé avoir de la ressource et surtout un caractère bien trempé et imprévisible. L'espace d'un instant il imagina même que tout ceci n'était qu'une mise en scène pour le mettre en confiance et le plumer plus tard, ou lui faire un coup tordu. Non, il redevenait paranoïaque là. Le tout était de mener à bien la mission désormais. Et d'aller se resservir un verre pour fêter ça.
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Dans toute excuse il y a une part de manipulation. Soyons honnête intellectuellement, s’excuser c’est planifier l’avenir en partant du principe que l’on aura besoin de l’autre. Seuls les Saints le font par moralité ou vocation et les Saints sont, par essence, des morts. Mes paroles visaient l’intérêt avoué de rétablir une situation de travail acceptable et surtout une dans laquelle je serais en sécurité. Mais la réaction d’Anado dépassa tout ce que j’aurais pu attendre. S’il était tendu et renfrogné au début de la discussion, j’avais pu suivre toute les étapes de cette injection d’orgueil en intraveineuse. Le corps qui se redresse, la poitrine qui se gonfle, la position du calife dans son fauteuil, le discours du vétéran auquel on ne la fait pas, le cigare du mâle dominant… presque une caricature. C’était comme un immeuble dont toutes les lumières se seraient allumées en partant du bas pour finir par un feu artifice de l’égo. Je n’irai pas vérifier mais j’étais certaine que sous la table quelqu’un était au garde à vous. Heureusement que je n’étais pas aussi sensible que cela à la flatterie. La seule partie où je ne pouvais rien redire était celle où il reconnaissait que j’étais excellente. Stoïquement, en lui montrant mon meilleur profil je ponctuais son constat d’un petit hochement du menton digne. Au moins, il savait reconnaitre la compétence quand il la croisait. Cela méritait que je suis pardonne son égo démesuré.

« Je sais que vous me prenez pour un abruti. Très certainement doublé d'un connard égocentrique et ringard. A vrai dire, j'en ai rien à foutre. Je suis venu ici pour faire mon boulot, pas pour être votre meilleure copine. Je me fiche que vous me détestiez. Je vous déteste. Respectez-moi, je vous respecterai.
- Non. Je ne vous déteste pas. Ce serait inexact… » Totalement manipulable par la flatterie par contre oui. Bien amené j’étais certaine de pouvoir le faire se jeter au centre d’un trou noir pour peu que j’aborde la question sous l’angle de « vous êtes le seul dans toute la galaxie à pouvoir le faire, vous êtes mon héros».

« … ce que j’ai dit l’était sous le coup de la colère et inapproprié. Eventuellement, j’aurais pu dire alcoolique ou macho. Ca aurait été plus juste bien que peu poli. »

Je m’absorbais soudain dans une pensée parasite « La sortie sur le virage était plus dans mon style habituel. Avec de l’esprit et de l’à-propos mais trop cruelle dans le cas présent, vous ne la méritiez pas. Non, en temps normal j’aurais dit quelque chose du genre Essayez de ne pas vous tromper d’étoile en programmant les sauts avec vos verres dans le nez ou ce vaisseau est rudement propre, c’est vous qui faites le ménage ? Vous voyez ce genre de piques sarcastiques qui font grincer des dents et qui agacent mais pas assez pour mériter une bonne crise de nerfs. Ca c’est plus mon style. D’ailleurs, à propos d’alcool…» je fronçais ostensiblement le nez pour signifier que j’avais bien repéré l’odeur.

« Je vais vous montrer exactement pourquoi cette mission m’a mise sur les nerfs. Quand vous aurez vu cela vous comprendrez probablement mieux mon point de vue. » Je saisis d’autorité la console sur laquelle il était pour la relier à mon datapad.

« Ce sont des informations que je n’ai pas montrée à M. Drayon, les détails ne l’intéressent pas, c’est à vous et moi de résoudre les problèmes. »

J’affichais le même plan de trajectoire que j’avais déjà montré la première fois mais j’allais plus loin dans la simulation en ouvrant un second fichier sur lequel se superposait une infinité de points rouges constellant la route hyperdrive de Blyss. « Ce que vous voyez là c’est le résultat d’une réaction en chaîne de la collision du satellite Hédoor12-83 avec la planète Lanesp. La densité de l’amas de Livborn était telle que 56 corps célestes se sont percutés et désintégrés en projetant des myriades d’astéroïdes dans l’espace, chacun capable de détruire notre vaisseau. En temps normal, j’aurais simplement expliqué à notre employeur qu’il ferait mieux d’attendre mais je ne voulais pas laisser passer le contrat. »

Je lui laissais le temps de bien observer la carte tandis que je me coulais de côté, en dehors du sofa.

« Vous n’ignorez pas que le principe du saut en hyperespace est directement liée aux champs gravitiques et qu’un corps trop massif pourrait nous en arracher. Si cela arrivait ce serait le crash ou, au mieu nous aurions une fraction de seconde pour réagir.

Ici nous avons des dizaines de milliers d’objets lancés à toute allure à éviter. Heureusement, j’ai pu faire quelques simulations hier soir et il semblerait que les trajectoires des objets soient globalement non alignées sur la notre. Mais même si mes calculs sont bons, et je ne peux pas les garantir car je ne suis pas astrophysicienne, il faut que le pilote soit capable de réagir à chaque variation de champ gravitationnel pour limiter au maximum les risques. J’ai besoin d’un grand Anado Darssian, le meilleur que vous pourrez trouver ! »


Je m’étais peu à peu emballée dans mon discours pour finir sur une fin enthousiaste : il était important qu’il comprenne qu’il était le centre de mon plan génial qui, avec un poil de médisance, se réduisait à « on limite la casse et on prie pour que le pilote nous sauve » Je clôturais ma tirade avec une pointe d’embarras et une moue innocente désolée « D’ailleurs, excusez moi de demander mais … vous ne vous êtes pas un tout petit peu laissé allé ces dernières années ? »

Avant qu’il ait le temps de répondre, je me lançais dans une chasse aux bouteilles éparpillées dans le vaisseau, sautillant un peu partout avant de vérifier où il aurait pu les chacher.

« Vous conviendrez que boire de l’alcool serait du suicide. » Sauf qu’au lieu de jeter les bouteilles ce qui l’aurait certainement fait réagir je me contentais de les rapporter sagement sur la table qu’il occupait.

« Cependant, je reconnais que vous avez vu juste, vous allez avoir besoin d’une technicienne irréprochable. Donc n’hésitez pas à me dire si vous avez besoin de quoi que ce soit. »

Je soulevais la poubelle pour la déposer sur la table, à côté des bouteilles. Non, je ne jetterai pas les bouteilles : j’allais le laisser le faire, ce qui était encore mieux.

« Pour tout le reste, ne vous inquiétez pas, le message est bien passé et vous êtes seul Maitre à bord après Dieu. Ah, un dernier point, je déteste travailler dans l’urgence donc si l’on a un accident, ne comptez pas sur moi pour vous trouver une idée géniale pour nous sauver la vie. On va simplement mourir pendant que je chercherai mon tournevis.»

Voilà, voilà … il va falloir assurer M. Darssian.
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Quelle erreur avait-il fait en osant croire que cette discussion annonçait la paix tant attendue sur le vaisseau. Ce genre de femme ne laisse guère de répit, et ne connaît de paix si ce n'est de courtes trêves. Elle laisse l'espoir naître et vivre juste assez longtemps pour en briser l'éclat. Non, nul aucun doute, Alys Vel Aath était une garce, rusée et sadique, tirant satisfaction de la souffrance d'Anado Darssian. Il ne voulait simplement pas se l'avouer. Les excuses qu'elle avait faite avait gonflé son ego et il se crut vainqueur d'une bataille bien trop courte pour être gagnée. Quelle erreur avait-il fait, en osant croire qu'elle était sincère ? Son ton était pourtant à l'origine si différent ! Lui qui avait laissé exulter son orgueil le regretterait bien assez vite. Il savait pourtant que c'était son point faible : dès qu'une femme le caressait dans le sens des poils, il se laissait berner. Il baissait sa garde ! Lui, le vétéran, qui en avait monté des centaines en son temps ! Il était persuadé de connaître les femmes. Même après des décennies de machisme, de gifles et de plans culs foireux, les femmes lisaient en Anado Darssian mieux qu'il ne lisait en lui.

En seulement quelques mots elle annihila l'apaisement de l'arkanien. Il sentit immédiatement que la situation lui échappait. Il avait été trop bon avec elle. Il s'était laissé amadoué. Il aurait du rugir, l'intimider. Il savait pourtant désormais que cela marchait avec elle. Cette femme ne comprenait que la violence, elle écrasait l'ego des autres en asseyant son orgueil obèse dessus. Pour qui se prenait cette femme pour lui parler sur ce ton ? Anado avait quitté Arkania depuis bien trop longtemps, il en avait oublié l'acidité de ses femmes. Les arkaniens étaient fait pour se supporter eux-mêmes, pas pour fréquenter les autres, il en était désormais persuadé. Faisait-il lui même supporter ce calvaire à ceux qu'il fréquentait ? Que les dieux lui pardonne ! Il ne savait pas que son espèce puisse être aussi détestable.

Elle l'avait fait pourtant espéré un millième de seconde, avouant à demi-mots qu'elle ne le détestait pas. Ce à quoi il avait répondu vaguement, avec sa propre aigreur et une moue hautaine :


« - Moi je vous déteste sincèrement... »

Et ça, il l'avait dit alors qu'il était de bonne humeur. Alors s'il avait présagé la suite...
Alys, elle, semblait tout à son aise. Elle avait perdu son ton dirigiste et méprisant au profit d'une moquerie teintée d'ironie et incarnée par des sarcasmes particulièrement désagréables. Des attaques personnelles suffisamment précises pour irriter le vieil ours qu'était Anado, mais pas assez méchantes pour justifier un excès de colère. Et pourtant, son poing se serrait sur sa cuisse à mesure qu'elle crachait son venin. Le sourire du vétéran avait disparu au profit d'une mine crispée. On pouvait presque deviner une veine palpitante au-dessus de son arcade. Il n'était pas dénué d'humour pourtant. Mais avait clairement du mal avec celui de l'arkanienne, si cela en était. Leur antécédent justifiait certainement le fait que le pilote prenne ces remarques au premier degrés et les apprécie autant qu'un bain d'acide.


Il laissa la longue tirade s'étaler, se vautrer dans des considérations personnelles sur quelles genres de remarques mesquines pouvaient sortir de la bouche de l'arme d'emmerdement massif à nichons qui était posté tout près de lui. Il ne daigna même pas répondre quand elle le renifla, devinant bien entendu l'odeur de l'alcool. Il écrasa sa cigarette dans le cendrier, en allumant immédiatement une autre. Ne comprenait-elle pas qu'elle motivait son envie de boire ? Il aurait pu vider trois bouteilles de rhum corréliens pour oublier son sourire satisfait. Comment une apparence aussi innocente pouvait cacher tel démon ? Plus jamais, non plus jamais il ne travaillerait avec une arkanienne. Il venait de se le jurer à lui-même.


Enfin, elle mit un terme à son petit spectacle, laissant l'arkanien dans un état d'énervement avancé. Un homme aurait déjà mangé une droite bien sentie dans la tempe pour avoir eu une telle attitude. Anado n'avait que peu de morale, mais frapper une femme était l'un de ses rares interdits. Ceci dit plus le temps passait plus il songeait à l'enfreindre. Bien entendu, il ne considérait pas que leur petite entrevue un peu plus tôt pouvait constitué un acte de violence. Simple manière de marquer son territoire, en bon mâle dominant. Mais visiblement elle ne comprenait pas. Il fallait qu'il aille pisser sur son lit pour qu'elle comprenne chez qui elle était ?

Visiblement il était temps de parler travail. Anado lâcha sa cigarette, la laissant dans le cendrier, pour mieux se concentrer. Observant les images, l'arkanien comprit tout de suite de quoi il s'agissait, faisant le lien avec le petit exposé qu'Alys leur avait fait à leur départ, sur les principes régissant le voyage en hyperespace. Anado n'était pas un ange ni le plus agréable des colocataires, mais il avait le mérite d'avoir une once de professionnalisme si on oubliait ses problèmes d'alcool. Il écoutait et retenait. Ensuite, il laissait parler ses compétences.
Ainsi il se tut pendant son exposé, observant les images qui apparaissaient et appréciant la précision de celles-ci. S'il avait eu ce genre de simulations à chaque situation pourrie qu'il avait rencontré dans sa carrière de mercenaire, il aurait évité bien des soucis, et des réparations sur le StormChaser. Il s'en était sortis des années sans technicienne dans des situations rocambolesques ou plus que tendues. Alors avec une arkanienne fantasmant visiblement plus sur des calculs astrospatiaux que sur le beau cul d'Anado, il allait faire des miracles.


« - Je n'aurai besoin que d'une fraction de seconde pour sauver nos jolies paires de fesses. » dit-il, railleur, et certainement trop confiant. Derrière son apparente confiance, il était cependant songeur. Cette multitude d'objets coupant potentiellement leur cap était inquiétante. D'où le stress d'Alys – cela ne l'excusait pas d'être une petite idiote mal élevée – et ses précautions. Sa décision de ne pas en parler à leur employeur était ceci dit discutable, mais n'empêcherait pas Anado de dormir. Celui-là avait qu'à se sortir les doigts du cul. Certes, il les payait pour faire le boulot, mais il pouvait au moins faire acte de présence. Ce type était vraiment louche. Parfois, la nuit, ou quand il fatiguait, Anado se sentait épié. Une sensation étrange le prenait. Comme si ce type était tout proche de lui, juste dans son dos. Et quand il vérifiait, sa cabine était toujours verrouillée. La bouffe posée devant la porte avait été récupérée sans que l'arkanien n'arrive à repérer à quel moment. Un vrai mystère.
Pour en revenir au problème qui venait d'être exposé, cela ne rendait son boulot que plus intéressant. Ses appareils étaient cependant vieillots. Il se pouvait que les variations magnétiques lui soient indiquées avec du retard. Et cela pouvait les mener droit à la catastrophe. Pour autant, il n'avait pas vu qu'elle aille bidouiller dans son antre... Mais parfois il fallait s'asseoir sur ses envies. Ce qu'il faisait depuis qu'il avait embarqué, en fait.


« - Mes appareils ne sont pas au mieux de leur forme au cockpit. Il faudrait que vous regardiez ça. J'ai des retards sur les variations magnétiques. »

Anado l'aurait bien fait mais il n'avait aucune idée de commencer bidouiller ce merdier. Il avait appris les bases de la mécanique sur le tas, après avoir été foutu à la porte du monde de la course. Il y avait été forcé, désormais il n'y avait plus personne pour faire le sale boulot. Mais cela ne faisait pas de lui un expert. Il savait bricoler et maintenir une épave en vie. Cela dit quand on touchait aux appareils de haute-technologie, il était dépassé.

« - Elles sont minimes. Mais je ne veux rien laisser au hasard. » finit-il.

Beaucoup reposait sur ses épaules, mais il était confiant. Il connaissait ses capacités, qui étaient bien aidées par ses implants. Ils en dépendaient en réalité. D'ailleurs, son alarme bipa. Il s'interrompit, sortant sa fiole Adascorp de sa poche pour faire tomber de précieuses gouttes sur ses pupilles, la tête renversée en arrière, tout en écoutant la médisance de son interlocutrice. Lui, se laisser aller ? Il était plutôt bien conservé, ouais ! Certes, l'alcool et la violence l'avait marqué. Son visage, pour ceux qui l'avaient connu plus jeune, était marqué par le temps, ses joues étaient ravagées par l'alcool et les cicatrices. Son corps quant à lui était abîmé mais bénéficiait de sa rigueur athlétique. Cela ne rattrapait pas sa tête de vieux briscard, accentué par son odeur de cigarette et de gnôle, mais faisait sa fierté. Sans parler de ses tatouages. Si celui recouvrant son bras était l'oeuvre d'un professionnel, la plupart étaient faits mains, « à la piquette » comme on disait, par d'anciens camarades, des mercenaires, pirates et escrocs de tout bord, parfois moins doué en dessin qu'en filouterie.

« - J'ai 37 ans, Alys Vel Aath, et une existence en dent de scie. On a plus voulu me faire la peau que l'amour. Ce genre de vie laisse des traces. » dit-il en reprenant sa cigarette. Oui, il se prenait pour une sorte de vétéran. Après tout, il avait tout connu dans sa vie. Le faste, le luxe et la gloire, puis la violence, la crasse et la mort. Seul le vice était une constante dans les deux existences qu'il avait mené. L'alcool, la drogue et les femmes étaient ses derniers repères. Bien que le dernier point soit un sujet conflictuel.

Cigarette entre les lèvres, il observait alors le petit manège de l'arkanienne, voyant ses effets personnels les plus chéris – sa collection de bouteille d'alcool – s'entasser sur la table. Elle avait quasiment tout trouvé. Une ou deux bouteilles de gnôles devaient avoir survécu à la purge, cachée dans la cale ou dans le cockpit, derrière une cloison. Mais là elle avait mis la main sur un sacré pactole.


Boire de l'alcool, du suicide ? Anado devrait être mort depuis longtemps. Et il buvait, mais n'était pas ivre. Où était le problème ? Ses capacités n'étaient en rien altérées.

« - Attendez... Qu'est-ce que vous comptez faire de tout ça ? » dit-il en désignant les bouteilles d'un mouvement de tête. Il lut dans son regard et son sourire amusé, et sentit la haine qu'il avait contenu quelques minutes plus tôt jaillir d'un seul coup. Attaquer les addictions d'un homme était un terrain bien plus dangereux que celui de son ego. Elle l'apprendrait certainement à ses dépends. Il se redressa, saisissant une bière qu'elle avait dénichée.

« - Si vous comptez que l'un de nous deux se débarrasse de ces bouteilles, je vous assure que vous vous mettez le doigt dans l'oeil. » Il avait parlé doucement, extrêmement doucement, mais on sentait l'énervement dans sa voix et dans sa main tremblante qui venait d'écraser sa cigarette. « Ne me forcez pas à m'énerver, ou je vous jure que vous allez le regretter... » dit-il. « Ce sont mes affaires, occupez-vous des vôtres ! Suis-je ivre ? Non ! Vais-je jeter mes bouteilles ? Non ! La réponse est claire, madame Vel Aath ? » Oui, là, il était légèrement agacé. Étrangement les question d'alcool le touchait plus rapidement que celle d'orgueil. Les arkaniens alcooliques n'étaient donc pas si orgueilleux ! Quel progrès ethnique. Restait à régler celui de la boisson. Il était clairement sur la défensive. « Je travaille sérieusement. Faites-moi confiance. Occupez-vous de l'aspect technique, moi je pilote. »

Ce n'était pas négociable.

Quant à sa dernière remarque, plus détachée et ayant le mérite de faire sourire l'arkanien, il ne put que répondre avec son propre humour :


« - Très bien. Espérons que votre tournevis vous sauve la peau alors, car je n'ai pas l'habitude de faire dans le registre héroïque. »

Anado Darssian n'avait jamais été un grand comique.
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J’étais déçue. Terriblement déçue.

Jusqu’ici et malgré nos disputes, j’avais toujours cru en Anado. Il restait une référence, un Arkanien qui comptait, un professionnel. Mais là, soudainement, les illusions que j’entretenais s’évanouissaient. Ce n’étais plus un homme à la limite de l’incroyable, ce un sur un milliard, ce n’était plus une légende. Non, ce que je voyais peu à peu se dessiner sous mes yeux c’était une réalité toute autre, sans fard ni faux-semblant. Il tenait à sa maudite bouteille plus que tout, plus qu’à lui-même, à sa réputation, à sa vie. Son discours sur son addiction maitrisée aurait pu être convainquant mais je savais que l’excellence ne supportait pas l’imperfection. Autant je lui trouvais du panache dans sa façon flegmatique de me tenir tête, à ce vieux baroudeur que rien ne désarçonnait, autant son attachement à son démon était un crime. Mais que pouvais-je y faire ? Comment le tirer de son inertie ? J’avais envie de le baffer, de lui hurler dessus, de le traiter de tous les noms. J’ouvris la bouche… et la refermais. Plusieurs fois j’hésitais mais non, je connaissais le résultat. Vu notre passif tout ce que je dirai ne ferait que créer une situation qui dégénèrerait. Et pour avoir une lutte il fallait un adversaire. Celui-ci était déjà vaincu, par la vie.

Je restais là les bras ballant. Cela me brisait le cœur de le voir comme ça. Quelque part, j’avais pitié de sa détresse. Il avait probablement touché le fond après son accident et n’avait jamais plus remonté. Sa bouteille c’était sa bouée, un fantasme qui repoussait les cauchemars. A moins qu’il ne se soit crashé justement parce qu’il buvait déjà à l’époque. Ou pire, peut-être qu’il croyait vraiment ce qu’il disait. Mais pour moi qui prisait l’excellence sous toutes ses formes, le voir ainsi, déchu, cela me laissait sans voix. Pour une fois dans ma vie je ne sortirai pas vainqueur d’un affrontement verbal. Je ne me sentais pas la force de le faire réagir, de le tirer de cette inertie.

Je lui laissais le dernier mot et me contentais de baisser la tête, le cœur serré et le regard rivé sur le sol.

Et puis, ses paroles m’avaient blessée plus profondément qu’on aurait pu le croire, Ce petit « - Moi je vous déteste sincèrement... ». Je venais de m’excuser en plus. De la part d’un arkanien, cela me faisait quelque chose. Curieux de ma part d’ailleurs car je ne me savais pas sentimentale mais je faire rejeter aussi brusquement par le premier contact que l’on a avec sa patrie depuis des années, cela cingle.

Je répondis mornement sans plus croiser son regard : « Je vais m’occuper du cockpit. »

Et je m’isolais dans ma bulle de technique et sorti des écouteurs pour les glissais à mes oreilles. Je ne souhaitais pas écouter de musique car je préférais rester concentrée mais je préférais qu’Anado le croit, afin de ne plus reprendre cette conversation. Qu’y avait-il de plus à en dire de toute façon ? Il avait été très clair. J’aime ma bouteille, point final.

Restait le problème technique. Le problème du retard dans la perception des champs magnétique pouvait avoir de multiples causes : usure mécanique des pièces, problème d’alimentation, transmission des signaux, dérèglement des calculateurs ou même interférences causées par d’autres appareils. Il y avait de quoi chercher. Je m’attelais à la tâche, méthodiquement, éliminant les causes les unes après les autres tandis qu’Anado pilotait à mes côtés. Même si la planification d’astrogation était prévenir les aléas, l’œil du pilote et son expérience restaient nécessaires pour un voyage sûr. Je travaillais donc en l’évitant de mon mieux, me contentant de lui demander poliment de se décaler lorsque je devais intervenir à un endroit qu’il occupait.

Il me fallut trois bonnes heures pour déterminer l’origine du problème qui était d’origine mécanique. La surface interne d’une gaine de protection d’un câble de transmission avait polymérisé, provoquant de micro abrasions qui perturbaient la fluidité de la réponse. Une pièce mineure, parmi les dernières que j’avais testé. L’intervention en elle-même était relativement simple même si elle demandait un peu de doigté : il fallait retirer le câble, le dénuder pour le nettoyer et l’huiler puis le remettre sous gaine. Une fois remis en place je laissais Anado sur place en lâchant derrière moi un « Cela devrait être bon maintenant » et j’allais me réfugier dans le dortoir.

Enfin au calme, je retirais les écouteurs et mon haut pour me mettre à l’aise, ne restant qu’en T-shirt. On pouvait voir mon tatouage de pirate sur le bras, de l’époque où je traficotais du côté du secteur corporatiste et du cluster de Tion mais ici ce n’était pas gênant. Nous étions entre gens du milieu. J’étais fatiguée. Je me jetais sur le lit et me laissais flotter dans un demi sommeil. Pas vraiment endormie, pas vraiment alerte : au ralenti. Curieux tout de même comme tous les dortoirs pouvaient se ressembler. Les même couvertures ternes, l’espace millimétré, impersonnel. D’habitude il y avait des photos sur les murs qui habillaient les lieux, là rien. Ce vaisseau n’avait pas d’équipage à part nous, pas d’âme. Dans cette solitude naissante, je sortis ma tablette pour accéder à un vieux dossier. Là, quelques photos tirées de mon passé. Keth, Rainee et Liir : mes frères et sœurs, un visage plus dur et fier, avec quelque chose de l’aigle au repos : Keneith, mon père et d’autres de maman. Cela faisait mal de les revoir après tant d’années mais c’était bon aussi. Qu’étaient-ils devenus ? Keth devait être papa d’un petit garçon de 9 ans : Sarin était enceinte quand j’étais partie. Rainee et Liir devaient s’être mariés. Rainlee ma fière meneuse de troupe qui était absolument certaine de mener son homme à la baguette « Il pourra dire ce qu’il veut, il ne fera pas la loi. » et Liir, le petit frère sage adorable qui m’appelait Lili. Liir et Lili… Et moi, où est-ce que j’en étais ? Vagabonde en fuite ou rebelle aventureuse ? Est-ce qu’il n’était pas tant que ma crise d’adolescence passe ? Foutu Arkania, il suffisait d’une peau un peu pâle et d’un accent trop familier pour que tous les souvenirs remontent. Aller, quelques photos encore, peut être un petit somme et ensuite j’irai manger avant de me coucher pour de bon.
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L'ours avait cessé de rugir, et la fillette baissa la tête, visiblement résignée. La main encore tremblante, Anado se rassit. Ce voyage n'était pas une sinécure. Tout ça pour aller se poser sur un bled pourri où un brun ténébreux devait faire on ne sait quoi. Il se pouvait que ce dernier ait prévu de liquider l'équipage une fois sur place histoire de ne laisser aucune place. On ne savait jamais de quoi était capable ce genre de mecs louches. C'est vrai, il était restait extrêmement flou. Après réflexion il était presque aussi énervant que l'arkanienne.

Celle-ci n'avait rien trouvé à redire, certainement pour la première fois de son existence. L'aigreur d'Anado redescendait d'un cran tandis qu'un silence gênant s'installait. Elle allait s'occuper du cockpit. Le pilote hochait doucement la tête, la laissant partir sans un mot. Peut-être que cette dispute avait connue les derniers qui seraient échangés entre les deux arkaniens. Anado avait bien sentis que l'atmosphère, encore électrique il y a quelques minutes avait changée du tout au tout. Quelque chose avait été brisé sans qu'il ne sache dire quoi. La confiance, très certainement. Lui ne pouvait souffrir la compagnie de cette femme tyrannique qui lui semblait s'être dévouée à le détruire, à le rabaisser plus bas que terre. Et il avait visiblement réussis à endiguer son œuvre. Pour combien de temps ? Il n'avait connu que peu d'arkaniens résignés, du moins, ils ne l'avaient pas été longtemps. Il se méfiait donc de cette mine triste qu'arborait la technicienne. Au moins aurait-il la paix pour quelques jours, peut-être.

Il resta quelques minutes assis, finissant sa cigarette, seul face à l'amas de bouteilles d'alcool qui trônaient sur la table, dissimulant l'hologramme qui continuait à être projeté. Anado soupira, laissant sa tête basculer en arrière. Quelle mission de merde. Il avait rarement connu ambiance aussi miséreuse. Entre cette carlingue aussi fantomatique que leur employeur et l'atmosphère qui y régnait, tout coïncidait pour tourner un mauvais film d'épouvante. Il ne manquait plus qu'Ervin ait oublié dans la cale une espèce alien parasite et meurtrière et on avait là un bon remake. Vivement Byss, vivement le retour. S'ils y arrivaient un jour. Mourir ici serait la chose la plus triste de son existence. Et pourtant la joie n'y avait pas été toujours coutumière.

Il se redressa enfin après ce long moment de solitude qu'il sut savourer, laissant les bouteilles où elles étaient. Il se traînait jusqu'au cockpit, découvrant Alys en plein travail, écouteurs vissés sur les oreilles. C'était pas plus mal. Il s'installa à sa place, grognant légèrement quand celle-ci le gênait. Mais sa politesse – qui était d'ailleurs exceptionnellement inhabituelle – l'empêchait d'être désagréable et il se contentait de se déplacer en grinçant des dents.

Ce fut particulièrement long. Trois heures, trois putains d'heures à se tortiller, à déplacer son siège, à s'adapter pour qu'elle puisse travailler. Il n'en fut que plus satisfait de la voir quitter son antre. Il avait toujours eu du mal à partager le cockpit et détestait avoir un copilote. Il appréciait particulièrement ces espaces de pilotage, presque intimes pour lui. Il pourrait y dormir. Il y passait le plus clair de son temps, et ses nuits ponctuées d'insomnies l'avait poussé à y ramener un sac de couchage.

Dès que sa comparse eut quitté sa caverne, l'arkanien s'empressa de vérifier que les réparations étaient effectives. Il eut un sourire satisfait. Certes, elle travaillait lentement, mais elle travaillait bien.

Voyager en hyperespace était monotone. Anado préférait les voyages courts et ceux qui se limitaient à un système solaire ou même d'un point à un autre sur une planète. Les pilotes pouvaient exprimer toutes leurs compétences et leur folie en espace urbains ou naturels, avec des obstacles, des décors enchanteurs. Étrangement, même après tant d'années, Darssian n'était pas un amoureux transit de l'espace. Certes, le vide galactique et ses phénomènes exceptionnelles avaient quelque chose d'enchanteur. Mais hormis les champs d'astéroïdes et les batailles spatiales, il n'avait rien d'excitant. Rien ne valait une bonne course de podracers, ou une excursion en rase-motte au milieu des paysages fantastiques qu'offraient les différents systèmes de la galaxie.

Son job était donc particulièrement monotone, hormis quand des anomalies venaient pénétrer dans leur trajectoire. Aidé de l'équipement du vaisseau qui faisait son travail malgré ses quelques années de retard au niveau technologique, il parvenait à faire des modifications minuscules et pourtant vitales. Ce stress constant de l'erreur technique l'empêchait de dormir. Et pourtant, il s'ennuyait comme un rat mort. Ils étaient dans une zone sensible, avec les fameux corps célestes s'étant percutés, les myriades de déchets et astéroïdes qui dérivaient rendait le travail d'Anado un peu plus intense et il ne pouvait quitter le cockpit. Pourtant, pour une fois, ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Cela faisait déjà plusieurs heures qu'il était assis, et malgré le confort du siège de pilotage, il avait envie de se dégourdir les jambes.

Impossible de passer en pilote automatiques, Anado passait son temps à modifier leur trajectoire et à scruter les instruments, largement aidé par ses réflexes exceptionnels, permis par ses implants cybernétiques. D'ailleurs, ceux-ci devenaient douloureux. Le manque de sommeil, d'eau et la nervosité rendait plus régulier la prise de son traitement. Et bien entendu, il l'avait laissé dans la salle de vie, au milieu des bouteilles d'alcool, lors de la dernière altercation avec Vel Aath. Cligner des yeux devenait un supplice et il sentait des larmes lui brûler la rétine. Couplé à une envie de pisser, la situation devenait particulièrement désagréable. Bien sûr, personne dans les parages pour lui donner un coup de main.


Heureusement, il était un mercenaire expérimenté, habitué des longues traversées. Avec habileté, il parvint à saisir une bouteille d'eau vide qui traînait et y faire son office tout en gardant un œil sur les machines. Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres tandis qu'une urine chaude coulait à torrent dans la bouteille. Il avait toutes les difficultés possible à ne pas mettre une goutte à côté et garder son engin face à l'orifice le plus petit qu'il n'avait jamais confronté, mais il y parvint avec brio. Refermant la bouteille, il veilla à la jeter derrière la porte. Moyen discret de la dissimuler avant de l'emmener au vide-ordure. Heureusement, la bouteille était teintée, ne laissant deviner son contenu qu'à l'odeur si on venait à l'ouvrir. Ce à quoi Anado ne s'amuserait pas. C'était dégueulasse, mais il n'avait pas vraiment le choix. Un bon ours solitaire avait recours à des méthodes de survie extrême. Pisser dans une bouteille en faisant partie. Restait son problème de vue. Il devait se rabaisser à demander de l'aide. Il regardait l'heure. Cela faisait plusieurs heures qu'il était seul. La sorcière du navire devait dormir ou divaguer ailleurs. Quant à Drayon... va savoir ce qu'il foutait dans sa piaule. Branlette intellectuelle ou physique, il devait avoir de quoi s'occuper en tout cas. Et s'il s'était jeté par-dessus bord par le vide-ordure ? Il faisait glauque, limite dépressif après tout. Si silencieux, si mystérieux. Anado sourit à cette idée. Bref, il devait agir avant de commettre une erreur ou de voir ses yeux s'encroûter. Il activa les hauts-parleurs du vaisseau. Peu importe où était planquée la techie, elle entendrait sa voix rauque quémander de l'aide. Maintenant, allez savoir si elle accepterait de la donner.


« - Ici Anado Darssian, votre pilote, vous vous rappelez ? J'aurai besoin d'un coup de main au cockpit. J'ai laissé mon traitement près de l'holocron de la salle de débriefing. Il me le faut absolument. Merci. » Fin de la transmission. Il n'avait pas appelée précisément Alys mais elle était bien entendue visée. Drayon devait être en train de se noyer dans sa semence ou ses excréments depuis le temps qu'il n'était pas sortis de son antre. Anado avait trouvé moins sociable que lui. Et certainement l'homme le plus glauque de toute la galaxie.

Quant à la courte description qu'il avait fait de ses médicaments, ils étaient impossible à rater parmi l'alcool qui trônait encore là-bas. Du moins il l'espérait. Une fiole adascorp accompagnée d'une boite de cachetons de la même entreprise.
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Je venais de finir de manger et j’allais me coucher lorsque la voix rauque de l’alcoolique résonna dans le vaisseau.

« Ici Anado Darssian, votre pilote, vous vous rappelez ? J'aurai besoin d'un coup de main au cockpit. J'ai laissé mon traitement près de l'holocron de la salle de débriefing. Il me le faut absolument. Merci. »

Pas moyen d’y couper. Ce n’était pas Drayon qui allait bouger, il était aussi invisible que l’air. J’aurais même pu douter qu’il soit encore en vie si je n’avais pas analysé les relevés des recycleurs d’air. Il semblait très calme, asocial, mais vivant.

Je retournais donc au salon pour récupérer la fiole et la boite de cachets. Je n’avais pas tergiversé sur ce point car je connaissais ce type de médicaments. Suite à ma formation sur Arkania en cybernétique, je savais qu’ils étaient parfois nécessaires lorsque le receveur s’habituait mal à ses implants. Neuf fois sur dix le problème était plus d’ordre psychologique d’ailleurs que réellement matériel mais le produit était prévu pour cette dixième fois, pour le cas ou il serait réellement nécessaire. Je lus les notices. Comme prévu, il était indiqué de ne pas les mélanger à l’alcool. Les effets secondaires prévoyaient pertes de vision, irritations, gonflement des paupières et le traditionnel endormissement. Vu l’état que je présumais du foie d’Anado, il était probable que certains effets secondaires se fassent sentir. Je fis rouler la fiole dans ma main en soupirtant avant d’un sourire vienne éclore sur mes lèvres. L’idée d’une basse vengeance me traversa l’esprit. Le liquide était légèrement doré et avec un tout petit peu d’application, je pourrais m’arranger pour pisser dedans et le diluer un peu. Pas assez pour qu’il le remarque, mais toujours suffisamment pour que j’en tire une satisfaction profonde. Il me faudrait quoi, une minute à tout casser ?

Deux minutes après donc je me présentais au cockpit. Sans un mot je lui lançais le flacon de pilules et la fiole d’adascorp et ... je m'arrêtais net. Il flottait sur place une odeur bien reconnaissable : une odeur d'urine. En petits reniflements bien audibles, j'en cherchais l'origine tout autour jusqu'à trouver une bouteille remplie d'un liquide qui aurait pu ... Non, il n'avait quand même pas fait ça ? Je le regardais incrédule "C'est pour ça que vous m'avez faite venir ?". Je tournais les talons immédiatement avec une moue de dégoût.

Finalement, j'avais renoncé à mon projet crapuleux car Anado ne méritait pas encore une vengeance si mesquine mais vu son mode de vie, il n'aurait même pas vu la différence, même si j'avais rempli la fiole de pisse ! Au moins, je ne l'avais pas surpris pendant qu'il faisait ça !

Le voyage s’étira en longueur. J’en faisais le minimum et je fréquentais le pilote à l’avenant. Quel intérêt de toute façon ? J’avais largement de quoi m’occuper entre les planifications de mes prochains voyages, les livres, les travaux d’entretien de mon matériel, les films, ma musique … Et il valait mieux que je pense à autre chose qu’aux risques que cet idiot nous faisait prendre par son attitude irresponsable.

Finalement, nous arrivâmes à Byss sans encombre.

Une planète magnifique, à couper le souffle. Baignée d’une lumière émeraude, recouverte d’un épais manteau de nuages et de poussières sous lequel s’étendaient des vallées fertiles et des successions de lacs et de rivières. Parfois, de violents orages électromagnétiques éclataient dans le ciel et leur puissance était telle qu’ils faisaient trembler le sol de leur intensité. J’aurais du être terrifiée mais au lieu de cela j’étais fascinée par le chatoiement des éclairs se reflétant sur la poussière rouille et sang qui roulait dans les airs. Je pris des dizaines de photos du haut des collines et lorsque les orages venaient vers nous je me précipitais dans le vaisseau pour m’y mettre à l’abri. Tremblante devant les forces de la nature. Mais tremblante d’excitation aussi. Je n’aurais été ailleurs pour rien au monde !

Comme je voulais pouvoir me balader un peu aussi, je retirais la pièce principale du générateur ionique : un cristal dodécaédrique qui servait tout à la fois de condensateur et de distributeur d’énergie. Une pièce chère, difficile à trouver : sans lui impossible de décoller. J’avais ainsi l’esprit tranquille pour planifier de longues ballades de plusieurs heures. Le temps était doux, la végétation luxuriante et belle. Selon les experts, la vie n’avait jamais pu se développer de façon très complexe du fait de ces tempêtes. Nous étions dans une sorte d’Eden sans prédateur et avec peu de proies. Là encore je pris des dizaines de photos de paysages, de lacs, d’espèces qui m’étaient inconnues.

Forcément, cela jouait beaucoup sur mon moral. Je rentrais le soir détendue, des images plein les yeux, des souvenirs plein la tête et l’appareil photo. Je pris même quelques photos d’Anado. Après tout il restait une célébrité et je faisais cela avec toutes mes rencontres. Anado qui monte la garde, Anado qui dort, Anado qui râle, Anado qui râle… Je ne regrettais plus ce voyage !

Mais après une semaine il devint évident que notre employeur nous avait abandonné. Il ne semblait pas homme à mourir en tombant dans un ravin. Ses dernières paroles, le jour de notre arrivée, furent « Je reviens dans un ou deux jours » et puis plus rien. Nous nous étions faits roulés. Cela représentait surement beaucoup de frais pour Anado qui avait financé le voyage. Je le plaignais presque. Pour ma part, même si l’idée de m’être faite avoir de 25000 crédits me restait en travers de la gorge, j’avais obtenu ce qui m’importait le plus : un voyage dans un lieu merveilleux.

Aussi je décidais d’enterrer la hache de guerre avec le pilote. Tant qu’il pouvait m’emmener à bon port, je me moquais qu’il soit alcoolique. Je me montrais agréable et conciliante, discutant gentiment de tout de rien. De sa vie de pilote, d’Arkania qui finalement me manquait beaucoup plus que je ne voulais bien me l’avouer. Un jour je me décidais même à lui faire la cuisine. Un plat simple tiré de notre réserve mais agrémenté de fruits locaux que j’avais vérifié être comestibles dans ma base de donnée. Oh rien d’exceptionnel, mais je trouvais que la pipérade de fruits d’Algape passait bien et que le coulis de fruits était un dessert parfaitement acceptable dans un lieu perdu. Enfin voilà, j’essayais d’être gentille ! Et ça, franchement, ça ne m’arrivait pas tous les jours.

Lors de notre départ, je réussis même à obtenir qu’il fasse un petit survol de la planète afin de prendre quelques photos de plus, d’endroits éloignés où je n’aurais eu aucune chance de pouvoir me rendre à pieds. J’étais comblée et bien résolue à laisser Anado en paix sur le chemin du retour. Peut-être que pour une fois j’avais tors et qu’il savait gérer ses problèmes d’alcool.
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[ Désolé du retard Alys! ]

Contrairement à ce qu'avait pensé Anado, l'arkanienne ne se fit pas prier. Il reçu bientôt d'un jet habile ses précieux médicaments, qu'il rattrapait avec autant de dextérité, les posant près de lui. La princesse du village eut tôt fait de remarquer le pot de chambre rudimentaire du pilote et d'exprimer un profond dégoût. Il renifla bruyamment, retenant un rire moqueur. Oui, c'était dégueulasse. Mais écoeurer cette femme devenait presque du grand art. Et puis, elle lui en aurait certainement d'autant plus voulu si elle avait quitté son poste pour se soulager, causant un accident dramatique. Non, il n'y avait rien à regretter, Anado était formel. Cet épisode lui redonna le sourire pour quelques heures au moins.

Le reste du voyage fut des plus solitaires. Il dormait peu, et étonnamment ne bu qu'à de rares reprises, enfin, par rapport à ce qu'il ingurgitait d'habitude. Le travail était éreintant et même la boisson le désintéressait. Il n'aspirait qu'à glaner quelques heures de sommeil. Le vortex dans lequel ils étaient engouffrés étaient des plus instables et le calcul des trajectoires donnait du fil à retordre au pilote, aussi expérimenté qu'il était. Au moins, grâce à cette mission, aussi catastrophique était-elle, il allait se remplir les fouilles et prendre une bonne remise à niveau en pilotage. C'était la première fois depuis longtemps qu'il avait à être aussi concentré pendant ses contrats. C'était presque valorisant. Il n'y avait personne pour le congratuler, mais il savait se satisfaire de sa propre fierté et s'en nourrir, avidement, comme il le faisait depuis des années. Face à la solitude, se gorger d'orgueil, s'en gonfler, était parfois un acte de survie. Tout comme l'alcool et la vie nocturne.

Enfoncé dans son fauteuil, les yeux rivés vers des écrans qui n'en finissaient plus d'afficher des nombres abstraits, il s'imaginait dans une boîte de nuit sur Coruscant, entouré de belles plantes. Il imaginait à la perfection les sensations que ce genre de sorties lui procurait. Ses poils en étaient hérissés. Il savait quoi faire en rentrant. Dans ce genre de soirées, l'on oubliait sa solitude. L'alcool, la drogue, les femmes. L'on se sentait vivant à nouveau. On se croyait entouré, on se faisait des amitiés factices, nouées par l'ivresse et l'argent. Anado était extrêmement dépensier passé une certaine heure, et très généreux. Cela expliquait qu'il avait toujours beaucoup d'amis quand il allait se coucher, mais qu'il se réveillait toujours seul.

Il revint à lui alors que son ordinateur s'agitait. Il cru un instant avoir commis une lourde erreur en se perdant dans ses songes, mais pour une fois, ce fut une bonne nouvelle qui s'afficha. Byss. Ils n'avaient jamais été aussi prêts. Ils quittèrent l'hyperespace, et Anado découvrit la fameuse planète. Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas été bluffé par une vue spatiale. De nos jours, toutes les planètes se ressemblaient. Anado en avait connu des dizaines, dans des centaines de systèmes. Des lunes et des astres à ne plus savoir où donner de la tête. Tous pollués par le trafic spatial, entourés de déchets et d'innombrables vaisseaux, stations orbitales et satellites. Mais Byss était à part. Elle était vierge de toute civilisation et dégageait une aura mystérieuse irrésistible. Avant même de savoir ce qui se cachait derrière son manteau de poussière, Anado savait qu'il voulait fouler le sol de cette vierge stellaire.


Il posa l'engin dans une clairière dégagée, au pied de collines et monts escarpés. Drayon disparut quelques minutes après l'atterrissage, leur donnant rendez-vous ici dans deux jours, tout au plus. L'arkanien n'aimait guère laisser filer son client, qui avait perdu sa confiance depuis bien longtemps. Mais celui-ci avait clairement exprimé son désir d'oeuvrer seul, et impossible de le garder à l'oeil. Au moment où Anado allait exiger un moyen de pression, une garantie, pour s'assurer de son retour, le regard que lui jeta l'homme avant même qu'il n'ouvre la bouche le fit frissonner. Il se tut, laissant partir ce qu'il devina immédiatement comme un meurtrier. Jamais un homme ne l'avait effrayé de la sorte. Cette sensation était terrifiante : on aurait dit qu'il voyait en lui comme dans un livre ouvert. Il devinait ses pensées, ses forces et ses faiblesses. Son regard l'avait transpercé de part en part. Et surtout, il avait l'oeil froid et implacables des tueurs et des hommes d'une cruauté froide.. Anado avait croisé une nouvelle fois le regard de son père.


Ainsi disparut Drayon. Alys semblait bien plus optimiste, ou du moins satisfaite d'être ici. Elle disparaissait des journées entières, vagabondant aux alentours, prenant tout en photo, jusque la moindre crotte du colibri local. Cette femme était décidément bien étrange. Elle exigeait même de prendre une série de photo avec lui. Plus gêné qu'autre chose au début, Anado retrouva rapidement de vieilles habitudes. Sourires carnassiers et vainqueurs, il prenait la pose comme jadis, certes moins étincelant, mais toujours aussi sûr de lui. Tandis que son employeur s'était fait la belle et que sa collègue jouait les touristes, il passait le plus clair de son temps assis près du Heaven, sur une chaise dépliante, une bière à la main et une cigarette dans l'autre. Il dormait énormément, rattrapant les heures de vol qui avait dévorées ses nuits. Il restait là, à l'abri sous l'imposant oiseau de fer, observant d'un œil curieux et ébloui les impressionnants orages qui déchiraient le ciel et les entrailles de la terre. Tout ici était si sauvage... Du climat à la nature. Byss semblait indomptable et méconnue. Il aimait cela. Quand il serait trop usé pour errer dans cette foutue galaxie, peut-être viendrait-il prendre sa retraite ici... Il engagerait une techie pour l'y emmener, et la laisserait repartir seule avec son coucou. Pour être sûr de finir ses jours sur son cailloux, sans personne pour l'emmerder. L'idée était plaisante, à la fois reposante et triste. Il faillit verser une larme.

Il apprécia le temps qu'il passa seul sur Byss, laissant Alys vaquer à ses occupations. Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas su apprécier le silence et le calme d'un endroit, pour se ressourcer, et se centrer sur ses songes. Un homme plus spirituel aurait même parlé de méditation.

Mais cette accalmie n'était qu'éphémère. Car les jours passaient, et les bières s'épuisaient. Toujours pas de Drayon en vue. Il fallait bientôt se rendre à l'évidence : il ne reviendrait jamais. Ils s'étaient fait avoir comme des débutants. Anado ulcérait. De rage, il fracassa sa chaise contre la coque du Heaven, et se défoula sur les bouteilles vides d'alcool. Tirs de fusil, coups de pieds, lancers... La plaine fut bientôt peuplée de morceaux de verre.

« - Enfant de putain ! » hurlait-il dans la vallée, son fusil à la main. Il l'arpentait en vain, affrontant la nature sauvage sans profiter des fabuleux panoramas. Il était obsédé par l'image de Drayon, et passa le dernier jour à le traquer, en vain. « - Reviens ! Drayon ! » hurla-t-il finalement du haut d'une falaise escarpée, face à une vallée déserte. Des oiseaux fuyant le ciel orageux furent la seule réponse qu'il obtint.

Se laissant choir sur le sol, il osait à peine compter la perte d'argent que représentait ce voyage. Ce putain de séjour touristique l'avait sérieusement amputé. Et ce n'était pas finis. Ervin allait lui en vouloir, et il y avait de quoi. Il avait abandonné un marché juteux sur Corellia pour ce coup sur Byss. Il allait falloir rembourser l'immobilisation du Heaven, le carburant et certainement la perte occasionnée. Anado n'avait pas les moyens d'assumer ça. Comme toujours, les problèmes d'argent le rattrapaient. Il lorgna sur le vide à ses pieds. Peuh. Il était bien trop orgueilleux pour mettre un terme à son existence. Il allait devoir se débrouiller, comme d'habitude. Il ne rentrerait pas sur Koros Major. Il détournerait le Heaven, le revendrait dans un cloaque pour se refaire. Et il disparaîtrait à nouveau, errant à la recherche de la fortune, de la Bordure Extérieure aux méandres du Noyau. Anado Darssian était redevenu un putain de clochard.

Il rentra dépité au vaisseau. Alys était déjà là. Elle aussi avait bien compris qu'il ne servait plus à rien d'attendre, mais semblait mieux l'accepter. Il était temps de repartir.

Anado était amer. Au moins, sa colocataire arkanienne faisait des efforts plaisants, venant même parler avec lui, ponctuant ses heures de solitudes par des discussions légères. Elle lui fit même la cuisine, ce qui changea de ses repas sommaires et insipides. Mais l'arkanien était ailleurs. La situation le désespérait. Inconsciemment, il avait misé beaucoup sur ce contrat. Financièrement d'abord. Il s'était personnellement engagé. Moralement aussi. Le voyage avait été éprouvant. Il s'était prouvé qu'il avait encore largement les capacités pour barouder et piloter. Mais tout cela avait été vain. Les bouteilles descendaient à vitesse exponentielle, tard le soir. Seul face à la mer noire tâchée de lait, il s'enfermait dans ses songes, un verre à la main, qui succédait à un autre. La déprime menait à lui de douloureux souvenirs, de sa vie d'antan comme de celle qu'il menait actuellement. Il s'enfonçait dans la lassitude et l'envie de dormir. De clore les yeux pour ne jamais les rouvrir. Bêtement, il se laissait aller, beaucoup trop. Il s'assoupit, cela ne dura qu'une dizaine de minutes. Mais c'était dix minutes de trop. Ils avaient quitté Byss depuis plus d'une dizaine d'heures. Anado n'avait pas encore pris de pause. L'alcool, le café et les cigarettes le maintenaient dans un état de veille nerveuse. Il craqua finalement. Les capteurs s'excitaient, toute sorte d'alertes retentissaient dans le cockpit. Il aurait pu corriger par deux fois la trajectoire, mais le cocktail sournois qui coulait dans ses veines l'empêchait d'ouvrir ne serait-ce qu'une paupière. Son esprit était assommé par la fatigue et l'alcool. Son crâne, dans un étau, était incapable de réagir. Un objet non identifié rentrait directement dans leur trajectoire. L'alarme retentit dans le navire, les portes scellées des différents compartiments du vaisseau se fermaient. En cas d'endommagement et de séparation d'une partie du vaisseau, cela devait permettre d'éviter toute dépressurisation. Le cockpit fut donc séparé du reste du navire, comme chaque pièce. Anado était livré à lui-même. Les soubresauts violents du navire et les craquements de la coque le tirèrent finalement de son état comateux. Difficilement, il ouvrit les yeux pour découvrir ses appareils. Tout clignotait en rouge, et des néons de la même couleur faisaient baigner son antre dans une couleur pourpre. L'alarme lui vrillait le crâne.


« - Bordel de merde... ».

Il bondit en avant, réveillé par l'adrénaline, qui s'insinuait dans tout son corps, poussée par la peur instinctive de la mort. Il n'était pas trop tard... Il pouvait encore agir. Il avait quelques secondes avant de percuter l'objet. Encore une fois, il pouvait sauver sa vie à quelques secondes, il fallait juste qu'il dévie la trajectoire pour ne pas être percuté de pleins fouet. Il s'emparait des commandes, comme il l'avait fait dans son pod dix ans auparavant.

Le choc fut terrible. Happés en dehors de l'hyperespace, le flanc gauche de l'appareil fut complètement arrachée, une aile et une partie des moteurs avec. Le Heaven dérivait tandis qu'un incendie prenait dans la salle des moteurs. Ils entraient dans l'orbite d'une planète. Les commandes ne répondaient plus. Vérifiant son harnais, Anado se surprit à prier il ne savait quelle divinité. Certainement celle de la bière et du scotch. Il avait réussis. Le vaisseau n'avait pas été pulvérisé, ils avaient frôlé le déchet spatial ou l'astéroïde, peu importe. Mais ils avaient été projetés dans l'orbite de cette planète. L'engin se mit à tournoyer. L'arkanien était projeté dans son siège, de droite à gauche, de haut en bas. Il vomit tout l'alcool qu'il avait ingurgité jusque là, et le peu de nourriture qu'il avait dans l'estomac. Bientôt se fut de la bile et du sang qui coulait sur son torse, mêlé à la salive. Des bouteilles volaient autour de lui. L'une d'elle se brisa contre son crâne. Tout tournait tellement vite. Son propre sang aspergeait sa face. Il perdit connaissance alors que le feu recouvrait l'extérieur du cockpit. Ils allaient s'écraser. Il allait mourir.


Plus rien.

Plus un son. Plus une image. Rien que l'obscurité autour de lui. Et une chaleur étrange... Qui laissait place à un froid terrible par moment. Bientôt, même cela, il ne le sentit plus. Il pouvait à peine penser. Alors, c'était ça, la mort ? Il avait bien fait de ne croire en rien. Au diable le paradis, l'enfer, la Force et les prophètes. La mort n'était que néant. Mais alors pourquoi avait-il conscience de celui-ci ?

La douleur. Elle vint subitement, intense. Intenable. Il essayait de hurler, mais rien ne perçait le silence, et il retomba dans le coma, terrassé.

L'obscurité revint, succédant à une lumière éblouissante. La douleur était toujours là. C'était la seule chose de concrète. La seule qu'il pouvait sentir. La seule chose qui le raccrochait à la vie. S'il souffrait, c'est qu'il vivait. Cela était bien le propre de la vie, la souffrance. Bientôt, il sentit le vent sur sa nuque. S'il en avait encore une. Peu à peu, il sentit la poussière sous ses doigts crispés, et le sang séché sur son visage. Ses sens revenaient. Il exultait intérieurement, se battant pour ne serait-ce que bouger un doigt ou ouvrir les yeux. C'était impossible. Il était impotent ? Peut-être était-il devenu aveugle, handicapé ? Incapable d'user de ses membres ! Il paniquait, se débattait. Bientôt il entendit un sanglot étranglé. Il reconnu sa voix. Il n'était plus sourd !

Il sombra une nouvelle fois. Et quand il revint enfin, il pu ouvrir les yeux. Doucement. Ils étaient encroutés et douloureux. Ses yeux pleuraient abondamment et il pu ouvrir doucement ses paupières. La lumière l'éblouit tellement qu'il cru que ses yeux brûlaient. Ses doigts se cramponnaient faiblement à de la terre rouge, qui recouvrait une plaque de métal. Il entreprit de se mouvoir, avec précaution. Chaque parcelle de son corps le faisait atrocement souffrir. Il parvint à se retourner sur le dos pour évaluer la situation. Il était au pieds du cockpit, qui avait été visiblement arraché du reste du Heaven, car le reste du vaisseau n'était pas là. L'avant de l'appareil était enfoncé profondément dans le sol d'ocre rouge. Il avait visiblement était expulsé par les vitres qui avaient fondues. Son fauteuil était fracassé non loin. Son harnais pendait à ses épaules, broyé. Il s'examina en se redressant sur les coudes avec peine. Il n'était pas démembré. Premier bon point. Son armure était salement amochée. Ses jambières avaient volées en éclat et son treillis était troué de partout. Les shrapnels d'acier du cockpit l'avaient complètement bouffé. Ses épaulières avaient disparues, et l'armure recouvrant son torse était fissuré. Plusieurs vis qui avaient sautées étaient plantés dedans, tordues. Il avait visiblement eu énormément de chance. Son visage était recouvert de sang et il palpa plusieurs plaies superficielles sur son crâne et sa face. Celle-ci était boursouflée, recouverte d'hématomes. Ses lèvres étaient fendues, et il avait perdue une dent. Plusieurs autres étaient cassées.
Mais il sentait toujours ses jambes, malgré les hématomes recouvrant tout son corps. Il avait certainement au moins une ou deux côtes cassées, au mieux, fêlées. Mais il était en vie. Il se redressa doucement, par étapes, pour finir à genoux dans le sable rouge. Il regarda autour de lui. De l'eau turquoise venait caresser les flancs du cockpit. Le reste du vaisseau pouvait avoir atterris à des centaines de kilomètres de là. Et pourtant les vivres stockées dedans pourraient lui sauver la vie. Il n'avait aucune idée d'où il était, mais le fait que personne ne l'ait secouru témoignait de l'absence de civilisation, du moins républicaine ou très développée. Ou alors il était sur une lune non habitée. En fait, ils pouvaient être n'importe où. Il n'en savait fichtrement rien. Ce genre de questions étaient pour l'autre arkanienne. Si elle avait survécu...


Malgré le terrible mal de crâne qui lui défonçait le cerveau, il se mit debout et grimpa dans le cockpit. Il ne put pas en tirer grand chose, mais récupéra une arme de poing et quelques munitions. S'armer était une bonne chose pour survivre. Il avait terriblement soif. Mais il n'y avait rien à se mettre sous la main. En redescendant, il se penchait sur l'eau bleu turquoise qui baignait les ruines fumantes de ce qui fut le cockpit du Heaven. Comme il le craignait, cette étendue d'eau dont on ne devinait pas les confins était salée. Bien. Il fit alors volte-face vers l'épaisse jungle en face de lui. Une fumée noire s'élevait non loin. Si il y avait quelques dieux en ce monde, c'était le reste du vaisseau.
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Finalement tout s’était bien passé, tout au moins pour moi. Je savais que la situation n’était pas la même pour Anado. Pour lui cette expédition était un vrai désastre. Les frais s’étaient accumulés, nourriture, carburant, pièces diverses de réparation, taxes douanières, et si les sommes s’accumulaient dans la colonne débit, la colonne crédits, elle, restait désespérément vide. Ce manque à gagner m’impactait beaucoup moins, déjà parce que je n’avais aucun frais, mais aussi parce qu’en réalité je ne travaillais pas pour l’argent mais pour l’opportunité du voyage. Cette vie décousue, en permanence entre deux jobs et deux spatioports, chaotique, alternait périodes de faste et de disette. Je savais que tant que j’avais de quoi manger je trouverais un moyen de rebondir ce qui me faisait considérer cette mésaventure d’un œil détaché. Le fait que j’ai pu voir une planète aussi merveilleuse pesait sans nul doute sur ma bienveillante disposition : je repartais avec des photos magnifiques et une expérience de vie qui me faisait encore vibrer. Allongée sur ma couchette, dans le dortoir, je gardais les yeux rivés sur le matelas qui me surplombait, sans le voir, perdue dans le transport d’émotion que les souvenirs de cette planète m’évoquaient.

Je comprenais l’humeur massacrante de l’Arkanien et je savais que le moment aurait été mal choisit pour l’ennuyer, et surtout je n’en avais pas envie. Il avait rempli sa part dans le contrat muet qui nous liait : m’emmener sur Byss. Et cela seul méritait des égards. Aussi étais-je allée le trouver dans le poste de pilotage. Il écrasait cigarettes sur cigarettes en ruminant des pensées plus noires toutes les unes que les autres. Le teint rougit par l’alcool et la colère il m’avait ignorée, même lorsque je lui avais proposé de payer ma part de nourriture. Ce n’était pas grand-chose certes mais c’était surtout un gage de bonne volonté et de compréhension. Il avait grommelé, crispé les mâchoires et n’avait rien répondu. Avait-il seulement compris ? Aussi l’avais-je laissé à sa morosité. J'étais un peu inquiéte des les bouteilles qu’il accumulait auprès de lui et qu’il vidait à bon rythme mais je n’aurais rien pu dire de toute manière. Sa colère n’attendait qu’un exutoire et je n’avais aucune envie d’être le prétexte qui le ferait exploser.

Je passais le maximum de temps loin de lui, prête à lui tenir compagnie cependant, histoire d’alléger son humeur d’une discussion ou simplement d’une présence humaine, mais ce qui lui aurait fallu c’était une partie de jambe en l’air. Vu toute la frustration qu’il avait accumulée, cela l’aurait détendu un grand coup. J’hésitais même un instant à me dévouer car vu son état, cela aurait pu être sauvage et mémorable ! Mais je n’étais pas d’humeur à la performance.

Je le laissais seul et m’assoupit, bercée de souvenirs merveilleux prolongés dans mes rêves de promenades paradisiaques ou d’orage de grêle qui faisait crépiter le métal de la coque. Un orage particulièrement violent même vu qu’il secouait le vaisseau et que l’on entendait le vent hurler au travers des parois. Un vent qui hurlait rudement fort, au point d’en faire mal aux oreilles. Je me réveillais d’un bond.

« ALARME ! »

Le dortoir était baigné des feux d’alerte qui rougeoyaient en tournoyant, accompagnés de la sirène que j’avais prise pour le vent dans mes songes. La grêle était en réalité un champ d’astéroïde que nous traversions. Le vaisseau prenait des impacts sans interruption et vu leur violence, notre vaisseeau devait souffrir. Qu’est ce qu’il se passait ? Encore endormie, mes jambes peinaient à me porter mais je me dirigeais en urgence vers le cockpit.

« Anado, qu’est-ce qu’il se passe ? », criais-je dans le couloir, sans obtenir de réponse. Le bruit caractéristique d’une dépressurisation me fit dresser les cheveux sur la tête. La structure tenait bon encore mais plus pour longtemps, son intégrité commençait à être menacée.

« Oh, merde ! »

Le sas automatique de confinement se ferma sous mes yeux, à portée de main : la situation était critique.

« Anado, réagit ! Je suis coincée à l’arrière il faut que tu m’ouvres ! » Mais pas de réponse. Etait-il mort ? J’étais seule dans la partie arrière du vaisseau, dans la partie qu’on nommait amicalement le cercueil entre techniciens. Je pouvais encore réagir : court-circuiter les systèmes de verrouillage de la porte, franchir le sas et me mettre à l’abri. Je sorti le jack de connexion pour le planter dans mon bras mais je n’eu jamais le temps de le faire : nous avions rencontré l’astéroïde tueur que je redoutais. Tout explosa autour de moi et je perdis connaissance.

Ce fut la douleur qui me ramena, conjuguée au hurlement de la carlingue surchauffée par une entrée en atmosphère. J’avais l’impression d’avoir été projetée dans tous les sens. Je tentais vainement de me relever en utilisant mes bras. Le droit céda sans résistance en m’arrachant un hurlement de douleur qui s’étouffa dans la seconde. Brisé net. Incapable de prononcer le moindre son tellement je souffrais. Tremblante, je regardais ce bras qui pendait, la combinaison couverte de sang : double-fracture. J’avais quelques minutes pour atteindre la capsule de sauvetage avant d’être désintégrée par l’impact au sol. Je tentais de me relever mais il était évident que ma jambe gauche aussi était brisée, je ne pouvais que ramper. Centimètres après centimètres, je progressais vers la capsule située à bâbord, m’écorchant les mains et les ongles pour gagner l’abri qui me laisserait une chance de survie.

C’est là que sous l’effet combiné du stress, de la douleur et de la peur, mon corps décida d’abandonner. Mon champ de vision explosa en lumières kaléidoscopiques et je perdis tout sens de l’équilibre tandis que je convulsais lamentablement au sol.

J’allais mourir, j’en étais consciente mais je ne pouvais rien faire contre. Le sas de la navette était à quelques mètres seulement mais je ne pouvais que convulser.

Un nouvel impact fit sursauter le Heaven et la gravité s’inversa. D’allongée au sol, je me retrouvais à tomber à la vertical et m’écrasais dans un bruit mou d’os brisés sur ce qui tenait lieu de nouveau plancher. Par miracle il s’agissait du sas de la capsule. Rendue à moi quelques secondes par la douleur, je trouvais la force d’en activer l'ouverture, de me laisser chuter dans son habitacle et de lancer la procédure d’éjection. Heureusement, la capsule était équipée d’un parachute. J’étais plus morte que vive et je n’avais même pas encore atterri mais il fallait gagner chaque secondes de vie et espérer.

Je perdis définitivement conscience.

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Thème - Free at Last

Un océan inconnu venant caresser une plage ocre et les flancs d'une épave stellaire, faisant face à une jungle luxuriante aux couleurs aussi vives que variées, voilà le spectacle presque idyllique qui s'offrait à Anado Darssian. Pourtant, l'arkanien le vivait comme un véritable cauchemar. Il n'avait rien d'un touriste, en fait il était un naufragé. Ce n'était pas la première fois que ses vieux démons le rattrapaient en pleins vol, mais jamais de manière aussi peu métaphorique et violente. Oui, en pleins vol, c'était ce qui c'était littéralement passé. L'esprit encore embrumé, et le crâne douloureux, il avait du mal à resituer les événements et leur enchaînement. Mais son instinct lui dictait pour l'instant de s'occuper de sa survie et non pas de comment il en était arrivé là. Il avait une arme opérationnelle, avec deux chargeurs d'avance. Il s'était nettoyé le visage sur la plage, non sans geindre, le sel se glissant dans ses plaies parfois encore fraîches, et réveillant des hématomes encore douloureux. Son arcade droite avait été particulièrement touché et sa vision était amoindrie en conséquence, obstruée par une énorme bosse qui passait du bleu au vert.

Il fallait maintenant agir. Il avait des vertiges et une soif à en boire sa pisse, mais il devait bouger. Il n'y avait que l'action qui le maintiendrait en vie désormais. Sans aucunes vivres ni idée d'où il était, il allait devoir faire preuve de caractère et de détermination pour avancer. Et c'était ce qui correspondait le mieux à son état d'esprit actuel. Hors de question de crever sur ce cailloux pittoresque. Et si son issue lui échappait, tombait entre les mains d'un destin fataliste qui lui fermerait toute porte de sortie, il avait un pistolet blaster et assez de coups pour ne pas se manquer.

C'est d'un pas boiteux qu'il franchit l'orée de l'océan forestier qui se dressait face à lui. Malgré son nez probablement cassé et des sinus déviés, une explosion d'odeurs inconnues montait à lui. La flore était particulièrement développée et variée. Des fleurs énormes, plantes exotiques et arbres gigantesques peuplait la forêt, enfonçant leurs racines dans une terre ocre à peine plus foncée que le sable de la plage où il s'était réveillé. La forêt était particulièrement silencieuse ceci dit. Y avait-il une faune ? Étrange. A peine quelques feulements, sifflements de ce qui semblaient être des oiseaux ou sons d'insectes. Il faisait plus frais que sur le site du crash, la cime des arbres apportant énormément d'ombre. C'était agréable. Anado avançait difficilement. Il n'y avait aucune espèce de sentier et l'endroit était particulièrement sauvage. Il fallait faire attention où l'on mettait les pieds, et l'arkanien n'était pas au top de sa forme. Il allait donc lentement, évitant les branches et lianes ainsi que les plantes étranges et effrayantes. Ses jambes lourdes et encore raides le ralentissaient, ainsi que ses douleurs dans tout le corps.

Il était également difficile de se repérer. Il avait distingué d'où partait la fumée depuis la plage mais une fois noyé dans la flore luxuriante de cette jungle, difficile de maintenir un cap. Il tentait tant bien que mal d'aller tout droit en évitant les obstacles se dressant sur sa route. Il avait un sentiment étrange d'insécurité. Seul sur un monde désert et inconnu... Tout cela relevait à la fois du cauchemar le plus terrible et de l'aventure la plus excitante. Mais à 38 ans et après une vie remplie de fresques, il n'y a plus beaucoup d'aventures capables de vous faire bander.


L'attention du mercenaire fut bientôt captée par le doux clapotis de l'eau. Il découvrit un ruisseau à l'eau particulièrement claire. Il s'y pencha avec méfiance. Comment savoir si c'était bien de l'eau, et si elle était potable ? En observant le petit cours d'eau, il distinguait dans son fond des sortes de larves et de vers qui grouillaient, nageant et arpentant le ruisseau. Il eut un haut-le-cœur devant l'aspect répugnant de ces bestioles, relativement petites. Des larves, des serpents ? C'était le premier signe de vie, en oubliant les plantes et les arbres, qu'il rencontrait. Après s'être soulagé de son envie d'uriner dans le ruisseau, sur ces saloperies de limaces aquatiques, il reprit sa route. Il distinguait une clairière en face de lui, la lumière transperçant la barrière d'arbres qui se dressait au loin. La fumée ne semblait plus très loin au vue de ce qu'il distinguait au travers de la cime des arbres. Peut-être ce qu'il cherchait ?


Il accélérait donc le pas, pressé de vérifier si les réserves de vivres étaient encore entières. Se faufilant entre d'immenses feuilles d'arbres forestiers, il débouchait enfin sur une vaste clairière, où de nombreux arbres avaient été fauchés par des débris du vaisseau. Des morceaux de carlingues, plus ou moins gros étaient éparpillés dans la prairie. Parmi elles, Anado reconnu immédiatement une capsule de sauvetage, enfoncée dans le sol, son parachute la recouvrant en partie. Un incendie avait visiblement pris au sud de la clairière à cause des débris, la fumée qu'il avait distingué partant des derniers foyers de braises qui mourraient. Aucune trace du corps du vaisseau ou d'une partie de celui-ci... Tout ça n'étaient que des débris résiduels. Il les fouillerait tout de même.
Rangeant son arme dans son holster, il avançait jusqu'à la capsule de sauvetage, retirant le parachute. Voila qui l'aiderait à se faire un abri de fortune, mais aussi à rapiécer son treillis. Il le laissa de côté, s'approchant de la capsule en elle-même. Alors, que contiens-tu... Capsule, ma belle capsule, dis moi qu'as-tu dans le ventre ? Une arkanienne aigrie ou un fauteuil vide ? Il n'était pas sûr de vouloir connaître la réponse. Cela serait mentir de dire qu'il ne songeait pas au sort de Vel Aath et qu'il ne s'inquiétait pas ne serait-ce qu'un peu de sa survie, mais il savait que vivante, elle le dépècerait sur place pour les avoir fait crasher.

La vitre était recouverte de terre et d'impacts, il tenta de la nettoyer sans rien distinguer. Comment s'ouvrait cette merde ? Il actionnait les commandes en vain. Tout avait grillé. Quelques bips et gazouillis informatiques s'échappèrent de l'ordinateur avant qu'il ne rende l'âme.


« - Rien de plus fiable que la technologie, hein ? » grogna l'arkanien avant d'asséner un violent coup de pieds dans la commande. Un long « psssshhhht » s'en suivit, avant que la capsule ne se dépressurise. Interloqué, Anado se reprit rapidement. Les bonnes vieilles méthodes, il n'y avait que ça de vrai. Une fois la capsule dépressurisée et les joints débloqués, rien ne se passa. Agrippant l'ouverture de la porte, le pilote du user de toutes ses forces restantes pour la faire décoller. Le joint lâcha d'un coup sec, envoyant l'arkanien au sol, abasourdi par la douleur. La chute n'avait pas été terrible mais son état était tel que le moindre choc le faisait atrocement souffrir. Il se redressa doucement, une main sur son holster – on est jamais trop prudent – et s'avança vers la capsule. C'est une Alys en bien piteuse état qu'il découvrit logée dans la capsule. Elle semblait inconsciente, et il prit donc son pouls... Rien... Est-ce qu'elle était...


… Poum...

Vivante, il semblait bien. A quel point elle l'était, c'était une autre question. Anado n'avait rien d'un médecin. Que faire ? Il avait peur d’aggraver d'éventuels blessures qu'il ne pouvait voir en la sortant de la capsule. Mais peut-être que son inaction lui serait tout aussi fatale...

Il décida de faire le tour de clairière pour réfléchir, avant d'aviser. Il était stressé. Il n'aimait pas avoir une telle responsabilité. Que faire d'une épave de plus ? Il ne pouvait pas l'abandonner là. En fouillant dans les débris, il remarqua qu'ils n'étaient pas si abîmés que cela. Certaines pièces du vaisseau étaient encore présentes, parfois amochées ou même inutilisables, mais bien présentes.

Il découvrit aussi avec joie la cuve d'eau du vaisseau, qui servait à stocker l'eau utilisée pour les toilettes, la douche etc. Elle était bien sûre éventrée, toute la partie supérieure ayant été arrachée, mais en grimpant dedans il découvrit avec satisfaction que de l'eau de pluie y avait formée une petite plaque. Se ruant dedans, il se vautrait contre le sol métallique pour ne glaner ne serait-ce que quelques gorgées d'eau. Il sentit le précieux liquide couler le long de sa gorge desséchée et douloureuse avec satisfaction.

« - Oh, par tous les astres... »souffla-t-il.

Il retrouva quelques ustensiles au milieu des affaires éparpillées partout, éventrées, dont un couteau ébréché mais toujours utile ainsi qu'une gourde qu'il remplit dans ce qui lui servait maintenant de récupérateur d'eau. Il se dirigea alors vers la belle endormie. Il n'était pas médecin, mais il savait que tout être vivant avait un point commun : l'eau et sa nécessité. Ouvrant délicatement la bouche de l'arkanienne, il fit couler un mine filet d'eau dans sa gorge, priant pour qu'elle ne se noie pas. Cela aurait été la mort la plus ridicule qui soit. Et l'homicide involontaire le plus navrant.

Bon... Ici, il avait de quoi faire. Pas mal de matériaux, de choses à retourner, à fouiller... Un corps inerte à veiller. Et surtout : de l'eau ! En tant que chef élu à l'unanimité de son groupe de survivant, composé de lui-même et d'une femme dans le coma, il décidait que c'était un bon endroit pour installer le premier campement. Il mit des heures à bricoler un abri des plus rustiques. Se servant de la toile du parachute et des arbres cassés qui parsemaient la clairière, il parvint à la tendre histoire d'avoir un endroit sec et abrité. Il renforça le tout avec des lianes qu'il utilisait comme cordes et des feuilles tressées pour parfaire la toile. L'idéal serait désormais de faire un feu et trouver à manger. Mais mis à part les vers dégoutants du ruisseau, il n'avait rien vu à chasser... Il avait le pressentiment qu'il allait devoir bouffer de la limace. Pourvu que cela ait le goût de viande...

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En attendant d'avoir le courage d'aller pêcher ces horreurs, il utilisa la toile restante et son couteau pour fabriquer un hamac, avec l'aide de lianes. Puis, peu pressé par le temps, il en fit un deuxième. Anado avait toujours été plus manuel qu'intellectuel. La survie en milieu urbain n'était finalement pas très différente qu'ici... Il suffisait de savoir faire du mieux que l'on pouvait avec le peu dont on disposait. Oui, l'arkanien était un véritable roi de la débrouille... Non peu fier de lui, l'égocentrique pilote s'installa dans son hamac, dressé dans son abri entre les arbres qui lui servait de base, pour tester son confort. Il ne fallut que quelques secondes pour qu'il se retrouve le cul par terre, et que le silence soit brisé par un flot de jurons. Tout cela avait pris des heures... Au moins la cabane semblait tenir le coup. Il faudrait à l'avenir qu'il lui fasse des cloisons en coupant du bois. Encore fallait-il le matériel pour... Maintenant qu'il restait à rien faire, assis par terre dans ce qui restait de son hamac, il se rendit compte que la faim le tiraillait. Il se redressa, aigris. Il avait encore soif, terriblement soif, mais ne voulait pas trop puiser dans les maigres réserves d'eau qu'offrait son récupérateur de fortune. Il valait mieux attendre qu'il pleuve, songea-t-il... Avant de lever les yeux vers un ciel bleu et particulièrement ensoleillé.

« - J'emmerde la météo, j'emmerde ce monde de vauriens, Byss et la navigation spatiale ! »cracha-t-il avec véhémence, avant de déambuler au milieu des débris.

Quand on avait pas l'esprit occupé, les songes revenaient et nous rappelaient à toutes nos peurs et notre désespoir. La solitude, la peur de l'inconnu et le fait de ne rien maîtriser paniquait légèrement l'arkanien. C'était la première fois depuis bien longtemps. Pour s'occuper l'esprit, il retourna vers Alys voir si elle était toujours vivante, ou si elle avait passer l'arme à gauche. Il prit de nouveau son pouls... Faible, mais toujours présent. Bon.. Il fallait tenter le tout pour le tout.

SBAFF

L'épaisse main du mercenaire avant envoyée un claque sèche dans le visage de la jeune femme, qui avait à peine bougé. Aucun effet immédiat. Les bonnes vieilles méthodes ne marchaient pas toujours.

« - Vel Aath, réveille-toi bordel de merde ! » lui lança-t-il, l'invectivant en espérant que cela la réveillerait, comme si elle dormait simplement. « Eh ! C'est Darssian, l'enfoiré qui t'as mis dans cet état ! T'as pas envie de lui rendre la pareille ? Alors bouge-toi, merde ! »

Après quelques tentatives similaires, il abandonna la belle à l'épave dormante. La nuit tombait, il avait faim, soif, et mal partout. Ses mains tremblaient légèrement, il n'avait pas bu une goutte d'alcool depuis le crash. Ses yeux l'irritaient également, sans son traitement. Il devait trouver un lubrifiant alternatif, restait plus qu'à espérer que le jus de goyave avait des capacités thérapeutiques insoupçonnées car des putains de fruits étranges c'est tout ce qu'il y avait à des kilomètres à la ronde. Et il lui fallait une putain de cigarette ! Mais attendez une minute... Il glissa la main dans la poche qu'il avait au ceinturon, en extirpant un paquet de cigarette complètement écrasé. Il en tira une cigarette tordue et froissée, mais qui n'était pas déchirée. Il la mit entre ses lèvres, s'asseyant au sol en face de la capsule de sauvetage, contre une carlingue de métal. Instinctivement, il portait ses mains à sa bouche mais...

« - J'ai pas de putain de feu. »

Un cri de rage quasi inhumain s'élevait alors dans la clairière, faisant fuir les rares oiseaux peuplant les cimes impressionnantes avoisinantes.


Tout cela ne pouvait être qu'un cauchemar... un sale cauchemar... Ou alors était-ce cela l'enfer ? Vivre un cauchemar perpétuel, où il ne pourrait mourir et seulement endurer maintes souffrances éternellement ? C'était peut-être pour cela qu'il avait survécu, lui et lui seul... cette vie de pourriture, à manger à tous les râteliers, à cracher sur son prochain, les dieux et les religions, les femmes et les enfants... C'était donc ça le retour de bâton ?

Bordel, mais qu'est-ce qui lui prenait... Il ne devait pas perdre les pédales. Darssian devait se ressaisir. Il se mit une mandale à lui-même, pour se remettre les idées en place, comme si cela avait un quelconque effet. Etrangement, il eut l'impression que oui, outre la douleur affreuse qui lui stria la tête, il cru que ses idées étaient un peu moins bancales.

Il allait peut-être pas survivre mais il allait tout faire pour. Quitte à crever autant retarder au plus tard le moment fatidique... Cela faisait une décennie que ce genre de situations lui pendait au cul. Une décennie qu'il frôlait la mort comme la vie. C'était pas ce trou perdu qui allait avoir raison de lui.
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Je me réveillais aiguillonnée par une douleur insupportable. J’avais survécu mais dans quelle condition ! Les capsules de survie étaient prévues pour assurer la protection de leurs occupants mais au minimum il fallait qu’ils soient sanglés alors que je m’étais contentée de chuter dans l’habitacle et de m’y évanouir. Je savais m’être éjectée dans des conditions déplorables. L’impact avait du être terrible et seul un miracle m’avait conservée en vie alors que j’étais projetée à répétitions contre les parois métalliques à peine rembourrées. Pas un seul endroit de mon corps qui ne me fasse souffrir. La moindre inspiration s’accompagnait de douleurs ce qui laissait présager des côtes cassées. Je savais déjà mon avant-bras droit brisé en deux endroits et ma jambe gauche pareillement, j’avais tout le corps couvert de contusions et du sang coulait de mon visage. Même ainsi, j’étais peut-être condamnée. Il suffisait qu’un os vienne râper contre une artère et la tranche pour que je meurs d’une hémorragie interne. J’étais la tête à l’envers aussi me retournais-je tant bien que mal jusqu’à ce que mes pieds se retrouve en contact avec le sol. Le moindre geste était une souffrance. Mes membres brisés pendant lamentablement, subissant la gravité sans pouvoir d’y opposer. Je basculais mon poids vers mes jambes. La douleur était intolérable.

Je devais agir vite avant de sombrer à nouveau dans l’inconscience. A tâtons, de la main gauche, je cherchais le coffret sécurisé contenant le matériel de premiers secours et l’ouvris. Tout tomba en vrac sur ma tête, une boite métallique venant me faire une bosse supplémentaire mais au point où j’en étais, cela ne changeait pas grand-chose. Heureusement, les cours de cybernétique que j’avais reçue sur Arkania s’étaient accompagnés d’une formation médicale de base et je savais utiliser ce que contenait la trousse. Le plus important était de rigidifier les membres brisés. Je sortis du sachet qui la contenait une attelle gonflable et la posais sur mes cuisses. Je devais réaligner les os pour éviter de me déchiqueter les chaires aussi bloquais-je mon poignet entre mes genoux avant de tirer aussi doucement que possible en arrière. Je m’évanouis sous la douleur alors que mes os se remettaient en place.

Je finis par ouvrir les yeux. Avais-je réussi ? Je n’avais aucun moyen de le savoir mais je devais continuer. Après beaucoup d’efforts infructueux, je positionnais l’attelle et à la gonflais. Des aiguilles me transpercèrent le bras et je suffoquais sous le supplice alors que la membrane se rigidifais mais j’avais réussi à consolider mon bras. Il fallait que je fasse de même avec ma jambe mais c’était au-delà de mes forces. La douleur était en train de me rendre folle et les nausées se succédaient, aggravées de fièvres naissantes. J’étais en nage et glacée à la fois et j’allais faire une crise cybernétique de plus dans peu de temps, provoquée par ce maudit ordinateur. J’en ressentais déjà les premiers symptômes, les stries dans mon champ de vision, les tremblements. Je n’arrivais même plus à faire la différence ce qui provenait de l’état de choc et ma physiologie normale. Je souffrais trop. Il fallait que ça cesse. Je pris une capsule anesthésiante et me l’injectais avant de sombrer dans un sommeil agité ou un Anado revenu d’entre les morts venait me chercher pour me frapper sans vergogne et que je subissais, incapable même de me défendre.

Je me réveillais quelques heures plus tard aiguillée par la douleur. J’avais mal aux joues. Un symptôme de fièvres ou une crispation musculaire ? Mon état ne s’était pas détérioré mais il ne s’était pas amélioré non plus. Il ne pouvait pas s’améliorer. A moins d’être hospitalisée, mes blessures étaient trop graves pour se remettre correctement d’elle-même.

Mes yeux se posèrent sur une forêt verdoyante, une jungle dense et dangereuse. Peut-être était-ce la frondaison des arbres qui avait ralenti ma chute lorsque les parachutes s’étaient avérés insuffisant pour l’atterrissage ? Mais ce qui m’avait sauvée allait me tuer. Je n’avais aucun moyen de survivre seule ici et d’autant plus dans cet état. J’étais condamnée. Un bref instant je m’interrogeais. Je n’avais pas déverrouillé la porte de la capsule alors comment avait-elle pu s’ouvrir ? Peut-être une sécurité pour éviter de piéger ses occupants ?

Je cherchais de quoi bloquer ma jambe, sans succès. Il m’aurait fallu au moins de longues barres de fer ou de bois mais j’étais trop faible pour trouver le couteau qui devait être dans les affaires de survie de la cabine, ramper au sol, couper les branches d’un arbre, revenir et ligoter ma jambe. J’étais une technicienne ! Pas une survivante. Je me mis à pleurer de désespoir. La nuit allait tomber, je ne voulais pas mourir ici.

Tout autour, les bruits de la jungle me terrifiaient. Je ne m’étais jamais retrouvée aussi isolée, aussi désemparée. Je ne connaissais rien de cette planète, de ma localisation, de la faune ou de la flore locale. Si je voyageais partout dans la galaxie, je ne prenais jamais de risque inconsidéré, je planifiais toutes mes sorties. Là, c’était une catastrophe et l’impuissance mêlée à l’absence de tout repère, de toute préparation était une terreur que je ne réussissais pas à affronter. Le moindre bruit me faisait sursauter, le moindre moucheron m’apparaissait porteur de maladies mortelles. Au quotidien, la logique m’évitait de paniquer car je savais toujours quoi faire. Ici, j’étais privée de ma plus grande force et cela me tétanisait. Je savais que je n’aurais même pas la force de refermer le sas pour m’isoler. J’étais condamnée à attendre ici que la mort vienne me chercher sous la forme d’un prédateur qui me dévorerait, de fièvres ou juste d’épuisement. Je fondis à nouveau en sanglots, n’osant même pas les pousser de peur de me faire entendre.

La nuit passa tout de même. Trop longue du fait de la peur et trop courte pour l’épuisement qui me gagnait un peu plus à chaque instant. Je n’étais pas capable de me nourrir en chassant ou en cueillant et les quelques barres nutritives de la capsules seraient insuffisantes pour me maintenir en vie plus que quelques jours. J’étais condamnée.

Un bruit de craquement attira soudainement mon attention. Un animal sauvage? Est-ce que j’allais mourir maintenant ? Je plaquais ma main sur ma bouche afin de ne pas crier. Avais-je rêvé ? Etait-ce la réalité ? Mais non, les bruits se répétaient. Quelque chose là haut était en train de se déplacer. Quelque chose de gros et lourd. Massif. Les bruits se précisaient. On aurait dit…des bruits de pas. Et soudain, un son caractéristique Pssssssssss suivi par un autre non moins reconnaissable de certaines parties anatomiques secouées et d’un soupire de satisfaction masculin.

Quelque soit cette chose, cela semblait être humanoïde ! J’allais peut être me faire dévorer par des cannibales mais c’était ma meilleure chance de rester en vie. Peut-être qu’ils m’avaient vue tomber du ciel et qu’ils étaient venus voir ce qu’il y avait à récupérer dans la carcasse.

« Il y a quelqu’un ? S’il vous plait ? Vous m’entendez ? Je suis coincée ici », dis-je faiblement.
« Aidez-moi ! » Je cognais la boite métallique qui m’avait ouvert le crane contre l’habitacle.

« S’il vous plait, je suis ici ! J’ai la jambe brisée, je ne peux pas me déplacer. »
La chose là bas semblait avoir entendue et, angoissée, j’attendis de découvrir mon sauveur qui débarqua avec son éternel sourire aux lèvres.

« Anado.. » dis-je dans un souffle. « A…nado », répétais-je incrédule. Il avait l’air … en pleine forme et satisfait de lui-même. Comme s’il était, je ne sais pas moi, un sauveur débarqué sur son cheval blanc. J’étais abasourdie. Il avait survécu et maintenant il venait me narguer. J’aurais voulu exploser, lui courir après, l’insulter, lui hurler ma colère au visage mais j’étais beaucoup trop épuisée pour le faire. La douleur revenait et avec elle le peu d’énergie qu’il me restait s’évanouissait. Mais le voir si content de lui … non, je ne le laisserais pas s’en tirer à si bon compte.

Je le laissais s’approcher un peu et me laissais aller en arrière contre la paroi, les yeux fermés. Je ne voulais pas voir. Je n’avais plus la force pour la colère mais malgré la souffrance et même si cela devait être mes dernières paroles, il entendrait ce que j’avais à dire.

Je m’exprimais doucement dans la langue de nos pères, en Arkanien, avec lassitude, un peu amère et les yeux toujours clos.

“Assassins” murmurais-je distinctement. “Tu t’es débarrassée de moi. Balancée dans l’espace comme un paquet d’ordures. Moi… une arkanienne … ta soeur … tu as osé.
...
Même moi je n’aurais pas fait ça.
...
Traître à ton peuple.
...
Traître à ta race.
...
Tu n’es vraiment plus rien, Anado. Le fils de personne. Le fils de la bouteille.
...
Et moi j’ai été assez sotte pour te faire confiance, pour croire que tu pouvais être différent de ce que je voyais. Je suppose que je mérite ma situation.

Ma seule consolation c’est que toi aussi tu vas mourir. Et oui, il n’y a pas une seule espèce évoluée dans ce coin de la galaxie et encore moins capable de construire un vaisseau ! La seule qui aurait pu le faire c’est moi et je vais mourir. J’ai les os en miettes, incapable de me déplacer ou de me nourrir. Le bras brisé, les côtes aussi, la jambe cassée... Il ne reste que toi. Un alcoolique. Et tu sais le plus drôle ? C’est que tôt ou tard tu vas devoir te priver d’alcool. Oh je ne serai peut-être plus là pour le voir mais toi oui, tu passeras par là c’est sûr. Quand tu auras finis tes dernières gouttes tu vas réaliser que le manque commence à s’installer. Il te faudra quelques jours avant que cela ne commence. Une semaine, peut être moins, peut être plus et tu vas te mettre à trembler. Et cela ira de mal en pire. Tu sera confus au début, la fièvre va monter et tu auras des hallucinations tout éveillé. Tu ne sauras plus faire la distinction entre la réalité et ce qui sort de ta tête. Ton coeur va s’emballer, tu auras l’impression de mourir milles fois et tu voudras te foutre en l’air ne serait-ce que pour faire cesser les cauchemars qui dévoreront tes nuits. Et ca durera, durera… Tu seras incapable de chasser, de te nourrir… tu vas t’accrocher pour espérer survivre et puis tu te rappelleras mes paroles. Même si tu survis, tu vivras seul ici, sans personne. Et là tu comprendras que même si tu passes l’alcool, même si la jungle ne te dévore pas dans tes délires, tu es condamné au néant dans le trou du cul de la galaxie. Et même si je dois mourir ici, au moins j’aurais la satisfaction de te l’avoir dit.

Assassin.”

Je rouvris les yeux pour le regarder. Même s’il me surplombait de toute sa taille, je le dévisageais.

“Et toi, comme un idiot, tu as cru que je me moquais. Que je te rabaissais. Tu n’as jamais compris que j’essayais de te faire réagir, de tirer de toi un sursaut d’orgueil. De faire revenir le grand Anado ! Celui dont j’avais besoin ! J’étais la méchante fille qui parle trop, celle qui doit fermer sa grande gueule. Et la bouteille a encore gagné. Tu as baissé les bras. Par lâcheté. Encore. Comme d’habitude. Tu t’es trouvé des raisons, tu t’es justifié, tu as trouvé que j’exagérais et que tu avais bien fait. A aucun moment tu ne t’es remis en question en te disant que tu allais nous tuer. Tu t’es juste dit Pas moi, cela ne peut pas m’arriver à moi. Et voilà. J’avais raison, tu avais tort. Comme toujours.

Tu as joué le grand mâle avec toute sa testostérone. Tu pissais dans tes bocaux sans doute pour te donner le sentiment que tu étais un dur, que rien ne t’arrêtai. Seul au monde face à l’adversité. Ou peut être juste parce que tu es un gros dégueulasse, je n’en sais rien. Tu ne t’es même pas dit que nous pourrions juste faire des pauses pour que tu dormes ou me demander de l’aide. Non, Mônsieur Darnassien ne fait pas de pause. Mônsieur est une légende. sauf que Mônsieur a fini dans le mur. Une seconde fois. Et moi avec, qui n’avait rien demandé. Et si la première tu n’y étais pour rien, celle ci … tu en es totalement responsable. Tu as gâché ma vie comme tu avais déjà gâché la tienne. J’aurais sûrement pu trouver une solution tu vois… mais dans mon état … on va juste crever tous les deux. La seule question c’est qui en premier et combien de temps avant que l’autre ne se foute en l’air de désespoir. Pas mal hein. Voilà ta bouteille. Cadeau. C’est ce qu’elle a fait de ta vie…. un minable... un assassin ... un fantôme qui habite son propre corps sans même plus oser se regarder dans un miroir je suis sur. Ou qui essaye, mais sans parvenir à reconnaître ce qui s’y trouve. Oh oui, il y a encore de la magie dans ces doigts, dans cet homme et c’est ce qui te fait encore rêver hein… mais tout est dévoré par l’alcool et la honte. Un junkie en manque. Un poivrot.

Regarde-moi bien Anado. REGARDE MOI BIEN, ESPÈCE DE LÂCHE !

Moi je sais qui tu es ! Et-tu-m’as-tuée.

Maintenant, si tu veux me faire taire, tu n’as qu’à le faire. J’ai trop mal de toute façon.“


Je refermais les yeux, à bout de force. Advienne que pourra.
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L'obscurité tombait rapidement sur ce monde. En moins d'une heure, on n'y voyait quasiment plus rien, si bien qu'Anado fut contraint de se retrancher sous son abri de fortune. Sa tentative de se fabriquer un hamac s'étant soldée par un échec cuisant, il s'enroula dans les deux bâches qui avaient servis de matériau à celle-ci et dormit à même le sol après avoir quitté son armure. Il faisait frais, c'était supportable mais il fallait veiller à ne pas tomber malade. Vu son état actuel, il se doutait bien que son système immunitaire n'était pas au top de sa forme. Il lui faudrait bientôt penser à faire un feu.

Le sommeil peinait à le gagner. Dormir ainsi était inconfortable, et la fine couche de sable rouge qui semblait recouvrir toute la planète venait fouetter son visage au moindre coup de vent. Quant à son esprit, il n'avait jamais été aussi occupé. La réalité de la situation le frappait de pleins fouet. La solitude d'abord. Il n'avait jamais été très sociable, mais de là à se retrouver seul sur une planète déserte... C'était quelque chose de peu accommodant. Il aimait être seul. Mais dans cette galaxie grouillante de vie, qui ne dormait jamais, l'on était seul qu'au milieu des autres. Il découvrait le sens réel de la solitude, et cette sensation d'être au milieu d'un gouffre ne demandant qu'à vous avaler. Il eut un frisson et resserra sa couette de fortune autour de lui. Alys n'allait sûrement pas survivre éternellement. Au moins mourrait-elle dans son coma, sans souffrir.

Son corps aussi le faisait souffrir. S'il s'en était bien tiré par rapport à l'arkanienne, les hématomes étaient légion sur son corps, et ses côtes étaient d'une sensibilité terrible, si bien que dormir sur un flanc était impensable. Il craignait qu'une côte brisée ou fêlée ne perfore son poumon ou un organe, aussi n'osait-il pas ne serait-ce que tâter ses os. Il spéculait, bien entendu, et n'avait aucune connaissance précise en médecine, mais n'ayant d'autres sources que lui-même... Il allait devoir se faire confiance. Quelque chose qu'il avait fait aveuglément depuis toujours, et qui l'avait mené aux plus hauts sommets de la gl... Non. Il se redressait soudainement. La gloire n'avait été qu'un éclair éphémère dans le ciel sombre de son existence. Un papillon vivant le temps d'un battement d’aile dans un champ d'orties. Repoussant la bâche, il revêtit son armure et prit son arme de poing. Le sommeil ne viendrait pas. Il ne connaissait que trop bien ces nuits de songe, où l'angoisse et le manque venaient harceler son esprit. Il resterait éveillé jusqu'à l'aube, quoi qu'il fasse... Alors autant se dégourdir.

Les deux lunes de ce monde éclairaient plutôt bien la nuit froide, et il ne fallut que quelques secondes aux implants de Darssian pour s'habituer à l'obscurité. Il prit tout ce qui lui restait et partit vadrouiller dans la jungle alentour : son orgueil ébréché et quelques cartouches.

Au Nord de la clairirère, il fut surpris de constater que la jungle se défrichait légèrement. Des morceaux du Heaven avait formé des cratères et couché des arbres sur de grandes surfaces. Pourtant, toujours pas de trace de l'épave principale. Et si elle avait été totalement désintégrée lors du crash ? Le peu de débris et leur taille relativement modeste faisait penser à Anado qu'un gros morceau du vaisseau devait avoir tenu le choc, ne se disloquant qu'en partie. Cependant, au sol, impossible de le trouver. Encore moins de nuit. Il lui fallait prendre de la hauteur.

A quelques centaines de mètres de la clairière, il atteint alors un rocher qui s'élançait vers le ciel. Outre sa courbe presque phallique, l'endroit avait quelque chose de romantique. De beau. Et cela faisait des années que l'amertume du mercenaire ne lui avait pas permis d'apprécier la beauté d'un lieu. Alors s'il fallait qu'il s'émerveille d'un foutu rocher en forme de bite, il le ferait.

Il parvint à dompter la bête en la contournant. Par derrière, il était moins abrupte. L'arkanien se hissa sur le rocher, non sans grimacer. Il se sentait extrêmement vieux. Il n'avait plus vingt ans et ne se remettait plus aussi vite de ses blessures, certes. Il venait de vivre un crash spatial particulièrement violent, certes. Mais il avait l'impression de se traîner le cul comme un enfoiré d'octogénaire. Il fut presque soulagé en se laissant choir en haut du rocher, dominant de quelques mètres la forêt avoisinante. Elle dormait paisiblement, bercée par le cri du vent et la douce lumière de deux lunes rousses. Anado prit une grande inspiration avant de se laisser tomber sur le dos – poussant un juron à cause des douleurs omniprésentes – faisant face aux astres et au vide spatial. Levant une main impuissante vers le ciel étoilé, il serra ses doigts doucement, comme pour empoigner ce drap illuminé qui le dominait. Sans qu'il ne sache pourquoi, il sentit une larme couler le long de sa joue. Il l'essuya maladroitement avant de renifler bruyamment. Il n'y avait que ça au-dessus des hommes, il en était persuadé. Ce foutu vide, ce néant sans fin. Le gouffre spatial, celui dans lequel on tombait consciemment. L'univers. Il avait pris bien des pilotes, des pionniers et des âmes errantes. Il en avait fait rêver plus d'un. Anado le premier. Lui aussi, faisait partie de ces prisonniers de l'amer, des amoureux du vertige qui s'étaient fait prendre à leur propre jeu. L'univers l'avait pris, avait fait de lui une âme errante de plus. Si tenté qu'il n'ait pas erré avant même ce jour.

Il se redressait, crachant un mollard à la face de cette foutue jungle.


« - L'univers n'a pas encore accouché du foutu monde de merde qui aura raison de moi. »

La fibre émotive de l'arkanien s'était éteinte brutalement. Il ne pouvait se laisser aller au désespoir. Il n'y avait personne à impressionner ici, certes, mais il n'y avait aussi aucune bouteille pour lui servir de béquille et le maintenir debout. Aucun alcool ni médicament pour chasser ses vieux démons. Aucune pute pour lui faire oublier sa solitude. Il ne pouvait se laisser sombrer. Pas une nouvelle fois, et pas ici. Certainement pas ici. S'il devait crever, ce serait le cul vissé dans le cockpit de son chasseur, après avoir flirté avec le vide et la mort. Pas les pieds sur une terre déserte qui n'avait rien d'autre à lui offrir qu'une misérable introspection.

Il se laissa choir de nouveau en arrière. Et c'est résolu qu'il s'endormit.

La nuit fut courte, froide et peu reposante. Il se sentit cassé en se réveillant. Le jour était à peine levé, une fraîche rosée avait humidifié son visage. Des oiseaux virevoltaient. Il les observait d'un œil cynique, se demandait si ils avaient assez de viande sous leurs plumes pour le satisfaire. Son ventre était terriblement creux. Il allait lui falloir chasser. Le ciel était nuageux et annonçait de probables chutes d'eau, ce qui arrangeait fortement Anado, toujours assoiffé.

Il regagna la clairière tranquillement. Rien n'avait bougé. Il s'arrêta pour uriner au milieu des débris, non loin de la capsule de sauvetage. Son occupante était-elle encore vivante ? C'est ce qu'il allait vérifier quand il aurait finis de secouer sa tuyauterie dans tous les sens, vérifiant qu'il n'y avait plus une goutte à l'intérieur. Une fois rhabillé, il s'apprêtait à aller vers le récupérateur d'eau de fortune, histoire de s'hydrater un minimum, mais un bruit étranger l'interrompit. Il tendit l'oreille, pour entendre une voix faible appeler à l'aide. Cette voix fluette...

Il fit volte-face, se dirigeant vers la navette de secours, se penchant au-dessus de celle dont il estimait l'espérance de vie à quelques heures, la veille encore. Il sourit presque en voyant ses yeux se poser sur lui. Pas par arrogance, pour la première fois de sa vie, en réalité il était heureux. Heureux de savoir qu'il n'était plus seul. C'était un réflexe humain, stupide sans doute. Mais il ne tarda pas à perdre cette expression légère, car l'éclair allait frapper, et l'orage ne venait pas du ciel.

D'abord, elle ne prononça que son nom. L'arkanien ne répondit pas, observant son acolyte mal en point. Il n'avait que peu de certitudes quant à son espérance de vie. Ils ne seraient deux vivants que peu de temps, d'après lui. A moins qu'il ne parvienne à retrouver la carcasse du Heaven et que ses réserves de bacta soient encore utilisables.

Mais elle n'était pas si mal en point qu'elle en avait l'air. Elle avait encore assez de force pour cracher son venin. Et cela, elle ne tardait pas à le faire savoir. Elle commençait comme d'habitude par des insultes bien senties pour ensuite rentrer dans un procédé plus vicieux, s'attaquant de manière particulièrement visée à son interlocuteur, ses tords et travers, le peu de son passé qu'elle connaissait était exploité et ravagé en large et en travers, tout comme le peu d'estime qu'elle avait de lui. A bord du Heaven, Anado lui aurait surement coller une droite bien sentie pour la faire taire, mais étrangement, la situation le rendait bien plus philosophe. Bien sûr, il sentait naître en lui un sentiment de mépris et de frustration violente mais pas assez fort pour éclater à la tête de l'arkanienne. Non... Il la laissa s'étaler dans sa haine primaire. Il serait plus intelligent qu'elle, pour une fois. Et puis, il ne pouvait enlever la légitimité de cette colère. Il avait merdé. Inutile de répondre et d'alimenter une dispute stérile : elle était mourante et morte de peur. Lui blessé et éreinté. Il était pour la première fois de sa vie conscient de l'inutilité d'un conflit.

Comme toujours, l'orage passait. Surement fatiguée de cette explosion de haine, elle se tut finalement non sans avoir finis dans un dernier éclat d'hystérie. Anado poussait un long soupir comme seul réponse, posant un regard entre mépris et pitié sur le visage de l'arkanienne. Sa main détachait son holster pour en extirper son pistolet blaster.


« - C'est bon ? » dit-il doucement.

Il levait lentement le canon de son arme vers elle, tout en la dévisageant d'une mine grave, jusqu'à poser le tube du canon sur le front de la jeune femme.

« - Je peux mettre fin à tout cela. Tu n'as qu'à dire un mot, et je t'épargnerai une souffrance inutile. »

Il continuait de la fixer avec gravité. Alors, voulait-elle partir avec dignité ou comme une larve geignant dans sa coquille d'acier ?

« - Je ne peux pas effacer ce qu'il s'est passé. Je pourrai te dire que oui, Alys Vel Aath, je t'ai condamné. Je me suis condamné. C'était écrit d'avance. Je pourrai aussi te dire que tu m'as poussé à la faute, inlassablement. Je pourrai te faire taire. Je pourrai faire tout cela car je suis le seul encore debout. Mais c'est inutile. Nous sommes là. Tu penses que nous allons crever, soit. Je ne donne pas cher de ta peau, en effet. »

Il déglutit lentement, posant son doigt sur la détente et fronçant les sourcils, ancrant le regard de ses yeux artificiels dans celui de la techie. Il n'avait jamais été aussi froid et sûr de lui.

« - Alors, qu'est-ce que veux ? Je peux t'achever maintenant et te laisser partir. Ou alors tu peux t'accrocher et m'écouter, si tu as une once d'espoir et de jugeote. Nous avons un peu d'eau. Je vais chasser. Quant à ton état... Je ne suis pas médecin et tu vas crever si rien ne se passe. Mais dans l'épave du Heaven, il y a du bacta. Si je la retrouve, tes chances de survie augmentent de manière délirante, pas vrai ? Qui plus est, on peut espérer retrouver des vivres et des choses utiles. Mais pour tout cela il faut que tu acceptes de souffrir, de te taire, et de me faire confiance. Et entièrement. Pas comme les fois précédentes. Je suis pas un type fiable. Mais ironiquement, après tout ça, je suis le seul qui peut nous faire survivre pour le moment. Alors si tu es plus qu'une pétasse pleurnicheuse et hystérique, Alys Vel Aath, tu vas vivre. Sinon, je peux mettre fin à ce calvaire. Alors ? »

Il était prêt à la descendre s'il le fallait. Au moins, cela ferait une victime innocente consentante parmi toutes celles qu'il avait laissé derrière lui. Il aurait le silence, et elle la délivrance.
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En réalité, j’étais terrifiée. Par la jungle, mon état, l’impuissance à laquelle j’étais réduite mais aussi et surtout par l’appréhension de la douleur qui allait revenir et du dérèglement de mon ordinateur neural qui allait s’ensuivre. Soumise à une douleur continue je risquais de m’enfoncer dans une crise hallucinatoire qui pourrait durer des semaines, jusqu’à ce que je meure d’épuisement et cela, je n’avais pas le courage de l’affronter. Aussi m’en prendre à Anado avait été un exutoire. Cela m’avait fait du bien. Lorsque j’avais fermé les yeux je m’étais attendue à mourir. Il était sanguin et je comptais dessus pour ne pas avoir à affronter la réalité de ma situation. Poussé à bout il allait bien trouver le courage de m’exécuter, non ? Je ne fondais aucun espoir sur Anado mais au moins cela, être un primate violent, il devait pouvoir le faire. J’espérais juste qu’il ne me battrait pas à mort et qu’il mettrait fin à mes jours rapidement. L’entendre se rapprocher avait été un soulagement secret : bientôt tout serait terminé. Mais comme d’habitude, il déçu mes attentes. Au lieu de simplement tirer il posa son arme sur mon front et me donna le choix : prendre mon courage à deux mains et vivre ou renoncer et lui demander de m’abattre. Et cela, lui demander froidement de tirer, était au delà de mes forces … je n’en étais pas capable. Je me mis à sangloter, sans oser le regarder.

“Tu ne comprends pas. Moi aussi j’ai des problèmes de santé. Toi tu as l’alcool moi j’ai …” d’un geste de ma seule main valide j’englobais mon corps “... un corps pourri. Je suis incapable de résister à la douleur. Si je ne prends pas d’anesthésiant je vais souffrir et délirer mais si j’en prends je vais me mettre à délirer par intoxication médicamenteuse. C’est pareil.”

Je m’effondrais en larmes pour de bon.

“Je ne veux pas mourir. Mais je ne peux pas faire face à ça.”

Mais Anado n’était pas du genre à renoncer. Pas lui.

"Tout ça... Ce ne sont que des obstacles futiles. Nous allons mourir si nous ne faisons rien, Alys. Tu vas mourir. Imprègne-toi bien cette idée dans la tête. Ca pue déjà la mort, partout autour de nous."

Je sentis le contact froid du métal glisser sur ma peau et disparaître.

"Je suis déjà mort une fois. Il se pourrait que cette fois soit la bonne, si je n'agis pas. On est pas des héros, surtout pas moi. Mais je m'accroche trop à la vie pour lâcher maintenant. Survivre à ce crash, c'est déjà un miracle. Si tu y as réchappé, ne me fais pas croire que tu ne peux pas vivre encore un peu plus longtemps. Je vais me battre pour m'en sortir, parce que c'est la seule chose que je sais faire. Sois tu te bats à mes côtés, sois tu abandonnes. Je vais aller chercher de quoi améliorer ton état. Et tu vas vivre. Mais pour cela, il faut que tu le veuilles."

Je le sentis se pencher sur moi et par réflexe je le regardais. Il me dominait de toute sa taille, je me sentais petite, misérable, à bout de force déjà. Comment allais-je pouvoir faire face ?

"Je sais que tu peux le faire. Tu n'as rien de géniale. Mais tu es arkanienne. Et je sais quel brasier flambe au fond de notre coeur. C'est la seule chose qui fait de moi un minable plus valeureux que les autres."

Dans l’abrutissement dans lequel j’étais plongée ces paroles chutèrent jusqu’à toucher quelque chose au plus profond de moi et rebondirent dans un semblant de sursaut d'orgueil. D’une voix lasse et atone, je lui répondis en le regardant dans les yeux, écrasée par sa position dressée alors que je rampais au sol.

“Je SUIS géniale. Mon QI ferait ressembler le tien à celui d’un Gungan.”

Ce n’était pas grand chose, une bravache, une once de fierté mais c’est tout ce que j’avais. Tout ce que j’avais toujours eu … de l’intelligence et rien d’autre. Des problèmes à la pelle, une famille que je ne pouvais plus voir, un corps maladif mais un esprit brillant. Mais dans cette situation, j’étais au plus bas. Aucun équipement, aucun renseignement sur mon environnement, rien. Juste Anado. Pouvais-je le considérer comme mieux qu’un chien bien dressé ? Je m’effondrais à nouveau en larmes, masquant mes yeux de ma seule main valide. Une crise totale, sans rien à attendre d’autre que sa fin. Que les nerfs craquent et qu’il soit impossible d’aller plus loin.

Finalement, après un long moment, il n’y eu plus de larmes. Juste un abrutissement causé par la fatigue. J’ignorais de quoi serait fait la prochaine heure, sans même parler de demain mais j’étais sûre que je ne voulais pas mourir seule et que si j’avais la moindre chance de salut, elle passait par Anado.

D’une voix rauque et étranglée, je dis à l’arkanien “Je veux vivre…mais je ne crois pas en avoir la force, Anado. J’ai le bras brisé, la jambe aussi… surement les côtes aussi. Je ne peux pas me lever seule et rien que me déplacer pourrait me tuer.”

Il n’y connaissait probablement rien en anatomie. Même si c’était difficile, je devais lui expliquer. Je dessinais dans les airs sommairement dans les airs.

“ A côté des os il y a des artères tu vois. Sauf que les os sont cassés. Si jamais la pointe de l’os touche l’artère, c’est hémorragie. J’ai immobilisé mon bras mais tu dois immobiliser ma jambe aussi. Deux bâtons, le long du tibias, c’est l’os du bas de la jambe tu vois, ici, ensuite il faut immobiliser avec des sangles.”

J’étais carrément insultante mais pour une fois sans la moindre arrière pensée, simplement trop épuisée pour réaliser ce que je disais.

“ Ensuite, il faudra me tirer de là … m’allonger sur un truc dur et me tirer dehors. Ou me porter … Je suis désolée mais je suis juste … cassée.”

Je retins de justesse une nouvelle crise de larmes.

“Peut-être que si tu me portes comme un sac à dos cela ira. Je vais être totalement inutile tu sais. Pire, je vais te ralentir. Mais je te promets que si tu peux me soigner et qu’un moyen existe pour quitter cette planète, je le trouverai.”

Avec lassitude, j’ajoutais.

“Je ne plaisantais pas quand je disais que j’étais géniale tu sais. Je peux vraiment faire des miracles si on me laisse la possibilité de réfléchir.”

Je baissais la tête et me massais la tempe. Pourquoi me croirait-il ? Quelle raison avait-il de le faire ? J’étais une demoiselle en détresse, l’instinct primal le pousserait certainement à me protéger si tant est que j’ai un caractère un peu potable ...ce qui était loin d’être le cas.

Je le regardais à nouveau.

“Si tu ne dois croire qu’une chose de moi Anado c’est que JE SUIS géniale. Sauve moi ... et je te sauverai.”
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