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    Lentement, Anado retirait son arme du visage de l'arkanienne. Il se tut, et l'écoutait parler. Son ultimatum avait eu son petit effet. Darssian aurait été profondément déçu si Vel Aath avait fait un autre choix que celui de vivre, malgré ses désespoir et son état de santé plus qu'inquiétant. Finalement, il s'en sortait vraiment bien. Les meilleurs partent en premier, pas vrai ? Alors l'arkanien n'était pas prêt de mourir. Il avait, bien sûr, un sentiment de culpabilité en regardant la jeune arkanienne ainsi misérable, certainement vouée à la mort s'il ne faisait rien. Tout était de sa faute. Il ne pouvait le nier, pas à lui-même en tout cas. Oui, elle l'avait poussé à bout sur le voyage aller jusqu'à Byss. Mais à partir du moment où Drayon avait disparu et qu'ils avaient quitté cette planète, elle avait fait de remarquables efforts pour être de bonne compagnie. Anado, quant à lui s'était laissé sombré dans une amertume profonde et avait ouvert la porte à ses vieux démons. Seul dans son cockpit, il avait piloté dix heures sans autre distraction que descendre des bouteilles de gnôle.

    Il n'en demeurait pas moins un sacré pilote. Dans d'autres circonstances, il s'en serait largement vanté. À l'aller, tout avait été parfait. L'expertise technologique d'Alys et ses talents de pilote leur avaient permis de mener un voyage sans encombre. Un exploit. À dire vrai, si l'on oublie les accrochages et les problèmes relationnels entre les deux arkaniens, ils faisaient une bonne équipe. Anado avait effectué dix heures de vol saoul sur le retour, en maîtrisant parfaitement les trajectoires, en ne perdant aucunement sa lucidité. Saoul était un grand mot cependant, des années d'alcoolisme l'avait transformé en véritable buvard capable d'ingorgiter des quantités astronomiques de boisson. Ce qui l'avait mené à l'erreur était la combinaison de l'alcool et de la fatigue. Finalement, la seule partie de l'expédition où Alys lui avait laissé une totale confiance, il avait échoué, lui donnant raison. Il avait une dette envers elle, il le savait. Elle était vivante et il devait tout faire pour qu'elle le reste.

    La mission allait s'avérer cependant délicate, comme lui annonçait l'arkanienne : son corps était pourri. Il n'y avait donc pas que son caractère. Darssian lui lançait quelques clichés sur les arkaniens pour la remotiver, et surtout, ne manquait pas de la descendre. Elle n'était pas géniale. Pour une arkanienne, bien sûr. Du reste, elle était certainement supérieure à tout les techies non arkaniens de la galaxie. Tout comme Anado ne saurait reconnaître un meilleur pilote que lui s'il n'était arkanien.
    La pique eut son effet, et l'orgueil naturel d'Alys reprit le dessus. Darssian ne contint pas un léger sourire. Finalement, ils n'étaient pas si différents. Elle avait ses failles. En plus d'être une idiote arrogante, bien sur.


    « - C'est pourtant à mon QI de Gungan qu'il va falloir te raccrocher, ma belle. »

    La suite des événements était encore plus plaisant. L'arkanien avait du mal à ne pas jubiler. Elle lui demandait littéralement de lui sauver la vie. L'extase de Darssian était malsaine, il le savait : il était responsable de cette situation. Pourtant, il avait la sensation d'avoir gagné, ce duel d'ego qu'ils avaient entamés dès leur rencontre, dès les premiers échanges à bord du Heaven. À quoi est-ce que vous vous attendiez, entre deux arkaniens ? Ils étaient de la pire espèce, et une des plus brillantes à la fois. Anado tenait certainement plus du pire, bien que Vel Aath ne le sous-estime continuellement.

    Suivant les instructions particulièrement condescendantes de la techie, Anado fit en vitesse des attelles pour sa patiente. Elle le prenait vraiment pour un débile... Il avait vécu le double de ce qu'elle pouvait imaginer. Comment pouvait-elle croire qu'un mercenaire n'ait pas quelques bases de premier soin, et surtout, quel abrutis pouvait ignorer ce qu'était une artère ? Il ne fit cependant pas de remarques. Il valait mieux que chacun fasse des efforts, et puis cela n'en valait pas la peine. A son tour de faire preuve d'abnégation. Leur survie reposait uniquement sur lui pour le moment, quoi qu'elle en dise. Il lui fit boire, et manger quelques morceaux d'un de ces vers aquatiques qu'il avait tué. Pendant qu'elle se reposait, ou comatait bercée par ses douleurs, il en profitait pour bricoler un dispositif que leur serait fort utile. Un porte-Alys. Un Alyporteur. Il peinait à trouver un nom adéquat. Avec des lianes qu'il transformait en cordes, du bois et quelques petites plaques d'acier issues du Heaven, il avait réussis à bricoler une sorte de sac à dos rigide et droit qui lui permettrait de transporter Alys sur son dos. Il avait récupéré des sangles et des filets du vaisseau pour la fixer, en plus de lianes. Il fallait s'assurer qu'elle ne tombe pas. L'engin était précaire, mais Anado faisait du mieux qu'il pouvait. Il se servit d'un morceau de taule, qu'il redressait du mieux qu'il pouvait, pour faire une plaque droite et une assise en bois. C'était relativement costaud. A voir si cela serait confortable. Mais avec les attelles qu'il lui avait mis, elle ne devrait de toute façon pas trop bouger. Restait à la sortir de son tombeau d'assier sans lui briser quoi que ce soit, et sans lui provoquer d'hémorragie interne.

    L'entreprise fut longue et périlleuse. Anado fit de son mieux pour l'extirper en douceur, supportant ses injures et cris de douleurs. Cela lui permit également de savoir ce qui lui faisait mal et de s'adapter. Il la manipulait avec appréhension et douceur. Finalement, après une demi-heure de manipulation, elle était sanglée sur l'Alyporteur. L'Alys Express. Le transsarkanien. La hissant sur son dos, se sanglant lui-même, Anado laissait s'échapper un petit soupir.

    « - Alors, qu'est-ce que t'en dis la techie ? J'aurai pu faire ingénieur moi aussi. Bon, tiens toi tranquille, ça va remuer. Quand j'étais en haut du massif escarpé au Nord, j'ai aperçu d'autres traces de fumée, à l'Est, plus loin dans la forêt. C'est là que nous allons. »

    Anado avait tout prévu. Il avait pris des réserves d'eaux, et un peu de vivres, qu'il stockait dans les filets qu'il avait récupéré et accroché sur les flands du transsarkanien. Ils partirent à l'aube. Anado suait, mais ne se plaignait pas. Il avançait obstinément à travers la jungle, essayant de ménager Alys, qui gémissait de temps en temps. Il n'y avait pas de sentier, il fallait crapahuter. Anado faisait du mieux qu'il pouvait, mais ça remuait forcément un minimum. Il parlait peu. Alys non plus. Il voulait lui laisser du temps, accepter le crash, leur situation. Il avait eu quasiment deux jours pour accepter son destin. Elle n'était complètement éveillée que depuis quelques heures seulement, et n'avait toujours reçu aucun soin. C'était sa priorité. Et de toute façon, il n'avait pas grand chose à dire pour le moment. Il se rendait compte que malgré tout ce voyage, ils étaient quasiment de parfait inconnus l'un pour l'autre. Leur défiance constante les avait empêché d'avoir de vraies discussions. Ils s'étaient contentés de se lancer des fions au visage. Alys jouait à la plus intelligente, Anado au plus balèze. Les deux étaient bornés et persuadés de leur supériorité sur l'autre. Vel Aath voyait dans Darssian une brute stupide, au mieux débrouillarde, mais surtout dangereux et impulsif. Lui la méprisait pour sa condescendance, la percevant comme une pétasse brillante, mal baisée et vicieuse, arrogante et opportuniste. D'une certaine manière, ce qui l'énervait chez Alys était le miroir de ses propres vices.

    Après plusieurs heures de marche, ils arrivèrent sur un autre site de crash. La jungle se faisait plus éparse. Il y avait de nombreux cours d'eaux, qui allaient en s'élargissant. L'un d'eux était particulièrement pollué, et Anado y distinguait des traces de carburants. Il le suivait naturellement.
    Il finit par déboucher sur une sorte de savane primitive. Les herbes étaient hautes, elles lui arrivaient à la ceinture. L'arkanien était méfiant, il ne savait pas si la planète abritait des formes de vie hostiles, des prédateurs ou autres. Un peu plus loin, une épave tranchait avec le paysage sauvage : le Heaven était vautré là, du moins, une grande partie de ce dernier. Le pont principal, entouré d'autres débris. Ils avaient de la chance, beaucoup de chance.


    Il ne mit pas longtemps à se frayer un chemin jusqu'à l'épave. Les herbes avaient été brûlées sur une grande surface autour de l'épave, et il s'y sentait plus à l'aise. Il y avait sur le flanc du navire la marque du premier choc qui avait causé le crash, celui du corps stellaire qu'ils avaient croisés. L'impact était moins impressionnant, et de toute façon, une partie manquait avec le crash. Mais un seul léger défaut de trajectoire avait causé ce drame. Une collision était survenue, qu'Anado avait parvenu à amoindrir dans les dernières secondes avant le drame. Il avait agi avec une vitesse exceptionnelle. À dire vrai, il leur avait sauvé la vie. Mais il semblait inopportun de le souligner maintenant, surtout vu les circonstances. Il avait simplement tenté de réparer sa propre erreur. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'être fier de ses capacités et d'imputer une partie des responsabilités à Drayon, le traître, l'escroc. Ce pourri était bloqué sur Byss par ailleurs, et allait y pourrir un paquet d'années avant que quelqu'un ne s'y pointe. À moins qu'il avait tout prévu ? Peut-être était-il tout simplement mort ou avait eu un accident en allant faire ce pour quoi il était venu là-bas. Ou alors il les avait arnaqué. Il voulait un aller-simple, y devenir ermite ou y crever. Inutile de trop réfléchir à son sujet.
    Darssian fit descendre Alys de son dos, la déposant, elle et son support contre un rocher faisant face à la carcasse de leur navire. Histoire qu'elle ait quelque chose à voir.


    « - Tu préfères vue sur la carcasse, ou sur la savane ? Je vais devoir monter à l'intérieur pour voir ce qu'on peut récupérer dans l'immédiat, et surtout voir si l'infirmerie est accessible. Ensuite, je veillerai à nous installer à l'intérieur. Mais il faut voir de quoi il en retourne. »

    Il lui glissait le blaster dans sa main valide, tout en parlant.

    « - Je sais pas ce qui traîne dans les parages. Il y a peut-être de sales bestioles dans ces savanes. Je te laisse mon arme... » Il se tut soudainement, voyant une lueur dans les yeux de son interlocutrice. Ou peut-être avait-il rêvé. Il sourit, ne pouvant qu'imaginer ce qu'elle avait envie de lui faire avec cette arme chargée. La seule qu'ils possédaient. « Tu m'as demandé de vivre. Attends d'être sur pieds avant de me refroidir dans le dos... » soufflait-il avant de tourner les talons et s'engouffrer dans le vaisseau.

    Il en ressortit longtemps après. Le jour avait bien décliné. Il avait les bras chargé et un fusil dans le dos. Il répartit ses trouvailles sur le sol, les triant : d'un côté le matériel de soin qu'il avait retrouvé, de l'autre les vivres et autres matériaux de récupération utiles.

    « - Voilà... Il doit y avoir d'autres bricoles à récupérer, mais il est difficile de se déplacer à l'intérieur et on y voit plus grand chose maintenant. Cependant... La banquette du pont supérieur est encore en bon état. Je vais pouvoir la dégager et t'y installer. Je pense qu'on sera plus en sécurité dans l'épave. Et puis c'est notre principale ressource... elle est profondément enfoncée dans le sol, il y a des compartiments intacts auxquels je n'ai pas pu accéder. Je vais bricoler un récupérateur d'eau cette nuit et... » Inutile de trop se projeter. Il avait oublier l'urgence principale du moment. « Regarde le matériel de soin. Dis moi ce que je dois faire. »
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Il y avait cependant un élément qu'Anado ne maîtrisait pas, un aspect particulier de mon anatomie qui rendait la situation encore plus lamentable qu'elle ne l'était déjà : mon ordinateur interne. Les signaux erratiques causés par la douleur étaient mal interprétés par mon interface neuronale et elle y répondait de façon désordonnée en créant un chaos innommable dans mes sensations.

L'Arkanien me sangla sur son Alyporteur. Très fier de son invention, il pérorait sur son génie et démultipliait les appellations qu'il me soumettait les une après les autres, non pour avoir mon accord, mais en ode à son talent. J'aurais pu le détester de s'amuser vu ma situation mais son enthousiasme réussi à m'arracher un sourire.

Tout dégénéra lorsqu'il se mit en route.
Secouée dans tous les sens, mes os brisés grinçaient les uns contre les autres en me piégeant dans une spirale de douleur qui me réduisait à l'état de pantin, prisonnière d'un corps cassé et d'un esprit assailli à chaque instant par des impulsions informatiques incohérentes et contradictoires. Je passais mon temps à m'évanouir et à me réveiller en gémissant à chaque fois qu'une douleur trop aiguë me ramenait à la conscience.

Dans ces moments de lucidité, j'étais prise de violents vertiges, incapable de distinguer le haut du bas, la droite de la gauche, tout se confondait dans une mélasse mouvante qui me privait du moindre point de repère et qui transformait chaque instant en une torture supplémentaire. Je n'avais plus qu'une seule envie, que tout s'arrête, que je sombre dans le coma ou juste que l'on m'achève.

Je ne sais même pas si je pleurer ou parlais pendant le temps que dura notre trajet. Je sais juste que nous nous sommes déplacés pendant ... un mois, une petite semaine ? Ni le jour, ni la nuit ne m'apportaient l'apaisement souhaité, il n'y avait que la souffrance. Par réflexe plus qu'autre chose je mangeais ce qu'Anado mettait dans mes mains, sans y prêter gare, buvais quand il me tendait mais mes perceptions s'arrêtaient là. La plus part du temps j'évitais de lui répondre car l'effort de la conversation était tout simplement trop intense pour mes facultés actuelles, aussi je me limitais au minimum : lui exprimer que j'étais en vie et, parfois, rarement, que j'étais encore là et cohérente. L'entendre parler était l'un de mes uniques points de repère, un aspect de ma personne qui n'était pas totalement corrompu par ma neurobiologie actuelle. Aussi je grognais à minima à ses tentatives de communication, l'insultais parfois pour l'entendre râler ou juste exprimais un verbiage incohérent pendant quelques secondes avant de sombrer dans le mutisme.

Mais je souffrais trop. Tout simplement trop. Aussi lorsqu'un jour et à peu près lucide je sentis la crosse d'un blaster entre mes mains, j'eu l'espoir fou de pouvoir faire enfin cesser tout cela. Anado avait peut-être enfin compris qu'il valait mieux que je meure ? Il s'éloigna et je dirigeais le canon sous mon menton pour appuyer sur la gâchette, sans parvenir à faire partir le coup. Dans mon épuisement, j'avais oublié de retirer la sécurité.

Anado revint, avec du matériel de soin. Sans doute jouissait-il de me voir ainsi réduite à rien. Il me maintenait en vie, probablement par sadisme, juste pour le plaisir d'avoir le dernier mot. Mais pourquoi me soigner, pourquoi le blaster ? Ces questions étaient bien trop complexes pour mes capacités d'analyse actuelles. Il me demanda quoi faire et, par pur réflexe, je lui répondis "Flacon ... blanc... 50ml... Rouge ... trois... flacons. Injection. Puis 50ml... blanc... tous les jours... une semaine". Je terminais dans une bafouille inintelligible.

Les blancs indiquaient la catégorie des opiacés et les rouges les packs de soins d'urgence. Je n'étais pas dans un état qui me permettait d'en dire plus de toute manière. La dose qu'il m'injecterait irait de légère à quasi mortelle en fonction des flacons utilisés mais actuellement la mort m'allait bien et surtout, surtout, j'allais sombrer dans l'inconscience pendant une semaine.

Anado s'affaira sur moi et ma conscience disparu pour ne plus émerger que pour accomplir les besoins les plus primaires durant les jours suivants.

Plus tard
Je me réveillais pour la première fois lucide depuis longtemps. Dire que j'allais bien aurait été une très large exagération mais j'étais tout au moins cohérente et capable d'appréhender mon environnement. Couchée sous une couverture, je reposais sous un abri de fortune situé à l'extérieur. De là où j'étais, je pouvais voir une plaine herbeuse, quelques arbres, un ensemble de rochers et un feu qui finissait de se consumer lentement, réduit à l'état de braises, et un campement improvisé. Anado était plus loin, affairé à couper des lianes. Je me redressais pour m'asseoir, prise à nouveau de vertiges, mais sans me sentir autant débilitée qu’auparavant. Je grimaçais sous un élancement soudain, rien que je ne puisse supporter. Anado avait ôté mes habits, bandé mes cotes et d'une manière ou d'une autre ma fracture semblait réduite à peu près correctement.

Je passais le quart d'heure suivant à reprendre contact avec mes sensations et à m'extirper de ma somnolence.

"Y'a quoi à manger, ce soir ?" Je lui souris, le teint gris, mais déjà plus vive que ces derniers jours.

Il me fallait un peu de temps pour appréhender notre nouvel environnement mais s'il avait pu nous maintenir en vie tous deux avec moi dans un état aussi lamentable, il y parviendrait certainement à l'avenir avec moi pour l'assister.

"Tu as assuré." Je n'éprouvais pas de colère. Contrairement à ce que toute personne me connaissant aurait pu penser, au fond, je n'étais pas matérialiste. Vivre tout le temps en voyage vous apprend que rien n'est totalement irremplaçable et que l'on ne possède jamais rien d'autre que soi. J'étais en vie, entière, et mon ordinateur interne semblait fonctionnel. J'avais perdu quelques habits, mon appareil photo, de nombreux biens de valeur sans doute mais qui n'avaient au final que peu d'importance. Ce a quoi je tenais le plus étaient les photos et celles ci étaient déjà digitalisées dans ma mémoire.

Pas d'insulte ou de crise de nerfs : la situation était ainsi et il n'y avait rien d'autre à en dire. J'aurais pu le critiquer mille fois mais à quoi bon ? Nous étions en vie tous deux, il m'avait sauvée et il avait perdu jusqu'à son vaisseau.

"Tu as pu faire un point sur la situation ? Est-ce qu'on a une chance de s'en tirer ou on est coincés ici pour de bon ?"
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    Anado écoutait attentivement les indications d'Alys. Elle semblait à bout de force. Il n'y avait aucun doute possible quant à l'urgence de la situation, le trajet jusqu'ici ne l'avait pas arrangée. Suivant les mots de l'arkanienne, il fit le tri dans les produits médicaux qui se présentaient devant lui, les organisant méticuleusement. S'il avait de nombreux défauts, Darssian était un professionnel et un maniaque. Il suivit scrupuleusement les dosages prescrits par sa comparse, les gravant dans sa mémoire et se pressant de préparer les soins. Les derniers mots de celle-ci furent incompréhensibles, et Darssian relevait ses yeux vers elle. Trop tard pour plus de précisions, elle avait de nouveau perdu connaissance. Il espérait simplement qu'elle avait eu l'esprit clair en indiquant les dosages. Une erreur pouvait mener à l'injection d'une dose létale. Mais il n'avait pas vraiment le choix, il allait falloir se fier à l'esprit délirant de sa coéquipière pour espérer la sauver. Ainsi, il ne mit que quelques minutes à lui administrer ces premiers soins.

    Il passait ensuite la fin de la journée à aménager un campement de fortune adossé à l'épave du navire, pour les mettre à l'abri. Hors de question de s'abriter dans le vaisseau dans l'immédiat, il n'avait aucune idée des dégâts engendrés sur sa structure. Elle pouvait très bien s'effondrer pendant leur sommeil et les engloutir pour toujours.

    Il ne mit que quelques heures à leur construire un abri de fortune, la carcasse du vaisseau lui offrant de nombreux matériaux, tout comme la nature avoisinante. La flore était particulièrement variée, et, tout en s'affairant, Anado se faisait méfiant. Il n'aimait guère s'aventurer trop loin dans les hautes herbes. Il avait en permanence cette désagréable impression d'être observée. Ils n'avaient pas croisé de formes de vie autre que ces vers aquatiques dont ils s'étaient nourris le premier jour, mais la nature luxuriante, la présence d'eau et d'une atmosphère propice à la vie rendait improbable l'absence d'autres formes de vie. Il avait aperçu plusieurs vols d'oiseaux, ou du moins d'animaux ailés au loin, au dessus de la canopée de la jungle qu'ils avaient quitté. Quels mystères pouvait bien abriter cette planète vierge ?

    Alys demeurant inconsciente, il entreprit de lui confectionner une couche de fortune avec les herbes sèches avoisinantes. Il en ramassait assez pour en faire une sorte de matelas rudimentaire, un lit de paille en somme. Dans le vaisseau, où il multipliait les expéditions hasardeuses, il récupérait de nombreuses trouvailles utiles. La carcasse était dangereuse, tout était sans dessus dessous et certains éléments étaient encore alimentés, rendant le risque d'électrocution ou d'accident stupide relativement important. Il parvint néanmoins à récupérer des couvertures de survie et quelques bricoles qui pourraient servir à l'avenir.


    Au crépuscule, il entreprit de déplacer Alys sur une de ces couches artisanales, agissant avec une grande précaution. De toute façon, il n'avait aucun moyen de savoir s'il lui faisait mal, tant son coma semblait profond. Il parvint à l'allonger sans rien casser, la manipulant comme une statue de verre. Il lui retirait ses vêtements sales, maculés de sang, et entreprit de bander ses côtes avec le matériel médical à disposition. Il soignait également les plaies de l'arkanienne et les siennes. Il put enfin s'occuper de son arcade en piteux état et de ses propres côtes. Il mit au feu les vêtements de l'arkanienne, d'une puanteur ignoble. Il se débarrassait également des siens, récupérant des vêtements de change dans l'épave. Il ne mit pas la main sur les bagages d'Alys, certainement pulvérisés dans l'accident, ni sur les siens. Mais il avait retrouvé quelques combinaisons de technicien, presque comme neufs. Il posait ceux d'Alys près de sa couche, tandis qu'il la couvrait d'une couverture de survie. Quant à lui, il se changeait et consentit enfin à abandonner ce qui restait de son armure. Elle en avait vu, des aventures, et lui avait sauvé la vie pendant le crash. Il passait la main sur les vis et boulons écrasés sur son plastron, ainsi que les traces que le feu avait laissé dessus. En la jetant dans un coin du camp, il avait l'impression de fermer une page de sa vie. Cela le laissait étrangement amer. Il avait porté cette armure pendant plus d'une décennie, arpenté la galaxie avec. C'était sa seconde peau, une véritable carapace qui avait vu ses plus beaux coups de génie mais aussi ses plus grandes bassesses. Elle lui avait sauvé la vie plus d'une fois, et était un souvenir précieux de ses années d'errance et de mercenariat. Il espérait ne pas finir comme elle. Peut-être l'était-il déjà, en vrac ?


    Les jours suivants plongèrent de nouveau dans la solitude. Le seul signe de vie que donnait Alys était sa respiration. Il contrôlait régulièrement qu'elle était encore en vie, et lui administrait scrupuleusement les soins qu'elle lui avait indiqué. Il nettoyait ses plaies, vérifiait ses côtes tout le tintouin. Il ne s'aventurait cependant pas à lui faire sa toilette, pensant que cela aurait été toucher à l'intimité de l'arkanienne. Il avait déjà été assez gêné en la déshabillant pour bander ses côtes. Cela l'avait d'ailleurs surpris. Au final, le caractère exécrable de l'arkanienne lui inspirait visiblement un certains respect le poussant à plus d'intégrité qu'à l'accoutumée.

    Il avait par ailleurs repérer une petite étendue d'eau à quelques minutes de marche du campement, ce qui lui permettait de faire des toilettes rudimentaires et les approvisionner en eau.
    Il passait désormais le plus clair de son temps à chercher des ressources et entretenir le feu qui crépitait doucement non loin d'Alys.

    Il s'aventurait de plus en plus loin dans la savane, ne distinguant pas encore de variation dans le paysage. Ces plaines sans relief semblaient s'étendre sur des hectares à la ronde, et il ne trouvait pas de hauteurs pour voir plus loin. Monter dans les petits arbres qui parsemaient la savane était bien inutile.

    Il avait commencé à s'aventurer dans les parties les plus endommagées du vaisseau, essayant de repérer les éléments récupérables les plus intéressants. Il avait ainsi découvert que de nombreux éléments technologiques utiles avaient été épargnés par le crash ou faiblement touchés. Inutile de préciser qu'il était bien incapable de dire s'ils étaient encore utilisables, mais il comptait bien sur Alys pour s'occuper de l'expertise. Il s'était également constitué un stock de munitions non négligeable.

    Le point le plus problématique et urgent restait la nourriture. Anado avait repéré plusieurs variétés de baies qui poussaient sur des arbustes secs, et une sorte de fruit volumineux qui poussait dans les arbres. Il allait devoir faire le cobaye.
    Les premières baies, gorgées d'un jus noir, étaient d'un goût sucré plutôt agréable. Mais dans l'heure qui avait suivis leur ingestion, Darssian avait été pris d'une terrible diarrhée. Terrassé, il avait passé l'après-midi plié sur lui-même, près de l'étang. Il se vidait sur la berge, se précipitant ensuite dans l'eau pour se laver et boire, afin de ne pas se déshydrater. Il avait pour ainsi dire passé la journée le cul nu, et pleins de merde.
    Il y avait parfois du bon à être un pionnier, personne n'avait été témoin de cette terrible expérience.
    Les secondes baies, rouges, au goût particulièrement amer et désagréable étaient cependant inoffensive à première vue. Il en avait donc fait un stock non négligeable. Quant aux fruits qu'il cueillait sur les arbres, ils dégageaient une odeur de pourri infâme quand on les ouvrait, et le goût était à la hauteur de celle-ci, mais ils s'avéraient particulièrement nutritifs.

    Pour la viande, il allait falloir attendre... Mais cette planète était pleine de surprise.
    La veille du réveil d'Alys, Anado s'était aventuré jusqu'à la lisière de la jungle. N'en pouvant plus de bouffer ces fruits puants, il avait décidé d'aller tuer quelques unes de ces limaces poisseuses repérées dans les ruisseaux de la jungle. Alors qu'il s'apprêtait à pénétrer la forêt, des bruissements presque inaudibles l'arrêtèrent. Encore cette sensation d'être observé. Faisant volte-face, fusil en main, il eut le temps de voir de quelque chose. Son acuité visuelle, accrue par ses prothèses arkaniennes n'y étaient pas pour rien. Dans les hautes herbes, une peau blanche avait jaillie un instant, ne laissant deviner que des poils éparses et une longue crête osseuse. Les herbes frémissaient, bougeant légèrement, témoignant d'une passage d'une chose. L'arkanien envoyait quelques tirs hasardeux, sans réussite, avant de regagner le campement avec hâte. Tant qu'Alys n'était pas consciente, il ne pouvait pas courir le risque de trop s'éloigner.

    Le lendemain, il restait donc à proximité du camp. Après avoir administré les soins d'Alys, il s'éloignait un peu, fusil en bandoulière, pour couper quelques lianes. Il voulait améliorer leurs couches respectives. La sienne lui filait un mal de dos infecte. L'idée étaient de confectionner des cordes pour pouvoir attacher de grandes quantités d'herbes et les rendre plus compactes, histoire d'avoir un lit plus épais. De toute façon, il fallait qu'il s'occupe. Il ne pouvait rester à rien faire. D'une part, cela revenait à mourir car il fallait constamment penser à se nourrir, et de l'autre il deviendrait dingue. Il n'y avait rien à faire sinon survivre et améliorer son quotidien. Dès qu'Alys serait plus apte, il projetait cependant d'aller chasser cette foutue bestiole qui l'observait depuis des jours. Et il comptait bien la déguster à l'apéritif. Il avait déjà commencé à maigrir, il avait faim la plupart du temps. Certes, il mangeait régulièrement, mais les fruits et baies, ce n'était pas suffisant. Et s'il ne trouvait pas ce foutu animal blanc, il allait tirer sur les piafs qui les survolaient parfois. Avec un peu de chance, ils étaient bons grillés. Il rêvait d'avoir de la chair à se mettre sous les dents.
    Ne pas rester oisif lui permettait également de ne pas trop réfléchir à son sort. Il avait encore espoir qu'Alys puisse penser à une porte de sortie. Vivre ici pour toujours... L'idée même lui foutait le cafard. Y avait rien à boire ni à baiser. Enfin... Non, il n'avait jamais violé, et c'était pas maintenant qu'il allait commencer. Il avait été un sacré gentleman ces derniers jours, c'était pas le moment de vriller.

    C'est une voix fluette qui le sortit de ses pensées. D'habitude, elle l'énervait, mais là, il ne put s'empêcher de sourire à pleine dent – dévoilant par ailleurs celles qui lui manquaient depuis le crash – et de s'approcher avec hâte.


    « - Bordel de merde, Vel Aath, c'est la première fois que je suis content d'entendre le son de ta voix ! » s'exclamait-il, laissant tomber par terre un tas de lianes. « Pas mal hein ! » dit-il en désignant d'un mouvement circulaire le campement de fortune. « Franchement, j'aurai dû faire décorateur d'intérieur. » Il désignait ensuite la combinaison de technicien, similaire à la sienne, posée non loin d'Alys. « Au cas où tu voudrais te couvrir un peu. C'est pas que j'aime pas les petits culs arkaniens, m'enfin, je pense que tu seras plus à l'aise. »

    Quant à la bouffe... Il désignait finalement du doigt un bout de métal incurvé servant de panière aux fruits qu'il cueillait quotidiennement. Le réservoir d'eau était vide, il n'avait pas plu depuis plusieurs jours, mais Anado avait remplis sa gourde à l'étang, et elle était près des fruits. Un homme à marier, y a pas à dire.

    « S'en sortir, j'en sais rien. Y a de quoi bouffer et boire en tout cas. Mais y a deux trois trucs sur lesquels tu devrais jeter un œil dans l'épave... Enfin, quand tu seras sur pieds. Des éléments qui m'ont l'air utilisables. Y a encore un peu de jus dans certains espaces de la carcasse. Je sais pas pour combien de temps, mais ça veut dire que y a bien un truc qui tourne encore là-dedans, par je ne sais quel miracle. »
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Alys aussi était contente d'entendre la voix d'Anado.

Même si elle n'était pas encore en état, le pire était passé, son corps était au repos : pas de crise bio-informatique en vue. Elle était même surprise de se sentir aussi bien. Depuis que Joclad l'avait soignée avec ses pouvoirs jedis elle avait l'impression de récupérer un peu plus vite et un peu mieux qu'avant. Peut-être avait-il remis au passage quelque chose de travers chez elle, qui sait ?

"Tu as fait des prodiges", dit-elle sans ironie en regardant autour d'elle. Le campement était sommaire mais existant. Il ne s'était pas tourné les pouces et avait visiblement réussi à établir les bases de leur survie à venir. Cela ne la surprenait pas car même s'ils s'étaient accrochés auparavant, elle avait toujours reconnu chez le vieux mercenaire la compétence et l'assise d'un professionnel. Bien sûr, il fanfaronnait, mais elle avait appris que cela faisait parti de son caractère. Elle réalisa subitement qu'il était resté un grand enfant ce qui lui tira un sourire tandis qu'il gesticulait pour attirer son attention.

Elle regarda la combinaison posée à côté du lit, Anado, elle et son corps dévêtu. Elle ne fit aucun commentaire et s'habilla sous la couverture avant de s'en extraire et de tituber jusqu'à la gourde qu'elle vida d'un trait, assoiffée qu'elle était, puis la tête lui tourna soudain et elle se laissa tomber sur une couverture posée au sol. La faiblesse était logique vu son état. Sous alimentation, déshydratation, perte de sang : il lui faudrait reprendre des forces avant de pouvoir prétendre à aider concrètement l'Arkanien.

Sans dire un mot, elle attaqua les fruits posés là. Elle écouta la remarque de son compagnon sur les parties alimentées de l'épave.

"Cela ne m'étonne pas, les systèmes de vaisseau sont redondants afin de palier aux incidents en espace profonds. En fonction des modèles et de la qualité du matériel tu peux avoir jusqu'à 5, voir 6 redondances par élément critique."

Elle attendit que son état se stabilise, renifla au niveau de son épaule, plissa le nez de dépit et demanda. "J'ai besoin de prendre une douche... un bain ... quelque chose. Je pue le musc rance de rancor." Elle suivi les instructions d'Anado et revint un peu plus en forme qu'à son départ. 


"Quitte à t'être écrasé avec quelqu'un tu aurais pu tomber sur pire, tu sais. En dehors d'être capable de faire voler une planche de sapin avec un grille pain comme moteur, j'ai d'autres atouts que tu devrais adorer."

Elle se tapota le crane.

"J'ai une mémoire eidétique. C'est à dire quasi parfaite dès que je me donne la peine de mémoriser quelque chose. Or j'ai passé plusieurs mois sur Kashyyyk, la planète des wookies et des Trandoshans, ainsi que sur Cathar. J'ai appris pas mal de chose sur la survie avec eux et je me suis d'autant plus documentée que je risquais ma peau. Du coup... je suis une petite bible du survivalisme... le problème c'est que je suis à peu près incapable d'appliquer 85% de ces théories à cause de mes capacités physique de gamine. Autrement dit, si tu fais ce que je dis, on devrait s'en sortir."

Et voilà, à peine 30 minutes après avoir ouvert les yeux, je donnais déjà l'impression de vouloir prendre le contrôle de tout, et ce n'était même pas fait exprès. Je m'excusais d'une petite grimace désolée.

"Désolée, je sais que ça fait petite cheftaine qui se réveille mais si on marche en tandem, on va s'en sortir. Je vais commencer par faire l'inventaire du vaisseau... dès que je m'en sentirai la force."

C'est ainsi que commença une routine rythmée par les jours qui défilaient. Aller dans le vaisseau, noter tout ce qui pourrait servir, identifier les sources d'énergie, limiter les risques d'incendie ou d'explosion. J'étais certaine de pouvoir nous faire repartir, la seule question était de savoir quand.

"En priorité, j'ai réparé le système de filtration d'eau et une radio, courte portée malheureusement. Cela nous évitera d'attraper toutes les maladies locales. Je te conseille également de prendre régulièrement des antibiotiques à large spectre le temps d'habituer ton organisme à la planète. J'espère vraiment que tu as commencé sans attendre ce conseil parce qu’on ne sait jamais ce qui peut traîner sur les exoplanètes. J'ai sans doute un avantage sur toi sur le sujet, vu le nombre de lieux que j'ai visité, mon organisme est habité à la plus part des saloperies standard que l'on peut rencontrer. Donc garde la majorité des médicaments pour toi à partir de maintenant."

Et puis je passais du temps à lui apprendre ce qu'on m'avait enseigné sur la survie. Comment faire des collets, identifier des traces, filtrer l'eau, mettre des pièges, tresser des cordes... j'avais vécu en vraie sauvage pendant plusieurs mois sur certaines planètes, comme une autochtones, et, sans être réellement une experte, je connaissais des tas de trucs improbables. Je savais par exemple identifier la plus part des comestibles de ceux toxiques, pour peu que 'jai le temps de chercher dans mes bases de données internes, et surtout, je mangeais de tout sans faire la difficile. Compliqué de s'imaginer que l'arkanienne pimbêche que j'étais n'avait pas d'a-priori à manger des larves, des insectes ou des racines !
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