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« Jagon, réservez-moi la soirée de la Chancelière, et prenez la vôtre. »

« Monsieur est-ce bien raisonnable.. ? »

« Foutez le camp, Jagon.. »

La bouteille de bourbon face à moi était à moitié vide.. Mais ma lucidité était à peine entamée. Beaucoup trop peu. Ion était mort.. Je n’avais jamais aimé Ion, et sa mort ne changerait pas cela. J’aurai pu le traiter de connard malhonnête et dangereux, mais maintenant que j’étais à la tête de l’Astre et du Gouvernement, j’avais l’impression d’être comme lui.. Simplement de n’avoir jamais pu être d’accord avec lui.
Merde quoi.. Cet enfoiré était mort, et moi, j’avais les yeux rouges.


La manière dont il était mort.. En une journée, ce drame.. Puis.. Cette allocution. C’était comme si tout était oublié, un nouveau Ion, un nouveau ton.. Un dernier. En une soirée, Ion s’était libéré de toutes ses manigances, et il avait été capable simplement d’abandonner ses supercheries pour effectuer un acte de foi envers la République. Un message d’espoir. Il s’était suicidé après avoir donné tout ce qui lui restait de positif à la République.

Revenons sur Coruscant : je n’étais pas là pour célébrer ce fumier, non.. Mais parce que je me sentais mal. L’absolution.. Il l’avait eu par sa dernière conduite. Mais moi ? Qui serait là pour me pardonner ce que faisait l’Astre ? L’idée de sentir le lourd regard (méprisant, soit dit en passant) du Pantoran sur moi, depuis l’au-delà, comme si j’étais ce « serpent » dont il parlait.
La mort d’Ion me donnait l’irrépressible envie, à mon tour, d’effectuer ma confession, de laver mon linge..
Mais mourir n’était pas au programme. Non, je devais faire ça bien.

Le plus blessant dans l’affaire.. C’est que son attaque à mon égard.. Elle était totalement vraie.



Une heure plus tard, je frappais à la porte de la Chancelière, avant d’entrer, j’avais sous le bras une tonne de dossier, tenant ma canne de la main libre.

« Bonsoir, Alyria, vous allez bien ? »

Oui, pas de "Mme la Chancelière lorsque nous étions seuls, c'était déjà assez chiant en public alors.. Sans autre cérémonie, j’allais m’asseoir face à elle. J’étais de toute évidence fatigué, affecté. La somme de travail que j’avais du abattre, elle s’en doutait, elle en avait surement eu autant, était colossal, et mon moral avait pris un coup dur, il faut le dire.

« Dans les dossiers du jour.. Il me faut votre griffe pour le choix d’un médiateur pour arbitrer un litige sur les quotas de pêche au thon entre deux planètes dont j’ai oublié le nom avant que ça finisse en blocus commercial, une invitation pour l’élection de Miss Coruscant, une demande d’interview pour le magasin « Le présent des Femmes », vous devez dire si vous allez à l’inaugurations de la nouvelles aile de l’université d’Aldérande, ou me dire si je dois envoyer quelqu’un d’autre… »

La liste continua quelques secondes encore, presque une minute, énoncée d’une voix brisées, tandis que je posais un à un la dizaine de pad. Je regardais enfin le dernier, hésitant un moment, avant de lâcher d’une voix toujours aussi creuse :

« Le dernier est une demande personnelle.. C’est une requête pour que vous accordiez la Grâce de la Chancellerie à Ion, à titre posthume. Et à Valerion, puisque les accusations sont les mêmes.. Cette histoire a fait assez de dégâts, je trouve. »

Je poussais un profond soupir, avant de me caler dans le fauteuil. Alyria et moi avions été débordés, nous l’étions toujours. Et nous savions l’un et l’autre que nous avions repoussé une conversation importante. Et les nouvelles récentes m’avaient poussé à la rendre pressante. Elle savait qu’il existait un tas de choses sur lesquelles il fallait nous mettre d’accord. A présent, je me demandais si je ne devais pas rajouter un bonus.

«Si nous en profitions pour avoir cette petite discussion.. ? »

Alyria avait pu voir que j’avais un tempérament assez dynamique, heureux à l’accoutumée, toujours le moral et la blague pour détendre.. Là, j’avais surtout l’air d’avoir pris quarante ans.

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Un soupir, long, lent, lourd, empli d’amertume résonna dans le bureau qui apparaissait décidément bien morbide, silencieux et empli d’ombres qui avaient hanté ces lieux et n’étaient plus à présent que des souvenirs, des cadavres reposant à la morgue. Calomnies, assassinat, suicide… La série noire ne s’arrêterait donc jamais ? Et au milieu de tout cela, de sombres pensées la tourmentant, se tenait une silhouette voûtée sur son bureau, les yeux fermés, le visage dans les mains.

Ion Keyien s’était tiré une balle dans la tête. Devant elle. Sans ferme la communication. Etait-ce un ultime pied de nez, un message subliminal ? La Force tenait-elle tant à éprouver la capacité d’Alyria à conserver sa santé mentale ? Elle avait vu bien des horreurs, évidemment, au cours de sa vie de jedi. Cela n’atténuait pas pour autant le choc. Et elle devait encore faire une allocution pour annoncer officiellement la mort du pantoran, gérer les conséquences de ses déclarations. La maîtresse d’armes était aux limites de sa résistance. Pendant un bref instant, la pensée de tout laisser tomber, de s’enfuir loin, très loin, l’envahit à nouveau, comme elle l’avait fait après le décès de Valérion Scalia. Mais une fois encore, la raison l’emporta.

Cependant, son cerveau refusait de fonctionner. C’était comme si elle faisait objet d’un blocage, que son corps refusait de bouger, décidé à encaisser le choc, à l’absorber avant de réagir à nouveau. La Chancelière avait besoin de souffler, l’accumulation de nouvelles toutes plus déconcertantes les unes que les autres en espace de temps aussi réduit commençait à peser lourdement sur ses épaules. Et surtout, elle en avait assez de ce climat de calomnie, de détestation, ou tous s’accusaient mutuellement. Quand donc le Sénat allait-il se rendre compte qu’il se discréditait par ces magouilles sans fin, ces règlements de compte qui n’amenaient au final que la dévastation sur leur passage, et laissaient la République exsangue ? Ce climat délétère devait cesser. Aussi vite que possible.

Amorphe, elle accueillit la nouvelle de la venue de son Vice-Chancelier avec un vague hochement de tête, puis donna son accord d’une voix étouffée, lointaine. Alyria était fatiguée, tout simplement. Mais il fallait faire bonne figure, encore et encore, tenir, comme toujours. De toute façon, elle ne faisait que cela depuis quelques jours, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
La trentenaire se leva machinalement, tentant de se recomposer une stature normale, essayant de revenir à son être calme, serein, afin d’offrir un visage apaisé à Alan Bresancion. Elle devait être le roc, le pilier institutionnel, et elle se l’était juré : personne, personne, ne verrait la nouvelle tête au sommet de l’Etat craquer. Sauf un seul homme, mais cela, là encore, personne n’avait besoin de le savoir. C’était son jardin secret, bien gardé, autant que ses émotions.
Quand elle se jugea présentable, Alyria prit une profonde inspiration puis se rassit dans son fauteuil, attendant l’entrée du Vice-Chancelier, qui ne tarda pas. En entendant toquer à la porte, la gardienne déclara d’une voix qui se voulait ferme :

« Entrez ! »

Manifestement, Alan Bresancion avait été durement affecté par la nouvelle. Une fois le choc surmonté, Alyria avait demandé à ce que le gouvernement soit averti, et la zone sécurisée aussi discrètement que possible. Bien sûr, les rumeurs les plus folles commençaient à circuler, mais pour le moment, la vérité n’avait été ni infirmée ni confirmée. Elle tenait à avoir toutes les informations en main avant de faire une allocution quelconque et de prendre des décisions. Mais évidemment, les membres de l’instance exécutive de la République, et le premier d’entre eux, devaient forcément être au courant, pour que toutes les mesures soeint prises, rien qu’au niveau de la Justice et de la Sécurité Intérieure.

La question innocente, de pure politesse du Vice-Chancelier arracha cependant une grimace à la demi-hapienne, qui ne put s’empêcher de répondre d’un ton pince-sans-rire :

« Oh à merveille Alan, à merveille, l’avantage, c’est que les choses pourraient aller difficilement plus mal, donc j’essaye de voir les aspects positifs. »

Elle s’en voulut presque immédiatement de cette réaction et s’excusa promptement :

« Navrée, Alan, je suis un peu… fatiguée de tout ce charivari politique disons. Je pensais que le séisme était passé, mais il faut croire que de fortes répliques nous attendent encore.

Et vous, vous tenez le choc ? »

Comment ne pas voir dans les derniers propos d’Ion Keyien un sous-entendu désignant son successeur à la Vice-Chancellerie ? Bien sûr, Alan n’était pas le seul à avoir occupé un poste dans le domaine médical par le passé, après tout, les chefs d’entreprises, juristes, médecins étaient des professions plutôt courantes dans la Rotonde, sans compter les héritiers de vieilles maisons régnantes sur certaines planètes. Mais le pantoran était trop connu pour sa langue acérée pour ne pas déceler dans cette accusation larvée une attaque personnelle contre l’ancien intendant.

En entendant l’énoncé des arrêtés à signer et des réponses à donner, Alyria ne put s’empêcher d’éclater d’un rire nerveux :

« Miss Coruscant ? Vous êtes sérieux ? »

Non mais l’idée d’aller au milieu de tout ce chamboulement à un stupide de concours de beauté l’amusait grandement. Déjà qu’ordinairement, elle n’y aurait jamais mis les pieds, mais alors là… Reprenant péniblement son sérieux, la jedi finit par dire :

« Bon et sinon, voyons pour ce médiateur… Et niveau média, je pense qu’en quatre jours, j’ai suffisamment fait d’allocutions publiques pour le restant de mes jours. Mais peut-être que quand tout ce sera calmé… Mettez la réponse pour Aldérande en suspens, nous aviserons suivant le développement des événements. »

La requête suivante la surprit considérablement mais en y réfléchissant, c’était une excellente idée… Même si elle n’en avait techniquement pas le pouvoir elle-même. Aussi elle répondit après un moment de réflexion :

« Voilà qui est très noble de votre part, Alan, mais c’est une excellente idée. On m’a signalé d’ailleurs une arrestation de suspects pour l’attentat contre la famille Keyien, et l’agenda de Valérion Scalia et d’Ion Keyien a dû être amplement vérifié d’ici là. Je demanderais son avis au Ministre de la Justice puis pourrait déposer un recours devant la Cour Suprême pour examiner la nullité du cas avec les nouvelles preuves. Cela me semble une bonne manière d’éteindre l’incendie. Même si d’autres braises ont été allumées par Ion Keyien lui-même. Mais mieux vaut jouer l’unité pour le moment. 

D’ailleurs, je pense qu’il est temps de passer la loi préparée par feu le sénateur de Corellia pour renforcer la sécurité. Après cette série d’attentat, ce sera un geste fort fait en direction des citoyens républicains, et un moyen de nous assurer les outils nécessaires à d’éventuelles enquêtes ultérieures.»

Certaines de ses accusations n’avaient guère été compliquées à comprendre. L’apaisement prévalait maintenant… Après… Il serait toujours temps de diligenter des enquêtes internes et de découvrir si des vérités se cachaient derrière ce nouveau torrent de boue.

Enfin, elle conclut en disant, fixant son Vice-Chancelier dans les yeux :

« Eh bien oui, il serait temps en effet. Je vous écoute Alan. »
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« Tenir le coup ? Voyons.. Je postule pour un poste d’intendant je me retrouve Sénateur par intérim en moins d’un an, puis je fais campagne pour entrer au Sénat, et me voici propulsé Vice-Chancelier en moins de six-mois. Chaque jours que je passe sur mon bureau, je me demande si mon siège éjectable ne risque pas de m’envoyer ailleurs, et plus les têtes tombent, plus j’ai peur de finir par devenir Chancelier. Alors faites-moi plaisir, Alyria, essayez d’aller bien jusqu’à la fin de votre mandat. »

Quitte à répondre dans le comique du « pince-sans-rire », hein.. Disons que j’en avais pas mal sous la pédale, de l’ironie. Non mais sérieusement, la seule raison pour laquelle j’arrivais à croire que j’étais là ou j’en étais aujourd’hui, c’était bien parce qu’Alyria avait encore moins de raisons d’être à la sienne. Lorsque le monde marche sur la tête, ça soulage d’être en face de la seule personne qui semble avancer dans le même sens que soi. Y compris si on est deux au lieu d’un à voir le mur qu’on risque de se ramasser dans les dents.
Disons qu’en tout cas, ça expliquait pourquoi le « Parvenu » d’Ion ne m’atteignait pas vraiment.. Bah oui, c'était totalement vrai.

Du reste, je l’écoutais répondre à des requêtes qui m’intéressaient aussi peu qu’elle, je pris quelques notes et, en gros, conclus qu’il fallait reporter la plupart de ses affaires qui étaient sans importances. C’est fou ça.. Tout le monde savait qu’on pouvait concrètement ne pas s’intéresser à ce genre de détails présentement, qu’on n’en avait rien à foutre, mais ça aurait vexé qu’on le dise. Au lieu de ça, on allait envoyer un message préenregistrer avec la voix d’une pétasse à la patience stressante qui dirait que « Le bureau de la Chancellerie a bien reçu votre requête et s’évertue à la traiter dans les plus brefs délais ».
BREF.

« Je suis bien d’accord avec nous, Alyria. Un fin sourire quant au jeu de mot bien pourri que seule la fatigue pouvait excuser, et cela s’inscrit à merveille dans notre politique globale : éteindre les incendies, et bétonner les bases de la suite. Quant à la suite, disons que s’il y en a une on est content, et il sera temps de la prévoir en temps et en heures !
Surveillance, sécurité.. Il va falloir faire attention, parce que ces lois peuvent servir de prémices à n’importe quoi, y compris la dictature. Je ne vous soupçonne pas, mais c’est un héritage qu’on ne pourra pas laisser entre n’importe quelle mains..
»

En gros, si on pouvait foutre un grand coup de pelle dans la constitution de Valerion pour revenir à quelque chose d’un peu moins dictatorial, mais quand même suffisamment pour qu’on arrive à avancer sans avoir des bureaucrates sur le dos.. Ouais, réviser la Constitution, bonne idée, ça. A mettre entre « Mettre une branlée à l’Empire Sith » et « Faire régner la paix dans le monde ».
Bon, maintenant que c’était évacué, tout ça, passons à la discussion informelles et toutes aussi importante.. Fixant alors ma Chancelière dans les yeux, lui rendant œil pour œil, je lâchais donc d’une voix lasse :

« Ou est-ce qu’on en est.. ? Je veux dire, au moment où vous êtes montée sur ce ravissant fauteuil de Maitresse-de-Monde, le bateau coulait, les rameurs étaient aussi rares qu’un Goéland sur Tatooine, y’avait plus vent, et on murmurait « Mutinerie » à côté du casier des armes. En gros, c’était la merde. Ca va faire quelques temps à présent qu’on arrive assez bien à juguler tout ça, et la question qui se pose maintenant c’est : on va ou ? »

Je soupirais, m’expliquant :

« Ni vous, ni moi n’étions prêts à assumer ces responsabilités, ce qui fait que notre vision à long terme est assez bancale. Vous comptez garder la Chancellerie ? Quels sont vos plans vis-à-vis de l’Empire Sith ? Ce sont plein de questions officielles qui demandent des réponses.. Et du point de vue personnel.. »

Du point de vue personnel, c’était en plus bordélique, tiens..

« Comment est-ce que vous vous placez vis-à-vis des Jedi, comment est-ce que vous vous placez vis-à-vis de vos fonctions de Chancelière, est-ce que vous avez ENVIE de continuer ? Et.. Non, j’veux dire, on s’est croisé quelques fois au Conseil des Ministres, et même si ça m’arrache la langue de devoir le dire, le fait que vous soyez maître Jedi est un gage fiable de vertu, mais on se connait pas, et hormis la complicité des deux types qui se sont accroché au gouvernail parce qu’ils n’ont pas envie d’envoyer leurs chance de survie dans les récifs, on sait rien l’un de l’autre. Du moins rien qui puisse forger la synergie de deux personnes bossant ensemble.. En fait, un bon début, maintenant qu’on est à tête reposée et sans urgence, ce serait de me dire pourquoi je suis Vice Chancelier.. Et ne me demandez pas pourquoi j’ai accepté de l’être, la réponse risquerai d’être déplaisante.. »

Après une légère grimace.. Je m’autorisais un rire nerveux.

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« Je m’y emploierais, Alan. Si d’ici là le Sénat ne m’a pas rendue totalement folle. Mais si je commence à m’arracher les yeux, n’hésitez pas à lancer une procédure de destitution, apparemment, c’est assez mauvais signe. »

Son Vice-Chancelier avait décidément tendance à la mettre d’humeur à échanger des plaisanteries d’un goût douteux. Au moins, les réunions ministérielles risquaient d’être plus amusantes que les précédentes… Même si, au vu des personnalités bien affirmées des ministres, cela servirait plus à évacuer la tension qu’à réellement faire la fête. En même temps, dans ce cas, le Conseil des ministres perdrait singulièrement de son aura, non ?

En tout cas, Alyria devait être honnête : Alan Bresancion avait au moins l’avantage de ne pas s’embarrasser de ronds de jambe. Droit au but, parlant un langage volontiers populaire agrémenté de tournures qui commençaient sérieusement à lui donner un début de fou rire, le médecin était un personnage pour le moins haut en couleur. Elle espérait que sa détermination n’aurait d’égal que sa capacité à arrondir les angles, au vu de sa majorité de coalition, qui tenait pour le moment par l’urgence de la situation mais devrait à un moment être consolidée.

Cela dit, la perspective d’une révision constitutionnelle lui arracha une grimace : l’idée de se lancer dans un chantier aussi vaste, si peu de temps après la première révision… Soit il fallait faire grand, et donc prendre le risque d’aggraver certains mécontentements, soit engager un mouvement important, pour presque rien. A moins bien sûr de faire cela par voie référendaire, mais alors là… Elle préférait ne même pas imaginer le cauchemar qu’une telle organisation représenterait, surtout en des temps aussi troublés.

« Toute Constitution, même la plus démocratique, peut de toute façon se transformer en outil pour la pire des dictatures, vous le savez aussi bien que moi. Celle-ci n’est pas parfaite, mais la changer recquérait une machine administrative effroyable, et je ne suis pas sûre que ce soit une priorité. Après, il sera toujours temps de déposer de nouvelles lois complémentaires des premières votées, ou de rédiger des arrêtés pour en encadrer l’usage, si l’estimation du risque est trop grande.

Après, je ne dis pas qu’une réforme de grande ampleur ne serait pas souhaitable. Je regrette profondément, à titre personnel, que les planètes soient obligés de financer l’ensemble de leur système éducatif, du primaire aux universités, aussi bien car nous souvent tous les deux que certaines n’en ont pas les moyens que pour une simple question d’efficacité administrative. Mais à voir si cela ne peut se régler par une loi.

En tout cas, toute modification d’une réelle ampleur, et c’est ce que doit être une révision constitutionnelle, ne pourra se faire que dans un bon moment, quand les choses se seront apaisées, et que le débat sera revenu à la normale.

Je crois que nous avons déjà de quoi nous occuper rien qu’à gérer les conséquences de la politique de Valérion. »


Doux euphémisme. En tout cas, fini les plaisanteries, Alyria était désormais en mode travail, ce qui voulait dire : concentrée, technique, dans ses dossiers, et avec une élocution digne d’un banquier de Muun près à décrocher un contrat. Elle n’avait pas pris la peine d’enrober ses propos de quelques belles figures de style : elle ne faisait pas un discours, mais discutait politique générale et constitutionnalité avec son Vice-Chancelier. Point besoin de finasser.
Cependant, la seconde question lui arracha un nouveau sourire en coin, et elle répondit avec son plus beau ton sarcastique :

« Pour être honnête, j’aurais presque envie de vous répondre : dans le mur. Mais je ne suis pas certaine que ce soit satisfaisant. Bien que sans doute pas très éloigné de la vérité pour le moment. »

Parce que franchement, face à cette avalanche de questions, les seules réponses qui lui venaient à l’esprit c’était… Eh bien aucune. Formidable, n’est-ce pas ? En même temps, elle s’était contentée de faire avancer le navire sans finir par couler, ce n’était pas comme si elle avait fait campagne sur un programme ou quoi que ce soit du genre…

« En tout cas, voilà suffisamment de questions pour nous occuper toute la soirée. »

Elle fit une pause, n’ayant pas même cillé sur la remarque quant à son statut de jedi. C’était fou le nombre de personnes qui lui rappelait qu’elle en était une depuis quelques jours. Merci, elle avait remarqué toute seule, deux sabres pendaient même à sa ceinture pour le prouver.

« Pourquoi je vous ai nommé ? Je présume que si je vous réponds parce que à nous deux, nous formions une enseigne de choc pour les prothèses républicaines en déployant un argumentaire économique du plus bel effet, vous n’allez pas me croire ? »

La manchotte et le cul-de-jatte… Il fallait reconnaître que la fine équipe ne manquait pas de panache dans l’improbable. Au moins, pas de risque d’un retour de bois, la plaisanterie, bien que sur un sujet aussi sensible que le handicap, aurait pu paraître risquée en d’autres circonstances, là, il paraissait claire en voyant la lueur légèrement amusée dans ces yeux et sa main mise en évidence qu’il n’y avait pas là l’ombre d’un éclat malin assez détestable, mais bel et bien le fait de pointer simplement un point de ressemblance entre eux.

Cependant, le sérieux reprit bien vite le dessus, et Alyria soupira :

« Très sincèrement… Je n’avais pas le choix. Ou du moins il était suffisamment étriqué pour n’avoir aucune marge de manœuvre. »

Evidemment, ce n’était pas franchement le grand discours de la confiance ultime, mais en même temps…

« Ce n’est pas une surprise pour vous, de toute façon, ce que je vous dis là ? »

Sentant qu’il était temps d’adoucir un peu son propos, Alyria ajouta :

« Je ne pouvais pas propulser un inconnu ou une personnalité de l’opposition à la tête du gouvernement. Appeler Emalia Kira comme ministre était déjà un pari en soi, qu’elle accepte encore plus. Mais faire plus eut été une faute politique majeure vis-à-vis des soutiens de Valérion. Il me fallait donc quelqu’un qui l’avait soutenu, d’implanté au Sénat pour contrebalancer le fait que je ne le suis guère moi-même, et si possible de l’ancien gouvernement. Voilà qui restreint considérablement le champ des possibles.

Et bien sûr, quelqu’un de prêt à travailler avec une jedi... Evidemment, tout en n’ayant pas une kyrielle de casseroles judiciaires derrière soi. Pour le coup, avouez que le cheptel de candidats se restreint encore plus.

Pour finir, bien entendu, une personne en qui je pourrais avoir une certaine confiance, et là, je ne vais pas vous mentir, à vrai dire, il y a une part de coup de poker dans votre nomination. Vous êtes connu comme étant quelqu’un de travailleur, en témoigne votre impressionnant ouvrage sur le Pacte Social, mais prêt à venir en aide à la République au pire moment… Oui je n’ai pas oublié Flydon Maxima.

En résumé, c’était ou vous, ou Maître Vorkosigan. Et deux jedis à de tels postes ? Hors de question. Voilà qui résolvait facilement la situation.

Oh bien sûr, j’aurais pu choisir l’Amiral Fenter aussi, il connaît les arcanes, c’est une figure respectée… Mais vous êtes la deuxième tête de la LMP, et même si parfois ce dernier semble l’oublier, les soupçons qui pèsent sur Ragda Rejiilic ne sont pas forcément, actuellement, le genre de choses qui rassurent beaucoup. Sans compter cette absence subite pour raison médicale.

Or, concrètement, avec Janos hors course, Valérion et Ion morts… Le RR va se disloquer. Il ne reste donc que deux grands ensembles à peu près structurés : les suivants d’Emalia, et la LMP… Plus le reste, qui regroupe en fait une part très importante du Sénat, et qui va suivant son gré.
Votre choix est donc essentiellement politique, je ne vous le cache pas. Même si à titre personnel, j’apprécie le courage dont vous avez fait preuve pour porter le Pacte Social, et le fait que vous étiez sans doute l’une des rares personnes à être prêt à ne pas faire n’importe quel coup bas pour éliminer vos rivaux du précédent gouvernement.

Je pense que vous êtes quelqu’un sur qui la République peut compter à l’heure actuelle. Et je peux parfaitement me tromper. Mais de toute façon, au point où nous en étions, il fallait trancher. Je l’ai fait en votre faveur. Pour le moment, j’ai eu l’impression de ne pas m’être trompée. »


De toute façon, seul l’avenir le dirait, n’est-ce pas ?

« Je crois qu’après cette explication très terre à terre, votre réponse quant au pourquoi de votre acceptation ne pourra pas être pire. »

Enfin elle disait ça, mais en politique, on n’était jamais sûr de rien. Les derniers événements l’avaient entièrement prouvé. Un peu trop à son goût, d’ailleurs.
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Bien que cela ne fut pas particulièrement surprenant, le pragmatisme d’Alyria n’en fut pas moins agréable. J’avais face à moins quelqu’un qui avait parfaitement conscience qu’elle n’était pas à un poste de pouvoir, à jouir d’une puissance infinie et d’une mainmise sur la République. Non, Alyria savait qu’elle était dans une galère, et elle faisait comme tout le monde : elle ramait.

« Bigre, je suis donc ici par défaut ?! C’est atrocement vexant ! »

Fis-je avec un mauvais mime de l’offuscation, avant de me redresser.

« Mais ne jurez de rien, je pourrais encore vous décevoir. Pourquoi je suis Vice-Chancelier.. ? Pourquoi j’ai accepté.. ?
Je suis un discret bucheur, un arriviste qui a eu de la chance et qui mets la main à la patte sans rien dire, sans rien faire. On m’a demandé un Pacte Social, j’ai fait un Pacte social. Pourquoi, alors, me lancer dans cette arène, alors que je sais que dans deux mois, on criera partout dans les hautes’ des insultes sur moi ? Bah, au final.. Parce que je savais ce que vous me répondrez : « Eh, qui d’autre ? ». Je suis beaucoup de choses, y compris patriote. Lorsqu’on me demande d’être Vice Chancelier, vu l’actualité et mon parcours, je me doute bien que c’est un peu parce que je suis la dernière roue de secours, et que si c’est pas moi, ce sera personne de souhaitable. Et comme, excusez l’argument, avec une Jedi Chancelière, on part pas gagnant.. Bref, j’suis là parce qu’il faut bien que quelqu’un y soit. Autant dire que j’ai jamais eu aucune envie d’y être, que je rêve d’une cabane paumée avec ma canne à pêche, mais que ça m’empêchera pas de faire mon boulot jusqu’à ce que des élections soient faites.
»

Je croisais les mains sur mon ventre, pensif.

« Quelle belle paire, hein ? Un beau couple de canards boiteux. Ni vous ni moi n’aimons cette situation, nous dirigeons la plus grosse instance politique de la Galaxie, on risque de se faire incendier pour ça, et on l’aura même pas voulu.. C’est ironique. Si je voulais faire de l’humour noir, je remarquerai avec sarcasme que tous ceux qui ont voulu de trop devenir Chancelier ont finis assassinés ou emprisonnés. A croire qu’il faut ne pas le vouloir pour y être, et donc prendre le risque de tout faire rater..
Parce que c’est le risque, pas vrai ? Notre meilleur volonté ne fera pas de miracles, et on est quand même deux manches qui allons devoir improviser..
»

J’éclatais d’un rire lugubre, avant de tapoter accoudoir de mon fauteuil, et d’en sortir une bouteille de vin et une tasse de métal. Oui, Alan était toujours armé pour ce genre de situation. Un bon crû, en plus !

« Vous en voulez ? »

Je servis un verre –deux, peut-être ? Avant de soupirer, laissant planer un silence. Un petit silence qui laissait prendre conscience de nos positions respectives.

« J’ai l’impression qu’on m’a demandé de réparer la République en me filant un rouleau de scotch, des clous et un marteau.. D’ailleurs, en parlant de ce que j’ai, Alyria, on va mettre les points sur les i de suite.
Je suis parfaitement CONTRE l’idée de Jedi en politique, chacun chez soi, dirons-nous, mais je conçois parfaitement que vous êtes là par impératif, aussi je ne vous ferai pas chier sur ce point. Pour le reste, je suis parfaitement favorable à une coopération totale avec l’Ordre Jedi, nous aurons besoin d’eux face aux Sith, ils auront besoin de nous face à l’Empire. Pour le reste, je vous suivrais Alyria, tant que je peux. Mais mes idées sont celles de la LMP, du moins de MA branche de responsabilité dans la LMP. J’ai été un leader social et une main ferme en ce qui concerne la sécurité. Le pacte social traduira très bien ce que je suis, je pense, vous savez donc à quoi vous en tenir.
Parce que je suis chef de la majorité et de votre union sacrée, j’entends faire ce que je peux pour entendre toutes les opinions, et faire en sorte de ne pas être un abrutis qui fait un forcing social. Bref, vous connaissez ma conviction, et je tâcherai d’être ouvert.

Par contre, je suis du genre « normal », donc le front diplomatique, vous oubliez, si j’ai quelqu’un dans le nez, je lui rentre dedans, point. Je ne suis pas un politicien de formation, j’ai pas appris à faire des sourirs faux. Donc si vous avez un doute, laissez-moi hurler dans mon cabinet, loin des micros.

A part ça je brunche à 11h30 pile pour pouvoir dire que je suis occupé à l’heure du déjeuner, et sinon je suis pour les Naboomerang au Gulliball, et je soulève la majorité contre vous si vous soutenez une autre équipe.
»

Si l’on considérait l’absurde de la situation, j’aurai demandé à la Chancelière : « et toi, à quoi tu joues ? », sauf que là, tacitement, j’attendais voir si sur le long terme, on était compatible.. Oui, s’accorder pour dire qu’il faut eviter que le bateau coule, c’est une chose. Mais bon.. Si c’est pour qu’on aille pas dans le même sens après.. Enfin, disons qu’il fallait voir si en plus d’y avoir maldonne, il n’y avait pas en plus fausse donne.

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Alyria devait se l’avouer : plus Alan lui parlait, plus les manières sans fard de son Vice-Chancelier lui plaisaient. Ce qu’elle avait entrevu du temps où ils n’étaient tous deux que simples ministres ressortaient maintenant pleinement, et il fallait reconnaître que cela avait quelque chose d’agréablement rassurant. Au moins, elle n’avait pas à composer avec un être aussi fat qu’arrogant qui se croyait soudainement sorti de la cuisse d’un dragon Krayt parce qu’il avait accédé à un poste de pouvoir. Bref, cette entrevue confirmait son impression première : elle avait fait le bon choix.

Avec un sourire amusé, elle ne put s’empêcher de relever l’une des phrases de son petit discours qui lui avait le plus plu :

« Si jamais vous avez de la place pour une deuxième personne dans votre cabane au bout de la galaxie, j’en suis. Croyez-moi, après tout ça, je ferais sans doute un très long voyage loin de Coruscant… »

Cela, elle se l’était jurée. Une fois son devoir accompli, peu importe ce qu’il se passerait après, elle s’en lavait les mains : elle partirait aux confins de la Bordure Extérieure, peut-être sur Dantooine, tiens, pour entreprendre une sorte de pèlerinage afin de se retrouver, de se ressourcer. Ce serait un voyage avec un but précis : elle-même, ou plus exactement l’Alyria Von maître jedi qui avait bien du mal à exister ces temps-ci et brûlait de pouvoir être à nouveau ce qu’elle préférait, soit une maîtresse d’armes aventureuse et ayant soif de connaissances. Pour le moment, elle était coincée dans ce maudit bureau. Mais cela ne durerait pas éternellement.

La remarque suivant d’Alan lui arracha un rire un peu caverneux, qui faisait écho à celui que le médecin laissa échapper. Si elle devait être honnête…

« Et dire que je me faisais la réflexion tantôt… Enfin, on pourrait dire que l’ambition se paye toujours. Mais ce serait sans doute injuste pour certaines des victimes des derniers jours.
De toute façon, nous pourrions tout réussir, il y aura toujours des mauvaises langues pour trouver de quoi redire. L’honnêteté en politique pèse bien peu de choses en face de la perspective de se faire connaître dans les médias ou même de grimper les échelons jusqu’à la plus haute marche du pouvoir.

Mon seul avantage en tant que Chancelière, c’est que je moque éperdument de perdre ce poste. A vrai dire, je ne présenterais à aucune élection, ma vie est en dehors du Sénat… Autant dire que finalement, rendre ce bureau sera un soulagement, ce qui implique que les critiques auront tendance à me passer au-dessus de la tête. Que ceux qui les émettent viennent prendre ce siège, et grand bien leur fasse. Personnellement, si on m’avait donné le choix, je serais restée tranquillement sur Ondéron. »


Un peu trop cru ? Peut-être. Mais honnête, définitivement. Il voulait savoir si elle avait envie de la Chancellerie ? Pardi, non ! Si elle continuerait…

« Attention, ne prenez pas ces paroles pour du défaitisme. Je resterais en poste jusqu’à ce qu’il n’y ait plus besoin de moi, qu’un Chancelier soit élu, et que le cours normal des choses reprenne, et ce, sans aucun état d’âme, au contraire même. Je suis prête à faire de mon mieux pour assumer la charge qui est la mienne, tout en ayant conscience du poids qu’elle représente.

Dire que j’ai endossé ce rôle avec joie serait mentir. Dire que je l’affronte avec enthousiasme serait un affront que je ne vous ferais pas. En revanche, dire que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour garantir que la République sorte victorieuse de cette crise, pour la défendre contre ceux qui veulent l’abattre… Cela je puis vous l’affirmer franchement. »


Pendant qu’elle avait donné ce petit speech, Alan lui avait proposé du vin, qu’elle refusa poliment :

« Non merci, je ne bois pas. Et non, ce n’est pas parce que je suis une jedi, certains de mes pairs ont des palais très sûrs dans ce domaine, mais tout simplement parce qu’avant tout ce remue-ménage, j’étais maître d’armes au Temple… Et en gros, pour être un escrimeur de haut-niveau, mieux vaut éviter ce genre de substance, exactement comme le ferait n’importe quel sportif. »

Il lui répugnait de devoir justifier de ces habitudes alimentaires, mais rapidement, elle avait compris qu’une personne qui ne fumait pas et ne buvait pas d’alcool était une exception dans ce milieu…

« A vrai dire, à chaque fois que j’ai rencontré un homme politique en tête à tête, ce dernier m’a proposé de boire un verre. J’en viens à me demander si la politique ne nécessite pas une certaine ivresse permanente pour réussir à garder la tête hors de l’eau. »

Le tout avait été dit sur un ton pince-sans-rire du plus bel effet. Enfin, apparemment, le temps de la plaisanterie était fini, à en juger par les paroles suivantes. A force d’entendre l’ensemble des politiciens répéter qu’ils étaient contre la présence de jedis en politique, Alyria allait finir par croire qu’ils avaient peur que l’Ordre ne vienne leur voler leurs sièges. Comme si les jedis en avaient envie… Enfin, cela dit, au moins Alan avait conscience que son but n’était pas d’asseoir une ambition quelconque.

« Si ça peut vous rassurer, je crois que ma carrière politique en forme de météorite va s’arrêter après ce passage à la Chancellerie… »

Sarcastique, elle ? Non, pensez-vous !

« En fait, les jedis n’ont jamais l’intention de réellement faire carrière, de se frayer un chemin dans l’organigramme républicain comme le ferait tout citoyen lambda. Ou sinon, ils quittent l’Ordre. De ce fait, vous ne verrez jamais un jedi sénateur, à moins d’un événement impromptu qui le force à faire l’intérim… Comme ce que je fais en ce moment.

Ceci pour dire que contrairement à une sorte de peur bien présente dans les rangs de Rotonde, non, l’Ordre n’a aucune envie de s’immiscer dans ses affaires. Ses membres interviennent ponctuellement, si un gouvernement en fait la demande. Et cela vaut pour tous les Etats respectant des valeurs que peuvent servir les jedis.

Si je vous dis cela, ce n’est pas pour faire un prêche quelconque, mais que vous compreniez un peu ma position, et pourquoi je suis là. Pourquoi le Ministre Vorkosigan l’est également. En résumé : si nos compétences sont utiles, nous agissons comme des fonctionnaires, la corruption et l’ambition en moins. Une fois notre mission accomplie, nous nous retirons. Ainsi, pas de risque de prise de pouvoir ou que sais-je. Ce qui explique pourquoi nous attachons peu d’importance aux critiques, ou à la durée de notre maintien à ces postes. Il est éphémère et non primordial. »


Après tout, autant rendre très claire sa position aussi. Qui au fond n’était pas exceptionnelle pour une jedi, mais disons qu’il valait mieux l’expliciter pour les personnes étrangères à son Ordre.

« Vous vous doutez qu’en tant que jedi… Mes opinions ne sont pas franchement antisociales… J’ai suffisamment parcouru la galaxie pour avoir côtoyé la misère et en avoir mesuré les effets délétères. En ce sens, à titre personnel, j’ai apprécié votre Pacte social.

En tant que chef de l’Etat, je ne me mêlerais que rarement de politique intérieure, et encore moins sur des aspects non régaliens, ce n’est pas mon rôle, mais le vôtre, et je tiens à vous le laisser. Cependant, sur ce point, vous avez mon soutien, et mon admiration.

Pareil pour la sécurité. Songez que j’ai passé plus de temps à pourchasser des criminels qu’à discourir sur tel ou tel législation devrait vous donner une idée de ma pensée sur le sujet. »


Elle était une gardienne, une maîtresse d’armes. Difficile donc de s’attendre à autre chose que quelqu’un ayant une passion sincère pour l’ordre.

« J’essayerais de m’occuper des sujets qui vous feront hurler dans votre bureau alors. Vous ferez de même pour ceux auxquels je ne comprendrais rien, et à nous deux, nous devrions nous épargner quelques belles séances de crises de nerfs. »

Enfin, il valait mieux l’espérer pour leurs santés mentales respectives. Au moins la fin de leur échange fut ponctuée par le retour de l’humour caractéristique de son Vice-Chancelier :

« Alors, nous dirons que je soutiens la même équipe que vous. »

Se calant plus confortablement dans son fauteuil, la première explication de texte passée, Alyria continua, sur un ton beaucoup plus détendu :

« En ce qui me concerne, je me lève vers 6h du matin pour faire un footing avant d’aller travailler, et l’ensemble de mon service de sécurité me déteste pour cela, car je finis toujours par les semer passé la rue Constipex XIII. Et avant que vous ne disiez quoi que ce soit, je compte bien continuer à faire cela aussi souvent que possible. C’est bien le seul avantage à avoir un maître jedi en tant que Chancelier. Nous sommes plus résistants aux tentatives d’assassinat que les civils sans défense occupés à prononcer un discours. »

Après cette déclaration, un silence tomba sur le duo, qu’Alyria ne chercha pas à briser. Puis, mue par une envie subite, elle finit par dire :

« Vous savez, j’ai conscience que je peux paraître comme quelqu’un de froid, et assez peu … Disons à même de mobiliser les foules. Ce n’est pas entièrement faux, et je le sais parfaitement. Vous êtes un peu mon contraire.

Mais au vu de nos places respectives, je me dis que ce n’est pas forcément un mal. Et puis… Avant d’aller plus loin…

Si vous avez des questions sur ce que j’ai fait avant… Tout ça, allez-y. Comme vous l’avez dit, nous nous connaissons mal. Essayons de faire connaissance, donc, en dehors de nos horaires de brunch et de footing respectifs. Parce que nous risquons de devoir travailler plusieurs mois ensemble, et que contrairement à certains de vos collègues, des rapports de pure domination de pouvoir ne m’intéressent pas franchement…

Pour le moment, je sais que vous avez été médecin, avez beaucoup d’humour, avec la fibre sociale, un certain franc-parler. Et sans m’avancer, vous devez penser que je suis une jedi, pas très emballée par son nouveau poste, qui tient à faire son devoir, que j’ai été maîtresse d’armes et que j’aime la course à pied.

C’est peu, non ? »
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« Il faut forcément boire de l’alcool pour garder la tête hors de l’eau, ma chère amie.. Et non, j’ai été élevé par des gens qui avaient le gout des choses agréables. Un verre de vin de temps à temps est un plaisir, par un antidépresseur. Mais je lèverai tout de même mon verre à notre optimisme désabusé, et à notre volonté imperméable ! »

Rétorquais-je, amusé. Mais le fond était vrai, mais j’avais à l’idée que sortir le grand cru pour frimer et endormir un peu son adversaire avec l’alcool étaient des buts conscients, et que ça n’avait rien à voir avec un réflexe salvateur pour se préserver des vices de la professions.. Non, la plupart d’entre nous, politiciens, s’assument pleinement en tant que fumier.
Quant à moi, après mon toast, je me remis confortablement dans mon fauteuil, ayant posé mon verre, reprenant un peu de sérieux.

« Ne faites pas fausse route, Alyria : j’aime beaucoup les Jedi. Je ne suis pas un sceptique qui vous attaque de son scepticisme, ou avec la peur qu’il a de ce qu’il ne comprend pas. J’admets que les Jedi existent dans une sphère qui me dépasse et qui n’est pas la mienne. Je suis bien content que votre Ordre canalise d’une manière aussi saine et profitable tous ceux qui sont sensibles à la Force. Mais j’estime, de manière générale, que votre formation vous rend inapte à comprendre et gérer les affaires politiques dans leur ensemble, et je doute que vous me contredisiez. Quant à vous-même ou au Maître Vorkosigan, nous sommes dans une situation de crise ou ce sont justement, d’une matière très temporelle, les qualités qu’on vous enseigne qui font défaut à la République. C’est bien pour ça que j’ai dit que je ne vous ferai pas chier : malgré le fait que vous soyez Jedi, vous êtes le genre de personne dont on pourrait avoir besoin, et le Ministre Vorkosigan aussi. Et c’est parce que vous le savez que vous êtes là.
Qu’il n’y ait pas de malentendu, je ne crie pas « Brulez la sorcière ! » en dehors de ce bureau.. Non, ce que vous me dites là, comme ce que j’ai déjà pu voir ne me font pas regretter de voir avoir apporté et de vous apporter encore mon entier soutient. Je sais bien qu’on a jamais eu envie de bosser à nos places respectives, mais il n’est pas impossible qu’a défaut d’aimer travailler avec et pour la République, j’apprécie au moins de bosser avec vous.
»

J’esquissais un sourire un peu blasé, comme si, au fond, c’était une maigre consolation. Mais fallait admettre qu’Alyria et moi étions plutôt un bon duo. Nos fonctions, de bases, nous le permettaient, mais nos caractères respectifs semblaient bien s’accorder pour éviter les redondances, les clashes ou les couacs. Elle serait là où je ferai mieux de m’abstenir, je serai présent là où elle ne pouvait mettre les pieds, et nous ferions front commun là où la République je saurais survivre sans sa paire de guignols.

« Eh, JP ! J’ai un taff de merde avec des horaires nazes, je supporte aucun de mes collègues, je gère des conneries à plus savoir quoi en faire et si j’me plante, c’est le merdier dans la Galaxie. Mais la patronne est super sympa ! En plus je sais même pas comment s’est payé, Vice-Chancelier.. »

Je me laissais aller à un rire sincère, décompressant : après tout, cette caricature était réellement proche de la réalité, et c’était bien ça qui savait provoquer cette hilarité, fruit d’un humour plutôt noir. Eh quoi ? Elle avait bien sous-entendu que tous les types crevés ces dernier mois l’avaient cherché, j’avais bien le droit à une petite dose de cynisme humoristique aussi !

« Jogging.. Bah ! Ce genre de chose c’est bon pour les bipèdes ! Et puis je m’en fais pas, hein. J’ai tellement peur de devenir chancelier que celui qui voudrait vous tuer finirait dépressif, parce qu’il est hors de question que je vous laisse crever. J’vous remettrais sur pieds autant de voir qu’il le faudra !
Et pensez bien que ce sera avec plaisir. Mon dernier patient Jedi était Léonard Tianesli, par rapport à lui, vous êtes extravertie et joyeuse.
Plus sérieusement, vous faites pas de bile. Je suis toubib, je sais comprendre les gens, et j’en ai suffisamment compris sur votre compte pour ne pas être inquiet que ce soit pour notre collaboration comme pour vos rapports avec la Galaxie. Lorsqu’il faudra un ton grave et sérieux pour rassurer, vous serez là, le reste du temps, je m’occuperai de faire le mariole. Mais vous êtes loin d’être un glaçon frigide ou une emmerdeuse avec un manche à balai dans le fondement, et c’est ce qui importe réellement. Après, que vous soyez plutôt armure renfermée que bas résille, je vois pas vraiment en quoi ça me concerne..
»

Je haussais les épaules : il était vrai que j’étais plutôt arrangeant comme garçon. Il était aisé de comprendre que j’avais vu de tout, pendant ma médecine, et que j’avais été forcé de m’accorder à des caractères plus qu’excentriques, que ce soit des patients ou des supérieurs. Aussi Alyria rentrait largement dans le spectre des gens qui étaient agréables à vivre : avoir vu bien pire m’aidait clairement à relativiser.

« Ce que je pourrais dire que moi ? Ma carrière est une vaste blague, ma vie ressemble elle aussi à une farce, donc il va falloir que vous précisiez ! Mais de mon côté.. J’avoue que je n’ai jamais cherché à comprendre de Jedi. Pour moi, les vôtres étaient une fonction, et je ne m’intéressais que peu à eux.. J’ai donc beaucoup de question idiote.. Est-ce que vous avez joué à la marelle étant petite, ou aviez-vous plutôt l’habitude de vous balader avec une assiette plate à faire tenir en équilibre sur votre tête ? En vérité, je me demande, surtout à présent que vous en dirigez une bonne moitié, comment vous voyez le monde ? Quel a pu être le passé justifiant cette vision.. ? »

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Tout en écoutant Alan la rassurer quant à ses vues sur les jedis, Alyria se leva et entreprit de se servir une tasse de thé. A défaut de boire de l’alcool, elle avait au moins la théine et la caféine pour se donner le coup de fouet nécessaire à la bonne gestion des affaires. Portant le récipient à ses lèvres et soufflant légèrement sur le liquide brûlant, la maîtresse d’armes observa un peu mieux son interlocuteur.

En fait, Alan Bresancion lui donnait réellement l’impression d’être quelqu’un de normal… Et en politique, c’était une surprise agréable. La plupart des sénateurs avaient tendance à polir leur discours au point que la langue de bois devenait une seconde nature chez eux, ou au contraire surjouaient la carte de la proximité avec le peuple pour faire oublier leur passé très privilégié. Le médecin en face d’elle n’était pas ainsi. Il ne jouait pas la simplicité : il la vivait. Il s’exprimait de façon normale, quoique logique, dans une sorte de patois scientifique souvent amusant. Cette manière d’être était très éloignée de la sienne, plus empesée, moins libre, sans doute en raison d’une différence d’éducation, mais elle lui rappelait avec étonnement et ironie certains de ses confrères gardiens avec leur façon d’aller directement au but et de ne pas s’embarrasser des circonvolutions chères à nombre de consulaires.

Peut-être était-ce pour cela que son Vice-Chancelier était l’archétype-même de la tête de turc parfaite pour de nombreux médias proches des milieux du pouvoir. Il était d’un monde différent, et pire encore, ne cherchait pas à le cacher, continuant à parler comme il vivait, avec cette force tranquille de l’homme du peuple qui a conscience qui son parcours tient plus du miracle que de la destinée et qui se contente de regarder la meute avec une sorte d’amusement pervers, comme un anthropologue étudie les mœurs d’une peuplade reculée après avoir essayé pendant des mois de s’intégrer.

Quant à ses arguments, ils se tenaient, et avaient au moins le mérite de reposer sur autre chose que les litanies qu’on lui servait à base de guerriers religieux et autres bêtises du genre. Elle pouvait respecter ce point de vue, et convenir qu’il avait raison sur certains points, sans forcément renier complètement certaines de ses convictions. C’était donc l’essentiel. Au vu de la personne qui était son meilleur ami, Alyria avait rapidement compris qu’être d’accord sur tout n’était pas obligatoire pour bien s’entendre : non, il fallait trouver quelques sujets sur lesquels s’entendre, et être suffisamment ouvert d’esprit pour être capable d’entendre le reste et d’en discuter sereinement.

Aussi elle finit par dire avec un léger sourire en coin :

« Vous me rassurez. Croyez-le ou pas, mais je ne suis pas particulièrement fanatique de l’idée d’un bûcher en place publique… Devoir l’éteindre me prendrait un temps fou. »

Son sourire se fit plus franc alors qu’elle ajoutait :

« Et pour le fait d’apprécier la personne avec qui je vais travailler… La réciproque est vraie. A défaut d’avoir fait campagne pour la tête de la République, montrons que l’exécutif n’est peut-être pas que le fruit d’une circonstance grotesque … »

Peu importait ce que pensaient certains sénateurs. Le peuple n’aimait pas ces jeux de pouvoir et ces haines à peine dissimulées sous le vernis de l’hypocrisie parlementaire. Oh bien sûr, il riait quand un de ces gladiateurs en tenue de gala chutait, mais pensait pis que pendre de celui qui l’avait trahi. Or, sans aucune ambition de réélection, Alyria se préoccupait davantage de l’impact sur l’opinion publique que de se constituer un socle électoral au Sénat. Cela ne signifiait pas qu’elle ne cultiverait pas ses alliances, non, au contraire même : pour les temps futurs, avoir des avocats dans la Rotonde servirait sûrement, mais simplement qu’elle ne perdrait pas de vue qu’elle gouvernait avant tout la République dans son ensemble, sa population, et non quelques individus triés sur le volet.

C’est pourquoi son duo avec le Vice-Chancelier devait paraître solide, pour qu’ils gouvernent de concert, et non en se tirant dans les pattes comme cela avait pu être le cas avec certains duos précédents, portés par l’ambition de l’un et les velléités d’asseoir son pouvoir de l’autre. Au moins, comme le lui confirmait Alan, pas de risque qu’il vise son poste, qu’elle aurait pourtant été prête à lui céder sur le champ le moment venu. Un politicien refusant avec véhémence la plus haute marche du pouvoir… Quelle étrangeté dans ce milieu de requins ! Cela attisait presque sa curiosité. Reprenant une gorgée de thé, elle laissa le liquide bienfaiteur couler le long de sa gorge et finit par dire :

« Je vous crois sur parole, et vous prends même au mot. Vous le constaterez assez rapidement, mais j’ai une tendance nette à attirer les ennuis. Enfin, je dis ça, mais au vu de la situation, je crois que vous l’avez sans doute déjà remarqué… »

Quant à son ultime remarque sur ses…. Préférences vestimentaires, elle lui valut de toussoter discrètement pour avoir avalé de travers le reste de sa tasse. Oui en effet, malgré toute la sympathie qu’elle pouvait éprouver pour Alan, elle n’allait vraiment pas aborder cela avec lui… Surtout que la réponse était quand même évidente : comme si une maîtresse d’armes jedi avait franchement le temps d’aller acheter de la lingerie fine…

Mais bien vite, elle mit un terme à ces pensées aussi parasites qu’inutile pour se concentrer sur les questions d’Alan…

« Eh bien, vous ne faites pas dans la simplicité ! »

La remarque lui avait échappé, mais il fallait reconnaître qu’elle n’était pas fausse en soi. Décidant d’évacuer le plus simple, elle répondit avec un brin de nostalgie dans la voix :

« Pour apaiser votre curiosité première… En vérité, j’ai sans doute dû faire les deux. A des âges différents cela dit. Mais je suis arrivée au Temple jedi à presque huit ans, soit longtemps après la majorité des jedis de mon âge. Etre née sur Hapès a rendu la détection de ma sensibilité à la Force plus… complexe. Plus dangereuse aussi sans doute.

Mais disons que j’ai sans doute joué à la marelle avec mes cousins, et même de temps en temps dans le parc du Temple d’Ondéron avec des amis. Et au niveau des exercices d’équilibre, j’étais parfaitement médiocre. Donc autant dire que si assiettes il y avait, elles ont dû passer plus de temps par terre sur ma tête. »


Bien, maintenant que le superflu était évacué…

« Pour le reste… Vous avez dit connaître Maître Tianesli non ? Nous avons le même âge et avons grandi ensemble. Pourtant, je ne crois pas me tromper en disant que nous sommes deux individus très différents, comme vous l’avez-vous-mêmes sous-entendu. En résumé, si les jedis partagent forcément, du fait de leur éducation, des valeurs communes, nos goûts, nos manières de faire, de vivre sont souvent aussi variées que nos caractères respectifs.
Je vois donc le monde d’une façon qui m’est à la fois personnelle, car elle découle de mon interprétation propre, et commune à ceux qui partagent une sensibilité à la Force, car nous ajoutons à la perception sensorielle et intellectuelle une autre dimension.

Pour vous donner un exemple, ce que vous voyez de moi pourrait se résumer à mon apparence physique, ce que je laisse transparaître en terme de personnalité, ce que vous connaissez de mes actes, de mon passé… En étant fin psychologue, vous pourriez émettre des hypothèses sur mon comportement, mes changements d’humeur…

Ce sont des choses que je vois en temps réel. Tandis que vous parlez, je peux percevoir nettement ce que vous ressentez, et si l’envie m’en prenait, mais par respect les jedis essayent toujours de contrôler au maximum leur sensibilité, je pourrais lire vos pensées, et savoir précisément ce que vous avez en tête.

En résumé, je vois donc le monde comme vous … Tout en ayant en main une donnée supplémentaire susceptible de m’influencer. »


Elle s’arrêta un instant, reprenant son souffle, puis continua :

« Bien sûr, cela vaut pour l’interprétation la plus basique de votre question. Pour le reste… je dirais que ma vision du monde découle assez directement de l’ensemble des influences que j’ai pu recevoir… Et j’ai eu la chance d’en avoir beaucoup.

Imaginez : des parents ayant eu le plaisir de boire un peu trop lors d’une réception et s’étant retrouvés parents en vivant dans deux Etats différents, avec trente ans d’écart et des vies presque opposées. Croyez-moi, il y a peu de points communs entre la Marine républicaine et l’entourage de la royauté hapienne. Et qu’il y a un monde entre la cour du Consortium, Coruscant et les allées du Temple jedi.

Cela force à relativiser un certain nombre de choses, à accepter qu’il y ait des formes systémiques diverses. Je ne dis pas qu’il ne faut en rien juger du fonctionnement desdits systèmes. Simplement … Que j’ai conscience que la vérité et la stabilité peuvent prendre de multiples formes… Et qu’aujourd’hui je me retrouve garante de l’une d’entre elles.

Après évidemment, sur un plan plus théorique, avoir été avant tout une femme d’action, aimant le terrain et ayant un certain penchant pour les voyages galactiques peut avoir influencé un certain pragmatisme et une volonté de taper du poing sur la table de temps en temps. J’ai toujours estimé qu’il y avait un temps pour discuter, et un temps pour agir, et que l’un ne devait pas se faire au détriment de l’autre. Voyez cela comme la conviction que les choses sont toujours en mouvement, et que si la précipitation est un défaut, il vaut mieux agir pour éviter que la galaxie ne continue de tourner sans vous.

Je ne sais pas si j’ai correctement répondu… Votre question était assez vaste, donc si vous avez autre chose à demander Alan, n’hésitez pas à préciser. »


Enfin, elle se tut, consciente d’avoir sorti un long monologue bien technocratique comme elle les aimait, avant de l’interroger à son tour quelques instants après cette pause salutaire :

« Je me demande… Les politiciens qui ne rêvent pas de la Chancellerie en se rasant le matin sont assez peu nombreux. Vous savez que je ne tiens pas à rester longtemps à ce poste, et je n’hésiterais sans doute pas à vous céder ce bureau. Vous pourriez alors mener les réformes qui vous tiennent à cœur à terme…

Pourquoi ce… manque d’ambition si éloigné de la politique ? »
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« Parce que je ne prends plus le temps de me raser le matin, ce qui fait que j’oublie de penser à conquérir le monde. »

Après un bref rire, je terminais mon fond de verre avant de me caler confortablement dans mon fauteuil, envisageant ce que j’allais bien pouvoir lui répondre… Bref, le temps d’envisager, gagnons du temps !

« En tout cas, ça fait une bien grosse réponse. Dans le genre simplicité, z’êtes un sacré cas aussi. Mais j’aime. Je sens que malgré nos horizons éloignés, nous partageons un trait de caractère commun. Je suis avant tout un scientifique et un médecin. Ce qui implique un besoin rationnel de méthode, et une empathie certaine. Allier le gant de fer et la main de velours. Nous sommes différends sur presque tous les points, au final.. Sauf sur l’aboutissements de nos différences. Nous avons l’un et l’autre qu’il faut parfois serrer la vis. Nous ferons du bon travail.. »

Je tapotais le bras de mon fauteuil, pensif.

« Je n’ai pas fait une école de gestion ou même une faculté de droit, Alyria. Je suis arrivé dans la politique par hasard. Ce qui implique que j’ai une vision citoyenne du pouvoir. La Politique se doit d’être le moyen accordé par un peuple pour le gérer au mieux. Notez que cela concerne aussi bien la démocratie que la servitude volontaire des monarchies et dictature. Dans tous les cas, la politique consiste à prendre soin du siège sur lequel on est assis.

Voilà la raison de mon coté atypique : pour moi, le pouvoir politique représente un pouvoir et un devoir offerts aux gens capables pour faire au mieux. C’est une vision qui exclut les mécanismes du pouvoir. On m’a donné un rôle, et je suis là pour m’y tenir. Si je progresse, ce n’est pas par ambition, mais parce qu’on m’a reconnu le potentiel de faire mieux, et donc on m’en propose la place. Enfin, presque. Je dirais que la seule raison qui pourrait me pousser à la chancellerie, c’est l’envie de prendre la place de quelqu’un avec qui je ne suis résolument pas d’accord.

Mettons la chose au claire simplement : je peux être redoutable dans mon travail. La gestion, la communication. Ce sont des qualités que j’aime. Bref : je sais bosser. Mais tout le reste m’est étranger. Je suis là où je suis pour étayer une vision, pas par ambition. Et ce qui m’arrête dans ma volonté de bien faire, c’est la conscience qu’il existe des postes pour lesquels le fait de savoir bosser ne suffit pas, il faut savoir se vendre. C’est triste, Alyria, mais nous sommes invendables. Donc il va falloir bosser, d’où le fait que je sois Vice Chancelier. Vice seulement : mon idéalisme ferait de moi un chancelier aux airs despotiques. Je suis convaincu que ma vision est la bonne.. Même si c’est pour la bien de la Galaxie, j’aurai surement tendance à un moment donné à vouloir imposer certaines choses pour le plus grand bien. Il est heureux que vous soyez au-dessus de moi, et que le Sénat me gueule dessus pour me rappeler qu’ils ont le droit de ne pas être d’accord.
»

Je haussais les épaules.

« La politique n’est pas mon choix, j’y suis pour honorer une promesse faite à Mme Natania, puis grâce à des circonstances étonnantes. Je n’ai donc pas le cœur à y progresser. Et je suis suffisamment intelligent pour savoir que mon caractère serait néfaste à la République ou contré par elle si je venais à avoir trop de pouvoir. Pour vous répondre clairement, Alyria.. Je suis un citoyen idéaliste et intelligent. Le citoyen ne veut pas être politique, l’idéaliste est assez intelligent pour savoir qu’il ne doit pas devenir un grand. Et Le citoyen idéaliste intelligent sait qu’il doit donc faire ce qu’il peut pour rendre cette Galaxie meilleure.

Le voilà mon secret, Alyria.. Je suis simplement là pour faire de mon mieux, au gré des opportunités qui me sont offertes. C’est pour cela que personne en moi ne voit un danger : je n’ai pas les dents longues. Si je suis là, c’est grâce au hasard. Par contre. Lorsqu’on me confie les commandes d’une voiture, il ne faut pas rester devant, parce que tant que je peux défendre mes idées, je fonce.

Le voilà, votre Vice Chancelier. C’est cette simplicité qui me rend complexe à comprendre : en vérité, j’ai rien à faire ici..
»

Je finis par éclater de rire face à l'absurde de ma déclaration. J'avais beaucoup de mal à parler de ma carrière sans en rire : tout avait été tellement... Imprévisible !

« Voilà voilà.. J'espère que vous me comprenez mieux ! »

Je regardais ma montre en soupirant.

« Enfin, je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Sauf si vous avez d’autres questions. Mais je pense que malgré cela, vous ne tarderez pas non plus.. Déjà que j’suis surchargé, alors vous, j’imagine pas.. Et pour être sincère, l’autre problème de ne pas être un politique. C’est qu’il a des choses que l’on prend à cœur. Je ne me moque pas mal de ce qu’on pense de moi, et de la plupart des attaques mesquines et maladroite. Mais il y a des tragédies et des évènements qu’on a du mal à digérer.. Et c’est parfois d’autant plus compliqué à gérer intérieurement lorsqu’on a une conscience qui vous répète qu’a présent, vous avez le pouvoir de changer les choses.. Donc j'ai grand besoin de mon repos.»

Je soupirais avant de me relever, canne à l’appui, signifiant que je n’avais pas très envie de m’attarder sur le sujet, et qu’après un tel aveux, je n’avais pas non plus forcément envie de faire comme si de rien était et continuer une conversation aux faux semblant anodins. Et puisque quelque part... Si Alyria était aussi peu politicienne que moi, elle comprendrait.


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Au moins, Alyria ne s’était pas trompée sur son diagnostic premier : Alan Bresancion était un oiseau rare, avec cette capacité à s’exprimer sans fard, et à avoir cette vision si lucide sur la politique et sa place dans le panier de crabe géant que constituait le Sénat. C’était bien la première fois qu’elle entendait un sénateur dire aussi franchement ce à quoi il devait sa réussite : la chance. Pas ses aptitudes, sa hargne, son ambition, sa naissance, mais la fortune seule. Evidemment, le hasard avait toujours son mot à dire dans les carrières publiques. Peu étaient ceux capables de s’en rendre compte, de l’admettre … Et d’en tirer une leçon aussi salutaire.

Le représentant de Naboo ne voulait pas la Chancellerie, car il savait ne pas être un garde-fou suffisant. C’était un dessein noble, finalement, auquel la jedi ne s’était pas nécessairement attendue. En un sens, les raisons du médecin étaient finalement semblables à celles qui faisaient que l’Ordre se tenait en dehors de la sphère politique républicaine, sauf circonstances exceptionnelles comme celles qui prédominaient ces dernières années et encore aujourd’hui, à l’heure où elle devait assumer un poste qu’elle ne désirait aucunement. Deux êtres voyant clairement qu’ils n’étaient pas fait pour le pouvoir, forcés de l’occuper … Oui, l’ironie de leur situation n’en était que plus douloureuse.

Bien sûr, elle était différente d’Alan Bresancion. Comment aurait-il pu en être autrement ? Ils n’avaient clairement pas eu la même enfance, la même éducation, les mêmes croyances, et même leurs caractères paraissaient aux antipodes. L’humain semblait homme à dire les choses sans fioritures, là où Alyria aimait enrober ses propos et ne quittait jamais totalement cet aspect guindé que le protocole hapien lui avait inculqué et qu’elle conservait encore après toutes ces années, ils avançaient avec la même certitude : celle de faire comme il pouvait, avec ce qu’ils pouvaient, au gré d’événements qu’ils ne contrôlaient pas. Alors oui, la maîtresse d’armes comprenait clairement pourquoi le chirurgien semblait si fatigué, pourquoi ce torrent de travail et d’émotions mêlées lui pesaient autant. C’était exactement ce qu’elle ressentait, cette impression d’impuissance et de pouvoir mêlée si difficile à contrôler. On appelait cela l’ivresse des hauteurs. Elle avait plus l’impression d’avoir les effets négatifs, sans les bénéfices. Peut-être était-ce là la rançon du manque d’ambition, être incapable de savourer la grâce des sommets pour ce qu’ils étaient, et non pour les devoirs qui les accompagnaient et paraissaient d’une lourdeur immense.

Alan Bresancion était humain. Et avait la sagesse de le reconnaître. D’admettre que le pouvoir pouvait corrompre l’idéal, d’en tirer une leçon, et de ne pas le convoiter par crainte que cette liberté subite ne le pousse à commettre l’irréparable. C’était un sentiment qu’elle comprenait, trop bien sans doute d’ailleurs, car elle le ressentait au plus profond d’elle-même, avec ce questionnement interne qui la bouleversait sans qu’elle n’ose le reconnaître : et elle, serait-elle assez forte ? Parviendrait-elle à éviter l’écueil que l’homme en face d’elle redoutait ? Qu’elle-même craignait et tentait d’éloigner en se donnant un code strict de conduite ? Que finalement, l’idéologie même des jedis désirait éloigner par ses enseignements ? Elle voulait le croire. Et nul doute que son Vice-Chancelier aurait suffisamment de présence d’esprit pour lui sonner les cloches si elle s’éloignait du bon chemin.

Avec un léger sourire, Alyria répondit à Alan :

« Bien sûr. Je comprends. En un sens, c’est réconfortant. Vous ne voyez pas que des chiffres, ou des ordres à donner … Mais les gens qui seront affectés. Qui vous affecte. C’est usant … C’est une force aussi. Du moins, je le pense. »

Tout en disant cela, elle s’était levée pour raccompagner l’humain. Avant qu’il ne parte, elle ajouta :

« Peu de personnes ont le courage d’admettre qu’ils ne sont pas forcément faits pour le pouvoir. Encore plus en ces murs.

Peut-être que finalement, vous avez plus en commun avec l’Ordre que vous ne le pensiez, mon cher Vice-Chancelier. »

Le tout avait été dit avec un ton amusé, comme une plaisanterie légère. Se tournant pour lui faire face, la maîtresse d’armes lui tendit sa main, avant de conclure, en ouvrant la porte :

« Ce fut un plaisir, Sénateur Bresancion. Et je ne doute pas qu’au vu de tout ce qui nous attend, ce ne soit que la première d’une longue série d’entrevue.

Mais je ne doute pas qu’elles seront toutes aussi constructives. »


Paroles faciles. Paroles réellement pensées. Oui, Alyria était persuadée qu’elle et Alan formeraient un bon tandem pour aider la République à traverser cette période de turbulences au mieux, la préparer à ce qui viendrait … Et se retirer quand le temps serait venu, quand leur devoir serait accompli. Cette certitude valait toutes les promesses du monde, car elle n’avait pas besoin d’une bête politique comme Vice-Chancelier, mais de quelqu’un qui saurait mettre ses ambitions de côté pour le bien de l’édifice qu’ils s’efforçaient de sauvegarder.

Oui, Alan Bresancion et elles étaient différents. Pourtant, ils partageaient le même but. Et c’était, finalement, dans ce tourbillon, l’essentiel, et le seul point de stabilité politique dont elle avait besoin pour avancer … et rendre la République à son lustre d’antan.
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