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«Alors, c'est vous ?»

Le visage crispé sous les stigmates d'une anxiété latente, Thorn Kelen venait d'arriver dans le petit couloir où il devrait officier. Des missions importantes, il en avait déjà eu plus d'une, pourtant. Protéger des personnalités de choix, c'était sa spécialité. Et cette fois, il aurait même dû se sentir plus à l'aise que d'habitude : c'était, au fond, un dossier assez simple ; son "protégé" demeurerait enfermé, ses déplacements seraient assurés par un système de contrôle efficace. Il n'y avait pas à s'inquiéter.

«Oui, c'est moi. Thorn Kelen, agent de sécurité personnel.»

«Bien. Vous avez reçu tous les documents et toutes les consignes ?»

«Oui. Ce n'est pas très compliqué.»

«Non, vous veillez sur lui toute la journée quand il n'est pas en déplacement. Et à 20 heures précises, votre collègue prend la relève pour la nuit.»

Pourtant, jamais Thorn Kelen ne s'était chargé d'une personnalité aussi importante, et encore moins dans une situation aussi critique : présomption de haute trahison, tout de même. C'est probablement ce qui le rendait si anxieux...

«Bon, je vous préviens : il vient de sortir de cellule psychologique, alors il ne faut pas trop s'étonner si son attitude est un peu... bizarre. Pour s'énucléer pour la simple et bonne raison qu'il a été démis de ses fonctions politiques, il faut être sacrément dérangé, quand même... Enfin, là, il est calme.»

S'énucléer. C'était le mot du moment. Depuis les quelques derniers jours, la presse toute entière ne parlait plus que d'énucléation à tout va, comme si la Galaxie s'était elle-même mise à tourner en orbite autour de ces deux yeux. Mais comme, dans ce monde, on aime le glauque pourvu qu'il soit adouci par le fard du politiquement correct, la presse était allé chercher ce terme dans un recoin obscur des holo-dictionnaires, le jugeant nettement moins sauvage que "s'arracher les yeux à pleine main", bien que l'on désignât exactement la même réalité à travers ces deux formulations. À la manière d'holo-tabloïdes comme "Ici Coruscant" ou "Plus près", la presse la plus sérieuse, du type "Galactic Holonews", versaient eux aussi dans ce goût pour l'anecdotique scabreux et violent, sacrifiant toute éthique journalistique à de bêtes exigences de mass-media.

Thorn Kelen s'approcha de la porte : une vitre teintée lui permettait de voir à l'intérieur sans être vu. Il était plutôt curieux, à vrai dire. Depuis que la presse saturait les informations de ces histoires d'énucléation, le garde du corps s'était peu à peu fantasmé un Lord Janos puissant, tragique, impitoyable dans son geste ; l'homme qui, au moment où la Chancellerie lui annonce son inculpation, déclare d'un ton altier, solennel et inébranlable : "puisqu'il en est ainsi, je vais m'arracher les yeux", et se les arrache sans pousser le moindre gémissement. Il fallait avouer que la manière dont les holo-journaux avaient tourné l'information ne pouvait qu'inviter la masse à s'inventer des scénarios plus théâtraux les uns que les autres.

Mais quand l'homme posa sur la vitre une pupille frétillante d'excitation, grande fut sa déception. À la place du fameux Lord Janos, fier, droit et martial qu'il s'était figuré, se tenait une sorte de vieux fou, d'autiste prostré, débile et inapte, assis dans un luxueux fauteuil, à fixer le vide de ses yeux inexistants que camouflait un bandage blanc. Un quinquagénaire démoli par la vie, sans présence ni consistance. Où était donc passé le politicien ambitieux et machiavélique dont on avait tant parlé, pourtant ?

* * *


La table... Le pot... L'autre fauteuil... Le mur... Et là ? Une forme... Mais quoi ? Ne pas se fier à la mémoire, tenter de n'utiliser que la Force pour identifier les éléments... Une forme plus complexe et plus déroutante, marquée par une prolifération de petites particules oblongues, toutes fermées d'une pointe, et toutes reliées à une sorte de mât, un piquet... Ah oui. La plante. C'était la plante. Le tronc et les feuilles, tout simplement.

Depuis les trois derniers jours passés dans cet appartement qu'on lui avait décrit comme luxueux, Lord Janos passait son temps assis, à se concentrer sur la Force, et sur la Force seule. L'Histoire recelait de Jedis et de Sith aveugles, qui ne se guidaient dans l'environnement qu'à l'aide de la Force, et les Mira'luka eux-mêmes ne se repéraient dans le monde qu'à travers elle. Mais c'était une activité nécessitant un entraînement dont il ne suspectait pas la difficulté. Chaque particule du monde avait sa singularité, et le regard totalement informatique qu'il y avait porté les trente dernières années n'avaient strictement rien en commun avec ce nouveau type de représentation, dépourvu de toute logique, de toute systématicité, vertigineux en son incessant foisonnement.

«Au moins, je ne m'ennuie pas.», se murmura-t-il à lui-même, sans réellement savoir si ce constat ironique lui apportait une quelconque consolation ou l'enfonçait encore plus dans son dépit.

Un bruissement métallique lui parvint aux oreilles. L'aura de Force dont il s'entourait désormais se brouilla d'un coup, brusqué par l'intrusion d'un corps en mouvement. L'image qui s'imprima en lui demeura très floue quelques instants, avant de se stabiliser en une forme que Janos identifia à un individu. Il se dit qu'il faudrait travailler tout particulièrement sur l'appréhension des mouvements. Une voix surgit soudain, accompagnée d'un fourmillement au niveau du visage - ses lèvres, elles bougeaient.

«Bonjour. Je suis Thorn Kelen, votre garde du corps personnel.»

Le Lord déchu ne tourna pas la tête vers le nouveau venu. Quel en aurait été l'intérêt ? Il ne le voyait pas, et en sentait la présence directement par la Force - un homme honnête et rigoureux, de ce qu'il en perçut.

«Ai-je vraiment besoin d'être protégé ?», demanda-t-il d'une voix presque tremblante.

«La procédure l'exige. Je ne fais que répondre aux ordres.»

«Bah, les ordres, la loi... À quoi bon ?», répondit Janos sans préciser s'il s'adressait à son gardien ou à lui-même. «Vous en avez fini ?»

Un silence embarrassé.

«... Pardon ?»

«Avec moi. C'est tout ce que vous avez à me dire ? Si oui, allez vous-en : je veux être seul.»

«Ah. Non, j'en ai profité pour me présenter, mais je voulais vous prévenir qu'un sénateur comptait vous voir.»

Le Lord haussa les épaules de dépit. L'axe de ses orbites désormais vides suivait une trajectoire qui allait s'écraser contre une toile abstraite, installée sur le mur en face de lui.

«Un sénateur, hein ? Il faut qu'ils voient ça de leurs propres yeux, hein ? Ils ne s'en sont pas encore assez délecté, les rapaces ! Quel sénateur ?»

«Grendo S'orn, le sénateur de Neimoidia.»

Sans son œil artificiel, Janos était désormais incapable d'identifier des individus de second ordre, comme ce Grendo S'orn. Son poignet numérique, encore fonctionnel pour sa part, lui afficha des informations relatives à ce politicien, mais sans aucun système oculaire pour le voir, la donnée se perdit dans le néant de son aveuglement.

«Et qu'est-ce qu'il vous a dit, ce Grendo S'orn ?»

«Sa présence est liée à des raisons judiciaires, si j'ai bien compris. Ce sénateur pourrait faire partie des jurés qui assisteront à votre procès.»

«Bon. Faites-le entrer. Et laissez-nous seuls.»
Grendo S'orn
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« Vous êtes sûr qu'il ne risque pas de me sauter à la gorge ? »

Le duo de Neimoidiens quitta rapidement le Bâtiment tôt le matin, passant sans même y prêter un seul regard devant les droïdes de maintenance occupés de rafraîchir les pierres qui pavaient la place du Sénat. Même les immenses statues qui bordaient l'avenue des Fondateurs du Noyau avaient été polies. Aides, assistants et quelques rares Sénateurs, tenues fraîchement lavées, coiffes soigneusement attachées, fourrures peignées et bottes cirées bordaient déjà l'entrée de la Rotonde. S'orn s'était très vite habitué à la vie mondaine qu'offrait Coruscant, la capitale de la République. Il se fraya un chemin parmi ses homologues et émergea au coin d'une grande rue. Ici, la foule était plus clairsemée que sur la place du Sénat, mais elle restait quand même assez dense. Quoi de plus normal pour une planète qui comptait un nombre aussi impressionnant d'habitant.

« Rassurez-vous Sénateur S'orn, il est sous étroite surveillance vingt quatre heure sur vingt quatre, au moindre problème la sécurité agira. » répondit Lyn Ornfray tentant de le rassurer.

Mais les efforts de son assistante ne servaient à rien, Grendo était inquiet. Nerveux même ! Suite au récent scandale politique mêlant Lord Janos à une affaire de Haute Trahison et relayé par la plupart des médias de la République, les conseillers du Neimoidien avaient immédiatement sautés sur l'occasion. C'était l'opportunité rêvée pour amener Neimoidia et ses colonies sur le devant de la scène politique. En jouant les bonnes cartes  au  bon moment, peut-être serait-il nommé parmi les jurés.

Alors qu'ils tournaient au coin d'une rue, Lyn Ornfray appela un taxi-airspeeder qui s'arrêta à leurs côtés. Les Neimoidiens montèrent à l'arrière et le véhicule fonça dans la direction indiquée par la jeune assistante. Le Sénateur S'orn s'efforçait de garder son calme et ce malgré les images terrifiantes qu'il avait vu sur la chaîne Galaxie 1 quelques jours sur plus tôt. Côme Janos arrêté sur Coruscant, portant un bandeau ensanglanté autour des yeux. Très peu d'informations avaient pu filtrer sur cette arrestation malgré les tentatives de nombreux Sénateurs d'en savoir plus. Le Gouvernement attendait probablement le jour du procès pour dévoiler plus de détails à la presse. Mais la curiosité de Grendo S'orn était sans limite et c'est justement cette même curiosité mêlée à de l'ambition qui poussa le Sénateur à vouloir s'entretenir avec Lord Janos en personne.

Il connaissait peu Lord Janos, du moins comme n'importe quel Sénateur aurait pu connaître un homme devenu Vice-Chancelier. Lyn Ornfray prit son datapad et pianota quelques informations rapidement sur son écran avant de le tendre à son supérieur. Le dossier complet de Côme Janos apparu à ses yeux, décidément que ferait-il sans sa compétente assistante ?  Oh il ne s'agissait là que d'informations banales, un bref petit curriculum vitae du politicien déchu mais il s'en contenta pour le moment. Le temps il en aurait largement pour compléter le dossier avant le procès, cette satanée lenteur administrative ...

.:.  .:.

Après avoir passé les différents postes de sécurité du bâtiment, les deux neimoidiens, escortés par trois militaires républicains arrivaient enfin dans le long couloir des cellules d'isolement. Derrière la plupart d'entre elles, se cachaient des personnalités de tout type aux crimes aussi variés que violent. Le Sénateur S'orn espérait ne jamais finir dans dans l'une d'elle, si bien qu'il préférait se suicider et mourir de sa propre main plutôt que de répondre de ses crimes.

Deux portes métalliques gardées par un duo de soldat coulissèrent dévoilant enfin le couloir où se trouvait Côme Janos. Au loin on pu apercevoir un homme en uniforme qui vint à leur rencontre. Il les salua.

« Sénateur S'orn, je suis Thorn Kelen, le garde du corps de Monsieur Janos. Je l'ai déjà prévenu de votre arrivée. Veuillez me suivre s'il vous plait. »

Le Neimoidien acquiesça sans prendre la peine de répondre et suivit l'homme jusqu'au fond du couloir.

« Vous pouvez attendre ici, je le rencontrerai seul. » lança-t-il enfin à son assistante qui n'eu même pas le temps de lui adresser un mot.

Ouvrant la porte au Sénateur, celui-ci se demanda si Thorn Kelen allait lui aussi participer à cette rencontre. Son assistante l'avait prévenu d'un système de sécurité assez élaboré, mais pas de la présence d'un garde du corps à ses côtés. De plus défendait-il Lord Janos ou ses supposés visiteurs ? 

Tournant un dernière fois la tête dans la direction de son assistante laissée au bout du couloir, il entra dans la cellule que Thorn referma derrière lui. Lyn Ornfray eu juste le temps d'apercevoir au loin, un homme assis sur une chaise, de dos, que la porte se refermait déjà.
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Tout comme pour le garde du corps, Lord Janos ne parvint à reproduire mentalement le physique du nouveau venu qu'au moment où ce dernier s'arrêta et se stabilisa dans l'espace : son esprit parvint alors à en saisir les contours, quoique encore flous, et à se restituer la figure d'un Neimoidien. Bien sûr, il n'avait pas beaucoup de mérite : le jeune homme lui avait dit quelques instants plus tôt qu'il s'agissait du sénateur de Neimoidia. Rien de surprenant, donc, à ce qu'il fût neimoidien de race. Mais cette petite expérience permit au Lord de saisir à quel point un aveugle devait se reposer sur toutes ces petites indications supplémentaires : l'ouïe, l'odorat, les explications d'autrui... Elles devenaient fondamentales à une appréhension logique du monde.

Autrefois, Janos se serait levé, aurait serré la main de l'arrivant en portant sur son visage un regard charismatique, et aurait aussitôt entamé la conversation pour se poser comme l'homme de la situation. C'est ce qui le rendait si terrifiant aux yeux des faibles d'esprit et si exaspérant aux yeux des autres charismatiques de son espèce. Il lui aurait également offert une collation, afin d'honorer comme il se devait les sacro-saintes règles de la politesse, se serait versé un brandy qu'il aurait siroté d'un air mondain en croisant les jambes et en inclinant la tête sur la droite.

Mais cette ère était révolue.

«Asseyez-vous. Ne restez pas planté là.», broncha-t-il sans tourner la tête, qu'il maintenait un petit peu trop en l'air, de cette posture propre à bon nombre d'aveugles.

Tout en identifiant dans la Force les mouvements de ce Grendo S'orn et en exerçant son ouïe sur le léger bruissements que ses pas imprimaient sur la moquette, Janos s'avança en avant, palpa la table à la recherche d'un petit paquet, manqua de le faire tomber quand sa main rentra en contact avec lui, mais parvint à le bloquer de deux doigts. Il le prit, l'ouvrit. C'était un paquet de cigarettes.

Pourquoi ce désir soudain de fumer, depuis ces trois derniers jours, alors qu'il n'avait jamais consommé auparavant ? Impossible à dire. Mais c'était un fait. Une étrangeté de plus. Au point où il en était, de toutes façons...

«Prenez-en une, si vous voulez.», dit-il en redéposant le paquet sur la table, prenant soin de bien viser.

Il s'enfonça dans le fauteuil, tout en dégustant l'étrange impression qu'imprimait la fumée dans son système respiratoire artificiel.

«Alors, alors... Vous êtes venu enquêter, c'est ça ? Pour vous faire une petite idée ? Bonne occasion de faire parler de soi, de vous mêler de toute cette... toute cette merde, c'est sûr...»
Grendo S'orn
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« Merci mais je préfère les cigares. »

Aussi loin qu'il s'en souvienne, Grendo S'orn n'avait jamais vu Lord Janos dans un tel état pitoyable. Figure emblématique du Sénat Galactique autrefois, voilà que devant lui se tenait un infirme, privé de ses yeux et par conséquent de sa capacité à pouvoir jouir des beautés dont recèle cette merveilleuse galaxie. L'idée d'être témoin de la déchéance d'un tel personnage aussi important de la République  soit-il, provoqua un léger sourire en coin sur le visage du Neimoidien. Bien sur il n'était pas le seul politicien à s'être fait retirer ses droits dans l'histoire de la République. Bien d'autres avant lui avaient été condamnés et ce n'était sûrement pas le seul à vouloir profiter de son rang pour s'enrichir ou acquérir plus de pouvoir. Mais c'était le risque du métier, parfois on se faisait attraper, parfois pas. Le plus important était de savoir en qui faire confiance.

« Toutes les occasions sont bonnes pour se faire remarquer au sein du Sénat Galactique, vous savez ce que c'est. » répondit-il en s'asseyant face au prisonnier qui expirait une bouffée de son produit nocif à sa santé.

« Il y a malgré tout une chose que vous n'avez pas perdu dans cette histoire ... » débuta-t-il avant de terminer sa phrase en croisant les jambes sur le côté « ... c'est votre notoriété. Les Médias ne parlent que de vous partout. »

Grendo ne savait pas si Côme Janos avait accès aux informations liés à l'extérieur. Peut-être que son avocat, si il en avait un, lui en avait touché deux mots mais une confirmation serait probablement la bienvenue. Malheureusement la popularité ne faisait pas tout et si les Stars de l'Holonet pouvaient se permettre quelques petits à côtés, les politiciens c'était une toute autre affaire. La corruption, le chantage, les faux témoignages, de fausses preuves, des pratiques trop souvent utilisées par nos amis les Sénateurs, le but était de rester discret. La discrétion avant tout.

« Que répondez-vous aux accusations lancées contre vous ? Je ne suis pas là pour vous juger monsieur Janos, uniquement pour écouter votre version des faits. » dit-il en tentant peut-être de le rassurer pour qu'il parle librement de ses méfaits.

Le Sénateur S'orn n'avait ni carnet, ni datapad, ni assistante, rien pour prendre des notes, seulement ses oreilles pour écouter et une bonne mémoire pour se souvenir de chaque détail énoncé par son interlocuteur.
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Somme toute, la question était amusante. Oui, amusante. Janos s'imagina un instant la réaction des media, de la presse, de la masse face à cette situation. Tous, ils devaient se poser cette même question : quelle était la vérité, dans cette affaire ? Le Lord n'avait pas accès aux informations : non qu'on ne le lui autorisât guère, mais en l'absence de véritables yeux pour regarder les images en face, il n'y voyait aucun intérêt. Et au delà de ce "détail" physique, il préférait laisser à son imaginaire le soin de se croire pleuré de la foule. C'était infiniment plus rassurant que d'affronter la réaction qui devait être celle du public en ce moment même : indifférence générale, avidité carriériste, goût malsain à contempler la déchéance d'autrui...

«Allons, allons...»

Lord Janos laissa s'échapper, nonchalamment, un petit nuage de fumée autour de son visage. Ses narines s'irritèrent au contact de la brume grisâtre qui se répandit un petit peu partout, jusqu'à ce que cette désagréable sensation s'atténuât, signifiant que la fumée s'était dissipée.

«Croyez-vous vraiment que je vais vous dire la vérité ?»

Nouveau nuage de fumée, nouvelle irritation.

«Formulons les choses autrement. Croyez-vous vraiment que la vérité soit réellement en jeu dans une telle affaire ? Que la vérité soit réellement ce que recherche la Justice ?»

Le ton qu'avait adopté l'ancien politicien était empreint d'un dépit cynique et résigné, auquel se mêlait une forme inédite et par là même tragique d'amusement.

«Ou même que la justice ait une quelconque relation avec cette affaire ?»

Il était affreux, insupportable de faire face à une vérité aussi immonde que celle-ci. En l'occurrence, le cynisme constituait au fond la meilleure manière d'affronter cette réalité, ou tout au moins de l'accepter comme telle. Janos n'était d'ailleurs pas innocent en matière de cynisme : il ne faisait que s'engouffrer dans des voies qu'il ne connaissait d'avance que trop bien. Hélas...

«Ce serait bien niais de votre part que de croire une chose pareille. Enfin, je ne suis pas contre l'idéalisme. Moi-même j'ai été idéaliste, il y a bien longtemps...»

Cette remarque fit resurgir, dans la mémoire du Lord, une image : la toute première fois où ce dernier s'était confronté à ce scélérat de Rejliidic, trois ans plus tôt, à bord de son cargo, lors de cette fameuse soirée où tout avait réellement commencé. Qui, à l'époque, aurait pu prédire que le Hutt et son rival se retrouveraient tous les deux dans la même galère, accusés de haute trahison ?

«Je pourrais donc, si cela me plaisait, vous affirmer que je suis innocent. Que tout ceci n'est qu'une conspiration menée par des rapaces à la Keyiën à mon encontre pour me destituer. Avouez que du point de vue de la vraisemblance, cette option se tient : après tout, il était légitime que je me trouvasse en compagne de l'Impératrice, attendu que je devais participer aux pourparlers de Flydon Maxima. Question que posera le juge, cependant : pourquoi m'aurait-elle divulgué certains de ses plans ? Eh bien ! Pour semer la zizanie au sein de la République : et c'est réussi, vous me direz.»

Le plus ironique, dans tout ceci, c'est que Darth Ynnitach avait effectivement réussi à inspirer bien des doutes à Janos, concernant Rejliidic. Il n'avait jamais su quelles étaient les véritables relations qui rattachaient le Hutt à la Dame Noire, mais ce qu'elle lui avait dit avait largement suffi à le convaincre de la culpabilité du ministre. Dommage qu'il n'ait jamais su la prouver... Il n'en serait pas là, sinon.

«Amusons-nous, maintenant, à mettre un poids de l'autre côté de la balance. Serait-il vraisemblable que je sois effectivement coupable ? De fait, mes motivations pourraient permettre de le croire : j'aurais souhaité mettre fin à la carrière de Rejliidic. Et d'ailleurs... à bien y réfléchir... c'est le seul argument qui soit recevable. À moins que vous en voyiez d'autre...»

Non, toute réflexion faite, Janos lui-même ne parvenait pas à envisager d'autres possibilités tenables. Ce qui rendait la situation assez cocasse, au fond... Ah, vraiment, la vérité n'avait rien à voir avec tout ceci. Mais quand elle resurgirait... Si elle resurgissait...
Grendo S'orn
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Atteint, dingo, dément, cinglé ou tout simplement fou. Autant d'adjectifs qui pouvaient déterminer l'état mental du pauvre Côme Janos. L'homme ne tentait même pas de se défendre, ni même de sous entendre son innocence. Il n'avouait pas être coupable non plus, si ce n'est d'avoir souhaité mettre fin à la carrière du Hutt Rejliidic. Oh il n'était pas rare d'observer ce genre de conflit entre politiciens. La plupart étaient atteint d'une ambition souvent démesurée, capable de tout et n'importe quoi pour garder le titre qui était le leur. On aurait pu facilement les traiter de pourris, c'est ce que beaucoup de citoyens n'hésitaient pas à faire d'ailleurs. Mais intégrer le Sénat de la République avait le don de changer n'importe quel individu. Les plus faibles ne restaient jamais bien longtemps dans ce qu'on pouvait comparer à une arène où joutes verbales, insultes et critiques fusaient de toute part.

« Vous savez bien que tout ce qui touche à l'Empire Sith est un sujet assez tendu au sein du Sénat, Monsieur Janos. Et je ne doute pas que la Justice apprenne un jour la vérité sur toute cette affaire. Reste à voir si cela arrivera avant, pendant ou après votre procès. »

Le Neimoidien parlait d'un ton tout à fait neutre. Pour lui Côme Janos n'était qu'un vieux fou qui en plus d'avoir les yeux, avait perdu quelques neurones. Il ne connaissait rien de l'homme en face de lui si ce n'est son parcours politique exemplaire. Peut-être serait-il encore Vice-Chancelier si cette affaire ne lui avait pas retiré tous ses droits d'homme libre.

« Quand à savoir si la vérité est réellement ce que recherche la Justice, je n'en sais rien. Peut-être va-t-elle se servir de vous comme d'un exemple. Peut-être même l'issue de votre procès est-elle déjà connue. Pour vous avouer je ne sais pas. Le Chevalier Jedi Halussius Arnor a été nommé Juge Suprême, il sera chargé de votre procès. C'est lui et lui seul qu'il faudra convaincre de votre innocence. »

Aucune compassion pour le prisonnier. Après tout Grendo S'orn n'était pas là pour ça, il n'était nullement son avocat, seulement un Sénateur très curieux qui s'était senti obligé de venir voir de ses propres yeux Lord Janos en personne. Une curiosité malsaine que peu de gens partageaient.

« Je ne peux pas vous obliger à avouer vos crimes Monsieur Janos. Mais écoutez bien mon conseil, à ce stade vous n'avez plus rien à perdre. Vous avez déjà tout perdu, votre fortune, votre statut de politicien, votre liberté, la République toute entière a les yeux braqué sur vous, sur votre procès et il y a très peu de chance que vous en sortiez vivant ... Alors à quoi bon gardez des secrets si ce n'est pour maintenir encore un peu plus le mystère autour de cette affaire ... »

Pour la première fois depuis son arrivée dans la cellule, S'orn jouait carte sur table. Le pauvre Côme Janos avait tout simplement perdu la tête et le Neimoidien commençait à penser qu'il perdait son temps. L'état mental du Lord déchu était trop avancé pour être sauvé. Inutile donc de rester plus longtemps, il se leva lentement.

« A moins que vous ayez quelque chose d'intéressant à me confier, je ne vois pas pourquoi je resterais plus longtemps. J'ai un agenda très chargé. » dit-il dans une dernière tentative de faire avouer le futur condamné.
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Spoiler:


"Monsieur Janos". En s'entendant attribuer un tel titre, "Monsieur Janos" ne put réprimer le petit sourire narquois qui vint s'imprimer sur ses lèvres. Déjà que son prénom, "Côme", l'exaspérait... Mais alors "Monsieur". Non, décidément, non. "Lord" n'était plus au goût du jour, il est vrai, mais il préférait encore qu'on l'appelât impoliment par son nom de famille, "Janos", plutôt que de l'affubler de ce titre ridicule et hors de propos.

«Rien à perdre, comme vous dites... Non... C'est à méditer...», dit-il d'un ton faussement hésitant, adressant cette remarque à sa propre personne davantage qu'à son interlocuteur, et faisant preuve d'un narcissisme assez déroutant.

Il savait à quel point son attitude pouvait paraître exaspérante, et à vrai dire, il tirait un malin plaisir à laisser mariner le sénateur de Neimoidia en lui laissant entendre qu'il n'était pas innocent, mais qu'il ne dirait rien. D'ailleurs, en ce moment-même, il devait être sur écoute : narguer ainsi la sécurité représentait pour lui le seul résidu de plaisir qu'il pouvait encore tirer de cette désespérante condition.

«Ça vous énerve, hein ? Que je ne révèle rien... Ça vous exaspère, non ? Je dis : vous... Vous : individuellement. Et vous : tout le Sénat ! Mais croyez-moi, "Monsieur S'orn"...» (Il appuya le terme "Monsieur" d'un ton moqueur et persiffleur.) «Croyez-moi, le jour où la vérité éclatera, le jour où la lumière se fera, toute la République sera mise à mal. Oh, ça, oui... Ce sera... Un ouragan politique ! Un ras-de-marée ! Ah-ah !»

Il prononça ces mots comme le ferait une sorte de maniaque, de sadique heureux de causer du mal sur une innocente victime. Sous le sourire malsain qui prit vie sur ses lèvres, ses dents scintillèrent d'un blanc rappelant le visage d'un psychopathe.

«Oh... Mais je lis d'ici votre pensée... "Il est fou", vous vous dites. "Il délire !" Eh bien, non, il ne délire pas. Nous ne délirons pas. Nous sommes entraînés dans une pente où pourrait bien glisser la République tout entière. Oh, oui, oui ! Nous en avons la capacité, vous savez ? Nous le pouvons, oui, oui ! Ah-ah !»

Et tandis qu'il... qu'ils formulaient cette idée, une pensée lui vint... leur vint. Oui, ils en avaient la capacité. Janos... Deinos... Le masque finirait par tomber. Et quand il tomberait...
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