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Après le Chancelier, le Vice-Chancelier... Franchement, je suis surprise. Jamais je n'aurais imaginé que ça s'enchaînerait si vite, que je verrais défiler toutes ces petites têtes de politicards d'une seule et même flopée... C'est que ma carrière commence à déjà atteindre des sommets, là... Et vu mon âge, je dois bien le dire (en toute modestie, hein) : je suis quand même quelqu'un de hors du commun. Bon, ok, cette émission-là ne va pas recevoir un audimat à faire bander une super-star - trop précis, trop technique : les citoyens s'en foutent totalement, de ces histoires de Constitution. Mais quand même, j'ai ma petite victoire...

«Graciozi, j'ai besoin de vous pour passer Janos à tabac.», qu'il m'a sorti, le boss. «C'est pour notre programme spécial Constitution. Z'êtes la plus audacieuse de toute l'équipe, et c'est ça dont j'ai besoin : de l'audace. Lâchez-vous, surtout. Je dis ça, je dis rien, mais... Vice-Chancelier, dans l'état actuel de la Constitution, y a pas plus mouroir, comme poste. À moins que vous n'aimiez donner la parole à des sénateurs enragés et vérifier si la loi est valide ou pas. Et, à la rigueur, Janos est assez psychorigide et assez parano pour aimer jouer aux grands législateurs, mais venant de lui, ça m'étonne quand même. Ce type est un ambitieux : s'il a accepté ce poste, c'est pour récolter le gros lot avec l'amendement constitutionnel. Faites le calcul : chef de Gouvernement, c'est ça qu'il sera, si ça passe. Oui, madame ! Chef de Gouvernement. Ce qui, entre nous, est carrément plus stimulant que de jouer au guignol sur la nacelle du Chancelier. Bref, Janos a préparé son coup d'avance, et il sait ce qu'il fait. Ceci étant dit, vous avez les cartes en mains : à vous de jouer !»

Bam ! Je n'y avais pas pensé, perso. J'avais noté le paradoxe : Vice-Chancelier, ça, oui, c'est une putain de grosse impasse dans une carrière politique. Surtout en reniant son titre de sénateur, d'ailleurs. Mais de là à voir si loin, oui, bien joué. Et bien joué, le boss, aussi, d'avoir su déjouer ce plan...

Me voilà donc sur le plateau holo, sobrement et élégamment vêtue de mon éternelle robe noire. Face à moi, Lord Janos. Nous ne nous sommes pas échangé un mot : un simple hochement de tête a fait l'affaire pour se saluer. Le compteur qui trône au dessus de nous annonce trente secondes avant le lancement de l'émission. Je jette à mon futur interviewé un regard de rapace prêt à sévir, amusée d'avance par le challenge que ça va représenter pour moi. Autant le tête-à-tête avec le Chancelier avait surtout flatté mon petit ego, autant cette rencontre holovisée avec le Vice stimule et ma curiosité et ma pugnacité. Ce type est une vipère : une véritable machine, capable de tout broyer sur son passage, pourvu qu'il y gagne. Un vrai salopard, quoi. Comme tout politicard, on pourait dire, mais avec cette froideur en plus, ce machiavélisme à vous faire frémir, et ce parcours totalement dingue consistant à passer d'un extrémisme quasi anti-démocratique à ce poste-tremplin (enfin... potentiellement tremplin, si tant est que la loi passe auprès des votants). Une forte tête, quoi, et ça me plaît : la vipère de métal a réveillé le rapace qui sommeil en moi. Fight !

5... 4... 3... 2... 1... C'est parti !

«Côme Janos, bonjour. Vous êtes devenu Vice-Chancelier à l'issue des toutes dernières élections. Vous soutenez la réforme constitutionnelle que compte proposer le Chancelier Scalia aux sénateurs. Et vous voilà aujourd'hui sur le plateau de Galactic Holonews pour nous éclairer sur votre position quant à cet amendement.»

Voilà qui est fait. Au cas où un holo-spectateur ne saurait pas de quoi il s'agit (ce qui arrive bien plus souvent que ce que daigne croire le monde journalistique). Légère pause pour ravaler ma salive, et c'est reparti !

«Tout d'abord, il semble que votre nom soit souvent associé à des propositions de réforme constitutionnelle. Il y a maintenant quatre ans, peu de temps avant la Débâcle d'Artorias, vous défendiez une République bien plus autocratique, où tout homme politique devrait faire allégeance au Chancelier. Vous avez même envoyé une ébauche d'amendement où vous proposiez une série de retouches à la Constitution actuelle. Y a-t-il une continuité entre ces deux programmes ? N'avez-vous pas trahi vos anciens idéaux en défendant désormais ceux de Valérion Scalia ?»

Tac ! Round 1 engagé ! J'attends de voir sa réponse, maintenant...
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Lord Janos avait parfaitement conscience qu'il avait pris un gros risque, en se proposant comme Vice-Chancelier. Certes, son influence sur Kal Nomos, le ministre de l'industrie, lui permettait de prendre part aux décisions gouvernementales, et en particulier de faire concurrence à Rejliidic. Mais ce n'était guère suffisant : il suffisait que Kal Nomos se montrât moins docile, que l'on procédât à remaniement ministériel... et c'en était fait. Le Lord avait donc besoin de la réforme proposée par le Chancelier Scalia : si celle-ci était ratifiée, Janos deviendrait Chef du gouvernement. Bref, il savait qu'il avait gagné un certain nombre de combats, mais pas encore assez. Jamais assez, au fond.

D'autre part, la fonction d'Orateur Sénatorial avait une fâcheuse tendance à le museler. Offrir la parole aux sénateurs, faire maintenir l'ordre dans les débats, se poser comme un médiateur, un arbitre... une fois terni le sentiment de puissance qu'elles procuraient, toutes ces prérogatives n'avaient d'intérêt qu'un temps. Plusieurs fois déjà, lors d'une assemblée, Janos avait trépigné d'excitation, désireux de prendre part aux discussions. Mais il n'en avait plus la possibilité, désormais. Et il les voyait, tous, débiter leurs âneries, tandis que lui devait se résigner à se taire. Non, cette situation ne pourrait pas durer un mandat entier. Bref, ce n'était pas assez. Jamais assez.

D'où l'abondante campagne médiatique que Janos décida de mettre en place de sa propre initiative. La Constitution actuelle le muselait peut-être au Sénat, mais la liberté d'expression lui permettait de parler partout ailleurs, et devant la presse en particulier. Après toutes ces années passées dans la sphère politique, les contacts ne manquaient pas. Aussi n'eut-il aucune difficulté à organiser divers meetings et conférences de presse, où il défendit avec hargne la réforme proposée par le Chancelier (et dont il était en bonne part l'initiateur). Mais il fallait aller encore plus loin. Somme toute, seuls les politiciens, les bureaucrates et les journalistes accordaient un tant soit peu d'intérêt aux meetings. En revanche, lorsqu'on désirait toucher les citoyens, leur apparaître vraiment, il n'existait qu'une solution : l'écran.

Galactic Holonews n'avait pas rechigné à lui réserver un plateau holo. Ce journal, l'un des plus sérieux, était toujours à l'affût de rencontres en direct avec des personnalités politiques majeures. Il fut donc aisé d'obtenir une interview, et voilà comment il se retrouva face à cette jeune journaliste, à devoir justifier son comportement (bête question de routine, d'ailleurs).

«Bonjour. Tout d'abord, merci beaucoup de m'avoir invité.

Eh bien, effectivement, depuis longtemps, je désire transformer la République en profondeur. Il y a quatre ans, j'étais seul à le vouloir. Aujourd'hui, le Chancelier en personne désire mettre en œuvre une réforme de la Constitution. Je ne pense donc pas m'être trahi, non. Au contraire, la situation actuelle est le fruit d'un combat que j'ai entamé et qui a été poursuivi par bien d'autres.

Alors, bien entendu, il a fallu transformer, affiner, préciser. Mais si vous analysez mon ancienne proposition et celle que je défends actuellement, vous retrouverez toute une série de correspondances, qui prouvent à elles seules la continuité entre les deux. En particulier, le rejet d'une République dominée par des bureaucrates et des politiciens véreux, dans un souci de promouvoir une citoyenneté responsable et investie de ses devoirs. Et par là-même, l'ambition de réduire le pouvoir des sénateurs au profit du vote direct. D'autre part - mais c'est lié -, la volonté d'harmoniser la République autour de valeurs communes, et de mettre fin aux antagonismes entre le Noyau et les systèmes périphériques. La seule différence, c'est que le système rigide auquel je songeais initialement peut voir son efficacité largement augmentée sous la forme fédérale.

En un mot, non, je ne me suis pas trahi. Mes idéaux demeurent les mêmes, mais, avec le temps et la pratique, ils se sont assouplis et adaptés à la situation de la République. Je dirais même : ils ont cessé de n'être que de simples idéaux, pour devenir de véritables possibilités.»
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HRP : Dialogue fait par MP.

«Vous vous posez donc comme l'initiateur de cette mouvance...»

«L'initiateur, oui. Bien sûr, je ne suis plus seul, maintenant, et il serait très orgueilleux de m'accorder tout le mérite de cette réforme. Valérion Scalia a énormément fait pour elle, et une grande part lui revient. Pour résumer les choses simplement, j'en suis l'initiateur et le Chancelier en est le moteur.»

«Parlons-en, de Valérion Scalia. Certains de vos opposants n'hésitent pas à critiquer l'accueil des réfugiés d'Artorias comme un acte politique destiné à vous renforcer votre influence. Or il est vrai que certains éléments concordent. Auparavant, vous étiez seul. Mais depuis la ratification des accords d'entraide exceptionnelle, votre influence a considérablement grandi. Est-ce un hasard ?»

«Vous m'accusez d'avoir utilisé ces accords pour donner du poids à ma volonté de réforme...»

«Je n'accuse pas. Je ne fais que vous poser une question, que d'autres ont posée avant moi : quelle relation y a-t-il entre l'accueil d'Artorias et votre proposition d'amendement ?»

«Eh bien... Vous l'avez dit vous-même : ce sont mes détracteurs qui utilisent ce type d'argument contre moi. Mais en tant que journaliste, vous devez connaître la distinction entre fait conjoncturel et fait structurel. Les rapports entre les accords d'entraide et le projet de réforme sont purement conjoncturels : certes, c'est une suite d'événements immédiatement ; certes, ils sont liés entre eux. L'un a peut-être facilité l'autre - et encore, dans quelle mesure ? même un éminent politologue ne saurait y répondre. Mais à mes yeux, il est bien plus intéressant de "dézoomer", de ne pas envisager les informations uniquement comme des micro-unités, mais de voir plus loin. Bref, de raisonner d'un point de vue structurel. Pour parler plus clairement, à eux seuls, les accords d'entraide n'auraient jamais pu permettre à un Chancelier d'avoir l'opportunité de modifier la Constitution. Pour qu'une telle proposition fût possible, encore fallait-il que la République fût prête à se transformer, à évoluer, à progresser... à évoluer structurellement. Bref, connecter un simple fait à un autre fait ne suffit pas à expliquer comment la situation actuelle est devenue possible. C'est une évolution sur un long terme.»

«Évolution à long terme dont vous êtes l'initiateur, comme vous nous l'avez expliqué... Mais alors, quand vous avez engagé votre projet de réformes, il y a quatre ans, vous supposiez déjà à l'époque que ce processus se mettrait en place ?»

«Je l'ai pressenti, oui. Mais à l'époque, certains n'hésitaient pas à me faire passer pour un idéaliste, voire pour un fou. Ils ont la preuve, désormais, que j'avais vu juste.»

«Visionnaire, donc... De fait, votre capacité à envisager les choses sur le long terme est impressionnante. Mais alors, quand vous avez accepté le poste de Vice-Chancelier, avez-vous également raisonné sur le long terme ? En termes de structure, et non de conjoncture, justement ?»

«Que voulez-vous dire ?»

«Je m'explique. Dans la nouvelle Constitution, le poste de Vice-Chancelier se trouve augmenté par des prérogatives bien plus importantes qu'actuellement. En particulier, si la réforme est acceptée, vous deviendrez Chef du Gouvernement. Était-ce prévu dans votre plan visionnaire ?»

«Vous sous-entendez que j'ai accepté de devenir Vice-Chancelier dans le seul but d'obtenir le poste de Chef du Gouvernement...»

«Je ne sous-entends rien. Je vous pose simplement une question que d'autres se sont également posée.»

«Ma foi, je ne vois pas pourquoi je devrais m'en cacher. Avant les élections, j'avais annoncé lors d'une interview que je comptais démissionner de ma fonction de sénateur, si Valérion Scalia était élu. C'est ce que j'ai fait, le soir même des élections ; j'ai tenu ma promesse. Je m'en souviens bien, d'ailleurs : j'avais également indiqué que cette démission ne correspondait pas du tout à un retrait de la politique, mais à la volonté de prendre directement part aux affaires du gouvernement. Et c'est aussi ce que j'ai fait. Je dirai donc à mes contempteurs que je ne fais que m'en tenir à ma parole : j'ai agi comme je l'avais annoncé. Est-il si malhonnête de faire preuve d'honnêteté ?»

«Vous avez donc de quoi répondre, à ceux qui veulent vous faire passer pour un ambitieux...»

«Oui, j'ai de quoi. Si j'étais vraiment ambitieux, je n'aurais pas démissionné de mon poste de sénateur. Au contraire, j'aurais accumulé les mandats, comme certains le font bien mieux que moi. Et j'en aurais aussi profité pour devenir maire de la Capitale d'Aargau, et conseiller au Directoire de ma planète, et membre de la Cour Suprême de Justice, et que sais-je encore !»

«De la transparence, donc. Pourtant, plus personne n'ignore que vous avez dupé Emalia Kira en lui promettant votre soutien. Cette révélation ne remet-elle pas en cause votre fiabilité ?»

«Je ne le pense pas, non. Il ne faut pas tout confondre. Mon attitude vis-à-vis de la sénatrice d'Ondéron a été conditionnée par les enjeux de la période électorale. Aucun politicien ne l'ignore, et les citoyens eux-mêmes ne sont pas dupes : une période électorale, c'est un véritable champ de bataille où l'on doit employer toutes ses armes, y compris la tromperie, y compris la duplicité. Et je suis le premier à m'en plaindre ! Mais le système actuel est tel que l'on ne peut y échapper. C'est ce qui est malheureux : la Constitution présente est prévue pour que les sénateurs soient contraints de se comporter comme des rapaces. Maintenant que Valérion Scalia a remporté les élections, nous n'avons plus aucune raison d'agir ainsi. Et dites-vous surtout que, si notre réforme constitutionnelle est acceptée, plus jamais aucun sénateur n'aura besoin de mentir pour faire valoir ses idéaux.»

«Vous prétendez donc que vous n'êtes pas corrompu... C'est le système qui l'est...»

«Tout à fait. C'est pourquoi nous devons le transformer de fond en comble. J'invite donc tous les votants à accepter ce remaniement de la Constitution. L'avenir de la République est en jeu.»

«Je vous remercie pour toutes ces réponses, monsieur le Vice-Chancelier. Elles nous éclairent bien mieux sur votre position. Merci également à tous nos holo-spectateurs pour leur assiduité. Et nous continuons notre programme "L'amendement, c'est maintenant ?" avec une enquête spéciale sur les conséquences de cette réforme constitutionnelle. C'est tout de suite, après la pub.»
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