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Le Chancelier Scalia regarda sa montre, constatant que l'heure du départ approchait. Assis à son nouveau bureau, dans les appartements du Chancelier Suprême de la République Galactique, l'Artorien entreprit de signer quelques nouvelles nominations : militaires de haut rang, ambassadeurs... La diplomatie était une matière pour laquelle le Chancelier seul était compétent, c'était son pré-carré.

L'élection n'avait eu lieu que quelques jours plus tôt, mais déjà Valerion devait constater l'immensité des tâches qui l'attendaient. Et face à ces défis, face à ces problèmes cruciaux faisant trembler la République, il devait composer avec des sensibilités différentes au sein du Gouvernement qu'il avait nommé ainsi qu'avec un Sénat vigilant, lieu de débats et de compromis incessants. Cette situation rendait la gestion et la menée d'une politique réformatrice bien plus difficiles que dans l'Empire Sith, où une Impératrice pouvait décider seule en tout point. De cette complexité, cette pluralité, Valerion constatait les difficultés tout en étant conscient que c'était précisément le coeur de la richesse républicaine. Certes, il fallait composer avec un Côme Janos et un Ragda Rejliidic, certes il convenait de faire travailler ensemble Alyria Von et Ion Keyiën... mais justement! Là se trouvait toute l'excellence de la République : dans sa capacité à réunir des forces diverses pour maintenir et faire perdurer l'édifice républicain. Dans cette grande mécanique galactique, Valerion occupait désormais une place centrale. Après l'euphorie de la victoire, le nouveau Chancelier avait eu le vertige face à l'ampleur des réformes à mener, dans un contexte diplomatique instable et dangereux. Rapidement, le désir d'agir avait pris le pas sur la joie et l'effarement : dès le soir de l'élection, il avait fallu prendre des décisions, lors de la réunion extraordinaire de l'Etat-Major des Armées. On ne lui avait pas laissé le temps de se reposer. Tant mieux!

    « Avez-vous eu le temps de consulter le document relatif à la révision constitutionnelle ? »


Telkhar Melk’an, désormais Secrétaire général de la Chancellerie, n’avait pas chômé non plus. Son travail le passionnait, cela se voyait avec évidence. Le poste du Snivvien était sans doute l’un des plus importants de la galaxie, plus crucial que certains ministères de peu d’envergure. Le Secrétariat général de la Chancellerie était le lieu vers lequel convergeait l’ensemble des ministères. C’était auprès du Secrétaire général que les Ministres communiquaient leurs projets de lois, les Arrêtés qu’ils soumettaient à la Chancellerie et, plus généralement, c’était via le Secrétaire Melk’an qu’ils s’adressaient à la Chancellerie Suprême. Le travail de coordination entre les Ministres était assuré par le premier Snivvien ayant accédé au poste de Secrétaire.

    « Oui. Tiens, j’ai apporté certaines modifications supplémentaires au texte cette nuit. Fais en sorte que tout soit en ordre pour mon retour de Bothawui et veille à ce que les ministres soient prêts. Je n’accepterai pas des projets bâclés lors du Conseil des Ministres. Comment ça avance ? »


A chaque ministre, le Chancelier avait donné un projet clair et bien défini. Les premiers mois allaient être décisifs et c’était dès maintenant qu’il allait falloir agir pour réformer la République. Valerion Scalia n’avait donc pas attendu, et les projets phares de son programme étaient actuellement travaillés laborieusement par les différents ministres et leurs équipes.

    « Les Ministres Von et Keyiën correspondent régulièrement. Il semble que le projet de la Loi sur la Sécurité Nationale avance plutôt bien. Quant au Pacte Social, j’ai contacté le Ministre Bresancion. La tâche est conséquente et demande du temps, mais d’après les éléments que j’ai en ma possession le projet de loi devrait être prêt pour le Conseil des Ministres de lundi. La Ministre Von est particulièrement active, quant au Vice-Chancelier Janos ses activités avancent fort bien. La relation de confiance qu’il a avec le Ministre Nomos facilite les choses… Le Ministre Pelot collabore avec eux de façon tout à fait efficace, semble-t-il. C’est plus du côté des Jedi et de la confection du budget que cela coince… Vous avez nommé Leto Vorkosigan comme interlocuteur entre le Gouvernement et le Conseil de l’Ordre, mais les exigences du Ministre de la Sécurité Intérieure risquent de tendre les négociations. D’autant qu’il faudra encore attendre la position du Conseil après la conclusion d’un accord… On est parti pour plusieurs mois. »


    « Je ne m’attendais pas vraiment à autre chose… Réaliser une législation sur les relations entre la République et l’Ordre est une chose difficile. Sur ce point, le Chancelier Arnor était plein de bonnes volontés et il n’a pourtant rien pu faire… Alors même qu’il était un Jedi ! Ce qui me semble primordial c’est de s’assurer que les discussions avec l’Ordre ne s’enlisent pas. Keyiën et le Conseil n’ont pas le choix : il va falloir agir. On ne peut pas courir le risque de se retrouver dans un conflit avec les Sith sans aucune loi définissant le champ d’action de l’Ordre Jedi… Et, plus que jamais, nous allons avoir besoin de l’Ordre ! »


    « Je veillerai à ce que Keyiën et Vorkosigan oeuvrent en ce sens. L’autre problème épineux est celui du budget, lié à la réforme fiscale. Le Ministre Rejliidic avance lentement sur le sujet mais je dois dire qu’on ne peut l’en blâmer. La réforme est profonde et structurelle. En plus, elle nécessitera de faire passer préalablement la révision constitutionnelle. »


    « Effectivement. Il est temps pour moi d’y aller, Telkhar. »


Lentement, le Secrétaire général prit les documents signés par Valerion. Ils seraient bientôt publiés au Journal officiel de la République Galactique.

    « Croyez-vous que le Premier Ministre Koth Sei’lar vous soutiendra ? »


Valerion Scalia se leva, l’air soucieux. Il avait besoin de se reposer et espérait pouvoir profiter du voyage vers Bothawui pour le faire.

    « Je l’espère, Telkhar, je l’espère… Ce qui s’est passé sur Byss n’est pas anodin. La République serait en droit de déclarer la guerre mais Halussius Arnor ne nous y a pas préparé… Nous allons devoir redoubler d’ardeur à la tâche. Il va falloir réunir un maximum d’énergie pour être prêts et les Bothans pourraient apporter une aide précieuse. »


Amicalement, le Chancelier gratifia son fidèle conseiller d’une tape sur l’épaule. Le Snivvien eut un faible sourire, dubitatif, puis les deux hommes se mirent en route. Le Secrétaire général Melk’an salua une dernière fois le Chancelier Scalia, tandis que celui-ci prenait la direction du hangar à vaisseaux du Sénat, escorté par sa garde personnelle.

Les évènements de Byss ne s’étaient pas déroulés de la façon souhaitée par Valerion. Etonnamment, les Sith avaient réussi à s’enfuir, alors qu’ils se trouvaient en territoire républicain, entourés de flottes conséquentes. L’information lui avait paru absurde, sans aucune logique. Ce n’est qu’ensuite que l’on avait appris que les vaisseaux républicains avaient subi des problèmes techniques étranges, inconnus, probablement en relation avec la Force et le Côté Obscur. Lorsque l’Etat-Major avait été averti de la situation, un silence de plomb s’était abattu sur l’assistance, finalement brisé par un juron de l’Amiral Thilandril. Valerion avait conservé son sang-froid, prenant des mesures immédiatement avec l’aide du Chef d’Etat-Major. Malheureusement, la flotte n’avait pu être interceptée et était déjà loin, étant peu nombreuse. De plus, les informations en provenance de Byss étaient arrivées bien après l’incident, ce qui avait entraîné un décalage entre la fuite des Sith et la réaction républicaine. Quoi qu’il en soit, le niveau d’alerte avait été élevé au maximum par l’Etat-Major, mettant en état d’alerte les forces armées de la République dans toute la galaxie. Le lendemain matin, à l’aube, le nouveau Chancelier Suprême de la République avait adressé un message à la Nation, fort et décisif.

La guerre allait-elle avoir lieu ? Pour le Chancelier Suprême de la République, la question ne se posait même plus. Valerion Scalia avait toujours douté de la volonté des Sith d’assurer une paix durable… Les dernières exactions de l’Empire ne rassuraient guère l’Artorien : si les Sith étaient prêts à provoquer la République à ce point, c’est qu’ils devaient s’estimer en mesure de faire face à une guerre galactique ! Il n’y avait plus un instant à perdre : la machine militaire et industrielle de la République devait être mise en branle pour fonctionner à plein régime. Toutefois, cela n’écartait pas la solution d’une renégociation du traité. Il y avait peu de chance pour que cette hypothèse aboutisse mais Valerion Scalia avait assuré qu’il ferait tout pour éviter une guerre, la préparer contribuait à cette idée.

Le Chancelier était resté plongé dans ses pensées tout au long du trajet, il ne les quitta qu’en entrant dans le hall de départ. La navette du Chancelier Suprême était clairement visible, et l’Artorien vit Lord Janos, sans doute tout juste arrivé au point de rendez-vous. Pas de départ en grandes pompes, pas de journalistes fourmillant autour de la crème gouvernementale républicaine. La destination n’avait rien de secrète, Valerion voulait simplement que tout se déroule le plus rapidement et le plus efficacement possible.

    « Vice-Chancelier Janos. »


L’Artorien serra avec vigueur la main du second de la République. Le Chancelier Scalia pouvait-il se fier à l’ancien sénateur d’Aargau ? Les faits semblaient le démontrer : Lord Janos avait offert l’hospitalité aux Artoriens, les élections menant Valerion au Sénat s’étaient déroulées grâce à cette stabilité précaire, le Rassemblement Républicain était leur création commune… Pourtant, Valerion n’avait guère apprécié la position aussi fade qu’étrange du Lord lors des dernières minutes de campagne. Autant Ragda Rejliidic avait soutenu avec force Valerion, autant Lord Janos avait surpris par ses positions réservées, contrastant avec les discours fermes tenus ces dernières années. Décidément, il y avait chez Lord Janos un « quelque chose » empêchant toujours une confiance pleine et entière… Ce n’était pas faute d’apprécier et d’estimer la personnalité du Vice-Chancelier : brillant, fin tacticien, cultivé… Autant de qualités pouvait faire de l’Aargaun un grand homme d’Etat, comme un effroyable ambitieux égocentrique, un danger pour la République en ces heures difficiles.

Les deux hommes pénétrèrent dans la navette, qui ne tarda pas à décoller. Le transport quitta le hangar, aussitôt escorté de chasseurs de classe Liberator. Le mandat d’Halussius Arnor n’était pas aussi sombre que Valerion l’avait décrit, le nouveau Chancelier en était parfaitement conscient. La situation militaire n’était pas optimale, sans être catastrophique pour autant. Des modèles nouveaux de vaisseaux avaient été conçus, bien qu’on puisse aller plus loin dans la recherche technologique.

Silencieux, Valerion regarda à travers le hublot le paysage de Coruscant, qui s’éloignait petit à petit. Pour quelle raison avait-il proposé à Lord Janos de l’accompagner ? Plusieurs réponses pouvaient se présenter… La révision constitutionnelle allait faire du Vice-Chancelier le Chef de gouvernement de la République, il convenait de voir ce que valait l’Aargaun. Le Vice-Chancelier allait obtenir un rôle important mais difficile : gérer le Gouvernement au jour le jour, tout en suivant les directives de la Chancellerie, rester en retrait tout en agissant.

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Enfin, la navette de transport arriva à destination : le hangar du Valeureux, croiseur de la Chancellerie Suprême stationnant en orbite de la capitale de la galaxie. Dans un chuintement bruyant, agrémenté de souffles puissants, la porte du vaisseau s’ouvrit, laissant d’abord descendre la Garde Bleue. Avec solennité, celle-ci composa une haie d’honneur pour le Chancelier Suprême de la République, suivi à sa droite de son fidèle Vice-Chancelier. Dans le hangar, les troupes étaient réunies, parfaitement ordonnées. L’amiral responsable du convoi diplomatique s’avança, saluant militairement le Chef des Armées de la République.

Valerion Scalia eut envie de sourire mais se retint. Ce n’était guère habituel qu’on accueille ainsi le Chancelier Suprême. Malgré un habit noir strict, serrant le corps et ressemblant à un uniforme par sa coupe sévère, l’Artorien n’était pas en tenue militaire. Celle-ci était réservée aux revues militaires, à diverses occasions officielles et à l’Etat de Guerre. Toutefois, l’Artorien était connu pour son passé de Major, les militaires l’appréciaient et c’était à la fois une preuve de respect mais aussi de défi que de saluer ainsi le Chef d’Etat de la République. Saluer militairement, c’était reconnaître une certaine prépondérance du militaire sur le politique…

Le Chancelier Suprême salua militairement, retrouvant par ce simple geste tout le plaisir et le sentiment d’appartenir à la grande famille de l’Armée républicaine. L’amiral rompit puis se perdit en termes divers et variés. Les obligations protocolaires furent rapidement expédiées et tandis que l’ensemble des membres de l’équipage retournait à leurs fonctions, on conduisit Scalia et Janos dans leurs appartements. Les deux hommes se retrouvèrent dans un salon confortable, au calme, au moment où l’ensemble du convoi diplomatique passa en hyperespace, direction Druckenwell. L’Artorien se servit un verre d’eau, nouveauté, et s’installa dans un fauteuil. Cela faisait une heure que les deux nobles ne s’étaient plus adressés la parole.

    « Lord Janos, avez-vous déjà rencontré des Bothans ? Un peuple aussi redoutable qu’orgueilleux, infatigable. Ce dernier qualificatif pourrait d’ailleurs vous convenir, cher ami ! Vous semblez à ce point inépuisable qu’on viendrait à vous croire fait de métal… »
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«Introuvable ? Comment ça, introuvable ?»

Ça. Oui, ça. Il était tellement rare que Lord Janos employât le "ça". Il y préférait l'élégant et nettement plus aristocratique "cela". Pareillement, jamais vous n'auriez entendu le Vice-Chancelier employer un mot vulgaire : il fallait vraiment qu'il fût sorti des gonds pour se laisser aller à ce genre de facilités.

«Eh bien... Notre équipe a fouillé partout. Nous avons bien analysé les documents que vous nous avez envoyés, cherché sur Coruscant, sur Aargau, dans...»

«Et elle n'a laissé aucune trace ? Absolument aucune ?»

«Non... Je suis désolé. Aucune...»

«Je me demande pourquoi je gâche mon argent à vous payer...»

«Oh, mais vous ne nous avez pas engagés pour rien, vous savez... Vous n'aurez pas à le regretter. Croyez-moi : nous comptons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour...»

«Je m'en fous, de vos justifications ! Vous m'avez bien compris ? Je m'en fous ! Arrêtez de jacasser, et retrouvez la !»

«Très bien. Je me remets à la...»

«Fin de la communication.»

L'hologramme qui flottait au dessus de l'accoudoir s'effrita, vacilla, pour disparaître de la vue de Janos. Quelle bande de crétins ! Les incompétents...

Face à lui, le miroir lui affichait un visage dévasté, entrecoupé de rides, tailladé de cernes, disloqué jusque dans sa chair. Sous les bribes de peau qui pendaient affreusement, les circuits imprimés s'illuminaient à tout va, dans l'incohérence la plus totale, anarchiques. Le Lord en avait vu d'autres, mais cette fois, il y avait quelque chose dans ce scintillement qui l'intriguait...

«Cette couleur orange... C'est normal ?»

L'unité chirurgicale qui vérifiait ses ustensiles à ses côtés considéra un instant son patient, avant de lui répondre :

«C'est le résultat logique de votre dernière opération chirurgicale, monsieur le Vice-Chancelier. Nous avons modifié la composition chimique des produits qui maintiennent un contact neuropsychologique entre votre activité cérébrale et les parties artificielles de votre organisme.»

Janos acquiesça : l'opération en question avait eu lieu peu de temps avant les élections, et depuis, il se sentait comme un nouvel homme dans son corps.

«Or la pigmentation de ces flux est passablement différente de celle des anciens.»

«Et j'ai troqué ce cyan chimique contre un orange foncé...»

«Tout à fait, Monsieur le Vice-Chancelier. Cette couleur vous plaît-elle ?»

Le Lord haussa les épaules en adressant un regard dédaigneux à son reflet. Son allure actuelle le répugnait.

«Bah... Je préfère qu'elle soit cachée, dans tous les cas...»

Le droïde prit cette déclaration pour un ordre, et procéda à la reconstruction faciale de son maître - une opération de routine, en réalité.

«Pardonnez-moi ce commentaire inopportun, mais vous semblez contrarié, monsieur le Vice-Chancelier.»

Regard noir dans le miroir. Ce visage... Vraiment écœurant...

«Oui.», répondit-il sur un ton lugubre. «Ma secrétaire est portée disparue.»

Si son interlocuteur n'était guère un droïde, il en aurait tremblé de peur tant sa voix fut ténébreuse. Sinistre. Résignée. Dépitée. Parcourue de ce léger tressaillement en fin de mot qui dénotait une exaspération contenue, une rage prête à déborder.

«Je suis sincèrement désolé.», débita machinalement l'unité médicale. «C'était donc le sujet de votre holo-communication, je suppose. Vous étiez attachée à votre secrétaire, me semble-t-il. Me trompè-je ?»

"Vous étiez"... Même les droïdes utilisaient ce tic de langue qui consistait à mettre à l'imparfait les actions d'une personne disparue, comme si elle était déjà morte et enterrée. Affreux, n'est-ce pas ?

«On peut le dire, oui.», répondit-il, la gorge nouée.

Tout le reste de l'opération faciale se déroula dans un silence de mort. À mesure que le droïde lui reconstruisait le visage, Janos se laissait aller à se contempler dans le miroir, d'un œil noir, comme pour affronter l'image rebutante qu'il s'offrait à lui-même. Sous les doigts et ustensiles du droïdes, des pans entiers de peau se ressoudaient, ses joues se recomposaient, ses lèvres reprenaient une forme acceptable. Lambeau sur lambeau, tissu sur tissu, la gigantesque plaie qu'il avait au visage se refermait peu à peu... Non, qu'il n'avait pas... Qui constituait son visage. La plaie béante qu'il avait pour visage. La couleur orangée dont s'étaient teintés les circuits imprimés disparut alors, absorbée par les traits d'un organisme plus normal... Plus humain...

«Êtes-vous satisfait de votre nouvelle apparence, monsieur le Vice-Chancelier ?»

Le Lord se rapprocha légèrement du miroir pour se dévisager dans le détail. Il examina quelques instants les contours que lui avait offert le droïde, avant de répondre :

«J'ai l'air plus cerné que d'habitude, non ? Ou plus ridé, peut-être»

L'unité chirurgicale opina du chef.

«En effet, monsieur le Vice-Chancelier, mais ce n'est pas de mon fait. Vous devez être plus fatigué ou plus tendu que d'habitude. Mais soyez rassuré : ces défauts-là sont naturels.»

"Soyez rassuré"... Sans le savoir, ces droïdes pouvaient être d'une ironie, parfois...

«Supprime-moi tout ça. Je veux avoir l'air impeccable. Il est hors de question de paraître fatigué.»

«Comme vous le souhaitez, mais sachez que vous comptez vous en prendre à la seule partie de votre visage qui soit encore naturelle à 100%.»

«Bah. Et quelle importance, hein ?»

L'unité chirurgicale avait été programmée pour ne pas répondre aux individus qui lui parlaient sur un ton dépité, afin de maintenir un semblant de politesse dans la conversation. Or, pour la toute première fois, ses circuits enregistrèrent effectivement du dépit, dans le timbre de Janos. Respectueux des algorithmes qui paramétraient son attitude, le droïde demeura donc silencieux, s'appliquant plutôt à la tâche.

Une fois que tout fut remis en ordre, Lord Janos se leva, s'étira et se regarda de nouveau. Rien à redire : l'unité avait fait un très beau travail. Plus aucune cerne, plus aucune ride ne transparaissait sur ce visage, à part celles qu'il désirait conserver pour se donner l'allure du quinquagénaire dynamique dont il avait fait son portrait officiel. Rien à redire, non. Et pourtant, le politicien ne se sentait pas à son aise, sous cette face polie comme le marbre. Un esprit dévasté par la contrariété, dans un corps digne d'une poupée de cire mécanique...

«Ce visage vous convient-il ?»

Le Lord se caressa la peau du doigt, en parcourut la surface presque trop lisse, et se leva.

«Oui. C'est très bien ainsi.»

Son apprentie... Sa main... Gabrÿelle Evans... Impossible de la chasser de son esprit. Comme si son absence s'était répandue partout, avait envahi l'espace pour marteler encore et encore l'esprit de Janos. Il espéra du fond de son âme que ses occupations politiques et son trajet jusqu'au "Valeureux" sauraient le divertir, mais il n'en fut rien. Tout le voyage durant, il eut cette seule idée en tête, obsédante, aliénante. Il quitta son bureau en se réitérant cette même question : où était-elle ? Il rejoignit sa navette - pourquoi ne l'avait-elle pas prévenu ? Le transport s'envola, escorté par deux vaisseaux - était-ce une sorte de retraite spirituelle, pour méditer, par exemple ? Les engins passèrent à toute allure à travers la circulation anarchique de Coruscant - mais pourquoi ne pas l'avoir prévenu, dans ce cas ? il aurait pu comprendre, il était compréhensif. Peu à peu, la planète s'éloigna pour inscrire dans le ciel noir son scintillement cadrillé - ou bien... fallait-il craindre le pire ? non, tout de même... Une fois les formalités réglées, la navette se posa dans le hangard du "Valeureux" - disons-le clairement : était-elle... morte ?

«Soyez le bienvenu à bord du "Valeureux", monsieur le Vice-Chancelier. Notre unité protocolaire va vous mener jusqu'au salon qui vous a été réservé, au Chancelier Suprême et à vous-même.»

Janos acquiesça sans mot dire. Non, elle ne pouvait être décédée. C'était impossible... Impossible ! Une fois installé, il patienta silencieusement, ruminant encore et encore ses pensées. Elle était comme sa fille. Une fille morale, l'enfant qu'il avait recueillie, qu'il avait élevée, sa seule véritable famille, et sa seule descendance... Celle à qui il léguerait l'Idéal de l'Ordre une fois que lui-même s'éteindrait. Il ne devait pas la perdre, il n'en avait pas le droit, c'était impossible. Impossible !

Le mot "impossible" résonnait encore dans son esprit, quand le Chancelier Suprême fit son apparition dans le salon. Imperturbable - du moins en apparence -, Lord Janos se leva et le salua. Quand il vit son collègue se servir un verre d'eau, il hésita à l'imiter. Mais finalement, son choix se reporta sur un excellent brandy assandran. Il savait que l'alcool risquait de compromettre sa santé artificielle, mais aujourd'hui, il s'en moquait. Aujourd'hui, sa Main, sa fille, était manquante au rendez-vous, il en avait le droit.

«Lord Janos, avez-vous déjà rencontré des Bothans ?», demanda le Chancelier. «Un peuple aussi redoutable qu’orgueilleux, infatigable. Ce dernier qualificatif pourrait d’ailleurs vous convenir, cher ami ! Vous semblez à ce point inépuisable qu’on viendrait à vous croire fait de métal…»

Le Vice-Chancelier força un petit sourire courtois à se dessiner sur ses lèvres.

«Non, je n'ai jamais eu l'occasion de rencontrer de Bothan. Je m'y étais intéressé dans le cadre de mon Musée des Arts et Cultures. Si je me souviens bien, l'une des sections est réservée à leur civilisation, mais mon contact avec elle s'arrête là.»

Il croisa les jambes pour se redonner de la vivacité, et avala une gorgée de brandy. L'alcool glissa comme une petite flamme dans son œsophage artificiel et lui offrit une chaleur dont il avait grandement besoin.

«Quant à ma résistance à la fatigue, eh bien... La cybernétique fait des miracles, n'est-ce pas ?»

Il lui arrivait parfois d'ironiser sur sa propre nature : l'autodérision était une excellente manière de désamorcer la gêne que son état de santé suscitait chez certains. Mais cette fois, il n'en avait pas envie, son esprit était ailleurs, obnubilé qu'il était par l'abandon de sa protégée... Aussi fit-il dévier la conversation catégoriquement.

«Mais dites-moi, comment allez-vous, mon cher ? Pas trop désarçonné par l'énorme charge qui vient de vous tomber sur les épaules ? Et votre fille, se porte-t-elle bien ?»
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Homme curieux que le Vice-Chancelier Janos. Il se trouvait, là, buvant tranquillement son brandy aux côtés du Chancelier Suprême Scalia tandis que le convoi diplomatique traversait l'hyperespace, filant vers les confins méridionaux de la République Galactique. Pourtant, il parut à Valerion que sur le visage du noble Aargaun se dessinait quelque chose ressemblant à une sorte de dépit, de fatalisme. Lord Janos d'Aargau buvant de l'alcool? L'Artorien était intrigué. Il avait toujours vu son collègue parfaitement raisonnable, d'une rigueur parfois exagérée. Savoir ce qui se tramait dans la cervelle de l'ancien sénateur était impossible, rendant le Lord aussi utile allié que dangereux.

Malgré toutes ses réserves, Valerion Scalia ne pouvait s'empêcher d'apprécier l'Aargaun. L'accueil qu'il avait offert aux Exilés était un acte non dénué d'opportunisme mais qui n'en avait pas moins sauvé des milliers de familles artoriennes... Cela n'avait probablement été qu'un calcul de plus pour le froid et sévère politicien, les conséquences en étaient toutefois heureuses pour des personnes bien vivantes. Valerion n'était pas naïf mais refusait de jeter un regard glacial sur le sauvetage des Artoriens, alors abandonnés par un gouvernement désordonné, en déroute.

Autre élément interpellant : des questions sur la vie privée? Depuis quand les anciens sous-secrétaire et chef de groupe du Rassemblement Républicain se réunissaient pour autre chose que planifier une stratégie politique? Les deux hommes s'étaient rencontrés fréquemment ces trois dernières années, leurs relations s'étaient affinées et ils avaient appris à se connaître. Valerion n'avait cependant presque rien appris de la vie privée du sénateur aargaun... A vrai dire, cela ne l'avait guère intéressé et Lord Janos n'avait jamais semblé vouloir s'unir à une belle dame, fonder une famille... Aux yeux de tous, il était seul. Un défaut évident pour la popularité du sénateur, que ses ennemis n'hésitaient pas à brocarder comme un reptile glacial. L'ironie de la situation était cocasse : on avait blâmé Valerion Scalia sur ses émotions, son prétendu désir de vengeance, et à l'inverse on avait attaqué Lord Janos sur son manque de sensibilité, sous-entendu le vide d'informations sur sa vie privée.

Le salon était chaleureux. Des tapis recouvraient le sol, amenant couleurs et tiédeur. Le bois était partout : cadrages aux murs, meubles, table basse... Les fauteuils dans lesquels se trouvaient les deux hommes étaient en cuir, près l'un de l'autre pour favoriser la tranquillité et l'intimité de la discussion. Sur une petite tablette de métal trônait une bouteille de brandy, une cafetière pleine de son noir breuvage, une bouteille d'eau et dans un bol se mêlaient fromages, saucissons et olives.

    « Le choc a été rude mais je n'ai pas eu le temps de rester hébété. Il a fallu gérer Byss. »


A vrai dire, il préférait également ne pas parler de ça... Les Sith s'étaient échappés malgré un plan efficace, profitant d'une vague de Force obscure en provenance de Byss, s'il fallait en croire les Jedi.

    « Ma fille... »


Avant d'aller voir l'évolution du travail du Ministre Keyiën, Valerion avait vu sa fille. L'Artorien était encore étonné des tatouages ancrés dans le bras gracile de sa précieuse enfant.

    « Elle est aussi belle que brillante. Seize printemps passés et une joie pour un père. Elle est la plus belle chose que j'aie pu sauver d'Artorias. »


Pourquoi dire cela à Lord Janos d'Aargau? Valerion n'en savait trop rien.

    « Mais, voyez-vous, les adolescentes sont ce qu'elles sont... Elle est à l'âge de la révolte, du refus de l'autorité. Que je sois Chancelier Suprême ne change rien, en vérité cela empire les choses. A son âge, vouliez-vous obéir à votre père? Non, bien sûr. Alors au Chancelier... »


Valerion poussa un soupir de fatigue. Il se versa une tasse de café, y fit tomber deux blocs de sucre et se réinstalla dans son fauteuil, portant à sa bouche le breuvage plein d'amertume. Pour la première fois depuis l'élection, le Chancelier Suprême de la République profita réellement d'un instant de repos.

    « Toutefois, je lui fais confiance. Je ne doute pas qu'en mon absence elle se montre plus raisonnable... »





    « Où est-elle?! Mais où est-elle bon dieu! Vous vous foutez de moi? »


Telkhar Melk'an beuglait comme un possédé dans son bureau, siège du Secrétariat de la Chancellerie. Devant lui se trouvait le capitaine de la Garde du Sénat, visiblement froissé. Il se tenait raide, sur la défense.

    « Nos hommes font le nécessaire, monsieur... Mais... »


    « Il n'y a pas de "mais" qui tienne, capitaine, vous vous êtes fait bernés par une gamine de seize ans! Vous êtes aussi incompétent qu'arrogant, et je vous rappelle que pour vous ce sera "monsieur le secrétaire". »


Le Snivvien s'était levé de son siège, interrompu subitement dans son travail nocturne. Il fulminait et aurait voulu boxer le capitaine. Ce dernier se verrait rapidement rétrogradé, Telkhar se le promit. Bordel! Agathe envolée, évanouie dans les airs putrides de Coruscant! La fille du Chancelier Suprême disparue le soir même du départ du Chef d'Etat pour Bothawui...

    « Les hommes qui veillaient sur sa sécurité l'ont accompagnée jusqu'à l'entrée des toilettes mais, vous comprenez, ils ne sont pas allés plus loin... par décence. »


    « Bougre d'abrutis! Je peux vous assurer que je vous mettrai la décence là où je le pense si vous ne retrouvez pas Agathe Scalia ce soir! Comment vos hommes ne l'ont-ils pas vue sortir?! »


    « Hé bien... Il semblerait que la fille de Son Excellence ait eu l'extrême intelligence d'utiliser une perruque bleue... Les hommes sont fatigués, monsieur le secrétaire, le travail n'a pas cessé un instant depuis les récents évènements! »


    « J'ai signé la semaine passée le document de nomination de cent nouveaux membres de la Garde sénatoriale, et vous osez me dire que vous n'avez pas placés l'une de ses fringantes recrues à la surveillance d'Agathe Scalia! Dehors, incapable, hors de mon bureau! Lancez vos recherches immédiatement ou je jure de vous empaler avant que le Chancelier Suprême ne m'exécute de ses propres mains... »


Le capitaine déglutit et se retira vivement. Telkhar s'effondra dans son siège, réfléchissant à toute allure. Où pouvait être Agathe? Il en avait une petite idée, avec ses copines sans doute... La petite sotte! Ne l'avait-il pas mise en garde? S'était-elle également mise en tête de ne pas l'écouter? Le Secrétaire général écarta le dossier sur son bureau. Il y avait plus urgent, il pressa un bouton et quelques secondes après apparut en hologramme le sous-capitaine de la garde. Le commandant de la Garde sénatoriale accompagnait le Chancelier Suprême lors de son voyage et Telkhar se refusait à traiter avec ce crétin de capitaine.

    « Monsieur le Secrétaire général? »


    « Sous-capitaine Foontir, je vous mets aux commandes. Retrouvez Agathe Scalia. Lancez vos investigations et soyez aussi rapides que discrets. Nous ne pouvons nous permettre aucune fuite de cet évènement. Je me suis bien fait comprendre? »


    « Parfaitement, monsieur le Secrétaire. »


Le Zeltron hésita, ne pouvant réprimer une grimace.

    « Qu'avez-vous? Nous n'avons pas le temps pour ces jeux! »


    « C'est que... il y a le capitaine. »


    « Passez-vous de cet abruti. C'est plus clair? »


    « Parfaitement reçu, monsieur le secrétaire. »


Telkhar mit fin à la communication d'un geste rageur, conscient de son impuissance. N'y tenant plus, il se leva et s'avança vers la baie vitrée, saisissant au passage un verre qu'il remplit d'un vin liquoreux à l'origine douteuse... Le liquide alcoolisé fut directement transféré dans l'estomac du Snivvien qui, collant son groin contre la vitre, marmonnait des imprécations en Snivvian.

    « Kw'u urelasmin? »





[Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien]

Agathe but une dernière gorgée, au goulot! Elle rit à la blague faite par Morgane, et faillit recracher toute la vodka en s'esclaffant. Elle sourit, ses dents blanches brillant dans la nuit noire! Les quatre filles achevèrent le fond de la bouteille puis se levèrent, hautaines et victorieuses. D'un pas assuré, elles se précipitèrent vers le Temple, discothèque branchée de la capitale galactique. Agathe était heureuse, les garçons la regardaient et elle se savait magnifique dans son pantalon noir, moulant ses hanches et ses fines jambes. Lydia, Gwenaëlle, Morgane et Agathe entrèrent, plongeant dans un océan de couleurs! Dans ce flot continu de rose, d'orange, de jaune, de violet et de vert, la coupe de cheveux carrée et bleue d'Agathe n'étonna aucun des fêtards.

Elle entendit la musique et s'élança, s'enfonçant dans le marécage humain hurlant à l'appel de la nuit et de l'hédonisme. Elle saisit la main de Lydia et s'en alla danser, danser, danser! La musique retentissait avec fureur, tube électro délicieusement à la mode. Les bras levés vers un ciel illusoire, les poings serrés, Agathe dansait voluptueusement. Serrée près de ses copines, elle se laissait porter par son ivresse, qui semblait lui désigner naturellement les pas à réaliser. La musique grimpa en puissance et le groupe se déchaîna! Bientôt, les garçons comme les filles alentours rejoignirent la fille aux cheveux bleus et ses amies, se joignant dans une danse lascive, toute sensuelle.

Agathe se sentait euphorique, plus joyeuse et plus belle que jamais. Son identité camouflée sous une perruque fluo, elle goûtait le plaisir d'être elle-même, de se libérer des contraintes habituelles. Plus de travail, plus d'études, plus d'exigences, plus de gardes... Son corps était enfin à elle! Elle pouvait le dépenser entièrement, l'éreinter et le briser. Ses ballerines noires lui permettaient des mouvements rapides, souples, violents. Son chemisier blanc au col wing noir laissait entrevoir une soutien-gorge bleu foncé, retenant une poitrine aussi jeune qu'élégante.

Le groupe se défit, se réforma, un autre se créa... Durant plusieurs minutes, Agathe dansa avec un beau garçon, dont le visage régulier et timide d'adolescent ne pouvait s'empêcher d'admirer cette déesse dansante. Peu à peu, ils se rapprochèrent. Elle souriait, lui aussi. Leurs lèvres se rencontrèrent, se goûtant, s'offrant le plaisir réciproquement. Agathe posa une main douce sur la nuque du garçon, rapprochant de sa bouche la source de son bonheur, tandis que ses trois amies la sifflaient joyeusement, célébrant saoules toute la beauté de la jeunesse. La nuit ne fut plus qu'extase...




    « Oui, raisonnable... Mais vous, Lord Janos, n'avez-pas un enfant de coeur, un membre de votre famille sur lequel vous veillez avec bienveillance? On ne vous connaît pas de famille, cela ne signifie pas que vous n'en avez pas... »
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Sa famille ?

Gabrÿelle Evans.

C'est ce qu'il lui aurait répondu si elle et lui n'avaient pas camouflé la singulière relation qui les liait l'un à l'autre. Et surtout, si elle n'avait pas disparu. Du reste... un père assassiné, un frère emprisonné, une mère aussi inutile qu'exaspérante... Avait-il vraiment une famille ? En se formulant mentalement cette question, Janos constata à quel point, au fond, il était seul...

«J'ai ma mère, oui.», répondit-il, conscient que c'était la réponse attendue d'un point de vue strictement social. «Mais depuis le décès de son mari, l'âge l'a terriblement rattrapée.»

C'était faux. Quand le vieux Janos avait été tué par Gabrÿelle Evans et que le jeune Côme avait fait inculper son frère, la mère de la famille avait donné l'impression de jouer la tristesse bien plus que de la vivre vraiment. Au fond, cette sordide histoire avait permis à Madame de se pavaner devant les journalistes et d'étaler ses larmes amères sur les holo-écrans, sans plus. Ce fut à ce moment-là, au moment où il commit tout de même un parricide, que le fils avait compris à quel point la famille Janos subissait une sorte de malédiction, qu'aucun de ses membres ne pourrait jamais avoir de cœur, et parfois, il n'avait aucun remord à l'idée que sa lignée allât s'éteindre avec lui.

Le reste du voyage se passa dans le plus profond silence. Une fois l'hyperespace passé et les vérifications diplomatiques terminées, la garde bleue vint trouver le Chancelier et son second pour les conduire dans un petit vaisseau d'où il se rendrait sur la planète Bothan. Assis l'un en face de l'autre dans un élégant salon aux fauteuils de cuir rouge foncé, ils ne s'échangèrent pas un mot de plus. La navette traversa l'atmosphère du système à toute vitesse. Pendant quelques instants, on ne vit que brume et brouillard étalant sur les vitres un mur aussi blanc qu'impénétrable, puis, soudain, apparut la surface de la planète, claire, nette et dégagée.

Janos laissa son regard se perdre un instant dans le paysage, et ses pensées s'abîmer dans le désir de retrouver son apprentie. Mais une irritation le rappela soudain à la conscience. Le bas de son menton s'était mis à lui gratter terriblement. Il posa le doigt sur sa peau artificielle, sentit qu'elle se désolidarisait peu à peu de sa chair. Il ne fut guère surpris : avec les années, ce corps de cyborg lui avait déjà joué bien des tours. Mais pas question d'apparaître comme un monstre aux yeux du Chancelier. Il se leva aussitôt, et déclara d'une voix ferme et déterminée :

«Pardonnez-moi, cher ami. Ma santé, comme toujours... La pression atmosphérique a des effets funestes sur ma peau.»

Funestes, c'était le mot. À une vitesse époustouflante, tout le visage du Lord s'était décomposé, à la manière d'un serpent en pleine mue. Lui-même surpris par la rapidité avec laquelle sa véritable facette avait refait surface, Janos eut le réflexe de se retourner le plus rapidement possible. Le Chancelier avait-il tout de même eu le temps de voir l'ampleur des dégâts ? Impossible à dire. Quoi qu'il en fût, tête baissée, le Lord se précipita vers une arrière-salle de la navette, où il avait fait venir au préalable une unité chirurgicale. Il fut assez fier de cette prise de précaution qui lui permit d'éviter le pire. Qu'auraient dit les dirigeants Bothans s'ils avaient vu apparaître une monstruosité cybernétique en guise de Vice-Chancelier ? Janos frissonna à cette seule idée.

Quand la navette se posa, le droïde venait d'achever la reconstruction faciale - la deuxième de la journée. Le Lord revint sur ses pas et alla de nouveau s'asseoir face à Valérion Scalia, le temps que l'engin achevât ses dernières manœuvres.

«Me voilà fin près, cher ami.», déclara-t-il sobrement.

À peine avait-il prononcé ces mots que le vaisseau atterrit sur une vaste esplanade, au cœur de la Capitale. Les deux politiciens se levèrent d'un seul et même mouvement, comme l'auraient fait deux militaires qui auraient révisé par avance leurs manœuvres, à cette différence près que Janos laissa passer le Chancelier.

«Après vous...»

La garde bleue se déploya de part et d'autre de la passerelle de débarquement, cédant le pas au chef et représentant de la République Galactique, ainsi qu'à son second. Parallèlement, deux belles rangées de soldats Bothans escortèrent les dirigeants de la planète, et ce fut à l'intersection des deux troupes militaires que les deux délégations politiques se rencontrèrent, une mise en scène parfaitement agencée dont on tira de belles images.

En défenseur de l'ordre et de l'harmonie, Lord Janos apprécia la qualité de l'accueil. Les Bothans maîtrisaient parfaitement les règles du protocole, il fallait le dire. En tout cas, le Vice-Chancelier demeura légèrement en retrait tout le temps que durèrent les présentations, se tenant derrière Valérion Scalia à la manière d'une ombre dont on ne pourrait se défaire.

Une fois cette cérémonie initiatique achevée, le groupe de Républicains fut conduit dans les quartiers qu'on mit à leur disposition. Chacun fut pourvu d'une suite luxueuse, avec salle de bain et salle à manger personnelles, sans compter un service à toute heure. Trente minutes de pause, un cocktail pour Janos, et ce fut reparti : nouvelle rencontre, portrait officiel des dirigeants, mini-conférence de presse où chacun déclara officiellement ce qu'il attendait de ces accords, exprima ses souhaits, ses espoirs, et se crispa la mâchoire à force de maintenir un grand sourire publicitaire. Il y eut encore des portraits, le retard d'un politicien qui causa une attente dommageable, une petite pause de quinze minutes, et ce ne fut qu'une fois toutes ces formalités remplies que les deux délégations eurent enfin le droit de se rencontrer en huis-clos pour vraiment discuter.

Quelques années plus tôt, un an plus tôt même, une telle lenteur protocolaire aurait exaspéré Lord Janos, tout frustré eût-il été à l'idée que rien n'avançât et que l'on gaspillât autant de temps à rien. Mais aujourd'hui, il sut supporter cette même lenteur avec patience et résignation. C'est que, quelques années plus tôt, il n'était qu'un petit sénateur marginal aux idées suspectes, alors que, désormais, il avait l'insigne honneur d'occuper le titre de Vice-Chancelier...

La grande salle où l'on avait conduit les dirigeants était de forme circulaire, une large table ronde en son cœur. L'agencement du lieu en faisant un espace dédié aux négociations, où aucun individu n'aurait pu se trouver lésé par une position en coin de table ou en bout de salle. Une fois que chacun fut installé, un héraut se chargea d'entamer les accords :

«La présidence accorde la parole à Valérion Scalia, Chancelier Suprême de la République Galactique, pour qu'il exprime ses requêtes et les closes qu'il souhaiterait offrir aux futurs accords.»
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Lord Janos... Qui était réellement cet homme? Un politicien idéaliste? Un extrémiste? Un ambitieux mû par le seul désir du pouvoir et prêt à toutes les compromissions? Peut-être, à la fois, tout et rien de cela.

Loquace, le Vice-Chancelier ne l'était guère et la maigre réponse concernant sa famille en disait long. Lord Janos avait sa mère, oui... A cinquante ans, pouvait-on se contenter d'avoir une mère? Valerion Scalia eut, un instant, un peu pitié de cet homme, meurtri physiquement et à la psychologie froide et rigide. Ne trouvait-il dans la vie que le plaisir de grimper peu à peu les échelons, écrasant ceux en-dessous de lui? Le Chancelier restait perplexe face à cet homme, qui avait donné aux Artoriens un abri, mais n'avait jamais vraiment semblé se soucier réellement de son peuple.

Pourtant... L'Aargaun conservait un certain pouvoir de séduction sur le Chancelier, et ce dernier en était pleinement conscient. Il avait une certaine fascination pour cet individu, parfait stratège politique et très secret. Valerion avait également toujours tenu à épargner le plus possible sa vie privée, cependant il n'y avait pas grand-chose à dissimuler. Agathe, le plus souvent, acceptait d'être présente lors des meetings politiques. Elle n'aimait pas ça mais avait toujours souri, faisant fondre l'audience par cela même. Le Chancelier espérait qu'elle se montre un jour plus assidue... Sa beauté, son intelligence, son charisme naturel plus hérité de sa mère que de son père, tout cela pouvait la conduire à une place de choix. L'idée de fonder une dynastie plaisait naïvement à Valerion. A part sa fille... il n'avait pas grand-chose. Telkhar, évidemment. Un bras droit efficace, ainsi qu'un ami. La politique impliquait la solitude. Nouer des alliances, oui, mais des amitiés jamais.

La flotte s'arrêta sur Druckenwell. Il s'agissait de se réapprovisionner et de réunir quelques forces militaires supplémentaires, par précaution, et de quitter la Piste Corellienne afin d'emprunter la Route Commerciale de Reena, conduisant à la capitale de l'Espace Bothan : Bothawui. La Route était en grande partie hors du territoire républicain comme du territoire bothan, faisant d'elle une voie hors de toute véritable juridiction... Monastery et Nexus Ortai étaient deux planètes indépendantes, ne pouvant assurer à elles seules la sécurité de la route hyperspatiale. Dans les faits, patrouilles républicaines et bothannes veillaient à ce que toute traversée soit sûre.

Le convoi reprit rapidement son itinéraire. Lorsqu'on arriva en vue de Monastery, le Chancelier et Vice-Chancelier durent abandonner le silence calme qui les environnait pour entendre la communication de l'ambassadeur de la République auprès de l'Espace Bothan. Un individu de race bothanne apparut par holovision. Logr Sael’var prit la parole.

    « Votre Excellence, Monsieur le Vice-Chancelier… Comme prévu, je vais vous présenter la situation sur place, en essayant d’être le plus rapide et le plus clair possible.

    A votre arrivée, le Premier Ministre Koth Sei’lar vous recevra. Il dirige depuis huit ans le gouvernement bothan, nommé par le Conseil des Clans. Cette année, il sera certainement réélu pour un mandat supplémentaire de quatre ans. Membre du Parti Conservateur Bothan, le Premier Ministre est plutôt libéral sur le plan économique. Des rapprochements économiques entre la République et le Secteur Bothan ont été initiés précédemment au mandat d’Arnor, ils sont malheureusement tombés aux oubliettes après les évènements d’Artorias. Des contacts ont été maintenus mais nous ne sommes pas allés plus loin… Le Conseiller au Commerce et à l’Industrie sera présent. Le Secrétariat général de la Chancellerie m’a dit que vous traiteriez des accords commerciaux, monsieur le Vice-Chancelier, et je crois que les Bothans seront ouverts à un accroissement des relations entre nos deux Etats. Les entreprises bothannes ont fait preuve d’un lobbying intense auprès du gouvernement, et ce dernier est particulièrement attentif aux demandes du patronat bothan.

    Sur le plan militaire… Je pense, Votre Excellence, que la menace Sith est bien prise en compte par le Gouvernement Bothan, mais je dois avouer que cela reste pour eux une menace théorique. L’Espace Hutt est autrement plus menaçant pour eux. Le Premier Ministre est un farouche défenseur de l’indépendance bothanne. Il craint que la République ne veuille faire pression sur lui pour lui imposer ses conditions ou, même, faire rejoindre l’Espace Bothan à la République. Je vous conseille d’être prudent, Votre Excellence. Les Bothans forment un peuple fier et farouche, particulièrement attaché à son indépendance. Ils seront ouverts à des accords mutuellement favorables mais se rétracteront rapidement si vous ne leur faites pas des propositions qui leur paraissent intéressantes… »


L’ambassadeur continua encore quelques temps son briefing de la situation, puis on arriva enfin sur Bothawui. En empruntant la navette conduisant vers le tarmac bothan, le Chancelier put constater toute l’ampleur du mal qui imprégnait le Vice-Chancelier. Un instant, il put voir un visage en lambeaux, se décomposant à une vitesse effrayante. Valerion Scalia retint une grimace de dégoût mais ne put s’empêcher de conserver à l’esprit cette image, instant fugace mais marquant. L’attentat qui avait frappé Lord Janos avait du être d’une violence inouïe… Comme le Chancelier, le Chef du Gouvernement connaissait la destruction que pouvait répandre le feu.

Enfin, on se posa à terre et se fut le début de solennités éprouvantes mais nécessaires. Le Premier Ministre Koth Sei’lar vint accueillir les représentants de la République, accompagné du Conseiller au commerce. Le Bothan avait passé la cinquantaine, approchant la soixantaine. C’était un individu vigoureux, au sourire fin et sarcastique, couvert d’un poil déjà grisonnant. Deux yeux brillants et scrutateurs laissaient entrevoir une capacité à se faire une idée rapide et précise de son interlocuteur. La voix de Sei’lar était chaude, presque doucereuse, endormant l’attention pour mieux frapper ensuite.

L’accueil fut naturellement pompeux, avec une séance de revue militaire où l’on joua l’hymne républicain et l’hymne bothan. Puis, il fallut remercier chaleureusement le premier ministre devant les médias. Il y eut une scène où Scalia et Sei’lar se serrèrent la main, assis chacun dans un fauteuil, un sourire de contentement aux lèvres, tandis que les flashs crépitaient avec folie. Après toutes ces pitreries, on invita finalement le Chancelier et Vice-Chancelier à se rendre dans une pièce où seuls se trouvaient le Premier Ministre, le Conseiller au Commerce et à l’Industrie et le Secrétaire d’Etat du Gouvernement Bothan. Pour la République, se trouvaient le Chancelier, le Vice-Chancelier et l’ambassadeur Sael’var, ayant logiquement rejoint les hauts dignitaires de la République. Depuis la décision de Valerion Scalia de rejoindre Bothawui, l’ambassadeur était en contact perpétuel avec le Secrétariat général de la République et, par conséquent, avec le Chancelier. La réussite de cette visite diplomatique dépendant en partie du travail de préparation réalisée par l’ambassade.

    « Monsieur le Premier Ministre, je vous remercie encore pour cet accueil chaleureux. Si vous le voulez bien, je propose de séparer ces négociations en deux volets : d’une part les relations économiques entre l’Espace Bothan et la République, d’autre part la question militaire liée à la situation géopolitique. »


Le Premier Ministre Sei’lar n’était pas étonné de cette proposition de découpage. Il avait été convenu que les négociations portent sur ces deux aspects. Le Bothan acquiesça et répondit de sa voix grave et féline.

    « Par quel sujet souhaitez-vous entamer les discussions, Excellence? »


    « Je vous propose d’entendre les propositions préparées par le Vice-Chancelier Janos, je suis sûr que ses pistes en matière commerciale vous intéresseront. »


A Lord Janos de présenter les premières mesures. Le travail avait été divisé en deux parties et le Vice-Chancelier avait été chargé de présenter les propositions commerciales. Sujet le moins délicat, le Chancelier avait estimé plus à propos de commencer par là, se réservant ensuite les questions plus délicates relatives au domaine militaire.

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Lord Janos se leva. Il savait pertinemment que sa proposition pourrait susciter bien des débats ; aussi l'avait-il entièrement rédigée et enregistrée dans ses programmes, pour qu'elle défilât dans le creux de son œil artificiel et qu'il pût la lire tout en donnant l'impression de parler de mémoire. Nano-technologies et politique, ou l'art de tromper élégamment...

«Vous n'êtes pas sans savoir que le gouvernement républicain compte mettre en place toute une série de réformes, destinées à introduire d'importantes nationalisations dans notre système économique. Si la presse a surtout insisté sur ce versant-là - la nationalisation -, il ne faut pas oublier que, parallèlement, nous avons conçu un certain nombre d'Administrations dont l'objectif est de conserver intacte la libre concurrence, mais sortie de ce libéralisme anarchique qui en est, hélas, souvent le cadre.»

Il fallait peser un à un chacun de ses mots. L'état d'esprit Bothan n'était pas hostile à une certaine forme d'hyperlibéralisme que Janos trouvait par ailleurs assez peu honorable. Paraître trop interventionniste pouvait mettre les accords à mal. Bien sûr, les réalités sous-jacentes n'en demeuraient pas moins identiques, mais leur formulation, leur interprétation en transformaient considérablement le contenu.

«En particulier, l'Administration Globale Industrielle (A.G.I.) a été conçue dans l'optique de définir une ligne de conduite commune pour les chantiers nationalisés et les entreprises privées. Entendons-nous : il ne sera pas question pour vous d'imiter notre projet de nationalisation, ni pour nous d'entraver les dynamiques économiques qui sont les vôtres. La seule manière de trouver un terrain d'entente qui nous serait profitable à tous, ce serait de mettre en place une Administration de Coopération Commerciale Républicano-Bothan - nommons-la C.C.R.B. pour l'instant, mais cette appellation pourra être rediscutée à l'envie -, dont le principe sera simple :
- maintenir des contacts permanents entre l'A.G.I. républicaine et votre ministère du commerce ;
- définir des dynamiques économiques communes ;
- réadapter les horizons d'attente en fonction des évolutions de la conjoncture.»


Beaucoup d'informations en peu de mots. Lord Janos prit une petite pause pour marteler l'idée et ravaler sa salive, puis relança ses explications :

«Je n'ai pas encore de texte à vous proposer, car je désirerais que nous définissions ensemble les modalités de cette A.C.C.R.B. - ou tout autre nom. Bien entendu, les détails concrets sont à débattre :
- comment se répartir les financements équitablement et proportionnellement, compte tenu de nos budgets respectifs ?
- où recruter les agents de cette structure, suivant quelle formation, en quelle quantité ?
- où placer le siège de cette institution ? en territoire bothan, dans l'espace républicain ? la séparer en deux ?
... Autant de questions auxquelles je n'ai pas apporté de réponse définitive afin que nous en débattions ensemble, dans le cadre d'un véritable partenariat.»


Janos n'avait pas prononcé le terme, mais ce qu'il cherchait à combattre, ce n'était autre que l'ingérence. Le gouvernement républicain était parfois sali par l'idée, fort répandue, qu'il menait une politique d'ingérence chez ses alliés dans la Galactique. Par l'idée... et par la réalité, réalité que le Lord avait toujours trouvé abjecte. À ce sujet, le Vice-Chancelier avait déjà dû sacrifier bien des idéaux pour occuper le poste qui était le sien aujourd'hui, alors pas question d'en renier un de plus.

«Dans tous les cas, il serait vraiment souhaitable que nous parvenions à composer cette instance commune, garantissant des échanges et des dialogues constants, afin d'offrir une pérennité à nos accords. L'expérience nous l'a bien montré : combien d'accords économiques et commerciaux sont tombés en désuétude sous les effets conjugués de la conjoncture et du manque de contacts ? La formule que je vous propose permettra, je l'espère, de réduire et de limiter au possible un problème qui s'est longtemps posé. Au risque de paraître lapidaire, je ne détaille pas cette proposition davantage, afin de la soumettre au débat. Je vous remercie de votre écoute. Avez-vous des suggestions, des remarques, des critiques ?»
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Le Conseiller au Commerce porta une main à ses moustaches. Celles-ci étaient élégamment lustrées. En Bothan riche et soigneux de son apparence, le conseiller Netahou Dol'baar dépensait énormément de temps et d'argent pour que son image reste celle d'un félin jeune, beau et en bonne santé. En secret, il avait suivi une opération afin qu'on lui "replante" des racines de cheveux sur le crâne, pour maintenir une crinière belle et soyeuse. L'élégance excessive du conseiller lui valait les moqueries de bon nombre de représentants bothans au Conseil des Clans... Il n'était pas rare que ses interventions soient entrecoupées d'apostrophes tels que "hé, jolie chaton!". A ces bêtises, le conseiller Dol'baar répondait par une cote de popularité terriblement élevée, particulièrement auprès des bothannes... Libéral pur jus, le conseiller était assez critique vis-à-vis de l'action gouvernementale républicaine sur le plan économique. Dol'baar était tout sauf un interventionniste, il était en cela dans la logique bothanne depuis des siècles.

    « Votre Agence de coopération pourrait intéresser le Secteur Bothan... Il est vrai que trop souvent les accords entre la République et notre Etat sont tombés... à l'eau. »


C'était le moins qu'on puisse dire, mais dans un échange diplomatique c'était déjà beaucoup.


    « L'idée d'une agence de coopération nous paraît effectivement à même de permettre une collaboration sur le long terme. Mais si je parle d'une agence et non d'une administration c'est bien parce que je pense que ce projet doit sortir d'un cadre bureaucratique si nous voulons qu'il fonctionne. Ce doit être un lieu d'échanges et non de travail quotidien sans perspective... Il me semble que nous devrions faire de ce lieu de rencontre un endroit où pourraient échanger des représentants de nos gouvernements respectifs, aidés dans leurs discussions par des experts en matière économique, juridique, et autre.

    Il me semble qu'une mission intéressante pour cette agence serait de déterminer les éléments freinant les échanges entre nos deux pays et de travailler à l'élaboration de solutions à proposer à nos autorités politiques. Que ce soit en matière de barrières tarifaires ou ou non tarifaires, comme des réglementations... »


Le conseiller prit un document et le regarda un instant.


    « Une barrière particulièrement forte aux échanges se présente avec les droits de douane. Actuellement, nos entreprises n'ont pas toujours grande facilité à pénétrer le territoire républicain et la libre circulation mise en place au sein de votre République par la révision de votre constitution risque d'handicaper nos entrepreneurs. »


En gros : seriez-vous ouverts à une diminution des droits de douane à l'importation des produits bothans?


    « Je suis donc ouvert à votre proposition, Vice-Chancelier Janos. Mais j'aimerais que vous précisiez vos projets, afin que nous puissions ayant un effet concret. »


Le conseiller au commerce céda la parole au Chancelier Suprême de la République, qui allait désormais pouvoir évoquer la question militaire.

---------

    « Messieurs, comme vous le savez la République a subi une attaque destructrice il y a trois ans de cela, mettant en lumière l'existence d'un vieil ennemi que nous croyions, à tort, éradiqué. Depuis, la politique républicaine a été rythmée des rapports tendus avec cet Empire agressif.

    La République a été agressée trois ans plus tôt, depuis le traité d'Artorias a instauré une paix aussi précaire qu'illusoire. Précaire, car le traité déplaît à la Chancellerie, au Gouvernement et au Sénat. Illusoire, parce que les évènements de Flydon Maxima et de Byss ont prouvé que les Sith n'ont souhaité cette paix que pour mieux préparer la guerre. Désormais, la République doit s'apprêter à un éventuel conflit et c'est ce que nous faisons depuis que je suis élu. Aujourd'hui, la machine républicaine est lancée.

    Tous ces évènements que vous avez probablement suivis avec attention ont concerné la République. L'Espace Bothan est éloigné des territoires contrôlés par l'Empire. Il n'en reste pas moins que l'Impératrice Ynnitatch se soucie bien peu de cela... Elle aspire à la vengeance, à reconquérir la galaxie au nom d'un Empire Sith devant prétendument être ramené dans sa puissance d'autrefois. Darth Ynnitatch mène une croisade qui n'a pas de limites. »


Le Chancelier Suprême marqua une pause. En parlant, il regardait le premier ministre Sei'lar. Bothan grisonnant, celui-ci ne marquait pas une émotion, écoutant gravement.


    « Je suis conscient que la menace Sith ne pèse pas sur l'Espace Bothan directement. Il en va de même pour certaines parties de la République. Eriadu, Bakura ou Ryloth voient de façon éloignée les tensions avec l'Empire. La menace a beau paraître éloignée, elle n'en est pas moins réelle.

    Une menace plus proche vous concerne : l'Espace Hutt. Relativement calme ces derniers temps, vous savez qu'il peut être réellement menaçant. Ne serait-ce que par ses activités criminelles : esclavage, drogue, prostitution... Autant d'activités via lesquelles les Hutts opèrent en-dehors de leur territoire. Les frontières de l'Espace Hutt sont mouvantes, changeantes... Les Hutts n'ont peut-être pas les moyens, aujourd'hui, de se lancer dans la prise des terres bothannes. Mais cela pourrait changer s'ils s'alliaient avec l'Empire.

    Je vous propose une alliance militaire. Une assistance militaire automatique en cas d'agression. L'Espace Bothan serait attaqué? Aussitôt la République entrerait en guerre contre l'agresseur, et inversement.

    Vos services de renseignements sont probablement les plus efficaces au monde. Nous pourrions convenir d'un transfert de données... Le Bothan Spynet communiquerait les éléments relatifs à l'Empire Sith et à l'Espace Hutt, en échange de quoi nous vous communiquerions ceux relatifs à l'Espace Hutt et à l'Empire.

    Enfin, nous pourrions établir deux bases communes : l'une au sein du territoire républicain, l'autre au sein de votre territoire. Des lieux où nos armées pourraient travailler ensemble, en bonne collaboration.

    Voilà les propositions que je vous présente au nom de la République. Elles sont importantes, j'en suis conscient. Nous pourrions tous deux grandement bénéficier d'une alliance mutuelle, je suis convaincu que ce n'est que par une collaboration plus étroite que nous nous protégerons plus efficacement. »


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Le premier ministre Sei'lar avait écouté avec intérêt le chancelier républicain. Ses propositions l'intéressaient, mais il en avait également d'autres... Avant de les évoquer, il souhaitait conclure la première partie.

    « Chancelier, vos propositions présentent un réel intérêt. Avant de vous répondre, je propose que nous résolvions d'abord la question des rapports commerciaux. »


A Lord Janos, donc…
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Spoiler:

Le Vice-Chancelier Janos avait exposé au Conseiller Dol'baar et au Premier Ministre Sei'lar la possibilité d'une diminution des tarifs douaniers frappant les exportations bothannes. La proposition avait sans doute plu aux représentants du gouvernement bothan, mais les impératifs de l'hospitalité avaient mis fin aux négociations. Les discussions reprendraient le lendemain, avait-on dit, et c'est avec amabilité que le premier ministre avait conduit les deux dirigeants de la République vers une grande salle de réception.

La pièce était magnifique. Des dizaines et des dizaines de personnes étaient présentes, et avaient salué cette rencontre par des applaudissements maniérés. On avait dressé plusieurs séries de tables rondes, sur lesquelles trônaient au centre des vases contenant des fleurs magnifiques, offrant une série impressionnante de gammes de couleurs. Après une brève allocution du premier ministre et du chancelier suprême, le repas put débuter. Ce fut un festival de bonnes choses, provenant de tout l'Espace Bothan.

Il fallut se gaver, boire et manger, discuter avec le sommet de l'échelle sociale bothanne, rire, faire sembler de s'amuser, être fin, courtois et manger avec délicatesse et raffinement. Tout cela, dans le cadre d'une délicieuse petite musique. C'était long et chiant. Valerion Scalia dut supporter les forts parfums du conseiller Dol'baar durant tout le repas... était-ce un félin ou une peluche? Enfin, toutes ces formalités prirent fin, après un dessert aussi beau que pesant sur l'estomac. Et c'est avec bonheur que le dirigeant de la première puissance galactique s'enfonça dans les draps de soie des appartements réservés aux invités illustres.

Il ne trouva pas le sommeil, perturbé par une digestion difficile. Valerion lut un peu mais se lassa... Ereinté, il ouvrit une porte-fenêtre et alla s'installer sur le balcon, contemplant Drev'starn, capitale de Bothawui. La ville était en bord de mer et un vin doux et frais venait rafraichissait l'atmosphère. La nuit était belle, pleine d'étoiles. On distinguait aisément les bâtiments, la plage, le port, la mer. Le contraste avec Coruscant était saisissant. Les Bothans avaient réussi à faire de leur capitale un lieu de beauté, d'harmonie. On vantait la propreté des rues, la bonne tenue des immeubles, la sécurité de la ville. Drev'starn était une belle vitrine de l'Espace Bothan, mais rien d'autre que cela. Kothliss était une ville dédiée presqu'entièrement à l'industrie minière. Et là, les choses n'étaient pas aussi jolies et douces que sur Bothawui. Finalement, rien ne différait vraiment de Coruscant. Les riches et les puissants vivaient dans les Quartiers Hauts ou sur Bothawui, tandis que les plus misérables devaient se contenter des Bas Quartiers ou des colonies bothannes...

Bientôt, le Pacte Social viendrait offrir aux plus démunis l'aide d'un Etat social fort, l'appui de la puissance publique. Voilà qui était concret, voilà qui améliorerait le sort des pauvres gens. Ceux dont personne ne se souciait... Et certainement pas cet ambitieux de "Lord Janos", que Valerion supportait décidément avec de plus en plus de difficultés... L'image de la chair nécrosée de l'Aargaun, lors de leur arrivée sur Bothawui, hantait l'esprit du Chancelier. Le Vice-Chancelier était-il encore un homme? Avec des désirs et des craintes d'homme? Ou était-il... autre chose? Il avait espéré que ce voyage les rapprocherait, il devait bien constater qu'il n'en était rien. Les deux hommes étaient plus éloignés que jamais l'un de l'autre. Valerion n'était pas dupe, Lord Janos ne pensait qu'à une chose : la chancellerie suprême. Sans doute, même, ourdissait-il quelque idée infâme afin de le mettre, un jour ou l'autre, dans l'embarras. Depuis le soir de l'élection, Valerion Scalia n'avait plus aucun doute sur l'absolue fourberie de l'Aargaun. Il avait parié sur Emalia Kira, avait limite tenté de saborder l'éventuel succès de l'Artorien... Valerion Scalia n'oublierait pas.

Le paysage qui s'offrait au Chancelier lui rappela naturellement Artorias. La mer lui manquait... Cela dit, la comparaison était toute intellectuelle. Parce que la capitale artorienne était tout de même difficilement comparable à Drev'starn... c'était une petite ville, entourées de forêts paisibles. Rien de tout cela sur Bothawui, dont la capitale était une cité particulièrement active.

Le Chancelier Suprême de la République se réveilla sur le balcon, assis tant bien que mal sur une chaise inconfortable.

    « Bordel... »


Il fallut se laver et s'habiller rapidement, et c'est par le plus grand des hasards que Valerion Scalia put être parfaitement à temps pour un petit déjeuner en compagnie du Premier Ministre Sei'lar, du Conseiller Dol'baar et du Vice-Chancelier. A l'invitation de son supérieur, le Conseiller au commerce et à l'industrie fut le premier à prendre la parole.

    « Nous sommes favorables à la création d'une Agence de Coopération Commerciale, pour autant que la République accepte de baisser ses tarifs douaniers. Nous souhaitons augmenter nos exportations vers la République Galactique. »


Les mines de l'Espace Bothan tournaient à plein régime, et leur contenant pouvait effectivement intéresser les chantiers navals du sud de la République, qui fonctionnaient aujourd'hui à pleine capacité, ce qui nécessitait un approvisionnement constant en matière première. Les Bothans étaient prêts à baisser leur propre tarif douanier, tant que la République abaisserait le sien ils seraient gagnants.

Le premier ministre Sei'lar prit ensuite la parole.

    « Vos propositions sont intéressantes, Chancelier Scalia... Vous faites preuve d'un véritable désir de collaboration entre nos deux Etats et je m'en réjouis. Trop souvent, la République a considéré avec un certain dédain l'Espace Bothan. Nous ne sommes pas bien grands, certes, nous sommes éloignés de Coruscant, oui, mais nous ne manquons pas de ressources... »


Le Bothan grisonnant regardait son homologue républicain avec attention. Il continua.

    « Oui, l'Espace Hutt est une menace pour les Bothans. Mais les Hutts ne nous attaqueront jamais directement. C'est par leur contrebande, leurs magouilles, leurs pirates, tous leurs crimes, qu'ils mettent à mal les intérêts de l'Espace Bothan. Vous nous proposez une alliance militaire, en sachant que l'Espace Hutt ne nous déclarera jamais officiellement la guerre. Ce qui ne vous lie pas, mais oblige les Bothans à entrer en guerre si vous vous chamaillez avez l'Empire. »


Le Bothan prit une olive, avec un cure-dent, et l'engloutit. Puis une autre.

    « J'établis deux conditions, pour accepter votre offre. Tout d'abord, que la fameuse Agence de Coopération commerciale soit située sur Bothawui.

    La deuxième condition, c'est que les flottes républicaines et bothannes patrouillent ensemble sur les axes hyperspatiaux où les Hutts mettent à mal les intérêts bothans. La Route Bothanne, la Route de Kaaga, la Route Marchande de Manda, la Route Commerciale de Reena et la Route des Epices de Llanic. Toutes ces routes sont infestées de pirates, de contrebandiers... Les sécuriser conjointement offrirait une sécurité nouvelle aux échanges entre l'Espace Bothan et la République. »


Le Chancelier Suprême fronça les sourcils.

    « Vous n'êtes pas sans savoir que ces routes ne se trouvent pas en territoire républicain, ni en territoire bothan... »


    « Pas plus qu'elles ne se trouvent en territoire Hutt. Ces routes ne sont pas soumises à une souveraineté claire, Chancelier Scalia. Il y a bien des planètes ici et là qui font preuve d'une certaine autorité... mais elles n'ont ni les moyens ni la volonté de protéger ces voies de communication. »


Il y avait là une certaine forme d'ingérence... Mais, après tout, le premier ministre avait raison. Ces voies, bien que n'étant ni sous juridiction républicaine ni bothanne, n'appartenaient à aucun véritable Etat en particulier.

    « Soit, j'accepte. Gravons cela dans le marbre. »


Et c'est ce qui fut fait.

Traité d'alliance militaire et de coopération commerciale entre la République Galactique et l'Espace Bothan:
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