Le Masque de la Force
Le Masque de la Force
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Soudain, sur tous les écrans, un visage apparaît : celui du Sénateur Scalia, à demi souriant, l’œil pétillant tandis qu’il toise fièrement la Rotonde depuis sa plate-forme. Celle-ci s’élève pour faire le tour du Sénat. Des applaudissements et des cris et de joie retentissent, parfois lointainement perturbés par des sifflements consternés et des cris de rage. Le tapage se fait entendre jusqu’au dehors de l’édifice où les journalistes commentent frénétiquement les résultats de l’élection.

Les minutes de gloire sont brèves, néanmoins, car l’urgence et le protocole exigent que l’on revienne rapidement à des choses sérieuses. La passation officielle de pouvoir étant prévue à quelques jours plus tard, le nouveau Chancelier Suprême remet à plus tard son discours de prise de fonctions et laisse le soin à son équipe de présenter le nouveau gouvernement qu’il a choisi. Quant à lui, après un dernier salut glorieux à la foule, il se retire vers son tout nouveau bureau, à peine délaissé par le Chevalier Arnor, pour y traiter sa toute première problématique : la présence des Sith sur Byss, au sujet duquel des experts ont déjà été triés sur le volet pour accompagner Valerion Scalia au sein de sa première cellule de crise…


Pendant ce temps, dans la Rotonde… C’est le Sénateur Janos, d’Aargau, qui prend la parole. A lui revient soudainement nombre de responsabilités. A commencer par l’annonce de la composition du gouvernement, que les journalistes relaient déjà avec zèle. Il sait bien, par ailleurs, que cette annonce provoquera dans le Sénat quelque surprise, et probablement quelques protestations. Sans compter l’angoisse née des évènements sur Byss, Côme Janos sera forcé de jouer un rôle de médiateur entre le nouveau Chancelier et cette assemblée encore sur des charbons ardents.
Et puis, il s’attend à ce que la nouvelle opposition, du même coup, se forme ce soir…

Sur ce plan, la Reine Kira est bien décidée à riposter. Alors que tout le monde l’avait félicitée d’avoir su garder son calme pendant le débat, elle avait perdu ! Elle savait que si elle s’enfuyait maintenant pour ne pas faire face à son échec, alors ses partisans, découragés eux aussi, l’abandonneraient. Il faudrait donc faire face à ce nouveau gouvernement et se montrer le leader de la nouvelle opposition.



Seuls les joueurs Emalia Kira et Lord Janos sont autorisées à poster dans ce sujet.
Ordre de posts : Janos – Emalia
Votre combat est une joute verbale ! Vous devez donc utiliser la parole pour débattre autour des questions évoquées en introduction. Vous serez jugées sur la pertinence des propos de votre personnage mais aussi sur son charisme, la façon de parler des personnages (en cohérence avec son statut), et la qualité générale de votre RP. Bonne chance !

Invité
Anonymous
Voilà. C'en était fait : Valérion Scalia venait de triompher. Et par là même, le Rassemblement Républicain.

Tout s'était donc déroulé précisément comme Janos le souhaitait. Lorsqu'il vit apparaître les résultats, il se sentit soudain soulagé : le plan retors qu'il avait fomenté de concert avec le sénateur d'Artorias avait porté ses fruits. En faisant croire à Rejliidic qu'il voulait mettre Emalia Kira au pouvoir, le Lord avait su pousser son rival à soutenir son propre camp et à en renforcer d'emblée la puissance. Puis, en promettant à la souveraine d'Ondéron qu'il la défendrait, il s'était assuré d'obtenir une place dans le gouvernement à venir, quand bien même le Rassemblement Républicain échouerait. Coup bas sur coup bas, mensonge sur mensonge, diversion sur diversion... la seule manière de parvenir à ses fins, dans ce nid de vipère. Janos n'en était pas spécialement fier, car il avait la légère impression d'avoir trahi des principes qu'il défendait depuis toujours, mais le résultat était à la hauteur de ses attentes. N'était-ce pas l'essentiel, en somme ?

Seul un grain de sable aurait pu enrayer la fabuleuse mécanique que le Lord avait bâtie pour offrir à son destin le cours qu'il souhaitait : ce traître de Keyiën. Les sous-entendus que ce dernier avait placés lors de son discours, avant les résultats, avaient irrité Janos en plus de lui faire encourir le risque de perdre tout crédit. C'était donc décidé : tôt ou tard, il se vengerait. Bien sûr, l'Ordre refusait la vengeance car celle-ci est source de chaos, mais peu importait, il se vengerait ! Pour l'heure, cependant, il avait bien mieux à faire...

Dès que les résultats furent affichés, le sénateur d'Aargau quitta immédiatement sa place, et prit le premier ascenseur venu pour se rendre dans les sous-sols du Sénat. C'est là que tout allait commencer... Durant la descente, il contempla la vue imprenable que lui offraient les parois de verre sur l'intense fourmillement de Coruscant. Dehors, le monde s'adonnait à la frénésie aveugle qu'on lui connaissait si bien : des milliards et des milliards d'individus continuaient de mener leur petite vie insignifiante, tapis dans leurs speeders, conscients que leur existence demeurerait égale à elle-même jusqu'à ce que mort advînt, à nourrir une famille, à élever des enfants, à s'enliser lentement dans l'immanence la plus totale... Mais lui, Lord Janos, n'était pas de ceux-là : ce soir, il annoncerait à tous et à toutes qu'il deviendrait le nouveau Vice-Chancelier. Les bribes d'un très léger sourire se dessinèrent sur le coin de ses lèvres. Ah, si Rejliidic savait quel mauvais tour il lui avait joué... Et Kira, quelle serait sa réaction, lorsqu'elle verrait son "futur ministre de l'industrie" figurer dans le nouveau gouvernement !

La petite lumière de l'ascenseur s'alluma soudain, tandis qu'une voix artificielle annonça l'étage. Le sénateur d'Aargau accorda un regard furtif à son propre visage, qui se reflétait sur la paroi métallique des portes coulissantes, avant que celles-ci ne la coupent en deux en s'ouvrant. Il sortit alors d'un pas déterminé, paré à l'action, débordant d'une énergie presque effrayante. Mais aussitôt, il fut intercepté par deux gardes républicains, drapés de leur élégante cape bleutée.

«Sénateur Janos. Je suis désolé de vous arrêter, mais seuls les membres de la Chancellerie sont autorisés à pénétrer ces lieux.»

Le Lord inclina légèrement la tête sur le côté droit, et considéra le soldat d'un œil légèrement hautain.

«Allons, mon brave, on ne vous a pas encore informé ? Le Vice-Chancelier, c'est moi, maintenant.»

L'aura de Janos perçut un sentiment de gêne s'emparer soudain des deux hommes.

«Pour être plus précis, ce sera moi lorsque nous aurons procédé à la passation des pouvoirs. Mais je suis mandaté par Valérion Scalia en personne pour annoncer au Sénat la composition de notre nouveau gouvernement.»

Manifestement, le soldat ne s'attendait guère à une telle réponse.

«Eh bien... Permettez-moi de vérifier vos dires, s'il-vous-plaît.»

«Je vous en prie : faites donc votre devoir.»

Sur ces mots, le garde adressa un signe de tête à son camarade et se retira à la hâte. Il revint quelques instants plus tard et s'empressa de s'excuser.

«Pardonnez-nous, monsieur le Vice-Chancelier. Vos informations sont exactes : nos services viennent seulement de recevoir le mandat en question.»

«Monsieur le Vice-Chancelier»... Ah... Qu'il était agréable de s'entendre nommé «Monsieur le Vice-Chancelier»... C'en était fait, des «sénateur Janos» et autres appellations de seconde main... «Vice-Chancelier» avait infiniment plus de style, même auprès du vulgaire, peut-être parce que dans «Vice-chancelier», on entendait «Chancelier»...

«Je vous en prie, mon brave. Vous ne faites que votre métier... Mais maintenant», ajouta-t-il sur un ton à la limite de la familiarité, «n'oubliez pas mon visage, car nous risquons bien de nous revoir...»

Sur ces mots, il donna une petite tape sur l'épaule du garde, et pénétra dans cette salle circulaire qu'il n'avait jamais vue de ses propres yeux et qu'il désirait tant atteindre. Voilà qui était assez paradoxal, d'ailleurs : un politicien parvenu au faîte de sa gloire devait se retrouver dans les catacombes du Sénat. Mais ce n'était que pour mieux se hisser sous les yeux de tous...

Ce soir, Valérion Scalia ne serait pas présent aux côtés de son Vice-Chancelier : dès les résultats de l'élection affichés, il avait dû se rendre dans son nouveau bureau pour décider des opérations militaires. Quant au futur Secrétaire général de la Chancellerie, Telkhar Melk'an, il était retenu hors de Coruscant : son transport aurait dû faire un saut en hyper-espace depuis Aargau, mais les événements sur Byss avaient éclaté juste avant et lui interdisaient désormais tout déplacement dans le noyau. Terrible manque de chance, n'est-ce pas ? Janos disposait donc du lieu pour lui tout seul. Il fit quelques pas à travers la salle en l'observant dans ses détails, se rapprocha lentement du bureau, au centre, et alla rejoindre la place qui était la sienne : celle de l'Orateur sénatorial, à la droite du Chancelier suprême. Le Lord profita de cette situation quelques instants pour se confirmer que tout ceci était bien vrai. Il fut même traversé du désir de se déporter sur la droite, là où siégeait le Chef de l'État ; mais il se ravisa en sentant le regard sévère que les gardes républicains portaient sur sa personne. À la place, il consulta l'heure, vit que la séance pouvait commencer, inspira un grand coup, et appuya sur le bouton qui devait le propulser au cœur du Sénat.

Alors il n'y eut plus qu'à se délecter de la situation. Dès que la nacelle centrale réservée à la Chancellerie se leva automatiquement et apparut au cœur de la Grande Rotonde, dès que tous les regards, toutes les caméras se furent portés sur le nouvel Orateur sénatorial, l'assemblée abandonna aussitôt toute discussion et sembla se statufier d'un seul et même mouvement. L'ascension de Lord Janos se fit dans un silence total, glacial et atterré. Malgré la stupéfaction des sénateurs, la très légère inclinaison de ses lèvres maintenait intacte l'esquisse de sourire que l'Orateur sénatorial affichait depuis l'annonce des résultats, et rien ne put l'en retirer. Il attendit que la nacelle ovale eût atteint sa position centrale pour faire mine de prendre la parole, mais c'est avec un malin plaisir qu'il laissa encore s'écouler quelques secondes pour profiter du spectacle. Son œil artificiel opéra quelques zooms çà et là, qui lui permirent de sonder les réactions : il était particulièrement curieux de découvrir celle d'Emalia Kira... Puis il s'adressa enfin à son public :

«Sénateurs et sénatrices, en tant que Vice-Chancelier et Orateur sénatorial, je tiens à vous informer que le Chancelier Scalia ne sera pas présent ce soir. Les événements qui se déroulent actuellement sur Byss le maintiennent occupé. La tâche me revient donc de vous annoncer la liste des membres qui composeront notre nouveau gouvernement.»

Cette simple déclaration suffit à faire naître un embryon de brouhaha. Prenant à cœur sa toute nouvelle fonction, Janos leva la main sévèrement :

«Mesdames, messieurs, je vous en prie. Vous serez autorisés à vous exprimer lorsque la Présidence vous l'accordera. Pour l'heure, veuillez prendre connaissance de notre gouvernement dans le silence.»

L'Orateur sénatorial attendit effectivement que tout le monde se tût pour annoncer la liste d'une voix claire et limpide :

«Voici la liste de nos nouveaux ministres :

- Comme Ministre du Trésor et de l'Economie : Ragda Rejliidic.

- Comme Ministre de l'Industrie, de l'Énergie et du Développement sectoriel : Kal Nomos.

- Comme Ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Santé : Alan L. Bresancion.

- Comme Ministre de la Recherche, des Technologies et des Entreprises publiques : Anton Pelot.

- Comme Ministre du Commerce, de l'Agriculture et de l'Environnement : Tendau Nu.

- Comme Ministre de l'Education et de la Culture : Leero Coret.

- Comme Ministre de la Justice : Lÿnha Golmaar.

- Comme Ministre de la Sécurité Intérieure : Ion Keyiën.

- Comme Ministre de la Défense : le Maître jedi Alyria Von.

- Comme Chef d'Etat-Major des Armées : le général Tel'kasan.

- Comme Secrétaire général de la Chancellerie : Telkhar Melk'an.»


Cette liste, Janos la connaissait d'avance, puisqu'elle avait été prévue lors des tractations qu'il avait fallu mener auprès des soutiens de Valérion Scalia. Mais au cas où elle aurait changée entretemps, il avait vérifié au préalable ce que lui affichait l'écran de la nacelle centrale. D'ailleurs, il n'avait pas fini de parler que déjà un certain nombre de sénateurs réclamaient la parole : la liste des noms s'afficha à une vitesse déroutant sur le petit cadran bleuté. En la voyant se dessiner, le Lord apprécia l'idée que c'était lui, désormais, qui offrait la possibilité de s'exprimer à qui il voulait, comme il le souhaitait : décidément, cette fonction ne laisserait pas de lui plaire. Mais auparavant, il avait encore une déclaration à faire...

«D'autre part, je tiens à vous annoncer que je démissionne officiellement de ma fonction de sénateur. Comme le stipule l'article 14 de notre Constitution, "l’Orateur sénatorial est tenu à un devoir d’impartialité et de réserve. Il ne peut prendre part aux débats et ni aux votes." Dès lors, il me semble contradictoire de demeurer sénateur en même temps qu'Orateur sénatorial. En outre, le Rassemblement Républicain désire que nos mandats soient réduits à une période de six ans : le mien les a dépassés, et si vous vous en souvenez, j'avais promis à la presse qu'en cas de victoire, je me conformerai à toutes les idées dont je suis le défenseur. Par honnêteté et par respect pour la République, il en sera donc ainsi : à compter du jour où aura lieu la passation des pouvoirs, je ne serai plus sénateur d'Aargau.»

Toutes ces déclarations avaient suscité une certaine émulation dans la Rotonde. Le brouhaha se fit entendre une seconde fois, mais le nouvel Orateur sénatorial, "coordinateur et garant du bon déroulement de l’activité du Sénat" pour reprendre un autre article de la Constitution, décida de couper court en autorisant une commission sénatoriale à s'exprimer. Son regard s'arrêta sur l'une des toutes premières à avoir réclamé une intervention, et il ne put s'empêcher de sourire quand il vit le nom d'Emalia Kira. Il appuya donc sur l'écran tactile pour que la nacelle réservée à Ondéron reçût la possibilité de planer au cœur de l'assemblée.

«Maintenant, la Présidence accorde la parole à la sénatrice Emalia Kira, du système d'Ondéron.»
Emalia Kira
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Le visage de Scalia s'était affiché partout. En l'espace d'une poignée de secondes, son sourire suffisant recouvrait les écrans géants à l'intérieur du Sénat, à l'extérieur, probablement sur les murs de l'immense capitale et, simultanément, sur toutes les planètes dotées de la technologie suffisante pour retransmettres les holonews Coruscanti. Oh, certains mondes éloignés n'auraient l'information que dans quelques minutes, parfois quelques heures, en réalité. Ondéron par exemple, ne l'apprendrait que d'ici une dizaine de minutes, le temps que les communications leur parviennent.

Emalia imagina la foule rassemblée sur le parvis de son palais, en Iziz, et sa vue se brouilla. Combien de milliers d'ondéroniens avaient espéré voir retomber sur eux la notoriété de leur Reine ? Combien avaient attendu le triomphe de leur fierté, ce revirement de gloire pour ce monde qui s'était vu vendu aux Sith ?
La revanche sur cette République n'aurait pas lieu. Elle avait perdu.

Perdu.

Shoey, sa conseillère en communication depuis quelques années maintenant, posa sur la souveraine sa douce main gantée, ramenant Emalia à la réalité autour d'elle. Juchée, droite, sur la nacelle réservée à son monde, elle sentait sur elle peser les regards pour la plupart chargés d'hostilité. Parmi les acclamations, elle crut entendre des ricanements - à moins que ce ne soit l'effet de son imagination ? Emalia serrait les dents à en rendre sa mâchoire douloureuse, mais c'était tout ce qu'elle pouvait faire pour retenir à grand peine ses larmes. Elle aurait aimé que Jake soit avec elle, qu'Ethan et Milésya soient ici pour qu'elle puisse leur expliquer que tout ceci n'était qu'un grand jeu sans importance.
Mais comment aurait-elle pu croire à pareille fable elle-même ? Elle était là, criblée par l'humiliation, et ne pouvait pas prétendre y être indifférente.

Elle prit une grande inspiration. Non, le Sénat ne la verrait pas s'effondrer. Si tous demain se retournaient contre elle, elle continuerait de se tenir là, droite et le menton fièrement levé, représentant sa nation, son combat.

- Votre Majesté, souffla Shoey derrière elle.

L'humaine brune, aux yeux d'un noir d'encore et à la peau mate, lui tendait discrètement un mouchoir. Emalia repoussa la main d'un bref geste agacé. Une larme devait couler sur sa joue, et alors ? Elle n'allait pas prétendre n'être pas touchée par les évènements. C'était sa sensibilité, son émotion furieuse qui l'avait portée jusque là. Sa grand-mère et les reines ondéroniennes avant elle avaient-elles jamais atteint pareil niveau politique ? Certainement pas. Etre arrivée jusque là, voilà ce dont elle devait être fière.

Shoey ne s'offusqua pas du geste sec de la Reine, à laquelle elle était habituée depuis maintenant deux années. Mais elle était la première à avoir pu rejoindre la nacelle d'Ondéron dès que les Sénateurs avaient fini de voter et désormais seule avec sa souveraine, elle ne savait guère comme l'assister. La Reine semblait figée dans la glace, et pourtant son visage s'était empourpré tandis que l'agitation ne semblait pas trouver de fin dans l'assemblée.

Bien sûr, les deux femmes s'attendaient à voir surgir le nouveau Chancelier, à ce qu'il vienne saluer la foule, à ce qu'il s'approche de leur nacelle pour les narguer. Pourtant, il disparut rapidement. Shoey entendit un commentaire sur la nacelle voisine, comme quoi il était probablement appelé pour régler le problème de l'Empire sur Byss. Emalia, elle, n'écoutait plus rien. Ses yeux s'étaient portés, comme obnubilés, au centre de la Rotonde où s'élevait la nacelle de la Chancellerie. Elle avait tout de suite reconnu ces épaules, ce faciès régulier, cette manière de regarder le monde qui l'entourait.

Lord Côme Janos, Sénateur d'Aargau, dans la nacelle de la Chancellerie. Un bref instant, elle crut qu'il y avait eu une erreur, ou qu'il était arrivé quelque chose à Valerion Scalia et que le Sénateur d'Aargau, dans les petits papiers de tout le monde, allait annoncer un problème mineur.
Et puis, comme tout le monde autour d'elle, elle comprit. Sauf qu'elle était la seule personne à être réellement surprise.

- Bien sûr, le Sénateur Janos, son fidèle allié...
commenta un homme à la voix de stentor dans la nacelle au-dessous d'elle.

Emalia se sentit comme la plus manipulable des idiotes. Bien sûr, Lord Janos, le fidèle allié, comment avait-elle pu être bête à ce point ? Croire qu'il oeuvrerait pour son parti, croire qu'en son for intérieur il la soutenait, mais comment avait-elle pu ? Aveuglée par la fureur, elle ne savait plus très bien si elle était plus en colère contre elle-même que contre ce traître. Il avait profité de sa naïveté, de son inexpérience ! Et il paraissait, maintenant, il trônait sur cette nacelle à toiser le monde avec suffisance... Jake lui avait pourtant bien dit de ne faire confiance à personne, et il avait pourtant une sacrée réputation de fourbe. Pourquoi était-elle si facilement tombée dans le panneau ? Elle avait peine à y croire.

Le silence s'était peu à peu installé dans la Rotonde, et elle se dit que le bruit au moins jusqu'ici avait couvert le grondement de sa colère et les cris de son désespoir à l'intérieur de son esprit. Désormais, il ne subsistait qu'elle et l'entièreté de ses émotions jetées en pâture à cette Rotonde assoiffée.

Heureusement, le Sénateur d'Aargau - non, le Vice-Chancelier ! se mit à énumérer sobrement la liste des membres du nouveau gouvernement. Une liste de noms sans consistance à ses yeux, à peine quelques-uns attisaient-ils un peu plus sa haine, comme celui de Rejliidic ou de Keyiën. A peine Côme Janos avait-il terminé son allocution que déjà, des voix s'élevaient pour contester ou acclamer le nouveau gouvernement. Emalia, elle, voyait dans cette liste mille raisons de haïr de cette nouvelle République. Magouilles, malhonnêteté, suffisance. Elle n'avait eu besoin d'aucune réflexion pour toucher sèchement l'écran devant elle, demandant à prendre la parole. Elle souhaitait être l'une des premières à s'exprimer. Il était hors de question qu'ils la fassent s'enfuir la queue entre les jambes. Shoey frémit derrière elle lorsque la nacelle les souleva toutes les deux vers le centre de la Rotonde.

Aussitôt, le brouhaha se calma autour d'elles, et Emalia sentit peser de nouveau mille regards sur elle. Elle se sentait minuscule, elle entendit quelques rires moqueurs, qu'elle ignora. Toute son attention était portée sur cet... Orateur. Elle n'allait plus lui sourire délicieusement, désormais. Elle ne lui serrerait plus la main, ni ne considèrerait aucun de ses projets comme admirable. Plus. Jamais.

Le trac qui la saisit avait néanmoins cristallisé sa haine en son for intérieur, et la raison reprenait peu à peu le dessus tandis que la nacelle terminait sa trajectoire silencieuse. Emalia fut brièvement prit d'effroi. Dévoiler le stratagème de cet enfoiré ? Ce n'était pas l'envie qui lui manquait mais... Il s'agissait de ne pas passer pour une petite pleurnicheuse. Elle s'employa à retrouver le calme qu'elle avait utilisé lors de son débat contre Valerion Scalia. Calme qui ne l'avait pas aidé à remporter le poste, songea-t-elle avec amertume. Mais Shoey lui avait conseillé de garder sa ligne de conduite, même après les élections. Sous-entendu, même si elle ne l'emportait pas.

Elle prit une longue inspiration, nécessaire à ce que sa voix ne tremble pas.

- Merci à tous pour votre attention, fit-elle d'une voix qu'elle espérait porter et imposer l'écoute. Je vais être brève. Ce gouvernement m'apparaît instable. Je sais que le Sénat a sanctionné mon excès de prudence à l'égard des évènements actuels, mais cette liste ne reflète en rien l'unité qu'il nous faudra montrer à l'Empire Sith, dont je vous rappelle qu'il est à nos portes. Que dis-je ! Au coeur du Noyau, centre même autour duquel notre République gravite !

Elle s'interrompit brièvement. Ses iris luisaient d'émotion, et elle devait serrer les poings pour ne pas que l'on pût voir trembler ses doigts blancs. Derrière elle, Shoey était d'une immobilité de marbre, les yeux rivés vers ses pieds, mais Emalia se sentait seule au milieu de la Rotonde.

- Cela me prendrait trop de temps d'énumérer les maints défauts que je vois dans cette liste, à commencer par la nomination du Sénateur de Corellia à un poste de ministre.

Elle laissa le temps aux politiciens d'absorber l'accusation. Elle y allait peut-être un peu fort, mais elle avait des raisons. Et surtout, elle pouvait prouver à Janos qu'elle n'était pas du genre à se taire, à avoir peur de l'humiliation. Oh que non. Elle ne pouvait guère espérait qu'il la craignît, mais elle serait un grain de sable dans leur machine bien huilée. Bien placée, elle pourrait toujours... emmerder ces connards, comme aurait dit Jake. Penser à son compagnon aux manières un peu vulgaires lui arracha presque un sourire, mais elle était trop figée sous les projecteurs pour que se dessinât sur son beau visage autre chose qu'un rictus ulcéré.

- Oui, je parle bien de Ion Keyiën. Cet homme, il y a quelques années à peine, menaçait de faire sécession. De créer son propre gouvernement avec des mondes proches de Corellia, embrigadés dans son idéologie. Comment pourrions-nous croire à son intérêt pour la République, je vous le demande !

Sa voix glacée s'était éraillée sous l'effet de la colère. Mais elle devait à tout prix retrouver son calme. A son soulagement, elle entendit quelques cris contre Keyiën, mais aussi contre elle-même. On contestait déjà ses propos, bien sûr. Il y avait toujours des fayots pour se faire bien voir des plus puissants.

- Et je n'ai pas terminé, coupa-t-elle avec froideur pour enrayer le tollé qui commençait à s'élever contre elle. Il y a pire qui m'empêche de faire confiance à ce gouvernement. Certains de ses membres, vous le savez, font actuellement l'objet de poursuites pénales. Et je ne parle pas de détournement de fonds ou d'abus de pouvoir, quand bien même ce nouveau gouvernement pourrait être aisément soupçonné. Non... L'un de vos futurs ministres est accusé de collusion avec l'Empire !

Enfin, à ces mots, elle trouva la force de détacher son regard de Lord Janos et de le promener autour d'elle, toisant un à un les sénateurs. Avaient-ils déjà oublié ? Leur mémoire était-elle défaillante ? Elle allait remédier à ce problème, si c'était le cas.

- Pendant les terribles évènements d'Artorias, le Sénateur Rejliidic s'est arrogé un pouvoir spécial qui outrepassait ses droits... Ecartant le véritable détenteur du pouvoir, le précédent Chancelier, pour négocier avec l'ennemi. Ce même ministre, mesdames et messieurs les Sénateurs, qui apparaît sur une vidéo antérieure à cet évènement, où l'on peut le voir coopérer avec l'Impératrice Ynnitach. Cette femme même contre qui vous avez élu votre nouveau Chancelier !

Une lueur de triomphe flamboyait dans ses yeux. Celle de la vengeance de la vérité sur leurs magouilles. Peut-être était-elle ingénue, mais pas au point de croire en l'innocence de ce Hutt. Où était-il, d'ailleurs ? Absent, il ne pouvait guère se défendre... C'était trop beau pour être vrai. Emalia se pencha un bref insant vers le micro de la nacelle afin de pouvoir murmurer tout en étant entendue de tous. Elle prit soin de déclarer lentement :

- Depuis quand peut-on cumuler haute trahison et fonction de ministre dans cette République ?

La souveraine se redressa doucement, puis reprit de nouveau quelques respirations pour calmer son émotion, puis elle reporta son regard sur Côme Janos, plantant dans les siens ses yeux glacials.

- A ce titre, Orateur Sénatorial...


Lui donner ce titre remplissait sa bouche d'une amère déception. Mais elle espérait secrètement qu'elle ne serait pas la seule à s'opposer. Elle nourrissait un minuscule espoir : si elle parvenait à faire plier le nouveau gouvernement sur ne serait-ce qu'un seul point de cette importance, alors elle enverrait ainsi un message très puissant à tous les opposants de ce nouveau gouvernement : celle son pouvoir face à eux. C'était un espoir infime... Mais le seul viable auquel elle pouvait se raccrocher.

- ... Je conteste la nomination du Sénateur Ragda Rejliidic au poste de Ministre.
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La déclaration de la sénatrice Kira eut sur la Rotonde l'effet d'un coup de fouet. Chaque politicien se mit à hurler à tout va, exprimant haut et fort assentiment, protestations, colère, enthousiasme... Paradoxalement, il eût été réducteur de scinder l'assemblée en deux : de ce qu'il put en voir, Lord Janos eut l'impression que des membres de son propre parti, et qui avaient voté en faveur de Scalia, acclamaient désormais la représentante d'Ondéron pour destituer Rejliidic. Plus grand paradoxe encore : le Vice-Chancelier lui-même se serait volontiers joint à eux, s'il n'était pas censé représenter le nouveau gouvernement. Décidément, Janos s'attendait à affronter une soirée difficile, mais jamais il n'aurait imaginé qu'il devrait se heurter à des situations aussi complexes. Non seulement, il s'était opposé au secrétaire général de son propre parti ; mais voilà maintenant qu'il devrait défendre la cause de son pire rival politique : ce fourbe de Rejliidic.

Les sénateurs ne se taisaient pas. Chacun y allait de sa petite opinion qu'il crachait depuis sa nacelle à l'attention d'un public inexistant. Une fois lancé, chaque cri, chaque vocifération se perdait dans ce brouhaha généralisé. Le Lord ne s'était jamais imaginé quelle impression cela faisait, de se trouver au milieu de ce joyeux grabuge. Voilà bien longtemps qu'il briguait cette place, mais à aucun moment il ne s'était figuré la force d'âme qu'exigeait une telle fonction. Se trouver au cœur de cette avalanche de contestations, devoir affronter ce ras de marée de critiques, même quand elles n'étaient pas adressées spécifiquement à la chancellerie... c'en était déroutant. Tellement déroutant que l'espace d'une petite seconde, la légendaire constance de Janos en fut presque ébranlée. Oh, bien sûr, pas assez pour qu'il perdît ses moyens. Mais tout de même... Il inspira un grand coup pour reprendre ses esprits et offrir à sa voix toute l'ampleur dont il la savait capable :

«Silence dans l'assemblée ! Silence ! Ayez la décence de vous écouter les uns les autres !»

La cacophonie se calma quelque peu, mais pas assez au goût de l'Orateur sénatorial.

«S'il-vous-plaît ! Nous ne sommes pas dans une basse-cour, ici !»

Ah... Le sentiment d'agression face au verbiage de ces sénateurs n'avait d'égal que le plaisir de leur ordonner de se taire. Le silence se fit enfin, et Janos put répondre aux invectives que lui avaient lâchées la sénatrice.

«Ces attaques lancées à l'encontre de notre nouveau gouvernement méritent que ce soit un de ses représentants qui y réponde. En l'absence de notre Chancelier, je suis le plus à même d'assumer cette tâche. Bien sûr, soyez avertis : je ne m'exprimerai pas en mon nom, mais en celui de Valérion Scalia et du gouvernement qu'il a choisi ce soir.»

Cette déclaration suscita une légère vague de contestations intempestives de la part de ceux qui avaient réclamé la parole.

«Silence, je vous prie ! La Présidence ne vous a pas autorisé à vous exprimer.»

Cette fois, ce simple avertissement suffit à faire taire les quelques fauteurs de trouble. Excellente mise à l'épreuve de son charisme que d'occuper le poste d'Orateur sénatorial... 

«Bien. Laissez-moi répondre à vos attaques point par point, sénatrice Kira. Soyons précis et méthodiques.

Tout d'abord, vous considérez que ce nouveau gouvernement est instable. Mais dites-nous : sur quoi fondez-vous de telles accusations ? Sur le fait que nos ministres sont de bords politiques différents ? Qu'ils ne sont pas tous alignés sur la même mouvance ? Certes. Mais au cas où vous auriez oublié quelques règles de base, c'est ce qu'on appelle un gouvernement de coalition. Il s'agit d'une stratégie plutôt efficace, même si elle comporte quelques risques, comme toute stratégie : rassembler autour de soi des politiciens de partis différents, pour tenter de satisfaire le maximum d'individus au sein de la communauté politique, et de représenter une majorité de voies.»


Lord Janos s'amusa à adopter le ton d'un maître prodiguant un enseignement. Il n'avait qu'un objectif en tête : infantiliser son adversaire en mettant en exergue le peu d'expérience dont elle faisait preuve. Aussi joua-t-il la carte de la compétence politique contre celle de l'ignorance. Le tout en respectant les sacro-saintes règles de l'art oratoire, bien sûr.

«Instable, dites-vous ? Peut-être bien. Démocratique, vous répondrais-je. Éminemment démocratique. Je vous l'accorde : un gouvernement uniquement composé de membres du Rassemblement Républicain aurait disposé d'une ligne directrice plus facilement identifiable. Mais dans ce cas, nous n'aurions représenté qu'une part infime du Sénat et des mondes républicains. Nous nous serions comporté comme un clan nombrilistes, un petit cénacle du Noyau totalement hermétique à toute autre mouvance que la nôtre. Et vous n'auriez pas manqué de nous critiquer sur ce point, d'ailleurs. À la place, ce que nous vous proposons, c'est un compromis démocratique. Nous sommes des démocrates.»

Il s'interrompit un bref instant pour reprendre son souffle et insister sur ce concept : la démocratie.

«Êtes-vous à ce point opposée à la démocratie, sénatrice Kira ? Dans ce cas, heureusement que vous n'êtes guère devenue chancelière : nous aurions eu quelques petits problèmes constitutionnels.»

Nouvelle interruption, pour mettre en valeur ce petit sarcasme.

«Deuxièmement, je trouve vos critiques vis-à-vis du sénateur Keyiën tout à fait injustes et totalement déplacées. Vous le dépeignez comme un sécessionniste, un séparatiste irrespectueux des valeurs fondamentales la République. Même si je ne partage pas absolument toutes les opinions de mon collègue, comme le Sénat a pu le voir tout à l'heure, il n'empêche que jamais je ne l'accuserais comme vous l'avez fait. Et pour cause, vous confondez le présent et le passé. Oui, le sénateur Keyiën et ses appuis politiques ont tenu des discours séparatistes auparavant : mais c'était avant la Débâcle d'Artorias, c'était avant la menace impériale, c'était avant la crainte d'un conflit. Depuis, leur manière d'envisager la République a littéralement évolué.»

Cette critique, Janos l'avait déjà entendue dans la bouche de ce scélérat de Rejliidic. Il avait d'ailleurs trouvé un moyen efficace de le contrer : aller chercher dans la lettre-même des idéaux auxquels Keyiën avait adhéré en se plaçant à la tête du Rassemblement République. C'était une preuve textuelle, bref une preuve imparable.

«Laissez-moi vous rappeler à la mémoire l'Axe Deuxième du Rassemblement Républicain - et vous pouvez vérifier, le sénateur Keyiën a lui-même inscrit sa signature au bas de ce texte. Suivant l'Axe en question, "un article de la Constitution stipulera que toute velléité séparatiste sera interdite ; en cas de sécession, les systèmes membres concernés s'exposeront à des sanctions prises par la Cour Suprême." Difficile, tout de même, de s'imaginer qu'un sécessionniste puisse réellement adhérer à un tel acte de foi, n'est-ce pas ? Je vous trouve donc bien ingrate de faire passer le sénateur Keyiën pour un séparatiste, alors qu'il s'est repenti de cette erreur depuis plus de deux ans, maintenant. Vous avez été Reine avant de devenir sénatrice ; j'ai été Jedi avant de devenir politicien ; le sénateur Keyiën a été séparatiste avant de devenir un authentique républicain. N'avons-nous pas le droit de changer ? Votre attitude consiste à caricaturer les gens, à les ranger dans des cases : en plus d'être anti-démocrate, seriez-vous si peu ouverte d'esprit ? Beaucoup de défauts en perspectives...»

Restait à aborder la troisième critique qu'avait lancée Emalia Kira. De loin, la plus complexe à contrer... Simple question de principe : si Janos avait déjà du mal à accepter que Rejliidic siégeât dans le même gouvernement que lui, il était encore moins question de se faire l'avocat de ce malfrat ! D'autant que c'est le Lord lui-même qui avait frappé aux portes de la Cour Suprême de Justice... Oui, Janos ne pouvait pas se faire l'avocat d'un accusé qu'il avait lui-même envoyé au tribunal. De ce point de vue, il devait bien avouer que la sénatrice d'Ondéron avait touché un point sensible.

«Troisième et dernière réponse, maintenant : le cas du ministre Rejliidic. Comme promis, je ne parlerai pas en mon nom propre, mais en tant que représentant du gouvernement. Inutile de se voiler la face : tout sénateur connaît mon point de vue à ce sujet, étant donné que c'est moi qui ai désiré le procès dont vous parlez. Aux côtés du sénateur Rannis ici présent, j'ai œuvré contre la dictature provisoire que le ministre Rejliidic faisait planer sur notre belle République.»

Sur ces mots, il adressa un regard entendu à Bail Rannis qui, sous le faisceau de toutes les holocam, hocha ostensiblement la tête pour appuyer les dires du Vice-Chancelier.

«Bref, si l'affaire ne tenait qu'à moi, nous n'en serions pas là. Mais comme ce n'est pas le cas...»

Face à la critique lancée par la sénatrice, Janos n'était pas à court de mots. Il savait comment la contrer sans trahir ses propres inimitiés avec Rejliidic : attaquer la recevabilité de ces propositions d'un point de vue légal. Oui, brandir l'arme la plus efficace de toutes : la loi.

«En tant que Vice-Chancelier, vous savez très probablement que je suis tenu de vérifier la recevabilité d'une proposition de loi, au cas où elle ne ferait pas doublon ou ne rentrerait pas en contradiction avec une loi déjà existante. Mettons donc cette future fonction à l'épreuve, et imaginons que vous n'ayez pas Lord Janos face à vous mais les lois républicaine. Que vous auraient-elles répondu ?»

Pour une rare fois, il improvisait totalement. Il avait lu, assez récemment, entre deux meetings, un ouvrage sur la rhétorique des temps anciens, et avait découvert ce procédé qu'il ne connaissait pas mais qui lui avait beaucoup plu : la prosopopée, faire parler les lois d'un système dans une cause que l'on a à cœur de défendre. En l'occurrence, le recours à cette prosopopée permettait à Janos de se désengager face à Rejliidic - puisque c'étaient les lois qui parlaient, et non lui - tout en se faisant passer pour la loi elle-même... Rien de mieux, en somme.

«Eh bien ! C'est très simple !», reprit-il avec plus de force. «Les lois vous auraient répondu que vous avez le droit d'exprimer votre mécontentement. Vous avez le droit de contester la nomination du Ministre Rejliidic. Mais votre droit s'arrête ici. Au delà, vous risquez de les outrepasser, ces lois, et ce sera vous que l'on mettra au tribunal. Je vous invite à jeter un petit coup d'œil à la Constitution, sénatrice : ce n'est pas la lecture la plus plaisante qui soit, mais il faut avouer qu'elle peut être utile, parfois... En particulier, l'article 21 - Titre III, pour être précis - stipule que c'est le Chancelier Suprême de la République Galactique qui élit et révoque les ministres composant son gouvernement. Quant aux sénateurs, ils sont autorisés à donner leur avis, mais la chose s'arrête là : ce n'est qu'un avis consultatif, et ils n'ont aucun pouvoir en la matière. Bref, lorsque vous demandez la démission du ministre Rejliidic, vous vous comportez comme un aveugle qui réclamerait le droit de recouvrer la vue : il peut réclamer la vue autant qu'il le voudra ; mais il demeurera tout de même aveugle. Entendez-moi bien. Je ne prétends pas que le ministre Rejliidic n'est pas coupable ; je vous dis juste que, légalement, il n'est pas encore reconnu coupable. Par conséquent, il est autorisé à exercer sa fonction. 

Mais procédons à une petite relecture de la Constitution, voulez-vous ? Il semble que vous en ayez oublié les grandes lignes... Je pense en particulier au Titre II, Article 16, deuxième alinéa : 
"Un sénateur ne peut à aucun moment faire l’objet de poursuites judiciaires ou disciplinaires, ni voir sa responsabilité mise en cause d’une quelconque façon hors du Sénat, en raison d’un vote émis ou d’une déclaration faite par lui au Sénat ou dans l’une de ses commissions. Cette disposition ne s’applique pas aux injures diffamatoires."
Plus intéressant encore : troisième alinéa du même article...
"Pour un acte passible d’une sanction, un sénateur ne peut voir sa responsabilité mise en cause ou être arrêté qu’avec l’agrément du Sénat, à moins qu’il n’ait été arrêté en flagrant délit ou le lendemain du jour où il a commis cet acte."


Comme d'habitude, Janos avait utilisé la mémoire de son corps artificiel pour citer la Constitution à la lettre. Ce procédé, il en avait usé et abusé, mais il le trouvait toujours terriblement efficace : en s'abritant derrière le visage impassible de la loi, son discours se parait d'une objectivité méthodique et incontestable.

«Au cas où vous ne seriez pas au courant, sénatrice Kira, une commission sénatoriale a été saisie depuis quelque temps déjà, afin de juger s'il est légitime ou non de lever l'immunité du ministre Rejliidic. Mais faute de preuve tangible, la procédure s'éternise, et nous ne sommes pas encore parvenus à trancher s'il y a bel et bien haute trahison, comme vous l'avez énoncé dans votre précipitation. Par conséquent, d'un point de vue strictement juridique, le casier judiciaire de notre collègue est vierge comme une feuille blanche, et tout le temps qu'il sera vierge, Ragda Rejliidic demeurera inattaquable.»

C.Q.F.D. Le Vice-Chancelier voyait mal comment la souveraine d'Ondéron pourrait lui rétorquer quoi que ce fût. Rien de tel qu'un syllogisme juridique pour offrir à la politique la rigueur imparable d'un algorithme.

«Bien entendu, si la situation était amenée à évoluer, le gouvernement prendra les dispositions adéquates... »

À cet instant, le Lord eut une idée diabolique... Il savait pertinemment que la sénatrice Kira tenterait d'élever la voix contre la sienne. Or, il était l'Orateur Sénatorial : c'était lui qui accordait la parole à qui il le désirait, dans l'intention de maintenir l'ordre au sein de la Rotonde. Pour bâillonner toute opposition, il n'avait qu'à autoriser une délégation sénatoriale quelconque à s'exprimer ; et la représentante d'Ondéron n'aurait qu'à se taire... ou parler sans autorisation.

«Mais fermons le débat ici, avant qu'il ne dégénère : beaucoup de sénateurs tiennent à s'exprimer, eux aussi. La Présidence offre donc la parole à...»

Il s'arrêta deux secondes. Si elle le désirait, Emalia Kira pouvait encore l'interrompre, mais à ses risques et périls : dans ce cas, elle risquait de passer pour une politicienne un petit peu trop impétueuse. La témérité de la parole ou la résignation du silence : tel est le choix que Janos lui laissait.
Emalia Kira
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Les cris qui avaient été éclatés ne parurent parvenir aux oreilles de la souveraine qu'après de longues secondes pendant lesquelles elle avait toisé froidement l'Orateur. Elle réprima un frisson, provoqué par l'émotion : n'était-ce pas une forme de victoire que de faire se soulever le Sénat avec tant d'intensité ? Une victoire bien pâle aux côtés de la Chancellerie, certes, mais toute revanche était désormais bonne à prendre.
La souveraine savoura tout particulièrement les efforts que dut faire son adversaire pour imposer le silence dans l'assemblée. Il y parvint malgré tout, car tous étaient intéressés par la réponse qu'allait formuler Côme Janos. D'aucuns savaient qu'il n'était pas très prompt à défendre Rejliidic, d'ordinaire...

Cela gâcha quelque peu son plaisir que Janos précise parler au nom de son nouveau supérieur. Qu'il était facile de se dissimuler derrière l'opinion et les justifications des autres ! L'Orateur faisait preuve de tellement de prudence... Maintenant qu'elle savait à quels jeux il jouait dans ce monde, elle comprenait pourquoi. Au moindre mot de travers, qui trahirait-il après avoir trahie Emalia Kira, la naïve nouvelle arrivée au Sénat ?

Elle emmagasinait les réponses qu'elle souhaitait faire à l'Orateur, les mémorisait soigneusement pour pouvoir répondre elle aussi, point par point. Il aurait été mal vu de couper l'éminent personnage qu'il était devenu... Grâce à elle. Que s'était-il passé dans la Rotonde pendant le débat entre Valerion et elle ? En avait-il profité pour la dénigrer et assurer la victoire de son parti, ou bien avait-il eu le même comportement prudent ? Elle n'aurait le temps de visionner ce qui s'était passé que lorsque la séance de ce soir serait terminée... Ce qui ne serait pas le cas avant de bonnes minutes, car elle comptait bien profiter de ces instants pour que l'on se souvienne d'elle comme une opposante puissante face au gouvernement. Afin que tous ceux qui seraient un jour déçus par Scalia se souviennent d'elle. Peut-être alors viendraient-ils à elle et s'allier...

Le discours de réponse de Côme Janos fut particulièrement agaçant. Il se moquait d'elle, purement et simplement. S'ils avaient été seuls, elle l'aurait giflé ! Condescendance, insultes... Qu'il y aille, songeait-elle avec fureur. Qu'il continue à se desservir en se pavanant du haut de son piédestal. Cela ne contribuera qu'à augmenter le fossé entre le gouvernement et le reste du Sénat !

Lorsqu'il eut fini, Emalia se sentit prise au piège. Bien sûr, invoquer la limite de temps pour l'obliger à se dégager. Mais si elle se taisait maintenant, alors il aurait eu le dernier mot. Il aurait vaincu une seconde fois, et cela, elle était incapable de l'accepter. Alors que Shoey allait appuyer sur la commande de la nacelle pour rebrousser chemin, Emalia l'arrêta d'un signe discret.

- Et c'est aussi mon droit de vous répondre,
fit-elle froidement. A vous entendre, je devrais presque m'excuser de l'exercer !

Elle fulminait.

- Je fonde mes accusations sur ce que je sais de ces nouveaux Ministres, Orateur sénatorial. Je ne fais que formuler tout haut les craintes de bien d'autres, et vous le savez fort bien. Leurs bords politiques ne m'interpellent pas, au contraire. Ce sont les tentatives séparatistes et les liens avec l'Empire que vous prétendez repousser qui m'intriguent. Il y a tout un monde entre être plus libéral que son voisin et désirer le voir sortir de la République ou risquer de l'offrir en pâture à l'Empire.


Voilà pour la réponse au ton professorale de l'Orateur. Croyait-il lui apprendre comment Scalia avait fait pour obtenir la Chancellerie ? Il avait léché toutes les bottes, voilà ce qu'il avait fait ! Emalia sentait le sang affluer dans ses joues, tout particulièrement en se rappellant de la petite attaque sarcastique qu'il avait eu à son encontre.

- Vous savez très bien que ce n'est pas la démocratie que j'attaque, et que c'est grâce même à cette démocratie que je m'exprime ce soir, alors qu'il en est encore temps,
expliqua-t-elle en détachant bien ses mots pour maîtriser ses émotions.

Elle ne voulait pas paraître trop insultante envers le traître. Il ne fallait pas qu'elle paraisse hystérique, se répétait-elle en boucle. Pour garder sa crédibilité, elle devait conserver son calme. Tout en étant ferme.

- Si vous parlez vous-même de menace impériale, poursuivit-elle, si comme moi vous considérez réellement qu'il y a de quoi s'inquiéter, alors vous devriez comprendre ma position, Orateur sénatorial.

D'où lui venait cet espoir stupide qu'il pouvait lui concéder qu'elle avait raison sur ce point ? Ne serait-ce que pour éviter de la ridiculiser ?

- Allons, nous en avons déjà discuté, vous et moi. Vous m'avez avoué personnellement que Ion Keyiën et Ragda Rejliidic se contentaient, pour vous citer, de représenter les intérêts de leur peuple, pour brosser les électeurs dans le sens du poil...

Elle laissa retomber ses mots dans le silence gêné de l'Assemblée. Certes, elle avait parlé un peu vite, puisqu'initialement elle ne souhaitait pas évoquer leur entrevue privée survenue quelques mois auparavant. Mais au ton condescendant qu'il avait pris avec elle devant tous, elle n'avait pas pu s'empêcher. Sous le prétexte de raisonner l'Orateur, elle menaçait donc d'évoquer ce petit fait historique dérangeant. Elle le garderait peut-être pour plus tard, pour la presse. Ou pas. L'évoquer lui coûterait à elle aussi, puisqu'il s'agirait de révéler qu'elle avait été aussi naïve et inexpérimentée que ses ennemis le laissaient entendre.

- Quant au sénateur Keyiën, je ne l'ai jamais entendu se repentir, veuillez m'excuser, ajouta-t-elle sur un ton acide. Revenez à la raison, Orateur. Je suis certaine que vous êtes conscient du risque que prend la République à propos du Sénateur Rejliidic. Présumé innocent, certainement, mais la prudence n'est-elle pas de mise ? Si votre ministre de l'Economie est de mèche avec l'Empire, cela signifie qu'il pourra lui transmettre des informations cruciales à propos de notre gouvernement. Qui sait vers quelles dérives nous courons tous, au nom de la présomption d'innocence !

Elle parut scandalisée. Elle l'était réellement. Moins à cause de la possible trahison du Hutt que pour le fait qu'une larve aussi insultante envers elle ait aussi facilement conservé son pouvoir.
La souveraine soupira, et afficha sur son visage une consternation abattue.

- Et voilà, en plus, que je vous entends m'insulter. Voilà la ligne de conduite du gouvernement à l'égard de ceux qui ont des objections... C'est tout à fait en osmose avec ce que je viens de vivre en face à face avec notre nouveau Chancelier. Quels droits aura l'opposition, sinon de se faire traitre d'étroits d'esprit et d'anti-démocrate ? Je vous demande des réponses pour avoir confiance en ce gouvernement, Sénateur oratorial. Je ne vous insulte pas personnellement, comme vous le faites, en soulevant mes craintes... Craintes qui sont, j'en suis certaine, partagées par bien de mes consœurs et mes confrères.

Elle espérait souligner ici l'aggressivité des réponses de l'ex-Sénateur d'Aargau.Tout en sachant que c'était cette même aggressivité qui l'avait fait remporter la Chancellerie, elle voulait montrer au Sénat tout entier la conséquence de son vote...

- Quant à la Constitution, Vice-Chancelier, sachez que le titre III, articles 29 et 30, prévoit la possibilité de faire démissionner le gouvernement en cas de motion de censure qui obtiendrait la majorité au Sénat. Je ne souhaite pas en arriver là, bien entendu, car je respecte le choix qu'il a fait ce soir. Mais vous feriez aussi bien de respecter ses inquiétudes et de lui fournir de vraies réponses plutôt que des insultes... Car nous avons de quoi nous défendre, ne l'oubliez pas...

Exaspérée, Emalia afficha malgré tout un sourire carnassier. Enfin, elle soupira. Il était temps de laisser place aux autres.

- Sachez donc que je poursuivrai avec intérêt les suites de ma contestation, Orateur Sénatorial. Je suis sure que vous n'êtes ni sourd, ni idiot, et que vous saurez donner des gages de confiance appropriés... J'y veillerai, en tout cas,
déclara-t-elle en guise de conclusion, un brin sarcastique.

Sur une pression du doigt de Shoey sur le tableau de commandes, la nacelle d'Ondéron recula en silence, pour laisser, cette fois, place à un autre intervenant.
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Lord Janos fut passablement déçu par la réponse de la sénatrice Kira. Il s'attendait à plus intelligent de sa part, plus subtil, plus technique. La combativité du politicien lui faisait aimer les adversaires de taille, et bien qu'il peinât à se l'avouer, il avait toujours tiré un certain plaisir à repousser les attaques d'un Rejliidic, par amour pour la pure confrontation, peut-être. Mais cette fois, non, la souveraine et représentante d'Ondéron n'avait rien apporté au débat. Lui, il l'avait attaqué sur le versant législatif, en se posant comme un bureaucrate consciencieux. Elle, elle s'était contentée de brandir le drapeau de la politicienne indignée, frustrée et opprimée, ce qui rendait son propos presque hors-sujet ; tout au moins, sa seconde intervention n'ajoutait rien à la première. Quant à sa réfutation... l'idée-même d'une motion de censure, dans les circonstances présentes, paraissait totalement... ridicule.

«Ce serait une première, dans l'histoire de la République, que le Sénat parvienne à tomber d'accord sur une motion de censure au tout début d'un mandat. Relisez les annales de notre régime : jamais une décision aussi extrême n'a été prise avant au moins trois ans ; et la plupart du temps, ce type de vote intervient lors d'un second mandat. Je rappellerai tout de même une chose : l'article dont vous parlez, sénatrice Kira, stipule que deux tiers des sénateurs doivent être présents dans l'assemblée au moment du vote, et qu'il faut encore récolter l'assentiment de deux tiers des votants pour faire évincer un Chancelier. Il n'est déjà pas facile, comme on l'a vu ce soir, de rassembler la majorité absolue, mais alors deux tiers... Exiger une motion de censure maintenant, ou même dans quelques mois, serait un véritable suicide politique pour vous et pour vos alliés, sénatrice.»

Cette fois, Janos n'avait pas employé son ton sarcastique, mais s'était contenté d'exposer de simples faits, à la manière d'un pédagogue qui prodigue ses conseils à un disciple. Bien sûr, cette posture participait elle aussi de l'infantilisation dont il cherchait à affubler la représentante d'Ondéron.

«Pour en revenir à vos attaques, si vous estimez qu'un présumé coupable n'est pas digne d'exercer ses fonctions, je vous conseille dès maintenant de vous retirer de la politique, et d'aller fonder une utopie sur une planète coupée de la Galaxie. Tout politicien doit prendre parfois des risques, se heurter à des situations qu'il n'a pas désirées, et il ne manque jamais de détracteurs pour le faire passer pour un traître, pour un criminel, ou que sais-je ! Nous sommes tous des funambulistes, et à mesure que nos prérogatives grandissent, nous risquons toujours plus de paraître hors-la-loi aux yeux de ceux qui veulent nous faire chuter. Tout particulièrement dans les affaires diplomatiques, d'ailleurs. Vous devez avoir une bien piètre connaissance de la politique, pour ne pas connaître une règle aussi basique.

Vous me parlez de Rejliidic. Mais moi-même, je me suis retrouvé nez à nez avec la Dame Noire, lors des attentats de Flydon Maxima. Pas d'enregistrement fiable. Rien qui puisse déterminer ce que nous avons dit, ce jour-là. Eh bien. Allez-y ! Vous pouvez laisser votre imaginaire s'emballer - et certains sénateurs ci-présents ne se sont pas retenus, d'ailleurs. Eh quoi ? Parce que j'ai passé une vingtaine de minutes en compagnie de la Dame Noire, vous allez une fois de plus inculper le gouvernement sous prétexte qu'il abrite des traîtres ? Tant que vous y êtes, pourquoi ne pas en profiter et me faire passer pour un membre du Conseil des Siths, après tout ? Soyons un peu vraisemblables, un peu raisonnables, que diable. Ce que je veux dire par là, c'est que vous faites preuve de précipitation dans vos jugements. Vous accusez le gouvernement sur des présomptions, des suppositions, des spéculations. Cependant, on ne fait de la politique avec des spéculations, sénatrice Kira, mais avec des réalités et avec des lois.»


Voilà qui était dit. Maintenant, puisque la représentante d'Ondéron désirait céder la parole à d'autres sénateurs, l'Orateur en fit comme elle l'avait souhaité. La Présidence accorda donc la possibilité de s'exprimer au reste de la Rotonde. Mais là aussi, Janos fut assez déçu par les cinq interventions qu'il entendit. Avec un autisme assez inquiétant pour la vitalité des débats politiques, les représentants exprimèrent égoïstement leurs petites opinions, deux en faveur de Scalia et trois en faveur de Kira, ne se plaçant que du minable point de vue de leurs planètes d'origine : à aucun moment il ne fut question de la République dans son ensemble ; il ne fut même pas question des propos tenus par la souveraine d'Ondéron. Bref, aucun échange ne se fit, aucune querelle n'éclata, et le Sénat exhiba une fois de plus son stupéfiant nombrilisme.

Janos adressa un coup d'œil agacé à la liste des délégations sénatoriales qui réclamaient la parole, à l'affût d'un politicien plus véhément qui pourrait relancer un semblant de discussion, quand son regard se heurta à une demande en particulier : Aargau. Sur le moment, il crut avoir affaire à une mauvaise plaisanterie, mais dès qu'il tourna la tête vers la nacelle de se propre délégation, un visage lui apparut, et il comprit. Lars Shadley, son suppléant - par conséquent, le nouveau sénateur d'Aargau -, désirait s'exprimer en public. Le Lord attendit que l'intervention du moment prît fin, pour décider, mi-amusé, mi-intrigué, de laisser son acolyte faire ses premiers pas dans la Rotonde.

«Et maintenant, la Présidence accorde la parole à Lars Shadley, suppléant de la délégation sénatoriale d'Aargau.»

La nacelle, cette nacelle où le Lord avait officié toutes ces années, se déporta hors de l'Assemblée et vint planer tranquillement dans les airs sous le regard de tous et de toutes. On sentait dans l'ambiance générale que cette situation pour le peu incongrue venait de réveiller l'attention et d'attiser la curiosité des sénateurs. Shadley profita un court instant de l'effet qu'il venait de produire avant de prendre la parole :

«Sénateurs, sénatrices. Contrairement à mes prédécesseurs, je vais recentrer le débat sur les accusations portées par Emalia Kira. Nous avons tous compris son petit stratagème. Franchement, inutile de s'illusionner. Ce soir, Emalia Kira désire passer pour la leader d'une nouvelle opposition. Ceux qui ne l'auraient pas compris sont encore plus naïfs qu'elle.»

Janos hocha la tête comme pour donner son assentiment à son ancien suppléant et futur successeur. Ce Shadley avait une manière assez directe de formuler les choses, mais il fallait bien lui reconnaître une grande clarté et une certaine acuité.

«Je m'adresse à l'opposition qui compte peut-être se former derrière Emalia Kira. Je ne vous demande qu'une chose, une seule. Prenez quelques instants pour réfléchir, messieurs-dames. Vous avez espoir, vous, en cette sénatrice ? Vous avez sérieusement espoir ? Parce que moi, à votre place, je serais un peu contrarié, tout de même. Si j'étais opposé à notre nouveau gouvernement, je souhaiterais disposer d'une opposition plus forte. Ou tout au moins, plus familiarisée aux règles de la politique. Je le dis, et je le répète : réfléchissez bien... Dites-vous tout de même qu'Emalia Kira était persuadée d'avoir à ses côtés, comme ministres, certains membres du gouvernement actuel. Et en particulier, notre présent Orateur sénatorial au titre de ministre de l'industrie. Hilarant, pas vrai ?»

Mais... À quoi jouait-il, ce fou ? Ridiculiser la sénatrice d'Ondéron, certes. Mais pas aux dépens du Lord lui-même, enfin ! Évidemment, une telle déclaration ne manqua pas de susciter une foule de réactions. Les regards se tournèrent tour à tour vers Janos et vers Kira. Certes, une bonne partie de l'Assemblée connaissait, du moins en partie, l'enjeu de toutes ces tractations, mais de là à les dévoiler ainsi, au grand jour, dans tout ce qu'elles avaient de minable et d'opportuniste, non ! À quoi diable jouait Shadley ?

«Nous sommes tous habitués à faire des compromis, à faire preuve de duplicité. Tous ! Allez, soyez honnêtes ! J'invite tous ceux qui voudraient blâmer Lord Janos à interroger leur propre conscience. Qui, parmi vous, est vraiment innocent ? Vous êtes tous passés par là. Vous avez tous dû mentir pour avoir l'honneur de siéger dans cette assemblée. Tous, absolument tous !»

Cette accusation générale refroidit d'un coup les fureurs de la Rotonde. Y compris celle de Janos, d'ailleurs, qui se demanda où Shadley voulait en venir. Le Lord commençait à saisir sa stratégie, mais il n'était pas sûr d'y adhérer tête baissée. C'était... habile, mais... risqué, très risqué.

«D'un côté, nous sommes tous une sacrée bande d'hypoctrites, pas vrai ? Nous connaissons tous les règles de notre échiquier politique. Nous en inventons sans cesse de nouvelles. Ces coups bas font partie de notre quotidien. D'ailleurs, sommes-nous pour autant critiquables ? Nous avons tous des idéaux, et nous déployons tous les moyens possibles pour que ces idéaux trouvent une place dans la République. La fin justifie les moyens, tant que ces moyens ne sont pas illégaux et irrespectueux du droit. Dans un monde meilleur, vous me direz... Oui, dans un monde meilleur... Mais ce monde-là n'est pas le nôtre. Lord Janos parlait tout à l'heure d'utopie : et il avait raison. Emalia Kira se comporte comme une utopiste qui n'a ni le sens des réalités, ni la capacité de faire face à ces mêmes réalités.

Vous allez donc me demander : qui faut-il critiquer, dans cette affaire ? Lord Janos, pour avoir dupé Emalia Kira ? Ou Emalia Kira, pour s'être laissée duper par Lord Janos ? La réponse est simple, quand on est pragmatique. Ce soir, le sénateur d'Aargau nous a montré à quel point il est un homme compétent. Nous ne pouvons que nous réjouir d'avoir une telle personne au pouvoir : nous sommes assurés que dans un conflit diplomatique, dans un débat au Conseil des Ministres, ou dans toute autre position aussi complexe, il aura toute l'ingéniosité nécessaire pour faire face à la situation. Emalia Kira, quant à elle, nous a prouvé qu'elle peut se laisser avoir comme une gamine de sept ans, et je me demande même s'il ne faudrait pas laisser sa délégation sénatoriale aux mains de sa propre fille : après tout, la princesse Milésya aura fait ses preuve mieux que sa mère...»


Évidente allusion à l'intervention de la jeune demoiselle, lors d'une session du Sénat. Janos approuva le reste du discours, quelque peu flatté. Oui, bien joué, parfaitement formulé, mais il fallait désormais attendre les réactions d'autrui, et peut-être les craindre...

«Mais je m'arrête ici. Vous avez le fond de ma pensée. Faites-en bon usage, surtout.»

Franc, net, direct, efficace. Du Shadley à l'état pur.

Face à cette déclaration véhémente, l'assemblée demeura circonspecte quelques instants. L'Orateur sénatorial profita de ce silence soudain pour récupérer la parole.

«Respectueux de la liberté d'expression, j'estime qu'une attaque aussi frontale mérite que le parti agressé se défende. La Présidence accorde donc de nouveau la parole à Emalia Kira, représentante de la délégation sénatoriale d'Ondéron, si celle-ci désire s'exprimer.»

En réagissant ainsi, Janos y remportait un double gain : d'une part, il faisait montre d'une certaine impartialité dans un débat où il était on-ne-pouvait-plus impliqué, et honorait sa fonction comme il se devait ; d'autre part, il laissait sous-entendre que la sénatrice Kira exagérait quand elle l'avait accusé de bâillonner l'opposition. Restait désormais à voir si celle-ci saurait se défendre avec tact contre les attaques de Shadley : c'était quitte ou double...
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La défaite aux élections semblait avoir donné à la sénatrice Emalia Kira un tout nouveau cheval de bataille et cet élan contre l'instabilité, mais surtout la corruption du gouvernement nouvellement établi, n'était clairement pas au goût du tout nouveau vice chancelier !

Celui-ci avait il bien fait de riposter avec une telle virulence aux propos de la reine d'Ondéron ? Cela n'offrait il pas à la jeune femme une légitimé dont elle n'avait pas besoin aux yeux des sénateurs déjà prêt à se lancer dans une bataille rangée ? C'était sans l'ombre d'un doute le premier accrochage sérieux que le nouveau gouvernement se devait d’affronter et le Vice chancelier se montra ferme, peut être un peu trop même, cherchant à tourner en ridicule l'ancienne candidate !

Était-ce la bonne idée ? Certains vous dirons que oui, d'autre que non et que cela n'a fait que renforcer ses exigences, c'est la beauté de la politique !



Emalia Kira et Lord Janos remportent leur joute verbale !
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Bien sûr, le goût amer de la défaite subsistait dans la bouche de la souveraine. Derrière elle, Shoey restait silencieuse, n’osant perturber Emalia qui contemplait l’espace vide droit devant elle. Elle avait dit ce qu’elle avait à dire, se persuadait-elle, c’était le plus important. Oh, elle savait combien on allait se moquait d’elle. Mais les Sénateurs du camp de Scalia l’avaient déjà critiquée tant avant ce soir que cela ne changerait pas grand-chose pour elle. Mais le sentiment d’insatisfaction subsistait, car on allait lui laisser la parole, à lui, pendant quatre années. A ce traître à qui on attribuerait toute crédibilité d’un bout à l’autre de la galaxie. N’était-ce pas injuste, alors qu’elle avait expérimenté à ses dépens toute la fourberie dont il était capable ? Scalia, au moins, avait gagné une bataille d’une manière qui lui paraissait un peu plus fairplay. Mais ce Janos… Elle l’aurait à l’œil, désormais.

Il avait bien sûr repris son ton professoral pour lui faire la leçon. Il ne manquait pas de toupet. La condescendance dont il faisait preuve à son égard lui sortait par les yeux. De quel droit pouvait-il s’adresser à elle ainsi ? Mais le nez pointé haut devant elle, Emalia gardait sa posture fière et droite. Elle ne répondrait pas aux explications loufoques et prétentieuses, elle n’en avait de toute manière plus la possibilité. Elle se contenta de se renfrogner intérieurement, écoutant d’une oreille distraite les interventions suivantes.
Sa satisfaction d’entendre quelques Sénateurs se ranger de son côté fut bien vite balayée par leur argumentaire partial et leur manque évident d’ambition au-delà de l’intérêt de leur petite planète. Le soutien de tels personnages rapportait-il du poids à la Sénatrice Kira ou bien au contraire, défiait plus encore sa crédibilité ? Elle ne savait le dire. Il ne lui restait plus qu’à espérer que la majorité soit plus sensée. Mais on ne pouvait jamais compter sur la majorité, tout le monde le savait…

Et puis, brusquement, Emalia tourna son visage vers le suppléant de Janos, représentant la planète Aargau. Bien sûr, elle s’attendait à ce qu’il soit dans la droite ligne de son parti. Mais ce qu’il jeta aux visages des Sénateurs étaient particulièrement gênant : il dévoilait le piège de Janos tendu à la Reine d’Ondéron. Intérieurement, La souveraine pesta : il avait abattu sa carte, celle qu’elle réservait pour plus tard, car elle pouvait toujours être utile. Mais pourquoi ? Cet imbécile balançait cela sans même espoir de gain. C’était du gaspillage. Et il osait se moquer de sa stratégie ? Mais elle en avait une, elle, au moins !

Ce qui suivit ressembla à une flopée de moqueries. Etait-ce devenu un sport galactique de l’insulter et de la faire passer pour une idiote ? Emalia savait que le Sénat était une fosse à sarlaccs, mais tout de même ! Serrant les dents pour ne pas céder à une démonstration plus évidente de colère, la souveraine martela le bouton sur le panneau de commande de la navette pour demander la parole. Elle aurait dû partir à la fin de sa dernière réplique pour être débarrassée de ce stupide manège ! Maintenant qu’elle avait été attaquée si directement, ne pas répondre aurait été perçu comme une faiblesse par la Rotonde.

Heureusement, le discours du Sénateur d’Aargau se termina bien vite et il fut suivi d’un confus mélange de murmures et de cris. Certains ne savaient visiblement comment réagir. L’Orateur Sénatorial, qui plus était, lui rendait la parole – quel acte de bonté venant de lui ! A quel point se délectait-il du pouvoir qu’il avait maintenant sur elle ? Elle l’insulta intérieurement tandis que s’élevait sa navette et que les voix se taisaient. Elle aperçut des sourires narquois et des regards graves, et tâcha de ne pas se laisser influencer par l’inquiétude qu’ils pouvaient lui inspirer. Elle respira une longue bouffée d’air avant de prendre la parole.

- Sénateur Shadley… commença-t-elle avec une voix plus calme qu’elle-même ne s’y était attendue. Je vous félicite pour votre… « promotion ». Il va de soi que vous êtes un esprit brillant pour tenir ce poste qui est maintenant le vôtre, puisque vous avez réussi, oui, à identifier un des nouveaux leaders de l’opposition de ce gouvernement. J’ai été la première à m’élever ce soir contre celui-ci, et je pense que vous êtes le seul à avoir pensé ce soir que ma position était dissimulée. En réalité, je pense que l’ensemble de la Rotonde a compris l’ambition qui est la mienne.

Elle avait pris un ton vaguement sarcastique qui ne souffrait toutefois d’aucun sourire ni d’aucune trace d’émotion. Sa colère, pourtant, était là, sourde, et guidait froidement ses paroles.

- « Hilarant » n’est pas exactement le terme que j’aurais employé pour décrire le tour que m’a joué le nouvel Orateur Sénatorial, reprit-elle en ne quittant pas des yeux le jeune Sénateur Shadley. L’aurais-je raconté moi-même ici ce soir, personne n’aurait cru qu’en effet, Lord Côme Janos m’avait promis son soutien et son aide en usant des dissensions de son parti. Mais puisque vous le dévoilez vous-même, le doute au moins ne sera plus permis…


De nouveaux murmures indignés s’élevèrent. En réalité, Emalia n’avait aucun moyen de savoir si cette histoire qui paraissait désormais absurde allait paraître crédible à la Rotonde. Ce qui était certain, c’était que tout le monde savait désormais que le nouveau Sénateur d’Aargau avait fait une bourde… ou bien une erreur de taille, selon où l’on se positionnait. Et cela même était une opportunité pour Emalia de s’affirmer dans le grief que Côme Janos lui avait fait.

- Oui, j’y ai cru, déclara-t-elle sobrement. J’ai été naïve, car je ne suis pas du même monde que certains de ces sénateurs ici présents. Personnellement, non, je ne défends pas ce genre de pratiques déloyales. Et je ne suis pas sûre que nous soyons tous, ici présents, les auteurs de ce genre de magouille, Sénateur Shadley. Je ne vous félicite pas de la fierté avec laquelle vous revendiquez le mérite de votre accès à votre poste de Sénateur d’Aargau, par conséquent…

Elle s’interrompit, à la recherche des mots précis qui lui permettraient de clore ce débat stérile une bonne fois pour toutes… Mais si possible en sa faveur.

- Sénatrices, Sénateurs. Non, pour moi la fin ne justifie pas n’importe quels moyens. Je me suis engagée dans la politique pour défendre ma planète, il est vrai, mais aussi pour rétablir une République plus juste. Les constats que nous pouvons tous faire ce soir sur ce nouveau gouvernement et sur leurs sympathisants m’attristent au plus haut point, car nous nous écartons de manière dramatique d’une République droite et fiable. Si tous les coups bas sont permis et que seule l’ambition personnelle a de l’importance, Mesdames et Messieurs, il ne fait aucun doute que dans ce gouvernement, il y aura des traîtres à la République.

Tout en disant ceci, elle avait regardé autour d’elle pour faire appel à tous les Sénateurs prêts à se ranger de son côté. Pour toucher tous ceux qui hésitaient encore. Finalement, le Sénateur Shadley avait été une chance inouïe…
Enfin, son regard se tourna de nouveau vers ce jeune premier propulsé à la place de Lord Janos… Et ce qu’elle énonça, bien sûr, s’adressait tant à cet homme qu’à celui qui se faisait appeler désormais « Orateur Sénatorial »…

- Je vais vous dire ce qu’il manque au gouvernement que vous soutenez : il y manque des preuves de sincérité et d’honnêteté. Il y manque la parité, qui prouverait que les avancées sociales que Valerion Scalia a promises n’étaient pas que des foutaises. Il y manque l’écoute d’un nouveau gouvernement qui a tout à apprendre des volontés du Sénat, qui va être son partenaire pendant quatre années. Je ne suis peut-être pas la Sénatrice idéale, monsieur, mais mes demandes, elles, sont loin d’être utopistes. Et si le gouvernement les ignore, cela n’augure rien de bon pour nous tous. Cela signifie que nos avis pourront être balayés, ridiculisés par le soutien du gouvernement. Adieu l’esprit critique et les innovations, adieu la diversité et les critiques constructives. Pour ces raisons, mesdames et messieurs… Je nous souhaite à tous bien du courage.

Et elle appuya d'un bref geste sur la commande de la navette pour qu'elle redescendît à sa place. Des huées s'élevèrent, mais les oreilles de la souveraine s'étaient fermées. Elle conservait un visage immobile, de marbre, attendant patiemment d'être en mesure de quitter la Rotonde. Car finalement, le successeur de Lord Janos avait mis un terme à tout échange sensé.
Désormais, seuls les actes des uns et des autres sauveraient la République, sauveraient Artorias ou Ondéron. S'ils avaient cru pouvoir se débarrasser d'elle, ils se méprenaient totalement.

Lorsque la navette s'immobilisa, la Reine tourna les talons brusquement et disparut.
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